Anarchiste ET Maçon 22 mai, 2009
Posté par hiram3330 dans : Bleu,Chaine d'union,Recherches & Reflexions , 2 commentaires
Anarchiste ET Maçon
« Si les maçons anarchistes sont une infime minorité,
la vocation libertaire de la Maçonnerie est indéniable »
Léo Campion
Il n’est pas dans mon propos de démontrer ici la compatibilité de l’Anarchisme et de la Franc-Maçonnerie. D’autres l’ont fait avec force et vigueur, comme, par exemple, Léo Campion, dont nul(le), anarchiste ou maçon, ne met(tra) en doute et son anarchisme et son maçonnisme (A partir du livre de Léo Campion « Le drapeau noir, l’équerre et le compas », j’ai écrit un texte, allant dans ce sens, texte qui se termine par ce questionnement : « La vraie question n’est pas de savoir si anarchisme et Franc-Maçonnerie sont compatibles mais bien : comment, anarchiste, peut-on ne pas être franc-maçon et… réciproquement ?). Non, mon propos, qui est autant une « déclaration » qu’une auto-réflexion, est de répondre à cette question : pourquoi, ayant fait le choix de l’anarchisme à l’âge de 14 ans, ai-je attendu si longtemps (plus de 35 ans) pour, comme on dit, « entrer » en Franc-Maçonnerie ? En fait, la réponse à cette question est celle d’une autre question : que suis-je allé chercher dans la Franc-Maçonnerie que je ne trouvais pas auparavant ?
Un(e) maçon(ne) est un homme-une femme libre dans une loge libre. Si tou(te)s les maçon(ne)s [Je ne parle, bien entendu, pas de ces "maçon(ne)s qui, assimilant la Franc-Maçonnerie à un "club", s'interdisant de parler de politique et de religion et se contentent de faire dans la "bienfaisance" et, accessoirement, dans le symbolisme ritualisé, vidé de tout sens pour ne plus être qu'une sorte de "jeu de société", un spectacle d'ombres chinoises pour ectoplasmes "bien pensant(e)s] se retrouvent librement autour d’un socle de valeurs communes que l’on peut, pour faire simple, appeler « humanisme » dont la formulation la plus lapidaire, la plus claire mais également la plus exhaustive, la plus signifiante est la devise « Liberté – Égalité – Fraternité ».
Dans une même Loge, des « sensibilités », des « cultures », des catégories socioprofessionnelles, des engagements politiques et sociaux, des goûts, des caractères…. différents se côtoient dans la plus totale harmonie, celle de la tolérance ET du respect de l’Autre. En Loge, chacun(e) est écouté(e) et entendu(e) avec intérêt. Tout s’y partage, y compris le doute. Adogmatiques, les maçon(ne)s, dans la Loge comme dans le secret de leur fort intérieur, sont des… chercheurs-euses de « vérités », non au sens de « dogmes » mais de « lumières », l’essentiel étant d’ailleurs non pas vraiment de trouver que de s’assurer que la/sa question est vraiment pertinente même si, pour ce faire, cette pertinence se fait souvent … impertinente, pour ne pas dire « blasphématoire », provocatrice, coup de gueule/cœur…
Dans la sérénité de l’ordonnancement paisible de la circulation de la parole et du… silence, la révolte de chacun(e) – révolte qui préside toujours et, je dirais même, nécessairement, à l’engagement maçonnique – trouve ce havre de paix sans lequel la réflexion ne peut se développer sans courir le risque de tomber dans les ornières du préjugé, de l’erreur, de l’aveuglement, de la (fausse) certitude, de l’ »emportement », de la « prétention », de l’orgueil (quand ce n’est pas de la vanité), de la fatuité, de l’incident, de l’accessoire, de la futilité…, bref, du paraître, de la « représentation », du jeu, du théâtre (qui peut être celui du drame ou de la farce)…
Le travail maçonnique, que l’on fait sur soi d’abord mais aussi, simultanément, sur le monde, c’est-à-dire pour l’Autre ou, plus exactement, pour TOU(TE)S les autres, appelle à une humilité et à une prudence constantes. L’important n’est pas vraiment d’achever la construction (qui pourrait avoir la prétention d’être un(e) démiurge et d’achever cette œuvre de construction qu’est l’humanité de l’individu et, a fortiori, de la société ?) que de bien construire, de s’assurer que chaque pierre posée est solidaire de celles qui ont été posées avant, souvent, pour ne pas dire toujours, par d’autres et qu’elle pourra accueillir avec solidité les pierres à venir.
Ainsi, en fréquentant la Loge, en même temps que je le renforce, je mets – ou, du moins, je bande tous mes efforts pour mettre – mon anarchisme à l’abri de cette dérive toujours constatée d’ériger son choix philosophique, éthique, politique, même qualifié de laïque, en un credo religieux, que cette religion soit celle d’une « église » (le terme étant pris dans son acception générique) ou d’un parti.
Au fur et à mesure des tenues, je suis bien contraint de faire ce constat amer que je trouve plus de tolérance et de respect chez mes sœurs et frères en maçonnerie que chez mes compagnon(ne)s en anarchie tant il est (hélas) vrai que beaucoup parmi ces dernier(e)s érigent l’anarchisme – ou, en fait, ce qu’ils-elles « croâ » être l’anarchisme – en une secte dont l’intolérance n’a d’égal que la suffisance, la vulgarité et, pour tout dire, la… bêtise de l’obscurantisme dans lequel ils-elles se vautrent avec complaisance, cet obscurantisme dont André Nataf disait dans « Les libres penseurs » (Bordas, 1955) qu’il « a besoin de la réunion de deux conditions : la croyance en une vérité révélée et le désir ou la volonté d’imposer cette « vérité », même à ceux qui n’en veulent pas ou à ceux qu’elle laisse indifférents ». Une secte qui, comme toutes les sectes, est vouée à connaître ses dieux, ses saints, ses pontifes, ses pasteurs… mais aussi ses démon(e)s, ses sorcier(e)s, ses anges déchu(e)s, ses hérétiques, ses relaps, ses païen(ne)s, ses mécréant(e)s, ses victimes-offrandes… et ses baptêmes, ses excommunications, son Inquisition, ses bûchers, ses autodafés…
Comme le maçonnique, l’engagement anarchique n’a pas vocation à rester… secret, en particulier dans le for intérieur de la raison et du cœur de celui-celle qui le fait. En s’isolant du monde pour cultiver son jardin, Candide ne peut être ni maçon, ni anarchiste. Je ne puis être anarchiste et maçon que pour autant que j’agis dans et sur le monde, autrement dit avec et pour les-d’autres. Si, humaniste, je ne puis accepter d’avoir quelque exclusive que ce soit dans la reconnaissance et le respect de l’Autre comme humain – comme… ma sœur, mon frère -, en revanche, parce que libre, j’ai… la liberté de choisir celles et ceux avec lesquels j’agis. C’est pourquoi, en matière d’action militante, j’ai décidé de faire désormais miens les propos de l’Atelier Léo Campion du Grand Orient de France, à l’Orient de Grenoble :
« Nous avons complètement rejeté ce langage mou, invertébré, qui appelle un sourd un mal entendant, un aveugle un non voyant et un con un non comprenant.
Nous rejetons ce terrorisme intellectuel et moral que cherchent à nous imposer les politiques, les médias, les publicitaires et autres plésiosaures grabataires liquides ou semi-liquides qui s’attachent à leurs avantages acquis, à leurs passe-droits, à leurs privilèges comme aux temps reculés la vérole s’attachait à … certains d’entre nous.
Notre recherche est progressiste c’est à dire qui ne se confine pas dans le passé, philanthropique : qui aime l’humanité, philosophique : qui aime la sagesse.
Nous avons décidé de vivre et de parler de tout. Nous avons décidé de rire de tout, mais pas avec n’importe qui.
Comme disait déjà notre Frère Léo Campion » Il faut être impitoyable avec les cons, qui n’ont pas de cet organe, la saveur et la profondeur ».
Hauts grades hermétistes de la franc-maçonnerie 18 mai, 2009
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hautsgradesgrandordreegypti.pdf
De Léo Campion 17 mai, 2009
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De Léo Campion,
illustre trente-troisième, anarchiste, mécréant… mais aussi Sérénissime Grand Maître de la Confrérie des Chevaliers du Taste-Fesses, Régent du Collège de Pataphysique, Gran Fécial Consort de l’Ordre de la Grande Gidouille…, fondateur de cette Science d’autant plus fondamental qu’elle traite du fondement de l’humain : la Pygognomonie » du Grec « pugê » – fesse, derrière, croupion… – et « gnôme » – connaissance -, c’est-à-dire « l’étude du caractère et des dispositions des individus d’après la forme, l’aspect et la consistance de leur postérieur
Sonnet pieusement gastronomique
Au cours de nos agapes
Arrosons en gourmets
Les meilleurs de nos mets
De Château-neuf du Pape.
Ce vin du Vatican,
Que chacun s’en souvienne,
Convient surtout quant
Aux nouilles italiennes.
Apportons ici-bas
Tous nos soins à ce plat
En pieux sujets du Pape.
Car quoi donc ne ferait
Et que n’a-t-on fait
Pour les nouilles du pape ?
In Sonnets, in A toutes fins inutiles, poèmes facétieux
***
Ballade civique
T’as pas le sou et t’as faim, mon gars ? c’est légal ;
Mais alors bouffe pas, ce serait illégal.
Tâches de ne pas être vagabond. C’est louche
Un vagabond ; on ne sait pas où ce que ça couche…
Fais du commerce. Deviens gros propriétaires.
Tout le monde ne peut pas être prolétaire ;
Fais-toi plutôt banquier, mon gars, ça c’est légal.
Prends pas la femme d’un autre, c’est illégal ;
L’amour, faut pas croire que c’est toujours légal.
Par ici une femme on peut en avoir qu’une
Et c’est pour toute la vie chacun sa chacune,
L’épouse à son mari, son corps est pas à elle ;
Mais la loi qu’est bête elle n’est pas toujours pareille
Et la polygamie qu’est en France illégale,
Eh ben ! en Afrique française elle est légale.
Zigouiller ton prochain, mon gars, c’est illégal ;
Mais il te faut faire la guerre, c’est légal.
Pourquoi que tu serais un assassin vulgaire
Quand à toi s’offre la carrière militaire ?
Travailles pas à ton compte, en amateur,
Fais-toi professionnel : marin ou aviateur ;
Tu pisseras pas dans la rue, c’est illégal,
Mais ti bombarderas les civils, c’est légal.
Fais des gosses, c’est tout ce qu’y a de légal,
Mais les évite pas, mon gars, c’est illégal ;
Même si tu peux pas leur donner à croûter.
Selon les pays, on peut t’électrocuter,
Te couper le cou, t’envoyer en Sibérie,
Chez les fous, au bagne, aux îles Lipari,
Ou te pendre. T’as le choix. Tout ça, c’est légal.
Mais te promène pas à poils, c’est illégal.
En un mot comme en mille, je te le répète,
Sois un bon citoyen, régulier et honnête,
Paye tes contributions, salue le drapeau,
Quand tu rencontreras un curé, ôtes ton chapeau ;
A part ça, mon gars, du moment que c’est légal,
Sois salaud tant que tu veux, ça leur est égal.
***
Envoi madrigaleux
Je vous veux saluer, madame, mais comment ?
Je pourrais lever mon chapeau, simplement ;
Mais comme vous voyez, je n’en porte jamais.
Je pourrais saluer de manière pratique
En clignant de l’œil comme si je vous aimais ;
Je vous respecte trop ! J’ai pour la politique
Une sainte aversion et ni le bras levé
Ni le poing fermé ne peuvent me convenir.
Je pourrais m’incliner et puis me relever,
Mais je cesserais alors, cruel souvenir,
Pendant un court instant, de voir votre visage,
Votre regard pur et votre boucle angélique ;
Aussi souffrez, madame, que sans plus d’ambages,
Je vous destine un rigide salut phallique.
***
Pensées funèbres
À quoi pensent les braves gens
Qui suivent les enterrements
En affichant avec constance
Une gueule de circonstance ?
Les héritiers, la larme à l’œil,
Pensent à leur part d’héritage.
Les dames qui portent le deuil
Pensent que le noir avantage.
Pour ne pas être pris de court
Celui qui va faire un discours
Vantant du défunt le notoire
Pense à épater l’auditoire.
Pour faire entrer des picaillons
Le curé pense augmenter vite
Le prix du coup de goupillon
Vu la hausse de l’eau bénite.
Le matuvu met tout son art
A avoir assez de retard
Pour qu’on remarque sa présence
Et pense à soigner sa prestance.
L’avare pense à ses écus.
Le cocu pense à ses déboires.
Le noceur pense à un beau cul.
Le croque-mort pense au pourboire.
Les chevaux du corbillard, eux,
Pensent que tout est pour le mieux
Pour eux, chevaux-vapeur tranquilles
D’un corbillard automobile.
Ceux dont le chagrin n’est pas feint
Pleurent comme une vraie greluche
En pensant à leur cher défunt
Qui d’ores et déjà trébuche
Parmi les bonnes intentions
Dont l’enfer est pavé, dit-on.
Quand au mort, la question se pose,
Le mort pense-t-il quelque chose ?
Ce n’est pas lui qui le dira ;
Patience : qui mourra verra…
***
De F.M. Robert Dutertre, maçon du XIXème siècle
Les grenouilles de bénitier et les crapauds de sacristie
Friandes d’eau bénite, auprès des bénitiers,
On entend coasser d’insipides grenouilles
Qui débauchaient jadis, en guignant leurs dépouilles
De jeunes batraciens sous les ombreux sentiers.
Aujourd’hui qu’elles ont une face ridée
Et que tous leurs amours se sont bien refroidis.
Elles n’ont qu’une envie et qu’une seule idée,
C’est d’aller coasser aux lacs du paradis.
Quelques êtres grincheux, jésuites malins,
Sans avoir aucun droit et sans le moindre titre,
Se faufilant partout par leurs airs patelins,
Prétendaient diriger l’évêque et son chapitre.
Or, le bon peuple hait l’œuvre de Loyola,
Mais il veut qu’on respecte et le culte et l’hostie
Et, sachant venimeux tous ces batraciens-là,
Il les a surnommés crapauds de sacristie.
***
De moi-même
La solitude
La solitude, c’est…
Une blessure faite à la vie parce qu’elle est blessure et souffrance d’une vie
Un ici qui est toujours ailleurs, autrement dit nulle part
Un maintenant qui est toujours plus tard, une autre fois, c’est-à-dire jamais
Une prison dans les barreaux sont l’absence de l’autre
Une main désespérément tendue à travers la froidure d’une nuit sans lendemain
Et qui reste tragiquement ballante
Comme un pantin désarticulé
Ou bien
Que l’on retire
De cette étreinte du vide
Broyée, écrasée, meurtrie
Par celles/ceux qui ne s’en étaient saisis
Que pour mieux s’en servir
Et la rejeter leur besoin satisfait
Le silence comme seul écho aux cris que l’on lance
Et qui restent muets
Parce nul mot ne peut dire l’indicible
Une larme qui sèche au coin d’un œil aveuglé de ne plus voir
Une gare fantôme où l’on attend sur un quai vide un train qui ne viendra jamais
Parce qu’il n’est jamais parti
Le mal-être de trouver tant de sens dans la vie
Et de ne plus en trouver
Ou du moins en ressentir
Dans sa propre vie
Une page qui reste blanche parce qu’elle porte le deuil d’une histoire à inventer
Un puits sans fond
Dans lequel on a été jeté
Après avoir été expulsé de la mémoire des autres
Un chemin que l’on suit
En se demandant bien pourquoi
Et cette terrible envie qui colle au ventre
De s’arrêter
Là
Au bord de ce chemin sans fin
Pour regarder passer le temps
Pour s’écouter mourir de ce que l’on ne sait pas/plus être
La solitude c’est encore
Une plage qui n’est pas une plage mais un désert
Puisque la mer s’en est allée vers d’autres rives
Un champ qui n’est que de ruines
Et dont les seules moissons sont ceux de la peine
De l’amertume
De la colère
De la révolte
C’est un drapeau que l’on brandit sur une barricade
Qui n’est pas à défendre
Puisque personne ne veut la prendre
C’est une vie
Qui
Comme une cigarette
Doit être jetée avant la fin
Pour ne pas se brûler les doigts
C’est un cercueil éventré
Jeté aux milieux d’immondices
Et qui reste vide
Lui aussi
Car pour mourir
L’un a encore besoin de l’autre
C’est une vie qui n’est pas la vie
Une mort qui n’est pas la mort
C’est une attente
Attente de la vie
Attente de la mort
C’est l’ivresse des illusions
De ces illusions qui bercent l’intelligence
De la naïveté de croire aux beaux mots que disent les autres
Pour mieux vous abuser
Pour mieux vous détruire
Pour mieux vous anéantir
Pour mieux vous aliéner de votre seule richesse
Votre humaine individualité
Ces mots qui sonnent
Amitié
Loyauté
Amour
Partage
Générosité
Honnêteté
Franchise
Bref tous ces leurres qu’on agitent sous vos yeux
Dans le creux de votre cœur
Pour que la raison endormie
Vous ne soyez même plus victime de qui/que ce soit
N’étant plus
Rien
La solitude c’est aussi
Le rêve qui prend le pas sur le réel
Et qui vous affuble des oripeaux grotesques d’un Don Quichotte
Sans horizon
Ni même le moindre moulin à combattre
Et
Bien sûr
Sans aucune Dulcinée
C’est une vigne qui ne donne plus de vin
Mais du sang
Celui de votre vie
Qui vous fuit
C’est un cœur
Qui ne cesse de battre la démesure d’un temps qui n’en finit pas de s’étirer
C’est un murmure qui hante les couloirs de la mémoire
Un murmure dont on ne sait plus s’il est question ou réponse
Tant
Inlassablement répété
Il n’est plus son
Mais bruit
Bruit d’une fureur
D’une fureur qui n’est pas celle de la vie
Mais de la mort
Cette mort
Que l’on attend
Que l’on guette
Que l’on appelle
Que l’on espère
Que l’on veut souvent précipiter
Puisqu’elle est la seule rencontre
Que l’on puisse faire
Dans
La
SOLITUDE
6 juillet 2001
Sans titre
Le soleil doit sûrement briller dans le ciel d’azur
Pourtant
Je ne le vois pas
Parce que je suis aveugle
Pas vraiment aveugle de cécité
Juste que mes yeux ne voient plus dehors
Mais dedans
Et qu’en moi ils ne voient que le silence et l’obscurité de ce vide infini
Qui est moi
En moi
Comment cela est-il arrivé
Je ne le sais pas vraiment
Ce que je sais seulement c’est qu’un jour
Le bruit et la fureur de la vie ont cessé de parvenir à mes oreilles
Qu’un peu plus tard
J’ai perdu le goût du sel de la vie
Que quelque temps après je n’ai plus senti les caresses du vent sur ma peau
Ainsi
J’ai perdu le sens de mes sens
Parce que j’ai perdu le sens de ma vie
C’est pourquoi
Je peuple le silence et l’obscurité de ce vide qui est en moi
De souvenirs
De souvenirs dont je bois la beauté
Non pas tant pour me rafraîchir
Que pour me nourrir de vie
De cette vie que je n’ai plus
En moi
Toutefois mes efforts restent vains
Comment apaiser cette faim de vie
Quand je n’ai que quelques miettes de beauté à lui donner
Ma vie est donc un vide
Qui
En même temps
Est un plein
Un plein de manque
Et de quelques absences aussi
Le soleil luit sans doute
Mais je ne le vois pas
Je ne vois plus rien d’autre
Que cette apparence de moi
Qui est déjà un non-moi
Un paraître et non plus un être
Celui de la simple survie
3 août 2001
Anamour
Vous que je connais pas
Qui ne me connaissez pas
Qui êtes ici ou ailleurs
D’aujourd’hui
D’hier
Ou de demain
De partout comme de nulle part
De chair et de sang
De mots et de musique
De signes et d’expressions
De joies et de bonheur
Comme de peines et de tristesse
De plaisir parfois
De souffrances souvent
De rires et de pleurs
De mains tendues et toujours
En définitive
Serrées bien fort par d’autres mains
De murmures et de hurlements
Noir(e)s comme votre drapeau qui calque au vent
Et qui fait peur parce qu’il est
Promesse
De révolte contre toutes les injustices
Toutes les inégalités
Toutes les oppressions
Toutes les répressions
Toutes les misères
Filles et fils de la liberté
En ayant toujours à cœur que votre liberté soit toujours et d’abord celle des autres
De courage
Ce courage qui vous fait assumer votre peur
Debout
Toujours debout
Quand tant d’autres se plaisent à se coucher
Du partage
De la solidarité
De la fraternité
Les amant(e)s passionné(e)s
Et passionnant(e)s
De l’humanité
Cette humanité qui est votre seule
Condition
La seule prison
Dans laquelle
Librement
Vous vous êtes enfermé(e)s
Pour résister
Au cannibalisme de l’ordre
De tous les ordres
Et pour laquelle vous êtes prêt(e)s à mourir
Afin que d’autres puissent continuer de vivre
Et de rester humain(e)s
Oui
Vous
Je vous aime
Parce que de vous aimer
Me permet de
M’aimer
13/02/2002
Sans titre
Il pleut
Des rires étranglés
Des sourires désappris
Des joies perdues
Un bonheur exilé de tous les possibles
Des rêves gangrenés du nécessaire réveil
Des sommeils galvaudés dans des lits de fatigue
Des larmes qui sont comme des couteaux plantés dans l’œil
Des jours sans nuit et des nuits sans jour
Du sang giclant de cette plaie béante qui ne se fermera jamais
La naissance
Des lumières obscures sondant le gouffre de la mémoire
Des nuages promenant leur ennui sur les remparts d’un horizon inaccessible
Des étoiles bruissant de tristesse
Des hurlements brisant les chaînes de la raison
Des blessures nées de l’union malheureuse de l’illusion et du mensonge
Des silences lourds de moissons qui ne seront jamais faites
Le poison visqueux d’une histoire sans fin
Des souvenirs transis du froid de la solitude
Une souffrance qui colle à la peau
Il pleut
Des mots
Des mots de révolte
De désespoir
D’amertume
De chagrin
De mélancolie
Il pleut
Des mots
Et
Seul
Je regarde cette pluie de mots
S’évanouir
Inutilement
Dans le désert de ma solitude
10 juillet 2001
Protégé : Trois regards sur le Pavé mosaïque – 1° - 16 mai, 2009
Posté par hiram3330 dans : Bleu,Chaine d'union,Contribution , Saisissez votre mot de passe pour accéder aux commentaires.Protégé : La cérémonie des Lumières lors de la célébration de l’Agneau pascal : Quel(s) enseignement(s) ? – 18° - 14 mai, 2009
Posté par hiram3330 dans : Chaine d'union,Contribution,Rouge , Saisissez votre mot de passe pour accéder aux commentaires.Anarchisme et Franc-Maçonnerie 12 mai, 2009
Posté par hiram3330 dans : Bleu,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaire
Anarchisme et Franc-Maçonnerie
A Roger, mon frère, qui est anarchiste parce que, tout simplement, il s’efforce d’être humain.
V... M...,
Avant de donner lecture de mon travail, permettez-moi, de faire une dédicace et quelques citations :
La dédicace d’abord : je dédie mon travail aux :
« imbéciles, qui, ne sachant rien de la Franc-Maçonnerie,
se permettent d’en parler ».
Ainsi que :
« Aux imbéciles- souvent les mêmes que les précédent(e)s – qui s’imaginent être anarchistes,
parce qu’ils-elles se disent tel(le)s et, ne sachant en définitive pas ce qu’est l’Anarchisme,
s’autorisent à dire qu’il est incompatible avec le Maçonnisme ».
Les citations à présent :
Du F... anarchiste Léo Campion :
« Si les Maçons anarchistes sont une infime minorité, la vocation libertaire de la Maçonnerie est indéniable (…) elle est la seule association à laquelle puisse adhérer celui qui n’adhère à rien ».
Du F... Oscar Wirth ensuite :
« Franc-Maçonnerie, suprême École de la liberté« .
Puis, du F... communard et, peut-être anarchisant, même si cela importe peu de savoir qu’il le fût ou non, Félix Pyat.
« Frères, citoyens de la grande partie universelle, fidèles à nos principes communs : Liberté, Égalité, Fraternité, et plus logique que la Ligue des Droits de Paris, vous, Francs-Maçons, vous faites suivre vos paroles de vos actions. Aussi, après avoir affiché votre manifeste – le manifeste du cœur – sur les murailles de Paris, vous allez maintenant planter votre drapeau d’humanité sur les remparts de notre ville assiégée et bombardée. Vous allez protester ainsi contre les balles homicides et les boulets fratricides, au nom du droit et de la paix universelle ».
Du F... anarchiste René Valfort encore :
« Un milieu comme la Franc-Maçonnerie, dont les principes fondamentaux sont : la tolérance, la fraternité, la liberté de pensée, le respect de la personne humaine, dont l’objet principal est l’éducation des individus et la formation d’une élite, ne peut pas être inutile au progrès de l’Humanité. Et de cela les anarchistes, moins que quiconque, ne doivent douter, vu l’importance qu’ils attachent à l’éducation ».
Et, enfin, un très bref extrait du Dictionnaire universel de la Franc-Maçonnerie :
« L’Anarchisme est la passion de la Liberté mise en théories. Et aussi en pratique lorsque faire se peut ».
*****
Il n’est pas dans mon propos de disserter en raison, c’est-à-dire d’un point de vue philosophique, historique, psychologique sociologique, politique…, sur la compatibilité ou l’incompatibilité de l’Anarchisme et de la Franc-Maçonnerie, d’autres plus compétents que moi, illustres Anarchistes, FF... et/ou… FF... anarchistes l’ayant déjà fait à maintes reprises.
Mon propos est plus modeste, plus humble. Il s’agit seulement d’évoquer les grandes pages de cet histoire d’amour, passionné, passionnel et passionnant , entre l’Anarchisme et la Franc-Maçonnerie, histoire nourrie du vécu de grand acteurs de ces deux mouvements mais, aussi et sans doute surtout, d’individus dont l’anonymat est la marque de leur honnêteté, ce terme étant pris dans son acception du XVIIème siècle.
Anarchisme et Franc-Maçonnerie sont deux courants de pensée et deux mouvements d’action qui s’inscrivent dans l’humanisme, lequel est né avec la premier humain ayant pris conscience de ce qu’il-elle pouvait naître à son humanité s’il-elle en faisait librement le choix.
Dans les deux cas, à l’origine, il y a nécessairement un choix, le choix de s’engager. Les engagements anarchique et maçonnique sont scellés par la liberté : la liberté du choix de l’individu d’abord qui, un jour, décide d’entrer en anarchisme ou en Franc-Maçonnerie – voire, en l’un ET en l’autre – ; la Liberté ensuite, avec un grand « L », constitutive à la fois de l’humaine condition : l’humanité par différenciation d’avec le non-humain, le pré-humain, l’a-humain, l’in-humain, du projet anarchique et maçonnique : la libération des individus et de la Société humaine et, enfin, de la fin anarchiste et maçonnique : l’achèvement de l’humanité, c’est-à-dire l’avènement d’une Société véritablement humaine.
Ayant la même devise – Liberté – Égalité – Fraternité -, Anarchisme et Franc-Maçonnerie n’ont d’autre culte que la Liberté. L’un comme l’autre sont donc sinon anti-dogmatiques, du moins a-dogmatiques. Et pourtant, des anarchistes et des Francs-Maçons, amants déchirés par l’illusion que l’un(e) trompe l’autre (?), font régulièrement dans le dogmatisme et, usant d’ukases, de lettres de cachets, de fatwas, de bulles…, condamnent et… excommunient l’autre sans se rendre compte que, ainsi, ils déchirent, trahissent, renient… leur engagement et, ainsi, piétinent, bafouent, molestent, violentent,… et même… assassinent la Liberté dont ils se réclament : leur liberté mais, aussi et surtout, celle de l’Autre, celle de l’humaine condition.
Je cite un illustre anarchiste et franc-maçon, Léo Campion :
« Aussi est-il regrettable que des anarchistes sectaires excommunient la Franc-Maçonnerie au nom d’un pseudo-dogme de l’Anarchie (comme si l’Anarchie était anti-tout alors quelles est à-tout) et que les Maçons sous-évolués excommunient l’Anarchie au nom d’un pseudo-dogme de la Maçonnerie (comme si la Maçonnerie n’était que tradition, alors qu’elle est tradition, dialogue et progrès). Ces attitudes sont d’autant moins admissibles qu’au contraire l’Anarchie comme la Franc-Maçonnerie, anti-dogmatiques par essence, sont l’une comme l’autre tout le contraire d’un dogme. Elles qui ont en commun le culte de la Liberté et le sens de la Fraternité, avec comme but l’émancipation de l’Homme ».
En fait, s’ils s’entendent sur le point de départ et sur la destination du chemin, Anarchistes et Francs-Maçons, en revanche, ne font pas nécessairement le même choix d’itinéraire, certains des premiers admettant le recours à l’action illégale, certains des seconds n’acceptant que l’action légale. Et cette différence, si elle est bien une ligne de partage de méthodes, n’est pas véritablement une fracture de valeurs, de principes, de philosophie, d’éthique et, in fine, un schisme de l’humanisme.
En effet, la légalité et l’illégalité sont des concepts et des réalités juridiques . Elles sont donc tributaires du Droit en vigueur et, en définitive, de l’Autorité en place qui a le pouvoir d’imposer SON Droit et donc SA conception de ce qui est licite et de ce qui est illicite, notions, elles, éthiques, philosophiques, politiques, voire idéologiques. En la matière, la relativité est donc… la règle : le « ici » et le « maintenant » ne peuvent appeler à aucun… dogmatisme quand on se donne tant soit peu la peine de lire – et comprendre – l’Histoire et, plus simplement, d’être attentif à l’actualité, être curieux des us et coutumes et que, de surcroît, on se revendique anar ou maçon !
Comment un anar ne pourrait pas se sentir chez lui dans une Loge où, par définition, le maçon y est un homme libre ? Et comment, un maçon, parce que, justement, homme libre dans sa loge, pourrait ne pas accepter un anar qui vient librement à sa loge ?
Pourtant, les arguments avancés par certain(e)s FF... et SS... pour considérer que les anarchistes n’ont pas leur place au sein de leurs loges . Je n’en citerai que deux :
ü les anarchistes sont, par nature et dans leurs actes, des… illégalistes alors que, comme le recommandent les Constitutions d’Anderson, un(e) maçon(ne), homme libre mais aussi… de bonnes moeurs, de respecter la Loi ; outre que l’accusation d’illégalisme couvre, en fait, une imposture intellectuelle qui consiste, à l’instar de la C.I.A. et d’Europol, à assimiler anarchisme et terrorisme, je rappellerai que, c’est au nom même de leur engagement maonnique, que des maçon(ne)s parfois, et plus souvent qu’on ne le pense, considérant qu’au-dessus des contingences politiques, économiques, sociales… des lois il y a des lois universelles, comme celles des Droits des humains,désobéissent à la Loi. Je donnerai trois exemple de désobéissance maçonnique : un ancien, les lois racistes et fascistes de Vichy ; un plus récent, l’objection de conscience, en particulier lors de la guerre d’Algérie et un d’actualité, l’entêtement à faire œuvre de fraternité en portant assistance aux demandeurs d’asile et, plus généralement, aux sans papiers alors que, désormais, l’acte de solidarité peut être constitutif d’un délit et passible de prison.
ü l’apprenti(e) jure d’être dévoué(e) à sa patrie alors que, c’est bien connu, les anarchistes n’ont pas… de patrie puisqu’ils-elles se disent internationalistes. Là encore, il s’agit d’une grossière erreur, délibérée ou involontaire, par ignorance : les anarchistes ne sont pas des internationalistes mais des… anationalistes et leur patrie est… l’humanité. L’humanité, une et indivisible, sans considération de nationalité et, bien entendu, de race, de sexe, de métier…, dont le dévouement envers laquelle relève d’un patriotisme bien particulier… la fraternité !
Différence de méthode ai-je dit ; une différence d’action dans et sur le monde profane. Mais cette différence disparaît, s’évanouit au franchissement de la porte du temple puisque, ensemble, FF... et SS..., anarchistes ou non, travaillent ensemble en toute liberté, en pleine égalité, en véritable fraternité.
Les chroniques de l’Histoire comme les archives des Obédiences, du moins pour celles qui ne revendiquent pas une… régularité dont, soit dit en passant, on peut s’interroger sur sa conformité avec le principe de Liberté constitutif de la F... M... , du maçon comme celle de l’humain, attestent de ce que, de la seconde moitié du XIXème siècle à la fin de la première moitié du XXème, quasiment TOUS les grands noms de l’Anarchisme et de l’Anarcho-syndicalisme, sont ceux de FF... et de SS.... [J'ai à votre disposition une liste d'autant plus impressionnante qu'elle est loin d'être exhaustive].
A la différence des marxistes-léninistes, des trotskystes, des maoïstes…, les anarchistes n’ont jamais fait dans l’entrisme. Il ne viendra donc à l’idée de personnes que les anarchistes qui sont entrés en maçonnerie l’ont fait par entrisme, pour la phagocyter. Considérant que la F... M...lobby – politique, économique, social…, pour ne pas dire affairiste, voire maffieux -, ni le tremplin d’aspirations personnelles de pouvoir, de renommée, de prestige, d’avantages divers et variés…, personne ne considérera non plus que l’engagement maçonnique des anarchistes obéissait à un intérêt… intéressé. De telles idées seraient d’ailleurs d’autant plus fallacieuses que, souvent, l’engagement anarchiste est la résultante – la conséquence logique, l’achèvement – de l’engagement maçonnique. n’est ni un
Inversement, quand on connaît le prix à payer de l’engagement anarchiste, personne ne supposera que les maçons qui sont entrés enintéressé ! anarchisme l’ont fait par intérêt…
A ce sujet, j’ouvre une parenthèse pour poser une question : aucun anarchiste n’a adhéré à la Charbonnerie alors que de nombreux FF... (à cette époque, il n’y avait pas de SS...) l’ont fait et ce, bien que la Charbonnerie fût constituée pour… renverser la Loi par des méthodes… illégales. D’où ma simple question : pourquoi ?
Est-ce à dire que, depuis la seconde moitié du XXème siècle, sinon l’absence, du moins la rareté de grands noms de l’Anarchisme au sein de la F... M... signifieraient que les anarchistes, délibérément ou non, aient décidé de ne plus entrer en F... M... ou même de la déserter ? Non, cette présence anarchiste au sein de la F... M... est toujours bien vivante, réelle mais elle est plus… discrète pour plusieurs raisons :
§ d’abord parce que, tout simplement, de nos jours, il y a moins de grands noms anarchistes qu’auparavant, non pas parce qu’il n’y a plus de grands anarchistes mais parce que le mouvement anarchiste n’est plus géo-centré mais réparti sur l’ensemble du globe et que, au local (dans tel ou tel pays, voire dans telle ou telle région), les anarchistes fortement investi(e)s dans leur action, nécessairement locale, n’ont plus le temps de rayonner au plan international (ou même national) ;
§ ensuite parce que bon nombre de grands noms de l’anarchisme sont ceux d’auteur(e)s (comme, par exemple, Noam Chomsky) et/ou de militant(e)s qui vivent dans des pays où les obédiences irrégulières sont elles-mêmes inexistantes ou marginales quand les obédiences régulières, comme cela été le cas au XIXème siècle refusent d’accueillir les anarchistes parce ce qu’ils-elles ne sont pas de bonnes mœurs mais, au contraire, d’un athéisme fort… mécréant ;
§ mais également parce, davantage tirés vers l’action que la réflexion – le corpus de la théorie anarchiste étant fort riche – beaucoup d’anarchistes préfèrent, désormais s’investir, dans des O.N.G. (L.D.H., M.R.A.P., Amnesty International, Green Peace…), des associations de proximité (Centres sociaux, Maisons de Quartier, Comité de Quartier, M.J.C…), des actions-expérimentations (squats en particulier)… ;
§ enfin, parce que, sauf circonstances exceptionnelles, l’engagement maçonnique d’un individu lambda n’emporte pas nécessairement la révélation et/ou la promotion de son engagement anarchiste (en ajoutant, naturellement, et… réciproquement !).
Entre eux-elles, les mçon(ne)s s’appellent frères et sœurs ; cela ne gêne aucunement un anarchiste maçon d’appeler ainsi celui-celle qui, dans le monde profane, est juge, policier, patron… car, outre que, se refusant à considérer que la carte fait le territoire et que, à cet instar, l’institution, la fonction, le titre, la classe…et, en somme…. le hasard de la naissance, font – ou défont – l’individu, l’anarchiste, comme le maçon, voit en tout individu ce qui échappe à l’aveuglement ou l’ignorance de certain(e)s : l’humain, c’est-à-dire à la fois l’humanité qu’il partage, malgré leurs différences, même si celles-ci sont, parfois, oppositionnelles, et l’être humain en lequel il se reconnaît fraternellement, en dépit d’éventuelles dissemblances du paraître, et même si cet autre n’est pas véritablement libre, à raison, par exemple, de son aliénation.
Entre eux, et notamment dans leurs actes et propos publics, les anarchistes s’appellent compagnons et compagnonnes. Pour deux raisons essentielles : d’abord, parce que ce terme renvoie au compagnonnage des métiers, manière de s’ancrer dans la tradition ouvrière et d’affirmer son statut de… prolétaire et, ensuite, parce que ce terme, du latin populaire « companio » et du latin classique « cum » et « panis », signifie celui-celle avec le-la-quel-le on partage le pain, c’est-à-dire… la vie. S’agissant de ce second motif, quel plus beau symbole de la fraternité que celui du partage du pain ? quel(le) maçon(ne) ne se retrouve pas dans cette symbolique ? ne peut-on considérer que, d’une certaine manière, pour ne pas dire d’une manière certaine, le terme de compagnon(ne) est la version… profane de celui de frère-sœur, même si, en dehors de la scène publique, les anarchistes n’hésite pas à se donner du frère et de la sœur.
Le partage de la vie… Les anarchistes sont des amant(e)s passionné(e)s de la vie. La vie qu’ils-elles aiment à en mourir quand c’est là le prix à payer pour rester debout, autrement dit libre et donc… humain ou bien encore pour la liberté d’un(e) autre. Les anarchistes aiment la vie avec passion et pourtant leur drapeau est… noir car :
[…] Pourquoi ce drapeau teint en noir ?
Est-ce une religion suprême ?
L’homme libre ne doit avoir
Pour penser nul besoin d’emblème !
- L’anarchiste n’accorde pas
A ce drapeau valeur d’idole,
Tout au plus n’est-ce qu’un symbole,
Mais en lui-même il porte son trépas
Car annonçant la fin des oripeaux
Il périra comme tous les drapeaux.
En Anarchie où régnera la Science,
Pour tout drapeau, l’homme aura sa conscience.
[Extrait du Chant du drapeau noir, Chanson de Louis Loréal (1922)]
ou bien encore :
[…] Les anarchistes
Ils ont un drapeau noir
En berne sur l’Espoir
Et la mélancolie
Pour traîner dans la vie
Des couteaux pour trancher
Le pain de l’Amitié
Et des armes rouillées
Pour ne pas oublier
Qu’y'en a pas un sur cent et qu’ pourtant ils existent
Et qu’ils se tiennent bien bras dessus bras dessous
Joyeux et c’est pour ça qu’ils sont toujours debout
Les anarchistes
(Extrait de Les Anarchistes, paroles et musique de Léo Ferré, 1966]
Au fait, avez vous remarqué que le fond des bannières maçonniques, malgré la lumière, voire les dorures de leurs décors est quasiment toujours… noir ?
Les médias ont fait des gorges chaudes sur les affaires qui ont impliqué des maçon(ne)s, sachant que les errements de quelques individus n’ont pas manqué d’être utilisés pour armer le bras de la croisade anti-maçonnique, née, comme de bien entendu, avec la F...... elle-même. Il a existé, il existe et il existera de mauvais(es) maçon(ne)s donc, mais quelle société humaine, quel groupement d’individus peut se targuer d’être exempt de faux-frères et fausses-sœurs ; le mouvement anarchiste, dans sa dimension organisationnelle ou sa forme individualiste, compte aussi de faux compagnons et de fausses compagnonnes ? Cette similitude qui existe en matière d’hiatus entre la déclaration de principe – la revendication de l’identité maçonnique ou anarchique – et les propos tenus et, surtout, les actes posés, n’est-elle pas une passerelle de rapprochement entre les tenant(e)s de l’opposition irréductible entre Anarchisme et F... M... ? Un rapprochement, non de compromis – et encore moins de compromission -, pas même une paix des braves, non, juste le partage d’un questionnement : M
Pourquoi, depuis l’aube des temps, les plus beaux idéaux et, notamment, ceux s’inscrivant dans la tradition et le mouvement humanistes, invariablement, finissent toujours par être salis par certain(e)s d’entre ceux et celles qui s’en revendiquent ?
J’ai dit, V... M...
Anarchisme et Franc-Maçonnerie
ANNEXE
Remarque préliminaire
Il ne s’agit pas de développer ici un argumentaire, historique, philosophique, politique…, sur la compatibilité, voire la longue « histoire d’amour », entre Anarchisme et Franc-Maçonnerie, anarchiste et maçons mais de donner quelques points de repères, quasi exclusivement tirés de « Le drapeau noir, l’équerre et le compas » de Léo Campion.
I – Citations
- « Si les Maçons anarchistes sont une infime minorité, la vocation libertaire de la Maçonnerie est indéniable (…) elle est la seule association à laquelle puisse adhérer celui qui n’adhère à rien ». Léo Campion.
- « Aussi est-il regrettable que des anarchistes sectaires excommunient la Franc-Maçonnerie au nom d’un pseudo-dogme de l’Anarchie (comme si l’Anarchie était anti-tout alors quelles est à-tout) et que les Maçons sous-évolués excommunient l’Anarchie au nom d’un pseudo-dogme de la Maçonnerie (comme si la Maçonnerie n’était que tradition, alors qu’elle est tradition, dialogue et progrès). Ces attitudes sont d’autant moins admissibles qu’au contraire l’Anarchie comme la Franc-Maçonnerie, anti-dogmatiques par essence, sont l’une comme l’autre tout le contraire d’un dogme. Elles qui ont en commun le culte de la Liberté et le sens de la Fraternité, avec comme but l’émancipation de l’Homme ». Léo Campion.
- » (…) on peut être juif, chrétien (même de gauche), bouddhiste, zen, abonné au gaz, unijambiste, aveugle et Franc-Maçon. Sauf d’extrême-droite. Ce n’est pas que les gens d’extrême-droite n’aimeraient pas être Francs-Maçons. Ce sont les Francs-Maçons qui n’en veulent pas. C’est comme ça, on ne discute pas. La tolérance des maçons s’arrêtent où commence le mépris déclaré des autres ». Michel Noiret.
- « L’Anarchisme est la passion de la Liberté mise en théories. Et aussi en pratique lorsque faire se peut ». In Dictionnaire universel de la Franc-Maçonnerie.
- « Franc-Maçonnerie, suprême École de la liberté ». Oscar Wirth.
- « A la recherche d’une nouvelle morale, la Maçonnerie a pour méthode : l’anarchie dans l’Ordre et le refus des Institutions par l’acceptation des Rites ». In rapport présenté au Convent du Grand Orient de France en 1973.
- « Quel libertaire n’y souscrirait pas [à l'article premier de la Constitution du Grand Orient de France] ? Quelle contradiction y pourrait-il trouver avec l’Anarchie ? Pour les Anarchistes, comme pour les francs-maçons, le dénominateur commun est l’homme. Anarchisme et Maçonnerie sont basés tous les deux sur une morale du comportement de l’homme. Tous deux prétendent à l’universalité. Tous deux associent, complémentairement et harmonieusement, l’individu au social ». Léo Campion.
- « Précisément, la démence de ceux qui ne comprennent pas l’anarchie provient de l’impuissance où ils sont de concevoir une société raisonnable ». Francisco Ferrer.
- « La Maçonnerie trouve dans ses traditions un idéal moral que je crois supérieur à celui des religions ; cependant, si les Maçons disaient qu’il y a parmi eux plus de vertu effective, c’est-à-dire moins de défaillances que dans un groupe quelconque d’honnêtes gens, nous serions les premiers à rire d’une si outrecuidante sottise ». Pierre Tempels.
- » (…) anarchistes et francs-maçons ont aussi en commun d’être victimes de tous les dogmatismes, tant politiques que religieux. Bulles pontificales et encycliques condamnant la Franc-Maçonnerie se sont succédé depuis 1736 jusqu’à nos jours. Tsarisme, stalinisme, fascisme, hitlérisme, franquisme, démocraties populaires, nationalismes africains, dictatures sud-américaines ont de commun avec l’Église la mise à l’index des francs-maçons et a fortiori des anarchistes ». Léo Campion.
- « La nature n’a fait ne serviteur, ni maître, je ne veux donner ni recevoir de lois ». Diderot.
- « La véritable notion de propriété entraînant le droit d’us et d’abus, jamais un homme ne peut être la propriété d’un souverain, un enfant la propriété d’un père, une femme la propriété d’un mari ». Diderot.
- « J’expose, je propose, je n’impose pas ». Emile Armand.
- « Ce qui est au-dessus des bornes de l’esprit humain est ou chimère ou inutilité, Dieu ne pouvant être que l’une ou l’autre de ces choses, dans le premier cas je serai un fou d’y croire, un imbécile dans le second ». Donatien Alphonse François, marquis (puis comte) de Sade.
- « Ce n’est jamais dans l’Anarchie que les tyrans naissent ; vous ne les voyez qu’à l’ombre des lois ou s’autoriser d’elles. (…) La plus grande somme de crimes se trouve toujours sous le manteau de l’autorité ». Donatien Alphonse François, marquis (puis comte) de Sade.
- « Donnons au monde l’exemple d’une tolérance savante et prévoyante ; mais, parce que nous sommes à la tête d’un mouvement, ne nous faisons pas les chefs d’une nouvelle intolérance; ne nous posons pas en apôtres d’une nouvelle religion, fût-elle la religion de la logique, la religion de la raison ». Pierre-Jospeph Proudhon.
- « Être gouverné, c’est être à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, cotisé, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi et, pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré. Voilà le gouvernement, voilà sa justice, voilà sa morale ». Pierre-Joseph Proudhon.
- « Anarchie, ô porteuse de flambeaux ». Laurent Tailhade.
- « le dernier terme, le but suprême de tout développement humain, c’est la liberté ». Michel Bakounine.
- « Tout pouvoir politique, quelles que soient son origine et sa forme, tend nécessairement au despotisme ». Michel Bakounine.
- « tant qu’il n’y aura point d’égalité économique et sociale, l’égalité politique sera un mensonge ». Michel Bakounine.
- « Pour devenir un corps vivant et utile, la Franc-Maçonnerie doit reprendre sérieusement le service de l’humanité. Mais quelle signification ont aujourd’hui ces mots, servir l’humanité ? Serait-ce protéger les innocents et les faibles, soigner les malades, nourrir et habiller les indigents, donner l’instruction aux enfants pauvres ? Toute ces œuvres sont infiniment respectables et, comme application pratique de l’humaine fraternité, elles font partie, plus ou moins, dans la mesure de la capacité de chacun, des devoirs, non seulement d’un vrai Franc-Maçon mais encore de tout homme qui n’est point étranger au principe de la charité ? Pourtant si la Franc-Maçonnerie n’avait d’autre but que de les exercer, il n’y aurait aucune différence entre elle et ces innombrables corporations religieuses qui, elles aussi, n’avaient point d’autre but que l’exercice de la charité ! L’immense différence qui la sépare de ces institutions religieuses se manifeste uniquement par l’esprit dans lequel la Franc-Maçonnerie d’un côté et les corporations religieuses de l’autre distribuent leur instruction et leurs secours. Ces dernières ont pour but absolu et final la gloire de Dieu encore plus que l’allègement des souffrances humaines, le triomphe de l’esprit religieux, la soumission de l’homme sous le joug divin et, par conséquent, sous celui de l’Église et de toutes les autorités temporelles sanctionnées par l’Église. Avec comme conséquence nécessaire la déchéance et l’abdication de la raison humaine, de la volonté humaine, la négation de toute liberté, l’esclavage. La Franc-Maçonnerie, au contraire, pour peu qu’elle veuille rester fidèle à sa destination première, doit vouloir l’émancipation complète de l’homme, l’établissement de l’humanité par la liberté sur les ruines de toute autorité ». Léo Campion d’après Michel Bakounine.
- « Et maintenant choisissons :
Symbolisme théologique Symbolisme maçonnique
Divinité Humanité
Révélation Raison
Privilège Egalité
Charité Solidarité
Grâce Justice
Sujétion Liberté
Léo Campion d’après Michel Bakounine.
- « Nous avons maintenant notre Erostrate. C’est l’individualiste Multatuli. Il attaque tout ce qui est sacré aux hommes. Il prône la plus perverse des morales. Il bouscule et foule aux pieds tout ce que la nation a appris à aimer et vénérer. Il nie Dieu, la Bible et l’Evangile. Il nie l’existence de l’âme, l’immortalité et le Salut et ne reconnaît pour unique déité que son propre moi ». Un journal de La Haye.
- « Nous sommes un noyau d’avancés. Nous ne nous entendons pas sur tout, mais nous sommes tous pour la Révolution ». Jules Vallès.
- « Si au début les Francs-Maçons n’ont pas voulu agir, c’est qu’ils tenaient à acquérir la preuve que Versailles ne voulait entendre aucune conciliation. Ils sont prêts, aujourd’hui, à planter leurs bannières sur les remparts. Si une seule balle les touche, les Francs-Maçons marcheront d’un même élan vers l’ennemi commun ». Louis Thirifocq.
- « Frères, citoyens de la grande partie universelle, fidèles à nos principes communs : Liberté, Egalité, Fraternité, et plus logique que la Ligue des Droits de Paris, vous, Francs-Maçons, vous faites suivre vos paroles de vos actions. Aussi, après avoir affiché votre manifeste – le manifeste du cœur – sur les murailles de Paris, vous allez maintenant planter votre drapeau d’humanité sur les remparts de notre ville assiégée et bombardée. Vous allez protester ainsi contre les balles homicides et les boulets fratricides, au nom du droit et de la paix universelle ». Félix Pyat.
- « Si un pouvoir quelconque pouvait faire quelque chose, c’était bien la Commune composée d’hommes d’intelligence, de courage, d’une incroyable honnêteté et qui avaient donné d’incontestables preuves de dévouement et d’énergie. Le pouvoir les annihila, ne leur laissant plus d’implacable volonté que pour le sacrifice. C’est que le pouvoir est maudit et c’est pour cela que je suis anarchiste ». Louise Michel.
- « …Il n’est pas de sauveurs suprêmes, Ni Dieu, ni César, ni tribun… ». Eugène Pottier.
- « ornés de la croix ou du Drapeau, les catéchismes se valent ». Elisée Reclus.
- « La diversité des traits qui s’entremêlent à la surface du globe – crêtes et vallées, serpentines des eaux, lignes des rivages, sommets et profondeurs, roches superposées – présente une image qui n’est pas le chaos, mais au contraire, pour celui qui comprend, un ensemble merveilleux de rythme et de beauté ». Elisée Reclus.
- « Louise Michel avait été aussi condamnée pour vol. Louise Michel qui donnait littéralement son dernier châle ou son manteau à un indigent et que l’on ne peut jamais décider pendant son emprisonnement à prendre une nourriture meilleure parce qu’elle donnait toujours à ses codétenus ce qu’on lui envoyait ». Pierre Kropotkine.
- « Il y a longtemps que j’aurais été des vôtres, si j’eusse connu l’existence des Loges mixtes, mais je croyais que, pour entrer dans un lieu maçonnique, il fallait être un homme. Selon moi, devant le grand idéal de liberté et de justice, il n’y a point de différence d’hommes et de femmes ; à chacun son œuvre ». Louise Michel.
- « Le Vénérable, les Officiers et les Membres de la Loge n° 3, la Philosophie sociale, ont la douleur de faire part à tous les Francs-Maçons de la perte cruelle qu’ils viennent de faire en la personne de leur Sœur Louise Michel ». Faire part de la Loge la Philosophie sociale.
- « En sortant de ses ateliers mystiques pour porter sur la place publique son étendard de paix, qui défie la force, en affirmant en plein soleil les idées dont elle gardait les symboles dans l’ombre depuis des siècles, la Franc-Maçonnerie a réuni au nom de la Fraternité la bourgeoisie laborieuse et le prolétariat héroïque… Merci à elle. Elle a bien mérité de la République et de la Révolution ». Jules Vallès.
- « Dans le domaine de la pensée, personne n’a le droit de dire à la mienne : tu n’iras pas plus loin ». Jules Vallès
- « (…) Il semble encore loin, ce temps de l’anarchie – Mais si loin soit-il, nous le pressentons ! (…) ». Paul Paillette.
- « Laissez l’enfant faire lui-même ses découvertes, attendez ses questions, répondez-y sobrement, avec réserve, pour que son esprit continue ses propres efforts, gardez-vous par-dessus tout de lui imposer des idées toutes faites, banales, transmises par la routine irréfléchie et abrutissante ». Paul Robin.
- « (…) [en raison de ses ] idées subversives au point de vue social et néfastes au point de vue de la défense du pays (…) ». Extrait de la décision prise en Conseil des Ministre de radier Paul Robin de ses fonctions de Directeur de l’orphelinat de Cempuis.
- « M. Robin, directeur de la porcherie municipale de Cempuis, a été exécuté hier en plein Conseil des Ministres. C’est l’effondrement du système pornographique de la co-éducation des sexes ». Extrait d’un article du journal, clérical et antisémite, « Libre Parole ».
- « J’ai eu cette naïve idée qu’on peut transformer l’Église et la pousser dans la voie du progrès. J’eus encore une autre naïveté, celle de croire qu’on pouvait réformer l’État dans un sens large et bienfaisant. Je sens bien maintenant que je n’ai rien à faire ni avec l’Église, ni avec l’État ». Domela Nieuwenhuis.
- « Le Frère Laurent Tailhade, dont le zèle maçonnique est infatigable ». Bulletin maçonnique n° 144 de mars 1892.
- « Ô Commune splendide, ô toi qu’on injurie, – Tu vis sur tes remparts, – Insignes rayonnants, la Franc-Maçonnerie – Planter ses étendards ». Eugène Pottier.
- « Tu fus un grand lutteur et tu fus un grand Sage – Tu semas le bon grain par beaux et mauvais temps – Qu’il me soit donc permis de rendre cet hommage – u père spirituel de mes lointains vingt ans ». Charles d’Avray (pour les 80 ans de Sébaste – Sébastien Faure).
- « Dreyfus, en tant que capitaine, est mon ennemi et je le combattrai. Victime de la lutte absurde de races à laquelle nous assistons, il me devient sympathique et je prends sa défense au nom de l’humanité ». Sébastien Faure.
- « La raison n’est pas une inspiration directe de Dieu, ou d’un dieu, mais une simple fonction de l’organisme animal ; la recherche de la Vérité n’est pas la recherche d’un seigneur, c’est l’orientation dans les voies intellectuelles libres. La raison n’admet que l’évidence contrôlée scientifiquement. Les professeurs rationalistes peuvent faciliter la voie de la connaissance, mais ils ne prétendent ni détenir, ni monopoliser la vérité absolue ».Francisco Ferrer y Guardia.
- « Notre devoir, mes Frères, est de travailler pour aider l’évolution naturelle des sociétés humaines de façon que la liberté devienne sans cesse de plus en plus grand ». Augustin Hamon.
- « laissez les enfants librement croître, librement se dépenser, librement apprendre, librement vouloir et vous ferez une humanité forte, raisonnable, intelligente, morale. Et vous aurez aidé ainsi, conformément aux principes de notre Ordre, à l’amélioration de l’individu, au perfectionnement de l’espère ». Augustin Hamon.
- « Tant que l’Etat existera, pas de liberté ; quand règnera la liberté, il n’y aura plus d’État ». Montehus.
- [Question : est-ce que la qualité d'anarchiste est compatible avec celle de franc-maçon et pourquoi] : « 1 – Que je sache, la tâche fondamentale de la Franc-Maçonnerie est la recherche de la vérité, c’est-à-dire des solutions autant que possible justes, exactes et fécondes, des problèmes philosophiques, sociaux, économiques et autres. Il y a deux façons de faire ces recherches : la façon individuelle (travaux scientifiques personnels, études en chambre, lectures, essais de laboratoires, etc.) et la façon collective (conférences, discussions, débats contradictoires, etc.). Toutes les deux sont bonnes ; elles se complètent mutuellement et le mieux placé est le chercheur qui peut faire usage de l’une et de l’autre. L’association de la Franc-Maçonnerie offre à ses membres les moyens de recherches collectives. Je crois que, dans son genre, elle est la seule. Et j’ajoute que non seulement elle effectue ces recherches, mais, par ses méthodes elle les rend, en même temps – elles-mêmes et les résultats – accessibles à un grand nombre de personnes, elle les popularise. Sans aucun doute, la poursuite d’une telle tâche n’est pas incompatible avec la qualité d’anarchiste. J’estime, au contraire, qu’il est très utile, pour un anarchiste, d’étendre quelque peu les cadres de son milieu et de son action habituels, de croiser quelque peu les cadres de son milieu et de son action habituels, de croiser ses opinions et ses vérités avec celles des autres. Cela lui est utile car il trouve ainsi une bonne occasion de vérifier, d’éprouver et de consolider ses convictions. En même temps, c’est très utile pour les autres et pour la cause entière, car l’idée anarchiste y trouve une occasion de plus de se faire connaître sous son vrai jour, de se faire examiner, comprendre, estimer… La Franc-Maçonnerie – je parle de la Franc-Maçonnerie française que je connais un peu – est avant tout un cercle philosophique de libres penseurs, de libres chercheurs. L’activité collective des Francs-Maçons les incite tous à réfléchir, scruter, à estimer l’opinion d’autrui, à aimer la vérité, à la proclamer, à l’appliquer… A mon avis,; il convient parfaitement à un anarchiste de participer à cette activité, au même titre que de faire partie d’une association musicale, littéraire, artistique ou du même genre. 2 – Il existe d’autres tâches que la Franc-Maçonnerie s’impose, telles que, par exemple : l’éducation morale et sociale de l’individu, la poursuite d’un idéal élevé (liberté, égalité, fraternité véritables), la pratique de la solidarité, etc. Personnellement, je m’intéresse surtout à la tâche désignée plus haut. Mais chaque membre de l’association est libre de s’intéresser et de s’attacher de préférence à une autre tâche. Séparément, ou dans leur ensemble, celles-ci ne sont nullement incompatibles avec la qualité d’anarchiste. Pour conclure, j’affirme catégoriquement que, pour ma part, je ne trouve absolument rien, dans les principes ou dans l’activité de la Franc-Maçonnerie, qui serait incompatible avec ma qualité d’anarchiste. Et j’estime que tout anarchiste cherchant à s’éduquer lui-même d’une façon plus vaste et aussi à collaborer à l’éducation des autres, devrait faire partie de cette association. Il y gagnerait et sa cause y gagnerait également ». Voline.
- « Avec un total désintéressement, Hem Day a tenté de rénover la société à partir de l’homme et en commençant par lui-même, en payant de sa personne et en conformant son genre de vie à son idéal. Cette attitude maintenue avec rigidité tout au long de sa vie est assez exceptionnelle et assez belle pour être proposée en exemple ». Pierre Vermeleyn.
- « C’est parce qu’il connaissait la règle absolue que les maçons s’imposent de respecter l’autonomie de toute conscience qu’il acceptait d’être parmi nous. C’est aussi par besoin d’amitié. Marcel [Hem Day] avait voué sa vie à l’amitié et il la manifestait sans arrière-pensée à ceux qui ne faisaient pas de la réalité sociale et politique la même analyse que lui, pourvu qu’ils fussent sincères ». Marthe Vandemeulebroeke.
- « Hem Day est un homme de la Renaissance, égaré parmi nous ». Maurice Joyeux.
- « Si je préfère un individu humainement valable qui n’est pas de mon avis à un con qui le partage, je suis d’autant plus heureux quand des gens pensent comme moi sur l’essentiel. C’est pourquoi, j’aime les libertaires dans leurs disparités (il y a par essence, bien que dans le même esprit, autant d’anarchismes que d’anarchistes), comme j’aime dans leurs dissemblances mes Sœurs et mes Frères dont l’éclectisme fait la richesse spirituelle d’une franc-maçonnerie fraternelle et diverse ». Léo Campion.
- « J’ai de bons amis profanes qui ne sont pas anarchistes. J’ai de bons amis anarchistes qui ne sont pas maçons. J’ai de bons amis qui ne sont pas anarchistes ». Léo Campion.
- « En Loge, on peut se dire anarchiste sans faire sourire ou trembler, on peut défendre ses idées, on pet surtout, prends-y bien garde, les propager ». Marius Lepage
- « Tu [Pierre Roggers qui considérait incompatible Anarchisme et Franc-Maçonnerie] as parlé de l’Ordre maçonnique comme le ferait un de ces innombrables cléricaux, fanatiques et sans scrupules, qui pullulent dans la bonne ville de Leval. J’ai retrouvé leurs accents haineux, leur parti-pris aveugle dans certaines de tes phrases et cela m’a profondément peiné. As-tu, mon camarade, étudié la Maçonnerie dans son essence et dans sa philosophie ? Je crains fort que tu t’en sois tenu à la lecture de quelques opuscules plus ou moins fantaisistes, issus de la cervelle fumeuse ou obscène d’un Léo Taxil et d’un abbé Tourmentin. (…) je te conseillerai de ne point parler sur une question avant de l’avoir étudiée à fond, de ne point faire dans le cléricalisme anarchiste comme tant d’esprits étroits font du cléricalisme philosophique ou religieux ». (…) je te citerai simplement une partie du serment maçonnique. Je ne pense pas qu’aucun anarchiste sincère répugnera à la faire sienne, à l’adopter entièrement, car elle n’est pas seulement maçonnique, elle est aussi profondément humaine : « Je pratiquerai l’assistance envers les faibles, la justice envers tous, le dévouement envers ma famille et envers l’humanité, la dignité envers moi-même« . Marius Lepage
- « Un milieu comme la Franc-Maçonnerie, dont les principes fondamentaux sont : la tolérance, la fraternité, la liberté de pensée, le respect de la personne humaine, dont l’objet principal est l’éducation des individus et la formation d’une élite, ne peut pas être inutile au progrès de l’Humanité. Et de cela les anarchistes, moins que quiconque, ne doivent douter, vu l’importance qu’ils attachent à l’éducation ». René Valfort.
- « (…) si la majorité des Maçons sont démocrates et croient peu possible la réalisation d’une cité anarchiste, il n’y a pas la moindre incompatibilité entre l’idéal maçonnique et l’idéal anarchiste. Tous deux comportent le maximum de l’affranchissement de la personne humaine. Les conceptions démocratiques de la Franc-Maçonnerie s’opposent surtout aux adversaires de la liberté et non à ceux qui poussent à l’extrême de la liberté. Toutefois, je dois ajouter que si l’anarchiste a subi l’emprise de l’éducation maçonnique, sa conception libertaire évoluera. Il apprendra à peser le pour et le contre, il se défiera des emballements irréfléchis, il se libèrera de tout sentiment de haine et de tout sectarisme, il jugera avec plus de sympathie compréhensive les idées de ceux qu’il combat ; enfin, dans sa vie ordinaire, il ne sera pas un illégaliste. (…) En résumé, si l’on a compris qu’aucune des déclarations de principe des obédiences maçonniques ne constitue pour le maçon le dogme intangible et que la tolérance fraternelle est notre seul dogme, on ne doutera pas qu’un anarchiste puisse être Franc-Maçon. L’idéal maçonnique ne s’oppose qu’à certaines formes de l’anarchisme, non à l l’idée libertaire elle-même ». René Valfort.
- « La Franc-Maçonnerie abrite des représentants de toutes les couches sociales. Un ouvrier y voisine avec un patron, même avec un militaire gradé ou un haut fonctionnaire et tous ils prennent part à la même œuvre… Mais oui ! Exactement comme dans n’importe quelle association qui n’a pas pour objet la lutte politique ou de classes. Telles sont, par exemple, toutes sortes d’associations scientifiques, philosophiques, artistiques, sportives, musicales, littéraire, etc. Un sportif ou un artiste anarchiste aurait-il tort de faire partie d’un cercle sportif ou artistique om il trouverait des collègues appartenant à des classes différentes de la société ? Si oui, il aurait tort aussi d’être membre de la Franc-Maçonnerie. S non, ce serait non également pour ce dernier cas. Quant à moi, j’y réponds par un non ferme ». Voline.
- « Il existe certes des francs-maçons qui sont loin d’être à la hauteur. Mais le même reproche peut être adressé à n’importe quelle organisation ou institution humaine, même à celle de classe, d’action sociale. Le fait reproché ne justifie nullement pour qu’on s’abstienne de s’organiser. Même dans les organisations anarchistes, il existe des camarades qui, dans la vie réelle, se conduisent d’une façon plus que douteuse. Un anarchiste doit-il fuir pour cela les organisations libertaires ? Au contraire, les bons éléments doivent y aller et y rester d’autant plus, en opposant à leur bonne action à la conduite déplacée de leurs faux frères et en luttant pour la purification des cadres. La même règle est valable pour la Franc-Maçonnerie ». Voline.
Quelques Francs(ches)-Maçon(ne)s anarchistes
(ou inversement ou, encore, réciproquement)
Liste aucunement exhaustive donnée à titre indicatif
Agostino Bertani
Albert Laisant (fils de Charles-Ange Laisant)
André Prévotel
Andrée Prévotel
Aristide Bruant
Auguste Blanqui
Augustin Hamon
Avelinon Gonzalès Mallada
Benoît Malon
Bernard Salmon
Charles Albert
Charles d’Avray
Charles Malato
Charles-Ange Laisant
extrait de : hiram online.com
Protégé : Le GADLU – 30° - 10 mai, 2009
Posté par hiram3330 dans : Chaine d'union,Noire , Saisissez votre mot de passe pour accéder aux commentaires.Quand libertin voulait dire… libertaire 7 mai, 2009
Posté par hiram3330 dans : Bleu,Chaine d'union,Recherches & Reflexions , 3 commentaires
Quand libertin voulait dire… libertaire :
un bref aperçu du mouvement libertin
À Pierre,
explorateur d’autres mondes
et observateur mécréant du nôtre
V...M...
De nos jours, le terme de libertin désigne une personne qui se livre aux plaisirs charnels tandis que celui de libertinage est devenu synonyme de débauche, de dévergondage.
Or, aux XVIIème et XVIIIème siècles, ces deux termes avaient des acceptions différentes : le premier désignait celles/ceux[1] qui mettaient en doute les dogmes de la religion catholique, professaient l’athéisme, revendiquaient le droit de la liberté de pensée et d’expression ainsi que celle des mœurs, notamment de nature sexuelle, et se plaisaient à tenir des propos et avoir un comportement de type blasphématoire, le second définissant alors tout à la fois le courant de pensée correspondant aux convictions et pratiques des précédents ou, plus précisément, un certaine courant – la pensée libertine – au sein du mouvement philosophique humaniste ainsi que l’ensemble des pratiques sociales et des codes d’identification et de représentation en résultant.
La première remarque qui s’impose est donc de noter que, contrairement à ce qui est généralement admis, le mouvement libertin n’est pas né avec le XVIIIème siècle et, plus précisément, avec la Régence[2] et qu’il ne se réduit pas aux seuls écrits du marquis de Sade.
En fait, la revendication de liberté sexuelle n’est intervenue qu’au XVIIIème siècle, le libertinage du XVIIème siècles’en étant tenu à l’affranchissement des disciplines de la foi religieuse et des principes et règles de morale en résultant ainsi qu’à la revendication de la liberté de pensée et, au nom de cette liberté, du droit à soumettre les textes canoniques – aussi bien religieux que profanes, théologiques que philosophiques – à l’examen critique de la raison[3].
Une autre remarque doit être faite : d’emblée, le mouvement libertin se démarque des autres courants de pensée par… sa mixité et la pleine et entière égalité qu’il instaure entre les femmes et les hommes[4].
Selon Paul Bénichou, le personnage de Don Juan de Molière peut être considéré comme la figure type du libertin du XVIIème siècle en ce sens qu’il attestait de l’émancipation morale de la société aristocratique de l’époque au regard des dogmes, des prescriptions et des interdits catholiques.
Toutefois, si l’on peut admettre que le libertin est bien « issu du divorce récent de la mentalité noble et de la religion » (Paul Bénichou), que ce divorce, pour bon nombre d’aristocrates libertins, s’est traduit par l’apostasie et l’embrassement de l’athéisme, il faut également considérer que le libertinage a des racines historiques plus anciennes, à savoir le lent et progressif détachement d’une certaine aristocratie de l’étiquette du code (non écrit) de la noblesse et des obligations de conformité (morale, sociale, vestimentaire, alimentaire, affective, d’honneur…) qu’il emportait.
Dés le XVIIème siècle, des auteurs s’inscrivent dans le mouvement libertin. Il en est ainsi, par exemple de :
• Cyrano de Bergerac[5], disciple de Gassendi[6], et qui, dans son Histoire comique des États et Empires de la Lune, a tourné en dérision le postulat de l’immortalité de l’âme
• Gabriel Naudé[7] qui fut l’un des critiques les plus radicaux de la religion positive
• La Mothe le Vayer[8] (1588-1672), figure emblématique du scepticisme
Il serait toutefois abusif de dire que le mouvement libertin du XVIIème siècle est athée, car s’il y a effectivement des athées et, du point de vue philosophique, des matérialistes, il y aussi des sceptiques – non nécessairement incroyants -, des agnostiques, des déistes mais tous ont un corpus commun de valeurs : l’humanisme.
Parmi les libertins déistes, le plus célèbre d’entre eux fut assurément Fontenelle[9] qui récusait le dieu de la Bible, en raison de ses nombreuses contradictions – tant historiques qu’éthiques, philosophiques et… théologiques – au profit d’un Être suprême dont la conception s’épanouira avec… Robespierre. Un autre liberté déiste méritant d’être cité est Saint-évremond[10] qui, du point de vue éthique, a renoué avec l’épicurisme pour établir une morale rigoureuse.
Athées, matérialistes, sceptiques, déistes ou agnostiques, tous les auteurs libertins du XVIIème siècle ont eu également en commun de procéder à une critique radicale des religions positives[11], en engageant notamment, de longues et sévères polémiques avec Pascal et Bossuet, ce qui amènera Diderot à dire d’eux qu’ils auront été les encyclopédistes du siècle de Louis XIV. En outre, en épousant la cause des Modernes contre les Anciens, ils ont profondément contribué, et pas seulement en France, à la transformation radicale de la pensée occidentale moderne et ce, malgré la relative confidentialité avec laquelle, de leurs vivants, leurs œuvres ont pu/dû circuler.
Quelques rares auteurs libertins du XVIIème siècle, principalement des poètes, ont étendu leurs revendications libertaires à la sexualité (amour libre ; homosexualité ; érotisme…) et ont même eu recours, en véritable précurseurs du marquis de Sade, à l’obscénité et au blasphème comme arme dans leurs luttes contre les oppressions religieuses, sociales et politiques. On citera ainsi :
• Théophile de Viau[12] qui failli être envoyé au bûcher pour son Parnasse satyrique du sieur Théophile
• Claude Le Petit qui, lui, professa ouvertement un athéisme radical et qui, ayant littéralement éreinté la religion et la monarchie dans son Bordel des Muses, finit sur le bûcher en Place de Grève
Ces deux derniers exemples montrent que, au XVIIème siècle, le mouvement libertin, s’il était toléré au sein de la (grande) aristocratie, en revanche, fut généralement soumis à une répression féroce de la part du pouvoir temporel en raison des multiples pressions exercées en ce sens par la hiérarchie catholique.
Mais c’est bien au XVIIIème siècle, et, plus précisément, à partir de la Régence, que le mouvement libertin prit son véritable essor et connut un rayonnement nullement négligeable par la publication d’un nombre croissant d’ouvrages, désormais écrits en prose.
Avec cette évolution du genre littéraire, le mouvement libertin, à l’exception de quelques auteurs marquants, comme le marquis de Sade, glisse de l’obscénité à l’allusion, du défi à une dialectique subtile et de l’affirmation des exigences du corps à celle des droits de l’esprit. En même temps, elle développe sa dimension sociologique en procédant à la critique exhaustive des mœurs du siècle.
En 1704, dans ses Mémoires du comte de Gramont, Antoine Hamilton[13] affirme que « Pourvu que la raison conserve son empire, tout est permis et que « c’est la manière d’user des plaisirs qui fait la liberté ou la débauche ».
Cette déclaration est significative : elle inscrit le mouvement libertin au cœur du débat philosophique du siècle par la revendication d’une liberté absolue qui n’a d’autre limite que la raison, considérant que c’est seulement la raison qui permet la maîtrise effective des instincts et non les interdits juridiques, moraux et religieux.
Ainsi, à Don Juan qui affirmait sa souveraineté sociale, économique et sexuelle, succède, au plan des mœurs sexuelles, un nouveau héros – le séducteur – qui, ne se contentant plus de l’action pure, se pose comme conscience réflexive, veut se regarder agir et accorde moins que jamais une quelconque place au sentiment dans le libre exercice de ses passions.
Mais alors, d’emblée, un malentendu s’installe qui connaîtra son paroxysme avec le marquis de Sade : en effet, si pour ce nouveau séducteur, la femme est bien le miroir de son plaisir et s’il se sert bien de l’amour pour assurer le triomphe de sa fantaisie aux dépens de sa partenaire, on oublie trop facilement que le libertinage pose la réciprocité absolue de ce postulat en faveur… des femmes.
Ce sont ces héros – et héroïnes – que décrivent alors les ouvrages de Crébillon fils[14], qui, sans conteste, fut l’auteur érotique le plus célèbre du siècle, bien plus que ne l’a été Sade – du moins, de son vivant -, de Choderlos de Laclos[15]… mais aussi Mirabeau[16]
Dans ces œuvres, le héros libertin incarne une démarche critique, absolument négatrice de la morale établie, d’inspiration exclusivement religieuse alors, et des codes sociaux. Ses actions ont toujours la valeur définitive d’une démonstration et si la liberté sexuelle est bien l’une de ses revendications, au titre d’une Liberté plus universelle – celle de la pensée, de l’expression et, plus généralement, de l’être -, l’érotisme n’est jamais que le prétexte à un discours philosophique sur la liberté, l’égalité, l’humain, l’athéisme…
Le héros libertin, s’il s’ouvre toujours cyniquement au lecteur qu’il rend spectateur/complice de sa séduction, en revanche, s’avance toujours masqué, en se voilant, en exagérant son immoralité… – vers ses partenaires. Cette duplicité littéraire se décompose en une multiplicités d’attitudes ou de masques, de rôles. La quête du libertin, sous le voile froid du cynisme le plus implacable et d’un désenchantement aussi tragique que froid, a pour objet, au-delà du plaisir – et, notamment, du plaisir sensuel – une implacabilité ultime de l’esprit.
Le héros libertin connaîtra son modèle le plus achevé avec le héros sadien. Toutefois, cet achèvement ne sera réellement reconnu et même théorisé que, beaucoup plus tard. C’est pourquoi, et même si, de notre point de vue contemporain, le marquis de Sade est la figure emblématique du mouvement libertin au point de le représenter pour ainsi dire à lui seul, dans l’immédiat, je n’en ferai pas mention, préférant le traiter à part. Cet à part – ou ailleurs – qui, du reste, a toujours été le sien de son vivant.
La littérature libertine du XVIIIème siècle n’est plus seulement aristocratique. Elle est devenue, pour une large part,… bourgeoise et prend ainsi une nouvelle dimension politique : à la revendication aristocratique de liberté contre la religion et, accessoirement, contre l’ordre temporel défenseur de l’ordre religieux et de ses interdits, succède la revendication bourgeoise de libération contre l’ordre aristocratique autant que contre l’ordre religieux !
De nombreux auteurs modernes ont relevé la dimension initiatique de la démarche libertine qui, comme le héros lui-même dans ses propos et ses actes, avance… masquée derrière une symbolique polymorphe : les périphrases, les litotes, les métaphores, les non-dits, les allusions… Le masque… comme révélateur du réel, de l’essence !
La littérature libertine insiste sans cesse sur la nature véritable de l’humain qui est celle du… désir. D’où la violence du processus initiatique – de la (re)naissance à soi-même, de la révélation de soi à l’autre… -. Violence tout autant littéraire qu’érotique : violence de l’initiation de l’héroïne vertueuse par le séducteur expérimenté, violence de la fascination de la victime pour son bourreau…
Pour tous les auteurs libertins, la nature est un champ de forces qui s’affrontent, un univers de proies et de prédateurs, un monde sans morale car en dehors de toute moralité[17]. Mais un monde dont on peut découvrir les lois qui le régissent, par l’observation, l’expérimentation…, afin de pouvoir, au fur et à mesure de l’avancée des connaissances scientifiques et techniques, agir sur les causes ou, du moins, les effets.
Ainsi, les libertins, au regard désenchanté, pessimiste, tragique… qu’ils posent sur la saga humaine, opposent un optimisme dont ils témoignent à l’égard de la nature.
En même temps, et préfigurant ainsi le naturalisme de Zola, les auteurs libertins considèrent la littérature comme un véritable laboratoirelois et, dans la continuité de la pensée libertine du XVIIème où il est possible d’expérimenter les passions humaines afin d’en découvrir les siècle, permettre aux humains, en toute liberté, de soumettre leurs instincts à la seule raison.
En même temps qu’ils voulaient expérimenter l’humain et faire de la littérature un véritable laboratoire de science naturelle, les libertins ont voulu se saisir de l’érotisme comme champ de création artistique. Leurs excès érotiques préfigurent en quelque sorte ce long et lent dérèglement de tous les sens que prescrira plus tard le jeune Rimbaud comme mode opératoire de libération de l’imagination, de l’invention. L’érotisme, dans ses excès les plus violents, poussé à l’art extrême – et sublime – de la provocation : les dadaïstes, les surréalistes, de nombreux peintres – comme Dali – ne s’y sont pas trompés quand ils ont reconnus leur filiation au… libertinage.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la violence de l’érotisme libertin est aussi – et sans doute surtout – la dénonciation du relativisme, dans le temps comme dans l’espace, du licite et de l’illicite, de l’interdit et de la liberté, tels qu’ils sont (im)posés par la religion et le politique au nom de Vérités prétendant à l’universalité en raison de leur révélation. Au-delà, la provocation de la violence de l’érotisme libertin est donc mis au service d’une critique radicale et absolue de la religion et, en même temps, d’une revendication libertaire qui, parce qu’humaniste, est… athée.
Dans leur critique de la religion, les libertins s’attachent tout autant à démontrer l’inexistence de dieu en se fondant sur des arguments de Raison ainsi que sur les lois de la nature que l’impossibilité de prouver l’existence de dieu en arguant d’un humanisme qui remet l’humain à la mesure de toute chose mais une mesure qui, au regard de la nature, n’est pas… une démesure.
Au XVIIIème siècle comme auXVIIème siècle, les deux ordres en place – la monarchie et la religion catholique – ne se sont pas trompées et s’ils n’ont cessé de poursuivre de leurs foudres -emprisonnement, internement psychiatrique, bannissement, exécution capitale – le mouvement libertin ce n’est pas pour ses excès érotiques – son libertinage – mais bien pour ses revendications libertaires et la critique radicale et absolue qu’il faisait d’eux.
L’athéisme des libertins, pour une large part, ne s’est pas contenté d’être une critique de l’aliénation – de l’imposture – religieuse faite au nom d’un humanisme épris de justice dont les revendications n’auraient été que de réparation. Il a aussi été un projet révolutionnaire de transformation des humains – de l’humain – et de destruction de l’ordre établi – temporel comme religieux -. Bien qu’avançant masqué derrière un érotisme exacerbé et l’apparence d’un propos blasphématoire dénué de toute intention opératoire, le mouvement libertin, d’une simple philosophie de l’homme – même si c’était déjà beaucoup ! – s’est érigé en un projet politique.
C’est pourquoi, nombre de libertins rallieront avec enthousiasme et ferveur les rangs de la Révolution de 1789 en revendiquant d’emblée l’abolition de la monarchie et de la religion et que plusieurs d’entre eux payeront fort cher le prix de cet engagement. Mais c’est pourquoi aussi la plupart seront déçus – désenchantés – de ce qui, à leurs yeux, sera une véritable trahison de l’idéal et du projet révolutionnaires quand la Révolution renoncera à l’abolition de l’Ordre – de tous les ordres – pour substituer son propre ordre – avec son cortège de terreur liberticide – et instaurer la religion de l’Homme en place de celle de Dieu.
C’est pourquoi, les différentes réactions qui ont suivi – et qui suivent encore – la générosité et l’absolutisme de l’élan révolutionnaire de 1789 ne se sont pas trompés non plus en assignant le mouvement libertin à la résidence infamante – mais infamante pour qui ? – de la pornographie, dans sa forme achevée qu’est le sadisme[18], pour en faire oublier la dimension politique, et, en quelque sorte, tuer dans l’œuf son poison révolutionnaire : un athéisme de combat au service d’un projet libertaire.
L’origine étymologique de libertin est liberté. C’est pourquoi, dans le contexte sémantique qui est le nôtre, et pour éviter toute confusion abusive, volontaire ou non, à l’expression de mouvement libertin, en définitive, je préfère celui de mouvement libertaire et à celle de libertinage – comme philosophie, étique, projet politique, théorie et méthodologie d’action, mode de vie… – celle d’anarchisme.
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A présent, venons en au cas « Sade ».
Sade, un libertaire perpétuellement emprisonné
Et, d’abord, voyons le personnage historique :
Sade, Donatien Alphonse François, comte de Sade, dit le marquis de, écrivain français (Paris, 1740 ; Charenton, 1814). Issu d’une vieille famille provençale, il entre chez les jésuites de Louis-le-Grand (1750-1754), puis fréquente le collège de Cavalerie royale. Nommé capitaine, il participe à la guerre de Sept Ans (1756-1763). Démobilisé après le traité de Paris, Sade épouse Renée de Montreuil (17 mai 1763) avec « l’agrément de la famille royale ». Un ordre (29 octobre 1763) le fait interner au donjon de Vincennes « pour débauche outrée ». Désormais, Sade est « repéré ». Sa singularité s’affirme, en même temps qu’une inquiétante réputation s’attache à sa personne. Ses multiples liaisons, ses libertinages lui valent de nombreuses incarcérations.
On ne sait pas exactement quand Sade fut initié[19] mais on sait qu’il fut membre de la Loge les Amis de la Liberté[20], à l’Orient de Paris[21]. Par ailleurs, il est attesté par Pastoret[22] que Sade a été affilié à la L... des Neuf Sœurs le 7 mai 1780[23]. Plusieurs de ses œuvres et, en particulier, Justine ou les Malheurs de la Vertu, l’Histoire de Juliette ou les Prospérités du Vice[24]…, ses correspondances, notamment avec Gaufridy…, décrivent des temples et cérémonies maçonniques et font de nombreuses allusions à la F...M...
En 1768 éclate l’affaire Rose Keller, une ouvrière réduite à la mendicité qui s’échappe par la fenêtre d’une maison que Sade occupe à Arcueil. Elle se plaint dans le village d’avoir été séquestrée puis flagellée. Une peine frappe Sade. En 1772, à Marseille, où il vit avec son valet Latour, il est accusé de flagellation, d’homosexualité et d’utilisation de pastilles empoisonnées. Quatre filles publiques, qui souffrent de douleurs d’entrailles, accusent Sade de sodomie[25]. Il fait un nouveau séjour en prison, mais il s’évade et voyage en Italie sous le nom de comte de Mazan.
En 1774, Madame de Montreuil, sa belle-mère[26], le fait enfermer à Vincennes. Il semble aujourd’hui que l’importance des délits de Sade soit exagérée; on en commettait bien d’autres à l’époque, qui n’ont pas valu à leurs auteurs la malédiction qui a frappé Sade. Aussi l’hostilité de Mme de Montreuil peut-elle être considérée comme déterminante. On notera, de surcroît, que les rapports de Sade et de son épouse étaient bons, comme le prouve sa correspondance avec elle.
En 1784, le prisonnier est transféré à la Bastille, puis à Charenton, hospice public pour malades mentaux. C’est durant cette période qu’il écrit les Cent Vingt Journées de Sodome ou l’École du libertinage (1785) et Justine ou les Infortunes de la vertu (1787).
Libéré (1790), il publie Justine (1791). Arrêté pour « modérantisme », il est conduit aux Madelonnettes puis transféré aux Carmes, à Saint-Lazare et à la maison de santé de Picpus. De nouveau libéré, il publie la Philosophie dans le boudoir (1795), Aline et Valcour (1795), la Nouvelle Justine (1797), les Crimes de l’amour (1800). Ces ouvrages font scandale et l’auteur de « l’infâme Justine » se retrouve emprisonné par le régime bonapartiste, d’abord à Sainte-Pélagie, à Bicêtre, enfin à Charenton, où il meurt misérablement, au milieu des malades, en 1814[27].
Sade reconnut l’aspect excessif, outrancier, provocateur… de son expérience, littéraire et existentielle, dans une lettre qu’il adressa à sa femme, du donjon de Vincennes, le 20 février 1791 : « Oui, je suis un libertin, je l’avoue : j’ai conçu tout ce qu’on peut concevoir dans ce genre-là, mais je n’ai certainement pas fait tout ce que j’ai conçu et ne le ferai sûrement jamais. Je suis un libertin, mais je ne suis pas un criminel ni un meurtrier ».
Dans son testament, admirable, il exprime sa volonté de ne laisser aucune trace de son passage sur la Terre et demande à être enterré dans le parc de sa propriété, sans aucune inscription[28].
« Chef-d’œuvre de l’infamie et de la débauche », comme l’écrit Maurice Blanchot, la vie du « divin marquis » fut celle d’un « coupable de pur et simple libertinage ».
L’œuvre sadienne :
Héritier du naturalisme de Diderot et de Rousseau, Sade, « l’esprit le plus libre » (Apollinaire), a poussé cette philosophie jusqu’à ses extrêmes conséquences. Il s’en est servi pour justifier l’expansion sans limites de l’individu. « Si la nature désapprouvait nos goûts », proclame un des personnages, « elle ne nous les inspirerait pas ». Aussi la débauche et la cruauté prennent-elles chez lui les dimensions de la folie et du mythe. L’œuvre peut inspirer l’épouvante. En y projetant, sans retenue, ses obsessions et ses fantasmes, Sade n’en a pas moins apporté aux philosophes un document exceptionnel, et les surréalistes ont reconnu en lui le symbole de l’homme qui s’insurge contre tous les interdits.
De fait, la pensée de Sade a un caractère politique, ce qui le rapproche de tout le courant libertin, si vigoureux au XVIIIe siècle. Sade, qui veut réconcilier Éros et Nature (« Tout est dans la nature », soutient-il), au nom d’un athéisme absolu, sans concession, s’est opposé au déisme, à l’Être suprême de Robespierre, qu’il a accusé d’étouffer la révolution totale, laquelle devait être aussi celle des mœurs. C’est ce qu’il exprime dans son texte célèbre, « Français, encore un effort ! « ,inclus dans la Philosophie dans le boudoir mais aussi dans sa lettre au cardinal de Bernis « Contre l’Être Suprême (extraits)« .
L’esprit du crime s’apparente chez Sade à un rêve démesuré de la négation que les lointaines possibilités pratiques dégradent : le projet destructeur dépasse infiniment les hommes. Si le héros sadien[29] paraît singulièrement libre à l’égard de ses victimes, dont dépendent ses plaisirs, la violence envers ces victimes vise autre chose qu’elles et ne fait que vérifier frénétiquement l’acte destructeur par lequel « il a réduit Dieu et le monde à rien » (Maurice Blanchot)[30].
La facilité du crime est dérisoire. L’acte destructeur est simple. Mais le monde où le héros sadien s’avance est un désert. À l’aube des Cent Vingt Journées, le duc de Blangis dit aux femmes réunies pour le plaisir de quatre libertins : « Vous êtes enfermées dans une citadelle impénétrable, qui que ce soit ne vous y sait, vous êtes soustraites à vos amis, à vos parents, vous êtes déjà mortes au monde ».
Sade introduit dans le roman une nouvelle dimension qui veut « offrir partout le vice triomphant et la vertu victime de ses sacrifices […] dans la seule vue d’obtenir l’une des plus sublimes leçons de morale que l’homme ait encore reçues : c’était, on en conviendra, parvenir au but par une route peu frayée jusqu’à présent« .
C’est ainsi que Sade, voulant prouver que la vertu est la seule raison du malheur de Justine, fait alterner les scènes d’orgies (succession de viols, d’incestes, de monstruosités sexuelles) et les « dissertations morales ». Jean Paulhan a souligné ce mode de l’accumulation répétitive, qui fait songer « aux livres des grandes religions ».
La pensée sadienne :
La pensée sadienne n’est pas… la théorie du sadisme. Le sadisme n’est le reflet ni de la pensée, ni des faits et gestes de Sade mais une perversion sexuelle – une maladie psychologique – que Sade, en tant qu’écrivain naturaliste a dépeinte au même titre que d’autres perversions, psychologiques, sociales et politiques.
Sade n’était pas un sadique – et, a fortiori, le sadique par excellence, voire le chantre, pour ne pas dire le dieu du sadisme – mais un être humain, ayant les mêmes forces et les mêmes faiblesses que n’importe quel autre être humain, ainsi qu’un écrivain et un penseur dont la pensée humaniste relevait à la fois de l’athéisme et de l’anarchisme.
S’il fut libertin au sens dérivé du terme, il fut d’abord et avant tout un… libertaire. Un amoureux et un militant passionné de la liberté, un adversaire farouche, indomptable et indompté de tous les liberticides. Mais un libertaire qui fut, contre son gré, bien entendu, un… perpétuel prisonnier.
Pour prouver ces affirmations, je n’ai pas la place de me livrer ici au travail monacal d’une exégèse de copiste[31]. Je me contenterai donc d’énoncer un certain nombre de repères afin que les éventuelles sceptiques puissent plus facilement orienter leurs propres travaux de vérification :
• dans l’œuvre sadienne, le discours philosophique et politique prend nettement plus de place que les descriptions orgiaques
• ces discours n’ont pas nécessairement un rapport avec l’action en cours ; en particulier, ils ne sont pas nécessairement la théorisation/justification de cette action
• le principal objet de ce discours est la négation de dieu et de l’Autorité, qu’elle soit temporelle ou religieuse, d’une part et, d’autre part, la revendication d’une liberté absolue et, en même temps, du Bonheur comme droit universel et inaliénable
• il y a chez Sade autant d’héroïnes que de héros et la réification du partenaire comme objet sexuel est le fait aussi bien de femmes que d’hommes
• femmes et hommes se partagent les rôles de bourreaux et de victimes
• Sade donne une définition du bonheur fondée sur la plus élémentaire sagesse : « ne pas faire à l’autre ce que l’on ne veut pas que l’autre vous fasse »
• il y a souvent des contradictions immédiates entre la générosité du discours tenu et l’action en cours, notamment lorsqu’il s’agit d’une action violente. Ainsi, de deux choses l’une : ou bien Sade ne savait pas ce qu’il écrivait, ce dont on ne peut que douter quand on sait la minutie qu’il apportait à sa rédaction et que, la plupart du temps, il mettait plus de temps à rédiger ses plans et consigner ses annotations qu’à écrire l’histoire elle-même ; ou bien cette contradiction est l’un des masques sous lequel Sade avance à l’instar de la quasi totalité des écrivains libertins du XVIIIème siècle. Et alors, il n’importe pas de pointer la contradiction mais… de lever le masque. Les appels sadiens au bonheur, à la tranquillité de l’âme, au stoïcisme, à l’égalité, à la Justice, à la Liberté, à un Droit humain universel, à l’abolition des privilèges, à la libération de l’aliénation religieuse, à la condamnation de la violence, à la Raison… sont trop nombreux, trop martelés pour que soit mise en doute l’intention humaniste et libertaire de l’auteur. Ils sont trop redits, dans des formes différentes mais avec le même fond, trop scandés pour qu’ils soient niés, anéantis par la contradiction dont il s’agit. Ils sont trop bien construits selon un développement d’une logique méticuleuse[32], savamment ordonnancée, hiérarchisée… pour être écartés d’un revers de la main. Ce n’est pas cette contradiction qui a du sens mais la juxtaposition, l’affrontement, l’opposition qu’il y a entre ce discours humaniste et la violence de l’action. Or, si l’on s’attache non plus à l’action mais aux acteurs on constate que, certes, il y a parfois des victimes au sein des classes dominantes – aristocratie, bourgeoisie et clergé – mais que, en général, elles sont toujours du… peuple quand leurs bourreaux sont toujours des classes dominantes. Les dénonciations et revendications du discours prennent alors tout leur sens : elles sont dirigées contre les classes dominantes qui, légitimant leur domination sur une autorité soit-disant divine, s’autorisent, par la force, l’argent, la morale, l’ordre politique et religieux…, à commettre tous les excès possibles et imaginables contre le peuple. Et ce discours n’est alors plus seulement un discours de dénonciation, de protestation mais un appel à la révolte contre les classes dominantes. Un appel à la révolution pour détruire l’ordre en place et construire une utopie où il n’y aurait plus de contradiction entre les mots et les actes[33]
• même si c’est anecdotique, il convient de rappeler que Sade a fait l’objet d’une véritable persécution de la part de sa belle-famille. Or, jamais, à aucun moment de sa vie, il n’a commis le moindre acte… sadique à son encontre alors même que, s’agissant de son épouse, il en avait parfaitement le loisir
• jusqu’en 1789, Sade a fait l’objet de poursuites et même de persécutions judiciaires sur l’initiative privée de sa belle-famille. Or, lorsque la réaction a dénaturé l’intention du projet révolutionnaire de 1789, ces poursuites et persécutions se sont poursuivies mais, alors, du chef du pouvoir en place et pour des motifs qui ne relevaient plus du libertinage mais du trouble apporté à l’ordre public, d’atteinte à la sécurité de l’État, de complot girondin…, bref… du politique, ce qui, historiquement, démonter bien que le danger que représentait Sade était dans son discours sadien et non dans son écriture sadique.
• de son vivant, Sade n’a jamais véritablement été reconnu comme un écrivain libertin et, en matière de littérature érotique, c’était Crébillon fils qui était considéré comme le chef de file de ce genre littéraire. En revanche, de son vivant, et plus particulièrement à partir de 1789, Sade a été reconnu – par la Police et la Justice – comme un dangereux agitateur politique, un auteur politique et, ne pouvant pas être accusé de révolutionnaire par les fils (indignes) de la Révolution, de factieux, de séditieux, toutes accusations qui, de nos jours, se résumeraient en celle… d’anarchiste.
• Sade a fait l’objet de plusieurs internements psychiatriques sur décision de justice ou à la discrétion de l’autorité administrative ou du pouvoir politique. Or, à cette époque le libertinage, même dans sa forme excessive qu’est le sadisme, n’était pas considéré comme une maladie mais comme une dépravation morale[34]. Il n’était donc pas justiciable d’un traitement médical mais de la prison et, au besoin, en ce qui concerne notamment la sodomie, du bûcher ou du gibet. En revanche, à cette époque, comme de nos jours encore, l’internement psychiatrique était une mesure, discrétionnaire et discrète, qui permettait de régler des problèmes familiaux – notamment de nature patrimoniale – ou de museler des oppositions politiques sans que l’opinion publique et celle de l’intelligentsia en soit informée. Si Sade avait été considéré comme un sadique et qui, plus est, l’apôtre du sadisme, il n’aurait eu droit qu’à l’emprisonnement, voie à une exécution capitale.
• malgré toutes les dépravations sexuelles dont il a été accusé[35] et la multitude d’opportunités légales qui pouvaient s’offrir pour se débarrasser de ce suppôt de Satan, Sade n’a été condamné à mort que pour un motif politique – complot girondin – [36].
Sade, avant de mourir, a voulu jouer un ultime tour aux hommes et à l’Histoire en organisant la disparition mystérieuse de son crâne. Ce tour de passe-passe a réussi mais ce sont les hommes et l’Histoire qui, en définitive, auront joué un sale tour posthume au divin marquis en confondant l’humanisme sadien avec le sadisme et réduisant son anarcho-athéisme à une perversion sexuelle aggravé d’une dépravation morale.
Il n’empêche que, une fois de plus, malgré tout, l’Histoire a retenu le nom de la victime – Sade, Donatien Alphonse François, comte de Sade, dit le marquis de, dit encore le divin marquis – et non ceux des juges, des gardiens et des bourreaux.
Il n’empêche que, de nos jours encore, ce sont les livres de Sade qu’on lit avec le frisson jouissif de la désobéissance, du blasphème, de l’interdit bravé, du tabou enfreint et non ceux de ses détracteurs et de ses accusateurs.
L’homme Sade, libertaire de conviction et de pratique, athée conséquent jusqu’à sa son dernier souffle de vie, est mort prisonnier. La pensée sadienne alors pu prendre pleinement son envol et, depuis, elle ne cesse de sillonner librement cet espace infini qu’est celui de la libre pensée.
J’ai dit, V...M...
[1] Il s’agissait essentiellement d’aristocrates – noblesse d’épée -, de grands bourgeois – noblesse de robe – et, au XVIIIème siècle surtout, de dignitaires de l’Église catholique, d’origine aristocratique, n’ayant généralement pas prononcé les vœux de prêtrise.
[2] Période de… libertinage par excellence !
[3] « Le libertin [du XVIIème siècle] n’était aucunement un sacripant mais un homme qui se réservait de ne pas suivre servilement ni les idées ni les coutumes du jour » (Rémy de Gourmont).
N.B. Gourmont (Remy de), écrivain français (Bazoches-au-Houlme, Orne, 1858 ; Paris, 1915). Esprit raffiné et anticonformiste (il fut exclu de la Bibliothèque nationale, en 1891, pour un pamphlet antinationaliste, « le Joujou patriotique« ), il fut le principal collaborateur du Mercure de France et le critique du mouvement symboliste. On lui doit des poèmes, des romans (Sixtine, 1890 ; Un cœur virginal, 1907), des pièces de théâtre et surtout des études et des essais (le Latin mystique, 1892 ; le Livre des masques, 1896 ; le Problème du style, 1902 ; Promenades littéraires, 1904-1927). Il a également laissé une importante correspondance (Lettres à l’amazone, 1923).
[4] Du moins, celles et ceux faisant partie du mouvement.
[5] Cyrano de Bergerac (Savinien de Cyrano), essayiste et dramaturge français (Paris, 1619 ; id., 1655). Fils d’Abel de Cyrano, écuyer, le gentilhomme Savinien de Cyrano, dit de Bergerac (fief proche de Chevreuse), fit ses études au collège de Beauvais, où Jean Grangier, personnage qu’il ridiculisa dans sa comédie du Pédant joué, lui enseigna la rhétorique. Par la suite, Cyrano mena à Paris une existence agitée, cédant à un libertinage effréné, s’adonnant avec Chapelle et Molière aux idées philosophiques sous la direction de Gassendi et fréquentant le cercle de Campanella et Michel de Marolles, par lesquels il fut considérablement influencé. Vers 1638, il s’engagea dans la Compagnie des gardes de M. de Casteljaloux, s’y rendit célèbre très vite par sa bravoure militaire, participa au siège de Mouzon (1639), où il fut blessé d’un coup de mousquet, puis à celui d’Arras (1640), où il fut de nouveau blessé d’un coup d’épée à la gorge. Il quitta la carrière militaire, accumula duels, querelles, incartades, brouilles et fureurs parfois burlesques (il pourfendit le singe du bateleur Brioché, aventure rapportée dans la relation bien connue: Combat de Cyrano de Bergerac contre le singe de Brioché au bout du Pont-Neuf), indisposa la gent littéraire parisienne. Il vécut un temps chez d’Assouci, entra au service de Mazarin, écrivit d’incongrues et violentes « mazarinades ». En 1653, il se plaça sous la protection d’Arpajon, qui le nomma secrétaire. En 1654, il fit représenter sa tragédie la Mort d’Agrippine à l’Hôtel de Bourgogne, œuvre colorée et forte qui fut interdite pour ses audaces. Mais il se fit surtout connaître par une œuvre singulière d’inspiration baroque : Histoire comique des États et Empires de la Lune. Ce « voyage imaginaire », inspiré de l’Utopie de Thomas More et de la Cité du Soleil de Campanella, transporte notre auteur, à la faveur d’une machine de son invention (des fioles remplies de rosée, attachées autour du corps et que la chaleur du soleil parvient à soulever), dans un monde qui ne peut s’apparenter qu’à celui de la Lune. Dans ce livre d’aventures, où se mêlent la philosophie et la satire, la poésie et la polémique, les scènes cocasses et piquantes (par exemple, celle des alouettes tombant toutes rôties grâce au «feu» d’une arquebuse spéciale), succèdent aux discussions sur l’origine du monde, l’immortalité de l’âme et l’éternelle folie de l’homme. Dans un second ouvrage, inachevé, Histoire comique des États et Empires du Soleil (1662), Cyrano gagne le Soleil, où les oiseaux vivent heureux grâce à leur parfaite organisation politique. Une nuit, une poutre tomba d’un toit sur sa tête. Il mourut peu après, et une de ses parentes, mère Catherine, le fit enterrer dans son couvent, rue de Charonne. Visionnaire aux œuvres singulières, modernes, pleines d’aperçus de génie, de bizarreries et de pensées originales, il devait inspirer les plus illustres écrivains: Molière (les Fourberies de Scapin), Voltaire (Micromégas), Swift (Gulliver), Fontenelle (De la pluralité des mondes), Rostand (Cyrano de Bergerac).
[6] Gassendi (Pierre Gassend, dit), philosophe, astronome et physicien français (Champtercier, près de Digne, 1592 ; Paris, 1655). Il obtint son doctorat en théologie à Avignon (1614) et entra dans les ordres en 1617. Prévôt de l’église de Digne (1626), il résida la plupart du temps à Paris. Ce rationaliste, contemporain de Descartes, fut aussi professeur de mathématiques au Collège royal de 1645 à 1648. En posant le finalisme de l’Univers, il invoque l’atomisme d’Épicure et de Lucrèce (De vita et moribus Epicuri, 1647) qu’il prétend compatible avec la doctrine chrétienne d’un monde créé par Dieu, et affirme la possibilité d’une science des apparences, non démonstrative, s’appuyant sur les mathématiques. Il cherche ainsi une voie moyenne entre dogmatisme et scepticisme (Objections aux méditations de Descartes, 1641) et aura une grande influence sur Locke et Bayle. Il se livra d’autre part à de nombreuses observations en acoustique et en astronomie et fut un admirateur de Galilée.
[7] Naudé (Gabriel), médecin, historien et bibliographe français (Paris, 1600 ; Abbeville, 1653). Libertin érudit, il fut bibliothécaire de Mazarin. Il est le premier à avoir abordé le problème de l’organisation des bibliothèques.
[8] La Mothe Le Vayer (François de), écrivain français (Paris, 1588 ; id., 1672). Précepteur du jeune Louis XIV, esprit sceptique, il fut l’un des représentants du libertinage érudit (Dialogues d’Orasius Tubero, 1698). Il critiqua les commentaires linguistiques de Vaugelas (Considérations sur l’éloquence française de ce temps, 1638). (Acad. fr., 1639.)
[9] Fontenelle (Bernard Le Bovier de), philosophe et écrivain français (Rouen, 1657 ; Paris, 1757). Neveu des Corneille par sa mère, il exerça quelque temps le métier d’avocat, avant de se rendre à Paris, où Thomas Corneille l’engagea, en 1677, au Mercure galant. Il se fit vite une réputation de bel esprit, dont la finesse transparaît dans les œuvres morales et satiriques (Dialogues des morts, 1693) et qu’il cultiva tout au long de sa vie dans les salons de Mmes de Tencin, de Lambert ou Geoffrin. Après l’insuccès de ses premières comédies et tragédies, il se lança dans une œuvre brillante de vulgarisation scientifique. Dernier cartésien dans un monde devenant newtonien (Entretiens sur la pluralité des mondes, 1686), il défendit le fait contre la fable, les Modernes contre les Anciens (Digressions sur les Anciens et les Modernes, 1688), au nom d’un progrès infini des connaissances, qu’il fut un des premiers à concevoir. Les Éloges nombreux qu’il fit de ses collègues défunts devant l’Académie royale des sciences, dont il fut nommé secrétaire perpétuel en 1699, constituent une mine de renseignements pour l’histoire des sciences. (Acad. fr., 1691.)
Chants maçonniques 1 mai, 2009
Posté par hiram3330 dans : Chaine d'union,Recherches & Reflexions , 3 commentairesChants maçonniques
Merci à notre F:. et CO du GODF G. BER:.