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Digression …QUI EST FRANC-MAÇON ? 31 janvier, 2020

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Introduction aux éléments de tracés avec règle et compas, la concordance maçonnique

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Introduction aux éléments de tracés avec règle et compas, la concordance maçonnique

Il n’y a pas de matière comme telle. Toute la matière est originaire et n’existe que par la vertu d’une force qui cause les particules d’un atome à vibrer et qui soutient tout ce système atomique ensemble. Nous devons supposer derrière cette force l’existence d’un esprit conscient et intelligent. Cet esprit est la matrice de toute matière.

Max Plank

La Cathédrale va plus loin. Elle s’élève dans l’air. Elle recueille la lumière, l’absorbe, et la transforme de terre, d’eau, d’air et de feu ! Quel athanor a jamais été plus complet pour réaliser la plus belle des alchimies humaines ? Car il s’agit bien d’alchimie. Il s’agit bien de transmutation, non de métal, mais d’homme ; d’homme que l’on veut conduire vers un stade supérieur d’humanité.

Louis Charpentier

Si tu ne peux le calculer montre-le

Socrate

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L’univers est le créateur du modèle de la réalité, il utilise la géométrie comme technique logique de création, donc comme technologie pour harmoniser la réalité ; les lois de la géométrie sont les lois de la vérité. Le compas est l’instrument du temps et de l’espace, le cercle fige le temps pour décrire le contenu de son espace, et comme tout tourne constamment dans l’univers, il ne pourrait en être autrement.

 

Vous avez dit géométrie ?

 

Rien n’est plus facile à apprendre que la géométrie

pour peu qu’on en ait besoin. 

Sacha Guitry

 

Vous n’aimez pas les mathématiques ? Vous pensez que cet opus n’est pas pour vous ? Détrompez-vous. Munissez-vous d’un compas, d’une règle, d’un crayon bien taillé, de feuilles de papier blanches, d’une gomme pour vous rassurer et je vous promets que vous allez vous divertir à faire apparaître, à l’intérieur du cercle, les formes de base de la construction avec lesquelles vous pourriez dessiner le plan de la plus palpitante des constructions, faite de matière et de lumière. Il suffira de suivre les indications données dont la simplicité n’a d’égale que la beauté de ce qui en surgira. Pas de démonstration, juste le plaisir de rendre visible les formes de l’harmonie.

« Depuis la nuit des temps, les hommes ont cherché un langage à la fois universel et synthétique et leurs recherches les ont amenés à découvrir des symboles qui expriment en réduisant à l’essentiel les réalités les plus riches et les plus complexes », (O.Mikhael Aïvanhov, Le langage des figures géométriques).

L’une des expressions de ce besoin a été la création de la science géométrique. Les figures géométriques évoquent dans leur essence des relations spirituelles qui ne sont ni mesurables, ni exprimables de façon totalement adéquate. Cependant, pour être complètement intégrée, cette géométrie a besoin de l’expression artistique qui, seule, peut toucher tous les niveaux de l’être. L’agencement de différents symboles sous une forme artistique peut véhiculer l’expression profonde de multiples niveaux de conscience.

Au-delà des mathématiques, la géométrie préfigure l’architecture, objet spécial des études du compagnon, lui qui doit construire son temple intérieur avec l’aide de ses voyages, ses quêtes, ses travaux, muni de la règle et surtout du compas. L’éloge particulier de la Géométrie qui, dès l’époque médiévale, apparaît synonyme de Maçonnerie, trouve sa justification dans le fait que l’homme travaille toujours par mesure. La Géométrie est citée en cinquième place après la grammaire, la rhétorique, la dialectique et l’arithmétique dans les arts libéraux. Elle est, selon le terme scolastique la quintessence (quinta essentia), la science la plus noble de toutes, celle qui ouvre sur toutes les autres. On trouve dans le Cooke, manuscrit du début du XV: « Vous devez savoir qu’il y a sept sciences libérales ; grâce à elles, toutes les sciences et techniques de ce monde ont été inventées. L’une d’elles, en particulier, est à la base de toutes les autres, c’est la science de la géométrie ».

Pour le franc-maçon, la relation entre géométrie, art royal de l’architecture et édification spirituelle est incontestable, inspirée de la maxime platonicienne « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre », inscrite au-dessus de la porte de l’école de Pythagore.

Et Platon de rajouter : « la géométrie est une méthode pour diriger l’âme vers l’être éternel, une école préparatoire pour un esprit scientifique, capable de tourner les activités de l’âme vers les choses surhumaines… ». Être géomètre, c’est être capable de démontrer les choses par soi-même. La compréhension du réel ne peut être intégrale. Elle suppose un cheminement de la pensée d’un point de départ à un point d’arrivée, une façon d’épeler les mots et non de leur donner une lecture globale.

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Sur le frontispice des Constitutions d’Anderson on retrouve le théorème de Pythagore concernant les triangles rectangles, le reconnaissant sans doute comme le père de la géométrie mais insistant, aussi, sur le nécessaire savoir qu’apporte la géométrie à un esprit éclairé.

Vers le 6ème siècle avant J.-C., en Égypte ancienne, les nombres ne codaient encore que les impôts, le commerce, les salaires. L’évaluation, par les harpédonaptes (fonctionnaires royaux, arpenteurs géomètres), de la surface des champs cultivables dont la crue du Nil a effacé les bornes de délimitation, ne géométrise pas encore parce que ne cherchant qu’à clore les contentieux entre voisins par la force de l’État. Avec le droit de propriété, voici du droit civil et privé. Mais aussi, en délimitant les bornes, le cadastre royal fixe l’assiette de l’impôt. Voilà du droit public et fiscal. Les nombres ne disent, ainsi, à cette époque, que les relations humaines. Alors que la géométrie était au cœur de la construction des pyramides que l’on peut considérer comme des observatoires de la terre. Y auraient été mémorisées ses mesures par des paramètres scientifiques que l’on retrouve, d’ailleurs, coordonnées autour d’un cercle terrestre dans d’autres constructions sacrées. (on peut consulter ces informations sur ce document passionnant : http://www.youtube.com/watch?v=VLps5Ml6inI).

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Et puis un jour…: de la gigantesque masse de pierres, du mausolée du pharaon Khéops va naître la géométrie sur le sable ensoleillé maquillé par son ombre. En rapportant l’ombre du tombeau à celle d’un poteau de référence, ou à la mesure de son corps, selon la légende, Thalès énonce l’invariance d’une forme malgré la variation de sa taille. En effet, son théorème montre la progression ou la régression infinies de la dimension, dans la conservation d’un même rapport, du colossal, la pyramide, au plus médiocre bâton planté dans le sol. Quel effacement de toute hiérarchie dans le semblable, puisque chaque stade, du plus grand au plus petit, conserve le même rapport.

Thalès se serait servi de sa propre taille comme unité de mesure. Il obtint un résultat de 276,25 coudées pour la hauteur de la pyramide. Nous savons aujourd’hui que la hauteur de la pyramide de Khéops est de 280 coudées.  Impressionnés par ce calcul, les prêtres lui donnèrent accès à la bibliothèque où il put consulter de nombreux ouvrages d’astronomie.

Thalès nous fait découvrir ainsi un monde hors des sociétés où les choses sont en rapport avec elles-mêmes. La proportion parle, sans bouche humaine, montre un ordre qui ne connaît pas la loi sociale, qui échappe à la toute puissance.

Une liberté, une égalité sans pareilles ! Comme le raconte Michel Serres, « Pharaon meurt une seconde fois quand Thalès, en mesurant la pyramide, la réduit à un simple polyèdre dans l’homothétie de son ombre de géomètre ». 

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La proportion analogique, voici la grande conceptualisation grecque, pas celle du rapport simple a/b, mais celle qui intéresse en tant que médiété, celle qui va d’un rapport à un autre en conservant le même rapport tel a/b = c/d et, par substitution, peut passer de celui-ci à un troisième rapport et ainsi de suite (a/b= c/d=e/f=x/y …). Il ne s’agit point de couper quelque chose en part, donc de partager ou de prélever, ce que chacun, généreux ou léonin, sait faire depuis les commencements, mais de construire, pas à pas, une chaîne, donc de trouver ce qui, sous-jacent, stable et glissant, transite le long de son enchaînement. Les Grecs appelleront ce rapport d’analogie « logos ». Comme Platon et Aristote, les Stoïciens penseront que le logos pur est parole, intelligence, qu’il est un accès direct et véritable aux choses, ce que les nombres et leurs rapports peuvent enfin faire.

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Un exemple de cette façon de comprendre le monde est celui du calcul de la circonférence de la terre. C’est à l’aide d’un obélisque, en l’occurrence le phare d’Alexandrie construit vers 300 av. J-C qui en remplit le rôle, qu’Ératosthène, vers 230 avant notre ère, en calcule sa première estimation en se servant de la différence de hauteur du Soleil, le jour du solstice d’été. Ératosthène sait qu’à Syène – aujourd’hui Assouan en Égypte – le jour du solstice d’été, à midi, les rayons solaires tombent verticalement par rapport au sol parce qu’ils  éclairent un puits jusqu’à son fond. Au même moment à Alexandrie, ville située à peu près sur le même méridien mais plus au nord, le Soleil n’est pas au zénith. L’obélisque de cette ville y projette en effet vers le Nord une ombre bien mesurable. Avec la verticale du lieu, (la hauteur du phare) la longueur de l’ombre de l’obélisque permet de connaître l’angle que fait la direction du Soleil et par là même de déterminer celui que fait les deux villes à partir du centre de la Terre. Pour en déduire la valeur de toute la circonférence terrestre, il « suffit » à Ératosthène d’estimer la distance séparant les deux villes. Un cercle fait 360°, on comptait alors 5000 stades, le calcul  de proportionnalité avec un angle de 7 degrés est donc de  (7 / 360 = 5000 / Circonférence >>>     Circonférence = (360 x 5000) / 7), avec un stade de 157 mètres cela donne 40371 km à comparer avec les 40074 actuellement mesurés.

Le compas, Le mot compas vient du verbe latin « compassare » qui veut dire : mesurer avec le pas. C’est en observant la mâchoire d’un serpent que Talos, neveu et apprenti de Dédale, aurait inventé le compas (et la scie).

est un instrument qui sert à prendre une mesure pour la reporter à l’identique, traçant subséquemment un cercle dont l’ensemble des points se situent à égale distance d’un point appelé centre. Ainsi, le compas délimite le monde mais, aussi, définit ce qu’il contient. C’est ainsi que Dante, dans Le Paradis  (XIX, 40-42), désigne le dieu créateur comme : celui qui de son compas marqua les limites du monde et régla au-dedans tout ce qui se voit et tout ce qui est caché. Le compas est donc symbole de création du monde.

Si le cercle est, dès la plus haute antiquité, associé à la création et/ou à un dieu créateur, le compas en Occident, dès le Moyen Âge, se substitue au cercle : il est l’outil par excellence du créateur.

L’utilisation du compas implique une rotation, donc un mouvement, c’est pourquoi il est perçu comme l’activité dynamique de la pensée et de l’esprit. Il matérialise également ces vertus fondées sur la mesure que sont la prudence, la justice, la tempérance et la sagesse.

Le compas est au ciel ce que l’équerre est à la terre. En effet chacun de ces deux outils est muni de deux branches, celles du compas sont mobiles concrétisant l’universalité du macrocosme, ainsi capables d’exprimer l’ouverture d’esprit, alors que celles de l’équerre, fixes, sont là pour appeler à la rectitude.

Dans la Confession d’un maçon (1727) le compas est lié au serment de l’initié qui le tient alors piqué sur sa poitrine ouvert à 90° (qui est la mesure de l’équerre). Dans le régime rectifié le Vénérable Maître dit à l’initié : « prenez ce compas ouvert en équerre et posez en la pointe avec la main gauche sur votre cœur à découvert… le compas sur le cœur est l’emblème de la vigilance avec laquelle vous devez réprimer vos passions et réguler vos désirs ». Lié au serment de l’initié, alors  ouvert, piqué sur sa poitrine, servant de mise en mémoire par un affect d’un contenu signifiant l’ouverture de conscience, le compas, après avoir été dominé par la matière, devient au cours du chemin initiatique  dominant à son tour ; il a les pointes découvertes et n’est plus protégé. Selon une tradition du compagnonnage, attestée depuis Perdiguier, le compagnon est celui qui sait manier le compas, qui à donc dépassé le stade de l’équerre et acquis la maîtrise du trait. Le mouvement de l’équerre au compas est en fait la traduction du passage symbolico-cosmique de la terre au ciel ou, dit de manière plus maçonnique par le système Émulation, d’une surface horizontale à une vivante perpendiculaire. Notons également que l’équerre, instrument du Maître de la loge, suggère l’espace, la rationalité et l’immanence, tandis que le compas, outil du Grand Architecte, évoque le temps, la spiritualité et la transcendance. Dans la franc-maçonnerie dite « régulière », au premier degré le compas est toujours associé à l’équerre et à la Bible ouverte (volume de la Loi Sacrée), formant ensemble les « trois grandes lumières de la franc-maçonnerie » et dont la présence sur l’autel ou sur le plateau d’Orient est une condition expresse de la régularité des loges (un landmark).

Placé sur l’autel du travail, le compas, parce que de métal, focalise les énergies de la loge vers le Vénérable qui les reçoit et les renvoie chargées de son énergie de sagesse.

Les artistes disposent d’un compas spécial, instrument composé de deux branches fixées entre elles vers le milieu, chacune possédant une pointe à chaque extrémité. L’astuce est que les deux branches sont fixées de manière à ce que le point de fixage se trouve sur les points de proportion d’or des branches. Ainsi, par une simple utilisation du théorème de Thalès, si on écarte deux des pointes sur un segment, les deux autres pointes correspondront au segment considéré, multiplié ou divisé par le nombre d’or.

Au deuxième degré le compas marque, symboliquement et tout particulièrement, l’élargissement des cercles de pensée exprimant un franchissement progressif dans les degrés de la connaissance (dans certaines loges il est ouvert à 30° au premier grade, à 45° au deuxième, à 90° au troisième).

La règle est un instrument rectiligne qui sert à diriger la main pour tracer des lignes droites, c’est aussi ce qui peut conduire, diriger les actions et les pensées des hommes par un jugement droit. La droiture donne la rectitude, la ligne dont il ne faut pas dévier et la loi morale dans ce qu’elle a de rigoureux. L’importance de son enseignement au 2ème  degré est manifeste, la règle est portée durant 3 voyages soulignant l’exigence de ce devoir impératif et de sa constance dans le temps.

Souvent sectionnée en 24 divisions horaires, en bois, la règle est le symbole de la loi commune qui régit les phénomènes du monde réel et du monde spirituel. La répartition de ces divisions se voulait indication de règle de vie pour le franc-maçon comme indiqué dans les Divulgations de Martin Harvey : 6h pour le travail, 6h pour la prière, 6h pour la communauté, 6h pour le repos. La franc-maçonnerie anglo-saxonne la découpe toutefois en 8h pour le travail au chantier, 8h pour la prière et les exercices spirituels, 8h pour le repos et la vie familiale.

La règle, le règlement, est le principe qui dirige un groupe et qui s’impose à lui. Une association d’individus peut se considérer comme constituant un Ordre quand elle présume une Règle ou un Rite à travers lesquels on obtient une déterminante infinie. Un Ordre est initiatique quand la Règle ou le Rite sont tels qu’ils complètent la signification de la parole elle-même. La franc-maçonnerie se définit comme ordre initiatique.

Certaines obédiences, dans le cas de quelques grandes loges dites « régulières », se définissent comme un Ordre initiatique qui, tout en transcendant les spécificités individuelles, regroupe des personnes qui acceptent par serment, de vivre sous certaines règles que l’on appelle « Anciens Devoirs ». Les fondements de la Régularité Maçonnique s’appuient sur le respect d’un ensemble de règles consignées dans les composantes de base que sont les Landmarks, la Règle en douze points de la franc-maçonnerie, la Constitution de la GLNF du 14 novembre 1915 qui inclut le règlement général et les principes de base propres à toute grande Loge régulière : – 1er Surveillant : Frère Second Surveillant, où sont tracées les règles de nos devoirs ? – 2nd  Surveillant : Elles sont empreintes dans nos cœurs ; la raison nous en instruit, la religion les perfectionne, et la tempérance nous aide à les remplir.

Chaque point reporté par le compas représente une connaissance nouvelle ; prendre la pleine mesure du segment tracé, c’est acquérir les savoirs correspondant en les mesurant avec la règle. Règle et compas enseignent à concilier l’absolu de l’infini de la ligne et le relatif limité par l’écartement des branches du compas (le rayon).

Le tracé régulateur est le plan réalisé en premier à l’aide de la règle et du compas. C’est une trame sur laquelle le bâti se fonde. Il est le support de la construction, l’interface entre elle et le lieu qui la porte. Les bâtisseurs se sont évertués à lier la trinité du bâti, du lieu et du sacré, cherchant une harmonie et créant une dynamique entre l’homme, le construit et l’environnement. Par la conscience présente dans la construction est respecté l’endroit et ce qu’il a à offrir, le vivant. Les charpentiers et les tailleurs de pierre se partagent cette science (ou cet art) du trait. Pour les tailleurs de pierre, cela s’appelle la stéréotomie

La corde à nœuds

On dit aussi « corde nouée ». Elle sert à la fois de règle et de compas.

La corde à nœuds  est directement tirée de la maçonnerie opérative où elle était un outil de mesure pour les apprentis qui ne savaient ni lire, ni écrire. Tous les apprentis disposant d’une telle corde pouvaient tracer et mesurer au moyen du même étalon de base. Dès qu’il est question d’établir les plans d’un édifice sacré, on retrouve son utilisation. En fait, la corde est le premier outil dont on se sert sur le terrain, au moment où l’on trace la délimitation des fondations. C’est donc un symbole initiateur.

Dans les opérations d’arpentage, les mesures sont prises au moyen d’une corde nouée qui fournit des dimensions en même temps que des rapports de proportion, par exemple,  la corde celtique comportait 14 nœuds pour 13 intervalles.

L’association de cet outil à la géométrie permettait de construire un angle droit en remplacement de l’équerre et ainsi de tracer le triangle rectangle, nous ramenant au fameux théorème de Pythagore selon lequel la somme  des côtés de l’angle droit est égale au carré de l’hypoténuse. Ce lien entre un fait géométrique, l’angle droit, et une relation de mesure des côtés du triangle, était déjà bien connu des Babyloniens, 2 000 ans av. J.-C., idem chez les égyptiens qui se servaient d’une corde à 13 nœuds (12 intervalles) pour tracer des angles droits. Ainsi munis de cette bonne équerre, les harpédonaptes (les arpenteurs) pouvaient reconstituer chaque année les limites des champs rectangulaires que les crues du Nil avaient fait disparaître en apportant le limon fertile.

Les Égyptiens étaient de grands fabricants de cordes auxquelles ils attribuaient une grande valeur. Un rouleau de corde soigneusement tressé fut l’un des trésors trouvés dans la tombe de Toutankhamon.

On retrouve également l’usage de cordes à nœuds dans les civilisations anciennes. Les Incas, par exemple, utilisaient des assemblages de cordes à nœuds, appelés kippus, pour coder et conserver toute sorte de connaissances, des simples comptes aux rituels et repérages astrologiques.

A l’époque des compagnons constructeurs qui ne savaient ni lire ni écrire, qui ne disposaient pas de rapporteur pour mesurer les angles, il leur était indispensable de connaître des tracés, pouvant être faits avec la corde à nœuds, qui faisaient apparaître les relations entre les mesures et la valeur des angles qui en résultaient.

Dans un certain sens, la corde à nœuds était la représentation d’une structure,

d’un principe supérieur,

qui lie le monde physique au monde spirituel.

La tradition du tracé dans la charpente française a été inscrite au patrimoine immatériel de l’UNESCO en 2009.

Les formes ont-elles un symbolisme universel ?

La droite horizontale. Elle représente notre plan terrestre, « plat » par son horizon et sa stabilité apparente. C’est une structure d’accueil de notre matière dont elle est le symbole.

La droite verticale. Elle représente l’Esprit Divin. Elle est une descente de ce « qui est en haut » en reliant le supérieur et l’inférieur. Ce qui est debout, à l’image de l’humain, est ce qui est doué d’esprit, d’intelligence, étant le lien entre le monde divin et les mondes inférieurs.

La diagonale. Elle désigne un mouvement, qui est une progression ou une ascension selon le sens du tracé. Ce mouvement peut être un mouvement temporel ou une capacité d’action, de faire.

La demi-sphère ou demi-cercle : matrice. Elle est le symbole du ciel et la présence de l’esprit divin dans sa projection sur la terre, le visible et l’invisible. De façon plus réduite, la féminité en attente de fécondation.

Le demi-carré ou carré. À l’inverse du cercle ou demi-cercle, il symbolise la terre et l’Homme dans son imperfection. Dans le cas du demi-carré, c’est la complémentarité du visible et de l’invisible. Le carré en position verticale, proche du losange, indique la dynamique du carré, le mouvement c’est-à-dire principe de la vie.

Le double carré permet de montrer le dualisme du bien et du mal.

Le cercle. Il représente le tout fini et infini, l’unité et le multiple, le plein et la perfection ; pour les croyants  il figure le Créateur de l’Univers.

 

SOURCE : http://solange-sudarskis.over-blog.com/

DIGRESSION … CIVILISATIONS DES MEGALITHES

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Les premières loges de Palestine et leurs relations avec la Franc-maçonnerie égyptienne

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Les premières loges de Palestine et leurs relations avec la Franc-maçonnerie égyptienne
24 octobre 2017
par Léon Zeldis
Dans une région frappée par la guerre et le terrorisme, profondément divisée politiquement et religieusement, les loges maçonniques constituent un oasis de paix et de tolérance, où les hommes de bonne volonté transcendent leur différences pour joindre leur mains et leur esprits, liés par leur aspiration commune de créer un monde meilleur, de s’améliorer eux-mêmes et de contribuer à la construction d’une société plus rationnelle, fondée sur les principes de liberté, d’égalité et de fraternité.
La Franc-maçonnerie en Terre Sainte, son développement et ses relations avec les pays voisins représente un exemple brillant de la puissance des valeurs maçonniques et de leur capacité à surmonter les différences notées plus haut.
La loge Egypte
L’origine et le développement original des loges maçonniques en Palestine était intimement lié à la Franc-maçonnerie égyptienne ce qui était tout à fait naturel, puisque les deux formaient une part de l’Empire Ottoman jusqu’à la fin de la première Guerre Mondiale (1919).
Cette communication tente de décrire les loges de Terre Sainte et leurs relations avec celles de l’Egypte, qui n’étaient pas forcément plus anciennes, mais plus nombreuses et mieux organisées.
Il n’existait pas de loges en Egypte quand Napoléon envahit la terre du Nil.
L’appartenance de Napoléon à la maçonnerie est une question non tranchée, bien que quelques preuves disponibles tendent à donner une réponse positive.
Ce qui est sûr, c’est que plusieurs de ses parents, de même que ses officiers d’armée, étaient maçons, y compris le Général Kléber, qui fut Gouverneur d’Egypte lorsque Napoléon retourna à Paris. A cette époque une loge Isis fut fondée à Alexandrie, avec Kléber comme Vénérable Maître. Toutefois, après son assassinat, la loge avait disparu.1
Alexandrie était alors, comme durant toute son histoire, une ville cosmopolite, polyglotte, et on peut juger de son caractère progressiste par le fait que la première projection cinématographique en Egypte (et probablement dans le Moyen-Orient tout entier) eut lieu dans cette ville en novembre 1896, à peine un an après la première mondiale présentée en France par les frères Lumière.2
Plusieurs maçons italiens d’Alexandrie créent en 1830 une loge Carbonari travaillant le Rite Ecossais.3
Quelques années plus tard, en 1838, la Loge Memphis fut établie au Caire sous patente du Grand Orient de France.4
Une autre loge établie à Alexandrie en 1845, dépendante aussi du Grand Orient de France, s’appelait La Loge des Pyramides.
L’auteur maçonnique américain Robert Morris visita cette loge en 1868 au cours de son voyage en Terre Sainte, et il signala qu’elle travaillait alternativement en français et en arabe, mais les rituels étaient imprimées en français.5
Le célèbre homme politique arabe Abd-el-Kader fut initié dans cette loge en Juin 1864.6
De nombreux ateliers furent établis au Caire, Alexandrie, Suez, Port-Said et Ismaïlia dans les années suivantes.
En 1876, sur les instances de Salvatore Zola, le Grand Orient d’Italie autorisa la création du Grand Orient de l’Egypte, pour travailler les hauts grades du Rite Ecossais Ancient et Accepté, aussi que la fondation d’une Grande Loge d’Egypte pour les grades symboliques.
Un Grand Orient d’Egypte du Rite de Memphis fut fondé en 1867 -7, dirigé par le Marquis de Beauregard ; lui succéda le Prince Halim Pasha, fils de Mehmet Ali, Vice-roi d’Egypte, considéré comme le vrai fondateur de l’Egypte moderne. Halim Pasha succéda à son père à la tête du pays.
Le 21 mars 1873 les différentes loges fonctionnant en Egypte s’unissaient à Alexandrie pour former la Grande Loge Nationale d’Egypte et le 5 mars 1878 son siège fut transféré au Caire mettant fin à l’état d’anarchie existant dans la maçonnerie égyptienne.
Tawfiq Pasha, alors Khedive (Vice-roi) fut élu Grand Maître en 1881, et un grand nombre de personnalités égyptiennes, tels que Jamal ed’din al-Afhani, le grand érudit islamique et réformateur, rejoignirent les ateliers maçonniques, qui se sont multipliés au point qu’on en comptait plus de 500, « travaillant en anglais, français, grec, hébreu et italien, en plus de l’arabe. » 8
Al-Afghani et son disciple Mohammed Abdou s’adressèrent à leurs camarades dans les cercles libéraux de l’Egypte comme “’ikhawan al saffa wa khullan al wafd” (sincères fréres et fidèles compagnons).9
Tawfik Pasha démissiona de son poste en 1890 et Idris Bey Raghib fut élu Grand Maître.
Fils d’un ancien Premier Ministre d’Egypte, Idris Bey était riche, il avait fondé le parti politique Al-Fatah (Jeune Egypte)10 (qui n’a aucun rapport avec le Fatah d’aujourd’hui). La Franc-maconnerie égyptienne fut florissante durant la période où il était Grand Maître.
On peut se rendre compte de la renommée de la Maçonnerie en ce temps-là par l’intérêt pour l’ouvrage Histoire Générale de la Franc-maçonnerie, du célèbre historien George Saidan, auteur d’une Histoire de l’Empire Ottoman réimprimée et vendu encore aujourd’hui. Saidan, maçon, publia son histoire de 256 pages chez les éditeurs « Al-Majrusa » du Caire en 1889. Le volume avait été épuisé longtemps mais il fut réédité en 2004.11
Un autre membre de la famille royale égyptienne, le Prince Muhammad Ali, en 1922 succéda à Idris Bey Raghib en tête de la Grande Loge Nationale d’Egypte, mais Idris Bey et quelques uns de ses partisans n’acceptèrent pas la décision de la Grande Loge et ils fondèrent une autre Grande Loge concurrente.
Le conflit entre les deux puissances maçonniques aboutit au retrait de leur reconnaissance par les Grandes Loges d’Angleterre et d’Ecosse.
Finalement, une solution fut trouvé sous l’égide du Grand Orient de France et une nouvelle Grande Loge Nationale d’Egypte fut fondé en 1932 avec Abdel Meguid Younis comme Grand Maître.
En dépit de ses efforts pour rétablir l’ordre dans le monde maçonnique égyptien, plusieurs loges irrégulières continuèrent à fonctionner et elles jetèrent le discrédit sur la Franc-maçonnerie par leurs actions.
En 1956, après la crise de Suez, le Président Gamal Abdel Nasser ordona la fermeture de toutes les loges maçonniques et la confiscation de leurs propriétés. La maçonnerie est encore interdite en Egypte aujourd’hui.
En Terre Sainte, la proximité de l’Egypte explique qu’une bonne part des premières loges avaient reçu leurs patentes de la Grande Loge Nationale d’Egypte, avant et après la première guerre mondiale.
Avant la guerre, la Palestine et l’Egypte appartenaient à l’Empire Ottoman, l’Egypte profitait d’un statut semi-autonome, tandis que la Palestine constituait une partie de la province Syrio-Palestinienne. Après la guerre, la Palestine fut placée sous mandat Britannique accordé par la Société des Nations.
En 1895 une loge Solomon (ou Suleiman) fut fondée à Jérusalem avec une patente de la Grande Loge Nationale d’Egypte. Malheureusement, nous n’avons aucun détail sur cette loge.
La première loge pour laquelle nous possédons des renseignements n’était pas sous juridiction égyptienne.
La loge Royal Solomon Mother Lodge N° 292 fut établie en 1873 sous la juridiction de la Grande Loge du Canada, Province d’Ontario, pour travailler à Jérusalem et dans ses environs.
Cette loge, créée grâce aux inlassables efforts de l’Américain Robert Morris,12 constituait déjà un exemple de coopération multiraciale. Cinq des six fondateurs étaient chrétiens tandis que le sixième était juif.
Le premier candidat initié dans la loge fut Moses Hornstein – un juif qui plus tard devint chrétien, probablement par l’intermédiaire du missionaire américain Dr. James Turner Barclay. Un autre maçon qui rejoignit la loge fut un Arabe chrétien d’origine libanais, Alexander Howard, de son véritable nom Iskander Awad.
Howard agissait comme l’agent local de Thomas Cook – fondateur de l’agence de tourisme anglaise – prenant en charge l’organisation des voyages au Proche Orient. Ce métier permit à Howard d’acquérir fortune et situation sociale. Il est devenu un des premiers entrepreneurs immobiliers de Jaffa au-delà du mur, bâtit un pâté de maisons dans une rue qui portait son nom.
Aujourd’hui nommée Rue Raziel, on peut y voir encore la maison de Howard avec une frise sur la porte portant la devise « Shalom al Israel », c’est-à-dire « La paix soit sur Israel ».
Les historiens n’arrivent pas à comprendre pourquoi un Arabe avait mis à l’entrée de son logement une devise en hébreu.
La maison servit de temple maçonnique et était aussi centre de réunion pour les immigrants juifs et autres qui arrivaient à la fin du XIXème siécle et au début du Xxème siècle.
Encore plus surprenant – compte tenu de l’évolution ultérieure des relations entre les deux communautés – aux environs de 1890, la maison de ce maçon arabe devint la siège du Comité Central des Hovevei Zion (Les Amants de Sion), un mouvement pionnier de Sionistes russes qui promouvait l’immigration en Palestine.
Conjointement avec Rolla Floyd, un autre maçon américain membre de la loge, Howard établit le premier service de diligence entre Jaffa et Jérusalem ; il bâtit des hôtels à Jérusalem, Jaffa et Latrun, à mi-chemin entre les deux villes. Floyd succéda à Howard comme agent de Thomas Cook. Il est mentionné Vénérable Maître de la loge en 1884.13
Un autre frère de la loge était Joseph Amzalak, membre d’une famille de riches juifs sépharades qui pendant ses pérégrinations après l’expulsion d’Espagne en 1492 avaient voyagés le long de la côte nord de l’Afrique pour arriver en Turquie. Puis, la famille s’était installée au Maroc pendant les XVI° et XVIII°siècles, revenant finalement dans la péninsule ibérique s’installer à Gibraltar.14
Joseph naquit là, mais en 1824 il résidait à Jérusalem, où il bâtit une maison dans l’enceinte de la ville près de la Porte de Jaffa, considérée à l’époque comme la plus belle de Jérusalem.15
La maison fut postérieurement transformée en l’Hôtel Mediterranean, qui existe aujourd’hui, sous un autre nom.
Le maçon Mark Twain et ses compagnons y résidèrent lorsqu’ils visitèrent Jérusalem en 1867.
La loge Royal Solomon eut une existence troublée.
Le manque d’expérience en procédure et protocole maçonniques occassionna de fréquents écarts, et les rares contacts avec la Grande Loge de Canada se sont conjugués pour que la loge soit rayée de la liste de la Grande Loge.
Certains des frères, malgré tout, voulaient travailler d’une façon régulière ; ils décidèrent d’établir une autre loge, à Jaffa, où habitaient la plupart des frères.
Ils soumirent une pétition à l’Ordre du Rite Oriental Misraim en Egypte et ils reçurent la patente en 1890 environ, pour la fondation de la Loge Le Port du Temple de Salomon.
La loge acceptait des candidats de toutes religions, elle connut une période d’essor quand plusieurs ingénieurs français, maçons, venus pour construire le chemin-de-fer de Jaffa à Jerusalem, la rejoignirent.16 Toutefois, après leur départ, elle entra en déclin et disparut pratiquement.
Un groupe de frères, se réunirent en février de 1906 et décidèrent de fonder une nouvelle loge, choisissant le nom Barkai, ou L’Aurore en francais.
Ce choix n’était pas un hasard, L’Aurore était le nom du journal français qui avait publié le fameux « J’Accuse! » d’Emile Zola, dénonçant les irrégularités et l’anti-sémitisme de l’affaire Dreyfus, toujours présente dans la mémoire des frères.17
Un des frères de la loge, l’horloger Maurice Schönberg, avait installé l’horloge à quatre cadrans dans la tour de Jaffa véritable point de répère dans la ville.
Schönberg visita souvent Paris pour ses affaires, où il prit contact avec le Grand Orient. Le 13 mars 1906 les membres de la nouvelle Loge Barkai adressèrent une pétition signée par douze frères. Le Vénérable proposé était Alexandre Fiani, un marchand chrétien né à Beyrouth, tandis que les autres étaient juifs, tels David Yudelovich journaliste et comptable, Marc Stein médecin né en Russie, et Yehuda Levy pharmacien né à Jaffa.18
La loge conduisait ses réunions à Jaffa, au numéro 1, rue Howard. La plupart des frères initiés dans la loge ne parlant pas le français, la langue des réunions et cérémonies était donc l’arabe, et seuls les rapports envoyées au Grand Orient étaient en français. Les rituels étaient des traductions en arabe, probablement imprimés en Egypte.19
Le premier maçon qui s’affilia à la loge était un Arménien chrétien, César Araktingi, marchand, drogman et Vice-Consul de Grande Bretagne, né à Jaffa et initié le 18 octobre 1891.
Son affiliation eut lieu le 13 mars 1906, c’est-à-dire, le même jour où les frères s’étaient réunis pour formuler leur pétition au Grand Orient. Araktingi remplaça bientôt Fiani comme Maître de la loge, et continua dans cette fonction jusqu’à 1929, c’est-à-dire, pendant 23 années !
Pendant les années d’avant-guerre (1914), la loge initia plus de 100 nouveaux membres.
L’analyse de leur affiliation religieuse est incertaine, seuls leurs noms et, parfois, leurs métiers permettent d’avancer une hypothèse sur leur origine ethnique. Les loges israéliennes ne demandent pas la religion des candidats. Une estimation approximative donne un total de 82 frères arabes et turcs, pour la plupart musulmans, 29 juifs, 6 chrétiens arméniens et 6 étrangers, probablement chrétiens aussi.
La loge comprenait beaucoup de personnalités, maires, gérants de banque, commandants de police, avocats, médecins, éducateurs et ingénieurs. Dans toutes les professions on trouvait des hommes de diverses religions et ethnicités.
Il est intéressant de noter la présence dans la loge de deux Consuls perses.
On sait qu’en Iran la Maçonnerie était répandue avant la chute du Shah (1979), puis l’Ayatollah Khomeini a interdit l’Ordre.
Une Grande Loge d’Iran en exil se trouve en Californie, et ses travaux se déroulent au Massachusetts.
La Grande Lodge Nationale d’Egypte établit treize loges en Palestine, ou quatorze, si on prend en compte la Loge Solomon mentionée plus haut.
La Loge Nur el Hachmat (Lumière de la Sagesse) N° 125 fut fondée en 1908 à Jérusalem. La loge travaillait en arabe ; elle avait cessé pendant la Première Guerre Mondiale, puis repris ses activités en 1924, mais elle ne rejoignit pas tout de suite la Grand Loge Nationale de Palestine quand celle-ci fut fondée en 1933. Au temps de la fondation de la Grande Loge de l’Etat d’Israël (1953) la loge n’existait pas.
La Loge Palestine N° 157 fut fondée à Jaffa en 1910. Son premier Maître était un juif, Simon Moyal, et le deuxième un arabe, Abdallah Samari.
On peut à nouveau se rendre compte des relations fraternelles existant alors entre les communautés dans le milieu de la Franc-maçonnerie.
En 1928 les frères décidèrent de transférer leur allégeance de la Grande Loge Nationale d’Egypte à une autre Grande Loge rivale qui avait de bonnes relations avec la famille royale. Ces relations donnèrent du prestige à la loge, qui changea son nom en Loge Prince, recevant le numéro 286. Néanmoins, la loge ne survécut pas longtemps, et quand la Grande Loge de Palestine fut fondée en 1933, elle n’existait déjà plus.
La Loge Jérusalem N° 262 fut établie dans la Ville Sainte en octobre 1924, et travaillait en français.
Les membres comprenaient autant de Juifs que d’Arabes. Le premier Vénérable était juif, Samuel Hashimshony, qui contribua à l’établissement de plusieurs autres loges.20
Hashimshony était l’agent local d’un grand bijoutier égyptien et ses affaires le conduisaient souvent au Caire, où il reçut tous les grades du REAA jusqu’au 33ème.
La Loge Jérusalem fut la première établie en Palestine par la Grande Loge Nationale d’Egypte après la première Guerre Mondiale. En 1936 la loge fusionna avec la Loge Pax pour finalement fermer ensemble. Parmi ses membres on doit signaler spécialement Choukry Houry, le deuxième Vénérable, et les frères Asher Koch, Mordechai Caspi et David Yellin, tous les quatre devenus Grand Maîtres.
La Loge El-Dugha (“L’Aurore” ou “L’étoile du Matin”) N° 263 fut fondée à Jaffa en 1926, pour travailler en arabe.
Certains frères de cette loge fondérent en 1928 la Logia Moriah de Tel Aviv, qui existe encore aujourd’hui, N° 3 sous la Grande Loge de l’Etat d’Israël.
La Loge Said N° 264 fut fondée aux environs de 1926, mais nous n’avons pas d’autres renseignements à propos d’elle.
La Loge Har-Zion (Mont Sion) N° 270 fut fondée à Jérusalem le 5 mars 1927.
C’était la première loge parlant hébreu à Jérusalem, alors que sa langue officielle était l’anglais. Le changement de langue de travail déplut aux autorités du Caire, provoquant un vif échange de lettres. La plupart des frères qui fondèrent la Loge Rashbi en 1933 venaient de cette loge.21
Parmi eux on peut signaler Raphaël Aboulafia, qui s’affilia à la loge dès son installation à Jérusalem. Aboulafia fut plusieurs années Vénérable de la Loge Hiram à Tel Aviv; il servit comme Grand Secrétaire de la Grande Loge Nationale de Palestine et fut aussi imprimeur éditeur du Haboneh Hahofshi, le journal officiel de la Grande Loge. En 1970 il fut élu Grand Maître de la Grande Loge de l’Etat d’Israël et tout suite après son installation donna le permis pour fonder la Loge La Fraternidad N° 62 de Tel Aviv, la première hispanophone en Israël,
La Loge Moriah N° 283 fut fondée à Tel Aviv le 20 juillet 1927, pour travailler en hébreu.
Elle avait une composition mixte Arabes et Juifs. Le premier Vénérable était le Dr. Abraham Abouchedid. Parmi ses membres on peut signaler S.A.R. le Prince Kadjar Salar ed-Dowleh de Perse, alors résident à Haifa, et Choukri Khouri de Jaffa.
La Loge Reuben N° 288 fut fondée à Haifa le 4 décembre 1927, pour travailler en hébreu.
Le premier Vénérable fut Shabtai Levy, maire de Haifa (et plus tard Grand Maître), qui donna son nom à la loge pour honorer la mémoire de son beau-frère Reuben Israeli, mort très jeune.
La Loge El Halil (Le Patriarche Abraham) N° 289 fut fondée à Jérusalem en 1928, pour travailler en arabe.
La loge ne rejoignit pas la Grande Loge de Palestine et disparut un peu plus tard.
La Loge Pax N° 291, fut fondée à Jérusalem en 1928 pour travailler en anglais.
Le premier Vénérable fut Asher Koch. Parmi ses fondateurs on trouve le premier maire juif de Jérusalem, Daniel Oster. La majorité des frères étaient professeurs, Juifs et Arabes. En 1929 ils établirent une Loge d’instruction sous le nom Pythagore. La loge déclinant, s’unit à la Loge Jérusalem, mais les conflits réligieux et politiques en Terre Sainte la perturbèrent, et elle fut contrainte d’abattre ses colonnes.
Une patente constitutive du 15 janvier 1929 autorisait la création de la Loge Mont Sinai N° 293, pour travailler à Jérusalem en anglais.
La loge fut officiellement consacrée le 25 janvier 1929. Elle était mixte, avec frères Arabes et Juifs, et en 1933 elle devint une des fondatrices de la Grande Loge Nationale de Palestine. Après un certain temps, elle passa sous la juridiction de la Grande Loge d’Ecosse, changeant son nom en Loge Mizpah (La tour de guet) N° 1383. Lors de la création de la Grande Loge de l’Etat d’Israël elle portait toujours son nom et reçut le numéro 6.
La Loge Hiram fut fondée en 1929 à Tel Aviv, et travaillait en hébreu.
Son premier Vénérable était Nathan Inbar. Un des premiers initiés dans la loge était le Juge Joseph Michael Lamm, qui fut élu en 1964-65 Grand Maître de la Grande Loge de l’Etat d’Israël, et plus tard Souverain Grand Commandeur du Rite Ecossais Ancien et Accepté en 1971.22
La Loge Roi Salomon N° 298 fut fondée à Jaffa-Tel Aviv en 1932.
Nous n’avons pas d’information sur cette loge, qui probablement avait disparu lors de la fondation de la Grande Loge de l’Etat d’Israël.
Les relations sereines entre les diverses commnautés de Palestine sous le gouvernement turc furent bouleversées par la Grande Guerre.
Le démantèlement de l’Empire Ottoman entraîna la création de diverses nations dans le Proche-Orient, et un partage des « zones d’influence » entre les puissances victorieuses, l’Angleterre et la France.
La Palestine, à cette époque comprenait des territoires des deux côtés du Jourdain, rassemblant Israël, la Jordanie et l’Autorité Palestinienne d’aujourd’hui, placés sous contrôle de la Grande Bretagne, qui avait reçu mandat de la Société des Nations en 1922 pour gouverner le pays.
Les loges durent suspendre leurs travaux pendant la guerre, car un grand nombre de frères avaient été exilés par le Gouvernement Ottoman, qui craignait une coopération avec les forces britanniques.
Après la guerre, et aussitôt ses portes réouvertes, la loge Barkai dut les fermer à nouveau à la suite du massacre de 47 Juifs à Jaffa le 1er mai 1921. La loge reprit ses travaux en janvier 1925 dans un autre local, à Tel Aviv.
La plupart des frères arabes l’avaient quittée pour rejoindre une des loges sous la juridiction de la Grande Loge Nationale d’Egypte.
Les violentes émeutes qui continuèrent par intermittence jusqu’au début de la Deuxième Guerre Mondiale perturbèrent sans doute les relations entre les loges de différentes juridictions, sans pourtant les interrompre totalement. Il faut rappeler que les loges sous juridiction égyptienne comportaient aussi un grand nombre de juifs.
Au cours de l’année 1932, comme nous l’avons signalé, la Maçonnerie égyptienne subit une grave crise qui entraîna l’apparition de deux grandes loges concurrentes.
Les loges en Palestine sous juridiction égyptienne, opéraient alors au sein d’un organisme administratif, le Comité Permanent, dirigé par le prince perse Salar Ed Dowlah Gadjar nommé par les autorités du Caire. Le prince habitait à Haifa en attendant que son frère récupérât son trône.
Le Comité Permanent aurait du fonctionner comme une Grande Loge Provinciale, mais le prince agissait de façon arbitraire, donnant des ordres sans consulter les frères locaux, qui se sentaient humiliés et tentaient de se libérer de son pouvoir. Une série de réunions de Vénérables des loges locales eut lieu au début 1928, et, tenant compte de la situation en Egypte, ils prirent la décision de se rendre indépendants en créant une Grande Loge.
Le 12 mai 1932, sept des onze loges travaillant sous la juridiction égyptienne s’unirent, renvoyant leurs patentes et devenant de-facto la Grande Loge Nationale de Palestine.
Trois des loges égyptiennes, El Dugha N° 263 de Jaffa, Nur el Hakmah N° 125 de Jérusalem et El Halil N° 289 de Jérusalem refusèrent de rejoindre la nouvelle Grande Loge, tandis que la Loge Reuven N° 288 de Haifa décida de rejoindre la juridiction écossaise, recevant le numéro 1376.
Une pétition fut envoyée à la Grande Loge du Caire pour consacrer la nouvelle Grande Loge et cette demande fut acceptée par les autorités égyptiennes.
Bien que la majorité des frères en Palestine soient juifs, le caractère non sectaire de la maçonnerie locale est démontré par le fait qu’en tête de la délégation venue d’Egypte le 8 janvier 1933 se trouvait Fuad Bey Hussein, Grand Maître Passé de la Grande Loge d’Egypte, Procureur Général de la Cour Mixte d’Appel d’Alexandrie, accompagné par le Juif Albert Mizrahi, et Seddik Bey, Directeur Général de la Municipalité d’Alexandrie, qui servit comme Grand Chapelain Installateur.23
Hassan Shoukry Khoury, promoteur de Jaffa (1877-1932) avait été élu premier Grand Maître mais il décéda avant d’être installé, et Marc Gorodisky, un avocat de Tel Aviv, fut élu à sa place. Neanmoins, pour honorer la mémoire de Shoukry Khoury, il fut cité dans le registre de la Grande Loge comme étant le premier Grand Maître et Gorodisky le second.
La cérémonie de consécration fut conduite au siège du Young Men’s Christian Association à Jérusalem, proche du mur de la Vieille Ville, le lundi 9 janvier 1933. Quelques jours après sa fondation, la Grande Loge autorisa la création de nouvelles loges à Jérusalem, Tibériade et Jaffa.
Peu de temps après, la loge Nur el Hakmah décida elle aussi de rejoindre la Grande Loge, recevant le numéro 11, et quelques mois après la Loge El Shams N° 12 fut établie dans la ville arabe Ramallah. Moins d’un an après sa fondation, la Grande Loge Nationale de Palestine créa la Loge Kureish (Cyrus) N° 14 à Rabat Amon, aujourd’hui Amman, capitale de la Jordanie.
Les loges anglophones, fondées avec patentes d’Angleterre et d’Ecosse, refusérent de rejoindre la nouvelle Grande Loge et continuèrent de fonctionner dans les juridictions originales, tandis que les loges allemandes travaillaient dans le cadre de la Grande Loge Symbolique d’Allemagne en Exil, la maçonnerie ayant été supprimée dans l’Allemagne nazie.
En dépit des relations tendues entre les populations arabes et juives, la Grande Loge Nationale de Palestine faisait des efforts incessants pour attirer des candidats de toutes les communautés : Juifs, Arabes chrétiens, musulmans, Arméniens, Druses. Ainsi, plusieurs loges composées presque exclusivement d’Arabes furent établies.
La Loge Galilée de Nazareth mérite une mention spéciale.
Cette loge reçut le numéro 31 lors de la création de la Grande Loge de l’Etat d’Israël en 1953. Fondée en 1950, elle travaille en arabe, avec des membres musulmans et chrétiens dans toute leur diversité, reflétant l’importance de cette ville pour la Chrétienté. La loge resta en sommeil quelques années et fut ouverte à nouveau en 2002 avec Samir Farran comme Vénérable Maître.
En 1953 la maçonnerie israélienne fut réunie avec la création de la Grande Loge de l’Etat d’Israël. Des loges arabes additionelles furent établies au cours des années. La Loge Acco en Acre, forteresse des Croisades, la Loge Hidar à Kfar Yassif, ville Druse près de Haifa, et la Loge Al-Salaam (La Paix) de Jaffa-Tel Aviv. Les loges Hidar et Acco sont encore actives.
La Loge Ha-Lapid (Le Flambeau) fut fondée à Jérusalem en 1974, c’est-à-dire, juste un an après la Guerre de Yom Kippur.
Elle travaille en arabe et les membres sont musulmans, chrétiens et juifs. Le premier Maître fut David Greenberg, un Juif.
Une deuxième loge arabe fut fondée à Nazareth en 1983 : La Loge Nazareth, comprenant des membres musulmans et chrétiens.
La Loge Na’aman N° 61, loge mixte associant des arabes et des juifs, travaillant en hébreu, fut fondée à Haifa en 1958. Haifa avait toujours eu une composition ethnique mixte.
Parmi les 32 Vénérables Maîtres entre 1968 et 2003, plus de la moitié, 19, étaient arabes.
Afin de souligner le caractère non sectaire de la Franc-maçonnerie israélienne, le sceau de la Grande Loge présente au centre, entre l’équerre et le compas, la Croix chrétienne, le Croissant musulman et le Sceau de Salomon (ou Maguen David).
Sur l’autel des loges israéliennes se trouvent trois Volumes de la Loi : la Bible, le Tanakh hébreu et le Coran.
Trois Porteurs des livres sacrés avec le même grade maçonnique les portent à l’ouverture des travaux de la Grande Loge. Il y a aussi trois Grands Chapelains, un pour chaque religion monothéiste.
Les Officiers de la Grande Loge ont toujours inclus autant d’Arabes que de Juifs. Un avocat arabe de Haifa, Jamil Shalhoub, fut élu Grand Maître de la Grande Loge de l’Etat d’Israël en 1981 et en 1982 il fut élu pour une deuxième année.
J’appartiens à la loge, La Fraternidad N° 62 de Tel Aviv, première loge hispanophone d’Israël, fondée en 1970. Elle a pour tradition d’organiser chaque année un « week-end fraternel » dans un hôtel touristique, où les frères et leurs familles se réunissent pour trois jours de détente. Le programme inclut un colloque d’une matinée consacré à des sujets maçonniques et questions diverses, avec la participation active des dames. Nous visitons également les lieux touristiques voisins et, bien sùr, la bonne table n’est pas ignorée.
En 1993 nous réalisâmes le week-end fraternel à Nazareth, et pour le banquet qui marque la fin de l’événement, notre frère, le Dr. Juan Goldwaser eut une inspiration. Pourquoi ne pas inviter les frères de la loge locale, Loge Nazareth, à nous rejoindre? Aussitôt dit aussitôt fait. Une vingtaine de frères sont venus, quelques-uns avec leur femmes, portant d’énormes plateaux de gâteaux arabes. Ce fut une réussite qui inaugurait une série de nombreuses rencontres.
Le Dr. Goldwaser invita chez lui un grand nombre de frères de Nazareth avec toute la loge La Fraternidad. Les frères arabes répondirent en ouvrant les portes de leurs maisons, et suivirent réunions, pique-niques, et des amitiés personnelles se développèrent entre les frères des deux loges et cela à une époque où le pays connaissait une situation permanente de tension et de terreur.
En 1995, le Dr. Eduardo Vaccaro, Grand Maître de la Grande Loge d’Argentine, et Gabriel Jesús Marín, Souverain Grand Commandeur, décidérent de créer une Academie Maçonnique de la Paix, dans le but de récompenser par un prix les personnes et les organisations qui oeuvraient pour la cause de la paix et la tolérance. On m’avait demandé de soumettre des candidats pour ce prix, et j’ai proposé deux noms : le Dr. Juan Goldwaser, pour son action dans le rapprochement des loges La Fraternidad et Nazareth, et Joseph E. Salem, Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil d’Israël, né en Iraq, qui parle l’arabe et s’efforce toujours pour renforcer les liens fraternels entre tous les maçons. Mes deux propositions furent acceptées. Goldwaser se rendit à Buenos Aires, mais pas Jospeh Salem pour raisons de santé.
La fois suivante, on me demanda à nouveau de soumettre des noms pour le Prix Maçonnique de la Paix. Cette fois je proposai deux frères arabes : Samir Victor Farran, de Nazareth, et Elias Mansour de Haifa. Farran était un des fondateurs de la Loge Nazareth et fut le Vénérable de la Loge Galilee 31. Il s’était illustré par son appui enthousiaste à des relations fraternelles entre tous, sans distinction de foi ou nationalité. Mansour, pour sa part, était un pilier de la famille maçonnique de Haifa, et toute sa vie il fut un exemple de tolérance et bienveillance. Mes propositions furent à nouveau retenues.
Malheureusement, cette merveilleuse initiative de la Maçonnerie argentine ne dura pas. Les prix de la Paix de 1997 furent les derniers.
L’an 2003, en pleine Intifada palestinienne, Juan Goldwaser et moi même fûmes reconnus par la Loge Galilee avec le titre de Vénérable Maître d’Honneur ad-Vitam de la loge, qui organisa une cérémonie spéciale à cet effet. Et cette année – 2005 – la Loge La Fraternidad honora le frère Samir Farran avec le même titre, bouclant ainsi le cercle de fraternité entre les deux loges, une arabe et l’autre juive.
Ce témoignage me paraît important et plus de nos jours qu’autrefois.
Aujourd’hui, quand des forces d’intolérance et de fanatisme menacent les fondaments même de notre civilisation libre et démocratique, il est impératif de réfléchir à nouveau aux valeurs de la maçonnerie, la tolérance et la morale, et sur la contribution que cette Franc-maçonnerie est capable d’apporter dans la construction d’une société plus tolérante, plus libre et plus humaine, et cela même dans des circonstances les plus décourageantes.
Notes
1 – André Combes, « Le rite de Memphis au XIXème siècle », in Symboles, signes, langages sacrés, pour une sémiologie de la Franc-maçonnerie, Actes de colloque franco-italien, Pise, Edizioni ETC, 1995.
2 – Sandro Manzoni, « Alexandrie, passerelle entre l’Orient et l’Occident », Los Muestros, Bruxelles, N°58, mars 2005.
3 – F.D. Stevenson, « Freemasonry in Egypt –Part 1 », Ars Quator Coronatorum, Vol.81, 1968, p.210
4 – Nahdat Fathi Safwat, Freemasonry in the Arab World, Arab Research centre, ISBN 09097233031.
5 – Robert Morris, Freemasonry in the Holy Land, Masonic Publishing Co., New York 1872, p.219.
6 – Abd-el-Kader avait lutté contre les forces françaises en Algérie mais, après avoir été envoyé en exil à Damas, il donna refuge et sauva des centaines de familles chrétiennes au cours des émeutes de Damas. Cf. Stevenson, op.cit.
7 – Stevenson fixe la date à 1876, confirmant une charte provisoire datée du 4 septembre 1864.
8 – Stevenson, ibid.
9 – Karim Wissa, article sur la Maçonnerie égyptienne, cité par Samir Raafat, « Freemasonry in Egypt is it still around ? », Insight Magazine, 1er mars 1999. www.egy.com/community/99-03-01.shml.
10 – Aucune relation avec le Fatah palestinien.
11 – Isaac Bar Moshe, article non publié daté de juin 1999.
12 – L’historique détaillé de cette loge se trouve dans mon article « The first masonic lodge in the Holy Land », Ars Quator Coronatorum, Vol. 113 pour 2000 (publié en octobre 2001), pp.185-200.
13 – Rev. Henry R. Coleman, Light from the East – Travels and Researches in Bible lands, Louisville, KY, 1884.
14 – Joseph B. Glass & Ruth Kark, Sephardic Entrepreneurs in Eretz Istrael, The Amzalak Family 1816-1918, The Magnes Press, Jerusalem 1991, p. 52.
15 – William Henry Bartlett, Walks about the City and Environs of Jerusalem, London 1884, p. 191.
16 – Quelques historiens ont affirmé à tord que la loge fut fondée par les ingénieurs français, mais un diplôme de la loge trouvé par Baruch Eldad est antérieur à leur arrivée.
17 – Dreyfus avait été condamné pour trahison en 1894. L’article de Zola dans le journal l’Aurore fut publié le 13 janvier 1898, et Dreyfus gracié en 1899. Cf. wikepedia.org/wiki/dreyfus-affair.
18 – Yudelovich était un ami et assistant de Eliezer Ben Yehuda, le principal promoteur du renouvellement de l’hébreu comme langue usuelle. Ben Yehuda, Yudelovich et David Yellin, un autre maçon, établissaient les équivalents en hébreu des termes de la vie moderne. Yudelovich était aussi éducateur et il géra la première école en hébreu à Rishon Le Zion, et ii fut l’auteur du premier ouvrage en hébreu sur la franc-maçonnerie, et du premier sur le journalisme hébreu.
19 – André Combes, op. cit., p. 34.
20 – Loge Saïd N°264, Loge Har Zion N°279, Loge Reuven N°288 et Loge Har-Sinaï N°293.
21 – Fondé à Jérusalem 16 janvier 1933 sous la Grande Loge Nationale de Palestine, pour travailler en hébreu, et recevant le N°8.
22 – Haboneh Hahofshi, septembre 1971, p. 148.
23 – Haboneh Hahofshi, N°2, février 1933, p. 6.
Léon Zeldis, « Les premières loges de Palestine et leurs relations avec la Franc-maçonnerie égyptienne », Cahiers de la Méditerranée, 72 | 2006, 307-320.
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Protégé : « OMNIA AB UNO ET IN UNUM OMNIA » – 1°- 29 janvier, 2020

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Protégé : Mon outil ‘La règle de la mesure’ – 1°- 28 janvier, 2020

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Digression … The Egyptian Pyramids – Funny Animated Short Film (Full HD) 27 janvier, 2020

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Franc Maçonnerie: La Théorie Spéculative.

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24 septembre 2017

Franc Maçonnerie: La Théorie Spéculative.

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 Il existe de nombreuses études relatant les origines profondes ou celles plus ou moins récentes de la Franc-Maçonnerie. En France comme en Angleterre, les documents sont accessibles, pour ne parler que des pays où les hypothèses sont vérifiables, mais toutes ces données sont diversement interprétées. Nous souhaitons apporter ici une pierre supplémentaire à cet édifice ; peut-être aussi quelques aspects nouveaux et utiles sur le sujet.

Avant-propos : il en est des théories comme des théoriciens, très peu ne résistent à l’épreuve du temps. Une théorie obsolète est abandonnée, plus rarement modifiée. Certaines théories font cependant date. Elles sont de véritables jalons dans les grandes avancées scientifiques ou celles des découvertes ayant permis l’explication simple, de causes complexes longtemps incomprises. Pour n’en citer que quelques-unes, on trouve : la Théorie de la  dérive des continents, celle de la relativité générale puis restreinte, la théorie des nombres, la théorie du Chaos, la théorie du Big-bang, les théories Quantiques…sont des événements qui nous parlent, évoquant des époques, des écoles de pensées, des noms de savants. Par exemple, Wegener pour les Continents, Einstein pour la Relativité, René Thom pour la théorie des Catastrophes, Max Planck pour la mécanique Quantique, sans oublier Charles Darwin et sa théorie de l’évolution, plus connue sous le nom de la Sélection Naturelle des Espèces. Et maintenant en voici  une sur l’Origine Spéculative de la Franc-Maçonnerie ! Une théorie de plus me direz-vous ? Une évidence ? Parlons plutôt d’un faisceau d’indices matériels, de probabilités, plus que d’une simple hypothèse argumentant une telle origine. Et puis, pourquoi ne pas spéculer sur une origine spéculative de la Franc-Maçonnerie à l’époque des Lumières ?

I/ Introduction. En premier lieu, rappelons qu’en toute chose il existe l’esprit et la lettre. A l’image de notre pavé mosaïque, ce peut être frontalement la chose et son contraire, mais ce peut être aussi la transition graduelle où tout n’est plus tout blanc et tout n’est plus tout noir, dans le passage de l’une à l’autre. Ce peut être aussi un basculement. A nous alors, d’apporter l’explication d’une progressivité transgressive ou celle d’une rupture.

L’esprit maçonnique empreint d’hermétisme et d’occultisme, se retrouve dans l’histoire du cerveau humain depuis les origines de l’homme, jusqu’à à la définition du terme de métaphysique par les premiers philosophes Grecs puis les suivants, jusqu’à nous au cours du temps. Ainsi, la Franc-maçonnerie se réfère-t-elle aux pratiques initiatiques transcendantes, héritées de la préhistoire, ou encore à celles du chamanisme égyptien, hindou, africain, aborigène… Beaucoup d’anthropologues, d’historiens, d’érudits F.M. tels René Guénon, ont décrit, recherché, dénombré, les symboles ou les postures y faisant référence. Tant en Loge, que dans les rituels codifiant un Rite donné, ces pratiques ont été diversement retranscrites au gré des époques et selon les Obédiences. Mais elles le sont toujours sur un substrat très voisin, plus souvent Déiste que Théiste, en leur signification gnostique, ésotérique, symbolisé par le Divin immanent, l’Unique Dieu G.A.D.L’U.

Nos usages maçonniques font aussi référence à deux autres thématiques, plus récentes au sens historique. La première c’est l’apport chevaleresque, à mettre en perspective avec les exploits des Templiers (les Gardiens du Temple) et avec tout ce que l’Écossisme leur doit. La seconde, beaucoup plus ancienne, qui elle a perduré, est l’apport des confréries, des corporations de bâtisseurs, apprentis, compagnons, dont l’histoire retient surtout l’aspect visible, grandiose, touchant au sacré, celui de l’édification des Cathédrales. Ce dernier aspect est constitutif des 3 premiers grades de notre rituel. Il est le symbole même de l’éternité maçonnique, puisqu’il remonte à la construction, puis reconstruction du temple de Salomon, avec Hiram-Abif puis Zorobabel. Et au-delà encore à d’autres Rites, avec l’édification des pyramides. Du tréfonds des secrets des chamans, aux principes géométriques des nombres magiques et des lettres sacrées : carré long, nombre d’Or ou transcendants, algorithme 3, 5, 7… étoile à 6 branches, lettres J. B. ou G, quadrature du cercle… tout est là pour que nous puissions nous élever parmi les autres frères. En apprenant la manière dont on taille la pierre brute avec justesse et harmonie, afin qu’elle s’assemble parfaitement aux autres pierres, non pour édifier un mur, une voûte, des contreforts ou des tours de Babel… mais pour construire ensemble, notre  Temple spirituel intérieur,  qui abritera la Sagesse commune, à l’image du Saint des Saints abritant l’Arche d’Alliance. Nul ne conteste ces apports bien établis, nul ne sous-estime la dette maçonnique que nous devons au modèle Opératif. Voilà le mot utilisé  : Opératif. Celui qui travaille, opère, effectue une tâche. Apprentis, Compagnons et surtout le Maître d’œuvre, ouvrant la carrière et mettant les ouvriers au travail, de midi à minuit. Le Maître, il n’y en a qu’un seul par chantier, comme il n’y a qu’un Capitaine commandant le Navire. Seul face au destin de tous, seul face à Dieu dit-on, et pour nous, puisqu’il s’agit d’élever, de bâtir, de créer, seul face au Grand Architecte De L’Univers. Seul, comme il n’y a qu’un seul V.M. qui préside à nos travaux, présent à l’O. dans la Loge.

On l’a dit, nul ne remet en cause les origines de l’esprit maçonnique. Le faire serait nier la Maçonnerie elle-même ou vouloir la rabaisser au rang d’une secte. Ce qu’elle n’est pas et espérons-le vivement, ne le deviendra jamais. N’en déplaise à ses farouches détracteurs, antéchrists et fascistes de tous bords, adeptes de la théorie du Complot. Théorie, d’ailleurs spécialement inventée après 1789 par un célèbre prêtre catholique, l’Abbé Barruel, voulant désigner ainsi une soi-disant conspiration judéo-maçonnique et jacobine, qui aurait servi les intérêts des bourgeois libéraux et athées, afin de faire chuter l’ordre établi. Attribuant les origines de la Révolution Française qui mit un terme à l’Ancien Régime, non plus à la révolte spontanée d’un Peuple opprimé par la famine et l’impôt, mais à un vaste complot anticatholique.

Ceci dit, le monde opératif a donné notre mot « maçon ». Mais qu’en est-il du qualificatif de Franc, Free en terminologie anglo-saxonne, désignant ces maçons ? Francs signifie affranchis, Free signifie libres. La nuance appelle réflexion. Le terme français peut laisser penser qu’à l’origine les bâtisseur-maçons n’auraient pas été libres ? Ce n’est pas faux si on considère le statut d’esclave qui fut courant dans l’Ancienne Égypte, la Grèce puis la Rome antiques et plus tardivement dans le servage de l’Europe médiévale et de la « France » des puissantes Seigneuries. L’expression est sans équivoque, liée au Serf non-affranchi. Comme l’étaient d’une certaine manière apprentis et compagnon, liés à leur Franchise de Corporation. Rappelons qu’en langue anglaise affranchis du servage se traduit par Free-slaves, et aurait dû donner : Freed-slaves-Masons. Alors que le mot Free seul, a lui une acception plus large et signifie « libre », tout autant que le fait de se libérer d’une contrainte, quelle qu’elle soit. Mais pas du tout celle de sortir d’un éventuel Servage. Car, ni la Franc-Maçonnerie anglaise, ni la Franc-Maçonnerie française n’ont songé un instant devoir apporter une réponse à la fin du servage ou de l’esclavage humain, du moins, surtout pas en recrutant en son sein, des personnes Esclaves, Serfs, dépendantes ou reprises de justice, aux fins de leur rendre dignité et liberté.  Là-dessus les Constituons d’Anderson sont claires : « Ni serfs, ni hommes immoraux ou scandaleux en Loge. Mais des hommes bons et loyaux, nés libres… ». Bien entendu, ni aucunes Femmes, ni domestiques ou serveurs d’auberge…. Le mot free, plus que celui de franc, à l’avantage de cette clarté. Free c’est donc avoir la liberté d’accomplir une tâche, de pratiquer une action libérale, un métier libéral. Le terme anglais paraît ainsi plus moderne que celui utilisé en français. A notre sens il lui est postérieur et il est significatif d’un autre contexte, nous le détaillerons plus loin. Quant au second qualifiant « Spéculatif » de spéculer, celui qui spécule, Speculator en anglais, on ne le trouve pas associé au terme Free-Masons. Et pour cause : contrairement au français ou le mot à un double sens, propre et figuré, dans la langue anglaise il existe deux mots très distincts correspondant au sens concret ou abstrait. Speculate pour la spéculation financière et Rely-on pour le sens abstrait de recherche intellectuelle. On notera que Rely-on, vient de Rely, faire confiance, compter sur… rejoignant l’idée de valeur, de condition pour les échanges, l’argent, la monnaie fiduciaire ! Et la boucle est bouclée : l’anglais n’ayant pas repris le mot français de Spéculatif, lui confère son ambiguïté terminologique toute française et pour nous ici spécifiquement matérielle, mercantile. 

I/ Le spéculatif. Où ?  Revenons à la France et au Royaume Uni. Les bâtisseurs-opératifs y sont fortement représentés durant tout le Moyen-âge et particulièrement en Angleterre avec la reconstruction de Londres après le Grand Incendie de 1666. Ces deux pays sont aussi les seuls à répondre aux critères actant le spéculatif dans l’esprit maçonnique. Côté Britannique, retenons plus exactement les villes de Glasgow et d’Édimbourg, qui représentent les foyers ancestraux d’une Franc-Maçonnerie traditionnelle, avec la réalité d’un écossisme issu des Statuts Schaw de 1599 de la Loge d’Édimbourg N°1 ou plus loin encore, celle de Kilwinning N° 0 appelée « Mother Loge » à l’O. de Kilwinning, près de Glasgow. Une Loge d’origine Templière, constituée elle, au XIIe siècle ! De l’antériorité donc outre-Manche, mais surtout des valeurs on l’a vu, chevaleresques, qui sont plus proches des milieux opératifs moyenâgeux que d’une quelconque idéologie commerçante, spéculative, à l’intérieur même de l’écosse. Le modèle christique de l’esprit de l’Ordre des Templiers, dissous pour hérésie par le Pape Clément V en 1312, est bien trop stable et trop puissant, dans une Écosse possédant peu de ressources naturelles, et de plus trop occupée à devoir résister militairement à la domination anglaise anticatholique, qui grandit et s’impose à elle. Reste donc la France. Et c’est sur une Loge-fille de Kilwinning, que se porte justement notre intérêt : la Loge Saint Jean d’Écosse à l’Orient de Marseille, signalée, malgré l’absence de preuves formelles, dès 1688.

Telle une étude de cas, on ne peut plus représentative de l’esprit maçonnique d’entreprendre des actions spéculatives, dans le but de faire du profit mais pas seulement, Saint Jean d’Écosse s’impose. L’histoire de cette Loge est incontournable dans la rupture maçonnique opérative/spéculative et bien entendu dans la destinée moderne d’une ville, à savoir Marseille ; tant le destin économique, social, politique, méditerranéen ou mondial de la cité, apparaît lié à celui des Francs-Maçons regroupés dans cette Loge, et ce, dès la fin du 17e siècle. 

Au 18e siècle, Marseille sort exsangue de plusieurs épidémies de Peste Noire, dont celle de 1720, appelée la Grande Peste. Plus de 40 000 morts sur 90 000 habitants et qui sera la dernière épidémie enregistrée dans notre pays. Le Port de Marseille sera fermé plus de deux ans et demi, les fabriques arrêtées faute d’ouvriers, le commerce local suspendu faute d’approvisionnement par méfiance de contamination. La ville est enserrée dans des constructions de murs et de contrôles de passages, dont le but est que l’épidémie ne se propage pas dans l’arrière-pays. Malgré ce, en Provence, il y aura au total 120 000 morts sur 400 000 habitants !

Les grands maux ne sont jamais isolés. Il se produit au même moment dans le pays, la faillite bancaire du système Law. John Law (on prononce Lass) fils d’un célèbre banquier d’Édimbourg est un aventurier huguenot écossais. Très doué en arithmétique et malicieux-joueur, il parvient à être autorisé à fonder la Banque royale de France, qui va imprimer les premiers billets-papiers en guise de monnaies ; cela afin de fluidifier le commerce, car d’une part le métal précieux se fait rare et d’autre part, il faut résorber la dette colossale laissée par Louis XIV. L’invention de Law engendrera la banqueroute de 1720 qui ruine la plupart des riches hommes d’affaires français. Bien qu’un tel système monétaire soit ingénieux, pratique, plus souple que la monnaie d’or ou d’argent, il fera perdurer la méfiance des actionnaires à l’égard des billets-papier. L’économie française est sinistrée, le port de Marseille est paralysé. Cette situation va durer jusqu’en 1724. Il faut attendre une décennie pour qu’à nouveau l’économie nationale et locale se porte mieux. En 1737 la loge Saint Jean d’Écosse est à la tête de la prospérité portuaire, donc de la ville. Monseigneur Belsunce Évêque de Marseille, brillant exorciste du fléau de la Grande Peste, dévoué aux malades pestiférés, signale au Préfet de police : « Je ne sais Monsieur, ce que sont les francs-Maçons, mais je sais que ces sociétés sont pernicieuses à la religion et à l’État. La majorité d’entre eux sont protestants et composent une mystérieuse organisation, influente et fermée ». Allusion et preuve de l’existence d’une Loge vouée au négoce international, d’un atelier phare, concurrençant ceux de la G.L.de F principalement présente sur Aix-en-Provence, dans l’austérité d’un temple où dominent un fort recrutement des Frères dans la Magistrature, notaires, huissiers de justice compris. Dès 1740 Saint Jean d’Écosse de Marseille devient le Temple le plus influent, comptant le plus de F.M, plus d’une centaine au total. Vraisemblablement domicilié Rue de La Loge à Marseille, derrière Hôtel de Ville et le quartier Grand’ Rue. C’est là que se trouve le centre administratif de la cité phocéenne, lieu du Palais communal et de la Loge (c’est son nom) de Commerce.

Quartier passablement détruit à la Révolution puis en 1943 lors de l’occupation allemande. Quartier où l’on peut encore admirer outre la Mairie style Louis XIV, les plus anciennes demeures aristocratiques de la ville : l’Hôtel de Cabre datant du XVe siècle, la Maison diamantée datant elle du XVIe, construite dans le plus pur style italien des Médicis, l’ancien Palais de Justice où se dressait la guillotine et les prisons en sous-sol, rénové au milieu du XVIIIe en Pavillon Daviel. Demeure de Jacques Daviel qui fut le chirurgien du Roi Louis XV. Oculiste-Ophtalmologue, le premier à réaliser une opération de la cataracte en 1745. Et l’Hôtel du Saint Esprit (futur Hôtel-Dieu) où précisément Daviel termina ses études de Chirurgien. Notons au passage que lors de sa création en 1753 l’Hôpital de l’Hôtel-Dieu de Marseille, est le seul en France où les malades sont pris en charge par des laïcs et non par des religieuses comme c’est partout le cas à cette époque. Faut-il y voir un signe de l’emprise de Loge maçonnique dans les mœurs locales ? C’est au cœur de ce quartier prestigieux que se trouve le Temple des Frères de Saint Jean d’Écosse, dont on signale volontiers qu’il est le plus richement décoré de son temps. Ses réceptions, ses fréquentations ne passent pas inaperçues, elles rehaussent le prestige de la ville. Les familles bourgeoises, les notables étrangers y élisent domicile, s’y installent en nombre. C’est aussi dans ce périmètre qu’il de bon ton, au siècle des Lumières, de faire construire son « trois fenêtres marseillais », sans ouverture au nord.  A cause du mistral où en simple rappel d’une symbolique bien connue de nous tous ? La question mérite d’être posée.

Dans le milieu du 18e siècle, Marseille est un grand Port cosmopolite, avec des Négociants locaux et nombre d’affairistes Genevois, Allemands, Danois, Hollandais, Italiens, bien installés. Ils y ont leurs pratiques journalières, dans la grande tradition des Armateurs, Banquiers-prêteurs, Négociants, Conseillers-interprètes, Assureurs… celle précisément dont Jacques Cœur a incarné l’ascension dans la France du XVe siècle. Avec cependant davantage d’autonomie, loin du pouvoir central et davantage tournés vers les horizons lointains, plus que vers l’intérieur du pays ou Paris. Le but de Marseille est de concurrencer Gênes, de ne plus se limiter au bassin méditerranéen, de faire de nouveaux profits grâce au commerce mondial, notamment celui des Îles, avec le sucre, le café, le cacao, les épices, les agrumes, les étoffes et les métaux précieux… Tout en demeurant en dehors du commerce triangulaire, celui de la traite des esclaves, largement pratiqués à Nantes, Bordeaux ou ailleurs. Marseille se veut pionnière, salutaire au grand négoce maritime, pour elle-même, plus que pour son arrière-pays ou son Roi. Les notables recherchent la réussite commerciale tout autant que l’ascension sociale pour eux et leur famille. Allant jusqu’à envisager l’achat très coûteux de titres de noblesse en acquérant des charges royales, quasi inaccessibles. De ce fait : quelle que soit leur nationalité, leur culture, leur religion, leurs origines, devenus riches, ils sont convaincus que seule, la Franc-Maçonnerie pourra légitimer leur rang. La loge Saint Jean d’Écosse constitue donc pour eux, l’unique moyen d’accéder à cette notoriété locale et par là-même, reconnue au-delà des frontières du Royaume.

La France de l’Ancien Régime est organisée en trois Ordres : Noblesse, Clergé, Tiers-État. Elle n’a jamais permis l’ascension par le mérite personnel. L’école publique gratuite et obligatoire n’existe pas. Seul le Clergé et les Précepteurs privés sont autorisés à délivrer un enseignement payant, dont la majorité des gens, artisans, commerçants, ruraux ou paysans, qui représentent 90% du peuple, sont exclus. Et d’abord les filles, conditionnées à leur état de futures femmes, vouées aux tâches ménagères ou agricoles, jouissant de l’unique considération à produire et élever des enfants. Autant dire que la condition féminine est alors matériellement soumise à sa dépendance aux hommes ou aux institutions religieuses. Ces façons d’être constituent un servage féminin. Les Constitutions d’Anderson de 1723, l’expriment clairement : « Ni femmes, ni Serfs… ». Règlements impératifs auxquels les femmes sont assimilées sans ambiguïté, aux individus dépendants et soumis. Rares sont aussi les non-Nobles ou non-Aristocrates à être instruits, c’est à dire à cette époque savoir lire-écrire et compter, et encore plus rares ceux qui prétendent avoir fait leurs Humanités, principalement le Latin et le Grec de notre baccalauréat. Plus exceptionnel encore, avoir fréquenté l’Université, essentiellement médecine ou droit. Côté connaissances et transmissions des mathématiques on peut dire que l’aspect géométrique incombe à aux architectes-bâtisseurs, les Opératifs dont a parlé plus haut, tandis que la seule arithmétique est dévolue aux banquiers et aux commerçants, longtemps juifs, secondairement hollandais, arabes ou hindous. Un tel système perdurera jusqu’à la Révolution française.

A Marseille la situation est différente. Cette ville portuaire, éloignée du pouvoir royal, épargnée par les conflits religieux, tourne délibérément le dos au pays. Autant par sa situation privilégiée et stratégique en bordure de la Méditerranée, que par sa ferme volonté d’obéir à un Ordre nouveau. Novateur économiquement et socialement. C’est sur ce postulat, que la Loge de Saint-Jean d’Écosse installe sa Révolution silencieuse. Un siècle avant 1789 un groupe maçonnique émet le projet de constituer une classe Bourgeoise spéculative, franc-maçonne, sans titre de noblesse, ni instruction officielle. Les grades maçonniques feront pour elle, offices de charges laïques eu lieu et place de celles demeurées trop longtemps inaccessibles et très coûteuses. La fraternité initiatique délivrera l’apprentissage des compétences nécessaires qui font défaut. La Maîtrise et les grades supérieurs apporteront ensuite l’accès aux domaines artistiques, de l’Art, des belles Lettres et de la Musique.

Faute de documents fiables et pouvant être recoupés, les historiens ont abandonné l’idée d’une Loge Marseillaise patentée dès 1688, crée par des Jacobites, sous couvert de la R.L. D’Édimbourg, dans les archives de laquelle on ne trouve d’ailleurs rien allant dans ce sens. Cependant, de là à parler de « légende » nous avons du mal à le croire. L’exil écossais de 1688 est une réalité historique, la présence d’Officiers, de bas-officiers dans les grands ports français, au service de l’armée et de la marine marchande est un fait. On imagine aisément qu’ils y apportent leurs pratiques maçonniques.  L’hypothèse d’un Atelier propre à la marine écossaise et de quelques aristocrates en exil, s’ouvrant aux gradés de marine en transit, puis progressivement aux notables négociants marseillais locaux, demeure plausible. Avec ou sans patente, à cause d’un isolement géographique et administratif. Cela de 1688 au moment où la Loge est signalée, jusque vers 1730-37 moments pour lesquels des documents formels existent. Pour ce qui est d’envisager une création plus tardive en 1751 par un aristocrate écossais du nom de George Wallnon ou Duvalmon, muni d’un pouvoir émanant d’Édimbourg (?) les faits sont contradictoires.  Dès avant cette date, en 1749 des documents attestent que des maçons jacobites venant de Marseille visitent en nombre, la Loge d’Avignon. C’est bien la preuve que Saint Jean d’Écosse existe déjà. C’est d’ailleurs elle, qui créa sa Loge-fille d’Avignon. Rien ne contredit une existence fin XVIIe. Le pouvoir de Wallnon daté du 17 juin 1751, ainsi que la passation de chaire, Wallnon-Routier en date de 1762 ne sont que des épisodes transitoires, d’une existence réelle et déjà connue auparavant. Une cinquantaine d’années d’un fonctionnement informel ou sporadique, dû aux événements catastrophiques locaux, paraît vraisemblable, d’autant qu’un courrier du 30 messidor AN II (18 juillet 1794) entre les Frères de Saint Jean d’Écosse et le G.O. mentionne : « Un titre en original a existé, il a disparu pendant les temps malheureux qui ont suspendus nombres d’années les réunions maçonniques. » Allusion à la période de la Grande Peste, car il est bien trop tôt à cette date pour que ce soit celle de La Terreur et de la mise en sommeil de la Loge, consécutive à ces événements, période allant de 1794 à 1801 ! De toutes manières, Saint Jean d’Écosse à l’O. De Marseille, fonctionne conformément aux Règlements Généraux d’Édimbourg rappelés à partir d’un document du 11 juillet 5742 (1742) antérieur à toutes ces dates et qui lui est destiné :

« Toutes Loges établies dans l’étranger par la Respectable Métropole Loge d’Édimbourg, directement, seront regardées comme Mères-Loges et en cette qualité auront le droit de pouvoir constituer des Loges écossaises, mais elles n’auront point celui de transmettre ce pouvoir. »

N’en déplaise aux Obédiences françaises et autres historiens, à notre sens cette création dans la seconde moitié du 17e siècle, tient plus d’une probabilité que d’une légende ! Et on peut aussi voir dans Saint Jean d’Écosse de Marseille, comme chez les Jacobites de Saint-Germain-en-Laye, dans leur filiation avec la Loge de Kilwinning N°0 près de Glasgow, un juste retour sur notre sol, de l’esprit de l’Ordre des Templiers.

III/ Le Spéculatif. Quand ? Les textes historiques rapportent que l’époque des bâtisseurs de cathédrales, correspond au plein essor des corporations qui s’érigent en guildes, jurandes, confréries de divers métiers, qui souhaitent préserver leur cadre légal, pour affermir et spécifier leur rôle. Ainsi refermées sur elles-mêmes et jugées restrictives, sinon suspectes, au fil des siècles ces organisations vont être en France la cible des religieux dogmatiques ainsi que de l’absolutisme royal, qui cherchent par tous les moyens à les contrôler. Fin 18e siècle, Turgot, Allard, puis Le Chapelier et sa Loi du 14 Juin 1791 supprimeront définitivement de telles pratiques.  Est-ce à dire qu’à partir de ce moment précis prennent naissance, les sociétés secrètes qui préfigurent notre Franc-Maçonnerie spéculative ? Rien n’est moins sûr. A la question quelle filiation y-a-t-il, peut-il y avoir, entre les pratiques opératives des compagnons-maçons-bâtisseurs et les pratiques spéculatives des Francs-Maçons, la réponse des chercheurs est unanime : aucune. Aucune au sens de l’histoire, où l’une aurait permis et conditionné, l’existence de l’autre. Rien de probant sur une telle transition. On ne peut l’envisager que comme une rupture puisqu’il n’y a aucune preuve de l’existence d’un chaînon manquant. C’est à dire de présence de Loges hybrides, qui auraient pu constituer une maçonnerie opérative, au début majoritairement composée de bâtisseurs et, se peuplant par la suite de maçons-lettrés, de francs-maçons, d’intellectuels.  Bien entendu au sens de l’Histoire prise à la lettre et non au sens de l’esprit Opératif traditionnel, revendiqué depuis leur création par les Rituels mis en pratique. On peut imaginer que des ateliers Corporatifs et des Loges maçonniques aient pu coexister dans certaines grandes villes. Mais sans liens institutionnels, ni mixages de ces structures entre elles, tels que le sont de nos jours, Compagnonnage et Loges maçonniques. N’y aurait-il alors in fine de Maçonnerie moderne que spéculative, comme il est coutume de dire qu’il ne peut y avoir de Républiques que Laïques ? On est en droit de le penser. C’est une maçonnerie spécifique, nouvelle dans son but, traditionnelle dans sa pratique, qui apparaît donc à l’époque des Lumières.

Petit rappel instructif : on appelle les Lumières, une période démarrant en 1688 en Angleterre avec La glorieuse Révolution calviniste chassant le Roi catholique Jacques II Stuart et on retient en France la date de 1715, avec la mort de Louis XIV, pour vraiment voir débuter cette période, se finissant à la Révolution Française.  Au-delà du nom, cher aux F.M que nous sommes, « Les Lumières », représente un important mouvement, européen, déiste. Il est capital pour nous, puisqu’ il marque l’avènement des connaissances philosophiques, des intellectuels, de la science, face à l’obscurantisme des superstitions, l’intolérance, les abus de l’Église et de l’État. On peut dire que la fin des Lumières correspondant à la fin de l’Ancien Régime et citer Napoléon : « Il n’est que deux seules puissances dans le monde, l’épée et l’esprit, mais à la longue l’esprit l’emportera sur l’épée. »

Pour le caractère purement spirituel de la F.M., on n’a donc pas de date précise, seulement une période. Il convient désormais de rechercher une cause légitime, dans la naissance de ce nouvel Ordre spéculatif, constitutif d’une organisation maçonnique purement intellectuelle et non (plus) manuelle ou d’allégeance proprement opérative. Cherchons en Europe donc, et notamment dans les deux pays possédant la clef, les Lumières, de cette histoire. Les dates de création de La Grande Loge de France puis du Grand Orient étant connues, respectivement 1738 et 1773, il ne restait pour la Grande Loge Unie d’Angleterre qu’à être positionnée avant elles. Connaissant en tout le chauvinisme Anglais (nous disons bien Anglais, et pas Écossais, ni Irlandais, ni Gallois), la date de 1717 fut retenue et confirmée, pour la consécration de la Grande Loge anglaise, issue de la fusion de 4 Loges, domiciliées dans les Tavernes où elles se réunissaient. Outre ce fait, singulier par la petitesse des lieux et la négation de ce qui se passe ailleurs en Écosse ou en France, cette hypothèse de « Loge-mère » sera vite battue en brèche au sein même de La Grande-Bretagne.

Penchons-nous un instant sur la possibilité d’une Maçonnerie moderne et spéculative, née en Grande Bretagne. Possibilité ou plutôt impossibilité ! Quatre Loges : L’Oie et le Grill, Le Pommier, La Couronne, Le Gobelet et les Raisins, se fédèrent donc et constituent la Grande Loge de Londres et de Westminster devenant peu de temps après, la Grande Loge Unie d’Angleterre. Il faut plus y voir là, à notre sens, un désir de tourner la page et d’en finir avec la maçonnerie Stuartiste. Maçonnerie foncièrement militaire, trop Catholique et Christique, telle qu’elle apparaît encore dans La Constitution Payne, codifiant une pratique qui n’est plus du tout dans l’air du temps, depuis l’exil des Jacobites. Ainsi prennent naissance à partir de 1721 les Nouvelles Constitutions, dites d’Anderson, les « anciennes » fraîchement édictées par Payne en 1720, étant jugées « fautives et dévoyées ». Si le premier G.M. de la G.L. Unie d’Angleterre est en 1717 un modeste opératif savetier, les suivants actent la volonté d’un profond changement politique et religieux. On y retrouve bien entendu Anderson, un pasteur presbytérien ; Désaguliers, un savant, mais surtout un prêtre anglican fils d’un pasteur Huguenot chassé de France. Le Duc de Montaigu, l’homme le plus riche d’Angleterre à cette époque. Le Duc de Wharton, un noble ruiné, surendetté, alcoolique.

Comment voir là-dedans, dans cet aéropage hétéroclite, et à leur suite, la naissance d’une Maçonnerie moderne ? D’autant que l’article IV de ces Nouvelles Constitutions d’Anderson, stipule clairement : « nul ne peut être G.M. s’il n’est, noble de naissance ou gentilhomme, ou savant, éminent architecte, homme de l’Art d’honnête ascendance » ! Certes les principes opératifs et chevaleresques de base sont conservés, avec en plus, quelques compléments postérieurs, notamment sur les lois Noachides (relatives au Déluge et à Noé) et bien entendu, pour ne plus faire obstacle à la pensée calviniste, on y rajoute l’immanquable ouverture religieuse, plus déiste que théiste d’ailleurs. La personne athée étant elle, toujours perçue comme quelqu’un atteint de stupidité. On est bien loin, il est bien fini, le temps de la doctrine apostolique OBLIGATOIRE, de la pensée unique, pour être admis en maçonnerie, telle que le mentionnait la Constitution dite Stuardiste de George Payne.  Mais rien ne signale cependant, en ce début des Lumières outre-Manche, un vaste mouvement philosophique et/ou scientifique, porté ou relayé par la Franc-Maçonnerie. Il n’y a aucune remise en cause sérieuse de l’existence du Dieu de la religion catholique, aucun refus des dogmes, ni aucun laïcisme. Il convient désormais plus que jamais, de croire au Glorieux Architecte du Ciel et de la Terre, afin d’éviter de paraître stupide. Malgré le renforcement de cette adaptation spirituelle, rien ne change vraiment et tout au plus peut-on considérer qu’une Loge calviniste s’impose. Il s’agit de celle dénommée : Le Gobelet et les Raisins. C’est une Loge forte de ses 24 Nobles, Chevaliers de Hauts rangs, Activistes et Pasteurs anglicans, Scientifiques notoires membres de la Royal Society d’Isaac Newton. Anderson et Désaguliers à la tête de cet Atelier de 24 frères, prennent le pouvoir maçonnique. La nature a horreur du vide… Le pouvoir est aisément, glorieusement, confisqué aux Loges militaires des Régiments écossais et irlandais demeurées fidèles à la royauté catholique déchue, exilée et installée par Louis XIV à Saint-Germain-en-Laye. Contrairement à ce qui se passe en France au même moment, principalement à Marseille, on peut dire qu’il n’y a rien de Moderne, ni de Spéculatif, dans ce revirement maçonnique anglo-saxon. Ce n’est pas parce que le mode Maçonnique-Opératif s’éteint en Grande Bretagne, ou parce l’écossisme-stuartiste est bouté hors du Pays, que le Spéculatif s’y installe automatiquement. Les Loges militaires écossaises avaient anticipé un tel changement, en initiant des non-opératifs ou des non-militaires, mais indépendamment du désir de créer un quelconque modèle véritablement spéculatif. Seulement dans le but de renforcer une présence, peu ou prou menacée par l’Anglicanisme, en s’ouvrant à la société civile et en répondant à l’évolution des mœurs de son époque.

C’est en cela que notre théorie éclaire et nuance, les étapes d’une évolution factuelle de la Franc-Maçonnerie jacobine vers la Franc-Maçonnerie anglicane, hors d’un quelconque souci spéculatif. Sans pour autant y voir une filiation mécanique et logique entre les périodes ou les Rites. Le fait de vouloir « soucher » à tous prix tel mouvement nouveau sur tel autre, paraît moins adapté que la simple prise en compte des circonstances historiques réelles. Toute rupture supposée est le fait d’un événement majeur, qui oblige à s’adapter, ou à disparaitre. La fonction franc-maçonnerie, obéit à cette règle dans lequel l’ensemble étudié est différent de zéro. « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » selon la célèbre formule de Martin Heidegger, car répétons-le : « la nature a horreur du vide ».  

On pose ainsi le diagramme :

1/ En ordonnée, la viable d’ajustement de 0 à 100. Portant l’axe de la Spiritualité.

0 = Athéisme, 50 = Déisme-Théisme, 100 = Idolâtrie.

2/ En abscisse, la constante Temps, portant l’axe des Pratiques : Ancestrales : Chamanes, Opératives, Templières. Anciennes : Militaires, Aristocratiques (Art Royal). Modernes (Laïques) : Spéculatives, Philosophiques, Sociétales.

Disons ceci : la Franc-Maçonnerie répond à l’équation scientifique : à chacun sa spiritualité, à chaque groupe ses pratiques rituelles. L’effet additionnel cumulatif des pratiques ésotériques, hermétiques ou bibliques, y apparaît nettement. En qualité d’apports potentiels et non de filiation directe. Un tel diagramme place la Franc-Maçonnerie à l’opposé des Sectes (100%idolâtres) et des Religions (100%pratiquantes) qui elles, ne peuvent répondre de la sorte à une analyse cartésienne. Soyons en sûr : la Franc-Maçonnerie anglaise, Stuartiste-militaire ou Hanovrienne-aristocratique, n’offre ni aspect moderne et ni aspect laïc, dans le vrai sens du terme, donc celui du respect de TOUTES les religions. Le dessein de la Grande Loge Unie d’Angleterre fut seulement d’intégrer le principe presbytérien comme facteur de Régularité et d’Appartenance, afin d’imposer à ses Loges patentées, l’uniformisation de leurs pratiques, en signe de cette appartenance. Certains verront là, un juste prolongement de la Querelle des Anciens et des Modernes, version maçonnerie-anglicane !

Voilà notre humble avis, face au puissant esprit de clocher anglais. Mais nous n’entrerons pas davantage dans ces querelles intestines et dirons simplement, qu’à trop vouloir tirer la couverture à soi, on finit par la déchirer. De là à passer au plan juridique ou défendre de telles causes armes à la main, serait encore plus ridicule.

Nous laisserons volontairement de côté et à d’autres, cette question de savoir QUAND, à quelle date, s’est effectué précisément l’apparition du mode spéculatif dans la Franc-Maçonnerie française ou anglo-saxonne. Certainement pas à une date précise, les choses étant le plus souvent dans la progressivité au gré des circonstances, elles-mêmes multiples et étalées dans le temps. En revanche, confirmant le fait qu’elle soit née à Marseille, comme d’autres courants maçonniques ont pu naître ailleurs, au gré d’autres circonstances, d’autres époques. Notre diagramme en schématise certains aspects. Tentons cependant une typologie de ce que nous nommerons les différents courants maçonniques, pour les plus connus au cours du temps. Sans classement réel, ni a priori, concrètement existants, au sens des inspirations (souches) revendiquées, des Rites et des Obédiences le plus pratiqué.

F.M. Symbolique, Hermétique, Esotérique, bien évidemment toutes les Loges y souscrivent

F.M. Judéo-Chrétienne

F.M. Ecossaise Stuartiste militaire, puis Presbytérienne

F.M. Egyptienne

F.M. Républicaine, Laïque

F.M. Féminine, Mixte, Masculine, Universelle

F.M. Spéculative, Politico-Affairiste, Philosophique, Sociétale…

Laissons à chacun d’entre nous le loisir d’y repérer telles ou telles autres Organisations Obédientielles …

Ces 7 grands courants sont représentatifs de « l’adaptabilité » de la Franc-Maçonnerie et de sa perpétuelle remise en cause, selon les époques de son Histoire. Le tout sur un « fonds-de-commerce » solide, tout autant symbolique que spirituel.

Remarque importante en a parte. Malgré un apport Hermétique (alchimique et scientiste) certain, on notera qu’à ce jour la F.M. n’a pas, du moins pas encore, de véritable courant scientifique. Pas pseudo-scientifique ou comme nous aimons à le préciser péjorativement : un courant de « Maçonnologues » c’est-à-dire, d’inspiration pseudo-scientifique ou par certains côtés, Nostradamussien. Non, un vrai mouvement maçonnique des Sciences, en association avec les Grandes Ecoles, l’Université, les Universités nouvelles du temps libre, les chercheurs et pourquoi pas l’Institut, l’Académie des Sciences. L’explication tient plus au fait des incompatibilités majeures entre Les Sciences exactes et Le Sacré, qu’à celui d’une absence de Chercheurs, Docteurs, Savants, en postes ou émérites, d’intellectuels, d’érudits-Francs-Maçons très qualifiés, dans nos rangs ! Regrettons-le, car la nostalgie d’une Maçonnerie des Lumières, spéculative au sens des idées novatrices, demeurera toujours en nous.

Nombreux sont les Scientifiques qui étudient depuis longtemps la Maçonnerie sous toutes ses coutures, parfois avec des préjugés hostiles, mais bien rares sont les Frères reconnus et respectés par eux, pour leurs publications, leurs planches ou leurs travaux synthèses. Ne parlons pas des théories maçonniques, elles ne franchissent que très rarement les portes de nos Temples… ni elles y rentrent, ni elles n’en sortent !  Mais il nous appartient de réfléchir et de nous dire : Quand faire le premier pas vers les Sciences, comme d’aucuns et ils sont pléthoriques, l’ont fait vers la Politique ? A notre sens, plus que toutes autres organisations, notre Grande Loge Symbolique, mono-rituelle, Filiation Robert Ambelain, pratiquant le rite Écossais Primitif, est tout à fait apte à revendiquer de tels accords avec la Communauté scientifique globale. Par sa Revue, ses travaux de grande qualité, son appartenance au CLIPSAS, à l’Alliance Européenne et plus récemment à l’Observatoire de la Dignité Humaine (ODH-HDO) de l’appel de Rotterdam du 29 mai 2016, la GLS-REP est prête pour assumer une telle jonction. De nos jours, la Franc-Maçonnerie accueille dans ses rangs, ceux et celles qui « accidentés » de la vie sociale, économique, voire religieuse, viennent chercher un appui moral, spirituel, tout autant que des réponses plausibles à la question fondamentale de leur existence. C’est parce que les sociétés modernes ont échoué dans cette mission que nous leur devons un effort de vérité. D’explications simples et accessibles, dans l’état des avancées scientifiques et des connaissances actuelles, sans a priori, ni division, ni conflit idéologique. C’est pour cette raison que le rapprochement vers les Sciences, La Science, s’avère fondamental pour notre devenir de Francs-Maçons responsables, à l’orée du XXIe siècle. 

Cet a parte dit, il importe maintenant d’établir, le Comment et le Combien, puis le Pourquoi, d’un tel changement spéculatif dans l’histoire de la Franc-Maçonnerie.

IV/ Le spéculatif.

Comment ? Pour des Francs-Maçons spéculatifs la vision du futur est essentielle. Le passé n’apparaissant qu’en référence d’une légitimité relative. Voire d’antériorité, d’aspect religieux ou pas, offrant une position voulue dominante. Situation difficile, d’autant que nos origines sont d’un abord complexe dans l’historique de cette mutation, entre opératifs et spéculatifs. S’il est hasardeux de savoir quand s’est fait ce changement, il est intéressant de se poser la question : à quoi peut servir une telle évolution ? Pour nous Francs-Maçons, spéculer signifie actuellement réfléchir, imaginer, cela dans un sens noble qui n’a rien à voir avec l’espoir d’un profit ou d’une prise de risque pour gagner plus d’argent.  La pensée spéculative est celle qui observe, au sens du mot latin. Speculator : c’est l’observateur. Mais c’est aussi celui qui éclaire par sa vision, sa recherche, son travail intellectuel. Par son analyse et sa synthèse, il tente d’éclaircir toute perspective future. Pour ce faire, il se pose sans cesse la question : « que se passerait-il si… ? ».

Et en l’occurrence, que se passerait-il si la Franc-Maçonnerie-spéculative, dans le plus pur esprit corporatiste, n’avait été qu’un outil issu des Lumières, au service de l’avènement de la libre entreprise ? « Free » pour pouvoir déroger au Culte et à la Royauté, ligués ensemble contre elle ? « Franche » au sens d’un espace non assujettis aux lois fiscales en vigueur ? Une zone grise, ni blanche, ni noire, mais avant-gardiste, composée de spéculateurs, d’habiles négociateurs, comme l’avaient été en leur temps les Templiers. L’Ordre du Temple, fidèle aux Papes et aux Rois… mais pas trop ! Les Templiers, enrichis et puissants au point de prêter main forte et argent, aux souverains… mais pas trop ! Un Ordre incontournable, au point de représenter un État dans l’État, ce que ni un Pape, ni un Roi, ne pouvaient accepter. La suite on la connaît. Les Francs-Maçons eux aussi avaient en mémoire cette histoire. Ils en tirèrent profits du 16e au 18e siècle et encore aujourd’hui. Un groupe (sans parler des individus qui le composent, mais bien de ce qu’ils sont ensemble) ; un groupe fédère ses ambitions qui ne sont, ni confessionnelles, ni politisées, ni socialement typées, mais volontairement restreintes à leur activité commune. Il s’auto-reproduit dans une cooptation rigoureuse, exclusivement masculine, à forte ambition spéculative et expansionniste… Ce groupe s’organise dans une époques troublée, incertaine, sans avenir, dans un royaume endetté par le luxe et les guerres, peuplé d’un clergé puissant et corrompu. Si les Lumières et la Maçonnerie c’est ça, on est bien loin alors, d’un angélisme maçonnique universel ! Au risque de voir ressurgir les vieux démons du capitalisme libéral, disons que cette F.M. d’obédience affairiste, plutôt d’inspiration protestante, mais pas que, n’a aucun complexe avec l’argent et l’enrichissement personnel. Pour elle, gravir les étapes maçonniques, c’est aussi manifester son ascension dans l’échelle sociale.

Comptables, commis, financiers, commerçants, négociants, artisans, officiers de marines, simples marins, marseillais, écossais… Apprentis, Compagnons, Maîtres en la matière… Toutes ces personnes, complètement étrangères aux métiers de bâtisseurs de cathédrales, se réunissent en Loge à Marseille et se répartissent des fonctions économiques. Il leur faut des cordons de Maîtrise et des grades supérieurs, tant les progressions sont rapides. Les Rituels du 18e siècle codifieront cela à merveille, avec la concurrence des Obédiences qui se constituent. On puise encore plus avant dans la Tradition, la Bible, les textes anciens, on modifie, construit, reconstruit. Et surtout on codifie l’oralité. Ainsi progresse-t-on rapidement.

Pour ces Francs-Maçons la route est tracée. Il leur faut vaincre les obstacles de leurs profondes différences, ainsi que ceux de leurs opposants institutionnels et religieux. Il leur faut anticiper, spéculer sur l’avenir du Port de Commerce Marseillais. Aplanir, supprimer les barrières autant morales que physiques contraires à leurs projets. Deux écueils dont l’évitement sera décisif dans leur visée spéculative :

1°/ Résoudre le problème de la sécurité en mer, afin d’assurer la prospérité de Marseille.

2°/ Vaincre celui de la concurrence commerciale, principalement Juive aux 17e et 18e siècles.

Le premier écueil se chiffre en centaines de navires perdus, par naufrages, actes de Piraterie ou prises par l’ennemi. Les archives n’en distinguent pas la cause mais les pertes sont consignées, année après année. De 1704 à 1714 la Chambre de Commerce de la Cité Phocéenne, en dénombre 1866 en 10 ans, soit 186 navires perdus par an. De 1715 à 1745 il y en a 820 soit sur 30 années, 27 navires perdus par an. De 1745 à 1757 il y en a 961 soit sur 12 années 80 navires perdus par an. De 1757 à 1770 il y a 937 perdus, soit sur 13 années 72 navires perdus par an. Pour les 25 ans suivants, la Chambre donne la moyenne de 24 navires perdus chaque année, les mers sont plus sûres ! Mais, plus de 5000 navires au total sont perdus entre 1704 et 1795 ! Le mauvais temps n’explique pas tout. L’arraisonnement, le vol des cargaisons, les rançons pour la restitution des prises humaines, les navires eux-mêmes, offrent des ressources faciles et disponibles en nombre. Pour la Chambre marseillaise, c’est beaucoup plus qu’un problème. C’est un grave fléau. A maintes reprises elle doit rehausser ses taxes portuaires, pour combler les manques à gagner. Mais ce n’est pas tout. Pour la sécurité en Méditerranée, la Chambre arme et fait construire ses propres navires escorteurs, dépêche des frégates, constitue des équipages. Sollicite à prix d’or la marine royale bien mieux pourvue en galères et soldats expérimentés, d’autant que l’exil massif d’écossais, d’irlandais, complète utilement ses effectifs. Tout marin étranger ayant été plus de dix ans au de service de Sa majesté se verra d’ailleurs proposer la Nationalité française. Pour toutes ces raisons, cette alliance de la Chambre traduit de fait en une relation crypto-maçonnique entre Marseille et le Roi. Chacun y trouvant un intérêt majeur dans le secret qui s’impose, afin de ne pas éveiller les soupçons catholiques et ceux de l’Inquisition. La Loge spécule, imagine un avenir encore plus florissant, tel celui des Vénitiens du XVe siècle et de leurs 6000 galères. Les Francs-Maçons de Saint-Jean d’Écosse à l’O. de Marseille, œuvrent en secret pour obtenir du Roi Louis XIV leur sécurité maritime, tandis que celui-ci se sert d’eux pour financer les tentatives destinées à la restauration des Stuart chez eux et régler par la même occasion, l’état de ses finances en grands périls. Le coût exorbitant des guerres, la construction de Versailles, les dépenses somptuaires de la Cour, de la Noblesse, ayant ruiné le royaume… Et au passage, le pouvoir royal règle aussi ses conflits avec les Anglais. Mais pas seulement.

La question Juive fut sous l’Ancien Régime une question récurrente de l’intolérance catholique et des royautés successives.  Après 1501 sous Louis XII, les juifs n’ont plus droit de cité dans le Royaume de France. Un bon nombre s’est converti au catholicisme, mais la plupart se sont exilés à l’étranger. En 1650 c’est le Parlement de Provence qui applique une interdiction de séjour pour les Juifs. En 1682 c’est le Roi Louis XIV et Colbert en personne, qui ordonnent et signent l’expulsion des Juifs de France. Le problème ressurgit en 1750. A croire que les lois et les contrôles n’avaient que peu d’effet à cette époque. Cette fois c’est la Chambre de Commerce de Marseille elle-même qui se manifeste, se plaignant de la présence juive dans les comptoirs français et accusant les juifs de complicité et de recel de cargaisons piratées. En 1758 un arrêt du Parlement de Provence, interdit aux Juifs tout achat et revente de marchandises à Marseille et ramène leur autorisation de séjour de 8 à 3 jours. A notre sens, il faut voir en tout cela un acharnement catholique anti-juifs constant, plus qu’un problème spécifique posée à la Chambre de Commerce. Via la Chambre, c’est la Loge contrainte, qui avec habileté s’est fait l’écho de vagues prétextes commerciaux antisémites, afin d’obtenir du monarque la sécurité maritime dont elle a le plus grandement besoin.

Il est intéressant de noter qu’en 1743 la G.L. de F. signale voir dans le Rite écossais (pas le RER puisqu’il n’existe pas encore, mais bien celui, tel que pratiqué à Saint Jean d’Écosse à cette époque) la G.L. signale voir « une trahison assimilée à une nouveauté ». Comprenons-le ainsi : le Rite écossais Jacobite existe concrètement et la nouveauté c’est qu’il s’impose de plus en plus, sans crainte d’afficher son sens spéculatif, notamment dans l’accès des hauts-grades. Ce que dénonce avec véhémence la G.L. tant le mot de trahison est fort.  Car c’est au détriment de son Rite à elle, que s’effectue la progression du Rite Primitif de Saint Jean d’Écosse, tel que nous le connaissons, réveillé par notre G.M. Robert Ambelain. Un Rite mieux codifié, plus symbolique et plus rigoureux, ce qui constitue au 18e siècle, la condition essentielle pour permettre à la Loge marseillaise un très large essaimage géographique, tout en conservant une pratique unique, uniforme, voulue indéfectible et universelle.  Tandis qu’à l’opposé la G.L. de F. utilise à cette même époque des rituels dont les variantes sont nombreuses, accessoirement orales ; l’essentiel reposant sur une base anglaise plus ou moins fixe, qui est agrémentée de diverses adaptations locales (ce qui aboutira plus tard, grâce à l’initiative du G.O. au Régulateur du Maçon de 1801 et à la codification d’une pratique plus stable, avec le Rite français).

A partir de Marseille, le Rite écossais primitif « à la manière des Anciens » s’exporte aux quatre coins du monde. Dans le même temps, les Temples s’ornent de nombreux symboles, matérialisés et enrichis. La lumière se doit d’être donnée avec brio aux « pro-phanes » reçus maçons. Prophane : de pro avant et de phaneros phare, fanal : lumière. Donc avant d’avoir vu la lumière, qui est bien mieux et plus vrai, plus respectueux, que le mot profane avec un f, trop proche de profanation au sens de souiller. L’impétrant est alors admis avec faste et cérémonie. L’initiation-rituelle, pratiquée dans le tréfonds des tavernes écossaises ou  londoniennes est ici révolue. L’opulence maçonnique est née à Marseille et avec elle se forge l’esprit spéculateur. Cette lecture au premier degré peut choquer, mais elle va tout à fait dans le sens de l’opportunisme maçonnique : être de toutes les époques, de tous les partis, de toutes les confessions, de toutes les couches sociales. Ce qui se traduit par : un seul Maître, fût-il, Dieu le Grand Architecte du Ciel et de la Terre, ni dogme de Foi, ni Chapelle, et plus tardivement en France, ni Roi… C’est un opportunisme de sauvegarde, assujetti aux lois, aux magistrats de son temps, tels que le stipulent dans l’article II les Constitutions d’Anderson de 1723. Sa qualité étant de demeurer loin des folies meurtrières, loin de l’assujettissement de l’homme par l’homme, loin des extrêmes. Car tout Maçon doit demeurer un esprit libre, bien-pensant, pratiquant sagesse, force et beauté. La Loge marseillaise est ainsi une communauté fraternelle harmonieuse d’entraide, défendant un intérêt majeur et spéculatif, hors des excès répréhensibles, dans le strict respect ses membres, de ses amis, et encore celui des Arts et des Lettres. Mais défendant par là aussi, sa vision d’un monde apaisé source de création de richesses, reposant sur les échanges commerciaux lucratifs. Le rapprochement avec nos « fraternelles » est une image juste, cependant dès le 17e siècle cette organisation affiche à Marseille des objectifs beaucoup plus vastes, géographiquement parlant. L’idéal maçonnique devient le carreau blanc du pavé mosaïque, la spéculation son carreau noir. La Franc-Maçonnerie spéculative est née, dans la continuité formelle de la Tradition. La filiation maçonnique écossaise de la Loge marseillaise est indubitable, y compris dans son double aspect, chevaleresque et opératif. Mais n’ayons pas peur des mots, la rupture s’opère avec la valorisation d’un atout majeur : financier. Un savoir-faire qui caractérise parfaitement l’Écosse des Lumières, tout autant que l’une des vertus templières bien connue. L’Écosse des 17-18e siècles est une patrie catholique, sans tabou spéculatif. La riche Écosse des Templiers a conservé longtemps ce rôle de Banque moderne des États qui souhaitaient entreprendre de grands desseins. Le personnage de John Law en est l’image malheureuse, mais Ô combien géniale pour son temps. L’exil massif des Jacobites a permis la suite de cette aventure. Dans quelles conditions exactes ? Nous avons des réponses à proposer. Voyons les chiffres disponibles.

Combien ? Au 18e siècle Marseille compte 340 négociants.  Seulement 200 sont éligibles au vu de leurs activités ou de leurs garanties maritimes. Il existe à la chambre de Commerce de la ville 156 postes répartis entre : échevins, juges-consuls, conseillers, députés, intendants des bureaux d’abondance pour le vin, la santé, les hôpitaux… 150 à 200 frères, c’est par ailleurs la taille de la Loge Marseillaise et seuls les notables Marseillais protestants ou non, mais avant toute chose, membres de la Loge Saint Jean d’Écosse, accèdent à ces fonctions consulaires. Quelques étrangers triés sur le volet et souvent de la seconde génération, participent eux-aussi à la gestion du négoce international. On y voit des Nobles Vénitiens, Napolitains, quelques Allemands et Hollandais. A n’en pas douter, la liste des archives de la Loge de 1784-86 n’est que le décalque des postes occupés à la Chambre de Commerce de Marseille.

La Chambre Consulaire de Marseille fut la toute première créée en France en 1599, sous Henri IV. Le penchant protestant de ce Roi pourtant baptisé catholique et que Marseille n’accepta comme Roi, qu’après l’abjuration par celui-ci du protestantisme, facilita grandement les activités de commerce maritimes. Le Port de Marseille fut le premier au monde à se doter d’une Chambre de Commerce. Initialement des négociants se réunissaient dans une chambre de l’Hôtel de Ville, d’où le nom de Chambre de Commerce. Ce n’est qu’après 1750 que ladite Chambre consulaire établira le projet de construire un bâtiment distinct afin de « sortir de l’incommodité de leur situation ». L’édifice abritant aussi le Tribunal de Commerce. Les archives mentionnent la construction d’une Bourse ou Loge, les deux termes étant synonymes à cette époque (!), nous verrons pourquoi. (Le Palais actuel de la Bourse, abritant de nos jours la CCIMP ne date lui que de 1860. Il fut inauguré en présence de Napoléon III et de l’Impératrice Eugénie). On notera aussi avec beaucoup de similitudes maçonniques, la composition statutaire de la Chambre aux 17 et 18e siècles. Telle que décrite dans les archives consulaires on y trouve : 3 Consuls, 4 Députés, 8 Conseillers, élus pour deux ans, le tout composé en 7 points de réglementation. Ce n’est pas du 3 ,5, 7… mais presque. Par ailleurs, sachons que tous les documents importants, registres, documents de commerce, patentes, sont enfermés dans une armoire à deux clés ; l’une détenue par le secrétaire aussi archiviste, l’autre par le Député le plus ancien.

En 1760, Naples et la Sicile représentent la première place des navires accostant à Marseille. Tandis que Malte devient la tête de pont en direction de l’Afrique du Nord, de la Barbarie, comme on disait à l’époque, en souvenir des pirates Barbaresques qui faisaient du XIIIe au XVIe siècles, le commerce des blancs capturés en mer ou le long de nos côtes méditerranéennes. La suprématie maritime Anglaise, Hollandaise, Portugaise, Française… permet désormais une plus grande sécurité en mer et la conquête de nouvelles destinations.

Une Loge marseillaise qui rivalise avec les intérêts Anglais et Hollandais, même la République de Venise à son apogée n’eût de telles ambitions ! Dès 1769 les contacts entre Marseille vers les Échelles du Levant (les escales – du mot échelle – du Moyen-Orient) et les Indes Orientales sont à l’initiative des Négociants Francs-Maçons de la Loge Saint Jean d’Écosse, qui dirigent désormais l’expansion commerciale et maçonnique dans l’intérêt de leurs propres Compagnies maritimes. D’autant plus facilement, que Colbert avait accordé à Marseille le statut de Port Franc. Donc moins d’impôts, moins de contrôles douaniers. Rajoutez à cela le contexte Écossais-Calviniste-Protestant de la Loge, n’interdisant ni les activités bancaires, ni commerciales… par ailleurs toujours freinées en France par le Catholicisme et la Royauté de l’Ancien Régime. Et surtout détestées par la Noblesse de Cour, oisive, vivant des prébendes royales ou princières, hostile à tout travail, hormis celui des nobles charges militaires. Face à cela, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, Saint Jean d’Écosse de Marseille crée des Loges-Filles au gré de son hégémonie maritime, tissant une toile maçonnique inégalée au sens d’une synergie commerciale, qui n’a rien à envier à nos multinationales actuelles !

Dans les années 1780 un notable négociant marseillais : Jacques Seymandi, dirigeant la Chambre de Commerce de la Cité phocéenne est aussi V.M. de la Loge Saint Jean d’Écosse. Il est associé à deux amis, eux-aussi négociants et frères maçons : Tarteiron et Samatan qui à leur tour seront V.M. de Saint Jean d’Écosse. En 1787 à eux trois, ils fondent la Compagnie du Golfe Persique. Cette période est capitale dans l’histoire de la Loge et de Marseille dont les destins sont désormais identiques. En 1784 les archives permettent de dénombrer un peu moins d’un millier de frères-maçons au total sur la ville, toutes Loges comprises. Saint Jean d’Écosse compte alors 207 membres initiés ou affiliés et 11 frères-servants. Ce qui en fait la plus grande Loge locale et l’une des plus importante en France. Ce seul nombre de 11 F. Servants dont nous connaissons les attributions, nous renseigne sur le prestige et l’opulence de l’Atelier, rappelons-le, le plus somptueusement décoré de son époque. On y reçoit Princes étrangers, Sultans, Hauts dignitaires, Diplomates, Nobles, Grands Officiers de Marine… (Cette grandissime époque marseillaise ne manquera pas d’inspirer à Marcel Pagnol quelques scènes imaginaires très « pagnolesques » de la magnificence de l’activité portuaire passée).

Plus sérieusement, la Loge Saint Jean d’Écosse à l’O. de Marseille, met la fraternité maçonnique au service de la chambre de Commerce marseillaise et de la diplomatie européenne, et même mondiale. En récoltant au passage les fruits commerciaux de ces ententes, ainsi que les meilleures pierres brutes pour ses affiliations en Loge, sans compter les éventuelles liaisons familiales rendues possibles par des mariages d’enfants, filles ou garçons afin d’assurer la prospérité future, tant des familles marseillaises que de la Loge écossaise. Notons que dans l’actuelle CCIMP, Chambre de Commerce et d’Industrie de Marseille-Provence, 80% de ses membres étaient F.M. dans les années 80, ce chiffre est maintenant estimé à 50%. Preuve que les Traditions ont la vie dure.

On a du mal, aujourd’hui encore, à imaginer cette débauche d’apparat somptuaire lors des initiations, des affiliations, ou des « simples » visites protocolaires en plein 18e siècle… Le Maître mot de la Loge marseillaise était célèbre : « Non vulgum pecus » c’est-à-dire : pas de recrutements laxistes, au sens de n’accepter aucun aventurier, qu’il soit noble ou simple négociant. Pas de mélanges pernicieux, tels – on peut le supposer – que le pratiquaient les autres Obédiences. Autant de faste et de rigueur sélective, n’a pu qu’opposer frontalement la Loge avec la G.L. puis le puissant G.O. avec lequel elle refuse toute assimilation et accords. Pas étonnant donc que ces Grandes Obédiences invoquent au fil du temps l’irrégularité maçonnique écossaise de la Loge Saint Jean d’Écosse de Marseille, faute de patente originale. De nombreux documents émanant du G.O. l’attestent en 1750, 1783, 1784. Puis en 1785, année de l’organisation du Convent des Philalèthes (Les amis, chercheurs de la Vérité) à Paris, dans lequel des frères de Saint Jean d’Écosse de Marseille sont invités es qualité… alors que le G.O. en est écarté.  La volonté du Grand Orient de France étant de mettre la main sur toutes les nominations des hauts-grades maçonniques, tant en France qu’à l’étranger, afin de contre carrer l’hégémonie de Saint d’Écosse. Stratégie vite déjouée, qui n’aboutira jamais et qui sera jugée par beaucoup de frères réguliers comme une politique antimaçonnique.

V/ Le spéculatif. Pourquoi ? Forte de sa notoriété, la Loge Saint Jean d’Écosse à l’O. de Marseille affirme ouvertement son indépendance totale à l’égard des autres Obédiences maçonniques et surtout du G.O. A l’instar des grands ports, comme Bordeaux, La Rochelle, Nantes, St-Malo, Le Havre… Marseille tire grands profits des échanges commerciaux. Avec la spécificité on l’a dit, de ne pas participer au commerce triangulaire de la traite des esclaves noirs, dite du « bois d’ébène ». Les armateurs marseillais, pour la plupart Francs-Maçons de la Loge Saint Jean d’Écosse, sont vraisemblablement à l’origine de ce choix de na pas armer des navires négriers. Très peu de ces navires accosteront à Marseille, conformément au sens des valeurs morales fraternelles et de la dignité humaine, qu’en leur qualité de Francs-Maçons, ils s’imposent à eux-mêmes comme à leurs associés. Alors qu’en France le catholicisme chrétien et les affairistes de tous bords en ignorent bien volontiers les principes de base et s’enrichissent vite des produits de l’esclavage. Il est utile de noter que le port de breton de Brest ne participe pas non plus à la traite des noirs, et qu’il est aussi un foyer initial de l’installation de la maçonnerie écossaise en France, au vu de sa proximité avec les échanges Anglo-saxons. C’est donc bien un choix maçonnique délibéré, et seulement celui de la Maçonnerie écossaise, de ne point déroger sur la vertu humaine, humaniste, dirait-on de nos jours.

C’est sur ces bases, que la Loge Saint Jean d’Écosse tisse son influent réseau à partir de Marseille. A l’image de l’Abbaye de Saint-Victor qui déploie ses nombres abbayes annexes du Haut Moyen-âge, Saint Jean d’Écosse se démultiplie en Loges-filles. On en compte une dizaine dans le dernier quart du 18e siècle. Leur dénomination est sans équivoque :

Orient de Gênes : « Les vrais amis réunis »

O. de Smyrne : « St Jean d’Écosse des Nations Unis »

O. de Constantinople : « St Jean d’Écosse de la Parfaite Union »

O. de Malte : « St Jean d’Écosse du Secret et de la Parfaite harmonie »

O. de Palerme : « Marie au Temple de la Concorde »

O. de St Pierre de la Martinique : « St Jean d’Écosse de la Parfaite Union »

O. de Salonique : « St Jean d’Écosse de l’Amitié »

O. du Cap français : « St Jean d’Écosse des 7 frères réunis »

O. d’Avignon : « St Jean de la Vertu Persécutée » Loge contestée par le G.O. en 1783

O. d’Île de France : « St Jean d’Écosse »

On notera l’absence de Loge-fille à Naples qui est pourtant avec Palerme et Malte est une des plaques tournantes majeures de ce réseau commercial. Il ne faut pas s’en étonner, car en 1751 la Pape Benoît XIV a promulgué un édit interdisant les Loges Maçonniques dans le Royaume de Naples, alors sous la domination des très catholiques Bourbons d’Espagne. On y décèle la stratégie raisonnée et non provocatrice de la Loge marseillaise. On sait cependant que de prestigieux négociants et aristocrates napolitains, fréquentent régulièrement la Loge Saint Jean d’Écosse à Marseille.

En 1780 la liste des F. de Saint Jean d’Écosse, s’établit ainsi. Seymandi dont a parlé plus haut, Vénérable M. de la Loge, Patron de la Chambre de Commerce, 2e fortune locale de Marseille, (à cette époque de l’Ancien Régime on se devait d’être noble pour occuper la place de la première fortune). Tarteiron 1er Surveillant, sur le cas duquel nous reviendrons, Samatan Orateur, tous deux négociants de leur état. Les M.M. Hugues, Audibert, autres négociants.  Puis : Malouet intendant de justice, Salze Lieutenant Général de Police, philanthrope, collectionneur, membre du Muséum de Paris. Grosson Notaire, chevalier de l’Orient, Guis secrétaire du Roi, M. écossais membre de l’Académie de peinture de Rome, Hornbach académie de Musique, Kick collectionneur de tableaux, Liénau négociant hambourgeois, Sibié ex-contrôleur général des finances de Provence, Lavabre Consul du Roi de Pologne chevalier de l’Orient, sur lequel nous reviendrons aussi, Lassen Consul du Roi du Danemark, apprenti, Chaillan, ex-consul de France au Levant Chevalier de l’Orient. De Sicard consul de Syrie. Versluyds député de la Compagnie des Indes Orientales Maître Maçon, Righiny consul du roi de Sardaigne, Maître Parfait. Isnard archiviste de la Chambre de Commerce et son neveu « prophane récemment initié » louveteau-maçon. On y trouve peu des Nobles. Seulement quelques-uns, issus des grandes familles de la Noblesse française, installées à Marseille : le Comte de Noailles, le Marquis d’Argenson.

Parmi tous ces Francs-Maçons, certains viennent d’autres Loges et d’autres Obédiences, principalement de la G.L. puisqu’elle est la seule à exister, bien avant le G.O. à cette époque. Ainsi le dénommé Louis Tarteiron est connu pour être un ex-vénérable de la Grande Loge de France, détenteur dit-on de patentes écossaises. Tout laisse à penser qu’il s’agit du RER et que sa venue chez les écossais de Saint Jean ne lui pose aucun problème de légitimité. Quant au Sieur Lavabre Consul de la Chambre en 1780, une séance du 12 mai 1735 fait état de son « rétablissement après faillite et précise qu’il peut désormais réintégrer librement la salle de la Loge pour la commodité des affaires de son commerce ». Ses titres et son appartenance à la F.M. quelques décennies plus tard, sont la preuve d’un réel redressement personnel, avec l’assurance d’une belle réussite. Le rétablissement, la libre réintégration, sont tout à la fois le signe et le respect par la Loge, des éventuels jugements entravant à cette époque la liberté individuelle et commerciale.  Le rapprochement entre les sources maçonniques disponibles concernant Saint Jean d’Écosse et « l’Inventaire des Archives Historiques de la Chambre de Commerce de Marseille » d’Octave Teissier, publié en 1878, est plein d’enseignements, quant aux faits et aux activités croisées entre Maçons et négociants, dans le respect le plus total des actes de la vie civile et de la justice du pays.

Encore une preuve s’il en fallait, du caractère « spéculatif et raisonné » dans l’existence de Saint Jean d’Écosse. Certes, la Loge exerce aussi une attirance en affichant sa notoriété et pour cette raison, certaines autres Loges ne sont en fait que des sas d’accès, des marches-pieds utiles, afin de pouvoir accéder à la Loge phare. Ce qui bien sûr n’est pas du goût de tout le monde et assure rivalités ou jalousie. Mais ce n’est qu’après la Révolution, en 1792 qu’un notable local, Martin Étienne qui siège à la toute jeune Assemblée Nationale se permet de solliciter des informations au sujet des rémunérations des permanents de la Chambre. Sans doute quelques bruits de couloirs délateurs, avaient-ils attirés son attention sur quelques fortunes amassées. Un état des postes, âges, fonctions, ancienneté, rentes annuelles, lui est communiqué. Ainsi voit-on, le Député consulaire Rostan, 19 ans de service, avoir un traitement de 16 000 livres. Isnard 71 ans archiviste, 53 ans de service, 6000 livres. Isnard (son neveu) 36 ans, secrétaire, 19 ans de service, 4000 livres. Ferrari 37 ans, trésorier, 3 ans de service, 6000 livres. Siau 37 ans, commis comptable, 45 ans de service, 1900 livres. James 56 ans, valet aux archives, 12 ans de service, 540 livres. Boyer 52 ans, concierge à la Bourse, 16 ans de service 360 livre. Il est difficile d’apprécier de tels revenus, sauf à dire qu’un député Consulaire gagne 30 fois plus qu’un Valet aux archives. Notons cependant au-delà de ces différences de traitement, l’esprit familial dans les fonctions sensibles, la longévité des attributions, et à n’en pas douter, leur appartenance maçonnique. Le vieil archiviste Isnard et son neveu par exemple, tous deux membres de Saint Jean d’Écosse, sont une garantie de fiabilité des documents comptables, dans le secteur très aléatoire et mouvant du commerce maritime.

Autant de pouvoirs concentrés dans une Loge-Mère, démultipliés par un vaste réseau de Loges-filles, qui elles-mêmes sont en liaison entre elles et on est en droit de le penser, par une certaine porosité, en liaison avec des Loges d’autres Obédiences… attirent à leur époque convoitises et suspicion. Aujourd’hui pour nous, force est de constater qu’ils imposent encore une certaine admiration ! Une telle recherche d’efficacité, un tel assemblage, est comparable à nos médias internationaux de communication : Google, Facebook, bien avant l’heure. On a la trace écrite d’un courrier de la G.L. de Genève adressé aux Frères de Constantinople, qui a transité par les correspondants de Saint Jean d’Écosse de Marseille. Si on peut parler de hiérarchie dans l’Écossisme de cette période, la Loge Saint Jean d’Écosse de Marseille est le fleuron, le vaisseau-amiral de cette organisation maçonnique. Même si par moment, les intérêts profanes ont pu supplanter la pratique des rituels, son idéal humaniste demeure le ciment qui permet cet entre-soi, certes fermé, mais si divers et très fonctionnel. Quel autre choix que celui-ci existait-il à cette époque, pour faire face à l’absolutisme politique et religieux, sinon à l’Inquisition d’État, rappelons-le, encore bien présente en cette fin de 18e siècle ? Dans leur grande Bonté royale, les souverains Louis XIV et Louis XV considèreront toujours bienséant le particularisme marseillais. Le Roi lui-même, de 1729 à 1732 fera l’acquisition de manuscrits turcs, très rares et très coûteux, en passant par la Chambre de Commerce de Marseille, sachant pertinemment que ce service émane des Francs-Maçons lettrés et au faite de telles connaissances très particulières, de ladite Chambre.  On peut toujours critiquer de collusion et d’affairisme un Jacques Seymandi, seconde fortune marseillaise, Vénérable Maître de la Loge écossaise, patron de la Chambre Consulaire et tout à la fois de la Compagnie du Golfe Persique ! Sauf qu’à cette époque le conflit d’intérêt n’est pas un délit et que ce serait vite oublier ses choix économiques et politiques judicieux. Sans oublier son implication totale dans le développement rapide et humaniste de la Cité phocéenne, au sortir de la Grande Peste. Et il faut savoir qu’il fut le précurseur d’une idée « toute marseillaise » de créer un canal de 200 km, allant du Nil à la mer Rouge, afin d’éviter à ses navires le long périple maritime par le Cap en contournant l’Afrique. Ce que Seymandi avait imaginé, cent ans plus tard, Ferdinand de Lesseps le fera, en perçant le canal de Suez.

VI/ En guise de synthèse : des valeurs maçonniques spéculatives novatrices et très tôt codifiées

A Marseille un groupe restreint de chrétiens, d’écossais catholiques et calvinistes, de notables étrangers, que tout oppose, affirme son appartenance à des valeurs maçonniques communes ; il en marque profondément et durablement la vie locale. Ce faisant, en dépassant leurs différences, ce groupe improbable, développe un réel désir d’expansion économique. Désir porté par la puissance maritime du Port qui s’affiche ostensiblement et par le secret des transactions sous le sceau des principes et des codes maçonniques. L’hermétisme est propre à ce jeu d’ambivalence, de transmutations d’idées novatrices au sein d’un creuset socioculturel et religieux hors normes.  La stricte organisation opérative conforme à la Tradition maçonnique et la grande habileté spéculative ont fait le reste. Dès lors on comprend mieux pourquoi, une Franc-Maçonnerie spéculative s’installe et prospère si vite ? Et surtout : pour quoi faire, sinon pour développer un nouvel Humanisme. Bien entendu basé sur le profit, car il faut développer, nourrir, entretenir, construire, instruire les peuples ici à Marseille ou ailleurs, et savoir que sans argent on ne fait rien.

Aucun pouvoir, aucune structure jusqu’alors étatique et encore moins privée, n’a pu mener à bien un tel projet, d’une telle envergure. Aucune, hormis la Franc-Maçonnerie, car elle est la seule à pouvoir se soumettre à des impératifs autant complexes que contradictoires. Ainsi, à Marseille, la Loge Saint Jean d’Écosse devient pour une poignée de Francs-Maçons, leur façon de voir et de faire le monde. Les Frères vont s’en donner les moyens et rapidement modifier la géographie économique et politique de leur temps. Ils vont faire entrer Marseille et l’espace dans lequel rayonne leur Loge-mère dans l’ère de la modernité. Les anciennes frontières culturelles judéo-chrétienne, musulmane, orientale, hindoue, comme les distances, sont abolies. C’est autant une collecte de matières premières et produits nécessaires, vitaux, qu’un transfert de compétences et de socialisation. A Marseille, la Loge c’est aussi la Bourse, celles des valeurs boursières des marchandises où se négocient les effets de commerces, lettres de changes, escomptes, billets à ordre, titres d’actions… C’est l’ancêtre de notre Corbeille, bien avant Paris et sa fureur boursière sous Louis XVI. Contrairement à ses aînées : à Venise, Bruges, Anvers, Amsterdam, Londres ou à Genève, sous monopoles Aristocratique ou Juif, à Marseille on boursicote entre simples négociants-initiés aux valeurs franc-maçonnes communes. Pas étonnant que les réglementations modernes très postérieures, aient interdit ce côté peu démocratique des échanges commerciaux, et en aient fait un délit portant d’ailleurs le même nom : « délit d’initiés » …

C’est en implantant des Loges-filles clé en mains, rituels, tabliers, symboles et procédures fournis, en nommant des Consuls représentants de la Chambre de Commerce Phocéenne à travers le monde, que l’activité maçonnique fonctionne, fédère et rassemble ce qui épars. Spéculation ou noble tâche de création de richesses ? Les deux à la fois ! Car c’est en spéculant et en accomplissant ses actes commerciaux dans la grandeur de l’esprit maçonnique que la Loge marseillaise agit ainsi, dignement. Sa pratique de l’Art-Royal demeure empreinte de noblesse, surtout lorsqu’ on a de gros besoins financiers et qu’on s’interdit, malgré ce de participer, comme on le fait partout ailleurs, au commerce juteux des esclaves noirs.

S’implanter, promouvoir, être accueilli, s’intégrer, être reconnu, secouru, s’associer, arbitrer les éventuels différends, créer des codes, des synergies… favorisent l’expansion des commanditaires, mais à long terme favorisent aussi les économies locales, le développement des échanges mondiaux. Dans le secret de ses tenues, la Loge Saint Jean d’Écosse à l’O. de Marseille et ses Loges-filles, mettent en pratique des idées avant-gardistes-spéculatives, au vu et su de tous sur le marché mondial. Une telle implication Humaniste, au sens de son emprise économique, n’a jamais été opérée à une si grande échelle. Elle s’apparente, bien avant l’heure, aux principes des Sciences économiques avec calculs, rigueurs, efficacité, tant en théorie qu’en pratique.  Peut-on alors vraiment se poser à ce stade, la question de la légitimité de cette Loge ? Celle des origines de sa patente jamais produite ? Une chose est sûre, la Grande Loge d’Édimbourg n’a jamais souhaité entraver, ni solliciter une quelconque régularisation, d’un tel fonctionnement. Au plus a-t-elle, face à quelques pressions compréhensibles, simplement rappelé la règle de non-transmission d’essaimage à partir des Loges-filles créées. C’est pour nous Francs-Maçons, une preuve essentielle dans la légitimité de Saint Jean d’Écosse « Who says nothing agrees » ou bien « Silent is consent » … Qui ne dis mot, consent. Pour la Loge d’Édimbourg c’est une nouvelle ère maçonnique qui s’ouvre avec l’Atelier marseillais.

C’est à Marseille, sans complexe et avec beaucoup d’intelligence humaine, que la Franc-Maçonnerie-Spéculative a réalisé sa rupture d’avec le mode opératif-templier, porté par la Tradition écossaise et ses Loges militaires. C’est du moins ici, que cet aspect est le plus représentatif. Instructif autant qu’incontestable. Et qui plus est, signe une belle réussite autant maçonnique que commerciale. Contrairement à la faillite de l’autre grande tentative écossaise de la même période, qui fut de coloniser l’Isthme de Panama de 1698 à 1700. Projet d’envergure où périrent 2000 colons écossais, venus contrarier les puissants intérêts espagnols dans cette zone d’échanges internationaux. Défaite militaire et économique, qui ruina encore plus profondément la mère Patrie écossaise, garante des fonds colossaux par actions, engloutis dans cette tragique aventure panaméenne. Ce qui nous fait revisiter un tant soit peu le « mythe stuartiste ». Par son succès jacobite, Marseille apparaît à elle seule comme une voie nouvelle de la Franc-Maçonnerie. Sans choisir pour autant, de reproduire les schémas sclérosés d’une quelconque Aristocratie marchande on l’a dit, Vénitienne, Palatine ou Anversoise. Et encore moins d’utiliser les attributs d’une Noblesse locale oisive et contre-productive. Noblesse que le seul aspect spéculatif à fait s’écarter à jamais de la Franc-Maçonnerie en général et française en particulier. La plupart des Nobles, à quelques exceptions près, sont demeurés aux portes des Temples. En opposition à la maçonnerie d’Anderson en Angleterre ou de celle dite « de Saint-Germain » en France, le cas marseillais est significatif. Trop d’historiens ou de Maçons l’ignorent ou minorent ce fait.

Dans un mode maçonnique opératif-templier, devenir apprenti puis compagnon, ne fut guère séduisant pour les nobles sujets ! Toutefois un peu partout certains franchirent le pas, attirés par le lustre chevaleresque, les épées, les blasons, les armoiries et les tabliers rutilants. Ce, principalement dans les Loges à dominante militaire. Mais dans le monde nouveau des francs-maçons spéculatifs, c’est plus compliqué encore, et y appartenir eût été pour ces valeureux Nobles, devenir roturiers. Très peu d’entre eux s’y risquèrent et 1789 accentua ce fait. Ce en quoi la Franc-Maçonnerie gagna beaucoup en valeurs égalitaires et démocratiques et fut un rempart efficace, édifié par l’active bourgeoisie naissante, à l’encontre de l’Aristocratie et d’une Noblesse arrogantes, autant déconsidérées que désargentées. C’est cette classe de Hauts dignitaires d’un autre temps, poudrés et perruqués, qui se presse dans les cercles de pensées poétiques ou scientifiques, de toute l’Europe des Lumières, en Allemagne, en France, en Angleterre. Ce sont aussi les mêmes qui s’empressent de fréquenter les clubs aristocratiques, les soirées musicales, les nuits costumées souvent débridées, les salons mondains des belles Marquises, envoûtées par les déclamations des élites célèbres et des grands penseurs du siècle. Assemblées de caste, dans lesquelles la Franc-Maçonnerie n’a que faire. Pour autant, loin de ces raffinements précieux puis littéraires, les Francs-Maçons-spéculatifs de Saint Jean d’Écosse à l’O. de Marseille, n’en demeurèrent pas moins des Humanistes respectables, amis des Arts, diplomates et ingénieux. D’autres courants s’inspireront plus tard de leur rôle majeur, en spéculant non plus dans l’économie, mais dans la Politique au sein des pouvoirs, en France comme à l’étranger. Le Marquis de La Fayette, noble Franc-Maçon d’exception, est souvent cité en exemple dans le destin d’une Amérique libre. Le G.O. fera de même un peu plus tard, en Spéculant sur le poids de sa présence massive au sein de la IIIe République (un tiers des élus du Sénat et de l’Assemblée étaient Francs-Maçons), cela après un rôle quelque peu ambigu durant la Révolution français.

Le colossal Empire colonial britannique du XIXe siècle, le futur Commonwealth, traduisons : « la santé, le bien-être commun », est une Communauté monarchique de 52 Nations. Ce vaste Empire commercial sur lequel le soleil ne se couche jamais, doit beaucoup à ses précurseurs Francs-Maçons-Marseillais. Il le doit à ces visionnaires spéculatifs, inventeurs du libre-échange, de l’Union des comptoirs commerciaux pour commercer, pour se parler, se rassembler, échanger dans la diversité respectée des cultures. Rajoutons : sans mixité des peuples, sans domination ni syncrétisme, imposés, mais dans le respect de tous. Sans triomphalisme colonial, puisque non-esclavagistes, les Francs-Maçons-Marseillais sont les concepteurs d’un maillage économique moderne. Bien plus qu’un réseau de Comptoirs commerciaux, il initie un chaînage de Loges-filles en Union fraternelle étroite et fidèle, avec leur Loge-Mère à Marseille, en respectant leur Rite à la lettre. Le Très Respectable à l’Orient, notre chaîne d’Union, ne s’organise-t-elle pas ainsi de la sorte ? Nous la formons et la rompons, avec l’obligation de penser et de croire au vers poétique de Paul Fort : « et si tous les gens du monde voulaient se donner la main… ». Qu’il en soit ainsi. Amen ! Spéculons mes F.&S. Spéculons sur cela !  Non par l’attrait d’une quelconque mode, mais bien, comme le firent les Frères de Saint d’Écosse à Marseille, par la nécessité du moment.

Épilogue.

L’un des derniers feux possibles de cette Loge de Marseille, serait dans ses liaisons avec les Loges écossaises de Strasbourg et notamment de R.L. Les Frères Discrets à l’O. de Charleville. Car c’est dans cette dernière que fut initié un certain Lieutenant du Génie, nommé Rouget de l’Isle. Comment comprendre autrement la transmission rapide du chant de Guerre de l’armée du Rhin, notre « Marseillaise » au bataillon de fédérés marseillais qui marchent sur Paris et compte des Francs-Maçons dans ses rangs. Des Frères peut être initiés à Saint Jean d’Écosse de Marseille. C’est eux qui entonneront le 10 août 1792 lors de l’assaut des Tuileries, le chant du rassemblement, de l’unité retrouvée, le chant de la Victoire.

Puis arriva le triste épisode de la Convention de 1792 à 1795 et de la Terreur à Marseille, avec son Comité de Salut Public, dirigé par les Révolutionnaires Paul Barras et Louis-Marie-Stanislas Fréron. Tous deux dénommés les « missionnaires de la Terreur », investis des pleins pouvoirs afin de débusquer les contre-révolutionnaires, les jacobins et les catholiques récalcitrants. Détruisant les édifices publics et religieux, confisquant les biens personnels. Marseille devient pour quelques temps une « Ville-sans-Nom » l’ordre est donné de détruire les repaires contre-révolutionnaires dans la Section XVIII, correspondant au riche quartier de l’Hôtel de Ville : église St Laurent, Accoules, Minimes, Oratoire, Bon pasteur et Bourse ou Loge…  A Marseille, le comité de Salut public prit alors le nom de Commission Brutus composée de 3 juges, sans Jury, ni recours. L’échafaud fut dressé à demeure Place de la Liberté, ex Place Royale, au bas de la Canebière. Dans cette période 123 condamnés furent guillotinés.  La seule journée du 23 janvier 1794 (4 Pluviôse An II), une charrette de 14 condamnés était conduite à l’échafaud. Parmi eux : Samatan, négociant arrêté le 8 décembre 1793, Jean Payan de la Tour, armateur, Hugues l’aîné, négociant, 84 ans, sourd et presque aveugle, Giraud 51 ans, négociant, Pierre Bonamour, 51 ans, agioteur. Tous les cinq, Francs-Maçons de la Loge Saint d’Écosse, furent guillotinés. « Marseille méritait une punition » ! C’est en fait un quartier, une activité secrète, un groupe de personnes qui étaient visés, dans le but de s’emparer de leurs biens et de mettre fin à leurs activités lucratives et occultes, qui donnaient tant de forces, d’argent et de pouvoirs.

A partir de 1794 la Loge fut en sommeil et ne reprit ses travaux qu’en 1801. Après la Convention, sous le Directoire, Marseille et les Marseillais, qui jouèrent un rôle majeur lors de la Prise des Tuileries, furent réhabilités. En 1811, Saint d’Écosse comptait encore de nombreux membres dans son Atelier (Banquiers, commerçants, négociants…). Mais, le blocus Anglais des Ports étrangers de 1802, l’industrialisation locale naissante, la marine à vapeur, les progrès, la fin de l’omnipotence des négociants portuaires, puis les nouvelles influences maçonniques républicaines, notamment celles du G.O., ont eu raison de l’activité tentaculaire et fastueuse de la Loge Saint Jean d’Écosse de Marseille. Ralliée un temps à l’Empire, son influence s’éteint définitivement, du moins le pensait-on, le 11 avril 1814, avec le choix symbolique de la date du traité de Fontainebleau, seulement quelques jours après l’abdication de Napoléon Ier et de son exil à l’île d’Elbe.

Mais le rôle économique, fédérateur, précurseur et exemplaire de cette Loge, son implication dans les Arts et les Lettres, les Sciences, demeurent inscrits pour l’éternité dans le destin de la Métropole marseillaise, comme dans l’Histoire de la Franc-Maçonnerie Universelle. Dans son exercice du spéculatif concret, Saint Jean d’Écosse à l’O. de Marseille, est un jalon de notre histoire. Celui qui a mis un point final aux pratiques antérieures et permis le passage vers le mode purement intellectuel, tel celui que nous le pratiquons aujourd’hui. Ne l’oublions jamais.

En Conclusion.

Nous dédions ce travail aux frères de la Respectable Loge : Les Écossais de Kilwinning à l’O. de Marseille et à son Vénérable Maître Fr.°. Ron.°., dont les travaux au Rite Écossais Primitif redonnent vie à la Respectable Loge Saint Jean d’Écosse ainsi qu’à la filiation de Kilwinning. Qu’il en soit ainsi, dans le droit fil de la Tradition : « de se conformer aux décrets et constitutions maçonniques de la noble Maison d’Hérédom de Kilwinning en Écosse, dont nous reconnaissons la pleine et entière autorité », pour qu’après plus de deux siècles de sommeil, les feux écossais propres à notre Rite Primitif, y brillent de nouveau, ici à l’O. de Marseille.

Da.°. Nap.°. « Les Écossais de la Sainte Baume » à l’O. de Saint-Maximin.

Nos sources principales : l’excellent article : « Une puissance maçonnique méditerranéenne aux ambitions Européennes » de Pierre-Yves Beaurepaire, Professeur d’Histoire Moderne à l’Université de Nice Sophia Antipolis, citant les multiples sources disponibles, dans les Cahiers de la Méditerranée. Juin 2007. Cet Agrégé d’Histoire est un chercheur, spécialiste de l’époque des Lumières et de la Franc-Maçonnerie.

Inventaires des Archives historiques de la chambre de Commerce de Marseille. Octave Teissier. 1878.

Histoire partielle du Rite écossais primitif. Éric Romand in Blog-Les écossais de saint Jean. 2012.

Divers articles dans Wikipédia. Diverses recherches et spéculations personnelles.

Source : http://www.ecossaisdesaintjean.org/2017/09/franc-maconnerie-la-theorie-speculative.html

st jean d ecosse-

La franc-maçonnerie à Cuba

Posté par hiram3330 dans : Recherches & Reflexions , ajouter un commentaire
30 janvier 2011

La Franc-Maçonnerie à Cuba.

 jose-marti-perez

A Cuba, la Franc-Maçonnerie, comme ailleurs dans les pays colonisés, est arrivée avec les colons de la Conquista, après la « découverte » du « nouveau monde » par les pays d’Europe. Or, même si, comme dans bien dans d’autres endroits, certains frères ont su l’instrumentaliser pour développer leurs juteuses affaires, c’est cependant au nom de ses valeurs que d’autres frères ont lutté, justement, contre la colonisation, et contre l’esclavage dont les colons européens tiraient profit.

 

LES ORIGINES ANGLAISES ET FRANÇAISES DE LA FRANC-MAÇONNERIE SOUS LA CONQUISTA :

Dans les vieux murs d’enceinte de La Havane, certains voient des symboles maçonniques qui témoigneraient d’une activité maçonnique antérieure à celle dont il reste des traces.

Ces premières traces datent de plus de deux siècles, et sont un certificat d’accès au grade de Maître, datant de 1763 au nom d’ Alexander Cockburn. En effet, la prise de La Havane par les Anglais avait eu lieu en 1762. Les Espagnols occupants leur avaient cédé depuis 1661 le monopole de la traite des esclaves, et les Anglais développèrent le commerce, dont celui des esclaves, avec l’Amérique du Nord. La Franc-Maçonnerie, anglaise, est donc arrivée avec eux.

Quand les Anglais abandonnent l’île 11 mois plus tard, toute trace d’activité maçonnique disparaît durant 8 ans.

Jusqu’en en 1771, avec l’arrivée de colons Français d’Haïti et de leurs esclaves qui fuyaient vers Cuba une révolution dans ce pays… Ils fondèrent 4 loges, toujours d’obédience anglaise, qui furent rapidement transférées en Louisiane, mais dont deux rues de La Havane portent encore les noms : Amistad et Concordia.

LE ROLE DE LA FRANC-MACONNERIE DANS LA LIBERATION DE LA DOMINATION ESPAGNOLE ET LA FIGURE DE JOSE MARTI.

La Franc-Maçonnerie était persécutée par l’Eglise et, en 1812 l’occupant espagnol publia un décret qui en faisait un délit d’état. Celle-ci a donc eu, pendant cette période, une activité clandestine dont il reste peu de traces.

En 1818, l’Espagne acquiert un régime constitutionnel qui donne plus de légitimité à la Maçonnerie, et plusieurs loges sont fondées à Cuba.. Les loges et les obédiences luttent entre elles: ainsi se constitue la Gran Logia Soberana en rébellion contre l’hégémonie que veut avoir le Gran Oriente Nacional de España .

Les luttes des loges et des obédiences sont traversées par les prises de position, entre autres, sur l’indépendance par rapport à l’Espagne. Elles sont aussi dûment infiltrées par les Espagnols occupants, qui traînent alors en justice pour “conspirationnisme” leurs propres frères partisans de l’indépendance de l’île .

En 1834, la Franc-Maçonnerie est à nouveau interdite par l’Espagne et entre à nouveau dans la clandestinité pendant un peu plus de vingt ans, laissant donc peu de traces. Elle revient à la lumière en 1860, avec la naissance de nombreuses loges qui se réunissent au sein de la “Gran Logia” en 1871. Elle revient aussi avec ses luttes internes pour ou contre l’indépendance de l’île par rapport au colon espagnol.

En 1862 est fondé « Le Grand Orient de Cuba et des Antilles », obédience qui comprenait beaucoup de partisans de l’indépendance de l’île et avait un rôle formateur dans ce sens auprès de la jeunesse cubaine. Le premier degré avertit:

« Il pourrait arriver que vous soyez amené à devoir défendre la vertu, l’innocence ou la patrie, les armes à la main et il ne faudra alors ni reculer ni trembler ». Au 27° degré, le Maçon doit « défendre ou, si besoin, conquérir la souveraineté du peuple, la liberté du travail, la liberté religieuse et celle des personnes, la souveraineté de la nation, le droit de réunion et l’égalité sociale »,

Le Suprême Conseil des Etats Unis déclare alors l’obédience illégale pour défaut de patente réglementaire.

Mais le grain était semé et c’est de cette obédience que seront issus nombre de frères qui combattront pour l’Indépendance, dont Carlos Manuel de Céspedes qui déclencha, en libérant ses esclaves, et avec leur concours, la première guerre d’indépendance, laquelle débuta en 1868 et dura 10 ans..

Et échoua. La maçonnerie est alors à nouveau violemment combattue par l’armée d’occupation et ceux qui la soutiennent. Nombre de frères sont fusillés par l’occupant espagnol. Cespedes, qui a été Vénérable Maitre de la loge Buena Fé et président de Cuba durant 5 ans, est condamné alors qu’il est déjà mort à 11 ans de prison, pour le seul délit d’avoir été Franc-Maçon!

La dernière “guerre d’indépendance” recommence en 1895, avec la figure éminente de José Marti.

José Marti est actuellement considéré comme l’âme de la nation cubaine, et la chanson dont ses vers composent les paroles, « la Guantanamera », comme l’hymne non officiel du pays.

José Marti a été initié en 1871 en Espagne à Madrid dans la loge Caballeros Cruzados Nº 62, Gran Oriente Lusitano Unido, dont il a été secrétaire. Ces loges étaient connues comme indépendantistes et travaillaient plus ou moins dans la clandestinité. La loge madrilène de Marti, considérée comme un repaire de Cubains indépendantistes, a été fermée.

Le Gran Oriente Lusitano Unido sétait fixé comme but « l’instruction au moyen de la parole et de la publication, l’enseignement à ses semblables de ses devoirs et de ses droits comme individu ». José Marti enseignait la nuit les Espagnols pauvres qui ne pouvaient se payer de l’instruction. L’ordre, dont le siège était au Portugal, semble avoir compris des sœurs dans ses rangs, et était opposé à l’esclavage.

A Santiago de Cuba, la statue qui représente José Marti, et dont le socle est orné de l’équerre et du compas, l’unit au Frère Carlos Manuel de Cespedes, puisqu’elle est érigée sur la place Cespedes. Tous deux ont combattu et donné leur vie pour l’indépendance de Cuba,

Buste de José Marti à Santiago de Cuba, place Manuel de Cespedes

José Marti a écrit, à un ami, avant de mourir peu après : « Je suis désormais chaque jour en danger de donner ma vie pour mon pays et pour mon devoir (…) d’empêcher à temps, par l’indépendance de Cuba, que les États-Unis ne s’étendent dans les Antilles et ne s’abattent, avec ce surcroît de force, sur nos terres d’Amérique. Tout ce que j’ai fait jusqu’à ce jour et tout ce que je ferai, c’est pour ça.»

La dernière guerre d’indépendance fut victorieuse en ce sens qu’elle arracha Cuba à l’Espagne.

Mais ce fut au profit des États-Unis, qui étaient entrés en guerre au côté de l’Espagne. Celle-ci leur a cédé Cuba, lors d’un traité signé à Paris ( ?), et les Etats-Unis « accordèrent » à l’île l’indépendance… en échange de l’installation de la base militaire US de Guantánamo… (Amendement Platt à la nouvelle constitution de Cuba)

En I902 Indépendance de Cuba est proclamée, et le « drapeau à l’étoile solitaire », dessiné par le frère Narciso López, flotte pour la première fois à La Havane.

ENTRE L’INDEPENDANCE FACTICE ET LA REVOLUTION

Ensuite, c’est, pendant plus de 50 ans, une succession de dictatures soutenues par les États-Unis et de tentatives échouées pour les renverser, au cours desquelles de nombreux maçons Cubains perdent la vie.

La Maçonnerie, exsangue, pense surtout à sa survie. Elle voit dans la jeunesse la seule possibilité de survie de ses idéaux et de leur mise en œuvre. Or cette jeunesse cubaine est en train de sombrer dans l’ignorance, la corruption, et autres vices encouragés par les dictatures qui n’ont pour objet que de permettre de faire de Cuba un paradis pour les mafieux, avec tous leurs petits et grands commerces irrespectueux des êtres humains, un autre Las Vegas avec casinos, drogue, armes, prostitution, etc…

La Maçonnerie cubaine entame alors un travail de transmission et de formation dirigé vers la jeunesse et, en 1936, naît la Asociacion de jovenes
Esperanza de la fraternidad
(Association pour les jeunes. Attente de Fraternité) (http://es.wikipedia.org/wiki/Asociaci%C3%B3n_de_J%C3%B3venes_Esperanza_de_la_Fraternida ) pour les jeunes de 14 à 21 ans. L’AJEF devient ensuite internationale, et est présente actuellement au Mexique.

La Révolution Cubaine aura lieu 5 ans plus tard

LA FRANC-MAÇONNERIE ET LA REVOLUTION

Lors de la Révolution Cubaine, les biens des Maçons, leurs temples, quand ils sont grands et luxueux, sont confisqués et redistribués. Et, comme tous les Cubains plus aisés que les Cubains les plus pauvres, tandis que ceux-ci peuvent enfin manger à leur faim, les maçons deviennent plus pauvres eux aussi, car obligés de partager. Certains d’entre eux sont heureux car ils trouvent cela en accord avec la devise maçonnique de liberté – égalité – fraternité, tandis que d’autres émigrent, souvent à Miami.

Dans la Cuba révolutionnaire, cependant, les Francs-Maçons ne sont pas persécutés en tant que maçons, car les Cubains leur savent gré d’avoir souvent donné leur vie pour la liberté de leur île.

LA FRANC-MAÇONNERIE A CUBA EN 2010

Il existe, à La Havane, un Institut d’Etudes Maçonniques qui promeut et encourage la recherche sur l’histoire de la maçonnerie. Cet institut dépend du même organisme que les religions. Il est vrai que la Gran Logia semble très largement majoritaire à Cuba et que celle-ci, étant une obédience fidèle à ses origines anglaises, prête serment sur la Bible. D’autres ordres prêtent serment sur un livre aux pages vierges de toute écriture,

La Gran Logia, fondée en 1881, comprend actuellement à Cuba 316 loges (dont 111 rien qu’à La Havane) et 29110 membres. Seule la « Gran Logia » apparaît sur le net.

Une partie des Cubains qui la composent sont des Cubains qui se disent en exil et habitent à Miami. où Ils disposant de nombreux serveurs informatiques aux USA. Ils s’appellent  La Gran Logia « En el exterior » et affirment que la raison de cette activité « à l’extérieur » est due au manque de liberté « à l’intérieur » (de l’île), et que leurs efforts sont tournés vers ceux qui quittent Cuba.

Une autre partie est restée dans l’île, avec un site internet officiel qui semble migrer de Cuba vers les USA. et un immeuble à La Havane.

En 2011 la Gran Logia semble agitée de nombreux remous, et est en restructuration. Selon « La columna », organe de maçons « de l’extérieur », il s’agit de trouver un terrain d’entente entre les deux parties : http://www.desdecuba.com/mason/

 

Le Grand Orient de Francea passé des accords avec La Gran Logia il y a quelques années, mais ceux-ci sont tombés en désuétude, compte tenu d’une trop grande différence entre les deux obédiences : serment sur la bible, non-reconnaissance des femmes par la Franc-Maçonnerie…

Il existe à Cuba, une obédience féminine, « Les filles de l’Acacia», comprenant 2 000 à 3 000 soeurs qui s’expriment sur le site de « la Columna » (http://www.desdecuba.com/mason/?p=2890). Cette obédience, créée par Gabriel garcía Galán, Grand Maïtre de la Gran Loggia,n’est pas reconnue, bien sûr, par la Gran Logia qui ne reconnaît pas les soeurs mais certains frères militent pour qu’elle le soit. Sur « La Columna », il y a une page consacrée à la Gran Logia :

http://www.desdecuba.com/mason/?p=179; Par ailleurs, les « filles de l’acacia » sont, comme les « damas de blanca », entièrement vêtues de blanc.

 

Le Droit Humain, obédience internationale et mixte, où hommes et femmes sont réunis, n’existe pas à Cuba.

Le Gran Oriente Lusitano Unido, où a été initié José Marti semble renaître, mais au Portugal,

CONCLUSION

 

La Franc-Maçonnerie semble toujours aussi divisée entre ceux qui l’instrumentalisent pour exploiter d’autres êtres humains et ceux qui cherchent à mettre en œuvre ses valeurs de fraternité.

Il est difficile aussi de mesurer l’importance que tiennent pour la franc-maçonnerie cubaine, d’origine européenne, les traditions culturelles apportées par les esclaves africains qui ont totalement remplacé pour les colons les Indigènes locaux, totalement exterminés et dont plus un seul descendant ne survit. En effet, ces traditions d’origine africaine, se sont étroitement mêlées, dans l’île métissée, aux traditions espagnoles, françaises et anglaises imposées durant plusieurs siècles.

A Cuba, à l’extérieur du temple maçonnique de Viñales, sont inscrites ces paroles de José Marti :

La maçonnerie n’est que la mise en oeuvre de la pensée autour de la liberté

Travailler de manière irréprochable, perfectionner l’exercice de la liberté, préparer les citoyens à la vie publique, soutenir la réalisation de toute idée noble, voilà, sans rien d’anonyme ni de caché, quels sont les mystères de l’ordre maçonnique.

La maçonnerie n’a pas plus de secrets que l’intelligence et l’honneur. Le fardeau des passions malsaines est laissé à l’entrée et on s’applique à oeuvrer de manière irréprochable en son sein.

 

Documents :

En français :

La fraternité par Leonardo Padura Fuentes : http://cubasilorraine.over-blog.org/article-la-fraternite-par-leonardo-padura-fuentes-61907502.html

En espagnol :

Interview d’un Maçon Cubain ;

http://www.bohemia.cu/2003/dic/01semana/sumarios/especiales/articulo1.html

La Gran Logia à La Havane : http://www.granlogiadecuba.co.cu/

La La Gran Logia « en exil  http://www.masoneriacubana.com/inicio.html

« La colmena » ::http://www.desdecuba.com/mason/ et son portail :

http://www.desdecuba.com/ (où l’on trouve aussi, entre autres, un lien pour le site de Yoani Sanchez)

Le document d’un Grand Maïtre de la Gran Logia en 1959 :

http://www.visionmasonica.org/mensajes%20anuales.htm

Histoire de la maçonnerie :

http://www.habanaradio.cu/singlefile/?secc=59&subsecc=59&id_art=2007010110212

Passé et présent de la Maçonnerie à Cuba, vus de « l’extérieur » :

http://cubaalamano.net/sitio/promocion/enfpp.htm

 

SOURCE : http://cubasilorraine.over-blog.org/article-la-franc-ma-onnerie-a-cuba-66055168.html

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