QUELQUES MAÇONS DANS QUELQUES WESTERNS 23 janvier, 2021
Posté par hiram3330 dans : Recherches & Reflexions , trackbackQUELQUES MAÇONS DANS QUELQUES WESTERNS
Par Julien V dans Contributions
Avec cet article de Julien V nous continuons notre partenariat avec la revue Critica Masonica. Vous pouvez retrouver cet article, et beaucoup d’autres, sur leur site.
Dans les 6 westerns où la maçonnerie est présente explicitement, aucun frère ne cache son appartenance. Bien au contraire, ils arborent une multitude d’objets maçonniques… qui, bien souvent, vont de pair avec leur statut de victime.
UNE FRANC-MAÇONNERIE DU QUOTIDIEN
Dans Les Disparus d’Apostrophe, bande-dessinée de René Pétillon (Dargaud, 1982), un auteur surnommé Hector Carlos a écrit un ouvrage original intitulé Paul Claudel et la mafia. Il affirme sur le plateau de la célèbre émission littéraire : « J’ai reconstitué l’emploi du temps de Paul Claudel de 1886 à sa mort…
J’ai lu toute sa correspondance en tentant d’établir des recoupements avec mes informations sur la mafia. Résultat : néant ! Pas le moindre lien entre Paul Claudel et la mafia ! Pas ça ! ».
Un sujet comme « les maçons et les westerns » allait-il connaître le même néant ?
Heureusement, l’internet permet d’avoir à des données qui, auparavant, nécessitaient de longues heures de recherche en bibliothèque ou en cinémathèque.
J’ai déjà pu apprécier la qualité des travaux de repérage de la « Grand Lodge [canadienne] of British Columbia and Yukon » et l’abondance des informations contenues dans l’Internet Movie Database-IMDb.
Quant au visionnage de films sur lecteurs électroniques, il permet, grâce aux arrêts sur images, de repérer tous les détails qui échappaient aux visions distraites ou en flux ininterrompus.
C’est comme ça qu’il est possible d’établir la liste des 6 westerns où la maçonnerie est présente explicitement, que ce soit à travers un personnage, une citation ou plusieurs objets.
Ces films, de 1956 à 2010, sont les suivants : La Prisonnière du désert (The Searchers) de John Ford (1956) ; La Kermesse de l’Ouest (Paint Your Wagon) de Joshua Logan (1969) ; Cent dollars pour un shérif (True Grit) de Henry Hathaway (1969) et son remake de Joël et Ethan Coen (2010) ; Tombstone de George Pan Cosmatos (1993) et Gettysburg de Ron Maxwell (1993).
Le premier point commun de tous ces westerns est d’inscrire la franc-maçonnerie dans le quotidien voire dans une certaine banalité de l’Ouest. En effet, les personnages n’hésitent pas à s’entourer d’objets maçonniques : le tablier de Turkey Creek Jack Johnson (Tombstone) ; la montre avec chaîne du marshall du comté (Tombstone) ; le badge à équerre et compas d’un caporal (Gettysburg) ; la bourse siglée de Frank Ross et le cendrier du colonel G. Stonehill (Cent dollars pour un shérif, 2010). Pas étonnant, dès lors, que la jeune orpheline Mattie Ross (Kim Barby et Hailee Steinfel) de Cent dollars pour un shérif, donne l’ordre le plus naturellement du monde d’enterrer son père « revêtu de son tablier de maçon ».
Dans tous ces westerns, les maçons ne se cachent pas. Mais le fait d’afficher aussi visiblement leur appartenance ne signifie pas pour autant qu’ils n’ont pas d’ennemis.
DE FÉROCES ET VIOLENTS ENNEMIS
Il n’y a que dans La Kermesse de l’Ouest où l’on retrouve l’ennemi traditionnel et bien connu de ce côté-ci de l’Atlantique : l’homme d’Église.
Dans le film de Joshua Logan, il s’agit de Parson, le prédicateur (Alan Dexter). Il arrive dans la ville des chercheurs d’or – qu’il compare volontiers à Sodome et Gomorrhe – à cheval alors que sa femme marche devant lui en tenant la bride.
Rien d’étonnant à ce qu’il détonne avec son attitude machiste, par rapport à l’esprit de liberté qui anime le ménage à trois des héros.
Et cette arrivée en ville est ponctuée de ses commentaires accusateurs envers tous ceux qu’il estime en perdition.
C’est ainsi qu’il met en garde une prostituée : « Femme sans pudeur, tu crois peut-être que le Seigneur n’était qu’un pauvre type qui se baladait dans un drap déchiré il y a deux mille années de cela ? Et bien tu te trompes, femme, il est ici et il te voit ».
Et c’est également ainsi qu’il condamne un groupe de chercheurs d’or buvant bruyamment dans la rue : « Vous Jouisseurs sans foi ni loi ! Qui êtes-vous ? Franc-maçons ? Rosicruciens ? Émissaires païens surgis des antres de Babylone. Soûlards. Bâfreurs. Joueurs. Prostituées. Fornicateurs ! ». L’insulte « franc-maçons » est assez peu efficace dans la bouche d’un personnage qui reste ridicule et finalement inoffensif.
En revanche les autres ennemis qu’ils soient indiens ou hors-la-loi, sont autrement plus redoutables et, à chaque fois, les maçons en deviennent les victimes jusqu’à en perdre la vie.
Dans La Prisonnière du désert, lorsqu’Ethan (John Wayne) et Martin (Jeffrey Hunter) qui recherchent la jeune fille enlevée par les Indiens, explorent un camp de Comanches Nawyecky qui vient d’être dévasté par la cavalerie, l’un des indiens morts, un sabre planté dans le torse, porte un tablier maçon.
Le tablier est la preuve que cet Indien a bien participé aux raids meurtriers contre les fermes des blancs.
Dans les deux versions de Cent dollars pour un shérif, Tom Chaney (Jeff Corey et Josh Brolin) est le hors-la-loi qui assassine le maçon Frank Ross (John Pickard et Philip Knobloch).
À la différence de Frank, Tom a beaucoup de défauts : il joue, il boit, il vole… et il tue, il a d’ailleurs précédemment tué un sénateur au Texas.
Dans Tombstone, le maçon Turkey Creek Jack Johnson (Buck Taylor) rejoint les frères Earp pour se battre contre une bande de hors-la-loi surnommée « les cowboys ».
Les pires ennemis des maçons sont donc bien les hors-la-loi, ce qui confirme que les maçons sont bien du côté de la justice, de la paix sociale, mais aussi de l’ordre.
LES MAÇONS, TOUJOURS MODESTES ET FRATERNELS ?
Si les maçons des westerns ne sont pas forcément tout en bas de l’échelle sociale, leur train de vie apparaît relativement modeste. L’homme qui porte un badge maçon dans Gettysburg, est un simple caporal. Les autres maçons sont fermiers (La prisonnière du désert, Cent dollars pour un shérif) ou vendeur de chevaux et loueur d’étables (Cent dollars pour un shérif, 2010).
Plus important que leur place dans l’échelle sociale est leur souci constant de leur prochain et la fraternité qu’ils mettent en pratique dans leur vie.
Dans La Kermesse de l’Ouest, l’amitié qui lie Ben Rumson (Lee Marvin) et Sylvester Newel (Clint Eastwood) ressemble à un lien maçon, le premier a recueilli le second grièvement blessé et l’appelle « Pardner », ce qui pourrait se traduire par « Part’naire », mais est traduit par « Compagnon » dans la version française.
Il lui explique qu’il n’a respecté aucun des Dix commandements, mais n’a jamais trahi son « compagnon de travail ».
Le marché passé entre les deux hommes est le suivant : Ben soigne, loge et nourrit son « Pardner » et, en échange, son « Pardner » doit régler ses dettes de jeu, le ramasser quand il traîne saoul dans la boue, lui tenir compagnie dans ses moments de désespoir et veiller sur sa femme, Elizabeth (Jean Seberg).
Ils finissent d’ailleurs par former un ménage à trois, car, selon Elizabeth, « C’est une solution humaine, pratique, pas immorale du tout ».
Dans Cent dollars pour un shérif, le maçon Frank Ross a également recueilli, donné un travail et un toit à Tom Chaney. Et Tom, ivre et perdant aux cartes, abat Frank alors que ce dernier, dans un ultime geste protecteur, voulait le calmer et l’empêcher d’aller se battre au saloon.
Dans Gettysburg, le caporal maçon se précipite au chevet de son commandant atteint par un tir. Il faut également noter au passage que ce maçon se trouve dans l’armée nordiste, c’est-à-dire anti-esclavagiste.
Enfin dans Tombstone, le maçon Turkey Creek Jack Johnson, querelleur et susceptible quant à son honneur (il a tiré sur « Un minable cul-terreux [qui] l’a traité de menteur »), n’hésite pas à rejoindre les frères Earp quand ils affrontent les hors-la-loi.
Il y a cependant une exception à apporter à ce constat. Il s’agit du personnage du marshal John Behan (Jon Tenney) dans Tombstone.
Behan incarne la version détestable du maçon, notable, « réseauteur » et opportuniste. C’est ainsi qu’il cumule les responsabilités et les honneurs le rendant incontournable (marshal du comté, collecteur d’impôt, capitaine des pompiers, président du mouvement des citoyens antichinois et président de la commission immobilière !)… mais il refuse d’intervenir quand un hors-la-loi tue le shérif au prétexte que l’affaire relève de la ville et non du comté.
Il se révèle même l’allié des hors-la-loi : se contentant de faire de grandes déclarations aux frères Earp : « Messieurs, je ne tolèrerai aucun désordre », essayant de les dissuader d’aller au combat et même tentant de les arrêter avant l’affrontement !
Comme quoi, les maçons ne sont jamais complètement autonomes par rapport à la société dans laquelle ils vivent.
Source : https://www.hiram.be/blog/2015/06/03/quelques-macons-dans-quelques-westerns/
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