NDLR : Makeda, une sœur d’une loge africaine, nous propose un « regard » africain sur la place de la femme dans la société ! Nous sommes très honorés par cette contribution !

Le statut de la femme dans la société est passé d’un extrême à l’autre au cours de l’histoire de l’humanité. Partie de rien, absolument dénuée de droits et essentiellement contrainte aux devoirs, la femme est finalement parvenue à faire reconnaître ses droits et le partage des devoirs entre les sexes. Cette conception de la femme comme un être inférieur, à l’exception notable de l’Egypte antique, est profondément ancrée dans l’histoire ancienne, notamment en Grèce antique où la pensée dominante considère que cette hiérarchie est fondée sur une nature différente entre l’homme et la femme.
La vie d’une femme est tracée dès sa naissance : la tâche qui lui est assignée est de procréer et d’entretenir le logis familial. Il est donc interdit à une maîtresse de maison de quitter son foyer pour flâner toute seule dehors, sans être accompagnée de son époux. A Athènes, les citoyennes participent très rarement aux fêtes religieuses de la ville. L’entrée du théâtre leur est interdite. Cette conception de la femme comme un être naturellement inférieur n’est-elle pas une erreur ? N’est-ce pas plutôt la société qui inflige au sexe féminin un tel statut subalterne ?
Nos réflexions sur la place de la femme dans la société s’articulent autour de deux axes principaux :
- la place de la femme dans la conception gréco-romaine (I) ;
- la place de la femme dans la tradition africaine (II).

I - LA PLACE DE LA FEMME DANS LA CONCEPTION GRECO-ROMAINE
La femme est souvent caractérisée par une image et cette ambivalence de l’image du «sexe faible», dans la société occidentale de tradition judéo-chrétienne, s’explique en grande partie par le fait que la femme est, simultanément, la cause du péché originel à cause de la faute commise par Eve et celle de la rédemption de l’humanité grâce à la maternité de la Vierge Marie.
Après avoir examiné la place de la femme dans la société sous l’antiquité, cette problématique sera envisagée tour à tour à l’époque médiévale et moderne, puis à l’époque contemporaine et actuelle.
I.1 - La perception de la femme dans l’antiquité
Dès la plus haute Antiquité, la femme est déclarée mineure vis-à-vis de la loi ; elle ne possède aucun droit civique. Pour le législateur grec ou romain, sa faiblesse d’esprit légitime ses incapacités juridiques : c’est l’homme qui possède la puissance paternelle (patria potestas). De même, elle ne peut participer à la vie de la cité: l’Athénienne n’est autorisée à sortir du foyer que si elle est accompagnée d’une esclave ; elle ne peut assister ni aux jeux, ni aux représentations théâtrales. Il est à signaler, cependant, la place de la femme dans l’Egypte antique constitue une exception notable ; la femme est, en effet, égale et complémentaire de l’homme.
La place faite à la femme dans l’Egypte antique (pré-hellénistique) paraît, à cet égard, surprenante de «modernité». La société égyptienne reconnaît à la femme, non seulement son égalité à l’homme, mais son indispensable complémentarité qui s’exprime notamment dans l’acte créateur. La situation est totalement différente de celle qui prévaut dans la société de la Grèce antique, voire de Rome où la femme était considérée comme fondamentalement inférieure, voire une «une éternelle mineure».

A l’inverse des femmes gréco-romaines, la femme égyptienne est l’égale de l’homme au regard de la loi. C’est ainsi qu’elle peut gérer son propre patrimoine ou même se trouver à la tête d’une «entreprise» (comme, par exemple, la dame Nénofèr au Nouvel Empire) ; elle peut aussi être médecin comme la dame Pésèshèt à la IVème dynastie. Elle peut divorcer, intenter un procès pour récupérer les biens du ménage et gagner ce procès, ce qui ne l’empêche pas de se remarier, ainsi que le montrent les papyri araméens d’Éléphantine.
Rares sont les civilisations antiques où la femme pouvait exercer des fonctions sociales éminentes. Dans l’Égypte antique, non seulement les exemples de femmes promues haut fonctionnaires sont assez fréquents, mais encore on retrouve des femmes à la fonction suprême, celle de pharaon.
La différence de compétence ou de salaire entre les hommes et les femmes n’existant pas, de nombreuses femmes furent des expertes en physique, en mathématique, en architecture et en médecine. La société égyptienne apparaît singulière, de ce point de vue, d’autant qu’aucune autre femme n’a pu bénéficier de ce type de statut en Mésopotamie, par exemple, ou en Grèce où serait née la démocratie.
I.2 - La place de la femme dans la société à l’époque médiévale et moderne
Les principaux éléments énumérés, ci-dessous, déterminent la conception de la femme à l’époque médiévale et moderne.
I.2.1 - L’image d’EVE
A l’époque médiévale et moderne, l’image d’Eve s’impose dans les mentalités. Ainsi, au début du 3ème siècle, l’écrivain Tertullien, dans un traité intitulé la Toilette des femmes, rappelle à celles-ci la Genèse : «Tu enfantes dans les douleurs et les angoisses, femme ; tu subis l’attirance de ton mari et il est ton maître». Dans un tel système de pensée, seules les vierges, les veuves et les saintes sont véritablement valorisées et cette triade de modèles féminins est largement diffusée par la pastorale des frères dominicains et franciscains.
I.2.2 - L’observance du silence dans les assemblées : la femme n’a pas droit à la parole
La femme chrétienne demeure exclue du champ du politique et tous les auteurs médiévaux et modernes défendent cette pensée de saint Paul : «Que les femmes se taisent dans les assemblées». La loi salique, excluant les femmes de la succession au trône, est l’expression la plus remarquable de son rejet et son application dans le royaume de France, la preuve du refus de son immixtion dans les affaires politiques. En 1586 encore, le juriste Jean Bodin s’exprime sur le statut de la femme dans ses Six Livres de la République : «Quant à l’ordre et à la condition des femmes, je ne veux pas m’en mêler. Je pense simplement qu’elles doivent être tenues à l’écart de toute magistrature, poste de commandement, tribunal, assemblées publiques et conseils, de sorte qu’elles puissent accorder toute leur attention à leurs tâches féminines et domestiques».
I.2.3 - Le statut d’épouse et de mère
Privée de droits, la femme doit donc rester dans la maison et se préparer dès l’enfance à assurer ses fonctions domestiques. C’est au sein du foyer qu’elle a un rôle à tenir, en premier lieu, celui de servir son mari, d’être une épouse modèle. La majorité des conseils adressés par les pédagogues médiévaux aux jeunes filles ou aux femmes a pour objectif de leur apprendre à se bien se comporter dans leur ménage et à rester soumises à leur mari. Ainsi, l’Église propose à la femme mariée le modèle scripturaire de Sara (Livre de Tobie, 10), bonne épouse, qui aime son mari et honore ses beaux-parents ; discours idéologique qui vise à préserver l’ordre social cimenté par les liens sacramentels et vassaliques.
I.2.4 - L’incarnation de l’humilité et de la pudeur
A partir de la fin du Moyen âge, outre les principes que la pudeur commence à imposer, les moralistes condamnent les excès somptuaires et vestimentaires, dénonçant, en particulier, les cornes ou autres hautes coiffures. Alors que le fard est interdit durant la période médiévale, au motif que l’on ne doit pas chercher à modifier le visage (miroir de l’âme) donné par Dieu, il est plutôt conseillé à l’époque moderne et apparaît comme un signe de distinction sociale. La femme doit également, en particulier au Moyen âge, savoir dompter son corps: ne jamais regarder un homme dans les yeux, baisser la tête, ne pas la remuer, avoir un usage modéré de la parole et rester humble dans tous ses gestes.
I.3 - La place de la femme dans la société contemporaine et actuelle
I.3.1 - L’époque contemporaine
Le Code civil de 1804 place les femmes en France sous l’autorité de leur père, puis de leur mari. Considérées par la loi comme mineures, elles ne disposent pas des mêmes droits que les hommes, malgré l’égalité proclamée dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1789.
La fin de l’époque moderne a entraîné des évolutions peu ou prou importantes tendant à modifier la vie quotidienne de la femme, en raison notamment de la déchristianisation de la société. Ces modifications se traduisent, d’une part, par la promotion de la femme par le travail et l’instruction et, d’autre part, par le développement du féminisme qui a pour corollaire la réduction des inégalités entre hommes et femmes.
❖ La promotion de la femme par le travail et l’instruction
Durant la Première Guerre mondiale, les femmes remplacent dans les usines les hommes partis au front. Elles participent à l’effort de guerre en fabriquant des obus. A ce titre, la Grande Guerre a joué un rôle non négligeable dans la promotion de la femme.
❖ Le développement du féminisme et la réduction des inégalités entre hommes et femmes
De rares et timides discours se faisaient entendre sur l’égalité entre hommes et femmes : en 1622, par exemple, Mme de Gournay écrit l’Egalité des hommes et des femmes. La diffusion de ces idées ne se fait pourtant guère avant les temps révolutionnaires. Ainsi, la Révolution française permet une première remise en cause de l’inégalité séculaire entre les sexes : en 1791, Olympe de Gouges revendique l’extension aux femmes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, alors que Condorcet vient de s’écrier qu’«il n’y a entre les deux sexes aucune différence qui ne soit l’ouvrage de l’éducation » (1787). Et, d’une manière plus générale, les femmes participent largement aux mouvements révolutionnaires et sociaux : des sans-culottes féminines de 1789 aux deux figures symbolisant à la fois la libération de la femme et de l’homme, Louise Michel et Rosa Luxemburg.
I.3.2 L’époque actuelle

II – la place de la femme dans la société africaine
La question de savoir quelle place occupe la femme dans la société africaine alimente de grandes polémiques en Afrique et, notamment au Sénégal. Ce vaste débat a permis des prises de positions assez tranchées, au sein même de cette société, mais aussi et surtout en dehors de celle-ci. L’ouvrage de Mariama BA, «une si longue lettre», fait, à cet égard, autorité ; il donne un éclairage intéressant sur la conception de la femme, selon la tradition africaine et la religion musulmane.
II.1 - La conception de la femme dans la société traditionnelle

Selon Yacine KATEB, la société africaine, en général, et sénégalaise, en particulier, est une société ” masculin pluriel ”. L’homme y fait la loi. Il se sert de parapluie de coutume et de religion pour gérer la société à ses fins. Ainsi, la femme, marginalisée, devient un instrument, un objet selon les lois des institutions aménagées par l’homme au gré de ses goûts. Du toit paternel au toit conjugal, la femme est à la merci de la sacrée coutume auxquelles d’autres femmes participent en faveur de l’homme et de ses institutions. Considérée comme inférieure à l’homme et devant, de ce fait, se soumettre à lui, ou du moins comme une personne devant seulement s’occuper de son foyer, la femme africaine a fini par se mettre à l’écart de toutes les sphères de décisions même dans la société moderne.

Dans «Une si longue lettre», Mariama BA expose la considération générale accordée à la femme dans tous les domaines de la vie au Sénégal, à travers Ramatoulaye, son personnage principal et la technique épistolaire choisis sciemment pour plaider la cause de la femme. En tout et pour tout, la femme – jeune ou mature soit-elle, est vouée au silence en dépit de la gravité de ses peines. Ses droits sont taillés à la hauteur de la volonté de l’homme. Il en est même en amour. On le verra avec le cas des foyers de Ramatoulaye et de celui de Aïssatou, deux amies de très longue date dont les maris s’étaient engagés en de nouvelles aventures amoureuses contre toute attente de leurs épouses respectives. Ni la coutume ni la religion musulmane n’ont, ici, réservé aucun droit à ces deux femmes même au sujet de ce qui les concerne très intimement chacune. Binetou et la petite Nabou, les co-épouses qui leur avaient été adjointes au nom de ces sacrées institutions ne purent elles aussi que fléchir contre leur propre liberté devant lesdites institutions.
Ainsi, en l’univers romanesque de l’ouvrage précité, la parole ou l’action de la femme opposée à la sacro-sainte volonté de l’homme, de la coutume et de la religion est une atteinte à l’honneur ; un tel acte serait donc une transgression de la loi. Ici, l’homme s’érigeant en norme, la femme devient le faux. La femme, c’est l’autre, enveloppée en une altérité aux stéréotypes limitatifs et dépréciatifs comme nous le démontre Mariama BA dans son ouvrage. La femme y est présentée comme un objet. D’un côté, objet de sa propre famille et, de l’autre côté, objet de sa belle-famille.

Dans l’ensemble, Mariama BA dépeint une image sombre de la femme africaine. Son ouvrage démontre comment et combien la liberté de la femme est confisquée par l’homme au nom de la sacrée coutume et aussi de la sacrée religion islamique. La femme est donc à la croisée de deux feux. C’est pour cette raison qu’à travers ce livre, l’auteur dénonce les tares congénitales de l’homme dans sa gestion masculine dictatoriale et égoïste de la société sénégalaise en particulier, et africaine en général. L’ouvrage apparaît comme une lutte pour la libération et la liberté de la femme de la tutelle masculine et de son oppression sous toutes les formes. Il en appelle, cependant, au respect du foyer par le biais de la femme.
II.2 - La conception de la femme dans la société moderne africaine :
A l’instar de nombreuses femmes à travers le monde, les femmes sénégalaises se battent pour l’égalité et revendiquent leurs droits. Grâce à certains acquis de leur lutte, notamment l’adoption de la loi sur la parité, elles se sont mises, au fil des années, au premier plan dans la vie sociale, politique et économique.
● le taux élevé de l’analphabétisme,
● la faible participation ou intégration dans les activités socio-économiques
● le poids des coutumes ou traditions.
II.3 - La place de la femme dans la franc-maçonnerie
Dans une toute autre perspective, la position de la Franc-maçonnerie par rapport à cette problématique globale nous interroge. Cette position semble tributaire de la conception de la place de femme dans la tradition judéo-chrétienne rappelée supra.
Jusqu’à une période récente, les principales obédiences maçonniques s’opposaient à l’initiation des femmes, probablement parce qu’elles étaient considérées comme dépourvues de droits civils. Cette attitude de rejet a sans doute poussé les femmes à s’organiser pour créer des obédiences féminines.
L’émancipation des femmes au Sénégal et en Afrique, voire dans le monde, reste aujourd’hui avant tout juridique, c’est-à-dire une question de droits et de libertés.
Dans les faits, les femmes sont toujours victimes de multiples discriminations et inégalités sociales et économiques.
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