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Rire et initiation… le rire rituel 24 décembre, 2023

Posté par hiram3330 dans : Humour , trackback

Rire et initiation… le rire rituel

Hilarion

Créateur du Festival d’Humour maçonnique d’Aix en Provence

 

C’est d’un souffle, d’un rire, que sur les rives du Nil le dieu Bès, gnome hideux, créa le monde. Ce souffle, ce rire, en l’assimilant au pet et au rot, le Gardien des Livres du Nom de la Rose redoutait qu’il ne s’arrogeât le droit, réservé à l’esprit, de souffler là où il veut…
Le rire des Dieux pas plus que leur plaisir, ne semblent donc être du goût de leurs prêtres !

Le plaisir des Dieux… Dans un chœur paillard, lorsque la grivoiserie et l’indécence sont sublimées par la voix humaine, qui n’a jamais ressenti cet élan émancipateur que provoque alors le chant sacrilège ?

Sacrilège… c’est par le rire que nous entrons dans le domaine du sacré, ou du moins à la marge du sacré, là où l’Homme trouble l’ordre divin.

A la marge du sacré, Momus, fils de la nuit, dieu de la raillerie et des bons mots, que ses collègues précipitèrent sur la terre parce que sa sagesse importune, sa manière de tourner en ridicule les hommes et les dieux, troublait l’ordre divin. Depuis, dit-on, les dieux rient beaucoup plus librement grâce aux bouffonneries du fameux Priape, ce dieu en bois de figuier dont je vous laisse imaginer les gauloiseries… mais grâce aussi à Tubalcaïn, le maître du feu et des forges, (Héphaïstos / mythologie grecque) celui-là même qui nous laisse passer ici, nous, les fils de la Lumière, mais dont vous ignoriez sans doute qu’il était aussi le bouffon attitré des festins divins. Sa boiterie, ses plaisanteries, ses bêtises (c’est Homère qui le dit) faisaient pouffer sous la table… c’est lui, Tubalcaïn, qui, surprenant son épouse Aphrodite au lit avec son amant Arès, entoura le lit de fils invisibles qui retinrent prisonniers les amants jusqu’à ce que les dieux de l’Olympe, conviés au spectacle, éclatent d’un rire « inextinguible »…

Les dieux rient tandis qu’en bas, Momus, l’exilé, pauvre bouffon, son masque d’une main et sa marotte de l’autre, quête l’hospitalité des mortels.

(Momus apparaît en Provence vers le XVème siècle dans les jeux de la Fête-Dieu, où il avait le droit, avant que la noblesse et le clergé s’en plaignent et le rejettent du cortège officiel au XIXème siècle, de dire aux uns et aux autres, en couplets rimés, leurs quatre vérités. C’est lui qui précédait également la procession qui conduisait le condamné à l’échafaud.)

Momus, c’est le fou qui se substitue au roi chaque fois que celui-ci se ressource par une mort rituelle dont il renaît en chassant le fou. De retrouver son trône et s’être joué de la mort, le roi, de joie, rit alors aux éclats. Symboliquement, le rire royal marque l’accession du Roi à l’éternité qu’il a obtenue par le jeu de la mort initiatique.

En quoi consiste d’ailleurs notre Art « Royal » sinon à nous initier à ce jeu royal, à nous faire pratiquer le jeu, à nous mettre en jeu… Dans le langage des oiseaux : nous faire pratiquer le JE, nous mettre en JE…

Pour qui comprend l’Art Royal, nos jeux ésotériques, les jeux du JE n’ont donc rien d’anodin. JE suis roi pour rire, JE suis gendarme ou voleur pour rire, JE suis Grand Élu Kadosh de la voûte sublime pour rire, JE meurs pour « de rire »… Ainsi la mort initiatique, mort illusoire « pour de rire », est le jeu par lequel l’initié se joue du temps et des contingences matérielles pour accéder à une expérience supérieure de la vie, celle de l’esprit, celle qui prévaut en loge, la seule qui devrait y prévaloir si les maçons sérieux que nous sommes n’y introduisaient parfois de pesantes raisons de paraître sérieux.

Le rire nous met à distance des choses, comme nous y mettent les rituels maçonniques. Un homme heureux rit ; un maçon heureux ne rirait-il pas ? Et quand bien même mourrait-il de rire ?… même pas mal !

Dans le jeu de la vie, le rire n’est-il pas notre meilleur atout ? Il est l’As ! Et quand on connait l’argot américain (ass), on comprend pourquoi il se la pète !

Pardonnez-moi ce calembour qui m’amène, par les voies naturelles, au capot – qui signifie « faire baiser le cul »- et au rituel de la Fanny par lequel le joueur qui n’a marqué aucun point est engagé à retrouver la force de vaincre en se ressourçant symboliquement dans la matrice, la mère divine… la lune.

Comme l’As, le Fou, le Joker (de Joke, blague en Anglais), est au-dessus de toutes les cartes du jeu. La blague au-dessus de tout ! Et dans la blague, qu’est-ce qui provoque le rire ?… La chute ! Or la chute, dans les traditions théologiques, est directement liée à la Révélation, à la Connaissance, à la prise de conscience. On sait comment l’Homme a déchu.  Et le rire jailli de sa chair qui a failli représente sa part du diable. Précipité du Paradis vers la terre l’Homme s’est retrouvé enfermé dans un corps physique et mortel… et quand on sait que les dieux nous ont fait à leur image, n’y a-t-il pas, à nous bien regarder, de quoi rire des Dieux ?

À nous bien regarder, quelle image découvrons-nous de nous lors de l’épreuve du miroir ? Nous découvrons l’envers de celui que nous imaginions être… Comme le Roi Dagobert, nous nous découvrons la culotte à l’envers. A faire pleurer de rire, non ? Selon des rites millénaires, la culotte à l’envers du roi serait le signe de sa qualité initiatique. L’envers énigmatique des choses n’est en effet accessible qu’à l’initié. Or l’envers prête à rire ! C’est pourquoi je profite de cette planche pour proposer qu’à l’instant précis où le nouvel initié maçon se découvre dans le miroir, on le frappe d’un immense éclat de rire inextinguible !

Quoi ? L’initiation, une farce ? D’une certaine manière, oui ! Car j’y vois, comme dans toute farce théâtrale -et je prétends que nos rites participent de l’art théâtral- j’y vois la manifestation de la part diabolique de l’Homme en réplique aux mystères divins avec lesquels on serait tenté de confondre nos rites laïques.

Prendre les choses à l’envers, prendre le contre-pied du bras séculier des dieux, le contre-pied des hiérarchies, des discours convenus, des préjugés, des dogmes et des superstitions, permet de s’élever au-dessus du commun des profanes. Tel est d’ailleurs le rôle emblématique du Carnaval qui abolit un moment l’ordre du monde. Carnaval, de carne levare « enlever la viande », ou selon une autre étymologie : « caro levare »: adieu la chair !… Ça parle, non ? Ainsi, en nous faisant passer du profane à un monde supra-humain sans espace ni temps, la transgression carnavalesque et nos rites maçonniques ont quelque chose de similaire. Certes on ne pratique pas sur nos colonnes le baise-cul consacré à Fanny, mais pourtant la lune est bien là tout près du Vénérable, la mère lune, la mère divine, la vieille qui rit cachée sous le voile pudique de nos mystères.

Je pourrais vous parler encore longtemps de tous les rires qui ont éclaté au cours des temps mythiques, rires qui traduisent chaque fois un basculement, un écart, une gradation, une métamorphose, un passage, autant de transformations brutales qui caractérisent une initiation : le rire de Zeus se réjouissant du malheur qu’apporte Prométhée aux hommes en leur donnant le feu ; le rire homérique du cyclope ivre découvrant sa vérité par l’aveuglement ; le rire moqueur de Cham surprenant la nudité de son père Noé en état d’ivresse ; le rire de Sarah apprenant de Dieu qu’elle sera mère malgré son grand âge ; le rire de son fils Issac -celui qui rit- que Dieu demande à Abraham en sacrifice pour preuve de sa loyauté, et qui finalement  lui annonce : « c’était une blague ! » ; le rire de Satan face aux efforts de l’Église pour l’éradiquer ; le rire de Dionysos et des bacchanales ; le rire de Zoroastre au moment où il découvre la Lumière en sortant du ventre de sa mère ; le rire de Bouddha qui a compris la dérision du monde ; le rire des fous… et tous les fous-rires de nos luttes épiques, les frères heurtant les frères, tous les mots épelés, les folles fariboles, les maillets, les ciseaux, les  boules et les symboles, et ton rire, Ô Kléber !

Je m’égare… quoi que le rire soit le socle sur lequel l’auteur des Châtiments aurait édifié le triptyque qui constitue la poésie romantique : le drame, le vers et le grotesque. Et comme l’a vécu Rabelais à ses dépends, il n’y a pas de paix possible entre le romancier et les agélastes, ceux qui ne rient pas, qui n’ont jamais entendu le rire des dieux, qui ne se reconnaissent jamais dans le miroir.

Pour terminer, il me faut symboliquement évoquer le principe de rythmique ternaire des mécanismes du rire… Je donne un exemple : Un dignitaire monte à l’orient, il tient son attaché-case d’une main et simule la mise à l’ordre de l’autre main : ça surprend ; un second le suit qui tient son attaché-case d’une main et simule la mise à l’ordre de l’autre main : ça surprend un peu plus ; mais lorsqu’apparaît un troisième dignitaire qui tient son attaché-case d’une main et simule la mise à l’ordre de l’autre main, alors l’initié éclate de rire !

            Un dernier exemple de ce mécanisme ternaire ? Comment faire pour trouver une loge orthodoxe, pleine d’esprit, ouverte aux sœurs ?… Il faut être affilié dans 3 loges.

J’ai ri… J’ai dit.

Auteur: Julio

hilarion

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