Bouddhisme et franc-maçonnerie 9 mai, 2008
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Bouddhisme et franc-maçonnerie
Présentation et historique de deux traditions et de leur mode de transmission
Par Lama Denys
Lama Denys
Le terme bouddhisme est apparu vers 1825. C’est ce que nous apprend Roger-Paul Doit dans un de ses derniers livres. Bouddhisme est un néologisme qui n’est pas très heureux pour rendre justice à la tradition du Bouddha.
Donc, nous parlerons plutôt de Dharma ou de tradition du Bouddha, entendu qu’il n’est pas plus juste, de notre point de vue, de parler de bouddhisme qu’il ne le serait de parler de franc-maçonnisme avec tout ce que « bouddhisme » implique de théories, de doctrines.
La voie du Bouddha
Il faut s’imaginer, à son origine, le Bouddha, vingt-cinq siècles auparavant, au centre de l’Inde à Bodhgaya, sous l’arbre de la Bodhi. Il enseigna à partir d’une expérience -l’éveil-, un important canon qui se diffusa vers le Sud, jusqu’à l’océan, Ceylan, Sumatra, Bornéo, et vers le Nord, au Tibet, puis par la route de la soie en Chine, au Japon, en Corée et vers l’Ouest jusqu’aux confins du monde grec.
L’enseignement du Bouddha, le Dharma, est, d’une certaine façon, le fond commun de la vision traditionnelle de l’Orient. En tout cas il est largement son dénominateur commun.
Le thème de notre rencontre est tradition/transmission.
Depuis le Bouddha, depuis vingt-cinq siècles, une filiation s’est perpétuée. Elle nous a transmis… Que nous a -t-elle transmis ? Tout d’abord, au centre du Dharma, il y a une expérience : l’expérience de l’éveil. En termes de transmission, l’accent est mis sur l’expérience. C’est le vécu qui est ici très important.
Il ne s’agit pas d’une philosophie, ni d’une métaphysique, encore moins d’une théologie, ni d’une vérité écrite, inscrite de façon définitive, même s’il y a un corpus énorme de textes d’enseignements.
Le coeur de la transmission du Bouddha est une expérience : l’expérience de l’éveil, l’expérience du Bouddha, l’expérience de la nature de Bouddha. Elle peut se nommer aussi expérience de l’intelligence en soi, expérience de la claire lumlière, expérience immédiate, directe, de l’état de présence.
C’est cet état de présence direct, immédiat, non dualiste, qui a inspiré l’enseignement du Bouddha, le Dharma comme moyen offert – pour ceux qui le souhaitent – de découvrir cet état, cette expérience fondamentale et la réintégrer. Car elle est notre nature la plus profonde, la plus intime.
Cette expérience se nomme en sanscrit. « bouddhayana », l’intelligence immédiate d’un Bouddha.
Il y a donc dans la transmission un aspect central, fondamental, qui est de l’ordre du vécu, puis un enseignement qui rend compte de ce vécu et sert de tremplin, d’accès, à la réalisation de celui-ci.
On présente traditionnellement le Dharma en trois points : sa vision, son ou ses points de vue, ensuite la méditation ou la qualité d’expérience dans la vie, puis, la discipline.
La vision du Bouddha est d’abord celle du non-soi. La découverte que ce que nous sommes et que ce que nous vivons n’est pas une expérience solide, monolithique, statique, ou une réalité en soi, inhérente, comme nous avons tendance à le percevoir.
Cette vision du non-soi se traduit aussi comme la vision de l’interdépendance, dans la mesure où il n’est rien qui n’existe en soi et par soi. Toute chose, tout ce que nous vivons, tout ce que nous sommes, tout ce que nous expérimentons, existe et n’existe qu’en tant qu’événements interdépendants.
Tout ce qui est inter-est n’est (naît) que dans l’inter-être, dans l’inter-relation, dans l’interdépendance. C’est cette vision qui est connue comme celle de la vacuité. Vacuité et interdépendance sont à entendre comme synonymes. Cette vision débouche aussi sur cette expérience que nous avons appelée « état de présence ».
Lorsque la conscience habituelle se dégage de ses illusions, de ses fixations, elle s’ouvre à une expérience de clarté, de lucidité qui se comprend, s’expérimente en elle-même et c’est cette lucidité autoconnaissante en soi, cette intelligence en soi qui est nommée expérience d’éveil, nature de Bouddha, ou plénitude de l’expérience de vacuité. Voici, très schématiquement, quelques aspects de la vision du Dharma.
Sa pratique est, extérieurement, une discipline d’action fondée sur la compassion et, intérieurement, une qualité d’expérience que l’on nomme habituellement méditation.
Le terme de méditation est assez impropre au sens où ce dont il s’agit est une expérience d’ouverture, de lucidité, une expérience de présence, de vigilance, d’attention : une présence attentive, vigile dans une qualité d’expérience ouverte, dégagée, claire.
Il est différentes façons de découvrir et de cultiver cette expérience. La méditation assise le permet dans les maintes formes des différentes traditions selon leurs aspects, leurs lignées. Puis, il s’agit surtout d’intégrer cette qualité de présence, d’ouverture vigile et lucide, dans les faits et gestes de la vie quotidienne.
Il est ensuite une relation entre cette qualité d’expérience et l’action : c’est ce que l’on entend par discipline.
Extérieurement, l’éthique du Dharma, ou discipline, est fondée sur la compassion entendue comme un état de non-agression, de non-violence.
Nous entendons par compassion cette attitude ouverte, cette intelligence du coeur qui est à la fois réceptivité, disponibilité au-delà des blocages. C’est cette qualité de compassion, de non-violence, qui est le fondement, le coeur de l’éthique du Dharma.
Cette éthique peut être dite universelle. Elle recoupe très largement une éthique que l’on pourrait dire monothéiste, chrétienne, à cette différence près qu’il y a dans la perspective bouddhiste une vision beaucoup plus médicale, fondée sur l’harmonie et sur la compassion plutôt qu’une perspective plus juridique fondée sur les commandements et des arguments d’autorité.
Présentation de la franc-maçonnerie
Alain Lorand
A la différence de Lama Denys, qui est un maître dans le bouddhisme, je n’ai de leçon de franc-maçonnerie à donner à personne. Ma présentation de la franc-maçonnerie sera la plus large, la plus exhaustive possible, et, bien sûr, reflétera la façon, qu’à titre personnel, je vois la franc-maçonnerie. Cette présentation est à l’attention des non-maçons. Les maçons n’apprendront certainement rien de nouveau.
Comme nous sommes dans le thème tradition et transmission, je tiens à vous faire part de ma petite transmission à moi. Je voudrais rappeler trois frères qui sont passés à l’Orient éternel et qui ont été mes maîtres, en quelque sorte : les frères Gaston Chazette, Francis Viaud et N’Guyen Tanh Khiet. C’est ma petite lignée personnelle, à laquelle je tenais à rendre hommage parce que, si ces frères n’avaient pas été là, je ne serais pas là non plus en train de vous parler de la franc-maçonnerie ! Il y a un rattachement qui ne remonte pas à vingt-cinq siècles mais qui est néanmoins existant car eux-mêmes se rattachaient à …, qui se rattachaient à…, etc.
Donc, très respectable Lama Denys, frères et soeurs de la congrégation, frères et soeurs en vos grades et qualités, chers amis, pour cette présentation de la franc-maçonnerie, je ne vais pas reprendre le travail fourni par le frère Jean-Pierre Schnetzler lors du premier colloque et qui figure in extenso dans le livre que l’on vous a présenté. Je vais décrire l’historique, la genèse, de la franc-maçonnerie moderne. J’insisterai sur ce qui l’anime, sur l’esprit maçonnique et ce qui fait son originalité.
Pour définir la franc-maçonnerie, je vais reprendre les termes du programme du colloque. La franc-maçonnerie est un ordre initiatique, traditionnel, d’origine artisanale, fondée sur le symbolisme de la construction et ayant son origine dans les initiations antiques des constructeurs développées en milieu judéo-chrétien. Sa vocation est universelle. La franc-maçonnerie a pour objet de construire le temple intérieur afm de réaliser le temple extérieur, c’est-à-dire une société fraternelle.
En 1723, en Angleterre, le pasteur Désaguliers dédicace au duc de Montaigu la Constitution comprenant l’histoire, lois, obligations, ordonnances, règlements et usages de la respectable confrérie des francs-maçons. C’est de ce document fondamental que naît la franc-maçonnerie d’origine anglaise, chrétienne et protestante.
Tout phénomène ayant une cause, que se passait-il donc, à cette époque et en ce lieu ?
En 1710, Georges 1er de Hanovre, donc allemand, monte sur le trône d’Angleterre et s’adresse à ses sujets lors de son discours inaugural, en latin et en français, car il ne connaissait pas l’Anglais. Traumatisés par les luttes entre les stuartistes, les papistes, les Hanovriens, et j’en passe, une élite à dominante protestante cherche à se rassembler, à réunir ce qui est épars, en trouvant un dénominateur commun, un élément de croyances minimales sur lequel s’entendraient les hommes d’honneur.
En 1723, en Angleterre, l’individu qui se proclamait athée ne pouvait être qu’un stupide complet ou un libertin notoirement corrompu par oubli ou, plus, par mépris des lois de son Créateur.
Tout porte à croire que les fondateurs, en 1723, n’avaient aucunement l’intention de fonder une nouvelle religion ou une secte. Ils avaient le désir de rassembler le plus grand nombre possible de gentlemen en laissant les querelles religieuses au vestiaire et en déposant les métaux, comme l’on dit, à la porte du temple. Leur but était de se rassembler, autour d’un idéal spirituel, d’un besoin de solidarité et de fraternité, dans le secret et la liberté de la loge, hors des Eglises et des corps constitués. Cet idéal est resté le même aujourd’hui.
Mais d’où vient le terme franc-maçon ? Les francs-maçons sont des constructeurs, donc des maçons. Au moyen-âge, l’apprenti, le compagnon et le maître d’une corporation médiévale donnaient à leur labeur un caractère sacré. La cité humaine était une ébauche de la cité divine. Le travail fait avec amour devenait une prière. Il avait un caractère sacré s’il était exécuté avec un état d’esprit se référant à la tradition. Au moyen-âge, maçon signifiait tout à la fois ouvrier, conducteur de travaux et architecte. On distinguait les maçons ordinaires ou rough-masons et les maçons instruits ou free-masons. Ces free-masons étaient groupés en corporations puissantes dans toute la chrétienté. Nous leur devons les chefs-d’oeuvre du roman et de l’ogival. Ils circulaient librement d’un royaume à l’autre, au gré des chantiers. Ils jouissaient de privilèges matériels et d’une certaine liberté de pensée.
Fiers d’être une élite, ils se protégeaient par des barrières de secrets traditionnels et se recrutaient par cooptation. Ils se réunissaient dans un lieu clos, à l’écart des autres, dans un local nommé loge. Ils formaient des apprentis cooptés à une discipline sévère en veillant à leur instruction technique et sur leur valeur morale. En effet, une grande oeuvre n’est réalisée que si l’on garde le coeur pur.
Pour se distinguer des rough-masons et autres manoeuvres, les free-masons échangeaient entre eux des signes, mots et gestes qui leur servaient de passeport et de reconnaissance dans leurs déplacements. Eux seuls savaient manier certains outils, appliquaient des règles de mécanique, de projection, de trigonométrie leur permettant de tracer les plans et de dégrossir une pierre brute jusqu’à ce qu’elle devienne une clef de voûte. Il n’y avait pas de livre imprimés, donc beaucoup d’analphabètes dans leurs rangs. L’enseignement se transmettait oralement, dans le secret des loges, en utilisant largement les symboles.
Lorsque l’âge des cathédrales déclina, on cessa d’utiliser les maillets et les ciseaux pour construire. Vint alors, l’ère des outils symboliques pour tailler les esprits et bâtir les cathédrales spirituelles : les temples intérieurs. Telle fut la naissance de la franc-maçonnerie moderne dite spéculative (du latin speculare qui signifie qui observe) qui a pour objet l’étude des faits de conscience.
Il est remarquable de constater que les sociétés recrutant par cooptation et se protégeant par des secrets fonctionnent sur un modèle standard. Ce type de sociétés date de l’aube de la civilisation. Elles s’imposent pour mission essentielle d’être gardiennes d’une forme élaborée de la vérité qui serait inassimilable voire dangereuse pour le tout-venant et d’initier leurs membres par transmission directe, les chaînons se prolongeant d’un côté vers le lointain passé et l’autre vers l’avenir selon ce que les hermétistes appelaient la chaîne d’or d’Homère. A l’origine de chaque société, est une proclamation du ou des fondateurs qui, en quelque sorte, s’auto-initient. Le fait de résister à l’usure du temps et de perdurer sanctifie toute institution qui tend à faire reculer le plus loin possible son origine en perdant celle-ci dans le passé le plus lointain. Ce qui en augmente considérablement le mystère.
L’initiation en général et maçonnique en particulier se confère par des rituels obéissant à la thématique suivante, commune à toutes les sociétés qui fonctionnent par cooptation et initiation :
1. choix et consécration d’un lieu sacré, templum, temporaire ou définitif ;
2. éloignement des profanes, ou de ceux qui n’ont pas atteint le degré où s’ouvre la cérémonie ;
3. ouverture des travaux par un personnage qualifié qui consacre l’espace et le temps ;
4. introduction, mort et résurrection symbolique du candidat ;
5. épreuves sous formes de voyages et purification, le plus souvent, par les quatre éléments alchimiques, terre, feu, air et eau ;
6. psychodrame évoquant la vie d’un personnage archétypique, à l’origine de la société ;
7. prestation par le néophyte d’un serment solennel qui le lie ad vitam à l’association et à ses frères ;
8. marques d’une personnalité nouvelle, nom mystique, âge symbolique ; vêture particulière, tablier du franc-maçon, épée et éperon du chevalier, canne du compagnon ;
9. transmission des moyens de reconnaissance, signes, mots, gestes, attouchements, marches ;
l0. il lui est dévoilé, directement ou allusivement, les idéaux de la société ;
11. retour au monde devenu profane (du latin pro, en avant et fanum, temple), marqué par une libation, un repas cérémoniel, voire une orgie (Est-ce au programme ? Lama Denys confirme. Rires).
Ces rites de retour ne font pas perdre les qualités d’initié qui sont gardées pour l’éternité.
La rituélie met en oeuvre des symboles s’adressant aux cinq sens car seule la forme permet d’accéder à la non-forme, à l’informel. Tout ce squelette, cette carrosserie symbolique, fonctionne remarquablement. Mais tout va dépendre de ce qui l’anime et du pilote qui orientera vers le bien ou le mal, le noir ou le blanc, le bien des êtres ou leur asservissement. Les forces de la contre-initiation dont parle René Guénon sont aussi à l’oeuvre. Très proches de nous, les nazis ont largement utilisé ces procédés jusqu’à l’emploi de la croix gammée, notamment. Donc, il faut se méfier.
Qu’est-ce donc qui anime l’ordre maçonnique ? Quels sont les buts qu’il se propose d’atteindre ? Quels moyens met-i1 à disposition ? En entrant en franc-maçonnerie, il n’y a pas à adhérer à un programme prédéfini, à croire les enseignements d’un fondateur éclairé. On devient franc-maçon petit à petit, au fil du temps, par imprégnation, par osmose. Par le travail en loge. C’est en maçonnant que l’on devient franc-maçon. Pour gravir les échelons, il est une sorte une vérification
des connaissances.
Ce qui sous-tend le tout, c’est une foi, une foi dans le sens de confiance, une foi inaltérable dans l’individu et sa perfectibilité incessante. Le franc-maçon, femme ou homme, se veut libre autant que faire ce peut et désir améliorer, élever les hommes, ses frères, et améliorer la société humaine en la rendant fraternelle.
La micro-société de la loge doit servir de modèle, de maquette à la société en générale. Ce qui se traduit « par répandre en dehors du temple les vérités qu’il y aura acquises ». C’est par le dialogue, la non-violence, en ayant laissé les certitudes politiques religieuses ou autres, dans un esprit d’ouverture et de tolérance, que le franc-maçon souhaite contribuer à l’apaisement des conflits jusqu’à ce qu’enfin la lumière chasse les ténèbres et que l’ordre se substitue au chaos.
Comment procéder pour que des hommes et des femmes venant d’horizons très différents finissent par se reconnaître comme frères et soeurs, par développer une réelle fraternité où le sens de l’entraide naîtra spontanément ?
C’est toujours et uniquement par la pratique, la pratique du travail en loge, dans un cadre rituel, avec l’aide de symboles, que l’on finit par se sentir franc-maçon et que l’on est reconnu comme tel par la communauté fraternelle.
Juste avant de procéder à l’initiation du profane, celui-ci descend dans une cave éclairée d’une bougie, rappel de la graine que l’on enfouit en terre et qui doit mourir pour devenir épi. Au mur, une inscription reprenant les premières lettres d’une formule alchimique V.I.T.R.I.O.L., signifiant : « visite l’intérieur de la terre et tu y trouveras la pierre cachée ».
C’est donc, avant même le départ, une invitation pressante à cultiver le regard intérieur, à se connaître soi-même. C’est une invitation au « connais-toi toi-même », au « gnôthi seauton » maxime écrite au fronton du temple de Delphes et adoptée par Socrate. N’est-ce pas là une injonction à la méditation, à calmer et à voir le fond de l’esprit ? Cette recommandation n’est, hélas, complétée par aucune instruction technique sur le comment faire, ni par aucune disposition pour en réaliser le suivi.
C’est là le point fondamental qui, à mon sens manque, et où l’enseignement du Bouddha peut apporte une aide inestimable.
Néanmoins au fil des ans, en loge, par la pratique de l’écoute fraternelle et compatissante, le franc-maçon viendra à penser par lui-même, à construire ses propres vérités, à être son propre flambeau.
Cette qualité de pensée libre lui attirera les foudres de tous les totalitarismes, politiques et autres, de tout dogmatisme sans exception. S’il est difficile de cerner avec précision les contenus de l’esprit maçonnique, il est en revanche facile d’en définir les adversaires. Ce sont les mêmes qui ont détruit les universités bouddhistes en Inde, qui ont incendié la bibliothèque d’Alexandrie, les synagogues, allumé les bûchers de l’Inquisition, exterminé les cathares et, en islam, exterminés les babis, édifié les camps de la mort etc., le catalogue serait sans fin.
Les trois mauvais compagnons : l’ignorance, le fanatisme et le mensonge, rôdent toujours. Ils sont actifs et réveillent sans cesse les forces obscures tapies au fond de nos esprits.
A la veille du XXIe siècle, dans deux ans, les forces de lumière et de tolérance doivent contribuer à prendre conscience, à faire prendre conscience à l’humanité, que seule la paix intérieure permettra de réaliser la paix extérieure.
J’ai un peu étudié l’enseignement du Bouddha. Deux points, en tant que franc-maçon, m’ont interpellé. Le premier est : « Ne croyez pas ce que je dis, mais en pratiquant mon enseignement, voyez et observez les résultats. Le second est : « Ne jetez pas le trouble dans les croyances d’autrui, toutes les spiritualités sont respectables. »
En conclusion, qui mieux que la poésie pourrait tenter de cerner la subtilité, le parfum, l’essence de l’esprit maçonnique. Voici quelques extraits d’un poème écrit en 1896 par le frère Rudyard Kipling de retour en Angleterre après un séjour en Inde.
Il s’intitule La Loge mère.
« II y avait Rundle, le chef de station,
Beazeley, des voies et travaux,
Ackmam, de l’intendance,
Dankin, de la prison,
Et Blacke, le sergent instructeur,
Qui fut deux fois notre Vénérable,
Et aussi le vieux Franjee Eduljee
Qui tenait le magasin « Aux denrées européennes ».
Dehors, on se disait : « Sergent, monsieur, salut, salam. »
Dedans c’était : « Mon Frère », et c’était très bien ainsi.
Nous nous réunissions sur le niveau et nous nous quittions sur l’équerre.
Moi, j’étais second diacre dans ma loge-mère, là-bas.
Comme nous nous en revenions à cheval,
Mahomet, Dieu et Shiva
Jouaient étrangement à cache-cache dans nos têtes.
Combien je voudrais les revoir tous
Ceux de ma loge-mère, là-bas !
Dehors, on se disait : « Sergent, monsieur, salut, salam. »
Dedans c’était : « Mon frère », et c’était très bien ainsi.
Comme je voudrais les revoir,
Mes frères noirs et bruns,
Et me retrouver parfait maçon,
Une fois encore, dans ma loge d’autrefois. »
Que l’esprit de tolérance, d’amour et de fraternité éclaire et dirige les travaux de ce deuxième colloque franc—maçonnerie et bouddhisme.
J’ai dit.
Questions-réponses
Le fondement du bouddhisme est la compassion. Je crois que l’on pourrait dire que la fraternité est le fondement de la franc-maçonnerie. Pourriez-vous développer les similitudes et les différences entre fraternité et compassion ?
Lama Denys. Je vais essayer très brièvement de définir la compassion qui est, dans son ouverture, un moment d’accueil, de réceptivité, de partage. Compatir est partager. Il y a dans la compassion une empathie, une communion entre l’amant et l’aimé, le compatissant et son sujet. Réceptivité aussi dans la compassion où il y a cette sensibilité qui est le fait d’être disponible, sans retenue, sans blocage, dans la situation telle qu’elle est. C’est cette sensibilité qui permet, dans l’harmonie, que la réponse juste, non violente et adaptée – la réponse bonne de toute bonté – agisse. La compassion entendue dans ce sens peut aussi être synonyme d’amour. Mais ce terme, très connoté, prête à confusion.
Compassion et vacuité ont le même dénominateur commun. Tout à l’heure, en quelques mots, j’ai suggéré que la vacuité soit comprise comme l’intelligence dans l’interdépendance, dans une attitude de non-ego, dans une attitude non égocentrée, non égoïste.
L’interdépendance est au plan humain, relationnel, social, économique, cette capacité à interagir, à interdépendre les uns des autres d’une façon non égocentrée, non égoïste. Il y a, dans l’interdépendance et la compassion, la notion de solidarité. Nous sommes solidaires : ne fais pas à
l’autre ce que l’on ne voudrait pas que l’on te fit. J’essaye juste de suggérer la continuité qu’il y a entre interdépendance, compassion, non-violence et solidarité. Je crois que, de la solidarité à la fraternité, la transition est assez évidente.
Jean-Pierre Schnetzler. Fraternité et compassion sont certainement des vertus essentielles aussi bien en franc-maçonnerie qu’en bouddhisme. Mais, comme vient de le suggérer Lama Denys, eIles sont complétées par d’autres vertus. En franc-maçonnerie, on se réfère souvent au ternaire : sagesse, force et beauté. Dans le bouddhisme, la sagesse et la compassion sont dites devoir être cultivées de façon égale. Il y a donc là deux principes complémentaires. Il est très intéressant de noter que trois bodhisattvas sont fréquemment invoqués dans le bouddhisme tantrique : Manjoushri, Vajrasattva, Avalokitechvara, la sagesse, la force et la bonté ou la beauté. On retrouve donc un ternaire équivalent dans les deux cas. Relevons enfin un dernier parallèle symbolique. Dans le bouddhisme, la compassion suppose un sens très aigu de notre appartenance à la totalité de l’univers. Or, les dimensions du temple maçonnique vont du nadir au zénith, du septentrion au midi, de l’orient à l’occident.
On devient maçon en maçonnant, que devient le maître sans tablier ?
Alain Lorand. Il y a des gens qui ont toutes les qualités d’un franc-maçon, mais les circonstances de la vie ont fait qu’ils ne se sont pas fait initier, qu’ils n’en ont pas eu l’occasion ni le désir, peut-être. Cela n’enlève rien à leurs qualités. Le travail en loge permet une facilité. Par la fraternité, par le groupe et par l’étude des symboles, on avance davantage. Il y a des profanes tout à fait honorables qui sont des maçons sans tablier. D’ailleurs, on les cite souvent.
Les participants sont présentés comme francs-maçons et bouddhistes, ou inversement. Est-ce l’ancienneté dans l’une ou l’autre tradition, et si oui, qu’est-ce qui a mené le bouddhiste vers la franc-maçonnerie ?
On a été ainsi présenté effectivement. En ce qui me concerne, j’ai été présenté comme bouddhiste et franc-maçon. Or, il se trouve que je suis devenu simultanément l’un et l’autre. Le frère qui m’a enquêté m’a parlé du bouddhisme et c’est pratiquement en même temps que je suis devenu l’un et l’autre.
Alors, me direz-vous, pourquoi me présenté-je comme bouddhiste et comme franc-maçon ? Ce n’est pas une question de hiérarchie. Je pense simplement que, dans l’ordre du transcendantal, je mettrais le bouddhisme avant la franc-maçonnerie.
Si je devais abandonner l’un ou l’autre, j’abandonnerais peut-être la maçonnerie. Voilà pourquoi je me présente d’abord comme bouddhiste. Il est évident aussi que, dans certains cas et je crois que c’est le cas de certains des intervenants, il s’agit simplement d’une question chronologique.
Jean-Pierre Pilorge. Je voudrais enchaîner sur cette présentation que vous vous proposez de faire de nous-mêmes. Il faut toujours connaître l’heure qu’il est à la montre de l’autre. C’est ce que l’un de mes amis et directeur spirituel m’a enseigné aux cours des exercices spirituels de saint Ignace de Loyola.
Moi, qui suis désigné sous la terminologie de franc-maçon et de chrétien, je suis né catholique romain. J’ai été dans le mouvement scout et dans toutes les formes de responsabilité de ce mouvement à vocation catholique. Puis, je me suis éloigné du catholicisme au début de ma vie d’homme.
En grande recherche, j’ai eu un certain nombre de pratiques dans des domaines orientaux, soit zen, soit soufi, ou encore dans les lettres hébraïques, avant d’entrer en franc-maçonnerie. Au bout de quelques années de pratique maçonnique, j’ai été renvoyé par la maçonnerie comme à travers la vision d’un miroir à ma religion d’origine qui était le catholicisme romain. Je suis redevenu pratiquant depuis une quinzaine d’année dans la religion catholique romaine en essayant, sans jamais faire de confusion, aucun amalgame, de rechercher dans ma pratique religieuse, catholique romaine, s’il y avait une voie initiatique parallèle aux exigences que je trouvais en franc-maçonnerie. J’ai trouvé, par maçonne interposée, les exercices spirituels de St Ignace de Loyola que j’ai pratiqués de nombreuses fois. Là, je suis entré, aussi, dans une démarche catholique, chrétienne, qui a les mêmes exigences que la maçonnerie, la même universalité de vue à travers une pratique. Je dois dire que, depuis ce temps-là, j’ai trouvé parfaitement ma stabilité et mon équilibre.
Et j’insiste beaucoup, l’un enrichissant l’autre par les mêmes exigences et ne devant faire l’objet d’aucun syncrétisme, car le syncrétisme est contraire à la tradition, chacun restant dans ses différences de vocabulaire et de mise en mouvement.
Lama Denys. Je répondrai très brièvement parce que nous aurons le temps de revenir sur ces thèmes ; mais auparavant nous nous étions entendus pour que les personnes qui posent des questions se déclarent afin que nous sachions à qui nous nous adressons.
Le premier Bouddha et les autres Eveillés ont vécu une expérience verticale. Quand ils transmettent, ils sont sur l’horizontale avec leur éducation, leur environnement différents. Leurs enseignements s’en ressentent. Il y a, verticalement, l’immédiateté, qui est une expérience primordiale, fondamentale, aconceptuelle, universelle. Cette expérience a été celle de tous les bouddhas. Le Bouddha Sakyamouni est le quatrième de mille bouddhas d’un kalpa dans une perspective cyclique où les kalpas – cycles cosmiques – se succèdent.
Il n’a fait qu’ouvrir une voie ancienne, universelle, atemporelle. C’est cette expérience, dans ce qu’elle a d’universel, d’atemporel, qui, ensuite, s’inscrit horizontalement dans les différents milieux socioculturels, les différentes matrices sociolinguistiques, et qui se transmet aussi avec différents véhicules langagiers, différentes expressions, avec les spécificités et les différentes façons d’exprimer, de pointer vers cette expérience. Etant entendu, pour être bref, qu’il ne faut pas confondre le doigt et la lune, selon l’adage.
Le bouddhisme évoque et fonde son enseignement sur la non-dualité. En revanche, dans la franc-maçonnerie, nous serions dans l’univers de la multiplicité, donc de la dualité. Où se situe le point de convergence entre bouddhisme et franc-maçonnerie ? C’est une question qui est au centre de notre rencontre, et que je laisse pour plus tard, si vous le voulez bien.
Merci de préciser, au sujet de l’amour, la notion d’amour inconditionnel qui donne à l’amour une toute autre dimension. Il en est une autre que je traiterai en même temps et qui lui est apparentée : la compassion dans son rapport à la non-violence.
Bouddha ne s’est-il jamais mis en colère ? Alors compassion égale non-violence ? Oui, mais la non-violence ne signifie pas la compassion de grand-mère, molle, complaisante, qui satisfait n’importe quel caprice de façon idiote. Il est une compassion qui doit savoir trancher, dire non, qui, lorsqu’une tumeur est maligne, doit savoir en faire l’ablation. En certaines circonstances, le Bouddha savait trancher et c’est là un acte de compassion.
Amour et compassion peuvent être relationnels et immédiats : un relationnel inconditionnel. L’amour et la compassion commencent dans la relation, dans la participation que nous évoquons et ils trouvent leur forme la plus profonde dans ce que l’on pourrait nommer une communion en laquelle l’amant et l’aimé, le sujet et l’objet, ne se vivent plus comme deux séparés. C’est ce que l’on nomme traditionnellement amour-compassion non dualiste, inconditionnel, qui est sans pourquoi.
Y a-t-il plusieurs degrés de lucidité ou un seul ?
Lama Denys. Il y a beaucoup de degrés de lucidité, de vigilance ou de clarté. Toute la pratique de la méditation est une voie d’entrée dans la lumière. On entend ici par lumière aussi bien la clarté que la lucidité. Il y a une toute petite lucidité qui est au départ de la vigilance attentive, une lucidité qui s’éclaire et qui devient de plus en plus claire jusqu’à la lucidité éveillée, la lucidité d’un Bouddha qui est l’intelligence qui se comprend en elle-même ou la lucidité qui se vit en soi dans l’expérience immédiate non dualiste. Il y a une infinité de degrés de lucidité.
Octobre 1997
Institut Karma Ling
Hameau de St Hugon
F-73110 ARVILLARD
TEL. : 04.79.25.78.00 – FAX : 04.79.25.78.08
http://www.karmaling.org/
Extrait de : http://www.buddhaline.net
Jean, chapitre 1 6 mai, 2008
Posté par hiram3330 dans : Recherches & Reflexions , ajouter un commentaire
Jean, chapitre 1 |
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La Bible de Jérusalem
esquisse colorée
Posté par hiram3330 dans : Recherches & Reflexions , 1 commentaireSymbolisme de la couleur
Le symbolisme de la couleur peut être abordé à partir de plusieurs points de vue.
- L’aspect physique (vibratoire) est le premier niveau
- L’aspect sensoriel lui est directement lié mais introduit la notion de perception
- L’aspect esthétique ou harmonique vient ensuite
- L’aspect émotionnel suit
- L’aspect spirituel enfin vient compléter ce tableau
Ce qui est avancé ici pour la couleur pourrait d’ailleurs être appliqué, aux sons, aux formes et d’une manière générale à toute activité sensorielle.
La couleur est en premier lieu une vibration d’une certaine longueur d’onde, c’est une modulation de la lumière solaire. Cette lumière peut être décomposée au moyen de prismes en un spectre coloré traditionnellement composé de 7 bandes (Rouge, orangé, jaune, vert, bleu, indigo, violet) mais qui de fait comporte une infinité de nuances dont 300 environs sont différentiables par un œil humain déjà exercé.
Seule une partie du spectre lumineux est perceptible pour l’homme. Les infra-rouges ou ultra-violets par exemple sont totalement en dehors de notre champ de perception sauf à utiliser quelque artifice.
Dans le domaine physique, les radiations lumineuses en bas du spectre (infra-rouge) ont des effets calorifiques, celles qui s’étendent en haut du spectre (ultra-violet) ont des effets chimiques et électriques, la plus grande luminosité se trouve au centre du spectre (jaune).
En étudiant le spectre coloré, on constate une certaine complémentarité des couleurs. Le mélange des couleurs donne le blanc. Si on retire du blanc une couleur (par exemple le rouge) la résultante sera la couleur complémentaire (dans notre exemple le vert). C’est ce contraste , cette complémentarité des couleurs qui crée en fait la couleur physique des objets. Ainsi un objet rouge est vu de cette couleur parce qu’il absorbe toutes les couleurs sauf le rouge qu’il réfléchit. Et si on éclaire un objet qui paraissait rouge avec une lumière verte, cet objet deviendra noir. La complémentarité des couleurs illustre également une des lois du vivant, celle de l’équilibre entre forces opposées ou polarisation. Les trois couleurs fondamentales sont le rouge, le jaune et le bleu.
Si on aborde le point de vue perceptif, les choses sont un peu différentes. Nous abordons là les limites des capacités humaines et ses conditionnements. En quelques mots, la perception que nous avons des couleurs ne correspond pas toujours à leur réalité physique. Nous avons vu que seule une partie du spectre lumineux nous est accessible, de plus certaines combinaisons de couleur interfèrent dans leur perception. Sans vouloir entrer dans le détail, la façon dont nous percevons une couleur dépend de son environnement. Ainsi, du blanc entouré de rouge vif paraîtra légèrement verdâtre. De même le « présence » des couleurs est très différente selon la partie du spectre concernée. Le jaune par exemple est beaucoup plus « présent » que le bleu et si nous voulons composer un « graphisme » équilibré, composé de bleu et de jaune, il faudra beaucoup de bleu et peu de jaune. Certains artistes comme Item ( l’art de la couleur) ont beaucoup travaillé sur les couleurs, leurs résonances et leur « présence » et en ont tiré des conclusions intéressantes. L’aspect perceptif ne se limite pas là, il existe également un aspect culturel à la perception des couleurs. Cet aspect culturel est à rapprocher d’une certaine « culture du regard ». On peut l’illustrer de cette façon. Les anciens Grecs avaient semble t’il des difficultés à distinguer nettement certaines nuances vertes du bleu, et leur donnaient un nom générique. Ceci nous amène à nous interroger sur la relation qui existe entre perception et langage. Une autre façon d’illustrer ce dernier point est de constater la différence de perception qui peut exister celle « d’un oeil exercé »(celui d’un peintre par exemple) et celle de l’homme « moyen ».
Là ou l’un perçoit des centaines de nuances, l’autre en percevra au plus quelques dizaines. Il en serait de même si l’on comparait la perception d’un adulte et celle d’un enfant. Notre perception des couleurs est donc très liée avec notre éducation et peut faire l’objet d’un apprentissage.
L’aspect esthétique de la couleur découle de ce dernier point. Cet aspect est présent dés lors que nous nous trouvons confrontés avec une œuvre d’art ou de façon plus générale avec un spectacle coloré (coucher de soleil par exemple). Le caractère esthétique est issu de la résonance ( émotionnelle, intellectuelle, harmonique…) qu’il induit en nous. Les lois de l’harmonie ont été décrites par les artistes, elles sont relatives à nos modes de perception. Liées à la vibration physique des couleurs, elles dépendent également de notre culture, de notre langue et de notre structure mentale. On a pu interpréter ces « lois de l’harmonie » en fonction du modèle mathématique (proportions, formes, valeurs…), qui n’est somme toute qu’un modèle parmi d’autres.
De l’aspect esthétique, ou le précédant, découle l’aspect émotionnel des couleurs. Les couleurs nous parlent, nous excitent, nous attirent, nous repoussent, nous dépriment. Nous restons là encore dans un domaine très proche du domaine culturel. Le domaine symbolique, spirituel ou magique est le dernier aspect que nous traiterons ici.
La symbolique des couleurs dépend de tous ces aspects que nous venons d’évoquer, mais aussi des correspondances analogiques que peuvent avoir les couleurs selon les systèmes étudiés.
D’un point de vue « naturaliste » les couleurs représentent les modalités de manifestation de l’énergie vitale. Le vert est lié à la végétation, à la Terre , à la Manifestation. Le rouge est lié au sang, à la vie animale qui s’ouvre vers le haut. Le Noir est la couleur de la mort, de la nuit, de la décomposition alors que le blanc est celle de la Lumière.
Selon d’autres grilles, les 7 couleurs fondamentales correspondent aux 7 planètes, aux 7 notes de musique , aux 7 chakras… Chaque système est donc porteur de ses propres références. Comme dans tout système symbolique, les correspondances établies ne sont réellement valide que pour le système concerné. Ce qu’il importe de préserver, c’est la cohérence interne des symboles entre eux et non pas le sens absolu de ceux ci.
Nous donnons ci après un tableau de correspondances traditionnelles qui devra être lu en fonction de ce que nous venons de dire plus haut.
Noir : Les ténèbres, le mal, la mort, la matière première, la gestation , le non-être, l’inconscient, la Terre du tombeau, le temps, Saturne, le « sable » du blason.
Vert : La végétation, la création, le cuivre, Vénus, la fonction végétative, la Terre fertile, la régénération, le « sinople » du blason, le vert est le complément du rouge avec lequel il possède quelques affinités occultes.
Jaune: Le jaune est la Lumière, l’Or, mais aussi l’orgueil et la Chute. C’est une couleur solaire, active en concordance avec le Verbe. C’est l’initiation, en Qabal le jaune est la couleur de l’Air.
Rouge: C’est la couleur du sang et du Feu. Celle de la vie animale, active qui possède à la fois un aspect dynamique et destructeur. C’est l’évolution mais aussi l’aspect guerrier de Mars. Le rouge est la couleur de la Pierre aboutie. En blason le rouge est nommé « gueule » qui traduit à la fois le coté animal, l’élan vital et le coté destructeur de la couleur.
Bleu: c’est la couleur de l’Eau en Qabal, celle de Jupiter mais aussi du ciel azuré. Couleur froide le bleu est aussi féminin. C’est la couleur mariale. Le bleu est une couleur apaisante qui « dématérialise » les choses.
Blanc : couleur absolue, à la fois le Tout et l’Un. Astrologiquement c’est la couleur de la Lune et de l’Argent. le blanc est la pureté froide, le reflet de l’Absolu dans la matière. C’est la blancheur des spectres, celle des os, qui comme le noir est symbole de mort, initiatiquement ce serait une mort dont on se relève. Le blanc est pureté, innocence c’est la couleur de la révélation.
VITRIOL 5 mai, 2008
Posté par hiram3330 dans : Bleu,Chaine d'union,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaireV.I.T.R.I.O.L | |
TOI qui dans ce Temple vas entrer, Quel secret espères-tu trouver ? Sache que de ce que tu verras, Peu de symboles tu comprendras. Certes, tes frères te guideront, Mais ne te berce pas d’illusions, Comme toi ils cherchent le secret Qu’Isis sous son voile tient caché. Nous sommes les dignes fils d’HERMES, La nature est notre Maîtresse Et l’Univers notre royaume. Bien que misérables gnomes De bel argile rouge pétris, Nous avons en nous le souffle de vie Qui, d’un GOLEM au corps froid, Fit de nous des humains qui croient Que le vil plomb en or sacré Tout Homme peut transmuter. TOI qui dans ce Temple entreras, René-Pierre AMSELLE |
Salvador ALLENDE
Posté par hiram3330 dans : Chaine d'union,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaireLa Maçonnerie initiatique 4 mai, 2008
Posté par hiram3330 dans : Recherches & Reflexions , 1 commentaireLa Maçonnerie initiatique
Constant CHEVILLON
La maçonnerie est une grande chose, une chose éternelle. Non seulement elle habilite ses enfants à comprendre les courants d’idées venus de tous les points de l’horizon, à situer dans leur ambiance immédiate tous les actes de la personne ou de l’individu humain , mais elle est le parvis de toutes les initiations anciennes et modernes, bien plus, elle les résume et, en même temps, elle en est la quintessence. Le maçon véritablement initié peut se présenter partout le front haut, dans tous les milieux, il est à sa place. S’il a pétri son âme, forgé son cœur et son intelligence avec les outils de la maçonnerie et selon son esprit, rien ne lui est fermé, car il possède la clef universelle, cette clavicule dont Salomon, prince parmi les adeptes, prétendait avoir le secret.
Penchons-nous donc sur les prémisses de la maçonnerie initiatique et, pour ne point nous égarer dans le labyrinthe des opinions, fixons bien nos concepts.
Dans toutes les fraternités, initiation est synonyme de science; un initié est celui qui détient la science ésotérique spéculative et la science cérémonielle ou pratique : la magie. Or, dans l’esprit de beaucoup, ces connaissances transcendantales leur ont été transmises par les gestes, les paroles et les cérémonies concrètes de leur initiation elle-même. C’est exact à un certain sens, mais faux dans la réalité. Initiation a pour racine le mot latin «initium», commencement, les cérémonies initiatiques sont un simple prélude, un baptême dans l’invisible. Dans nos communautés religieuses occidentales, il ne suffit pas d’avoir reçu le baptême pour être un parfait chrétien. La baptême habilite simplement à suivre la voie christi-que, il imprime sur l’individu et la personne le sceau de la reconnaissance et du rachat; il est comme un enfantement spirituel, ou, tout au moins une naturalisation dans le royaume de la lumière. L’initié, comme le baptisé, peut donc être, à juste titre, considéré comme un citoyen du royaume de la lumière, il peut la revendiquer comme un autochtone, authentique rameau de la souche ancestrale. Il est co-participant au royaume et celui-ci lui doit tous les avantages des fils de la lumière, mais dans une soumission de tous les instants aux lois régulatrices d’accession et de coopération à la lumière. Il y a donc, pour justifier l’apposition du sceau, une discipline à adopter et un effort à accomplir, car la conquête de la vérité est une lutte perpétuelle dont le succès ne dépend pas du droit pur à la possession mais de l’activité et de l’énergie déployées pour s’en emparer.
Ce préambule permet de concevoir, dans une large mesure, toute la substance de la maçonnerie initiatique. Cette substance est une et double en même temps. D’un côté il y a la Gnose, de l’autre, la technique; ici la science, là les œuvres dont l’actualisation dépend de la saturation scientifique. Mais la science et les œuvres, la Gnose et la technique sont une seule et même chose, lorsque toutes les parties constitutives d’un être humain se sont concrétisées dans un vrai maçon.
Comment l’initiation maçonnique s’y prend-elle pour engager ses membres dans la route de la science et de la technique et les conduire vers la réalisation de l’adeptat ? Tous les maçons le savent, mais il est Bon de réfléchir et de méditer.
Lorsque le récipiendaire a triomphé des épreuves par les éléments, lorsqu’il a prêté son serment de silence et de fidélité, le vénérable lui donne le sceau et lui dit : «Je te reçois, crée et constitue apprenti maçon». C’est bien l’adoption, la reconnaissance des droits attachés à la nouvelle naissance. L’apprenti est constitué fils de la veuve, héritier éventuel de sa succession. Est-ce à dire qu’il est en possession de l’héritage ? Non, il a les mains vides, c’est à lui de puiser dans le trésor dont la clef lui est remise, à lui seul et selon la capacité de ses moyens d’assimilation. Il naît au monde de la lumière aussi nu que dans la génération sexuelle, mais il est apte à revêtir les voiles sacrés et la robe de la hiérophanie.
Il est entré dans le royaume de la lumière, non pas comme un étranger, plus ou moins barbare, venu par la petite porte de l’immigration, il est entré comme un fils du sol; on ne parle pas à mots couverts devant lui car on ne cherche pas à lui celer l’intelligence de ses droits et de ses devoirs. Toutefois, il n’est pas initié il est seulement initiable, il doit ouvrir le temple clos aux étrangers. Le temple est immense et la cella est à l’autre bout de l’édifice. La maçonnerie le prend par la main et le guide dans la longue nef. A chaque pas elle l’arrête pour lui montrer les détails des colonnes, des stalles et des vitraux, lui en explique le sens, la portée et la raison d’être, et c’est la voie de l’initiation. Voilà pourquoi les étapes de la hiérarchie sont nombreuses avant d’atteindre à la suprême maitrise dont le 3ème degré de l’ordre est le symbole résumé. L’apprenti s’arrête dans le parvis et jette d’abord un coup d’œil circulaire autour de lui, il se pénètre ainsi de l’ambiance et s’habitue à la lumière pour situer la perspective idéale. Quand il voit l’ensemble sous un angle réel et non plus sous un angle imaginaire, il est mûr pour le travail efficace, il doit participer à l’œuvre jamais terminée de la construction de la nouvelle Jérusalem. Il doit se cantonner dès l’abord dans les humbles besognes, il sait voir, mais il ne sait pas encore utiliser les matériaux et les outils selon les règles harmoniques de la beauté, il sait équarrir, il ne sait pas sculpter. Il doit se perfectionner dans le compagnonnage, tel l’alchimiste qui donne à la «materia prima» la couleur noire, pour la transformer en couleurs les couleurs du prisme, avant de sortir de son athanor l’or brillant de la spiritualité. A force de travailler, d’entasser ébauches sur ébauches, le compagnon acquiert la science et la technique, il peut quitter le parvis pour se diriger vers la chambre du milieu, l’une des étapes majeures sur la voie du saint des saints. Il devient maître et peut à son tour guider les apprentis et les compagnons sur la route des réalisations. A ce moment, le fils de la Veuve, l’héritier du royaume s’est élevé jusqu’à l’initiation primaire, il a parcouru un cycle complet par lui-même, il a rompu le premier sceau, il est le maître des arcanes des petits mystères. Il possède une partie du secret de la vérité, la plus difficile à conquérir, car le point d’appui originel de ses efforts est à l’état embryonnaire et comme inconsistant. Arrivé à ce stade de l’initiation, beaucoup de maçons, le plus grand nombre peut-être, se croient au terme du périple. Ils sont convaincus d’avoir atteint la totalité de la science relative, la complète technique et le maximum de perfection, compatibles avec l’enseignement doctrinal de l’ordre. Dans le champ du symbolisme, des allégories et de l’art pratique accessible au commun des hommes, ils ont raison. Sur le plan des réalisations transcendantes, cette magie de la pensée et des actes, ils ont tort. Sans doute le grain de blé contient dans son infime substance le germe et les éléments nourriciers primitifs d’où sortiront plus tard et la tige et l’épi, sans doute il contient l’essence du pain dont les hommes soutiendront leur vie défaillante, mais si le laboureur ne le confie pas à la terre, matrice de toutes les végétations, il restera immuable dans sa solitude et la moisson de s’épanouira pas sous la claire coupole du ciel. C’est pourquoi la maçonnerie continue à distribuer la science initiatique à travers les méandres des Hauts Grades afin de féconder les germes latents conservés dans la chambre du milieu, comme le grain dans un silo.
Dénier l’utilité des Hauts Grades c’est arrêter l’essor initiatique dont le terme ne peut jamais être atteint, ou bien c’est faire de la chambre du milieu un athanor de perpétuelles transformations où tous les aspects de l’évolution seront mélangés et rendre impossible la sélection du froment et de l’ivraie, de l’or pur et des métaux inférieurs. D’autre part, imposer les grands mystères à tous est une profanation car les maîtres maçons n’ont pas tous la même envergure; certains d’entre eux sont appelés à comprendre et à expérimenter ce que d’autres devront toujours ignorer. Du reste, à ces maîtres il faut des maîtres, des juges et des défenseurs, il faut des prêtres du culte animateur. On ne peut pas non plus toujours quitter la truelle pour prendre l’épée, ni surveiller les ouvriers en construisant les plans de l’édifice. Une seule chose peut se discuter, c’est la manière dont les maîtres maçons envisagent les Hauts Grades et par conséquent, les grands mystères et surtout la façon dont ils les utilisent. S’ils ne sont pour eux que des hochets d’une puérile vanité, ils sont, en effet, bien inutiles et n’ont rien de commun avec la marque initiatique; mais seuls les sots peuvent les considérer comme tels, car ils sont matière d’ascèse personnelle et de devoirs et par conséquent matière à lourde responsabilité.
Les petits mystères, la maçonnerie symbolique, forment les ouvriers, les exécutants, les soldats de l’idée, les claires intelligences et les mains expertes auxquelles le travail est confié, en un mot la cléricature de l’humanité. Les grands mystères, la maçonnerie des Hauts Grades, forment les chefs, les architectes, les sacerdoces, ceux qui conseillent et dirigent, savent où il faut frapper pour réussir, car ils sont entrés dans une certaine et progressive illumination. Les Hauts Grades surclassent l’initiation du porche, ils s’avancent à pas lents et sûrs vers le Saint des Saints.
Essayons de comprendre :
Les petits mystères prennent l’homme dans le bourbier passionnel et l’amènent par étapes au stade de la civilisation. C’est la taille de la pierre brute. Les grands mystères, s’appuyant sur le stade de la civilisation, poussent à la dernière limite du perfectionnement relatif, pour restituer l’humanité dans son état primitif de grandeur et de puissance. C’est le polissage de la pierre cubique. En d’autres termes, les petits mystères s’apparentent en quelque sorte à l’alchimie des corps, les grands, à l’alchimie des âmes et des esprits. Les premiers extraient les métaux du sein de la matrice terrestre, ils les débarrassent de toutes les scories pour les rendre purs et utilisables dans la métallurgie sociale et initiatique. Les seconds s’emparent des métaux purs et en tirent l’or philosophai, le métal parfait analogue à la lumière immaculée. Pour nous en tenir au langage allégorique de la maçonnerie et de l’alchimie médiévale, les une utilisent l’influence de Vulcain et de Vesta, les autres reproduisent l’activité d’Osiris et d’Isis dans la procréation d’Horus, et c’est une des raisons pour lesquelles le G, resplendit au centre de toutes les étoiles flamboyantes exposées dans les temples maçonniques du monde.
Tout ceci, paraîtra peut-être, de prime abord, un peu lointain, trop intellectuel et par conséquent sans grand rapport avec l’initiation pratique et le véritable secret maçonnique. Non pas, j’emploie ici le langage de la maçonnerie, elle n’en veut pas d’autre; elle se tient toujours dans le symbolisme et l’allégorie qui sont la forme intellectuelle de la vérité. La maçonnerie ne donne directement son secret ultime à personne, il faut le découvrir et l’enlever de force pour son compte personnel, selon la parole de l’Ecriture : «Violenti rapiunt illud», les violents seuls le ravissent. Le secret de la maçonnerie puisqu’il est le fond même de la Gnose opérative ne s’expose pas du haut d’une chaire doctrinale, il se trouve dans les opérations du laboratoire, et ce laboratoire c’est la conscience et la volonté. Il faut étudier la Gnose spéculative et la transposer, par soi-même, en Gnose pratique, c’est-à-dire, et ici ne donnez pas au mot le sens péjoratif qui fait trembler les enfants et les adultes grégaires, en magie : la magie c’est la science appliquée; celui qui capte une chute d’eau et la transforme en énergie ou en lumière, fait un acte magique souvent sans le savoir, comme le prêtre qui célèbre le culte sur l’autel de son Dieu. Nous pouvons cependant, sans trahir aucun de nos serments aller plus loin. Le secret de la maçonnerie, je vous l’ai indiqué avec une clarté suffisante pour que vous puissiez, en soulevant le voile, le découvrir dans la suite de vos méditations. L’alchimie maçonnique n’est pas une cause, c’est une fin et elle a une fin, c’est de créer en chacun de ses adeptes évolués, l’or philosophai. Consultez les grimoires, si vous ne l’avez pas déjà fait, vous connaîtrez l’or philosophai. C’est la pierre rouge, la poudre de projection, ce germe aurifère, ce noyau positif d’une puissance incalculable sous un volume infime. Vous en connaissez la vertu. La poudre de projection mélangée à un volume mille fois supérieur au sein, de métaux inférieurs, les transmute plus ou moins immédiatement en or pur et de bon aloi.
Et maintenant, penchez-vous sur le problème, vous n’aurez pas de peine à découvrir comment le véritable adepte de la maçonnerie peut être la poudre de projection de l’alchimie spirituelle. Vous comprendrez mieux encore combien un maçon doit être pur, puissant et volontaire, violent et doux à la fois, juste et miséricordieux, comment il doit être tout amour et charité pour se donner à ses frères et après s’être transmuté lui-même, transmuter ses frères. Vous aurez alors tous les éléments de la solution initiatique et vous pourrez avancer peut-être à grands pas, sur la route de la lumière sous l’égide de la Gnose
Texte extrait de la revue « BELISANE » année 1978, la revue ne donne pas la source.
« LA REINE DE SABA », DE CHARLES GOUNOD 26 avril, 2008
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UN OPERA MACONNIQUE FRANÇAIS MECONNU : « LA REINE DE SABA », DE CHARLES GOUNOD |
Avant propos
Les rituels maçonniques sont tenus » secrets » par les Maçons, qui n’ont pas le droit de les divulguer aux » profanes « . La maçonologie qui aborde les aspects historiques, sociologiques et philosophiques de la maçonnerie, étudie entre autres les légendes dont s’inspirent les rituels. Aussi, tout ce qui peut être rapporté dans cette présentation, ainsi qu’en témoigne la bibliographie jointe, provient de livres accessibles à tous, traitant soit des rapports entre la musique et la maçonnerie, soit du livre des Rois dans la Bible, soit de la légende d’Hiram, légende commune à la maçonnerie et au compagnonnage, soit surtout du recueil de nouvelles intitulé » Voyage en Orient » de Gérard de Nerval. Cependant, le » secret maçonnique » reste paraît-il intransmissibleŠ
Les rapports entre la Maçonnerie et la musique sont apparemment nombreux et anciens. Les musiciens réputés Francs-Maçons sont archi-connus et sans doutes répertoriés par excès. L’excellent livre de Roger Cotte sur la musique maçonnique les inventorie avec prudence, distinguant les compositeurs Francs-Maçons avérés comme Haydn et Mozart ou plus récemment Sibelius, de ceux dont l’appartenance n’a jamais été prouvée comme Beethoven, dont on retient cependant » Les 33 variations diabelli « comme un élément de présomption à charge ! Il signale encore ceux qui sont réputés l’avoir été mais ne l’ont finalement point été, comme Wagner et rapporte enfin ceux qui ont eu des liens avec des mouvements plus ou moins proches de la maçonnerie, comme Erik Satie qui a écrit de la musique rituelle pour les rosicruciens à la demande de Joséphin Pelladan. Les oeuvres dites maçonniques sont tout aussi connues et le moins mélomane des Francs-Maçons citera d’emblée la » Flûte Enchantée « de Mozart. D’autres, plus fins connaisseurs, citeront des oeuvres moins connues dont l’inspiration maçonnique dépend de l’interprétation de chacun, les Francs-Maçons n’ayant pas le monopole des légendes ou des symboles. Citons ainsi » la Création « de Haydn. Enfin, des musiciens dont on sait qu’ils n’ont pas été Francs-Maçons, mais simplement proches de ce courant de pensée, ont pu écrire des oeuvres que des exégèses très convaincus ont décrété maçonniques, citons Wagner dont Jacques Chailley fait une analyse du « Parsifal « où il voit une analogie frappante avec la légende du 18ème degré du Rite Ecossais. Signalons enfin que des compositeurs Francs-Maçons n’ont parfois pas écrit de musique dite maçonnique. Qu’est ce qu’une musique maçonnique ? Cela peut être soit de la musique spécifiquement écrite pour des cérémonies rituelles, soit de la musique à contenu explicitement initiatique par les paroles comme » la Flûte Enchantée « de Mozart, soit encore de la musique purement instrumentale mais à contenu symbolique et/ou initiatique comme le « Quatuor des dissonances » du même Mozart, dont le début chaotique pour les oreilles de l’époque fait bientôt place à une composition tonale tout à fait classique, l’initiation ayant mis de l’ordre dans le chaos. Citons donc par exemple, Adrien Boieldieu, compositeur français Maçon, auteur d’un très mozartien concerto pour harpe, dont on peut toujours chercher le symbolisme caché !
A contrario, se pourrait-il qu’il existe une oeuvre française manifestement maçonnique, bien plus explicite encore que tous les ouvrages cités jusque là, mais tombée totalement dans l’oubli, bien que composée au 19ème siècle par un auteur des plus célèbres, j’ai nommé Charles Gounod, lequel n’était absolument pas « suspect » d’être Franc-Maçon et qui plus est ne l’était effectivement certainement pas ?
Cet opéra ignoré de l’immense majorité des mélomanes Francs-Maçons ou non, absent de bien des bibliographies de référence, se nomme » La Reine de Saba « , oeuvre tirée d’une nouvelle de Gérard de Nerval extraite du » Voyage en Orient « , qui s’intitule » La Reine du Matin et Soliman Prince des Génies « , nouvelle au sein de plusieurs autres regroupées sous le titre » Les nuits de Ramazan « . La redécouverte récente du contenu surprenant de cet opéra oublié à l’occasion d’un premier enregistrement mondial, invite à la réflexion.
Voyons donc l’intrigue du livret :
Au premier acte : à Jérusalem, le Maître d’oeuvre Adoniram (forme emphatique d’Hiram) travaille à la construction du temple du roi Soliman (comprenez Salomon). Alors qu’on annonce à Adoniram la venue de la Reine de Saba Balkis, précédée par sa réputation de grande beauté et qui est promise à Soliman, arrivent trois ouvriers Compagnons qui viennent réclamer le titre de Maître ou plus exactement le mot de passe des Maîtres, ce qui leur permettrait d’obtenir un salaire équivalent à celui des vrais Maîtres. En effet au moment de la paye, les ouvriers glissent à l’oreille d’Adoniram un mot de passe qui correspond à leur qualification et ils sont donc payés en conséquence. Adoniram refuse, au motif que le salaire de Maître ne vient récompenser que des oeuvres méritoires et fustige les mauvais Compagnons qui ont semé la zizanie parmi les ouvriers. Les mauvais Compagnons quittent la scène en promettant de se venger. Arrive Balkis accompagnée de Soliman son futur époux. A la simple vue de la Reine de Saba, Adoniram, tiraillé par un sentiment de lointain souvenir, de reconnaissance, a le coup de foudre et réciproquement. C’est comme cela que cela se passe dans les opéras, ce qui simplifie considérablement le travail du librettiste, c’est la licence poétique, pas besoin de préliminaires, on se voit, on se plait, surtout s’il s’agit de la femme d’un autre et on se jure fidélité jusqu’à la mort, qui arrive d’ailleurs souvent plus tôt que prévue. Un humoriste anglais a pu ainsi définir l’opéra : c’est l’histoire d’un ténor qui tombe amoureux d’une soprano et d’un baryton qui fait tout ce qu’il peut pour les séparer. Une très belle scène est consacrée à l’exaltante rencontre, mais dès la suivante, on butte sur un cadavreŠ Aux tessitures près, c’est bien ce qui va se passer ! Et donc, Adoniram flatté par Balkis et à sa demande, fait la démonstration de sa puissance en contrôlant la foule éparse des ouvriers à l’aide d’un signe magique évoquant le dieu Tubal-Kaïn. Il s’agit d’un T, qui peut aussi représenter la première lettre de la ville de Tyr, la lettre hébraïque Tau, un fil à plomb sous un niveau ou encore deux équerres accolées. Tous les ouvriers étaient mélangés, maçons, charpentiers, mineurs, fondeurs, etcŠ et bientôt dans ce désordre apparent les ouvriers se regroupent par spécificités. L’ordre apparaît issu du désordre et les corps de métiers rassemblés défilent alors sous leurs bannières » compagnonniques « . Balkis subjuguée par cette puissance donne son collier de perle à Adoniram sous les yeux de Soliman qui devrait songer à se méfier.
Au deuxième acte : Adoniram, spécialiste comme il est dit dans la Bible de la fonte de l’airain, s’apprête sur le haut plateau de Sion à réaliser son chef d’oeuvre, à savoir couler la Mer d’Airain. Ceux qui ont lu le livre des Rois dans la Bible, au chapitre consacré à la construction du temple de Salomon ont connaissance de cet objet insolite : une gigantesque vasque remplie d’eau, soutenue par douze taureaux, qui servait à la purification des prêtres. Il invoque pour ce faire la puissance du dieu Tubal-Kaïn. Mais les ouvriers précédemment rabroués ont saboté le processus et le bronze en fusion est projeté sur la foule.
Au troisième acte : Malgré l’échec précédent, Balkis médite sur les signes extérieurs de richesse intérieure d’Adoniram et les compare au pragmatisme bassement matérialiste de Soliman. Adoniram survient et rapidement ils tombent dans les bras l’un de l’autre, Adoniram se flattant de la supériorité de l’Architecte sur un Roi qui n’aurait que le mérite de sa naissance. Et décidément tout va bien, puisqu’on apprend que pendant la nuit, une intervention surnaturelle a achevé le travail commencé, sous les coups de marteaux sont apparus les taureaux supportant la vasque remplie d’eau de la Mer d’Airain.
Au quatrième acte : la belle légende maçonnique commence à tourner au mauvais feuilleton. Soliman frustré et jaloux reçoit la visite des trois mauvais Compagnons qui viennent lui rapporter l’infidélité de Balkis. Adoniram et Soliman, s’affrontent verbalement, Soliman déclare qu’il va quitter Jérusalem, mais Balkis a le temps de lui verser un narcotique qui permet de lui dérober l’anneau royal, puis de prendre la fuite pour rejoindre Adoniram.
Au cinquième acte : l’ambiance devient plus tragique, n’oublions pas que nous sommes à l’opéra et qu’on y tire traditionnellement des émotions à travers les drames que subissent les protagonistes dans leur chair ou leur âme. Adoniram à la place de Balkis qu’il attendait, voit arriver les trois mauvais Compagnons qui lui demandent à nouveau le mot de passe des Maîtres. Adoniram refuse bien sûr et alors que la tempête éclate, les trois mauvais Compagnons le poignardent. Balkis, arrive enfin, pour le voir mourir dans ses bras et va donc devenir » La Veuve » chère aux Francs-Maçons, mais elle a cependant le temps de lui passer l’anneau royal arraché à Soliman. Adoniram mort est accueilli dans les cieux par Tubal-Kaïn, pour une vie éternelle, salué par le choeur des ouvriers. Il a choisit d’affronter son destin et après sa propre mort, il accède à la renaissance.
Au total :
Un livret sans grande imagination ni poésie, sans prise réelle sur les préoccupations de l’époque, une intrigue prévisible et une fin un peu bâclée, pas de quoi tenir l’affiche et passer à la postérité. Or c’est bien ce qui arriva, essayons d’en préciser les causes.
Tout d’abord un opéra est souvent plus apprécié pour sa musique que pour son intrigue. Celle-ci est même parfois tellement compliquée qu’on en oublie sa crédibilité et qu’au fond elle passe au second plan. Que celui qui peut raconter précisément et de mémoire l’argument du « Trouvère « ou de » la Force du Destin « de Verdi vienne dire le contraire ! Il n’empêche que des oeuvres peuvent compter par leur contenu littéraire ou dramatique. « Tosca « est de celle-ci s’insurgeant contre les pouvoirs politiques, Verdi avec » Aïda « a joué un rôle non négligeable dans le risorgimento, la « Traviata « a fait pleurer dans les chaumières. Bien souvent, pour comprendre l’action, il vaut mieux avoir connaissance du livret, au pire acheter le programme et le lire dans la pénombre, car il ne faut pas compter sur la représentation pour comprendre les tenants et les aboutissants, d’autant qu’on voit souvent les opéras dans une langue qui n’est pas la nôtre, avec certes maintenant le plus souvent des sous-titres, y compris quand on chante en français, car la diction peut être médiocre ! Certes au 19ème siècle les opéras étaient souvent chantés dans la langue du pays où ils étaient donnés, mais cela ne se fait guère plus. Terminons encore pour dire que le français est peut être » une langue qui résonne « , mais qu’elle est aussi diablement difficile à chanter et par conséquent rares sont les chanteurs d’origine étrangère que l’on peut comprendre facilement.
La puissance émotionnelle de la musique passe donc souvent au premier plan. Mais si actuellement on fait preuve de tolérance, d’ouverture d’esprit, de culture, n’oublions pas que les pesanteurs de l’époque faisaient qu’il était extrêmement délicat d’innover. Ajoutons les réactions nationalistes qui faisaient qu’il était fort risqué d’apprécier Wagner à la fin du 19ème siècle et de vouloir s’en inspirer ouvertement comme l’a reconnu Charles Gounod.
Cet opéra n’est donc pas passé à la postérité, il était pourtant l’oeuvre d’un compositeur premier Prix de Rome, qui allait devenir fort célèbre et parfaitement reconnu de son vivant, et honoré à sa mort, ayant reçu des obsèques nationales à l’Eglise de la Madeleine, son cercueil étant accompagné par l’Orphéon de Paris que dirigeait Camille Saint-Saëns.
La première de » La Reine de Saba « eut lieu en février 1862 à l’Opéra de Paris mais l’oeuvre ne tînt l’affiche que 15 jours, le temps que la critique s’acharne à son sujet. On lui portait la grande accusation de wagnérisme, leitmotiv d’une certaine critique parisienne dont eurent à souffrir Bizet, Saint Saëns et Massenet. Dans la » Revue des deux Mondes » du 18 mars 1862, Paul Scudo, l’ennemi de Berlioz, écrivait que Charles Gounod avait eu le malheur d’admirer certaines pages altérées des derniers quatuors de Beethoven, source troublée d’où étaient sortis les mauvais musiciens de l’Allemagne moderne, les Liszt, les Wagner, les Schumann et même les Mendelsohn. Quel visionnaire !
Voilà pour la musique, dont Berlioz écrivait, que certes il : » cherchait à soutenir l’auteur, mais qu’il n’y avait rien dans sa partition, absolument rien. Comment soutenir ce qui n’a ni os ni muscles ? « . Etonnante écriture après un » Faust « qui fut une réussite mélodique avec une partition d’orchestre puissante, variée et efficace. Etonnante aparté encore quand on sait qu’il écrira encore deux autres chefs d’oeuvre avec » Mireille « et » Roméo et Juliette « quelques années après.
Puisque la musique n’était pas à la hauteur, quid du livret ? Il faut malheureusement reconnaître que ce n’est pas l’intrigue un peu compliquée tirée des écrits de Gérard de Nerval, dépourvue de situations fortes et sans idées saillantes qui aurait pu captiver le public. A sa décharge, il faut savoir aussi que les opéras possèdent le plus souvent plusieurs versions et que certaines scènes peuvent être finalement coupées ou que les ballets classiques de cette époque étaient parfois supprimés faute de moyens. Certaines scènes n’ont ainsi jamais été jouées et on ne les retrouve parfois que 150 ans après, par exemple quand Michel Plasson enregistre pour la première fois l’air du » Scarabée « , variante d’une scène du » Faust « . Aussi les premières représentations sont parfois décousues et il faut un peu de rodage pour peaufiner l’ensemble en fonction des réactions du public, » La Reine de Saba « n’a pas eu ce sursis. Ainsi quelques coupures ont concerné des scènes expliquant ce sentiment de souvenir lointain, de reconnaissance, lors de la rencontre entre Balkis et Adoniram, une autre enfin, rapportant une attitude un peu désobligeante de Soliman à l’égard de Balkis, parfaitement présente chez Nerval, aurait expliqué les quelques réticences de la reine à l’égard de son prétendant. La scène de la fonte de la Mer d’Airain aurait été coupée en raison des risques d’incendie et pour gagner du temps au bénéfice des ballets tellement prisés par les protecteurs des danseuses.
Parfois c’est l’interprétation qui peut venir sauver un ouvrage médiocre ou au contraire l’enfoncer. Or pour cette première, le chef d’orchestre Louis Dietsch était celui dont Wagner avait eu à se plaindre pour son « Tannhäuser « et son exécution fut jugée » filandreuse « .
Enfin la réceptivité sociale ou politique du moment va faire le succès éventuel de l’événement. Or, vous avez compris quelles que soient vos connaissances des légendes et rituels maçonniques, que le thème global de la » Reine de Saba « est profondément maçonnique puisque la légende d’Hiram chère aux Loges bleues, c’est à dire des trois premiers degrés, apprentis, compagnons et maîtres, y est rapportée bien fidèlement. Le nom d’Adoniram à la place de celui d’Hiram peut trouver sa justification soit plus loin dans d’autres degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepté, soit encore dans d’autres rites. Plus encore, sans trahir d’autres secrets accessibles dans toutes les bonnes librairies, même à l’époque, la maçonnerie des Hauts Grades s’inspire pour ses premiers degrés de la symbolique salomonienne et de la construction du temple de Jérusalem. De ce fait, il y est fait mention du chef d’oeuvre que prétend réaliser Adoniram. On peut s’étonner de ce mélange entre les noms et symboles des Loges bleues et ceux des Hauts Grades, mais les rites autres que le Rite Ecossais Ancien et Accepté sont multiples et les personnages volontiers désignés par plusieurs noms. Un même » mot de passe » peut correspondre à différents grades selon les rites. Enfin, quand ni l’écrivain, ni les librettistes, ni le compositeur ne sont Francs-Maçons, des erreurs peuvent se produire. Ainsi Oswald Wirth, dont les écrits maçonniques à la fin du 19ème siècle firent autorité, ne nourrissait aucune bienveillance à l’égard de l’oeuvre de Gérard de Nerval, qui à ses yeux n’aurait eu qu’une vision bassement politique de la légende d’Hiram. Le texte suit cependant fidèlement les rituels maçonniques, certaines expressions sont typiquement empruntées aux Loges, par exemple le jour de la fête le Roi » suspend les Travaux « , le premier mauvais Compagnon déclare » Je suis Maçon « . Le nom même de Tubal-Kaïn qui apparaît à certains moments, correspond à un mot de passe parmi bien d’autres, là encore variable suivant les degrés et les rites. On en est donc pas à une vague inspiration, mais à une retranscription précise et pas du tout anodine sous Napoléon III. Celui-ci, amateur surtout d’opéra-bouffe avait pris d’ailleurs l’oeuvre en horreur, ne supportant guère l’idée de l’artiste placé au-dessus du monarque absolu. Pour certains, l’opéra aurait même été interdit, avatar ayant des précédents, par exemple avec le » Don Carlos « de Verdi qui critiquait l’inquisition. Il faut dire que c’était aussi la grande époque du compagnonnage et des corporations avec en figure de proue le célèbre Agricol Perdiguier, qui inspira Georges Sand. En 1848 les compagnons avaient organisé une grande manifestation à Paris, c’était encore dans les mémoires. C’est Crosnier, qui remplaçait Nestor Roqueplan à la direction de l’Opéra, qui décida de bannir » une pareille ordure « . Dans ses » Mémoires d’un artiste « Gounod écrit : » Les décisions directoriales ont parfois des dessous qu’il serait inutile de vouloir pénétrer : en pareil cas, on donne des prétextes ; les raisons demeurent cachées « .
Si on écoute cet opéra 140 ans après, enfin enregistré en première mondiale dans une version hélas assez médiocre avec des voix étrangères de plusieurs nationalités, ce qui se fait hélas souvent maintenant et que le français avec ses e muets tolère mal, on retient néanmoins quelques belles scènes et quelques innovations, la cavatine de Balkis étant la plus connue. Le savoir-faire existe à défaut d’une forte inspiration. Comme dit le Larousse au début du 20ème siècle, il y a plus de science que de musiqueŠ Par contre, la partition d’orchestre paraît plus insipide que ce que le compositeur a pu produire au cours de sa longue carrière. On disait même que si » Faust « avait été l’ » Austerlitz « de Charles Gounod, cet opéra serait son » Waterloo « ! Certes, l’appréciation de la musique est subjective, mais parmi le public, si peu de spectateurs sont capables d’une analyse musicologique poussée, par contre de façon subjective, ils peuvent être plus ou moins charmés. Or dans cette oeuvre, on retrouve globalement toutes les habitudes les plus convenues de Charles Gounod, toute ses » ficelles » , l’expression existant déjà dans la critique du 19ème siècle. On notera cependant des motifs de rappels apparentés à des personnages ou des situations, qui reviennent plus ou moins altérés au cours de l’oeuvre. Par exemple, l’origine divine d’Adoniram est suggérée par un motif de cornet à piston et de trombone symbolisant sa puissance originelle. C’est là une petite nouveauté, un procédé qui sera repris dans tout l’opéra, songez par exemple à « Tosca « célèbre pour l’usage répété des leitmotivs. Pour trouver un jugement objectif, on peut lire l’avis de musicologues avérés, capables de juger l’événement avec du recul et sans parti pris. Mais là, même avec le temps, ce n’est pas l’enthousiasme qui prédomineŠ On cite habituellement l’air du choeur des jeunes filles juives et sabéennes, deux airs de Balkis et une marche empruntée au livret d’ » Ivan le Terrible « .
Alors livret insipide ou partition d’orchestre bâclée, critique injuste ou moment mal choisi, non-observance des règles mélodramatiques élémentaires ? Il est vrai qu’il est difficile de se prendre de sympathie pour les protagonistes. Comme le résumait de façon lapidaire le critique Johannes Weber dans » Le Temps « le 14 mars 1862 : » Quel intérêt peut éveiller une pièce où les six personnages les plus importants sont sots et ridicules, quand ils ne sont pas lâches, fourbes, scélérats et repoussants « . Il est vrai qu’Adoniram apparaît bien suffisant, parfois méprisant, y compris vis à vis de Balkis et qu’il ne doit son salut qu’à une intervention divine. Enfin, pour susciter l’empathie, le personnage principal doit être confronté au choix entre l’idéologie et l’amour or nul trace ici d’un tel déchirement. Les recettes habituelles d’une bonne intrigue sont donc absentes.
Cet échec restera une blessure majeure pour Charles Gounod qui à côté de quelques opéras mineurs, voire à peine joués quelques jours, a commis au moins trois chefs-d’oeuvre qui ont fait le tour du monde avec » Faust » , » Roméo et Juliette « et » Mireille « . Il confia même à un critique allemand qu’il avait entrepris un voyage pour se consoler d’un deuil familial en lui disant : » J’ai perdu une femme que j’aimais profondément : la Reine de SabaŠ « . Cet échec sera aussi à l’origine d’un épisode dépressif qui sera l’occasion pour lui de séjourner quelques temps chez son fidèle ami le Dr Blanche.
Ne pouvait-on donner une seconde chance à » La Reine de Saba « ? Sans doute pas de sitôt, car monter un opéra nécessite un long travail impliquant de nombreuses personnes : chef d’orchestre, metteur en scène, musiciens de l’orchestre et des choeurs, solistes, danseurs, chef de choeur et de ballet, costumiers et maquilleurs, décorateurs, machinistes quand ils ne sont pas en grève, etcŠ Si le succès commercial n’est pas là rapidement, il vaut mieux s’arrêter à temps. « La Reine de Saba « fut rejouée une fois en 1900 sans grand succès, une autre en 1969 à Toulouse sous la direction de Michel Plasson, dans une version avec de multiples coupures et vient donc enfin d’être donnée et enregistrée en Italie dans une version approximative. Enfin cette année, à Saint-Etienne, l’opéra est à nouveau joué, dans une version complète avec d’excellents ballets. Mais qu’il soit donc passé à la trappe en 1862 n’est pas étonnant et Charles Gounod connût d’autres échecs relatifs avec d’autres opéras: « La Nonne sanglante, Cinq-Mars, Polyeucte, Philémon et Baucis, Sapho, le Tribut de Zamora « . Ces titres ne sont guère connus et pour cause !
Le texte du livret est quand même bien curieux pour avoir été accepté par ce compositeur qui ne fut jamais Franc-Maçon, même s’il appelait sa chambre sa » Loge « , durant son séjour à la Villa Médicis à Rome.
Mais au fait, d’où vient-il ce livret ?
Relisons la page de garde de la partition de la maison Choudens : » La Reine de Saba, grand opéra en 5 actes de MM. Jules Barbier et Michel Carré mis en musique et dédié à son Excellence Monsieur le Comte Walewski-Colonna, ministre d’Etat, par Charles Gounod. Partition chant et piano arrangée par Georges Bizet -Paris, Choudens éditeur « .
On constate donc qu’il n’y est nullement fait référence à Gérard de Nerval dans cet intitulé. Cela pourrait s’expliquer honorablement par le fait qu’il pouvait être malséant ou simplement pas très commercial de rappeler le nom d’un écrivain suicidé et fou de surcroît. Le » fol délicieux « , le « suicidé de la société « , était mort, paix à ses cendres. Notons aussi au passage, qu’il n’avait pas d’héritiers pour défendre sa mémoireŠ
Pourtant c’est bien Gérard de Nerval qui fut l’inspirateur de cette histoire d’amour, histoire malheureuse bien sûr, comme il les aimait tant, blessé qu’il fut dans sa jeunesse par la non concrétisation de ses aspirations romantiques. Nerval a fréquenté un certain nombre d’illuminés, mais aussi de poètes de renom, souvent Francs-Maçons, très probablement sans l’être lui-même. S’il l’avait été, rassurez-vous les Francs-Maçons l’aurait revendiqué depuis longtemps ! Ainsi certains exégèses ont voulu à travers l’analyse de son portrait par E. Gervais, en déduire que son attitude, sa posture, la position de ses mains etcŠ révélaient qu’il était Maître Secret (4ème degré), voire Maître Parfait ( 5èmeème siècle, la multiplication des grades et rites, comme par exemple les 99 degrés de celui dit de » Memphis Misraïm « , font que toutes les poses immortalisées sur un daguerréotype doivent pouvoir donner lieu à des élucubrations fantasmatiques sur l’appartenance maçonnique éventuelle du poseur ! degré). Or, il est rare qu’on se prévale de ces tous premiers degrés des Hauts Grades et par ailleurs, surtout au 19
Mais d’ailleurs, est-ce primordial de connaître l’appartenance maçonnique éventuelle d’un auteur ? Cette particularité maçonnique n’a pas forcément la même valeur pour chacun. Deux baptisés catholiques ont-il pour autant la même foi ? On doit pouvoir être Maçon et n’avoir rien compris à la maçonnerie, de même qu’un non-Maçon peut avoir compris la portée de son symbolisme. C’est la thèse qui prévaudrait pour Gérard de Nerval. Il ne serait pas maçon, mais aurait une profonde connaissance des textes fondamentaux et des rites déjà divulgués au 19ème siècle. Il faut dire qu’avec sa traduction du Faust de Goethe, Gérard de Nerval fut rapidement au contact d’une littérature symbolique. Notons bien sûr que Charles Gounod a commis son chef d’oeuvre avec précisément ce même Faust du même auteur quelques années auparavant. C’est sa mère, Victoire Lemachois, qui lui avait glissé dans ses bagages la traduction qu’en avait faite Gérard de Nerval, lors de son départ à la Villa Médicis. Néanmoins ce thème a été couramment utilisé par les musiciens avec entre autres Boïto, Liszt, Schuman, Berlioz etcŠ
Par contre la légende d’Hiram servant de base aux rituels maçonniques de l’époque existait déjà, sous une forme condensée, retransmise en partie par voie orale. Il est vrai qu’Hiram est déjà cité dans la Bible ! Nerval l’a donc sciemment reprise à son propre compte pour en faire une assez longue nouvelle, au sein du recueil » Voyage en Orient « , écrit en effet après avoir visité le moyen Orient et notamment l’Egypte. On y appréciera la fluidité de sa prose et la clarté du propos sans adjonction de délires interprétatifs. On trouvera un symbolisme plus onirique dans d’autres oeuvres de Gérard de Nerval, comme par exemple » Aurélia « . La thèse qui prévaut tendrait donc à penser que l’auteur n’était pas Maçon, mais qu’il connaissait bien les rituels. Il a pu même s’amuser dans sa correspondance à laisser traîner quelques signes ambigus évocateurs. Par exemple, il se targue d’être » louveteau « , terme d’origine anglo-saxonne réservé à un mineur parrainé par un Maçon, comme il existe des » lionceaux « » Lyons « . Peut-être voulait-il seulement faire référence au fait que son père, le Dr. Labrunie, était maçon, tout comme le Dr. Blanche d’ailleurs. Enfin, certains ont même pu être convaincus de sa qualité maçonnique en justifiant néanmoins son absence des tableaux de Loges officiels par l’appartenance à une Loge » sauvage « , c’est à dire non inféodée aux obédiences officielles. L’argument devient spécieuxŠ parrainés par les membres du
Alors quid de Gérard de Nerval librettiste ?
Il faut tout d’abord savoir que l’écrivain avait un goût prononcé pour la musique. Il a ainsi fréquenté les plus grands musiciens de son temps : Liszt, avec qui il avait le projet d’écrire un » Second Faust « , Berlioz, Meyerbeer et Rossini. Il rêvait depuis longtemps d’écrire un livret d’opéra, dans le but avoué d’en offrir le rôle principal à l’élue de son coeur Jenny Colon. Il avait d’ailleurs projeté de réécrire le livret de » La Flûte enchantée « , ni plus ni moins ! Mais là, il envisageait pour la cantatrice de lui offrir le personnage de Balkis, Reine du Matin et non celui de la Reine de la Nuit qu’elle avait déjà chanté ! Gérard de Nerval avait dans un premier temps essayé de concrétiser son projet d’opéra avec Meyerbeer, qui avait connu le succès parisien en 1831 avec son » Robert le Diable « et qui était notoirement Franc-Maçon, mais ce désir ne fut pas couronné de succès, car celui-ci était pris par un autre sujet à ce moment. Nerval aurait pour cela écrit le premier acte et lui aurait envoyé, mais Meyerbeer l’aurait » gardé sous le coude » quelques années sans y donner suite et ensuite on n’en a plus trouvé la trace. Quelques années plus tard Nerval voyageant au Proche Orient en 1843, ayant enrichi sa connaissance du monde arabe insère alors l’histoire de Balkis au sein de nouvelles que narre un conteur professionnel dans un café turc. C’est d’ailleurs la façon dont se présentera la mise en scène lors de sa reprise cette année à Saint-Etienne, reprenant l’artifice du théâtre dans le théâtre cher à Shakespeare. Mais si Nerval en a probablement tiré effectivement un livret d’opéra en cinq actes, celui-ci a bien disparu.
Diverses hypothèses sont donc échafaudées :
- La dédicace de l’opéra au Comte Walewski propose une première piste. Le ministre dirigeait le journal » Le Messager » auquel Gérard de Nerval aurait aimé collaborer et les liens entre eux furent étroits. Or Alexandre Walewski fît jouer au Théâtre Français une comédie dont il s’attribua la paternité : » L’Ecole du Monde ou la Coquetterie sans le savoir « , laquelle aurait en fait été écrite par M. Gérard (comme on nommait Gérard de Nerval à l’époque). Certains inclinent donc à penser que Walewski aurait pu avoir le livret complet de » La Reine de Saba « et que devenu ministre d’un état autoritaire, il aurait pu le faire signer par Barbier et Carré devenus fournisseurs attitrés de Gounod et en accepter la dédicace. Dans le plan manuscrit de ses oeuvres complètes, quelques jours avant sa mort, Nerval à la rubrique » sujet » écrit : » La Reine de Saba, 5a . Halèvy « , ce qui dans sa terminologie pourrait signifier qu’il ne s’agissait que d’un projet, car quand ceux-ci étaient achevés, c’était en règle précisé.
- Deuxième hypothèse à partir d’une certitude : Nerval connaissait Michel Carré. On trouve ainsi dans sa correspondance une lettre du 7 mars 1854 concernant un projet d’opéra comique sur le thème de son proverbe » Corilla « . On peut imaginer qu’il aurait plus tard reçu un livret complet de » La Reine de Saba « et qu’il l’aurait adapté en le simplifiant. Ou encore, puisque Meyerbeer avait reçu le premier acte, la suite a peut-être existé et aurait pu être retrouvé dans les archives de l’Opéra, où les librettistes l’auraient retrouvée et adaptée, honorant ainsi la mémoire de l’écrivain dans un » pieux larcin « Š Notons que la première rencontre entre Charles Gounod et ces fameux librettistes eut lieu en 1856.
La troisième hypothèse reste la plus vraisemblable : puisqu’il s’agissait d’un désir exprimé de la part de Nerval, Barbier et Carré auraient eux-même écrit entièrement le livret à partir des » Nuits du Ramazan « , avec une adaptation très proche du texte à quelques exceptions près que leur connaissance de l’opéra leur suggérait. Quelques éléments de la nouvelle de Nerval se trouvent transformés dans un souci d’efficacité lyrique et mélodramatique. Ainsi par exemple, il est malséant de mourir dès le début d’un opéra et donc Bénoni, le fidèle et dévoué apprenti qui meurt avant la fonte de la mer d’airain chez Nerval survivra chez Gounod. Pour ce qui est de l’écriture, partant du texte initial, les librettistes en font une réduction en prose pour la versifier secondairement. Si le procédé » colle au texte » facilement pour une pièce de théâtre, il en est bien entendu tout autre pour un récit romanesque, la description des lieux et des actions ne se prêtant guère à la forme narrative, sauf à imaginer l’intervention d’un récitant, qui casse toujours un peu l’ambiance et le rythme. L’absence in fine du nom de Nerval obéissant donc comme on l’a vu, à des règles de » marketing « , plus qu’à une volonté éhontée de plagiat.
Une dernière hypothèse est soulevée par André Lebois. On ne présente à un compositeur avéré qu’une oeuvre complète. Le livret de » la Reine de Saba « existerait donc, peut-être rédigé avec l’aide de Michel Carré et puisque Meyerbeer est indisponible, Nerval s’adresse à Halévy, qui en est le poulain et qui vient d’écrire » Charles VI « et » la Reine de Chypre « . Cela faisait beaucoup de souverains et craignant peut-être la raillerie en ajoutant une » Reine de Saba « , Halévy déclina l’offre. Et ce serait alors Halévy qui aurait fait appel à Gounod et Bizet (qui avait épousé la fille d’Halèvy) en a donc arrangé la partition pour piano. Barbier et Carré auraient purement gardé le livret de Nerval, avec pour toute contribution la suppression du tableau de la descente aux enfer, car » Faust « avait déjà présenté la » Nuit de Walpurgis « , et cela aurait un peu fait doublon. Ils auraient rajouté, car Gounod appréciait cette forme musicale, la scène du choeur des juives et des sabéennes. Le livret original de Nerval n’a jamais été retrouvé, il aurait évidemment été détruit, peut être par Nerval lui-même d’ailleurs. Cette hypothèse n’est évidemment pas la plus glorieuse, elle reste hélas plausible, Gérard de Nerval s’étant fait dépossédé de plusieurs projets au cours de sa carrière.
Son oeuvre ne sera donc mise en musique que quinze ans après son projet initial. Gérard de Nerval était déjà mort depuis quelques années, Jenny Colon aussi. On ne trouve donc pas trace dans sa correspondance d’un projet avec Charles Gounod. L’avait-il évoqué entre eux où n’était-ce que le fruit des intermédiaires ? On ne le saura jamais. Et s’ils ont tous deux fréquenté la maison du Dr Blanche, c’est de façon indépendante dans le temps et par ailleurs, Gérard de Nerval n’assistait pas aux réunions musicales qu’organisait le psychiatre.
Alors puisque ni le compositeur ni l’écrivain n’étaient Francs-Maçons, peut être faudrait-ils s’intéresser aux librettistes ? Car à part Wagner qui écrivait les textes de ses opéras, habituellement les compositeurs font appel à des librettistes. Ceux-ci sont en quelques sortes les paroliers qui à partir d’un thème littéraire proposent des paroles pour le mettre en musique. C’est une écriture en règle réductrice mais efficace, comme pour le dialoguiste au cinéma. Pour n’avoir pas eu recours à un librettiste de métier, Claude Achille Debussy s’est retrouvé dans une impasse quand il s’est agit d’écrire un opéra du nom d’ » Orphée « . Il y avait une inadéquation entre le style littéraire que lui proposait le Dr Segalen et l’efficacité d’une écriture nécessairement plus concise. C’est sans doute pour cela que les poèmes peuvent néanmoins être plus facilement mis en musique. En l’occurrence pour Charles Gounod, il s’agissait de ses librettistes attitrés de longue date, Barbier et Carré, dont les autres livrets connus ne sont nullement maçonniques et qui n’étaient pas Francs-Maçons eux-même. Toutefois le livret reste in fine sous la responsabilité du compositeur et il est douteux qu’on ait pu lui faire accepter une telle histoire sans son assentiment. Il ne s’agissait en effet pas d’une quelconque légende appartenant à la culture commune de cette époque, même si le goût pour l’orientalisme était naissant. Charles Gounod, était en effet un catholique fervent, ayant même passé quelques temps au séminaire en se prévalant à l’époque du titre d’abbé. Plus tard il composera de nombreuses messes, oratorio, Te Deum, Requiem, Gloria, Ave Maria, pièces pour orgue, marche pontificale etcŠ La Maçonnerie d’alors, non pas dans ses principes mais dans sa sociologie, était assez anticléricale et cela paraît assez antinomique avec sa personnalité. Charles Gounod était homme de grande culture, fin lettré et ami de tout le monde artistique de l’époque. Chrétien catholique convaincu, tendance christianisme social, il avait su se frotter aux philosophes et découvrir que l’Amour de l’autre était la seule solution durable pour la sauvegarde de notre univers. Mais si on retrouve dans sa correspondance une lettre du Sâr Peladan, nulle trace par contre de la Maçonnerie, organisation qu’il ne pouvait méconnaître. Quant à la légende d’Hiram, elle préexiste bien entendu à l’oeuvre de Gérard de Nerval, puisque la naissance de la Maçonnerie en tant que corps constitué, date de 1717, à l’époque des Constitutions d’Anderson qui en fixent les principes et règlements. Gérard de Nerval, intéressé de longue date par divers courants ésotériques a donc repris de façon enjolivée et romantique la légende qui servait de support au rituel maçonnique, sous forme d’un conte d’une centaine de pages où figurent quelques belles considérations sur la vanité du pouvoir temporel et la fragilité des institutions et civilisations qui reposeraient sur un principe ou une base matérielle fragiles. Pour autant, certains chapitres reprennent mot pour mot des phrases des rituels maçonniques, tels qu’ils étaient déjà dévoilés à l’époque, venant par exemple au chapitre intitulé » Makbenah » expliciter une phase essentielle du rituel de la maîtrise.
Cet opéra reste donc un mystère : comment l’oeuvre la plus explicitement maçonnique du répertoire français du 19ème peut-elle être le fruit d’un non-Maçon ? Reste que ce compositeur a peut-être été Franc-Maçon sans que je le sache, mais outre que la Maçonnerie a tendance à se glorifier de ses membres célèbres et que je ne l’ai jamais entendu nommer à ce titre, il me semble que je l’aurais de toutes façon su, puisque ce compositeur était donc mon arrière-arrière grand-père et qu’à travers ses objets personnels ou sa nombreuse correspondance, nulle allusion n’a jamais été retrouvée concernant la Maçonnerie.
- Alors s’agissait-il d’une incartade volontaire et éclairée, fut-ce un incident de parcours non significatif, ou Charles Gounod fut-il la victime involontaire d’un intermédiaire parfaitement au courant, le secret n’est pas prêt d’être élucidé !
Nicolas GOUNOD, Mars 2003
Bibliographie :
- « Gounod » par J.G . Prod’homme et A. Dandelot (Librairie Charles Delagraves, 1911)
- « Voyage en Orient » de Gérard de Nerval
- « Les musiciens et la Franc-Maçonnerie » de Gérard Gefen (Les chemins de la musique chez Fayard)
- « La légende d’Hiram et les initiations traditionnelles » de Daniel Beresniak, édité par l’auteur en 1976
- « Gérard de Nerval » in Encyclopedia Universalis
- « La Franc-Maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes, volume 3, le Maître », d’Oswald Wirth chez Dervy.
- « La musique maçonnique et les musiciens » de Roger Cotte en 1987
- « Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie » de Daniel Ligou, Paris 1987
- « Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie et des Francs-Maçons » d’Allec Mellor, Paris 1975
- « Histoire générale de la Franc-Maçonnerie » de Paul Naudon, Paris 1987
- La Bible, Livre des Rois.
- L’oeuvre de Gérard de Nerval, dans » La Pléiade » annotée par Albert Béguin et Jean Richer
- Gérard de Nerval et les doctrines ésotériques, par Jean Richer en 1947
- « Histoire de la Reine du Matin et de Soliman Prince des génies » ou « Les extravagances de Gérard de Nerval ». Revue Quo Vadis ?
- Gérard de Nerval, librettiste, Ecrits de Paris de juillet 1971 et janvier 1972 par André Coeuroy.
- « Fabuleux Nerval » en 1972 chez Denoël, par André Lebois
Discographie :
- « La Reine de Saba » de Charles Gounod
* avec Francesca Scaini, Jean-Won Lee, Anna Lucia Alessio, Annalisa Carbonara, Luca Grassi, Salvatore Cordella. Direction Manlio Benzi. Bratislava Chamber Choir. Orchestra Internazionale d’Italia. 2002. Dynamic. CDS 387/1-2
* avec Suzanne Sarroca, Gérard Serkoyan, Gilbert Py, Yvonne Dalou, Jean-Paul Calfi, Henry Amiel, Gerad Blatt. Direction Michel Plasson. Toulouse 1969.
* Extraits: air de Balkis « Plus grand dans son obscurité », Françoise Pollet, Orchestre philharmonique de Montpellier, direction Cyril Diederich, 1CD Erato Musifrance 1990.
* Extraits: « Valse » du 2e Acte, London Symphony Orchestra, Direction Richard Bonynge; ‘Ballet Gala &endash;Ballet Music from Opera’ (avec oeuvres de Rossini, Donizetti, Massenet, Berlioz, Saint-Saëns). Enregistré: 1972, Decca 444 198-2
* Air D’Adoniram par Gustave Botiaux Récital n°3 ORPHEE LDO B 21051-51052
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L’Egalité 24 avril, 2008
Posté par hiram3330 dans : Contribution,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaireL’EGALITE
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » affirme l’article 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26/ 08/1789.
Les hommes du siècle des Lumières, rédacteurs de cette Déclaration, se sont bien gardés d’indiquer que les hommes naissent égaux. Ils ont précisé que cette égalité était réduite au domaine du droit.
En effet, il aurait été mensonger et utopique de ne pas apporter cette précision, car il est évident que les hommes naissent inégaux.
Inégalités physiques, sociales, renforcées selon la partie de la planète qui nous voit naître par une inégalité dans l’accès à l’eau, la nourriture, les soins médicaux, le savoir, le progrès, la justice, les acquisitions des libertés primaires.
L’égalité n’est donc pas le fait de la Loi de la Nature, mais bien le fruit de la Loi des Hommes. Le maintien de cette égalité demande une vigilance de tous les instants, car vite serait actée sa disparition puisque l’instinct primitif de l’Homme, instinct animal, le pousse à dominer par la force sur le plus faible et à le soumettre à « la Loi du plus fort ».
Mais, qu’est-ce que l’Egalité? qui la réclame? Comment la mettre en application? Et pourquoi , finalement, l’Homme consent-il à abdiquer une partie de sa puissance au nom de cet idéal?
Qu’est-ce que l’Egalité?
La définition donnée par le Larousse indique notamment, « principe selon lequel tous les hommes possédant une égale dignité doivent être traités d’une manière égale (égalité civile : mêmes droits mêmes devoirs devant la Loi, égalité politique: même droit de gouvernement) ».
Même la définition du dictionnaire limite le domaine où peut s’étendre l’égalité.
L’Egalité avec un grand E n’existe pas, elle est constituée de la somme de petites égalités accessibles non pas spontanément mais par le biais des règles de morale ou la Loi.
Quelles sont ces égalités?
Est-ce que égalité est uniformité? Identité?
Faut-il à l’aide de manipulations génétiques donner aux hommes la même apparence physique? Faut-il leur donner un travail identique? Un salaire identique? Une instruction identique? Brimer au nom de l’identité tout ce qui fait la particularité d’un être humain par rapport à un autre?
Sans parler des dérives « raciales » que nous avons déjà connu que nous ne pouvons cautionner, il s’ensuivrait un patrimoine génétique appauvri qui nous mettrait à la merci de la consanguinité et des attaquent virales ou bactériologiques.
Un travail ou un salaire identique amènent , nous l’avons vu depuis le déclin du communisme, une chute de l’esprit d’entreprendre qui est le moteur nécessaire au progrès intellectuel, scientifique et économique d’un pays.
Nous ne pouvons que suivre Victor Hugo qui affirme dans Quatre-vingt-treize » J’ai dit l’égalité. Je n’ai pas dit l’identité ».
Est-ce que égalité est parité?
La parité veut asseoir l’égalité homme-femme dans la vie civile, politique, sociale et professionnelle en la résumant en une règle mathématique. 50% de femmes et 50% d’hommes. Peut-on ramener l’égalité à son sens purement mathématique? N’est-elle pas du domaine du subjectif plutôt qu’objectif? Elle ne peut s’additionner, se soustraire, se multiplier. Elle relève davantage du domaine des sentiments que du domaine cartésien.
Et cette parité n’induirait-elle pas des inégalités flagrantes dans certains secteurs sociaux-professionnels ou politique où les femmes sont minoritaires et où, du coup, elles auraient plus de chance que les hommes? Et inversement pour les hommes dans les secteurs où ils sont minoritaires?
On pourra dire la même chose de la « discrimination positive » où déjà rien que dans l’intitulé on peut sérieusement s’interroger. Le mot discrimination étant antinomique de égalité.
Comment vouloir comptabiliser une égalité en retenant des critères raciaux ou sociaux?
L’égalité vraie et pure ne doit-elle pas s’affranchir de critères discriminant tels que le sexe et la race?
Plutôt que parité et discrimination positive, on devrait parler et défendre l’égalité des chances.
L’égalité des chances
L’égalité des chances s’obtient, à la base, par une égalité dans l’accès au savoir. Et, dans ce rôle, l’école laïque est déterminante.l’école de la République offre une vraie égalité des chances, même si c’est perfectible dans les établissement scolaires situés en zones difficiles.
Victor Hugo, encore lui, écrit dans Les Misérables : « l’égalité a un organe: l’instruction gratuite et obligatoire ».
L’égalité des chances doit être renforcée par » à travail égal , salaire égal », garant d’une égalité professionnelle qui bénéficie en premier lieu aux femmes, premières victimes.
Après cette égalité des chances, il faut aussi se battre pour l’égalité à l’accès aux soins et l’égalité devant la Loi.
Comment faire appliquer l’égalité?
La Loi, justement, est gardienne de toutes ces égalités. Car l’égalité est affaire de Lois et non de Nature.
La force est souvent nécessaire pour faire appliquer ces lois.
Egalité passe par Justice et Force.
Et là, commence l’autre problématique, les lois égalitaires ne sont-elles pas une atteinte aux libertés? L’Egalité pour exister ne rogne-t-elle pas notre liberté, où commence l’égalité, où commence l’injustice?
Dirons-nous, avec Edmond et Jules de Goncourt que « l’égalité est la plus horrible des injustices »?
Il est vrai que l’homme fort ou « supérieur » trouvera cela injuste, car comme le disait Henry Becque « le défaut de l’égalité, c’est que nous la voulons qu’avec nos supérieurs ».
Celui qui est contraint à l’égalité le vivra comme une injustice éhontée, celui qui accède à l’égalité le vivra comme un droit.
Il est à noter que parfois l’égalité peut conduire à l’injustice, et dans ce cas, l’égalité la moins contestable est l’équité. En effet, une égalité qui ne peut être régulée et maintenue que par le biais de la Loi et de la force publique, ignore trop souvent les subtilités, les nuances, les cas particuliers. Et le chemin est alors ouvert à l’injustice. Il faut alors espérer en l’équité des tribunaux et des Hommes pour remettre la situation dans toute son égalité.
Autres vecteurs de l’égalité, nous avons les accords internationaux, le mécénat, l’aide humanitaire, le bénévolat.
Qui réclame l’égalité?
Nous l’avons vu, ceux qui réclament essentiellement l’égalité sont ceux qui souffrent d’inégalités; les plus faibles.
Citons dans le désordre, les femmes, les enfants, les classes sociales les plus défavorisées, ceux qui ne sont pas nés sur la » meilleure partie » de la planète.
Pourquoi ce besoin d’égalité? et pourquoi ceux qui pourraient appliquer la » loi du plus fort » acceptent-ils de se plier à ces règles égalitaires?
L’homme n’est pas réduit à son animalité. Il a une conscience et est doué de raison. Et, raison et conscience l’aident à juguler ses instincts primitifs.
Les religions, les philosophies, les règles de morales étant passées par là, l’Homme se rend compte qu’il est un drôle d’animal qui veut devenir meilleur et qui se cherche des frères.
Qui suppose frères présuppose égalité.
Notre frère étant notre égal.
Conclusion
L’égalité parfaite avec un grand E n’existe pas et n’est pas souhaitable. Elle se manifeste davantage comme la somme de différentes égalités dont la plus importante pourrait être l’égalité des chances dans tous les domaines.
Cette ou ces égalités ne peuvent subsister sans justice ni force.
Elles s’expriment toujours dans la fraternité entre les hommes.
Malicia Cobs
ANTIMACONNISME 20 avril, 2008
Posté par hiram3330 dans : Chaine d'union,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaire
ANTIMACONNISME
L’antimaçonnisme est né avec la franc-maçonnerie. La peur du secret et du mystère pousse certaines personnes à l’hostilité, concernant les loges maçonniques. Dans la plupart des cas, la méfiance du grand public à l’égard des francs-maçons alterne avec l’indifférence. Mais il existe un antimaçonnisme organisé en doctrine, il est propagé par les mouvements religieux intégristes, l’extrême-droite et tout régime totalitaire.
En France, l’antimaçonnisme a laissé des traces dans la littérature.
Maupassant avait été pressenti par l’écrivain Catulle Mendes pour devenir franc-maçon en 1876. L’auteur de Bel ami refusa car il méprisait les idéaux quels qu’ils fussent.
Il n’est donc pas étonnant de voir la franc-maçonnerie mise à mal par Maupassant dans la nouvelle « Mon oncle Sosthène ».
MON ONCLE SOSTHENE
Mon oncle Sosthène était un libre-penseur comme il en existe beaucoup, un libre-penseur par bêtise. On est souvent religieux de la même-façon. La vue d’un prêtre le jetait en des fureurs inconcevables ; il lui montrait le poing, lui faisait des cornes, et touchait du fer derrière son dos, ce qui indique déjà une croyance, la croyance du mauvais oeil. Or, quand il s’agit de croyances irraisonnées, il faut les avoir toutes ou n’en avoir pas du tout. Moi qui suis aussi libre-penseur, c’est-à-dire un révolté contre tous les dogmes que fit inventer la peur de la mort, je n’ai pas de colère contre tous les temples, qu’ils soient catholiques, apostoliques, romains, protestants, russes, grecs, bouddhistes, juifs, musulmans. et puis, moi, j’ai une façon de les considérer et de les expliquer. Un temple, c’est un hommage à l’inconnu. Plus la pensée s’élargit, plus l’inconnu diminue, plus les temples s’écroulent. Mais, au lieu d’y mettre des encensoirs, j’y placerais des télescopes et des microscopes et des machines électriques. Voilà !
Mon oncle et moi nous différions sur presque tous les points. Il était patriote, moi je ne le suis pas, parce que le patriotisme, c’est encore une religion. C’est l’oeuf des guerres.
Mon oncle était franc-maçon. Moi, je déclare les francs-maçons plus bêtes que les vieilles dévotes. C’est mon opinion et je la soutiens. Tant qu’à avoir une religion, l’ancienne me suffirait.
Ces nigauds-là ne font qu’imiter les curés. Ils ont pour symbole un triangle au lieu d’une croix. Ils ont des églises qu’ils appellent des Loges avec un tas de cultes divers : le rite Ecossais, le Rite Français, le Grand-Orient, une série de balivernes à crever de rire.
Puis, qu’est-ce qu’ils veulent ? Se secourir mutuellement en se chatouillant le fond de la main. Je n’y vois pas de mal. Ils ont mis en pratique le précepte chrétien : « Secourez-vous les uns les autres. » La seule différence consiste dans le chatouillement. Mais, est-ce la peine de faire tant de cérémonies pour prêter cent sous à un pauvre diable ? Les religieux, pour qui l’aumône et le secours sont un devoir et un métier, tracent en tête de leur épîtres trois lettres : J.M.J. Les francs-maçons posent trois points en queue de leur nom. Dos à dos, compères.
Mon oncle me répondait : « Justement nous élevons religion contre religion. Nous faisons de la libre pensée l’arme qui tuera le cléricalisme. La franc-maçonnerie est la citadelle où sont enrôlés tous les démolisseurs de divinités. »
Je ripostais : « Mais, mon bon oncle (au fonds je disais : « vieille moule »), c’est justement ce que je vous reproche. Au lieu de détruire, vous organisez la concurrence ; ça fait baisser les prix, voilà tout. Et puis encore, si vous n’admettiez parmi vous que des libres penseurs, je comprendrais ; mais vous recevez tout le monde. Vous avez des catholiques en masse, même des chefs du parti. Pie IX fut des vôtres, avant d’être pape. Si vous appelez une Société ainsi composée une citadelle contre le cléricalisme, je la trouve faible, votre citadelle. »
Alors, mon oncle, clignant de l’oeil, ajoutait : « Notre véritable action, notre action la plus formidable a lieu en politique. Nous sapons, d’une façon continue et sûre, l’esprit monarchique. »
Cette fois j’éclatais. « Ah ! oui, vous êtes des malins ! Si vous me dites que la Franc-Maçonnerie est une usine à élections, je vous l’accorde ; qu’elle sert de machine à faire voter pour les candidats de toutes nuances, je ne le nierai jamais ; qu’elle n’a d’autre fonction que de berner le bon peuple, de l’enrégimenter pour le faire aller à l’urne comme on envoie au feu les soldats, je serai de votre avis ; qu’elle est utile, indispensable même à toutes les ambitions politiques parce qu’elle change chacun de ses membres en agent électoral, je vous crierai : « C’est clair comme le soleil ! » Mais si vous me prétendez qu’elle sert à saper l’esprit monarchique, je vous ris au nez.
« Considérez-moi un peu cette vaste et mystérieuse association démocratique, qui a eu pour grand-maître, en France, le prince Napoléon sous l’Empire ; qui a pour grand-maître, en Allemagne, le prince héritier ; en Russie le frère du czar ; dont font partie le roi Humbert et le prince de Galles ; et toutes les caboches couronnées du globe ! »
Cette fois mon oncle me glissait dans l’oreille : « C’est vrai, mais tous ces princes servent nos projets sans s’en douter.
- Et réciproquement, n’est-ce pas ? »
Et j’ajoutais en moi : « Tas de niais ! »
Et il fallait voir mon oncle Sosthène offrir à dîner à un franc-maçon.
Ils se rencontraient d’abord et se touchaient les mains avec un air mystérieux tout à fait drôle, on voyait qu’ils se livraient à une série de pressions secrètes. Quand je voulais mettre mon oncle en fureur je n’avais qu’à lui rappeler que les chiens aussi ont une manière tout franc-maçonnique de se reconnaître.
Puis mon oncle emmenait son ami dans les coins, comme pour lui confier des choses considérables ; puis, à table, face à face, ils avaient une façon de se considérer, de croiser leurs regards, de boire avec un coup d’oeil comme pour se répéter sans cesse : « Nous en sommes, hein ? «
Et penser qu’ils sont ainsi des millions sur la terre qui s’amusent à ces simagrées ! J’aimerais encore mieux être jésuite.
Or, il y avait dans notre ville un vieux jésuite qui était la bête noire de mon oncle Sosthène. Chaque fois qu’il le rencontrait, ou seulement s’il l’apercevait de loin, il murmurait : « Crapule, va ! » Puis me prenant le bras, il me confiait dans l’oreille : « Tu verras que ce gredin-là me fera du mal un jour ou l’autre. Je le sens. «
Mon oncle disait vrai. Et voici comment l’accident se produisit par ma faute.
Nous approchions de la semaine sainte. Alors, mon oncle eut l’idée d’organiser un dîner gras pour le vendredi, mais un vrai dîner, avec andouille et cervelas. Je résistai tant que je pus ; je disais : « Je ferai gras comme toujours ce jour-là, mais tout seul, chez moi. C’est idiot, votre manifestation. Pourquoi manifester ? en quoi cela vous gêne-t-il que des gens ne mangent pas de la viande ? »
Mais mon oncle tint bon. Il invita trois amis dans le premier restaurant de la ville ; et comme c’était lui qui payait, je ne refusai pas non plus de manifester.
Dès quatre heures, nous occupions une place en vue au café Pénélope, le mieux fréquenté ; et mon oncle Sosthène, d’une voix forte, racontait notre menu.
A six heures on se mit à table. A dix heures, on mangeait encore ; et nous avions bu, à cinq, dix-huit bouteilles de vin fin, plus quatre de champagne. Alors mon oncle proposa ce qu’il appelait la « tournée de l’archevêque ». On plaçait en ligne, devant soi, six petits verres qu’on remplissait avec des liqueurs différentes ; puis il les fallait vider coup sur coup pendant que des assistants comptaient jusqu’à vingt. C’était stupide ; mais oncle Sosthène trouvait cela « de circonstance ».
A onze heures, il était gris comme un chantre. Il le fallut emporter en voiture, et mettre au lit ; et déjà on pouvait prévoir que sa manifestation anticléricale allait trourner en une épouvantable indigestion.
Comme je rentrais à mon logis, gris moi-même, mais d’une ivresse gaie, une idée machiavélique, et qui satisfaisait tous mes instincts de septicisme, me traversa la tête.
Je rajustai ma cravate, je pris un air désepéré, et j’allai sonner comme un furieux à la porte du vieux jésuite. Il était sourd ; il me fit attendre. Mais comme j’ébranlais toute la maison à coups de pieds, il parut enfin, en bonnet de coton, à sa fenêtre, et demanda : « Qu’est-ce qu’on me veut ? «
Je criai : « Vite, vite, mon révérend Père, ouvrez-moi, c’est un malade désespéré qui réclame votre saint ministère ! »
Le pauvre bonhomme passa tout de suite un pantalon et descendit sans soutane. Je lui racontai d’une voix haletante, que mon oncle libre penseur, saisi soudain d’un malaise terrible qui faisait prévoir une très grave maladie, avait été pris d’une grande peur de la mort, et qu’il désirait le voir, causer avec lui, écouter ses conseils, connaître mieux les croyances, se rapprocher de l’Eglise, et, sans doute, se confesser, puis communier, pour franchir, en paix avec lui-même, le redoutable pas.
Et j’ajoutai d’un ton frondeur : « Il le désire, enfin. Si cela ne lui fait pas de bien cela ne lui fera pas de mal. »
Le vieux jésuite, effaré, ravi, tout tremblant, me dit : « Attendez-moi une minute, mon enfant, je viens. » Mais j’ajoutai : « Pardon, mon révérend Père, je ne vous accompagnerai pas, mes convictions ne me le permettent point. J’ai même refusé de venir vous chercher ; aussi je vous prierai de ne pas avouer que vous m’avez vu, mais de vous dire prévenu de la maladie de mon oncle par une espèce de révélation. »
Le bonhomme y consentit et s’en alla, d’un pas rapide, sonner à la porte de mon oncle Sosthène. La servante qui soignait le malade ouvrit bientôt ; et je vis la soutane noire disparaître dans cette forteresse de la libre pensée.
Je me cachai sous une porte voisine pour attendre l’événement. Bien portant, mon oncle eût assomé le jésuite, mais je le savais incapable de remuer un bras, et je me demandais avec une joie délirante quelle invraisemblable scène allait se jouer entre ces deux antagonistes ? Quelle lutte ? quelle explication ? quelle stupéfaction ? quel brouillamini ? et quel dénouement à cette situation sans issue, que l’indignation de mon oncle rendrait plus tragique encore !
Je riais tout seul à me tenir les côtes ; je me répétais à mi-voix : « Ah ! la bonne farce, la bonne farce ! »
Cependant il faisait froid, et je m’aperçus que le jésuite restait bien longtemps. Je me disais : « Ils s’expliquent . »
Une heure passa, puis deux, puis trois. Le révérend Père ne sortait point. Qu’était-il arrivé ? Mon oncle était-il mort de saisissement en le voyant ? Ou bien avait-il tué l’homme en soutane ? Ou bien s’étaient-ils entremangés ? Cette dernière supposition me sembla peu vraisemblable, mon oncle me paraissant en ce moment incapable d’absorber un gramme de nourriture de plus. Le jour se leva.
Inquiet, et n’osant pas entrer à mon tour, je me rappelai qu’un de mes amis demeurait juste en face. J’allai chez lui ; je lui dis la chose, qui l’étonna et le fit rire, et je m’embusquai à sa fenêtre.
A neuf heures, il prit ma place, et je dormis un peu. A deux heures, je le remplaçai à mon tour. Nous étions démesurement troublés.
A six heures, le jésuite sortit d’un air pacifique et satisfait, et nous le vîmes s’éloigner d’un pas tranquille.
Alors honteux et timide, je sonnai à mon tour à la porte de mon oncle. La servante parut. Je n’osai l’interroger, et je montai, sans rien dire.
Mon oncle Sosthène, pâle, défait, abattu, l’oeil morne, les bras inertes, gisait dans son lit. Une petite image de piété était piquée au rideau avec une épingle.
On sentait fortement l’indigestion dans la chambre.
Je dis : « Eh bien, mon oncle, vous êtes couché ? Ca ne vas donc pas ? »
Il répondit d’une voix accablée : « Oh ! mon pauvre enfant, j’ai été bien malade, j’ai failli mourir.
- Comment ça, mon oncle ?
- Je ne sais pas ; c’est bien étonnant. Mais ce qu’il y a de plus étrange, c’est que le père jésuite qui sort d’ici, tu sais, ce brave homme que je ne pouvais souffrir, eh bien, il a eu une révélation de mon état, et il est venu me trouver. »
Je fus pris d’un effroyable besoin de rire. « Ah ! vraiment ?
- Oui, il est venu. Il a entendu une voix qui lui disait de se lever et de venir parce que j’allai mourir. C’est une révélation. »
Je fis semblant d’éternuer pour ne pas éclater. J’avais envie de rouler par terre.
Au bout d’une minute, je repris d’un ton indigné, malgré les fusées de gaieté : « Et vous l’avez reçu, mon oncle, vous ? un libre penseur ? un franc-maçon ? Vous ne l’avez pas jeté dehors ? »
Il parut confus, et balbutia : « Ecoute donc, c’était si étonnant, si étonnant, si providentiel ! Et puis il m’a parlé de mon père. Il a connu mon père autrefois.
- Votre père, mon oncle ?
- Oui, il paraît qu’il a connu mon père.
- Mais ce n’est pas une raison pour recevoir un jésuite.
- Je le sais bien, mais j’étais malade, si malade ! Et il m’a soigné avec un grand dévouement toute la nuit. Mais vous m’avez dit tout de suite qu’il sortait seulement d’ici.
- Oui, c’est vrai. Comme il s’était montré excellent à mon égard, je l’ai gardé à déjeuner. Il a mangé là auprès de mon lit, sur une petite table, pendant que je prenais une tasse de thé.
- Et… il a fait gras ? »
Mon oncle eut un mouvement froissé, comme si je venais de commettre une grosse inconvenance ; et il ajouta :
« Ne plaisante pas, Gaston, il y a des railleries déplacées. Cet homme m’a été en cette occasion plus dévoué qu’aucun parent ; j’entends qu’on respecte ses convictions. »
Cette fois, j’étais atteré ; je répondis néanmoins : « Très bien, mon oncle. Et après le déjeuner, qu’avez-vous fait ?
- Nous avons joué une partie de bésigue, puis il a dit son bréviaire, pendant que je lisais un petit livre qu’il avait sur lui, et qui n’est pas mal écrit du tout.
- Un livre pieux, mon oncle ?
- Oui et non, ou plutôt non, c’est l’histoire de leur missions dans l’ Afrique centrale. C’est plutôt un livre de voyages et d’aventures. C’est très beau ce qu’ils ont fait là, ces hommes. »
Je commençais à trouver que ça tournait mal. Je me levai : « Allons, adieu, mon oncle, je vois que vous quittez la franc-maçonnerie pour la religion. Vous êtes un renégat. »
Il fut encore un peu confus et murmura : « Mais la religion est une espèce de franc-maçonnerie. »
Je demandai : « Quand revient-il, votre jésuite ? « Mon oncle balbutia : « Je… je ne sais pas, peut-être demain… ce n’est pas sûr. »
Et je sortis, absolument abasourdi.
Elle a mal tourné, ma farce ! Mon oncle est converti radicalement. Jusque-là, peu m’importait. Clérical ou franc-maçon, pour moi, c’est bonnet blanc et blanc bonnet ; mais le pis, c’est qu’il vient de tester, oui, de tester et de me déshériter, monsieur, en faveur du père Jésuite. »
LES DOCUMENTS MACONNIQUES
En juin 1998, dans un but historique relevant d’un nécessaire devoir de mémoire, les Editions du Dragon ont réédité en fac-similé les « 33 numéros des Documents Maçonniques », parus d’octobre 1941 à juin 1944, qui représentent un millier de pages à travers 200 articles rédigés par la fine fleur de l’antimaçonnisme et de l’antisémitisme : Robert Vallery-Radot, Bernard Faÿ (administrateur de la Bibliothèque Nationale sous l’Occupation), Jean Marquès-Rivière (auteur du film antimaçonnique « Forces Occultes « ) et l’irréductible Henry Coston.
Cet ensemble est précédé d’un remarquable avertissement rédigé par Bernard Prou et William Piccione.
Le travail minutieux de réédition et de présentation de cette pièce historique a pour but d’éveiller les consciences et de les avertir que la « peste brune » est toujours aux aguets. Pour preuve, Henry Coston, le vieillard antisémite et antimaçon a tenté d’empêcher la diffusion des « Documents maçonniques ». Le vieux haineux était impliqué dans ces revues, il avait déversé toute sa bile dans huit articles qui pouvaient le condamner à la vindicte publique (s’il en était encore besoin). Fort heureusement, ses prétentions extravagantes ont été déboutées. Mais les Editions du Dragon ont dû batailler et il serait bon que leur travail soit connu comme il le mérite. Nous vous recommandons donc vivement de souscrire un abonnement aux « Documents Maçonniques » disponibles à l’adresse suivante :
Les Editions du Dragon – Médiadem S.A.4, avenue Prince Héréditaire Albert –
B.P. 484 – MC 98012 MONACO
Le prix du coffret est de 990 francs (payable en trois fois sans frais), il comprend les 33 revues, un numéro de « document du temps présent » consacré à la franc-maçonnerie, le symbole de l’équerre et du compas en métal doré, un feuillet de six pages regroupant les principaux articles de presse concernant la répression antimaçonnique sous le gouvernement de Vichy et un remarquable cahier d’avertissement de lecture aux 33 « Documents Maçonniques » composé par des historiens avertis.
FORCES OCCULTES (1943)
Le film antimaçonnique « Forces occultes » fut créé par Jean Marquès-Rivière, un ex-frère tombé dans l’antimaçonnisme dans les années trente. Le film est habilement réalisé grâce à des moyens importants. L’Allemagne nazie a largement contribué à la production de « Forces occultes ». Les scènes principales ont été tournées au palais Bourbon et dans une loge reconstituée avec le matériel confisqué aux francs-maçons par la police de Vichy.
Le scénario est fondé sur l’antiparlementarisme, une scène du film montre la manifestation partiellement fasciste du 6 février 1934 au cours de laquelle la police républicaine avait dû intervenir violemment. Les fascistes des années trente sont donc considérés comme les martyrs du régime parlementariste de la IIIè République.
L’antisémitisme et l’antimaçonnisme sont, évidemment, les ingrédients principaux de la trame filmique.
L’idéal vichyste est incarné par le député nationaliste Avenel. « Naïf », il accepte de se faire initier au Grand-Orient. Le réalisateur tente de montrer aux spectateurs que le député se rend vite compte de son erreur et que les francs-maçons sont des infames comploteurs et des affairistes.
La dernière scène est d’un pathétisme risible, si on l’analyse au second degré. En effet, on voit la Terre exploser sous l’emprise du complot judéo-maçonnique. Manifèstement, les pétainistes ne reculaient devant aucune image d’Epinal et prenaient les Français pour des imbéciles aisément manipulables.
Extraits du scénario de « Forces Occultes »
Générique et première séquence
Sur une carte du monde se dessinent les trois zones d’influences. Seuls sont en blanc les pays suivants : Allemagne, Italie, Espagne-Ortugal, Chine et Japon.
Un volet en forme de compas s’ouvre sur l’ensemble du planisphère à l’exception des pays qui demeurent en blanc : c’est la zone d’influence judéo-maçonnique, (en surimpression) tandis que des petits médaillons représentant l’étoile de David ou l’équerre et le compas apparaissent et disparaissent.
Fondu au noir. Puis carton :
C’est l’intérieur même de la Chambre des Députés qu’ont été tournées les séquences du début du film.
Bruits de foule. Cris. Interjections. Sonnette.
Pierre Avenel : De droite à gauche, ce parlement ne représente que la corruption.
Tapage.
Vous, capitalistes, vous n’avez cessé de pousser la classe ouvrière à la misère… Et vous communistes, vous n’avez cessé d’exploiter cette misère, voulue par les capitalistes…
Tapage : Cris d’animaux.
Le président de la Chambre, agitant sa clochette : Messieurs un peu de silence !
Avenel : Et vous tous, parlementaires désuets et périmés… (le pays saura se passer/coupure) de vos services).
Le Président de la Chambre : Messieurs… Silence… Messieurs je vais lever la séance.
Continuez Monsieur Avenel
Avenel : Messieurs, (silence) je n’ai plus rien à dire
Les députés (avec soulagement) : Aaah !
Avenel : J’ai eu conscience de vous dire quelques vérités, peut-être désagréables mais utiles. (tapage) Non ce ne sont pas quelques interruptions qui m’arrêteront, la communauté française ne se bâtira pas sur le conflit du communisme et de la vieille bourgeoisie. C’est pourquoi je ne voterai pas ce projet qui donne satisfaction au capitalisme international et serait le beau prétexte pour les communistes à accentuer nos divisions. (Cris)…
Dans les bancs de l’Assemblée nationale
Député Guédon : il a du courage ce petit Avenel
Le député Dubois : Ces petits nationaux trop puritains nous font perdre du temps… il faudrait l’éduquer un peu… de quelle loge est-il ?
Député Guédon : Il n’est pas de chez nous, mon frère Dubois…
Dubois : Tout s’explique !… Voilà un garçon intelligent, qui a besoin d’une méthode et de conseils… Présentez le donc !…
Guédon : Il est sensible, il faudra procéder avec précaution…
Dubois : Envoyez-lui Larrivière, il saura le persuader… (ricanement)
Guédon : J’y vais
Guédon : Mon cher Vénérable nous avons un service à vous demander…
Larrivière : Mon frère Guédon, je vous sui tout dévoué.
Guédon : Le jeune Avenel qui vient de parler assez brillamment devrait subir les épreuves de l’initiation. La maçonnerie lui apporterait beaucoup et le (temps) disciplinerait… ne croyez-vous pas ?
Larrivière : J’y pensais déjà, nous allons nous en occuper… activement.
Discussion entre Avenel et Larrivière
Avenel : hum ! La maçonnerie est difficile sur le choix de ses candidats.
Larrivière : Pas assez, mon cher, pas assez ! Je dois même vous avertir que lorsque vous serez en loge, vous serez déçus. Le milieu maçonnique est épouvantablement médiocre. Vous verrez que vous lui apporterez plus que vous n’en recevrez.
Avenel : Mais ces rites dont vous m’avez parlé, ces initiations mystérieuses ?
Larrivière : Ha ! ha ! Des bêtises ! Il y en a qui y attachent un certain sens symbolique. La plupart des maçons rient eux-mêmes de ces vieilles pratiques désuettes. Seulement, le jour de votre initiation, tenez-vous bien ! les épreuves de la cérémonie ne sont pas commodes.
En salle humide, après l’initiation
Le vénérable : Mon très cher frère, qu’est-ce que vous pensez de cette soirée ?
Avenel : Eh bien c’est curieux… cette cérémonie est très impressionnante.
Frère Lévy-Stein : Mon cher Frère… pourrai-je vous laisser ma carte ? Au cas où vous auriez besoin de mes services… Je vends de tout, de la bonneterie, et des chaussures, et du savon à des prix invraisemblables…
Le vénérable : Tu permets mon cher Lévy-Stein…
F. Lévy-Stein : Je t’en prie…
Le vénérable : Mon frère Avenel, nous allons bientôt vous mettre à contribution… Oui,… un de nos amis de notre Loge voudrait un bureau de tabac… Le Grand-Orient est submergé de demandes en ce moment. Avec vous, ça ira peut-être un peu plus vite…
Avenel : Volontiers…
Le vénérable : Je vous remercie… Ah, dans quelques temps je vous parlerai aussi d’une autre affaire… depuis plusieurs années, j’ai droit à la Légion d’Honneur… Je ne m’en suis jamais occupé… Je n’ai pas voulu déranger nos amis pour ça, on leur demande déjà tellement de choses, n’est-ce pas ?… vous m’aiderez ?
Séquence Larrivière Avenel
Larrivière : Vous avez l’air d’avoir été déçu par la Maçonnerie…
Avenel : Oh !… Pire !… Choqué !…
Larrivière : Pourquoi ? Mais confessez-vous… Vous ne serez pas le premier maçon à m’avoir ouvert son coeur… Qu’est-ce qu’on vous a fait ?
Avenel : Mais à moi personnellement, rien !… mais je trouve ce milieu maçonnique pourri d’arrivistes écoeurant…
Larrivière : Je vous l’accorde…
Avenel : Je ne vous le fait pas dire…
Larrivière : Oh, croyez vous que je sois dupe ?…
Avenel : Alors je ne comprends pas… Tant de vertus affichées sur le programme sur la porte, tant de mystères à l’intérieur pour ne cacher que ces petites combines, ces appétits de commitards, je m’attendais à trouver des hommes dévoués sinon supérieurs… Au lieu de ça, je n’ai rencontré que des quémandeurs de bureaux de tabac ou de décorations… ou alors des fripouilles qui cherchaient à m’utiliser pour échapper à des condamnations… En dehors d’eux, des phraseurs, des sectaires, ignorant tout… ne connaissant rien de l’histoire de leur pays… rien de l’histoire du monde, rien de la politique, rien de la philosophie, rien…
Larrivière : Quel grade avez-vous maintenant ?
Avenel : J’ai été initié à la maîtrise, il y a peu de temps..
Larrivière : Eh bien si vous avez le courage de vivre quelques années dans la médiocrité des ateliers, vous passerez ensuite aux Ateliers supérieurs…
Avenel : C’est mieux ?
Larrivière : C’est autre chose…
Avenel : Voyons… vous êtes 33ème… C’est le grade le plus haut dans la Maçonnerie ?…
Larrivière : Mon petit Avenel, je vais vous révéler, quoique je ne doive pas… ces fameux secrets maçonniques dont on fait tant de mystères… En Maçonnerie on cache tout aux petites gens… en bas vous ne savez rien… En haut vous commencez à voir un peu plus clair dans le jeu mondial… Moi même je ne suis pas totalement éclairé sur les intentions des dirigeants de notre Odre, mais quand je dis « dirigeants » je me trompe… Y a pas de chefs, chez nous… Il n’y a que des exécutants… je ne suis qu’un pion sur un échiquier… j’accomplis une fonction… je reçois des messages… j’obéis… je transmets… J’agis…
Avenel : Mais qui dirige ?
Larrivière : Personne !… Qu’est-ce que la Maçonnerie ?… des groupes d’hommes qui se sont réunis aux quatre coins de l’univers pour enserrer le monde dans un réseau aux mailles infranchissables… Nous sommes 50 000 en France… 500 000 en Angleterre… 3 000 000 en Amérique… C’est peu… Mais c’est énorme… parce que nous formons un bloc uni, d’une seule volonté…, 300 parlementaires sont Francs-Maçons…
En Angleterre, le Roi fait partie de notre Ordre… Aux Etats-Unis le président est 32ème… Il n’y a pas un pays où nous n’ayons nos hommes, Je ne vous montre ici de la Maçonnerie que la puissance physique… Il y a peut-être autre chose…
Avenel : Mais quoi ?
Larrivière : Une doctrine supérieure… Une antique expérience des forces du Monde… Qui nous permets de pousser les peuples tantôt vers la mort… Quand il le faut…
Avenel : La mort ?… Je croyais la Maçonnerie attachée à la Paix ?
Larrivière : A une certaine paix !…
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On voit à quel point la carricature est effroyable de bêtise et d’ignorance ! Les auteurs du film tentent de faire croire au Français que la franc-maçonnerie est un Ordre international uni alors que depuis la fin du XIXè siècle la maçonnerie s’est scindée en de multiples branches philosophiques et métaphysiques. Le pire tient au soupçon de « doctrine supérieur ». On sent derrière cette phrase une rémanence de la mystification taxilienne, laquelle avait laissé croire aux Français que le diable était le grand-maître de la franc-maçonnerie internationale !
La loge P2
En mai 1981, le gouvernement italien démissionne suite à la divulgation d’une liste : celle des membres de la loge P2 dans laquelle figurent de nombreuses personnalités politiques issues du parti au pouvoir (les démocrates chrétiens).
Les activités de la loge P2 étaient donc d’ordre délictueux pour provoquer la destitution d’un gouvernement mais était-elle réellement une loge maçonnique ?
La loge P2 tire son nom d’une loge maçonnique créée en 1877 : la Loge Propaganda Massonica . Cette loge n’avait rien de secret car des personnages éminents en faisaient partie comme Zanardelli, ministre de la Justice ou le poète Carducci. La « propagande » de cette loge consistait à diffuser les valeurs maçonniques (progrès, laïcité et liberté) à travers les institutions politiques et citoyennes.
Quand Mussolini interdit la franc-maçonnerie en 1925, les francs-maçons s’exilèrent en France. La loge Propaganda Massonica fut le pilier de la principale obédience italienne : le Grand Orient d’Italie. La loge « PM » fut donc un des symboles de la République italienne en exil. A la Libération, la loge « PM » initia des hommes qui, officiellement, représentaient l’opposition à la franc-maçonnerie : des communistes, des catholiques et des démocrates chrétiens. Ces hommes étaient attirés par le prestige historique de la franc-maçonnerie mais devaient entrer secrètement dans une loge pour ne pas risquer d’être rejetés par leur hierarchie.
La loge « PM » trouvait un intérêt dans l’accueil des catholiques et des communistes car elle pouvait ainsi atténuer les rivalités sociales. En effet, elle réunissait autour de l’idéal maçonnique des hommes qui, sans la Maçonnerie, ne se seraient jamais entendus.
La loge « PM » commença à dévier de l’idéal maçonnique avec l’arrivée d’un certain Licio Gelli, qui en devint le secrétaire. Gelli servit le régime fasciste pendant la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui encore, il est difficile d’expliquer ce qui a poussé la Maçonnerie italienne à accepter un tel homme. C’est donc en 1964 que Gelli fut initié, il entra à la loge « PM » quelques années plus tard. En 1975, Licio Gelli devint « vénérable » (c’est-à-dire président) de la loge « PM ». A partir de cette période, la loge fut rebaptisée Propaganda Massonica n°2 ou « P2″. De 1971 à 1979, le parti communiste italien fut à son apogée en participant à la majorité gouvernementale. Gelli ne pouvait supporter cette situation et milita pour un retour à l’autorité avec des mesures comme le rétablissement de la peine de mort et la limitation du droit de grêve dans la fonction publique. Il s’agissait du programme d’un seul homme et non celui du Grand Orient d’Italie. Les nombreux militaires, capitaines d’entreprises, politiciens et journalistes qui demandèrent à rejoindre la loge de Gelli comprirent que la « P2″ ne proposait plus un programme maçonnique humaniste mais une philosophie ultra-conservatrice.
Le 5 octobre 1980, le Corriere della Serra publia une interview dans laquelle Gelli exposa les idées de son programme et tenta de le présenter comme un projet de la franc-maçonnerie. Il venait de commettre une erreur car le Grand Orient d’Italie détenait, avec cette interview, la preuve que Gelli avait trahi l’idéal maçonnique. Gelli fut donc exclu du Grand Orient en 1981.
Après enquête, il apparut que la loge P2 avait participé à une série d’affaires (exécutions de magistrats, attenta de la gare de Bologne en 1980, assassinat d’un journaliste). En réalité, la loge P2 n’était pas une loge maçonnique. En effet, pour qu’une loge puisse pratiquer les valeurs qui sont celles de la franc-maçonnerie depuis le 18è siècle (solidarité, tolérance, égalité), il est nécessaire qu’elle limite ses membres à une cinquantaine de frères ou de soeurs. Hors la P2 enregistra plus de deux mille membres. De plus, pour que la fraternité lie les membres d’une loge, il faut que ceux-ci se côtoient régulièrement. Ce n’était pas le cas à la loge P2 dont les affiliés ne se connaissaient même pas ! (voir cédérom du Monde qui regroupe plusieurs articles à ce sujet au moteur de recherche « titre = loge P2″).
Enfin, la franc-maçonnerie étant une société initiatique, il est essentiel que chaque frère puisse recevoir l’initiation et l’instruction maçonnique. Tel ne fut pas le cas à la « P2″ puisque ses membres ne se réunissaient pas et qu’ils étaient « créés maçons » non dans un temple mais dans le bureau de Gelli.
Licio Gelli en s’autoproclamant « Grand-Maître de la loge P2 s’était, de fait, détaché du Grand Orient d’Italie tandis que sa loge était déclarée clandestine par les hautes instances maçonniques.
Malgré cela le grand public confondit loge P2 et franc-maçonnerie. Pertini, le Président de la République déclara qu’il licencierait tout employé du « Quirinal » s’il était maçon.
Aujourd’hui encore, la Maçonnerie italienne est considérée comme une « mafia » par un grand nombre d’Italiens. La mégalomanie d’un seul homme aura suffi à porter préjudice sur toute une communauté.
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L’antimaçonnisme s’est exprimé par l’image à toutes les époques. Cependant, les instruments de propagande que sont les affiches, les films et les tracts furent principalement utilisés contre la franc-maçonnerie aux plus sombres moments de l’histoire.
Affiche de propagande antisémite et antimaçonnique, vichy (1941)
Satire antimaçonnique, Grande-Bretagne (18è siècle)
La célèbre « pieuvre maçonnique »
Les francs-maçons caricaturés par les catholiques (fin XIXè siècle)
caricature d’une tenue maçonnique quelque peu « animalière » (Grande-Bretagne 18è)
mauricecailletcompterendu170306.pdf
Les Vers d’Or de Pythagore
Posté par hiram3330 dans : Chaine d'union,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaireLes Vers d’Or de Pythagore
Honore en premier lieu les Dieux Immortels dans l’ordre qui leur fut assigné par la Loi.
Respecte le Serment. Honore ensuite les Héros glorifiés.
Vénère aussi les Génies terrestres, en accomplissant tout ce qui est conforme aux lois.
Honore aussi et ton père et ta mère et tes proches parents.
Entre les autres hommes, fais ton ami de celui qui excelle en vertu.
Cède toujours aux paroles de douceur et aux activités salutaires.
N’en viens jamais, pour une faute légère, à haïr ton ami,
Quand tu le peux : car le possible habite près du nécessaire.
Sache que ces choses sont ainsi, et accoutume-toi à dominer celles-ci :
La gourmandise d’abord, le sommeil, la luxure et l’emportement.
Ne commets jamais aucune action dont tu puisses avoir honte, ni avec un autre,
Ni en ton particulier. Et, plus que tout, respecte-toi toi-même.
Pratique ensuite la justice en actes et en paroles.
Ne t’accoutume point à te comporter dans la moindre des choses sans réfléchir.
Mais souviens-toi que tous les hommes sont destinés à mourir ;
Et parviens à savoir tant acquérir que perdre les biens de la fortune.
À l’égard de tous les maux qu’ont à subir les hommes de par le fait des arrêts augustes du Destin,
Accepte-le comme le sort que tu as mérité ; supporte-les avec douceur et ne t’en fâche point.
Il te convient d’y remédier, dans la mesure que tu peux. Mais pense bien à ceci :
Que la Destinée épargne aux gens de bien la plupart de ces maux.
Beaucoup de discours, lâches ou généreux, tombent devant les hommes ;
Ne les accueille pas avec admiration, ne te permets pas de t’en écarter.
Mais si tu vois qu’on dit quelque chose de faux, supporte-le avec patience et douceur.
Quant à ce que je vais te dire, observe-le en toute circonstance.
Que jamais personne, ni par ses paroles ni par ses actions, ne puisse jamais
T’induire à proférer ou à faire ce qui pour toi ne serait pas utile.
Réfléchis avant d’agir, afin de ne point faire des choses insensées,
Car c’est le propre d’un être malheureux de proférer ou de faire des choses insensées.
Ne fais donc jamais rien dont tu puisses avoir à t’affliger dans la suite.
N’entreprends jamais ce que tu ne connais pas ; mais apprends
Tout ce qu’il faut que tu saches, et tu passeras la vie la plus heureuse.
Il ne faut pas négliger la santé de ton corps,
Mais avec mesure lui accorder le boire, le manger, l’exercice,
Et j’appelle mesure ce qui jamais ne saurait t’incommoder.
Habitue-toi à une existence propre, simple ;
Et garde-toi de faire tout ce qui attire l’envie.
Ne fais pas de dépenses inutiles, comme ceux qui ignorent en quoi consiste le beau.
Ne sois pas avare non plus : la juste mesure est excellente en tout.
Ne prends jamais à tâche ce qui pourrait te nuire, et réfléchis avant d’agir.
Ne permets pas que le doux sommeil se glisse sous tes yeux,
Avant d’avoir examiné chacune des actions de ta journée.
En quoi ai-je fauté ? Qu’ai-je fait ? Qu’ai-je omis de ce qu’il me fallait faire ?
Commence par la première à toutes les parcourir.
Et ensuite, si tu trouves que tu as omis des fautes, gourmande-toi ;
Mais, si tu as bien agi, réjouis-toi.
Travaille à mettre ces préceptes en pratique, médite-les ; il faut que tu les aimes,
Et ils te mettront sur les traces de la vertu divine,
J’en jure par celui qui transmit à notre âme le sacré Quaternaire,
Source de la Nature dont le cours est éternel.
Mais ne commence pas à prendre à tâche une oeuvre,
Sans demander aux Dieux de la parachever.
Quand tous ces préceptes te seront familiers,
Tu connaîtras la constitution des Dieux Immortels et des hommes mortels, tu sauras
Jusqu’à quel point les choses se séparent, et jusqu’à quel point elles se rassemblent.
Tu connaîtras aussi, dans la mesure de la Justice, que la Nature est en tout semblable à elle-même,
De sorte que tu n’espéreras point l’interprétable, et que plus rien ne te sera caché.
Tu sauras encore que les hommes choisissent eux-mêmes et librement leurs maux,
Misérables qu’ils sont ; ils ne savent ni voir ni entendre les biens qui sont près d’eux.
Peu nombreux sont ceux qui ont appris à se libérer de leurs maux.
Tel est le sort qui trouble les esprits des mortels. Comme des cylindres,
Ils roulent ça et là, accablés de maux infinis.
Innée en eux, en effet, l’affligeante Discorde les accompagne et leur nuit sans qu’ils s’en aperçoivent ;
Il ne faut point la provoquer, mais la fuir en cédant.
Ô Zeus, notre père, tu délivrerais tous les hommes des maux nombreux qui les accablent,
Si tu montrais à tous de quel Génie ils se servent !
Mais toi, prends courage, puisque tu sais que la race des hommes est divine,
Et que la nature sacrée leur révèle ouvertement toutes choses.
Si elle te les découvre, tu viendras à bout de tout ce que je t’ai prescrit ;
Ayant guéri ton âme, tu la délivreras de ces maux.
Mais abstiens-toi des aliments dont nous avons parlé, en appliquant ton jugement
À tout ce qui peut servir à purifier et à libérer ton âme. Réfléchis sur chaque chose,
En prenant pour cocher l’excellente Intelligence d’en haut.
Et si tu parviens, après avoir abandonné ton corps, dans le libre éther,
Tu seras dieu immortel, incorruptible, et à jamais affranchi de la mort.