Réponse au discours de réception de Mme Simone Veil 21 mars, 2023
Posté par hiram3330 dans : Silhouette , ajouter un commentaireRéponse au discours de réception de Mme Simone Veil
Le 18 mars 2010
Réception de Mme Simone Veil
C’est une joie, Madame, et un honneur de vous accueillir dans cette vieille maison où vous allez occuper le treizième fauteuil qui fut celui de Racine.
De Racine, Madame ! De Racine !
Ce qui flotte ce soir autour de nous, ce sont les plaintes de Bérénice :
Je n’écoute plus rien ; et, pour jamais, adieu…
Pour jamais ! Ah ! Seigneur, songez-vous en vous-même
Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ?
Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?
Que le jour recommence et que le jour finisse
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice…
ou l’immortel dialogue entre Phèdre et sa nourrice Œnone :
Œnone
Quel fruit recevront-ils de leurs vaines amours ?
Ils ne se verront plus.
Phèdre
Ils s’aimeront toujours.
Avec La Fontaine, qui fut son contemporain, avec Ronsard, avec Hugo, avec Nerval, avec Baudelaire et Verlaine, avec Péguy, avec Apollinaire et Aragon, Racine est l’un de nos plus grands poètes. Et peut-être le plus grand de tous dès qu’il s’agit de la passion – et surtout de la passion malheureuse. Je suis chargé ici de vous expliquer en trois-quarts d’heure, Madame, pourquoi nous sommes heureux et fiers de vous voir lui succéder.
Je ne voudrais pas que le vertige vous prît ni que la tâche vous parût trop lourde. Vous succédez à Racine, c’est une affaire entendue. Vous succédez aussi à Méziriac, à Valincour, à La Faye, à l’abbé de Voisenon, à Dureau de La Malle, à Picard, à Arnault, tous titulaires passagers de votre treizième fauteuil et qui n’ont pas laissé un nom éclatant dans l’histoire de la pensée et des lettres françaises. Ils constituent ce que Jules Renard, dans son irrésistible Journal, appelle « le commun des immortels ».
Depuis le cardinal de Richelieu, notre fondateur, l’Académie est faite de ces contrastes. Ce sont eux qui permettent à un autre de nos confrères, Paul Valéry, de nous décocher une de ses flèches les plus acérées : « L’Académie est composée des plus habiles des hommes sans talent et des plus naïfs des hommes de talent. »
Rassurez-vous, Madame. Ou, pour parler comme Racine :
Cessez de vous troubler, vous n’êtes point trahie.
Ce n’est ni pour votre naïveté ni pour votre habileté que nous vous avons élue. C’est pour bien d’autres raisons. Ne croyez pas trop vite que vous êtes tombée dans un piège.
Il est vrai que vous aviez le droit de le craindre. L’exercice rhétorique et traditionnel auquel nous nous livrons aujourd’hui vous et moi peut être redoutable. Quand Molé reçoit Alfred de Vigny, qu’il ne porte pas dans son cœur, il le traite avec tant de rudesse que l’auteur de La Mort du loup en demeura longtemps meurtri. Plus près de nous, Albert de Mun, catholique rigoureux, reçoit Henri de Régnier dont les romans, à l’époque – les temps ont bien changé –, passaient pour sulfureux. Dans sa réponse au remerciement d’Henri de Régnier, Albert de Mun lui lance, ici même : « Je vous ai lu, Monsieur, je vous ai même lu jusqu’au bout. Car je suis capitaine de cuirassiers. » Henri de Régnier encaissa le coup comme Vigny, mais des témoins assurent qu’à la sortie, là-haut, derrière nous, il aurait lâché entre ses dents : « Je le rattraperai au Père Lachaise. »
Vous n’avez pas à redouter aujourd’hui, Madame, des avanies à la Molé ou à l’Albert de Mun. De toutes les figures de notre époque, vous êtes l’une de celles que préfèrent les Français. Les seuls sentiments que vous pouvez inspirer et à eux et à nous sont l’admiration et l’affection. Je voudrais essayer de montrer pourquoi et comment vous incarnez avec plus d’éclat que personne les temps où nous avons vécu, où le Mal s’est déchaîné comme peut-être jamais tout au long de l’histoire et où quelques-uns, comme vous, ont lutté contre lui avec détermination et courage et illustré les principes, qui ne nous sont pas tout à fait étrangers, de liberté, d’égalité et de fraternité.
L’histoire commence comme un conte de fées. Il était une fois, sous le soleil du Midi, à Nice, une famille sereine et unie à qui l’avenir promettait le bonheur et la paix. Le père est architecte, avec des ancêtres en Lorraine. La mère a quelque chose de Greta Garbo. Vous avez deux sœurs, Milou et Denise, et un frère, Jean. Vous êtes la petite dernière de cette famille Jacob qui est juive et très française, patriote et laïque. L’affaire Dreyfus avait à peine ébranlé son insouciance. On racontait chez vous que lorsque l’innocence du capitaine Dreyfus avait été reconnue, votre grand-père avait débouché une bouteille de champagne et déclaré tranquillement : « Les descendants de 89 ne pouvaient pas se tromper. »
Alors que votre mère était plutôt de gauche, votre père était plutôt à droite. Il lisait un quotidien de droite, L’Éclaireur, et elle, L’Œuvre, Marianne ou Le Petit Niçois, de tendance socialiste.
Le plus frappant dans cette famille si républicaine et si française, c’est son caractère foncièrement laïc. Une de vos cousines italiennes, de passage chez vous, avait pris l’initiative de vous entraîner dans une synagogue. Votre père l’avait appris. Il prévint votre cousine qu’en cas de récidive, elle ne serait plus reçue dans votre maison. L’épisode m’a rappelé une formule de mon ami le plus intime. Il se promenait un dimanche dans Paris avec son fils qui est devenu de nos jours un de nos acteurs et de nos créateurs les plus célèbres. Passant devant une église, le petit Édouard manifesta le désir d’y entrer. « Allons ! viens ! lui dit son père qui pensait à autre chose et qui était pressé, c’est fermé le dimanche. » Il y a des catholiques sincères qui sont franchement laïques. Vous étiez juifs et laïques. Vous mangiez une choucroute le jour de Kippour.
Votre père avait quitté Paris pour Nice parce qu’il pensait que la Côte d’Azur allait connaître un développement spectaculaire. Dès le début des années trente, la crise, venue d’Amérique, frappait votre famille comme elle frappait tous les Français et même l’Europe entière. Vous étiez obligés de vous restreindre, mais la vie continuait, toujours aussi gaie et charmante, entre Nice et La Ciotat où votre père avait construit une maison de vacances. Votre mère jouait au tennis avec un jeune homme brillant qui revenait d’un séjour à Berlin : c’était Raymond Aron.
Le 3 septembre 1939, la guerre éclatait. Le 10 mai 40, l’offensive allemande se déclenchait. Le 13 mai, Winston Churchill prononçait à la Chambre des Communes un des discours les plus célèbres de l’histoire. « Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, de la sueur et des larmes. » Le paradis terrestre où vous aviez vécu s’engloutissait dans le passé.
Le 3 octobre 40, le premier statut des Juifs était édicté par Vichy. Votre père, très « ancien combattant », avait peine à admettre que le maréchal Pétain pût être responsable de ces honteuses dispositions. Il se vit pourtant retirer le droit d’exercer son métier. L’existence devenait difficile. Deux ans plus tard, les Alliés débarquaient en Afrique du Nord et l’armée allemande envahissait la zone libre. Nice et le Sud-Est de la France furent occupés par les Italiens qui adoptaient une attitude de tolérance à l’égard des Juifs français. Au point que le Midi constitua pour un bref laps de temps un refuge pour les Juifs. Nice vit ainsi sa population s’accroître, en quelques mois, de près de 30 000 habitants. Mais, une autre année plus tard, les Italiens évacuaient la région. En septembre 1943, avant même les troupes allemandes qui prenaient le relais des troupes italiennes, la Gestapo débarquait à Nice avec Aloïs Brunner, déjà célèbre à Vienne, qui dirigera plus tard le camp de Drancy. Le crime se mettait en place.
Le 29 mars 1944, vous passez à Nice les épreuves du baccalauréat, avancées de trois mois par crainte d’un débarquement allié dans le Sud de la France. Le lendemain, 30 mars, en deux endroits différents, par un effroyable concours de circonstances, votre mère, votre sœur Milou, votre frère Jean et vous-même êtes arrêtés par les Allemands.
Huit jours plus tard, vous arrivez à Drancy où les conditions matérielles et morales sont déjà très dures. Vous ne savez plus rien de votre père ni de votre sœur Denise. Vous êtes très vite séparées de votre frère. Une semaine encore – le calendrier se déroule impitoyablement – et le 13 avril, à cinq heures du matin, en gare de Bobigny, vous montez avec votre mère et votre sœur dans un convoi de wagons à bestiaux en direction de l’Est. Le voyage dure trois jours – du 13 avril à l’aube au 15 avril au soir. Le 15 avril 1944, en pleine nuit, sous les cris des SS, les aboiements des chiens, les projecteurs aveuglants, vous débarquez sur la rampe d’accès du camp d’Auschwitz-Birkenau. Vous entrez en enfer. Vous avez seize ans, de longs cheveux noirs, des yeux verts et vous êtes belle.
Des déportés vous attendent sur la rampe de débarquement. Ils vous crient en français : « Laissez vos bagages dans les wagons, mettez-vous en file, avancez. » Tout à coup, une voix inconnue vous murmure à l’oreille :
- Quel âge as-tu ?
Vous répondez :
- Seize ans.
Un silence. Puis, tout bas et très vite :
- Dis que tu en as dix-huit.
La voix inconnue vous a sauvé la vie. Des enfants et des femmes âgées ou malades sont empilés dans des camions que vous n’avez jamais revus. Votre mère, Milou et vous, vous vous retrouvez toutes les trois dans la bonne file – la « bonne » file ! –, entourées de kapos qui vous prennent vos sacs, vos montres, vos bijoux, vos alliances. Une amie de Nice, arrêtée avec vous, conservait sur elle un petit flacon de Lanvin. Sous les cheminées des crématoires d’où sort une fumée pestilentielle qui obscurcit le ciel, vous vous aspergez, à trois ou quatre, de ce dernier lambeau de civilisation avant la barbarie.
La nuit même de votre arrivée au camp, les kapos vous font mettre en rang et un numéro indélébile vous est tatoué sur le bras. Il remplace l’identité que vous avez perdue, chaque femme étant enregistrée sous son seul numéro avec, pour tout le monde, le prénom de Sarah. Vous êtes le n° 78651. Vous appartenez désormais, avec des millions d’autres, au monde anonyme des déportés. Et, à l’âge où les filles commencent à se détourner de leurs jeux d’enfant pour rêver de robes et de romances au clair de lune, vous êtes l’image même de l’innocence : votre crime est d’être née dans la famille honorable et très digne qui était la vôtre.
Dans l’abîme où vous êtes tombée, dans ce cauchemar devenu réalité, il faut s’obstiner à survivre. Survivre, à Auschwitz, comme à Mauthausen, à Treblinka, à Bergen-Belsen, est une tâche presque impossible. Le monstrueux prend des formes quotidiennes. À l’intérieur de l’industrie du massacre, des barèmes s’établissent : pour obtenir une cuiller, il faut l’organiser, selon le terme consacré, c’est-à-dire l’échanger contre un morceau de pain. Dans ce monde de la terreur et de l’humiliation, fait pour détruire tout sentiment humain et dont le spectre ne cesse de hanter notre temps, la charité vit encore. Vous portez des haillons. Une Polonaise, rescapée du ghetto de Varsovie, vous donne deux robes. Quel bonheur ! Vous en donnez une à une amie qui était architecte et qui parlait français − et aussi misérable que vous.
Car vous vous faites des amies : Ginette, qui a votre âge, Marceline Loridan, plus jeune de dix-huit mois, qui a quatorze ou quinze ans. Vous devez vous défendre de tout : de la faim, de la brutalité, de la violence, des coups – mais aussi de la compassion trompeuse et trop entreprenante.
Une des chefs du camp, une Lagerälteste, était une ancienne prostituée du nom de Stenia, particulièrement dure avec les déportés. Mystère des êtres. Sans rien exiger en échange, Stenia vous sauve deux fois de la mort, votre mère, Milou et vous : une première fois à Birkenau en vous envoyant dans un petit commando, une seconde fois à Bergen-Belsen en vous affectant à la cuisine. À la libération des camps, elle sera pendue par les Anglais.
Nous sommes en janvier 45. L’avance des troupes soviétiques fait que votre groupe est envoyé à Dora, commando de Buchenwald. Le voyage est effroyable : le froid et le manque de nourriture tuent beaucoup d’entre vous. Vous ne restez que deux jours à Dora. On vous expédie à Bergen-Belsen. Votre mère, épuisée, y meurt du typhus le 13 mars. Un mois plus tard, les troupes anglaises entrent à Bergen-Belsen et vous libèrent. Mais cette libération est loin d’être la fin de vos malheurs sans nom.
Les Anglais sont épouvantés du spectacle qu’ils découvrent dans les camps : des monceaux de cadavres empilés les uns sur les autres et que des squelettes vivants précipitent dans des fosses. Vous êtes accablée par la mort de votre mère et par la santé de votre sœur, qui n’a plus que la peau sur les os, qui est rongée de furoncles et qui, à son tour, a attrapé le typhus. Le retour à Paris, en camion d’abord, puis en train, demande longtemps, très longtemps, et il est amer. Plus d’un mois après la libération de Bergen-Belsen, vous arrivez enfin à l’hôtel Lutetia. Vous apprenez alors seulement le sort de votre sœur Denise, dont vous n’aviez aucune nouvelle depuis Drancy. Déportée à Ravensbrück, puis à Mauthausen, elle vient de rentrer en France. Le sort de votre père et de votre frère, vous ne le saurez que bien plus tard : déportés dans les pays Baltes, ils ont disparu à jamais entre Kaunas et Tallin.
Votre famille est détruite. Vous entendez des gens s’étonner : « Tiens ! elles sont revenues ? C’est bien la preuve que ce n’était pas si terrible… » Le désespoir vous prend.
En m’adressant à vous, Madame, en cette circonstance un peu solennelle, je pense avec émotion à tous ceux et à toutes celles qui ont connu l’horreur des camps de concentration et d’extermination. Leur souvenir à tous entre ici avec vous. Beaucoup ont péri comme votre père et votre mère. Ceux qui ont survécu ont éprouvé des souffrances que je me sens à peine le droit d’évoquer. La déportation n’est pas seulement une épreuve physique ; c’est la plus cruelle des épreuves morales. Revivre après être passé par le royaume de l’abjection est presque au-dessus des forces humaines. Vous qui aimiez tant une vie qui aurait dû tout vous donner, vous n’osez plus être heureuse. Pendant plusieurs semaines, vous êtes incapable de coucher dans un lit. Vous dormez par terre. Les relations avec les autres vous sont difficiles. Être touchée et même regardée vous est insupportable. Dès qu’il y a plus de deux ou trois personnes, vous vous cachez derrière les rideaux, dans les embrasures des fenêtres. Au cours d’un dîner, un homme plutôt distingué vous demande si c’est votre numéro de vestiaire que vous avez tatoué sur votre bras.
À plusieurs reprises, dans des bouches modestes ou dans des bouches augustes, j’ai entendu parler de votre caractère. C’était toujours dit avec respect, avec affection, mais avec une certaine conviction : il paraît, Madame, que vous avez un caractère difficile. Difficile ! Je pense bien. On ne sort pas de la Shoah avec le sourire aux lèvres. Avec votre teint de lys, vos longs cheveux, vos yeux verts qui viraient déjà parfois au noir, vous étiez une jeune fille, non seulement très belle, mais très douce et peut-être plutôt rêveuse. Une armée de bourreaux, les crimes du national-socialisme et deux mille cinq cents survivants sur soixante-seize-mille Juifs français déportés vous ont contrainte à vous durcir pour essayer de sauver votre mère et votre sœur, pour ne pas périr vous-même. Permettez-moi de vous le dire avec simplicité : pour quelqu’un qui a traversé vivante le feu de l’enfer et qui a été bien obligée de perdre beaucoup de ses illusions, vous me paraissez très peu cynique, très tendre et même enjouée et très gaie.
Ce qui vous a sauvé du désespoir, c’est le courage, l’intelligence, la force de caractère et d’âme. Et c’est l’amour : il succède à la haine.
Les Veil avaient le même profil que les Jacob. Par bien des côtés, ils évoquaient la famille que vous aviez perdue : des Juifs non religieux, profondément cultivés, ardemment attachés à la France, redevables envers elle de leur intégration. Ils aimaient les arts comme vos parents – et surtout la musique. À l’automne 46, vous épousez Antoine Veil. Il vous donnera trois fils : Jean, Nicolas, le médecin – malheureusement disparu il y a quelques années –, Pierre-François. Vous êtes maintenant mariés depuis près de soixante-cinq ans, vous avez une douzaine de petits-enfants et plusieurs arrière-petits-enfants, et Antoine est toujours attentif auprès de vous. Puisque nous parlons très librement et pour ainsi dire entre nous, laissez-moi vous assurer, Madame, au cas où vous en auriez besoin, que quelqu’un qui, comme Antoine, aime autant la musique et Chateaubriand ne peut pas être tout à fait mauvais.
L’histoire des hommes est tragique et risible : en rentrant des épreuves atroces de la déportation, vous apprenez que vous avez été reçue aux épreuves dérisoires de ce bac passé à seize ans, la veille même de votre arrestation, le 29 mars 1944. Vous avez toujours eu envie de devenir avocate. Après être passée par Sciences-Po, vous annoncez à votre mari, qui va être reçu, de son côté, à l’École nationale d’administration avant de se retrouver inspecteur des Finances, votre intention de vous inscrire au barreau. À votre stupeur, Antoine, qui a des idées bien arrêtées et qui ne nourrit pas une haute estime à l’endroit des avocats, vous répond : « Il n’en est pas question ! » C’est ainsi qu’abandonnant votre vocation d’avocat, vous décidez de passer le concours de la magistrature. Ajoutons aussitôt que votre fils aîné Jean et votre cadet, Pierre-François, sont devenus tous les deux des avocats célèbres. Ils participent l’un et l’autre à la plupart des grandes affaires judiciaires et des grandes causes de notre époque.
Votre parcours dans la magistrature n’est pas de tout repos. Vous êtes une femme, vous êtes juive, vous êtes mariée, vous avez trois enfants. Quelle idée ! Beaucoup tentent par tous les moyens de vous dissuader. « Imaginez, vous dit-on, qu’un jour vous soyez contrainte de conduire un condamné à mort à l’échafaud ! » J’aime votre réponse : « J’assumerais. »
Nommée à la direction de l’administration pénitentiaire, vous avez parfois le sentiment de plonger dans le Moyen Âge : les conditions de détention vous paraissent inacceptables. Vous découvrez la grande misère des prisons de France. Au lieu de permettre une réinsertion des délinquants condamnés, elle les enfonce plutôt dans leur malédiction. Vous comprenez assez vite que le problème des prisons se heurte à deux obstacles : les contraintes budgétaires et, plus sérieux encore, l’état de l’opinion. Les contribuables français ne sont pas prêts à payer des impôts pour améliorer le niveau de vie dans les prisons.
De la situation des Algériens emprisonnés à la lutte contre la délinquance sexuelle et la pédophilie, le plus souvent qualifiée à l’époque d’attouchement et trop rarement poursuivie, les dossiers difficiles ne vous manquent pas. De 1957 à 1964, ce sont sept années harassantes – et qui vous passionnent.
Dans cette période où j’admirais éperdument le général de Gaulle, vous n’êtes pas gaulliste. Vous vous situez plus à gauche. Votre grand homme est Mendès France et vous votez souvent socialiste. Vous vous prononcez surtout avec ardeur en faveur de la construction européenne, et le rejet par les gaullistes, par les communistes, par Mendès France lui-même du projet de Communauté européenne de Défense, la fameuse C.E.D., vous attriste, Antoine et vous. Vous observez avec intérêt le bouillonnement d’idées symbolisé par la création de l’Express, vous vous sentez proche de Raymond Aron, vous nourrissez l’espérance de voir émerger une troisième force entre gaullisme et communisme. Après mai 68 – auquel votre deuxième fils participe assez activement – et le départ du Général en 1969, Georges Pompidou vous nomme au poste prestigieux, mais franchement plus calme après les tumultes de l’administration pénitentiaire, de secrétaire du Conseil supérieur de la magistrature.
Le 2 avril 1974, la mort de Georges Pompidou est un choc pour vous comme pour tous les Français. Des trois concurrents en lice pour lui succéder – Jacques Chaban-Delmas, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand –, le père de la « nouvelle société » vous apparaît comme le plus authentique réformateur. Vous vous apprêtez à voter pour lui lorsque soudain sa campagne s’enlise. Une émission de télévision où Chaban apparaît flanqué d’un Malraux éprouvé et à peine compréhensible donne le coup de grâce à ses ambitions. Au second tour, vous êtes tentée de vous abstenir. Contrairement à ce qui a été souvent colporté, après avoir hésité, vous votez pour Giscard.
C’est ici qu’apparaît un nouveau personnage, convivial et chaleureux : Jacques Chirac. Il venait de se rallier à Giscard et de lui apporter le soutien des fameux Quarante-trois venus du mouvement gaulliste. Vous étiez liée avec sa principale conseillère, magistrat comme vous, Marie-France Garaud. Un magazine féminin publie un article sur un éventuel et imaginaire gouvernement de femmes. Sur ce podium virtuel, à la surprise, il faut le dire, de beaucoup, et d’abord de vous-même, vous étiez propulsée au poste de Premier ministre.
Un soir, à un dîner chez des amis, où se fait sentir une certaine ironie à l’égard de l’improbable journalisme féminin et de ses vaticinations, le téléphone sonne. La maîtresse de maison vous fait un signe : c’est pour vous. Au bout du fil, Jacques Chirac qui vient d’être désigné comme Premier ministre par Giscard. Il vous offre d’entrer dans son gouvernement que le président Giscard d’Estaing, en novateur, souhaite aussi large que possible. Vous n’hésitez pas longtemps. Vous devenez ministre de la Santé. Vous êtes la seule femme ministre : Françoise Giroud, avec qui vous entretiendrez des relations qui ne seront pas toujours chaleureuses, est secrétaire d’État à la Condition féminine.
Il y a un homme, dont les idées politiques ne se confondent pas toujours avec les vôtres, avec qui vous allez vous entendre aussitôt : c’est le confident fidèle de Giscard, c’est le ministre de l’Intérieur, c’est le véritable Premier ministre bis de votre gouvernement : Michel Poniatowski. Il a été ministre de la Santé dans le dernier gouvernement Pompidou – qui était dirigé par Pierre Messmer dont vous venez de retracer l’héroïsme, la grandeur, les tourments et l’attachement à cette Légion étrangère qui, le matin de ses obsèques, défilera en silence, dans la cour des Invalides : il avait demandé – quelle leçon ! – qu’aucun discours ne fût prononcé.
C’est Michel Poniatowski qui vous parle le premier d’un problème urgent et grave : l’avortement clandestin. On pouvait imaginer que cette question relevât du ministère de la Justice. Mais le nouveau garde des Sceaux, Jean Lecanuet, pour désireux qu’il fût de traiter cette affaire, n’était pas convaincu de l’urgence du débat. C’est vous que le président de la République et le Premier ministre vont charger de ce dossier écrasant.
Depuis plusieurs années, la situation de l’avortement clandestin en France devenait intenable. L’avortement est toujours un drame. Avec la vieille loi de 1920 qui était encore en vigueur, il devenait une tragédie. Un film de Claude Chabrol s’était inspiré de l’exécution « pour l’exemple », sous le régime de Vichy, de Marie-Louise Giraud, blanchisseuse à Cherbourg. En 1972, une mineure violée avait été poursuivie pour avortement devant le tribunal de Bobigny. À la suite d’une audience célèbre, Gisèle Halimi avait obtenu son acquittement. En même temps, pendant que se déroulaient des histoires plus sordides et plus sinistres les unes que les autres, des trains et des cars entiers partaient régulièrement pour l’Angleterre ou pour les Pays-Bas afin de permettre à des femmes des classes aisées de se faire avorter.
À beaucoup d’hommes et de femmes, de médecins, de responsables politiques, effarés de voir les dégâts entraînés par les avortements sauvages dans les couches populaires, et à vous, cette situation paraissait intolérable. Mais les esprits étaient partagés, souvent avec violence. Chez les hommes, évidemment, plus que chez les femmes. Vous finissez par vous demander si les hommes ne sont pas, en fin de compte, plus hostiles à la contraception qu’à l’avortement. La contraception consacre la liberté des femmes et la maîtrise qu’elles ont de leur corps. Elle dépossède les hommes. L’avortement, en revanche, qui meurtrit les femmes, ne les soustrait pas à l’autorité des hommes. Une des clés de votre action, c’est que vous êtes du côté des femmes. Avec calme, mais avec résolution, vous vous affirmez féministe.
Les difficultés, souvent cruelles, auxquelles vous vous heurtez en 1974 ne se sont pas dissipées trente-cinq ans plus tard. Il y a à peine un an, une affaire dramatique secouait Recife, l’État de Pernambouc, le Brésil et le monde entier. Une fillette de neuf ans, qui mesurait un mètre trente-six et pesait trente-trois kilos, avait été violée par son beau-père depuis l’âge de six ans et attendait des jumeaux. L’avortement, au Brésil, comme dans la plupart des pays d’Amérique latine, est considéré comme un crime. La loi n’autorise que deux exceptions : viol ou danger pour la vie de la mère. Les deux cas s’appliquant, l’avortement avait été pratiqué. Aussitôt l’archevêque de Recife et Olinda, Dom José Cardoso Sobrinho, qui avait succédé à ce poste à Dom Helder Camara, porte-parole de la théologie de la libération, avait frappé d’excommunication les médecins responsables de l’avortement ainsi que la mère de la fillette. Le scandale est venu surtout de la décision de l’archevêque de ne pas étendre l’excommunication au beau-père de l’enfant sous prétexte que le viol est un crime moins grave que l’avortement.
Ce sont des réactions de cet ordre que vous affrontez en 1974. Elles ne viennent pas principalement des autorités religieuses. Les catholiques, les protestants, les juifs étaient très divisés. Les catholiques intégristes vous étaient – et vous restent – farouchement opposés. Certains luthériens étaient hostiles à votre projet alors que la majorité de l’Église réformée y était favorable. Parmi les juifs religieux, quelques-uns vous ont gardé rancune : il y a cinq ans, des rabbins intégristes de New York ont écrit au président de la République polonaise pour contester le choix de l’auteur de la loi française sur l’interruption volontaire de grossesse comme représentant des déportés au 60e anniversaire de la libération d’Auschwitz.
Une minorité de l’opinion s’est déchaînée – et se déchaîne encore – contre vous. L’extrême droite antisémite restait violente et active. Mais d’autres accusations vous touchaient peut-être plus cruellement. « Comment vous, vous disait-on, avec votre passé, avec ce que vous avez connu, pouvez-vous assumer ce rôle ? » Le mot de génocide était parfois prononcé.
L’agitation des esprits était à son comble. À l’époque, la télévision ne retransmettait pas les débats parlementaires. Au moment où s’ouvre, sous la présidence d’Edgar Faure, la discussion du projet à l’Assemblée nationale, une grève éclate à l’O.R.T.F. En dépit à la fois de la coutume et de la grève, des techniciens grévistes s’installent dans les tribunes et diffusent le débat en direct. Ce sont pour vous de grands moments d’émotion et d’épuisement. Beaucoup d’entre nous, aujourd’hui et ici, se souviennent encore de ce spectacle où la grandeur se mêlait à la sauvagerie. Je vous revois, Madame, faisant front contre l’adversité avec ce courage et cette résolution qui sont votre marque propre. Les attaques sont violentes. À certains moments, le découragement s’empare de vous. Mais vous vous reprenez toujours. Vous êtes une espèce d’Antigone qui aurait triomphé de Créon. Votre projet finit par être adopté à l’Assemblée nationale par une majorité plus large que prévu : deux cent quatre-vingt-quatre voix contre cent quatre-vingt-neuf. La totalité des voix de gauche et – c’était une chance pour le gouvernement – une courte majorité des voix de droite.
Restait l’obstacle tant redouté du Sénat, réputé plus conservateur, surtout sur ce genre de questions. Le gouvernement craignait l’obligation d’une seconde lecture à l’Assemblée nationale pour enregistrement définitif. La surprise fut l’adoption du texte par le Sénat avec une relative facilité. C’était une victoire historique. Elle inscrit à jamais votre nom au tableau d’honneur de la lutte, si ardente dans le monde contemporain, pour la dignité de la femme.
Le temps, pour vous, passe à toute allure. Pour moi aussi. Il faut aller vite. Après avoir été du côté de la liberté des hommes et de l’égalité des femmes, vous consacrez votre énergie, votre courage, votre volonté inébranlables à une cause nouvelle : la fraternité entre les peuples. Y compris la réconciliation, après l’horreur, avec l’Allemagne d’hier et de demain, celle de Bach, de Kant, de Goethe, de Hölderlin, de Schumann, d’Henri Heine, de Husserl, de Thomas Mann et celle de l’Union européenne.
Aux élections européennes de juin 1979, la liste que vous entraînez, sur proposition du président Giscard d’Estaing, en compagnie de Jean François Deniau, dont vous me permettrez de prononcer le nom avec affection, remporte une victoire éclatante : elle arrive première, assez loin devant celle du parti socialiste, plus de dix points au-dessus de la liste gaulliste. Vous voilà député à Strasbourg. Et, dès la première séance, à la mi-juillet, avec trois voix de plus que la majorité absolue, vous êtes élue, pour trente mois, à la présidence du Parlement européen.
Citoyenne de l’Europe au niveau le plus élevé, vous nouez des liens avec Helmut Schmidt, avec Margaret Thatcher, avec le roi d’Espagne, avec Ronald Reagan, avec le couple Clinton, avec le roi de Jordanie, avec Abdou Diouf, avec tant d’autres – avec deux hommes d’exception surtout, pour qui vous éprouvez une admiration particulière : Nelson Mandela et Anouar al-Sadate. Après son voyage historique à Jérusalem, vous invitez le dirigeant égyptien à prendre la parole devant le Parlement européen. C’était l’époque où l’hypothèse d’un État palestinien était pratiquement acquise. Elle n’a cessé, hélas, de s’estomper depuis lors.
Vous avez toujours été libre, véhémente et sereine. Vous le restez, tout au long de vos hautes fonctions, et au-delà. Sur plusieurs points, vous marquez votre indépendance : vous éprouvez des réserves à l’égard de l’idéologie des droits de l’homme, vous vous interrogez sur l’absence de prescription des crimes contre l’humanité. L’arrivée au pouvoir de François Mitterrand provoque chez vous des sentiments contrastés : admiration pour le discours présidentiel prononcé en 1984 devant le Bundestag, avec la fameuse formule sur les pacifistes à l’Ouest et les missiles à l’Est ; méfiance à l’égard du projet Mitterrand d’Europe confédérale qui, en 1991, à l’effroi des pays de l’Est, privilégiait outrageusement la Russie aux détriments des États-Unis. Vous ne tardez surtout pas beaucoup à mettre le doigt sur des problèmes qui, aujourd’hui encore, trente ans plus tard, pèsent sur les institutions européennes : les clivages politiques nationaux qui parasitent les débats communautaires ; l’éparpillement des instances européennes entre Bruxelles, Strasbourg et Luxembourg ; la contradiction permanente surtout entre l’aspiration à la communauté et la fidélité aux racines ancestrales – au point que votre conception de l’Europe a fini par évoluer. Vous croyez moins désormais à un édifice européen monolithique qu’à un agrégat de nations.
Le 30 mars 1993, après avoir quitté la scène européenne, vous êtes sur le point de vous envoler pour la Namibie où vous appelle la lutte contre le sida quand un coup de téléphone vous surprend une fois de plus : Édouard Balladur, le tout nouveau Premier ministre de la deuxième cohabitation vous propose de revenir au ministère de la Santé, élargi ce coup-ci aux Affaires Sociales et à la Ville, avec rang de ministre d’État.
Avec la cohabitation, le paysage a changé. Les problèmes que vous allez rencontrer dans ces fonctions nouvelles ou renouvelées sont d’une actualité brûlante : déficit de la Sécurité sociale, quartiers réputés « difficiles », montée de communautés – notamment de la communauté musulmane – trop souvent repliées sur elles-mêmes. Vous faites face jusqu’à l’élection à la présidence de la République de Jacques Chirac, suivie, deux ans plus tard, du retour de la gauche au pouvoir avec la troisième cohabitation. Vous décidez alors de vous inscrire à l’U.D.F. Mais vos relations se révèlent vite difficiles – et c’est plutôt une litote – avec son secrétaire général, François Bayrou. Vous avez une passion pour la politique, mais dès qu’elle devient politicienne, elle cesse de vous intéresser. Vous n’hésitez pas longtemps : vous renoncez à la politique.
La vie, qui a été si dure avec vous, ne cesse, cependant, comme pour s’excuser, de vous offrir des chances qui sont autant d’hommages à votre personne, à votre intégrité et à votre talent. Créé par la Constitution de 1958 pour veiller à son respect, composé de membres de droit qui sont les anciens présidents de la République et de neuf membres nommés – trois par le président de la République, trois autres par le président du Sénat, trois autres encore par le président de l’Assemblée nationale –, le Conseil constitutionnel veille à la légitimité des lois et à la régularité des élections. Vous venez à peine de quitter l’U.D.F. que René Monory, président du Sénat, vous nomme, pour neuf ans, au Conseil constitutionnel.
Vous accomplirez au sein de la haute magistrature des tâches essentielles que le temps m’empêche d’énumérer dans le détail. Disons rapidement que vous y confirmez la loi sur la bio-éthique et que vous y tranchez le débat récurrent de la primauté du droit communautaire sur la législation nationale. À aucun moment, dans ces fonctions éminentes que vous exercez avec une loyauté parfaite, vous n’abandonnez vos convictions. Le rejet par les Français, en 2005, du projet de Constitution européenne vous consterne ; vous n’êtes guère favorable au quinquennat ; l’élection du président de la République au suffrage universel direct ne répond même pas à vos vœux profonds – ce qui ne vous empêche pas, il y a près de trois ans et en dépit de vos réserves sur la dérive présidentialiste de nos institutions, de vous déclarer pour Nicolas Sarkozy ; vous êtes ardemment en faveur de la parité et de la discrimination positive. Dans une longue interview accordée à Pierre Nora pour sa revue Le Débat, vous n’hésitez pas à déplorer l’absence en France d’un véritable dialogue démocratique. Lorsqu’il y a deux ans à peine vous quittez le Conseil constitutionnel, vous avez le sentiment d’avoir été fidèle à la fois à vous-même et aux devoirs de votre charge.
Au terme de ces instants trop brefs et déjà trop longs que j’ai eu la chance et le bonheur de passer avec vous, je m’interroge sur les sentiments que vous portent les Français. Vous avez été abreuvée d’insultes par une minorité, et une large majorité voue une sorte de culte à l’icône que vous êtes devenue.
La première réponse à la question posée par une popularité si constante et si exceptionnelle est liée à votre attitude face au malheur. Vous avez dominé ce malheur avec une fermeté d’âme exemplaire. Ce que vous êtes d’abord, c’est courageuse – et les Français aiment le courage.
Vous avez des convictions, mais elles ne sont jamais partisanes. Vous les défendez avec force. Mais vous êtes loyale envers vos adversaires comme vous êtes loyale envers vos amis. Vous êtes un modèle d’indépendance. Plus d’une fois, vous trouvez le courage de vous opposer à ceux qui vous sont proches et de prendre, parce que vous pensez qu’ils n’ont pas toujours tort, le parti de ceux qui sont plus éloignés de vous. C’est aussi pour cette raison que les Français vous aiment.
Avec une rigueur à toute épreuve, vous êtes, en vérité, une éternelle rebelle. Vous êtes féministe, vous défendez la cause des femmes avec une fermeté implacable, mais vous n’adhérez pas aux thèses de celles qui, à l’image de Simone de Beauvoir, nient les différences entre les sexes. Vous êtes du côté des plus faibles, mais vous refusez toute victimisation. Quand on vous propose la Légion d’honneur au titre d’ancienne déportée, vous déclarez avec calme et avec beaucoup d’audace qu’il ne suffit pas d’avoir été malheureuse dans un camp pour mériter d’être décorée.
La clé de votre popularité, il faut peut-être la chercher, en fin de compte, dans votre capacité à emporter l’adhésion des Français. Cette adhésion ne repose pas pour vous sur je ne sais quel consensus médiocre et boiteux entre les innombrables opinions qui ne cessent de diviser notre vieux pays. Elle repose sur des principes que vous affirmez, envers et contre tous, sans jamais hausser le ton, et qui finissent par convaincre. Disons-le sans affectation : au cœur de la vie politique, vous offrez une image républicaine et morale.
Il y a en vous comme un secret : vous êtes la tradition même et la modernité incarnée. Je vous regarde, Madame : vous me faites penser à ces grandes dames d’autrefois dont la dignité et l’allure imposaient le respect. Et puis, je considère votre parcours et je vous vois comme une de ces figures de proue en avance sur l’histoire.
Oui, il y a de l’énigme en vous : une énigme claire et lumineuse jusqu’à la transparence. Elle inspire à ceux qui ont confiance en vous des sentiments qui les étonnent eux-mêmes. Vous le savez bien : ici, sous cette Coupole, nous avons un faible pour les coups d’encensoir dont se méfiait Pierre Messmer. L’admiration est très répandue parmi ceux qui se traitent eux-mêmes d’immortels. Nous nous détestons parfois, mais nous nous admirons presque toujours. Nous passons notre temps à nous asperger d’éloges plus ou moins mérités : nous sommes une société d’admiration mutuelle, que Voltaire déjà dénonçait en son temps. Cette admiration, vous la suscitez, bien sûr, vous-même. Mais, dans votre cas, quelque chose d’autre s’y mêle : du respect, de l’affection, une sorte de fascination. Beaucoup, en France et au-delà, voudraient vous avoir, selon leur âge, pour confidente, pour amie, pour mère, peut-être pour femme de leur vie. Ces rêves d’enfant, les membres de notre Compagnie les partagent à leur tour. Aussi ont-ils choisi de vous prendre à jamais comme consœur. Je baisse la voix, on pourrait nous entendre : comme l’immense majorité des Français, nous vous aimons, Madame. Soyez la bienvenue au fauteuil de Racine qui parlait si bien de l’amour.
AVE MARIA EN ARAMÉEN-(Langue de Jésus et Marie) 31 décembre, 2022
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Noël 2022 25 décembre, 2022
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Éliphas Lévi, un adepte de la Haute Magie – Les Grands Occultistes 11 décembre, 2022
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LE SAGE DE L’ISLAM 27 novembre, 2022
Posté par hiram3330 dans : Contribution,Silhouette , ajouter un commentaireTIERNO BOKAR
LE SAGE DE L’ISLAM
Une Vie exemplaire
Ce fut le naturaliste Théodore Monod qui l’un des premiers révéla la vie et l’enseignement de cet homme humble et extraordinaire.
En 1938, Amadou Hampâté Bâ, alors simple fonctionnaire exilé à Ouagadougou avait un grand dessein, celui de faire connaître l’enseignement de Tierno Bokar auprès de qui il avait séjourné plusieurs années et dont il se considérait l’élève et le disciple.
Il avait rédigé un manuscrit qu’il soumit à Théodore Monod.
C’est grâce à ce livre Le Sage de Bandiagara, que nous connaissons un peu mieux Tierno Bokar.
Cet ouvrage ne sera publié qu’en 1957, mais Théodore Monod aura eu la joie de connaître personnellement le «Sage de Bandiagara» avant sa mort.
Il dira, en 1943, à son propos :
«C’est une grande joie pour le chercheur sincère et sans doute un des rares motifs qui lui reste de ne pas désespérer entièrement de l’être humain, que de retrouver sans cesse, dans tous les temps, dans tous les pays, chez toutes les races, dans toutes les religions, la preuve de cette affirmation de l’Écriture : «L’Esprit souffle où il veut.»
Théodore Monod
Parlant d’Amadou Hampâté Bâ «Il était musulman et j’étais chrétien, mais nos convictions religieuses convergeaient vers la même direction.»
L’enseignement de Tierno Bokar ne pouvait que séduire le protestant Monod qui vouait une immense admiration au Sage de Bandiagara dont il se sentait très proche par l’esprit.
Mais ce qui le bouleversait le plus était que Tierno Bokar qui avait vécu confiné dans une province reculée du Mali tînt des propos identiques à ceux de certains auteurs chrétiens d’Europe avec qui il n’avait jamais été en contact.
«Je ne m’enthousiasme que pour la lutte qui a objet de vaincre en nous nos propres défauts. Cette lutte n’a rien à voir, hélas, avec la guerre que se font les fils d’Adam au nom d’un Dieu qu’ils déclarent aimer beaucoup, mais qu’ils aiment mal, puisqu’ils détruisent une partie de son œuvre.»
Ou encore :
«En vérité, une rencontre des vérités essentielles des diverses croyances qui se partagent la terre pourrait se révéler d’un usage religieux vaste et universel. Peut-être serait-elle plus conforme à l’Unité de Dieu, à l’unité de l’esprit humain et à celle de la Création tout entière.»
«Ces rapprochements de l’esprit, disait-il aussi, confondent l’imagination et démontrent que le progrès moral et spirituel n’est pas l’apanage d’un siècle ou d’une race.»
L’Émeraude des Garamantes
Voici ce que dit Théodore Monod dans son ouvrage «L’Émeraude des Garamantes» publié aux Éditions Actes Sud.
«Je regardai et voici que m’apparut un coin de paysage soudanais, un pan de mur d’argile, une cour noyée de soleil, au loin un éboulis de pierrailles calcinées, de maigres buissons, la haute silhouette de quelques rôniers. Un homme, tourné vers l’Orient, se prosterne pour la prière canonique du dhohor ; c’est un pieux musulman, un noir, Tierno Bokar, celui que l’on a pu appeler le saint François d’Assise soudanais.»
Connu plus tard sous le nom de Tierno Bokar, ou « maître Bokar », Bokar Salif Habi appelé Tierno tout court par ses disciples, serait né en 1875 et se serait établi à Bandiagara en 1893 peu après la prise de Ségou par Archinard.
Il subit fortement la double influence d’une mère courageuse, douce et pieuse, Aïssata, et d’un maître vénéré qui lui enseigna les sciences islamiques, Amadou Tafsirou Bâ.
Sa naissance le destinait au métier des armes mais il se fait tailleur-brodeur, sur le conseil de sa mère : «Plutôt que d’ôter la vie aux hommes, apprends à couvrir leur nudité de leur corps en leur cousant des vêtements, avant d’être appelé à l’honneur de couvrir, en prêchant l’Amour, leur nudité morale.»
École coranique
Tierno Bokar le sage de Bandiagara
Il commencera bientôt à enseigner lui-même et ouvre en 1907 une modeste école coranique avec 5 élèves.Trente ans durant, la vie quotidienne de Tierno Bokar sera entre toutes la plus monotone, quant à son déroulement matériel. Un emploi du temps ne varietur, une parfaite absence d’événements, d’imprévu, d’excitation extérieure.
«Il n’y a rien à raconter : un petit marabout de village récite, encore en pleine nuit, son chapelet, et partage ses journées entre les offices à la mosquée et son enseignement.»
C’est tout.
«En apparence, il ne se passe rien, pas plus qu’à Jérusalem d’ailleurs quand y séjourne, y enseigne et y meurt un autre maître non moins inconnu de la « bonne société » et des « bien pensants ».
«Serait-ce que l’aventure véritable est invisible, est intérieure, que la grandeur véritable est plus dans l’être que dans le faire, qu’il n’est d’autre royauté durable et illimitée que celle des esprits et qu’à côté du saint, califes, sultans, vizirs, chefs de guerre ou de bureau, ne sont qu’ombres fugaces ou éphémères apparences ?
École coranique
Une vie sans événements, tout entière enclose entre des murs d’argile dévorés de soleil, ceux de la maison, ceux des ruelles étroites de la petite ville, ceux de l’humble mosquée.Austère et pauvre, au sens où nous entendons ces mots, sans confort, sans distractions, sans cinéma, sans radio, sans journaux, ni magazines. Nullement surhumaine, bien sûr, ni même ascétique – le célibat, dans l’islam, est ignoré même des spirituels et des mystiques -, vie limitée dans ses connaissances, mais limitée à l’essentiel.
Cet essentiel qui, par définition, suffit à une existence largement ouverte, par la porte de la méditation et de la piété, sur les profondeurs de la vie spirituelle, sur les réalités invisibles, sur les problèmes de l’être, résolus d’ailleurs aux clartés de l’orthodoxie coranique, sur ceux aussi, non moins graves n’en déplaise aux théologiens, de la morale pratique: l’eupraxie après l’orthodoxie, et la rectitude de la conduite sachant au besoin, allant au plus pressé, bousculer amicalement, quand il le faut, celle de la croyance.»
Rien du professeur universitaire
«Bokar n’a rien du professeur. D’ailleurs, on ne saurait dogmatiser ex cathedra quand tous, maître et disciples, sont assis par terre, dans un réduit poussiéreux, le vestibule intercalé entre la rue et la partie privée de la maison, et sans cesse traversé par quelque passant, un négrillon habillé d’une ficelle, une chèvre, une porteuse de bois, d’eau ou de lait.»
«Son enseignement est direct, donné le plus souvent sous une forme imagée, prenant prétexte pour illustrer une vérité morale de quelque incident matériel, un petit fait, un objet, un rayon de soleil, la route, le ruisseau, la pluie, l’écume et les vagues, la lessive, les soins de beauté de la coquette, l’ombre du feuillage, le troupeau qui s’égaille, le puits, la lampe à beurre de karité, l’oiseau, la pirogue, le chien, le fer rouge, le beurre ont peut-être servi de symbole.»
L’Évangile n’en use pas autrement
«Le monde visible n’est qu’un gigantesque trésor de paraboles, un livre d’images à déchiffrer. Mais qu’il faut savoir interpréter. Rien de plus direct, de moins systématique.
Tierno veut à ses disciples – à ses « frères réfléchis » – un cœur ouvert, de la bonne volonté, une âme ardente. Il faut chercher sans relâche les choses spirituelles, les seules durables :»
«L’esprit humain tient à la beauté, mais persiste à rester à la surface des choses, où il n’est pas d’harmonie permanente. La féerie des nuages multicolores qui fêtent le lever ou le coucher du soleil disparaît en quelques instants, la beauté physique s’estompe avec le crépuscule de la vieillesse…
«Toi, adepte venu au seuil de la zaouïa où nous souhaitons voir briller la flamme sacrée du bon conseil, sache que la beauté matérielle se fane rapidement, elle ne peut être qu’éphémère et illusoire. Détourne tes efforts de sa poursuite mais applique-les à la conquête de la beauté véritable, permanente, la beauté morale qui fleurit dans le champ de l’Esprit.»
Bandiaraga : Ancienne mosquée
L’enseignement de Tierno Bokar
«Cherche à travers les ténèbres de la vie matérielle et l’étoile brillante te guidera vers le jardin des beautés réelles et éternelles.»(Coran: Sourate 83, verset 3)
Le contenu de l’enseignement de Tierno Bokar, il est, dans son évangélique simplicité, facile à définir.
C’est d’abord, bien entendu, l’amour de Dieu et l’unicité de Dieu. C’est la base, l’alpha et l’oméga de la révélation : Ecris le nom divin face à ta couche de façon qu’elle soit le matin, au réveil la première chose qui s’offre à ta vue.
«Au lever prononce-le avec ferveur et conviction comme le premier mot sortant de ta bouche et frappant ton oreille. Le soir à ton coucher, une fois étendu fixe-le comme le dernier objet entrevu avant de sombrer dans le sommeil. A la longue, la lumière contenue dans le secret des quatre lettres (°) se répandra sur toi et une étincelle de l’essence divine enflammera ton âme… Répéter sans cesse le nom d’Allah ou la formule attestant l’unicité de Dieu est un sûr moyen d’introduire en soi à souffle qui entretiendra en nous la chaleur mystique.»
(°) Allah s’écrit en arabe avec un alif, deux lam et un ha.
«Il y a des degrés dans la connaissance religieuse, celle des croyants ordinaires, « blottis dans un petit coin de la tradition », puis celle de ceux qui se sont engagés résolument dans la voie qui conduit à la vérité, où l’homme et les autres êtres vivants se réconcilient dans la paix. Mais la troisième, qui la décrira ?»
«Lumière sans couleur, obscurité brillante, c’est, enfin, le séjour de la totale Vérité : Ceux qui ont le bonheur de parvenir au degré de cette lumière perdent leur identité et deviennent ce que devient une goutte d’eau tombant dans le Niger ou plutôt dans une mer infiniment vaste en étendue et en profondeur…
Mais l’union divine ne dispense pas, bien au contraire, de la pratique du devoir moral, qui se résume en peu de mots : amour, charité, pitié, tolérance.»
Un poussin tombé du nid
«Un jour, en 1933, au cours d’une leçon de théologie, un poussin d’hirondelle tombe d’un nid fixé au plafond. Tout attristé de l’indifférence générale, Tierno Bokar interrompit son exposé et dit: « Donnez-moi ce fils d’autrui. »
Il examine le petit oiseau qu’il venait d’appeler si humainement « fils d’autrui », reconnaît que sa vie n’était pas menacée et s’écrie : « Louange à Dieu dont la grâce prévenante embrasse tous les êtres. » Puis levant les yeux, il constata que le nid était fendu et que d’autres petits risquaient encore de tomber.
Aussitôt, ayant demandé du fil, il grimpe sur un escabeau improvisé et raccommode à l’aiguille le nid endommagé, avant d’y replacer l’oisillon. Puis, au lieu de reprendre son cours, il dit: « Il est nécessaire que je vous parle de la charité, car je suis peiné de voir qu’aucun de vous ne possède en suffisance cette vraie bonté de cœur. Et cependant quelle grâce!
Si vous aviez un cœur charitable, il vous eût été impossible de continuer à écouter une leçon quand un petit être misérable à tous les points de vue vous criait au secours et sollicitait votre pitié : vous n’avez pas été ému par ce désespoir, votre cœur n’a pas entendu cet appel.
«Eh bien, mes amis, en vérité, celui qui apprendrait par cœur toutes les théologies de toutes les confessions, s’il n’a pas de charité dans son cœur, ses connaissances ne seront qu’un bagage sans valeur.»
«Nul ne jouira de la rencontre divine, s’il n’a pas de la charité au cœur. Sans elle, les cinq prières canoniques sont des gestes purement matériels sans valeur religieuse ; sans elle le pèlerinage au lieu d’être un voyage sacré devient une villégiature sans profit. Si j’avais à symboliser la religion, je la comparerais à un disque en vannerie dont l’une des faces est amour et l’autre charité.»
Cet épisode est d’autant plus remarquable que la pitié envers les animaux tient bien peu de place dans les religions monothéistes, il y a toutefois d’heureuses exceptions individuelles.
Falaise de Bandiaraga
Abou Bakr Al Chibli, mystique du Xe siècle
C’est ainsi qu’un disciple du mystique musulman Chibli (Xe Siècle) pouvait raconter :
«Dieu m’a fait venir et m’a dit :
- Sais-tu pourquoi je t’ai donné ma miséricorde ?
- C’est parce que j’ai beaucoup prié.
- Non pas.
- Parce que j’ai beaucoup jeûné ?
- Non plus : c’est parce qu’un soir d’hiver, dans une rue de Bagdad, tu as ramassé une chatte abandonnée et l’as réchauffée dans ton manteau.»
La violence : un pis-aller
Pour Tierno Bokar la violence est un scandaleux et inutile pis-aller :
«Si l’on tue par les armes l’homme qu’anime le Mal, ce dernier bondit hors du cadavre qu’il ne peut plus habiter et pénètre par les narines dilatées dans le meurtrier pour y reprendre racine et redoubler de puissance. C’est seulement quand le Mal est tué par l’Amour qu’il l’est pour toujours …»
Questionné sur la guerre sainte, il avoue : « Personnellement je n’admire qu’une seule guerre, celle qui a pour but de vaincre en nous nos défauts… Parmi ceux-ci l’orgueil reste un des plus malfaisants » :
« Notre planète n’est ni la plus grande ni la plus petite de toutes celles que Notre Seigneur a créées… Nous ne devons nous croire ni supérieurs, ni inférieurs à tous les autres êtres.
« Les meilleures des créatures seront parmi celles qui s’élèvent dans l’amour, la charité et l’estime du prochain. Celles-là seront lumineuses comme un soleil montant tout droit dans le ciel. »
L’humilité nécessaire conduit au sentiment de la fraternité humaine et à cette haute certitude que les chemins divers peuvent conduire à une unique Vérité. Grande et difficile leçon que refusent tous les fanatismes mais qu’inlassablement répétera Tierno Bokar.
«Frère en Dieu, venu au seuil de notre zaouïa, cellule d’Amour et de Charité, ne querelle pas l’adepte de Moïse ni celui de Jésus, car Dieu a témoigné en faveur de leurs prophéties.
- Et les autres ?
- Laisse-les entrer et même salue-les fraternellement pour honorer en eux ce qu’ils ont hérité d’Adam… il y a en chaque descendant d’Adam une parcelle de l’Esprit de Dieu. Comment oserions-nous mépriser un vase renfermant un tel contenu ? »
«L’arc-en-ciel doit sa beauté aux tons variés de ses couleurs. De même, nous regardons les voix des croyants divers qui s’élèvent de tous les points de la terre, comme une symphonie de louanges à l’adresse d’un Dieu qui ne saurait être que l’Unique.
Un homme, quelle que soit sa race, dès que l’adoration illumine son âme, celle-ci prend l’éclat du diamant mystique. Ni sa couleur, ni sa naissance n’entrent en jeu. »
Message résolument universaliste on le voit, et qui rejoint aisément celui des prophètes d’Israël, celui de l’Évangile, celui d’un Ramakrisna ou d’un Vivekananda dans leur essentielle affirmation que l’Esprit souffle où il veut et qu’il y a « plusieurs demeures dans la maison de mon père. »
Tierno Bokar avait disparu derrière le mur d’argile, souriant au nid d’hirondelle et retournant à son travail de brodeur.
Jeune fille du pays « dogon »
Paroles de Sagesse
La Charité
«Celui qui apprendrait par cœur toutes les théologies de toutes les confessions, s’il n’a pas la charité dans son cœur il pourra considérer ses connaissances comme un bagage sans valeur. Nul ne jouira de la rencontre divine, s’il n’a pas de charité au cœur. Sans elle les cinq prières sont des gesticulations sans importance. Sans elle le pèlerinage est une promenade sans profit.»
Dieu«Dieu est l’embarras des intelligences parce que tout ce que tu conçois dans ta pensée et matérialises par ta parole comme étant Dieu, cesse pas là-même d’être Dieu, pour n’être plus que ta propre manière de le concevoir. Il échappe à toute définition.»
Foi et incroyance«La foi et l’incroyance sont comme deux champs contigus. La prière marque leur limite. Celui qui prie est appelé fidèle, quel que soit le poids de ses péchés. Celui qui ne prie pas est infidèle, quelle que soit la sagesse de sa vie.»
Parcelle de lumière«Tout homme bon ou mauvais est le dépositaire d’une parcelle de lumière.»
La Vérité«Il y a trois vérités : Ta vérité, ma vérité et la vérité.»
La Vie et la Mort«Quand un enfant naît ici bas, je vois ses parents ivres de bonheur se congratuler et annoncer l’événement à grands cris de joie. Quant un des leurs s’en va, je vois les parents affligés porter sur leurs visages et leurs vêtements tous les signes du chagrin et de la douleur.
L’inconséquence humaine apparaît ainsi à ceux qui réfléchissent. Notre race humaine désire la vie et fuit la mort. Or, qu’est-ce que naître? C’est entrer dans un jardin d’où l’on ne pourra sortir que par la porte de la mort, unique issue, commune aux justes et aux injustes, aux croyants et aux incrédules.
Qu’est-ce que mourir ? C’est renaître à la vie éternelle. L’homme qui meurt retourne au jardin paradisiaque où règne Dieu, l’éternelle source de lumière. C’est alors que nous devrions nous réjouir.»
«Non seulement, Tierno Bokar s’abstenait de juger autrui, mais encore il essayait de nous faire comprendre qu’une bonne pensée est toujours préférable à une mauvaise, même lorsqu’il s’agit de ceux que nous considérons comme nos ennemis. Il n’était pas toujours facile de nous convaincre, comme le montre l’anecdote suivante où il fut amené à nous parler des oiseaux blancs et des oiseaux noirs.
«Ce jour-là, Tierno avait commenté ce verset : « Celui qui a fait le poids d’un atome de bien le verra ; celui qui a fait le poids d’un atome de mal, le verra » (Coran XC, 7 et 8).»
Comme nous le questionnions sur les bonnes actions, il nous dit :
- La bonne action la plus profitable est celle qui consiste à prier pour ses ennemis.
- Comment ! m’étonnai-je. Généralement, les gens ont tendance à maudire leurs ennemis plutôt qu’à les bénir. Est-ce que cela ne nous ferait pas paraître un peu stupide que de prier pour nos ennemis ?
- Peut-être, répondit Tierno, mais seulement aux yeux de ceux qui n’ont pas compris. Les hommes ont, certes, le droit de maudire leurs ennemis, mais ils se font beaucoup plus de tort à eux-mêmes en les maudissant qu’en les bénissant.
- Je ne comprends pas, repris-je. Si un homme maudit son ennemi et si sa malédiction porte, elle peut détruire son ennemi. Cela ne devrait-il pas plutôt le mettre à l’aise ?
- En apparence, peut-être, répondit Tierno, mais ce n’est alors qu’une satisfaction de l’âme égoïste, donc une satisfaction d’un niveau inférieur, matériel.
Du point de vue occulte, c’est le fait de bénir son ennemi qui est le plus profitable. Même si l’on passe pour un imbécile aux yeux des ignorants, on montre par là, en réalité, sa maturité spirituelle et le degré de sa sagesse.»
- Pourquoi ? lui demandai-je. C’est alors que Tierno, pour m’aider à comprendre, parla des oiseaux blancs et des oiseaux noirs.
- Les hommes, dit-il, sont les uns par rapport aux autres, comparables à des murs situés face à face.
Chaque mur est percé d’une multitude de petits trous où nichent des oiseaux blancs et des oiseaux noirs. Les oiseaux noirs, ce sont les mauvaises pensées et les mauvaises paroles.
Les oiseaux blancs, ce sont les bonnes pensées et les bonnes paroles. Les oiseaux blancs, en raison de leur forme, ne peuvent entrer que dans des trous d’oiseaux blancs et il en va de même pour les oiseaux noirs qui ne peuvent nicher que dans des trous d’oiseaux noirs.
Youssouf et Ali
« Maintenant, imaginons deux hommes qui se croient ennemis l’un de l’autre. Appelons-les Youssouf et Ali.
Un jour, Youssouf, persuadé que Ali lui veut du mal, se sent empli de colère à son égard et lui envoie une très mauvaise pensée.
Ce faisant, il lâche un oiseau noir et, du même coup, libère un trou correspondant. Son oiseau noir s’envole vers Ali et cherche, pour y nicher, un trou vide adapté à sa forme.
Si, de son côté, Ali n’a pas envoyé d’oiseau noir vers Youssouf, c’est-à-dire s’il n’a émis aucune mauvaise pensée, aucun de ses trous noirs ne sera vide.
Ne trouvant pas où se loger, l’oiseau noir de Youssouf sera obligé de revenir vers son nid d’origine, ramenant avec lui le mal dont il était chargé, mal qui finira par ronger et détruire Youssouf lui-même.
Mais imaginons qu’Ali a, lui aussi, émis une mauvaise pensée. Ce faisant, il a libéré un trou où l’oiseau noir de Youssouf pourra entrer afin d’y déposer une partie de son mal et y accomplir sa mission de destruction.
Pendant ce temps, l’oiseau noir d’Ali volera vers Youssouf et viendra loger dans le trou libéré par l’oiseau noir de ce dernier. Ainsi les deux oiseaux noirs auront atteint leur but et travailleront à détruire l’homme auquel ils étaient destinés.
Mais une fois leur tâche accomplie, ils reviendront chacun à son nid d’origine car, est-il dit :
Toute chose retourne à sa source
«Le mal dont ils étaient chargés n’étant pas épuisé, ce mal se retournera contre leurs auteurs et achèvera de les détruire.
L’auteur d’une mauvaise pensée, d’un mauvais souhait, d’une malédiction est donc atteint à la fois par l’oiseau noir de son ennemi et par son propre oiseau noir lorsque celui-ci revient vers lui.
La même chose se produit avec les oiseaux blancs. Si nous n’émettons que de bonnes pensées envers notre ennemi alors que celui-ci ne nous adresse que de mauvaises pensées, ses oiseaux noirs ne trouveront pas de place où loger chez nous et retourneront à leur expéditeur.
Quant aux oiseaux blancs porteurs de bonnes pensées que nous lui aurons envoyés, s’ils ne trouvent aucune place libre chez notre ennemi, ils nous reviendront chargés de toute l’énergie bénéfique dont ils étaient porteurs.
Ainsi, si nous n’émettons que de bonnes pensées, aucun mal, aucune malédiction ne pourront jamais nous atteindre dans notre être.
C’est pourquoi il faut toujours bénir et ses amis et ses ennemis. Non seulement la bénédiction va vers son objectif pour y accomplir sa mission d’apaisement, mais encore elle revient vers nous, un jour ou l’autre, avec tout le bien dont elle était chargée.»>
C’est ce que les soufis appellent l’égoïsme souhaitable. C’est l’Amour de Soi valable, lié au respect de soi-même et de son prochain parce que tout homme, bon ou mauvais, est le dépositaire d’une parcelle de la Lumière divine. C’est pourquoi les soufis, conformément à l’enseignement du Prophète, ne veulent souiller ni leur bouche, ni leur être par de mauvaises paroles ou de mauvaises pensées, même par des critiques apparemment bénignes. »
Amadou Hampaté Bâ
«Amadou Hampaté Bâ est l’auteur de la formule : En Afrique, chaque fois qu’un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle.
Si cet écrivain peul a toute sa vie lutté contre l’extinction de sa culture, en encourageant l’alphabétisation de son peuple ou encore en transcrivant lui-même une part de ses traditions, c’est peut-être parce qu’il ne voulait pas que l’enseignement coranique oral de son maître, le Sage de Bandiagara, fût à jamais perdu.
Comme Platon a transmis la pensée de Socrate, Amadou Hampaté Bâ a retracé « La Vie et l’Enseignement de Tierno Bokar ».
De ce livre magnifique Peter Brook et sa collaboratrice Marie-Hélène Estienne ont tiré un spectacle bouleversant qui a fait le tour du monde.
Au théâtre, la pièce se présente comme une veillée, au cours de laquelle sont célébrés tour à tour l’intelligence, la bienveillance, le stoïcisme et la douceur inaltérable de cet adepte du soufisme. Au moment où l’angoisse nous pousse parfois à fourrer foi et fanatisme dans le même sac, cette fervente leçon de tolérance donnée par un musulman tombe à pic. Outre son actualité Tierno Bokar est un spectacle aérien. Un souffle de grâce et de paix. C’est le Malien Sotigui Kouyaté, un fidèle compagnon de Peter Brook qui tient le rôle du marabout : il incarne la noblesse même.»
Ma visite à Bandiagara
Lorsque, en 1969, je suis retourné sur le plateau de Bandiagara (Mali), sur les lieux où avait vécu et enseigné Tierno Bokar, le souvenir de cet homme exceptionnel n’avait laissé que peu de traces.
Le site était magnifique. Dressés au-dessus de la plaine de Gondo, les admirables villages de Dogons semblaient sortir intacts de la nuit des temps et de la légende.
Après quelques années d’animation, la curiosité suscitée par le succès de la pièce de théâtre et du livre sur la vie de Bokar s’était dissoute.
L’emplacement même où se trouvait la case de sa zaouïra était incertain car plusieurs familles prétendaient que leur demeure avait été celle du saint homme.
Quant aux tombes d’Aïssata et de Tierno, miraculeusement redécouvertes et entretenues par un guide et « chercheur de trésors », elles ne sont visitées que par des touristes.
Seul un très vieux conteur se souvenait du « sidi » dont il affirmait qu’ il volait dans les airs avec les oiseaux, qu’il faisait tomber la pluie les années de sécheresse, qu’il transformait les pierres en pain et les sauterelles en sauvagines.
Tombes présumées d’Aïssata et de Tierno Bokar
SOURCES :
- Borowicz (Brontislav) : Les Maîtres du Savoir, Chez l’auteur, Lausanne, 1968
- Hampaté Bâ (Amadou) : Le Sage de Bandiagara, Editions du Seuil
- Hampaté Bâ (Amadou) : Vie et enseignement de Tierno Bokar,Collection Points Seuil
- Lucas (Gérald) : Tierno Bokar : le Sage du Désert, Editions de la Louve, Genève, 1977
- Monod (Théodore) : L’Émeraude des Garamantes, Actes Sud, 1992
- Schweizer (Marc) : Les Sages de l’Islam, in Science & Magie, 1992
- Un site pour mieux connaître Théodore Monod, l’un des géants du XXe siècle :
Merci à toi mon B:. A:. F:. Christian pour ce partage …
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Dhammananda – La nonne combative 8 août, 2022
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En Thaïlande, Dhammananda est la seule femme à pouvoir se draper du civara, la robe de soie safran portée par les bonzes. Première femme bouddhiste ordonnée en Thaïlande, cette tout-juste sexagénaire tente d’instaurer un ordre monastique féminin dans son pays et d’y promouvoir l’égalité spirituelle des sexes.
En guise de salut, Dhammananda esquisse un signe bienveillant des yeux, qui adoucit fugitivement son regard pénétrant. La nudité de sa tête, intégralement rasée, dégage l’élégant ovale de son visage. En Thaïlande, elle est la seule femme à pouvoir se draper du civara, la robe de soie safran traditionnellement portée par les membres de la communauté monastique. Un privilège que lui vaut son ordination récente en tant que bikkhunni (nonne) selon la tradition theravada, l’école de pensée issue du bouddhisme primitif.
Il y a plus de huit siècles, les bikkhunis disparaissaient d’Asie du Sud-Est. Privées d’ordre monastique consacré, les femmes thaïlandaises improvisent, aux alentours du XIIIème siècle, une congrégation religieuse de substitution : les Mae Chiis. Ces nonnes, au statut ambigu car non défini par le Bouddha, ni tout à fait laïques ni entièrement religieuses, sont, de fait, exclues de la communauté monastique. « Les femmes deviennent des Mae Chiis parce qu’elles n’ont pas le choix. Celles qui vivent à proximité des moines sont considérées comme des domestiques chargées des tâches ménagères . »
À la lumière des paroles proférées par le Bouddha, Dhammananda se fait l’apôtre de l’égalité spirituelle des sexes. Elle dénonce la perversion d’un système qui légitime l’infériorité des femmes sur le plan religieux. La dérive misogyne du bouddhisme, elle l’a étudiée pendant plus de trente ans avant d’investir totalement sa personne, à l’âge de 54 ans.
Accomplissement individuel de son chemin spirituel, son ordination est aussi le point de départ d’un ambitieux projet pour son pays : l’établissement d’une sangha (communauté) de bikkhunnis theravada en Thaïlande.
Accusée d’imposture
L’annonce de son ordination en 2001 sème la pagaille dans les rangs monastiques. Au cœur de la tourmente, Dhammananda se heurte à la réticence quasi unanime des vénérables bouddhistes. Accusée d’imposture, elle reçoit des lettres menaçantes et fait l’objet d’une enquête gouvernementale. « Quand j’ai été ordonnée, on m’a reproché de semer le trouble. Si mes censeurs sont confus, c’est parce que les moines de notre pays ont subi un lavage de cerveau depuis le début. Ils ont une compréhension faussée de l’ordination des femmes. »
La religieuse n’est pas du genre à mâcher ses mots, attitude d’autant plus surprenante que la discrétion et la retenue sont des qualités appréciées ici. Dans sa ligne de mire, le discours fataliste des autorités monastiques, selon lequel il est impossible de procéder à une ordination sans les descendants directs de la lignée originelle: toute rupture du lien de filiation (maître-disciple) qui permet la transmission de l’enseignement et le renouvellement de la communauté est considérée comme définitive.
« La polémique concerne les conditions de mon ordination. D’après les règles de la vie monastique, l’ordination d’une femme nécessite la présence de cinq bikkhunnis et cinq bikkhus. Comme il n’existait pas de bikkhunni en Thaïlande, je suis allée au Sri Lanka. »
Dans ce pays, de tradition theravada, comme en Thaïlande, la résurrection de l’ordre des bikkhunnis est une réalité depuis 1996.
Présidente et cofondatrice de l’organisation internationale Sakyadhita (Filles de Bouddha) en 1993, Dhammananda est aux premières loges pour y suivre l’évolution du mouvement bouddhiste féminin. Basée au Sri Lanka, l’association promeut le statut de bikkhuni et favorise l’accès à l’éducation des nonnes asiatiques. Trois ans plus tard, c’est sur le sol sri lankais qu’ont lieu les premières ordinations de bikkhunis theravada.
L’accomplissement spirituel de Dhammananda est le fruit d’une longue maturation entamée dès l’enfance. « Pour expliquer cette décision, je dois parler de ma mère. Quand elle est devenue Mae Chii en 1956, j’étais âgée de 10 ans, la pleine ordination des femmes n’existait pas en Thaïlande. Au lieu de quitter la maison, comme c’est le cas traditionnellement, elle a transformé notre maison en temple. »
Enfant, la « fille du temple» reçoit une éducation bouddhiste poussée. Plus tard, brillante universitaire, elIe approfondit ses connaissances théologiques et rédige sa thèse sur un sujet qui lui tient à coeur: le statut des nonnes bouddhistes. « J’ai découvert à ce moment-là qu’il était possible pour ma mère de se faire ordonner à Taiwan, selon la tradition mahayana (2). Je l’ai accompagnée dans sa démarche. »
Dharnmananda est loin de se douter que son engagement en faveur des femmes bouddhistes et le service rendu à sa mère guideront ses pas jusqu’à sa propre ordination.
Quand Chatsumarn Kabilsingh, de son nom laïque, décide de prêter serment, c’est une femme accomplie, mère de trois enfants, et à l’apogée de sa carrière. Professeur de philosophie bouddhiste depuis vingt ans, responsable des études indiennes au gouvernement, elle affiche le profil type de la femme publique hyperactive qui multiplie les casquettes et assiste à nombre de conférences internationales.
Socialement engagée
Comme un juste retour des choses, c’est dans le temple de sa mère, le Wat Kalyani, que Dhammananda s’installe, un havre de paix propice à la méditation. Dans le petit village de Nakhon Pathom, à une cinquantaine de kilomètres du tumulte de Bangkok, la nouvelle prêtresse s’impose facilement auprès des habitants comme l’égale des moines.
Plusieurs fois par semaine, elIe parcourt les rues pieds nus, accompagnée de ses trois novices, pour l’aumône: les offrandes servent de repas pendant deux ou trois jours. Au coin des maisons, devant l’entrée des jardins ou en pleine rue, les fidèles attendent son passage aux premières lueurs du jour, munis de petits sachets de riz, légumes ou douceurs sucrées.
Deux fois par jour, la petite congrégation se réunit autour d’une statue de Bouddha pour prier. Pour vivre en bikkhuni digne de ce nom, Dharnmananda respecte les 311 préceptes édictés par le Bouddha, comme celui de ne pas manger après 12 heures. Les contraintes de la vie monastique ne calment pas pour autant ses ardeurs et la sérénité qu’elIe affiche, a plutôt l’air d’une façade de convenance. Ordinateur portable, téléphone, piles de dossiers, le bureau où elle reçoit n’est pas celui qu’on imaginerait comme, étant celui d’une nonne.
« La majorité des gens pense qu’une bonne nonne doit vivre à l’écart du monde. Etre bikkhuni ne signifie pas se replier sur soi-même. Je crois que j’ai davantage de travail aujourd’hui que dans ma vie laïque. »
Cette « bouddhiste engagée », comme elle se qualifie elle-même, a tôt fait d’endosser le rôle de guide spirituel. Régulièrement, elle reçoit des anonymes qui restent plusieurs nuits au temple : « C’est mon devoir d’aider les gens et de les recevoir. S’ils viennent avec une souffance, je dois pratiquer la compassion et les écouter. »
Le Wat Kalyani est un lieu de passage : des femmes en retraite, étrangères curieuses, étudiants américains, journalistes qui la consultent a tout propos : « L’autre jour, la radio voulait avoir mon avis sur les femmes battues par leurs maris ivrognes. » Rien d’étonnant puisque la religieuse fait aussi entendre sa voix sur la place des femmes dans la société thaïlandaise.
Elle sait la portée sociale d’une communauté de bikkhuni, son impact positif sur l’image, parfois dégradée, des Thaïlandaises : « Il n’existait pas de femme en Thaïlande, susceptible de représenter un modèle sur le plan spirituel » Issues pour la plupart de milieux défavorisés et peu éduquées, les quelque 10000 Mae Chiis du pays ne sont pas en mesure de prétendre à ce rôle.
« C’est parce que les femmes ne peuvent pas être ordonnées, et qu’elles ont une image négative d’elles-mêmes, qu’elles sont reléguées à l’autre bout du spectre [la prostitution].
Pourquoi la porte se fermerait-elle aux femmes ordonnées, alors que celle qui mène à la prostitution est largement ouverte ? »
Elle consacre l’essentiel de son temps à favoriser l’accès des femmes à la spiritualité. À commencer par l’enseignernent du bouddhisme, jusqu’ici réservé aux hommes.
Régulièrement, le Wat Kalyani anime des formations théoriques. « Ce temple est le seul endroit qui offre la possibilité aux femmes de pratiquer et de recevoir une éducation spirituelle. » Obstinée, malgré la défiance du « haut clergé », la nonne ne doute pas un instant que son acharnement portera ses fruits. « J’ai confiance dans la société. Le changement arrivera. Je ne peux pas dire quand, mais ça viendra. » Sa patience est déjà récompensée : l’une de ses novices vient de se voir ordonnée.
Article venant du site Bouddhisme au féminin de CIaire Sauvaire – le Monde des Religions Mai 2006 –
Même si cet article date un peu, l’avancement des nonnes Thaïlandaises est vraiment en cours, elles sont un bel exemple pour toutes les nonnes des autres traditions bouddhistes .Ida Radogowski
Ida a créé avec d’autres personnes LA LETTRE DES DEUX VOIES pour favoriser des échanges et des liens entre Francs-Maçon (nes) qui sont déjà dans une démarche bouddhiste ou qui souhaite connaître un peu mieux le bouddhisme.La lettre est trimestrielle et gratuite, on peut s’y inscrire en précisant son Ob., sa L. et la Ville de résidence à ce mail : lesdeuxvoies@orange.fr
SOURCE : https://450.fm/2022/08/05/dhammananda-la-nonne-combative/