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Anarchisme et Franc-Maçonnerie 12 mai, 2009

Posté par hiram3330 dans : Bleu,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaire

Anarchisme et Franc-Maçonnerie

A Roger, mon frère, qui est anarchiste parce que, tout simplement, il s’efforce d’être humain.

V... M...,

Avant de donner lecture de mon travail, permettez-moi, de faire une dédicace et quelques citations :

La dédicace d’abord : je dédie mon travail aux :

« imbéciles, qui, ne sachant rien de la Franc-Maçonnerie,

se permettent d’en parler ».

Ainsi que :

« Aux imbéciles- souvent les mêmes que les précédent(e)s – qui s’imaginent être anarchistes,

parce qu’ils-elles se disent tel(le)s et, ne sachant en définitive pas ce qu’est l’Anarchisme,

s’autorisent à dire qu’il est incompatible avec le Maçonnisme ».

 

Les citations à présent :

Du F... anarchiste Léo Campion :

« Si les Maçons anarchistes sont une infime minorité, la vocation libertaire de la Maçonnerie est indéniable (…) elle est la seule association à laquelle puisse adhérer celui qui n’adhère à rien ».

Du F... Oscar Wirth ensuite :

« Franc-Maçonnerie, suprême École de la liberté« .

Puis, du F... communard et, peut-être anarchisant, même si cela importe peu de savoir qu’il le fût ou non, Félix Pyat.

« Frères, citoyens de la grande partie universelle, fidèles à nos principes communs : Liberté, Égalité, Fraternité, et plus logique que la Ligue des Droits de Paris, vous, Francs-Maçons, vous faites suivre vos paroles de vos actions. Aussi, après avoir affiché votre manifeste – le manifeste du cœur – sur les murailles de Paris, vous allez maintenant planter votre drapeau d’humanité sur les remparts de notre ville assiégée et bombardée. Vous allez protester ainsi contre les balles homicides et les boulets fratricides, au nom du droit et de la paix universelle ».

Du F... anarchiste René Valfort encore :

« Un milieu comme la Franc-Maçonnerie, dont les principes fondamentaux sont : la tolérance, la fraternité, la liberté de pensée, le respect de la personne humaine, dont l’objet principal est l’éducation des individus et la formation d’une élite, ne peut pas être inutile au progrès de l’Humanité. Et de cela les anarchistes, moins que quiconque, ne doivent douter, vu l’importance qu’ils attachent à l’éducation ».

Et, enfin, un très bref extrait du Dictionnaire universel de la Franc-Maçonnerie :

« L’Anarchisme est la passion de la Liberté mise en théories. Et aussi en pratique lorsque faire se peut ».

 

*****

 

Il n’est pas dans mon propos de disserter en raison, c’est-à-dire d’un point de vue philosophique, historique, psychologique sociologique, politique…, sur la compatibilité ou l’incompatibilité de l’Anarchisme et de la Franc-Maçonnerie, d’autres plus compétents que moi, illustres Anarchistes, FF... et/ou… FF... anarchistes l’ayant déjà fait à maintes reprises.

Mon propos est plus modeste, plus humble. Il s’agit seulement d’évoquer les grandes pages de cet histoire d’amour, passionné, passionnel et passionnant , entre l’Anarchisme et la Franc-Maçonnerie, histoire nourrie du vécu de grand acteurs de ces deux mouvements mais, aussi et sans doute surtout, d’individus dont l’anonymat est la marque de leur honnêteté, ce terme étant pris dans son acception du XVIIème siècle.

Anarchisme et Franc-Maçonnerie sont deux courants de pensée et deux mouvements d’action qui s’inscrivent dans l’humanisme, lequel est né avec la premier humain ayant pris conscience de ce qu’il-elle pouvait naître à son humanité s’il-elle en faisait librement le choix.

Dans les deux cas, à l’origine, il y a nécessairement un choix, le choix de s’engager. Les engagements anarchique et maçonnique sont scellés par la liberté : la liberté du choix de l’individu d’abord qui, un jour, décide d’entrer en anarchisme ou en Franc-Maçonnerie – voire, en l’un ET en l’autre – ; la Liberté ensuite, avec un grand « L », constitutive à la fois de l’humaine condition : l’humanité par différenciation d’avec le non-humain, le pré-humain, l’a-humain, l’in-humain, du projet anarchique et maçonnique : la libération des individus et de la Société humaine et, enfin, de la fin anarchiste et maçonnique : l’achèvement de l’humanité, c’est-à-dire l’avènement d’une Société véritablement humaine.

Ayant la même devise – Liberté – Égalité – Fraternité -, Anarchisme et Franc-Maçonnerie n’ont d’autre culte que la Liberté. L’un comme l’autre sont donc sinon anti-dogmatiques, du moins a-dogmatiques. Et pourtant, des anarchistes et des Francs-Maçons, amants déchirés par l’illusion que l’un(e) trompe l’autre (?), font régulièrement dans le dogmatisme et, usant d’ukases, de lettres de cachets, de fatwas, de bulles…, condamnent et… excommunient l’autre sans se rendre compte que, ainsi, ils déchirent, trahissent, renient… leur engagement et, ainsi, piétinent, bafouent, molestent, violentent,… et même… assassinent la Liberté dont ils se réclament : leur liberté mais, aussi et surtout, celle de l’Autre, celle de l’humaine condition.

Je cite un illustre anarchiste et franc-maçon, Léo Campion :

« Aussi est-il regrettable que des anarchistes sectaires excommunient la Franc-Maçonnerie au nom d’un pseudo-dogme de l’Anarchie (comme si l’Anarchie était anti-tout alors quelles est à-tout) et que les Maçons sous-évolués excommunient l’Anarchie au nom d’un pseudo-dogme de la Maçonnerie (comme si la Maçonnerie n’était que tradition, alors qu’elle est tradition, dialogue et progrès). Ces attitudes sont d’autant moins admissibles qu’au contraire l’Anarchie comme la Franc-Maçonnerie, anti-dogmatiques par essence, sont l’une comme l’autre tout le contraire d’un dogme. Elles qui ont en commun le culte de la Liberté et le sens de la Fraternité, avec comme but l’émancipation de l’Homme ».

En fait, s’ils s’entendent sur le point de départ et sur la destination du chemin, Anarchistes et Francs-Maçons, en revanche, ne font pas nécessairement le même choix d’itinéraire, certains des premiers admettant le recours à l’action illégale, certains des seconds n’acceptant que l’action légale. Et cette différence, si elle est bien une ligne de partage de méthodes, n’est pas véritablement une fracture de valeurs, de principes, de philosophie, d’éthique et, in fine, un schisme de l’humanisme.

En effet, la légalité et l’illégalité sont des concepts et des réalités juridiques . Elles sont donc tributaires du Droit en vigueur et, en définitive, de l’Autorité en place qui a le pouvoir d’imposer SON Droit et donc SA conception de ce qui est licite et de ce qui est illicite, notions, elles, éthiques, philosophiques, politiques, voire idéologiques. En la matière, la relativité est donc… la règle : le « ici » et le « maintenant » ne peuvent appeler à aucun… dogmatisme quand on se donne tant soit peu la peine de lire – et comprendre – l’Histoire et, plus simplement, d’être attentif à l’actualité, être curieux des us et coutumes et que, de surcroît, on se revendique anar ou maçon !

Comment un anar ne pourrait pas se sentir chez lui dans une Loge où, par définition, le maçon y est un homme libre ? Et comment, un maçon, parce que, justement, homme libre dans sa loge, pourrait ne pas accepter un anar qui vient librement à sa loge ?

Pourtant, les arguments avancés par certain(e)s FF... et SS... pour considérer que les anarchistes n’ont pas leur place au sein de leurs loges . Je n’en citerai que deux :

ü      les anarchistes sont, par nature et dans leurs actes, des… illégalistes alors que, comme le recommandent les Constitutions d’Anderson, un(e) maçon(ne), homme libre mais aussi… de bonnes moeurs, de respecter la Loi ; outre que l’accusation d’illégalisme couvre, en fait, une imposture intellectuelle qui consiste, à l’instar de la C.I.A. et d’Europol, à assimiler anarchisme et terrorisme, je rappellerai que, c’est au nom même de leur engagement maonnique, que des maçon(ne)s parfois, et plus souvent qu’on ne le pense, considérant qu’au-dessus des contingences politiques, économiques, sociales… des lois il y a des lois universelles, comme celles des Droits des humains,désobéissent à la Loi. Je donnerai trois exemple de désobéissance maçonnique : un ancien, les lois racistes et fascistes de Vichy ; un plus récent, l’objection de conscience, en particulier lors de la guerre d’Algérie et un d’actualité, l’entêtement à faire œuvre de fraternité en portant assistance aux demandeurs d’asile et, plus généralement, aux sans papiers alors que, désormais, l’acte de solidarité peut être constitutif d’un délit et passible de prison.

ü      l’apprenti(e) jure d’être dévoué(e) à sa patrie alors que, c’est bien connu, les anarchistes n’ont pas… de patrie puisqu’ils-elles se disent internationalistes. Là encore, il s’agit d’une grossière erreur, délibérée ou involontaire, par ignorance : les anarchistes ne sont pas des internationalistes mais des… anationalistes et leur patrie est… l’humanité. L’humanité, une et indivisible, sans considération de nationalité et, bien entendu, de race, de sexe, de métier…, dont le dévouement envers laquelle relève d’un patriotisme bien particulier… la fraternité !

Différence de méthode ai-je dit ; une différence d’action dans et sur le monde profane. Mais cette différence disparaît, s’évanouit au franchissement de la porte du temple puisque, ensemble, FF... et SS..., anarchistes ou non, travaillent ensemble en toute liberté, en pleine égalité, en véritable fraternité.

Les chroniques de l’Histoire comme les archives des Obédiences, du moins pour celles qui ne revendiquent pas une… régularité dont, soit dit en passant, on peut s’interroger sur sa conformité avec le principe de Liberté constitutif de la F... M... , du maçon comme celle de l’humain, attestent de ce que, de la seconde moitié du XIXème siècle à la fin de la première moitié du XXème, quasiment TOUS les grands noms de l’Anarchisme et de l’Anarcho-syndicalisme, sont ceux de FF... et de SS.... [J'ai à votre disposition une liste d'autant plus impressionnante qu'elle est loin d'être exhaustive].

A la différence des marxistes-léninistes, des trotskystes, des maoïstes…, les anarchistes n’ont jamais fait dans l’entrisme. Il ne viendra donc à l’idée de personnes que les anarchistes qui sont entrés en maçonnerie l’ont fait par entrisme, pour la phagocyter. Considérant que la F... M...lobby – politique, économique, social…, pour ne pas dire affairiste, voire maffieux -, ni le tremplin d’aspirations personnelles de pouvoir, de renommée, de prestige, d’avantages divers et variés…, personne ne considérera non plus que l’engagement maçonnique des anarchistes obéissait à un intérêt… intéressé. De telles idées seraient d’ailleurs d’autant plus fallacieuses que, souvent, l’engagement anarchiste est la résultante – la conséquence logique, l’achèvement – de l’engagement maçonnique. n’est ni un

Inversement, quand on connaît le prix à payer de l’engagement anarchiste, personne ne supposera que les maçons qui sont entrés enintéressé ! anarchisme l’ont fait par intérêt…

A ce sujet, j’ouvre une parenthèse pour poser une question : aucun anarchiste n’a adhéré à la Charbonnerie alors que de nombreux FF... (à cette époque, il n’y avait pas de SS...) l’ont fait et ce, bien que la Charbonnerie fût constituée pour… renverser la Loi par des méthodes… illégales. D’où ma simple question : pourquoi ?

Est-ce à dire que, depuis la seconde moitié du XXème siècle, sinon l’absence, du moins la rareté de grands noms de l’Anarchisme au sein de la F... M... signifieraient que les anarchistes, délibérément ou non, aient décidé de ne plus entrer en F... M... ou même de la déserter ? Non, cette présence anarchiste au sein de la F... M... est toujours bien vivante, réelle mais elle est plus… discrète pour plusieurs raisons :

§         d’abord parce que, tout simplement, de nos jours, il y a moins de grands noms anarchistes qu’auparavant, non pas parce qu’il n’y a plus de grands anarchistes mais parce que le mouvement anarchiste n’est plus géo-centré mais réparti sur l’ensemble du globe et que, au local (dans tel ou tel pays, voire dans telle ou telle région), les anarchistes fortement investi(e)s dans leur action, nécessairement locale, n’ont plus le temps de rayonner au plan international (ou même national) ;

§         ensuite parce que bon nombre de grands noms de l’anarchisme sont ceux d’auteur(e)s (comme, par exemple, Noam Chomsky) et/ou de militant(e)s qui vivent dans des pays où les obédiences irrégulières sont elles-mêmes inexistantes ou marginales quand les obédiences régulières, comme cela été le cas au XIXème siècle refusent d’accueillir les anarchistes parce ce qu’ils-elles ne sont pas de bonnes mœurs mais, au contraire, d’un athéisme fort… mécréant ;

§         mais également parce, davantage tirés vers l’action que la réflexion – le corpus de la théorie anarchiste étant fort riche – beaucoup d’anarchistes préfèrent, désormais s’investir, dans des O.N.G. (L.D.H., M.R.A.P., Amnesty International, Green Peace…), des associations de proximité (Centres sociaux, Maisons de Quartier, Comité de Quartier, M.J.C…), des actions-expérimentations (squats en particulier)… ;

§         enfin, parce que, sauf circonstances exceptionnelles, l’engagement maçonnique d’un individu lambda n’emporte pas nécessairement la révélation et/ou la promotion de son engagement anarchiste (en ajoutant, naturellement, et… réciproquement !).

Entre eux-elles, les mçon(ne)s s’appellent frères et sœurs ; cela ne gêne aucunement un anarchiste maçon d’appeler ainsi celui-celle qui, dans le monde profane, est juge, policier, patron… car, outre que, se refusant à considérer que la carte fait le territoire et que, à cet instar, l’institution, la fonction, le titre, la classe…et, en somme…. le hasard de la naissance, font – ou défont – l’individu, l’anarchiste, comme le maçon, voit en tout individu ce qui échappe à l’aveuglement ou l’ignorance de certain(e)s : l’humain, c’est-à-dire à la fois l’humanité qu’il partage, malgré leurs différences, même si celles-ci sont, parfois, oppositionnelles, et l’être humain en lequel il se reconnaît fraternellement, en dépit d’éventuelles dissemblances du paraître, et même si cet autre n’est pas véritablement libre, à raison, par exemple, de son aliénation.

Entre eux, et notamment dans leurs actes et propos publics, les anarchistes s’appellent compagnons et compagnonnes. Pour deux raisons essentielles : d’abord, parce que ce terme renvoie au compagnonnage des métiers, manière de s’ancrer dans la tradition ouvrière et d’affirmer son statut de… prolétaire et, ensuite, parce que ce terme, du latin populaire « companio » et du latin classique « cum » et « panis », signifie celui-celle avec le-la-quel-le on partage le pain, c’est-à-dire… la vie. S’agissant de ce second motif, quel plus beau symbole de la fraternité que celui du partage du pain ? quel(le) maçon(ne) ne se retrouve pas dans cette symbolique ? ne peut-on considérer que, d’une certaine manière, pour ne pas dire d’une manière certaine, le terme de compagnon(ne) est la version… profane de celui de frère-sœur, même si, en dehors de la scène publique, les anarchistes n’hésite pas à se donner du frère et de la sœur.

Le partage de la vie… Les anarchistes sont des amant(e)s passionné(e)s de la vie. La vie qu’ils-elles aiment à en mourir quand c’est là le prix à payer pour rester debout, autrement dit libre et donc… humain ou bien encore pour la liberté d’un(e) autre. Les anarchistes aiment la vie avec passion et pourtant leur drapeau est… noir car :

[…] Pourquoi ce drapeau teint en noir ?
Est-ce une religion suprême ?
L’homme libre ne doit avoir
Pour penser nul besoin d’emblème !
- L’anarchiste n’accorde pas
A ce drapeau valeur d’idole,
Tout au plus n’est-ce qu’un symbole,
Mais en lui-même il porte son trépas
Car annonçant la fin des oripeaux
Il périra comme tous les drapeaux.
En Anarchie où régnera la Science,
Pour tout drapeau, l’homme aura sa conscience.

[Extrait du Chant du drapeau noir, Chanson de Louis Loréal (1922)]

ou bien encore :

[…] Les anarchistes
Ils ont un drapeau noir
En berne sur l’Espoir
Et la mélancolie
Pour traîner dans la vie
Des couteaux pour trancher
Le pain de l’Amitié
Et des armes rouillées
Pour ne pas oublier
Qu’y'en a pas un sur cent et qu’ pourtant ils existent
Et qu’ils se tiennent bien bras dessus bras dessous
Joyeux et c’est pour ça qu’ils sont toujours debout
Les anarchistes
(Extrait de Les Anarchistes, paroles et musique de Léo Ferré, 1966]

Au fait, avez vous remarqué que le fond des bannières maçonniques, malgré la lumière, voire les dorures de leurs décors est quasiment toujours… noir ?

Les médias ont fait des gorges chaudes sur les affaires qui ont impliqué des maçon(ne)s, sachant que les errements de quelques individus n’ont pas manqué d’être utilisés pour armer le bras de la croisade anti-maçonnique, née, comme de bien entendu, avec la F.....elle-même. Il a existé, il existe et il existera de mauvais(es) maçon(ne)s donc, mais quelle société humaine, quel groupement d’individus peut se targuer d’être exempt de faux-frères et fausses-sœurs ; le mouvement anarchiste, dans sa dimension organisationnelle ou sa forme individualiste, compte aussi de faux compagnons et de fausses compagnonnes ? Cette similitude qui existe en matière d’hiatus entre la déclaration de principe – la revendication de l’identité maçonnique ou anarchique – et les propos tenus et, surtout, les actes posés, n’est-elle pas une passerelle de rapprochement entre les tenant(e)s de l’opposition irréductible entre Anarchisme et F... M... ? Un rapprochement, non de compromis – et encore moins de compromission -, pas même une paix des braves, non, juste le partage d’un questionnement : M

Pourquoi, depuis l’aube des temps, les plus beaux idéaux et, notamment, ceux s’inscrivant dans la tradition et le mouvement humanistes, invariablement, finissent toujours par être salis par certain(e)s d’entre ceux et celles qui s’en revendiquent ?

J’ai dit, V... M...

Anarchisme et Franc-Maçonnerie

ANNEXE

Remarque préliminaire

Il ne s’agit pas de développer ici un argumentaire, historique, philosophique, politique…, sur la compatibilité, voire la longue « histoire d’amour », entre Anarchisme et Franc-Maçonnerie, anarchiste et maçons mais de donner quelques points de repères, quasi exclusivement tirés de « Le drapeau noir, l’équerre et le compas » de Léo Campion.

I – Citations

Symbolisme théologique                            Symbolisme maçonnique

Divinité                                                       Humanité

Révélation                                                   Raison

Privilège                                                      Egalité

Charité                                                        Solidarité

Grâce                                                         Justice

Sujétion                                                      Liberté

Léo Campion d’après Michel Bakounine.

 

Quelques Francs(ches)-Maçon(ne)s anarchistes

(ou inversement ou, encore, réciproquement)

Liste aucunement exhaustive donnée à titre indicatif

Agostino Bertani

Albert Laisant (fils de Charles-Ange Laisant)

André Prévotel

Andrée Prévotel

Aristide Bruant

Auguste Blanqui

Augustin Hamon

Avelinon Gonzalès Mallada

Benoît Malon

Bernard Salmon

Charles Albert

Charles d’Avray

Charles Malato

Charles-Ange Laisant

 

extrait de : hiram online.com

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Propos de celui qui aurait voulu être sage 1 février, 2009

Posté par hiram3330 dans : Bleu,Chaine d'union,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaire

  Propos

  de celui qui

  aurait voulu être sage

 

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Les jours s’en vont, sans que je puisse mieux que quiconque savoir où, et le sens de la vie m’échappe comme à tout le monde! l’immensité du ciel où brillent les étoiles pèse comme une énigme sur la lumière de la vie. Et nous allons sans savoir où, jouets de nous-même et des autres, avec la fragile boussole de nos illusions et de nos espoirs.


Quelles colossales hécatombes ont nourri l’humanité et ses chimères sans que jamais soit percée cette immensité vide de sens! Pourquoi attendons-nous une réponse ? Quel orgueil nous pousse à croire que pour nous un coin du voile sera soulevé, et que nous percevrons la raison de nos destinées ?

Cette histoire que l’on nous raconte, de la filiation qui remonte des cellules primaires de la bactérie et de l’amibe, que nous apporte-t-elle, comme assurance d’une assomption? Et cependant, comment ne pas croire que cela va quelque part ?

Si l’on y réfléchit – et qui n’y a pas réfléchi – comment justifier que quelque chose soit ? Et qu’est-ce que justifier sinon chercher une réponse à la présence à partir d’une autre présence.

Mais quelle dérision de croire que cette présence avant la présence est celle d’un Dieu à notre image, comme si cet univers tournait autour de nous ?

Il me semble que la sagesse consiste à ne pas chercher au-delà de nous-même une réponse à notre propre vie. Et quelle réponse nous peut être donnée qui ne soit pas un artifice, une convention, dont nous arrêtons les termes comme une sorte de contrat avec l’inconnu ?

Goethe, qui savait fermement réduire les recherches humaines aux données positives n’en a pas moins affronté le grand mystère avec Faust, et sa quête ne l’a mené nulle part, si ce n’est aux honneurs dérisoires d’une petite cour de province.

Que notre cerveau soit capable d’embrasser le monde, ou qu’il réduise ses capacités au travail quotidien et aux besoins de l’heure, la vie ne s’en écoule pas moins au delà de nous comme un grand fleuve dont nous ne pouvons explorer toutes les rives, ni connaître l’embouchure. Ou plus exactement, nous poursuivons du regard dans la nuit l’imense flux des forces vivantes, sans pouvoir. imaginer qu’un jour elles  combleront ce vide où des soleils se perdent à jamais.

Savoir borner ses regards aux choses immédiates, c’est une leçon que l’on ne donne plus nulle part. Et cependant; quelle leçon serait plus utiles aux hommes et aux enfants, de nos jours.

L’orgueil du savoir est-il à ce point une sauvegarde que nous ayons à nous féliciter d’en entretenir les vertus ?

La force de borner son regard aux choses immédiates est sans doute la vertu la plus haute .de celui qui cherche le vrai savoir. Mais c’est sans doute contrairement à nos illusions prétentieuses, la souveraine capacité du sage. S’abstenir de répondre à la tentation du vide et continuer son métier d’homme, y a-t-il en définitive d’autre solution ?

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Le philosophe jadis, devait tout connaître des sciences de son temps. Il devait même, d’une façon traditionnelle, en assumer la synthèse, et dégager les grandes lois de l’être, à travers les données des aventures de l’esprit, et des observations sensibles.

Dégager les constantes déterminant la condition humaine c’est, d’une certaine façon ce que les sciences dites dures (celles qui s’attachent à la connaissance de ce que l’on désigne sous le nom de matière) tentent de faire en dégageant de l’observation, et selon une formulation mathématique, les constantes des rapports entre les choses que l’on nomme lois.

Ce que les sciences dites dures fournissent à la connaissance, en fait, ce sont des invariants, et comme couronnement de la connaissance scientifique, une évidence s’est faite jour: la constance de l’instable.

Ce n’est pas une découverte récente, Parménide en avait fait le pivot de sa philosophie. Mais quand les chercheurs d’absolu se sont trouvés devant cette contradiction fondamentale: l’évidence de l’être en fonction de son évolution, et la constance de la manifestation, conditionnée par le changement, une sorte de blocage s’est produit qui a provoqué un retournement des ambitions, et, les sciences dures se sont interrogées sur l’opportunité de retourner aux formulations anciennes pour définir les lois de l’être. Elles ont, en quelque sorte, après l’avoir historiquement occultée, fait un retour à la philosophie.

Mais l’évolution, la constante du changement n’ont pas pour autant résolu les difficultés de la connaissance, dans la mesure où le changement, comme l’évolution impliquent un sens. Et c’est par là que, dans le cadre de la recherche, ont fait irruption toutes les hypothèses de la théologie, et toutes les propositions de la métaphysique.

Devait-on s’attendre à ce retournement, ou n’est-il qu’un signe de la défaillance momentanée de la démarche cognitive ? Le fait est que la science est apparue un temps comme un succédané de la religion, et même, a été proposée comme possible fondement de l’éthique. Indiscutablement, les règles scientifiques offrent une rigueur qui justifie leur ‘prise eri considération dans le cadre des rapports humains. Mais cette rigueur, parce qu’elle n’est justifiée par aucune pratique viable, parce qu’elle exclut l’inaccessibilité des apparences dernière et la profonde connaissance des réalités ultimes, ne permet pas de définir une conduite susceptible de développements humanitaires.

L’expérience prouve que toutes les organisations humaines étroitement inspirées par une rationalité méthodique (considérer les technologies systématisées) se sont déchirées et ont débouché sur la ruine et le désordre.

D’où le recours à une philosophie qui n’est plus comme celle de jadis une synthèse des connaissances, mais une sagesse, c’est-à-dire, un empirisme. Empirisme qui se trouve, par suite des habitudes de pensées, cohabiter avec une sorte de domaine particulier de la: philosophie: les sciences dites humaines, sciences que l’on pourrait caractériser par une conjonction des instruments mathématiques de la science dure, et une prise en compte des données empiriquement, quoi que systématiquement ou statistiquement rassemblées, sur le comportement humain.

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Mais il serait dangereux de négliger le fait que les sciences humaines tout comme les sciences dites dures, participent de la stratégie du pou- voir, dont la philosophie est la médiocre antithèse. Il semble qu’en effet, les sciences, qui n’ont à priori aucune vocation normative, mais se nourrissent d’observations et de formulations descriptives, il semble que les sciences suscitent, dès les premiers moments de leurs réussites, des ambitions dominatrices.

Il est vrai que la connaissance des ordres naturels peut développer les tentations éternelles de l’homme: le désir de maîtriser, de dominer, de prévoir et de déterminer l’avenir. Mais les constats soit, factuels, soit légaux qui sont le fait de l’observation scientifique ne peuvent, sinon par un abus dans les termes, permettre une régulation normative, et, sont hors d’état d’établir une régularisation définitive.

Le constat le plus clair, établi par la science contemporaine c’est le caractère irréductible de la liberté, qui se manifeste par l’indétermination même si cette indétermination est corrigée par les grandes lois statistiques de la probabilité.

La philosophie ne peut sans doute pas se passer des faits. Et si les sciences humaines ont pris une telle extension, c’est que l’humanité consciente s’est étendue à toutes les régions de la planète et exige des planifications. Il n’est plus possible à l’heure actuelle de prendre une vue du paysage humain sans l’aide des moyens mathématiques et statistiques. La connaissance que nous avons de l’homme est fonction effectivement des informations les plus étendues, et les modifications qui surviennent dans les rapports humains, du fait des grands nombres, jouent un rôle indétournable dans l’élaboration d’un donné sur l’espèce.

Reste, et c’est là le point d’ancrage de la philosophie que l’individu se trouve toujours confronté, en tant que tel, aux évidences de la vie de l’espèce, et n’a pour les surmonter quand elles font obstacles à son équilibre moral, que le secours de la raison, ou de la prière.

Faut-il désormais situer la prière comme un facteur dérisoire dans la conjuration des assauts permanents de la vie ? Certains le pensent, qui n’ont jamais éprouvé le besoin de s’humilier. Et le fait est que la prière est un appel à soi qui désarme les plus audacieux. Mais la raison nous arme, elle, contre les attentats commis sur notre persaMe par les tenants des certitudes imaginaires de la techno- science. Et le temps de la philosophie, qui fut un temps de doute, est à l’heure actuelle revenu, non pas comme une compensation dans l’ordre de la connaissance, comme elle le prétendait jadis, mais comme une approche de la sagesse, nécessaire pour dépasser les orgueilleuses pré- tentions des scientistes, désarmés par leurs propres trouvailles.
Sans doute la philosophie n’ apparaîtra-t-elle plus comme l’unique régulatrice et l’universelle langue, mais peut-être jouera-t-elle encore un rôle dans la quête de sens qui est notre lot commun!

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Le propos du philosophe n’est plus celui de donner à la connaissance le caractère absolu qui justifierait son autorité. Et cette mutation, à l’évidence, per1met de comprendre à la fois les deux orientations de l’attitude philosophique. L’une de ces orientations, par l’épistémologie, par l’heuristique, par la critique scientifique. Elle apporte à la quête savante des garanties éthiques, et ses références méthodologiques.

Mais il y a une autre philosophie, la philosophie banale, et celle de tous, qui, pour n’être pas aussi technique dans ses expressions, ni aussi précise dans ses méthodes, n’en constitue pas moins une constante du patrimoine humain.

Cette philosophie, c’est celle qui est une quête de sagesse, c’est-à-dire la réflexion sur les conditions possibles d’une existence dont rien d’autre ne justifie le sens, ni la valeur absolue, mais qui prend sens et valeur en fonction des nécessités profondes de l’équilibre spirituel dont chacun éprouve la nécessité.

La vie de tous les jours peut sans doute apporter, par la succession des obligations qui en découlent, une paix intérieure suffisante pour écarter les troubles et les angoisses devant les grands problèmes qui s’affichent au bout du regard, et dans le cours de toute existence: je veux parler du mystère de l’infini et de celui de la mort.

Si limité que soit le regard des hommes, ils ne peuvent manquer de se trouver face aux mystères irrésolus. A cette confrontation, la plupart répondent par une fin de non recevoir, par une attitude de réserve et en fait, par un refus d’examen. L’attitude philosophique, implique, non pas le refus d’examen, mais assurément une méditation sur les conditions de la vie, et de la coexistence collective.

La réponse traditionnelle, qui fut longtemps affaire collective, et organisation rituelle confrontée à la diversité des formulations, semble devoir être régénérée, par le fait précisément de l’étendue des rapports humains, qui ont cessé d’être locaux, pour couvrir l’étendue de la: planète. Les religions, toutes marquées du sceau de leur origine, et aussi bien par le climat que par la faune et la flore, les religions subissent une crise d’adaptation,. et doivent s’élargir pour prendre en compte la diversité des créatures. C’est à ce travail d’élaboration que la philosophie doit s’attacher, compte tenu des apports des sciences humaines, qui peuvent déterminer les relations entre les idées et les conditions matérielles de la vie, et justifier les hypothèses particulières répondant aux interrogations banales et quotidiennes des humains. Nous avons le sentiment que, de ce point de vue, la raison, les rituels, les figurations symboliques, et la discipline des corps, doivent pouvoir contribuer à dépasser le formalisme religieux, pour susciter une démarche humanitaire fondée sur la relativité des données particulières et sur l’identité des conditions intimes de l’aventure vitale. C’est à ce prix que l’humanité pourra trouver sa cohérence transcendantale.

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Quand commence la philosophie pour un individu moyen? Voilà une question que l’on se pose rarement, et qui cependant permet de comprendre un certain’ nombre d’attitudes qui ne sont nullement aberrantes, mais qui peuvent, pour les esprits non philosophiques, précisément, susciter l’étonnement.

Un esprit fin a formulé à ce propos une boutade non dépourvue d’intérêt. Il a dit: la philosophie commence quand on se pose des questions sur ce qui n’en appelle pas.

 

Il situe la philosophie du côté de l’étonnement, mais de l’étonnement systématique, de principe. Il tente de suggérer l’idée que philosopher c’est aller au delà des choses telles qu’elle sont. Et c’est là, me semble-t-il que nous pouvons trouver matière à réflexion. Car il s’agit de concilier les sens: et de se souvenir que «philosophe» signifie à la fois, ami de la sagesse et chercheur de vérité. Or, la conciliation de ces deux orientations de l’attitude philosophique s’opère si l’on établit clairement l’origine du propos philosophique.


Le commencement de la démarche philosophique est lié à l’étonnement produit par cette découverte banale: l’apparence est trompeuse. L’apparence est un masque derrière lequel se cachent des aspects tenus pour plus fiables de la réalité. Ainsi donc, la philosophie commence par un refus de croire aux donnée sensibles, un refus de tenir les choses pour ce qu’elles sont au premier regard. Et le philosophe se situe au moment où devant l’évidence d’un double visage de l’être, se pose la question de la valeur de l’un et de l’autre de ces visages.


Toutefois, toute quête conduit à la découverte d’une autre condition de l’être: sous tous les visages l’on trouve un visage plus profond, et qui donne sens aux visages antérieurs. Comme si d’apparence en apparence se dévoilait un paysage d’abord sensible, puis figuré, traduisant les profondeurs de l’être des choses manifestées. Et l’esprit philosophique, après avoir commencé par une réflexion sur l’apparence, et le doute quant aux données sensibles, l’esprit philosophique pose la succession des apparences comme constante de la manifestation du réel.


Après avoir posé la nécessité du doute concernant l’apparence sensible, il étend alors la nécessité de ce doute à toutes les manifestations de l’Être. Et cette systématisation conduirait à l’agnosticisme et même à une conception beaucoup plus décevante, si l’esprit logique n’épaulait l’esprit’ philosophique.

Si le monde n’est qu’une succession d’apparences, la réalité est inaccessible, et plus exactement, n’est jamais qu’une apparence, un aspect provisoire et éphémère de l’Être. Seule demeure la constante fonctionnelle de l’esprit, le jugement.
A cette attitude s’oppose celle du croyant qui reçoit le discours comme témoignage du vrai. Et qui adhère au discours, même s’il tâche de comprendre comment il s’accorde avec la manifestation sensible, par une rectification verbale continue.

Le croyant refuse l’apparence par référence au discours, assuré que l’apparence est en effet trompeuse, mais que la réalité profonde lui est révélée par le verbe, dont le caractère sacré lui est reconnu par l’adhésion affective. Ainsi donc, le philosophe se trouve-t-il désarmé face au croyant dans la mesure où ce dernier sait ce que dissimule l’apparence, et possède la clé de la vérité. Mais la possède-t-il vraiment ?

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J’imagine volontiers qu’une des ruptures culturelle les plus éprouvantes, pour les chercheurs et les philosophes, fut celle qui s’opéra à la suite de la découverte de la notion d’infini.

Il est certain que ce n’est pas là une notion aisément conciliable non plus avec le concept sécurisant d’un Dieu créateur des choses de la terre, et veillant sur l’humanité comme sur un troupeau nourricier.

La notion d’infini, qui prend en charge aussi bien l’espace que le temps est liée à la reproductivité des opérations. C’est également une ouverture sur l’imaginaire, qui balaie tout ce que la construction patiente peut figurer. L’infini s’impose à nous aussi bien rationnellement que par les voies intuitives et, comme le néant peut-être, qui lui aussi défie l’imagination, l’infini repousse toute prise en compte de l’esprit humain comme objet.

Et nous nous retrouvons devant une ambiguïté décisive.

Je note que cette idée de l’infini fut liée à celle de la divinité. et sans doute fut-ce là le passage de l’anthropomorphisme au déisme et à une conception spiritualiste de la connaissance du monde.

Mais l’ambiguïté de la notion d’infini subsiste, et sous la figure de Janus, s’ouvre aussi bien sur le passé que sur l’avenir, et s’identifie à la vie, éternelle dynamique de l’être.

Peut-on se refuser à penser l’infini ?

Il me semble que dès que l’idée d’Un plus Un est formée, rien ne peut plus arrêter la machine, et ce qui offre précisément l’ouverture paradoxale c’est le fait que l’indétermination est fondée par l’opération la plus immédiate et la mieux définie.

Toutefois, nous remarquerons que l’opération qui consiste à associer un et un est une opération dont le caractère spirituel. pour n’être pas généralement souligné, est cependant essentiel. Ce sont les opérations de l’esprit qui donnent sens aux opérations concrètes. Le rapprochement de l’Un et de l’Un implique une ascèse de la pensée et une vision des rapports qui ne sont pas spontanées, mais qui établissent un sens sinon volontairement défini, du moins nécessairement intégré dans l’ordre des choses.

Qu’est-ce qui nous impose l’addition de Un et de Un ? En quoi avons-nous besoin de cette réduction constructive ? Il faut prendre en compte cette interrogation pour découvrir ce qu’il y a d’insolite dans l’addition. La soustraction est plus facilement justifiée, par l’absence et le manque. Mais la soustraction ne débouche pas sur la notion d’infini, sauf par artifice. Elle a des limites objectives.

Penser l’infini, est-ce penser ou trahir la pensée ? C’est la question qui s’impose quand on tente de comprendre comment nous affrontons l’existence, et nous percevons là le passage des rapports entre la morale et la philosophie.

On sait que certains affirment qu’il n’y a pas de morale sans Dieu. C’est une vision sociologique des choses. Mais je suggère de méditer le fait d’une morale fondée sur la nécessité, et d’une morale ordonnée en tenant compte de la notion d’infini. L’éternité et l’universalité. On me dira: nécessité plus infini égale Dieu ? Je peux comprendre cette définition. Mais ce dont je pense pouvoir m’assurer également, c’est qu’il n’y a pas de réponse au besoin de sens, sinon celle qui s’inspire de l’addition, et qui repousse la soustraction, c’est-à-dire le néant et la mort. C’est la vie qui donne sens à la vie. Et vivre, c’est construire et donc, donner un sens.

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Le devoir humain consiste à se persuader que la vie a un sens, sous peine de laisser les jours et le temps s’écouler sans perspective. Mais de là à se persuader que le sens que nous lui attribuons est le sens absolu, il y a toute la distance qui sépare la foi de la sagesse.

Toutefois, on ne peut avancer sans introduire ici une autre observation : la vie porte elle même le monde. Je veux dire que ce monde existe par nous, en nous, en tant que nous sommes fils du monde. Fils de ce monde qui nous a fait ce que nous sommes et que nous portons à travers le temps et l’espace.

Ainsi, connaître, c’est une certaine autre façon de dire: vivre. En toute rigueur, vivre c’est connaître. Seulement, nous voulons objectiver la connaissance, c’est-à-dire, nous séparer d’elle, et c’est nous séparer du monde; cette opération implique un refus de l’instant présent, impose une fixation des données, et une formalisation de la turbulence des choses.
D’où la relativité de toute connaissance objective, ce qui est, il faut l’admettre, le paradoxe moderne, puisque la connaissance dans l’instant, récuse toute notion de détermination, et que l’objectivité, qui est le critère de la connaissance humaine se trouve récusée par l’évidence.

La science traditionnelle, avec ses suites causales peut apparaître de ce point de vue, comme un catalogue de vérités mortes, en fait, comme une histoire. L’invention est au cœur du temps, et tout arrêt du temps est un artifice qui occulte la réalité.

Toutefois, l’on se trouve à nouveau devant une question, et une question double. La première c’est: comment se fait-il que la science réussisse à prévoir. Et la seconde: comment se fait-il que la connaissance vécue n’apporte pas de point d’appui sur lequel nous pourrions construire autre chose ?

D’une autre façon, c’est dire: je peux construire le monde avec du savoir approximatif, et je ne peux rien sur le monde quand je le prends en charge par ma vie même ?

La loi des choses me donne prise, c’est vrai, sur le monde, mais la notion d’effet pervers, connue dès longtemps déjà, et celle de catastrophe, qui s’impose, nous avertissent. Avertissement superflu pour ceux qui dès les temps premiers avaient fait leur part au déluge, ou au feux .de Sodome et Gomorrhe, au diable, si l’on préfère (non celui de la tentation) (et encore) mais à celui de la perversion, le « déjoueur » de projets, et l’initiateur des holocaustes.

Ce monde est double, comme depuis longtemps les manichéens l’avaient reconnu. Reste à savoir si les deux faces de cette dualité ‘offrent à l’examen, des modalités de « fonctionnement » identiques. Et c’est là où les recherches scientifiques ont buté. Les phénomènes microscopiques ne fonctionnent pas comme les phénomènes macroscopiques. L’indétermination se retrouve au cœur de l’être. Et cette indétermination débouche sur la régularité, sur la loi, sur le formalisme du macrocosme.

C’est ce passage qui est difficile à conceptualiser. Les notions d’origine et de fins, perdent toute signification dans l’ordre de la connais- sance scientifique. En auront-elles encore une dans l’ordre des relations humaines?

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Je crois cependant que nous ne sommes pas sans ressources si nous savons puiser dans le patrimoine les enseignements que le pragmatisme des anciens avaient su constituer.

Il se peut que nous nous fassions une idée fausse du Moyen Age, mais je retire de mes lectures l’impression que c’était d’une culture couvrant l’ensemble des relations humaines et cosmiques qu’il s’agissait, culture qui déterminait les comportements, et présidait aux rapports politiques, juridiques et moraux.

Une pyramide hiérarchique disposait les humains sur des plans différents, mais également respectés, depuis les manouvriers, les « vaguants », qui servaient occasionnellement les laboureurs, jusqu’aux clercs qui servaient les princes et Je Roi. consacré par l’onction divine, c’est-à-dire, en fait par une légitimité collectivement assumée.

L’ordre établi recevait des croyances admises la justification indispensable. Mais encore fallait-il que cet ordre apparaisse comme tel et les prêches ne suffirent pas à en assurer la durée.

Les expéditions en Moyen Orient, pour les croisades ébranlèrent la foi. Les conflits entre le pouvoir religieux et le pouvoir impérial déchirèrent l’unité spirituelle. Le doute se fit et la Quête commença d’une autre vérité unificatrice. La trouverait-on dans les textes anciens réactivés, et dans les enseignements de la tradition des premiers âges du christianisme (néoplatonicien) ? La trouverait-on dans la découverte des techniques modernes, l’exploration de l’espace et la connaissance de la nature ? Cette double interrogation, nous devons le constater, est toujours actuelle, et de fait l’unité spirituelle n’est pas réalisée. L’unité du paysage culturel n’a jamais pratiquement été reconstituée depuis la fin du Moyen Age, si tant est que cette unité n’ait pas été le fait d’une illusion rétrospective.

Ce qui apparaît à l’évidence, c’est que les deux quêtes entreprises, pour découvrir une référence justificatrice s’avèrent décevantes: la science ne nous a pas donné la connaissance susceptible de réguler, ni de fonder nos comportements sociaux et moraux. Les guerres fratricides ont démontré que la raison ne présidait pas aux rapports entre les hommes. Le capitalisme n’était pas seul en cause, on l’a compris aujourd’hui mais plus sûrement les constantes dans le comportement humain.

Or, d’autre part, le recours à la tradition qui a pris1e caractère d’un retour aux sources laisse encore bien des insatisfaits, dans la mesure où ce recours est occulté par des emprises partisanes.
La tentation d’aller chercher en Orient des leçons de conduite est grande. Tout ce qui vient de loin est en effet gratifié d’un préjugé favorable. Et le fait est que ce détour permet de mettre l’accent sur un certain nombre de principes qui semblent bien constituer l’essentiel de ce qui est nécessaire à une bonne administration de la vie personnelle et collective.

D’abord, la conviction que la maîtrise des équilibres organiques, la discipline du corps par l’activité mesurée est un facteur déterminant de la santé spirituelle, et de l’harmonie des rapports.

Ensuite, la nécessité, pour assurer le développement individuel d’une confrontation entre les esprits et la rencontre entre les autres individualités, pour permettre à chacun d’évaluer la relativité de ses engagements. Enfin, l’évidence, liée à la condition humaine qui ne trouve jamais de borne à son développement, et s’ouvre sur l’infini, dans une démarche progressive vers la lumière et la liberté par le dépouillement.

Ces exigences qui conditionnent notre comportement ne se rapportent nullement à une conception métaphysique et comme telles, peuvent être adoptées par tous, sans considération d’à priori fidéiste. C’est seulement un constat qui prend en compte l’expérience humaine telle qu’on peut la reconnaître à travers les témoignages laissés par les sages de tous les temps et de tous les payS. Et c’est pourquoi, il importe de constituer, autant que faire se peut, des groupes de réflexions, ouverts tant aux apports du passé qu’aux promesses de l’avenir, en assurant à chacun des membres de ces groupes une sécurité affective permettant de cultiver le sentiment de la liberté absolue de conscience.

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Il semble bien que cette perspective ait été, sans qu’ils en aient rigoureusement conscience, ouverte par la tentative de dépassement religieux opérée par les initiateurs de l’institution maçonnique.


Sans revenir sur les aléas déterminés par les influences historiques on peut considérer que l’époque actuelle découvre une vocation qui n’est pas’ apparue dès l’abord avec toute sa singularité, quoi que les tentatives pour absorber l’expérience humaine dans le cadre des rites et des enseignements développés aient de tous temps été nombreuses. Rappelons seulement pour mémoire, les références mythiques à l’Égypte, et les ressourcements gnostiques.

Ce qui est clair aujourd’hui, c;est que le courant qui définit la quête maçonnique par rapport à la sagesse traditionnelle, courant qui fut celui qui inspira les esprits les plus pénétrants dans le cours des deux derniers siècles, et qui s’est enrichi des tentatives plus ou moins positives de restituer les cheminements initiatiques de l’antiquité, est actuellement pris en compte par un certain nombre de maçons.

Sont-ils minoritaires, majoritaires ? La question ne se pose pas en ces termes. La question est seulement de savoir.:. s’ils sont susceptibles d’apporter une réponsf et satisfaire à une attente.

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De ce point de vue, je crois personnellement que s’impose une réflexion sur les rapports entre le Grand Collège des Rites et les institutions maçonniques constituant les loges dites bleues, rapports qui ont de tous temps fait l’objet d’une attention mêlée d’incompréhension de la part des maçons qui dépendent, pour leur équilibre moral d’une certaine conception plus ou moins imaginaire, et qui ordonnent leurs préoccupations à propos des pouvoirs dans la société.

A la limite d’ailleurs, les ambitions sont vides de contenu et cela seul importe aux yeux de certains, qui est la considération accordée à des personnages investis à tort ou à raison d’une certaine auréole, parmi lesquels ils aspirent à se compter un jour.

Ajoutons que naturellement, étant donné la nature humaine, des réactions négatives se manifestent, qui ne sont pas mieux justifiées tant que la nature même du propos maçonnique n’est pas acceptée dans sa clarté libératrice.


Certes, connaître une autorité installée confère prestige, et justifie un engagement, mais c’est le jeu des pouvoirs et des masques, et c’est un jeu. Et beaucoup d’hommes n’ont pas assez de toute une vie pour comprendre en quoi il est pure vanité.

Le prestige des rangs, outre qu’il inspire de la considération parfois injustifiée devrait impliquer une certaine capacité à donner une ouverture, et à offrir une perspective enrichissante et salutaire.

La part de vanité qui entre dans les relations sociales les plus banales est certes considérable, mais le véritable propos, quand on pèse les réalités de la vie, c’est la capacité acquise de justifier la mission que l’on assume.

Et c’est pourquoi il importe de comprendre le rôle qui incombe à chacun de ceux qui sont en situation de prévoir, de pressentir et d’ins- pirer les moyens de répondre aux appels entendus.

La plupart des hommes occupant des postes de responsabilité sont l’objet de sollicitations qui les engagent souvent au delà du possible, par la griserie de l’importance. Et c’est contre cette dégradation des fonctions que le sage doit se prémunir. Le choix des hommes est certainement la tâche la plus redoutable qui échoit à un homme en place. La plupart du temps, il ne put choisir que parmi ceux qui l’entourent, et ceux là sont rarement des individus solides, et détachés des contingences de l’autorité.
Il faut faire te départ entre tes hommes qui vivent par eux-mêmes, de ceux qui ne tiennent que grâce à l’appareil et à l’institution.

La vieille sagesse savait parfaitement distinguer l’homme sous les habits. Et d’une façon générale, celui qui dépend d’une institution est sans doute armé pour faire aussi bien le mal que le bien, mais rarement pour apporter le secours moral dont les individus ont besoin dans les circonstances les plus déterminantes de leur cheminement intellectuel et moral.

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Aussi, convient-il de travailler à ce que le Grand Collège des Rites assure non seulement les formules exposant les principes, mais par le choix de ses membres le désintéressement et l’écoute attentive des hommes de notre temps.

Et pour ce faire, que le choix soit opéré parmi les frères qui ont renoncé à la course aux places, dont la régulation des comportements est évidente, et qui sont capables de vivre une aventure égalitaire dans le sens le plus profond du terme: celui qui reconnaît à chaque individu sa valeur singulière et exceptionnelle.

Platon évoque un Jugement des morts: le jugement des morts est le jugement auquel chacun de nous doit se soumettre en toute occasion. Ce n’est que dans la mesure où nous n’avons pas besoin, pour être en paix avec nous-même, d’une consécration extérieure, que nous approcherons de la vertu suprême, et que nous pourrons témoigner.

L’humilité, ingénue, celle que l’évangile prête aux enfants, est assurément le signe de la plus haute vertu. Que sommes nous au regard de l’infini et de l’éternel ?

Mais nous attendons des souverains terrestres une éternité et un pouvoir qu’ils ne peuvent pas nous conférer. C’est pourquoi nous devons puiser dans la tradition ancienne les enseignements d’une sagesse qui de nos jours est la condition de la survie de l’humanité fraternelle.

Et de ces enseignements, non seulement nous en possédons le trésor mais nous en avons la clé.

Jean  MOURGUES

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« LA REINE DE SABA », DE CHARLES GOUNOD 26 avril, 2008

Posté par hiram3330 dans : Chaine d'union,Recherches & Reflexions , 1 commentaire

www.charles-gounod.com/vi/oeuvres/operas/mystsaba.htm

   
UN OPERA MACONNIQUE FRANÇAIS MECONNU :
« LA REINE DE SABA », DE CHARLES GOUNOD

Avant propos

Les rituels maçonniques sont tenus  » secrets  » par les Maçons, qui n’ont pas le droit de les divulguer aux  » profanes « . La maçonologie qui aborde les aspects historiques, sociologiques et philosophiques de la maçonnerie, étudie entre autres les légendes dont s’inspirent les rituels. Aussi, tout ce qui peut être rapporté dans cette présentation, ainsi qu’en témoigne la bibliographie jointe, provient de livres accessibles à tous, traitant soit des rapports entre la musique et la maçonnerie, soit du livre des Rois dans la Bible, soit de la légende d’Hiram, légende commune à la maçonnerie et au compagnonnage, soit surtout du recueil de nouvelles intitulé  » Voyage en Orient  » de Gérard de Nerval. Cependant, le  » secret maçonnique  » reste paraît-il intransmissibleŠ

Les rapports entre la Maçonnerie et la musique sont apparemment nombreux et anciens. Les musiciens réputés Francs-Maçons sont archi-connus et sans doutes répertoriés par excès. L’excellent livre de Roger Cotte sur la musique maçonnique les inventorie avec prudence, distinguant les compositeurs Francs-Maçons avérés comme Haydn et Mozart ou plus récemment Sibelius, de ceux dont l’appartenance n’a jamais été prouvée comme Beethoven, dont on retient cependant  » Les 33 variations diabelli «  comme un élément de présomption à charge ! Il signale encore ceux qui sont réputés l’avoir été mais ne l’ont finalement point été, comme Wagner et rapporte enfin ceux qui ont eu des liens avec des mouvements plus ou moins proches de la maçonnerie, comme Erik Satie qui a écrit de la musique rituelle pour les rosicruciens à la demande de Joséphin Pelladan. Les oeuvres dites maçonniques sont tout aussi connues et le moins mélomane des Francs-Maçons citera d’emblée la  » Flûte Enchantée «  de Mozart. D’autres, plus fins connaisseurs, citeront des oeuvres moins connues dont l’inspiration maçonnique dépend de l’interprétation de chacun, les Francs-Maçons n’ayant pas le monopole des légendes ou des symboles. Citons ainsi  » la Création «  de Haydn. Enfin, des musiciens dont on sait qu’ils n’ont pas été Francs-Maçons, mais simplement proches de ce courant de pensée, ont pu écrire des oeuvres que des exégèses très convaincus ont décrété maçonniques, citons Wagner dont Jacques Chailley fait une analyse du «  Parsifal «  où il voit une analogie frappante avec la légende du 18ème degré du Rite Ecossais. Signalons enfin que des compositeurs Francs-Maçons n’ont parfois pas écrit de musique dite maçonnique. Qu’est ce qu’une musique maçonnique ? Cela peut être soit de la musique spécifiquement écrite pour des cérémonies rituelles, soit de la musique à contenu explicitement initiatique par les paroles comme  » la Flûte Enchantée «  de Mozart, soit encore de la musique purement instrumentale mais à contenu symbolique et/ou initiatique comme le «  Quatuor des dissonances  » du même Mozart, dont le début chaotique pour les oreilles de l’époque fait bientôt place à une composition tonale tout à fait classique, l’initiation ayant mis de l’ordre dans le chaos. Citons donc par exemple, Adrien Boieldieu, compositeur français Maçon, auteur d’un très mozartien concerto pour harpe, dont on peut toujours chercher le symbolisme caché !

A contrario, se pourrait-il qu’il existe une oeuvre française manifestement maçonnique, bien plus explicite encore que tous les ouvrages cités jusque là, mais tombée totalement dans l’oubli, bien que composée au 19ème siècle par un auteur des plus célèbres, j’ai nommé Charles Gounod, lequel n’était absolument pas « suspect » d’être Franc-Maçon et qui plus est ne l’était effectivement certainement pas ?

Cet opéra ignoré de l’immense majorité des mélomanes Francs-Maçons ou non, absent de bien des bibliographies de référence, se nomme  » La Reine de Saba « , oeuvre tirée d’une nouvelle de Gérard de Nerval extraite du  » Voyage en Orient « , qui s’intitule  » La Reine du Matin et Soliman Prince des Génies « , nouvelle au sein de plusieurs autres regroupées sous le titre  » Les nuits de Ramazan « . La redécouverte récente du contenu surprenant de cet opéra oublié à l’occasion d’un premier enregistrement mondial, invite à la réflexion.

Voyons donc l’intrigue du livret :

Au premier acte : à Jérusalem, le Maître d’oeuvre Adoniram (forme emphatique d’Hiram) travaille à la construction du temple du roi Soliman (comprenez Salomon). Alors qu’on annonce à Adoniram la venue de la Reine de Saba Balkis, précédée par sa réputation de grande beauté et qui est promise à Soliman, arrivent trois ouvriers Compagnons qui viennent réclamer le titre de Maître ou plus exactement le mot de passe des Maîtres, ce qui leur permettrait d’obtenir un salaire équivalent à celui des vrais Maîtres. En effet au moment de la paye, les ouvriers glissent à l’oreille d’Adoniram un mot de passe qui correspond à leur qualification et ils sont donc payés en conséquence. Adoniram refuse, au motif que le salaire de Maître ne vient récompenser que des oeuvres méritoires et fustige les mauvais Compagnons qui ont semé la zizanie parmi les ouvriers. Les mauvais Compagnons quittent la scène en promettant de se venger. Arrive Balkis accompagnée de Soliman son futur époux. A la simple vue de la Reine de Saba, Adoniram, tiraillé par un sentiment de lointain souvenir, de reconnaissance, a le coup de foudre et réciproquement. C’est comme cela que cela se passe dans les opéras, ce qui simplifie considérablement le travail du librettiste, c’est la licence poétique, pas besoin de préliminaires, on se voit, on se plait, surtout s’il s’agit de la femme d’un autre et on se jure fidélité jusqu’à la mort, qui arrive d’ailleurs souvent plus tôt que prévue. Un humoriste anglais a pu ainsi définir l’opéra : c’est l’histoire d’un ténor qui tombe amoureux d’une soprano et d’un baryton qui fait tout ce qu’il peut pour les séparer. Une très belle scène est consacrée à l’exaltante rencontre, mais dès la suivante, on butte sur un cadavreŠ Aux tessitures près, c’est bien ce qui va se passer ! Et donc, Adoniram flatté par Balkis et à sa demande, fait la démonstration de sa puissance en contrôlant la foule éparse des ouvriers à l’aide d’un signe magique évoquant le dieu Tubal-Kaïn. Il s’agit d’un T, qui peut aussi représenter la première lettre de la ville de Tyr, la lettre hébraïque Tau, un fil à plomb sous un niveau ou encore deux équerres accolées. Tous les ouvriers étaient mélangés, maçons, charpentiers, mineurs, fondeurs, etcŠ et bientôt dans ce désordre apparent les ouvriers se regroupent par spécificités. L’ordre apparaît issu du désordre et les corps de métiers rassemblés défilent alors sous leurs bannières  » compagnonniques « . Balkis subjuguée par cette puissance donne son collier de perle à Adoniram sous les yeux de Soliman qui devrait songer à se méfier.

Au deuxième acte : Adoniram, spécialiste comme il est dit dans la Bible de la fonte de l’airain, s’apprête sur le haut plateau de Sion à réaliser son chef d’oeuvre, à savoir couler la Mer d’Airain. Ceux qui ont lu le livre des Rois dans la Bible, au chapitre consacré à la construction du temple de Salomon ont connaissance de cet objet insolite : une gigantesque vasque remplie d’eau, soutenue par douze taureaux, qui servait à la purification des prêtres. Il invoque pour ce faire la puissance du dieu Tubal-Kaïn. Mais les ouvriers précédemment rabroués ont saboté le processus et le bronze en fusion est projeté sur la foule.

Au troisième acte : Malgré l’échec précédent, Balkis médite sur les signes extérieurs de richesse intérieure d’Adoniram et les compare au pragmatisme bassement matérialiste de Soliman. Adoniram survient et rapidement ils tombent dans les bras l’un de l’autre, Adoniram se flattant de la supériorité de l’Architecte sur un Roi qui n’aurait que le mérite de sa naissance. Et décidément tout va bien, puisqu’on apprend que pendant la nuit, une intervention surnaturelle a achevé le travail commencé, sous les coups de marteaux sont apparus les taureaux supportant la vasque remplie d’eau de la Mer d’Airain.

Au quatrième acte : la belle légende maçonnique commence à tourner au mauvais feuilleton. Soliman frustré et jaloux reçoit la visite des trois mauvais Compagnons qui viennent lui rapporter l’infidélité de Balkis. Adoniram et Soliman, s’affrontent verbalement, Soliman déclare qu’il va quitter Jérusalem, mais Balkis a le temps de lui verser un narcotique qui permet de lui dérober l’anneau royal, puis de prendre la fuite pour rejoindre Adoniram.

Au cinquième acte : l’ambiance devient plus tragique, n’oublions pas que nous sommes à l’opéra et qu’on y tire traditionnellement des émotions à travers les drames que subissent les protagonistes dans leur chair ou leur âme. Adoniram à la place de Balkis qu’il attendait, voit arriver les trois mauvais Compagnons qui lui demandent à nouveau le mot de passe des Maîtres. Adoniram refuse bien sûr et alors que la tempête éclate, les trois mauvais Compagnons le poignardent. Balkis, arrive enfin, pour le voir mourir dans ses bras et va donc devenir  » La Veuve  » chère aux Francs-Maçons, mais elle a cependant le temps de lui passer l’anneau royal arraché à Soliman. Adoniram mort est accueilli dans les cieux par Tubal-Kaïn, pour une vie éternelle, salué par le choeur des ouvriers. Il a choisit d’affronter son destin et après sa propre mort, il accède à la renaissance.

Au total :

Un livret sans grande imagination ni poésie, sans prise réelle sur les préoccupations de l’époque, une intrigue prévisible et une fin un peu bâclée, pas de quoi tenir l’affiche et passer à la postérité. Or c’est bien ce qui arriva, essayons d’en préciser les causes.

Tout d’abord un opéra est souvent plus apprécié pour sa musique que pour son intrigue. Celle-ci est même parfois tellement compliquée qu’on en oublie sa crédibilité et qu’au fond elle passe au second plan. Que celui qui peut raconter précisément et de mémoire l’argument du «  Trouvère «  ou de  » la Force du Destin «  de Verdi vienne dire le contraire ! Il n’empêche que des oeuvres peuvent compter par leur contenu littéraire ou dramatique. «  Tosca «  est de celle-ci s’insurgeant contre les pouvoirs politiques, Verdi avec  » Aïda «  a joué un rôle non négligeable dans le risorgimento, la «  Traviata «  a fait pleurer dans les chaumières. Bien souvent, pour comprendre l’action, il vaut mieux avoir connaissance du livret, au pire acheter le programme et le lire dans la pénombre, car il ne faut pas compter sur la représentation pour comprendre les tenants et les aboutissants, d’autant qu’on voit souvent les opéras dans une langue qui n’est pas la nôtre, avec certes maintenant le plus souvent des sous-titres, y compris quand on chante en français, car la diction peut être médiocre ! Certes au 19ème siècle les opéras étaient souvent chantés dans la langue du pays où ils étaient donnés, mais cela ne se fait guère plus. Terminons encore pour dire que le français est peut être  » une langue qui résonne « , mais qu’elle est aussi diablement difficile à chanter et par conséquent rares sont les chanteurs d’origine étrangère que l’on peut comprendre facilement.

La puissance émotionnelle de la musique passe donc souvent au premier plan. Mais si actuellement on fait preuve de tolérance, d’ouverture d’esprit, de culture, n’oublions pas que les pesanteurs de l’époque faisaient qu’il était extrêmement délicat d’innover. Ajoutons les réactions nationalistes qui faisaient qu’il était fort risqué d’apprécier Wagner à la fin du 19ème siècle et de vouloir s’en inspirer ouvertement comme l’a reconnu Charles Gounod.

Cet opéra n’est donc pas passé à la postérité, il était pourtant l’oeuvre d’un compositeur premier Prix de Rome, qui allait devenir fort célèbre et parfaitement reconnu de son vivant, et honoré à sa mort, ayant reçu des obsèques nationales à l’Eglise de la Madeleine, son cercueil étant accompagné par l’Orphéon de Paris que dirigeait Camille Saint-Saëns.

La première de  » La Reine de Saba «  eut lieu en février 1862 à l’Opéra de Paris mais l’oeuvre ne tînt l’affiche que 15 jours, le temps que la critique s’acharne à son sujet. On lui portait la grande accusation de wagnérisme, leitmotiv d’une certaine critique parisienne dont eurent à souffrir Bizet, Saint Saëns et Massenet. Dans la  » Revue des deux Mondes  » du 18 mars 1862, Paul Scudo, l’ennemi de Berlioz, écrivait que Charles Gounod avait eu le malheur d’admirer certaines pages altérées des derniers quatuors de Beethoven, source troublée d’où étaient sortis les mauvais musiciens de l’Allemagne moderne, les Liszt, les Wagner, les Schumann et même les Mendelsohn. Quel visionnaire !

Voilà pour la musique, dont Berlioz écrivait, que certes il :  » cherchait à soutenir l’auteur, mais qu’il n’y avait rien dans sa partition, absolument rien. Comment soutenir ce qui n’a ni os ni muscles ? « . Etonnante écriture après un  » Faust «  qui fut une réussite mélodique avec une partition d’orchestre puissante, variée et efficace. Etonnante aparté encore quand on sait qu’il écrira encore deux autres chefs d’oeuvre avec  » Mireille «  et  » Roméo et Juliette «  quelques années après.

Puisque la musique n’était pas à la hauteur, quid du livret ? Il faut malheureusement reconnaître que ce n’est pas l’intrigue un peu compliquée tirée des écrits de Gérard de Nerval, dépourvue de situations fortes et sans idées saillantes qui aurait pu captiver le public. A sa décharge, il faut savoir aussi que les opéras possèdent le plus souvent plusieurs versions et que certaines scènes peuvent être finalement coupées ou que les ballets classiques de cette époque étaient parfois supprimés faute de moyens. Certaines scènes n’ont ainsi jamais été jouées et on ne les retrouve parfois que 150 ans après, par exemple quand Michel Plasson enregistre pour la première fois l’air du  » Scarabée « , variante d’une scène du  » Faust « . Aussi les premières représentations sont parfois décousues et il faut un peu de rodage pour peaufiner l’ensemble en fonction des réactions du public,  » La Reine de Saba «  n’a pas eu ce sursis. Ainsi quelques coupures ont concerné des scènes expliquant ce sentiment de souvenir lointain, de reconnaissance, lors de la rencontre entre Balkis et Adoniram, une autre enfin, rapportant une attitude un peu désobligeante de Soliman à l’égard de Balkis, parfaitement présente chez Nerval, aurait expliqué les quelques réticences de la reine à l’égard de son prétendant. La scène de la fonte de la Mer d’Airain aurait été coupée en raison des risques d’incendie et pour gagner du temps au bénéfice des ballets tellement prisés par les protecteurs des danseuses.

Parfois c’est l’interprétation qui peut venir sauver un ouvrage médiocre ou au contraire l’enfoncer. Or pour cette première, le chef d’orchestre Louis Dietsch était celui dont Wagner avait eu à se plaindre pour son «  Tannhäuser «  et son exécution fut jugée  » filandreuse « .

Enfin la réceptivité sociale ou politique du moment va faire le succès éventuel de l’événement. Or, vous avez compris quelles que soient vos connaissances des légendes et rituels maçonniques, que le thème global de la  » Reine de Saba «  est profondément maçonnique puisque la légende d’Hiram chère aux Loges bleues, c’est à dire des trois premiers degrés, apprentis, compagnons et maîtres, y est rapportée bien fidèlement. Le nom d’Adoniram à la place de celui d’Hiram peut trouver sa justification soit plus loin dans d’autres degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepté, soit encore dans d’autres rites. Plus encore, sans trahir d’autres secrets accessibles dans toutes les bonnes librairies, même à l’époque, la maçonnerie des Hauts Grades s’inspire pour ses premiers degrés de la symbolique salomonienne et de la construction du temple de Jérusalem. De ce fait, il y est fait mention du chef d’oeuvre que prétend réaliser Adoniram. On peut s’étonner de ce mélange entre les noms et symboles des Loges bleues et ceux des Hauts Grades, mais les rites autres que le Rite Ecossais Ancien et Accepté sont multiples et les personnages volontiers désignés par plusieurs noms. Un même  » mot de passe  » peut correspondre à différents grades selon les rites. Enfin, quand ni l’écrivain, ni les librettistes, ni le compositeur ne sont Francs-Maçons, des erreurs peuvent se produire. Ainsi Oswald Wirth, dont les écrits maçonniques à la fin du 19ème siècle firent autorité, ne nourrissait aucune bienveillance à l’égard de l’oeuvre de Gérard de Nerval, qui à ses yeux n’aurait eu qu’une vision bassement politique de la légende d’Hiram. Le texte suit cependant fidèlement les rituels maçonniques, certaines expressions sont typiquement empruntées aux Loges, par exemple le jour de la fête le Roi  » suspend les Travaux « , le premier mauvais Compagnon déclare  » Je suis Maçon « . Le nom même de Tubal-Kaïn qui apparaît à certains moments, correspond à un mot de passe parmi bien d’autres, là encore variable suivant les degrés et les rites. On en est donc pas à une vague inspiration, mais à une retranscription précise et pas du tout anodine sous Napoléon III. Celui-ci, amateur surtout d’opéra-bouffe avait pris d’ailleurs l’oeuvre en horreur, ne supportant guère l’idée de l’artiste placé au-dessus du monarque absolu. Pour certains, l’opéra aurait même été interdit, avatar ayant des précédents, par exemple avec le  » Don Carlos «  de Verdi qui critiquait l’inquisition. Il faut dire que c’était aussi la grande époque du compagnonnage et des corporations avec en figure de proue le célèbre Agricol Perdiguier, qui inspira Georges Sand. En 1848 les compagnons avaient organisé une grande manifestation à Paris, c’était encore dans les mémoires. C’est Crosnier, qui remplaçait Nestor Roqueplan à la direction de l’Opéra, qui décida de bannir  » une pareille ordure « . Dans ses  » Mémoires d’un artiste «  Gounod écrit :  » Les décisions directoriales ont parfois des dessous qu’il serait inutile de vouloir pénétrer : en pareil cas, on donne des prétextes ; les raisons demeurent cachées « .

Si on écoute cet opéra 140 ans après, enfin enregistré en première mondiale dans une version hélas assez médiocre avec des voix étrangères de plusieurs nationalités, ce qui se fait hélas souvent maintenant et que le français avec ses e muets tolère mal, on retient néanmoins quelques belles scènes et quelques innovations, la cavatine de Balkis étant la plus connue. Le savoir-faire existe à défaut d’une forte inspiration. Comme dit le Larousse au début du 20ème siècle, il y a plus de science que de musiqueŠ Par contre, la partition d’orchestre paraît plus insipide que ce que le compositeur a pu produire au cours de sa longue carrière. On disait même que si  » Faust «  avait été l’ » Austerlitz «  de Charles Gounod, cet opéra serait son  » Waterloo «  ! Certes, l’appréciation de la musique est subjective, mais parmi le public, si peu de spectateurs sont capables d’une analyse musicologique poussée, par contre de façon subjective, ils peuvent être plus ou moins charmés. Or dans cette oeuvre, on retrouve globalement toutes les habitudes les plus convenues de Charles Gounod, toute ses  » ficelles  » , l’expression existant déjà dans la critique du 19ème siècle. On notera cependant des motifs de rappels apparentés à des personnages ou des situations, qui reviennent plus ou moins altérés au cours de l’oeuvre. Par exemple, l’origine divine d’Adoniram est suggérée par un motif de cornet à piston et de trombone symbolisant sa puissance originelle. C’est là une petite nouveauté, un procédé qui sera repris dans tout l’opéra, songez par exemple à «  Tosca «  célèbre pour l’usage répété des leitmotivs. Pour trouver un jugement objectif, on peut lire l’avis de musicologues avérés, capables de juger l’événement avec du recul et sans parti pris. Mais là, même avec le temps, ce n’est pas l’enthousiasme qui prédomineŠ On cite habituellement l’air du choeur des jeunes filles juives et sabéennes, deux airs de Balkis et une marche empruntée au livret d’  » Ivan le Terrible « .

Alors livret insipide ou partition d’orchestre bâclée, critique injuste ou moment mal choisi, non-observance des règles mélodramatiques élémentaires ? Il est vrai qu’il est difficile de se prendre de sympathie pour les protagonistes. Comme le résumait de façon lapidaire le critique Johannes Weber dans  » Le Temps «  le 14 mars 1862 :  » Quel intérêt peut éveiller une pièce où les six personnages les plus importants sont sots et ridicules, quand ils ne sont pas lâches, fourbes, scélérats et repoussants « . Il est vrai qu’Adoniram apparaît bien suffisant, parfois méprisant, y compris vis à vis de Balkis et qu’il ne doit son salut qu’à une intervention divine. Enfin, pour susciter l’empathie, le personnage principal doit être confronté au choix entre l’idéologie et l’amour or nul trace ici d’un tel déchirement. Les recettes habituelles d’une bonne intrigue sont donc absentes.

Cet échec restera une blessure majeure pour Charles Gounod qui à côté de quelques opéras mineurs, voire à peine joués quelques jours, a commis au moins trois chefs-d’oeuvre qui ont fait le tour du monde avec  » Faust  » ,  » Roméo et Juliette «  et  » Mireille « . Il confia même à un critique allemand qu’il avait entrepris un voyage pour se consoler d’un deuil familial en lui disant :  » J’ai perdu une femme que j’aimais profondément : la Reine de SabaŠ « . Cet échec sera aussi à l’origine d’un épisode dépressif qui sera l’occasion pour lui de séjourner quelques temps chez son fidèle ami le Dr Blanche.

Ne pouvait-on donner une seconde chance à  » La Reine de Saba «  ? Sans doute pas de sitôt, car monter un opéra nécessite un long travail impliquant de nombreuses personnes : chef d’orchestre, metteur en scène, musiciens de l’orchestre et des choeurs, solistes, danseurs, chef de choeur et de ballet, costumiers et maquilleurs, décorateurs, machinistes quand ils ne sont pas en grève, etcŠ Si le succès commercial n’est pas là rapidement, il vaut mieux s’arrêter à temps. «  La Reine de Saba «  fut rejouée une fois en 1900 sans grand succès, une autre en 1969 à Toulouse sous la direction de Michel Plasson, dans une version avec de multiples coupures et vient donc enfin d’être donnée et enregistrée en Italie dans une version approximative. Enfin cette année, à Saint-Etienne, l’opéra est à nouveau joué, dans une version complète avec d’excellents ballets. Mais qu’il soit donc passé à la trappe en 1862 n’est pas étonnant et Charles Gounod connût d’autres échecs relatifs avec d’autres opéras: «  La Nonne sanglante, Cinq-Mars, Polyeucte, Philémon et Baucis, Sapho, le Tribut de Zamora « . Ces titres ne sont guère connus et pour cause !

Le texte du livret est quand même bien curieux pour avoir été accepté par ce compositeur qui ne fut jamais Franc-Maçon, même s’il appelait sa chambre sa  » Loge « , durant son séjour à la Villa Médicis à Rome.

Mais au fait, d’où vient-il ce livret ?

Relisons la page de garde de la partition de la maison Choudens :  » La Reine de Saba, grand opéra en 5 actes de MM. Jules Barbier et Michel Carré mis en musique et dédié à son Excellence Monsieur le Comte Walewski-Colonna, ministre d’Etat, par Charles Gounod. Partition chant et piano arrangée par Georges Bizet -Paris, Choudens éditeur « .

On constate donc qu’il n’y est nullement fait référence à Gérard de Nerval dans cet intitulé. Cela pourrait s’expliquer honorablement par le fait qu’il pouvait être malséant ou simplement pas très commercial de rappeler le nom d’un écrivain suicidé et fou de surcroît. Le  » fol délicieux « , le «  suicidé de la société « , était mort, paix à ses cendres. Notons aussi au passage, qu’il n’avait pas d’héritiers pour défendre sa mémoireŠ

Pourtant c’est bien Gérard de Nerval qui fut l’inspirateur de cette histoire d’amour, histoire malheureuse bien sûr, comme il les aimait tant, blessé qu’il fut dans sa jeunesse par la non concrétisation de ses aspirations romantiques. Nerval a fréquenté un certain nombre d’illuminés, mais aussi de poètes de renom, souvent Francs-Maçons, très probablement sans l’être lui-même. S’il l’avait été, rassurez-vous les Francs-Maçons l’aurait revendiqué depuis longtemps ! Ainsi certains exégèses ont voulu à travers l’analyse de son portrait par E. Gervais, en déduire que son attitude, sa posture, la position de ses mains etcŠ révélaient qu’il était Maître Secret (4ème degré), voire Maître Parfait ( 5èmeème siècle, la multiplication des grades et rites, comme par exemple les 99 degrés de celui dit de  » Memphis Misraïm « , font que toutes les poses immortalisées sur un daguerréotype doivent pouvoir donner lieu à des élucubrations fantasmatiques sur l’appartenance maçonnique éventuelle du poseur ! degré). Or, il est rare qu’on se prévale de ces tous premiers degrés des Hauts Grades et par ailleurs, surtout au 19

Mais d’ailleurs, est-ce primordial de connaître l’appartenance maçonnique éventuelle d’un auteur ? Cette particularité maçonnique n’a pas forcément la même valeur pour chacun. Deux baptisés catholiques ont-il pour autant la même foi ? On doit pouvoir être Maçon et n’avoir rien compris à la maçonnerie, de même qu’un non-Maçon peut avoir compris la portée de son symbolisme. C’est la thèse qui prévaudrait pour Gérard de Nerval. Il ne serait pas maçon, mais aurait une profonde connaissance des textes fondamentaux et des rites déjà divulgués au 19ème siècle. Il faut dire qu’avec sa traduction du Faust de Goethe, Gérard de Nerval fut rapidement au contact d’une littérature symbolique. Notons bien sûr que Charles Gounod a commis son chef d’oeuvre avec précisément ce même Faust du même auteur quelques années auparavant. C’est sa mère, Victoire Lemachois, qui lui avait glissé dans ses bagages la traduction qu’en avait faite Gérard de Nerval, lors de son départ à la Villa Médicis. Néanmoins ce thème a été couramment utilisé par les musiciens avec entre autres Boïto, Liszt, Schuman, Berlioz etcŠ

Par contre la légende d’Hiram servant de base aux rituels maçonniques de l’époque existait déjà, sous une forme condensée, retransmise en partie par voie orale. Il est vrai qu’Hiram est déjà cité dans la Bible ! Nerval l’a donc sciemment reprise à son propre compte pour en faire une assez longue nouvelle, au sein du recueil  » Voyage en Orient « , écrit en effet après avoir visité le moyen Orient et notamment l’Egypte. On y appréciera la fluidité de sa prose et la clarté du propos sans adjonction de délires interprétatifs. On trouvera un symbolisme plus onirique dans d’autres oeuvres de Gérard de Nerval, comme par exemple  » Aurélia « . La thèse qui prévaut tendrait donc à penser que l’auteur n’était pas Maçon, mais qu’il connaissait bien les rituels. Il a pu même s’amuser dans sa correspondance à laisser traîner quelques signes ambigus évocateurs. Par exemple, il se targue d’être  » louveteau « , terme d’origine anglo-saxonne réservé à un mineur parrainé par un Maçon, comme il existe des  » lionceaux «  » Lyons « . Peut-être voulait-il seulement faire référence au fait que son père, le Dr. Labrunie, était maçon, tout comme le Dr. Blanche d’ailleurs. Enfin, certains ont même pu être convaincus de sa qualité maçonnique en justifiant néanmoins son absence des tableaux de Loges officiels par l’appartenance à une Loge  » sauvage « , c’est à dire non inféodée aux obédiences officielles. L’argument devient spécieuxŠ parrainés par les membres du

Alors quid de Gérard de Nerval librettiste ?

Il faut tout d’abord savoir que l’écrivain avait un goût prononcé pour la musique. Il a ainsi fréquenté les plus grands musiciens de son temps : Liszt, avec qui il avait le projet d’écrire un  » Second Faust « , Berlioz, Meyerbeer et Rossini. Il rêvait depuis longtemps d’écrire un livret d’opéra, dans le but avoué d’en offrir le rôle principal à l’élue de son coeur Jenny Colon. Il avait d’ailleurs projeté de réécrire le livret de  » La Flûte enchantée « , ni plus ni moins ! Mais là, il envisageait pour la cantatrice de lui offrir le personnage de Balkis, Reine du Matin et non celui de la Reine de la Nuit qu’elle avait déjà chanté ! Gérard de Nerval avait dans un premier temps essayé de concrétiser son projet d’opéra avec Meyerbeer, qui avait connu le succès parisien en 1831 avec son  » Robert le Diable «  et qui était notoirement Franc-Maçon, mais ce désir ne fut pas couronné de succès, car celui-ci était pris par un autre sujet à ce moment. Nerval aurait pour cela écrit le premier acte et lui aurait envoyé, mais Meyerbeer l’aurait  » gardé sous le coude  » quelques années sans y donner suite et ensuite on n’en a plus trouvé la trace. Quelques années plus tard Nerval voyageant au Proche Orient en 1843, ayant enrichi sa connaissance du monde arabe insère alors l’histoire de Balkis au sein de nouvelles que narre un conteur professionnel dans un café turc. C’est d’ailleurs la façon dont se présentera la mise en scène lors de sa reprise cette année à Saint-Etienne, reprenant l’artifice du théâtre dans le théâtre cher à Shakespeare. Mais si Nerval en a probablement tiré effectivement un livret d’opéra en cinq actes, celui-ci a bien disparu.

Diverses hypothèses sont donc échafaudées :

- La dédicace de l’opéra au Comte Walewski propose une première piste. Le ministre dirigeait le journal  » Le Messager  » auquel Gérard de Nerval aurait aimé collaborer et les liens entre eux furent étroits. Or Alexandre Walewski fît jouer au Théâtre Français une comédie dont il s’attribua la paternité :  » L’Ecole du Monde ou la Coquetterie sans le savoir « , laquelle aurait en fait été écrite par M. Gérard (comme on nommait Gérard de Nerval à l’époque). Certains inclinent donc à penser que Walewski aurait pu avoir le livret complet de  » La Reine de Saba «  et que devenu ministre d’un état autoritaire, il aurait pu le faire signer par Barbier et Carré devenus fournisseurs attitrés de Gounod et en accepter la dédicace. Dans le plan manuscrit de ses oeuvres complètes, quelques jours avant sa mort, Nerval à la rubrique  » sujet  » écrit :  » La Reine de Saba, 5a . Halèvy « , ce qui dans sa terminologie pourrait signifier qu’il ne s’agissait que d’un projet, car quand ceux-ci étaient achevés, c’était en règle précisé.

- Deuxième hypothèse à partir d’une certitude : Nerval connaissait Michel Carré. On trouve ainsi dans sa correspondance une lettre du 7 mars 1854 concernant un projet d’opéra comique sur le thème de son proverbe  » Corilla « . On peut imaginer qu’il aurait plus tard reçu un livret complet de  » La Reine de Saba «  et qu’il l’aurait adapté en le simplifiant. Ou encore, puisque Meyerbeer avait reçu le premier acte, la suite a peut-être existé et aurait pu être retrouvé dans les archives de l’Opéra, où les librettistes l’auraient retrouvée et adaptée, honorant ainsi la mémoire de l’écrivain dans un  » pieux larcin « Š Notons que la première rencontre entre Charles Gounod et ces fameux librettistes eut lieu en 1856.

La troisième hypothèse reste la plus vraisemblable : puisqu’il s’agissait d’un désir exprimé de la part de Nerval, Barbier et Carré auraient eux-même écrit entièrement le livret à partir des  » Nuits du Ramazan « , avec une adaptation très proche du texte à quelques exceptions près que leur connaissance de l’opéra leur suggérait. Quelques éléments de la nouvelle de Nerval se trouvent transformés dans un souci d’efficacité lyrique et mélodramatique. Ainsi par exemple, il est malséant de mourir dès le début d’un opéra et donc Bénoni, le fidèle et dévoué apprenti qui meurt avant la fonte de la mer d’airain chez Nerval survivra chez Gounod. Pour ce qui est de l’écriture, partant du texte initial, les librettistes en font une réduction en prose pour la versifier secondairement. Si le procédé  » colle au texte  » facilement pour une pièce de théâtre, il en est bien entendu tout autre pour un récit romanesque, la description des lieux et des actions ne se prêtant guère à la forme narrative, sauf à imaginer l’intervention d’un récitant, qui casse toujours un peu l’ambiance et le rythme. L’absence in fine du nom de Nerval obéissant donc comme on l’a vu, à des règles de  » marketing « , plus qu’à une volonté éhontée de plagiat.

Une dernière hypothèse est soulevée par André Lebois. On ne présente à un compositeur avéré qu’une oeuvre complète. Le livret de  » la Reine de Saba «  existerait donc, peut-être rédigé avec l’aide de Michel Carré et puisque Meyerbeer est indisponible, Nerval s’adresse à Halévy, qui en est le poulain et qui vient d’écrire  » Charles VI «  et  » la Reine de Chypre « . Cela faisait beaucoup de souverains et craignant peut-être la raillerie en ajoutant une  » Reine de Saba « , Halévy déclina l’offre. Et ce serait alors Halévy qui aurait fait appel à Gounod et Bizet (qui avait épousé la fille d’Halèvy) en a donc arrangé la partition pour piano. Barbier et Carré auraient purement gardé le livret de Nerval, avec pour toute contribution la suppression du tableau de la descente aux enfer, car  » Faust «  avait déjà présenté la  » Nuit de Walpurgis « , et cela aurait un peu fait doublon. Ils auraient rajouté, car Gounod appréciait cette forme musicale, la scène du choeur des juives et des sabéennes. Le livret original de Nerval n’a jamais été retrouvé, il aurait évidemment été détruit, peut être par Nerval lui-même d’ailleurs. Cette hypothèse n’est évidemment pas la plus glorieuse, elle reste hélas plausible, Gérard de Nerval s’étant fait dépossédé de plusieurs projets au cours de sa carrière.

Son oeuvre ne sera donc mise en musique que quinze ans après son projet initial. Gérard de Nerval était déjà mort depuis quelques années, Jenny Colon aussi. On ne trouve donc pas trace dans sa correspondance d’un projet avec Charles Gounod. L’avait-il évoqué entre eux où n’était-ce que le fruit des intermédiaires ? On ne le saura jamais. Et s’ils ont tous deux fréquenté la maison du Dr Blanche, c’est de façon indépendante dans le temps et par ailleurs, Gérard de Nerval n’assistait pas aux réunions musicales qu’organisait le psychiatre.

Alors puisque ni le compositeur ni l’écrivain n’étaient Francs-Maçons, peut être faudrait-ils s’intéresser aux librettistes ? Car à part Wagner qui écrivait les textes de ses opéras, habituellement les compositeurs font appel à des librettistes. Ceux-ci sont en quelques sortes les paroliers qui à partir d’un thème littéraire proposent des paroles pour le mettre en musique. C’est une écriture en règle réductrice mais efficace, comme pour le dialoguiste au cinéma. Pour n’avoir pas eu recours à un librettiste de métier, Claude Achille Debussy s’est retrouvé dans une impasse quand il s’est agit d’écrire un opéra du nom d’ » Orphée « . Il y avait une inadéquation entre le style littéraire que lui proposait le Dr Segalen et l’efficacité d’une écriture nécessairement plus concise. C’est sans doute pour cela que les poèmes peuvent néanmoins être plus facilement mis en musique. En l’occurrence pour Charles Gounod, il s’agissait de ses librettistes attitrés de longue date, Barbier et Carré, dont les autres livrets connus ne sont nullement maçonniques et qui n’étaient pas Francs-Maçons eux-même. Toutefois le livret reste in fine sous la responsabilité du compositeur et il est douteux qu’on ait pu lui faire accepter une telle histoire sans son assentiment. Il ne s’agissait en effet pas d’une quelconque légende appartenant à la culture commune de cette époque, même si le goût pour l’orientalisme était naissant. Charles Gounod, était en effet un catholique fervent, ayant même passé quelques temps au séminaire en se prévalant à l’époque du titre d’abbé. Plus tard il composera de nombreuses messes, oratorio, Te Deum, Requiem, Gloria, Ave Maria, pièces pour orgue, marche pontificale etcŠ La Maçonnerie d’alors, non pas dans ses principes mais dans sa sociologie, était assez anticléricale et cela paraît assez antinomique avec sa personnalité. Charles Gounod était homme de grande culture, fin lettré et ami de tout le monde artistique de l’époque. Chrétien catholique convaincu, tendance christianisme social, il avait su se frotter aux philosophes et découvrir que l’Amour de l’autre était la seule solution durable pour la sauvegarde de notre univers. Mais si on retrouve dans sa correspondance une lettre du Sâr Peladan, nulle trace par contre de la Maçonnerie, organisation qu’il ne pouvait méconnaître. Quant à la légende d’Hiram, elle préexiste bien entendu à l’oeuvre de Gérard de Nerval, puisque la naissance de la Maçonnerie en tant que corps constitué, date de 1717, à l’époque des Constitutions d’Anderson qui en fixent les principes et règlements. Gérard de Nerval, intéressé de longue date par divers courants ésotériques a donc repris de façon enjolivée et romantique la légende qui servait de support au rituel maçonnique, sous forme d’un conte d’une centaine de pages où figurent quelques belles considérations sur la vanité du pouvoir temporel et la fragilité des institutions et civilisations qui reposeraient sur un principe ou une base matérielle fragiles. Pour autant, certains chapitres reprennent mot pour mot des phrases des rituels maçonniques, tels qu’ils étaient déjà dévoilés à l’époque, venant par exemple au chapitre intitulé  » Makbenah  » expliciter une phase essentielle du rituel de la maîtrise.

Cet opéra reste donc un mystère : comment l’oeuvre la plus explicitement maçonnique du répertoire français du 19ème peut-elle être le fruit d’un non-Maçon ? Reste que ce compositeur a peut-être été Franc-Maçon sans que je le sache, mais outre que la Maçonnerie a tendance à se glorifier de ses membres célèbres et que je ne l’ai jamais entendu nommer à ce titre, il me semble que je l’aurais de toutes façon su, puisque ce compositeur était donc mon arrière-arrière grand-père et qu’à travers ses objets personnels ou sa nombreuse correspondance, nulle allusion n’a jamais été retrouvée concernant la Maçonnerie.

Alors s’agissait-il d’une incartade volontaire et éclairée, fut-ce un incident de parcours non significatif, ou Charles Gounod fut-il la victime involontaire d’un intermédiaire parfaitement au courant, le secret n’est pas prêt d’être élucidé !

 

Nicolas GOUNOD, Mars 2003

Bibliographie :

Discographie :

- « La Reine de Saba » de Charles Gounod

* avec Francesca Scaini, Jean-Won Lee, Anna Lucia Alessio, Annalisa Carbonara, Luca Grassi, Salvatore Cordella. Direction Manlio Benzi. Bratislava Chamber Choir. Orchestra Internazionale d’Italia. 2002. Dynamic. CDS 387/1-2

* avec Suzanne Sarroca, Gérard Serkoyan, Gilbert Py, Yvonne Dalou, Jean-Paul Calfi, Henry Amiel, Gerad Blatt. Direction Michel Plasson. Toulouse 1969.

* Extraits: air de Balkis « Plus grand dans son obscurité », Françoise Pollet, Orchestre philharmonique de Montpellier, direction Cyril Diederich, 1CD Erato Musifrance 1990.

* Extraits: « Valse » du 2e Acte, London Symphony Orchestra, Direction Richard Bonynge; ‘Ballet Gala &endash;Ballet Music from Opera’ (avec oeuvres de Rossini, Donizetti, Massenet, Berlioz, Saint-Saëns). Enregistré: 1972, Decca 444 198-2

* Air D’Adoniram par Gustave Botiaux Récital n°3 ORPHEE LDO B 21051-51052

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ANTIMACONNISME 20 avril, 2008

Posté par hiram3330 dans : Chaine d'union,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaire

ANTIMACONNISME

L’antimaçonnisme est né avec la franc-maçonnerie. La peur du secret et du mystère pousse certaines personnes à l’hostilité, concernant les loges maçonniques. Dans la plupart des cas, la méfiance du grand public à l’égard des francs-maçons alterne avec l’indifférence. Mais il existe un antimaçonnisme organisé en doctrine, il est propagé par les mouvements religieux intégristes, l’extrême-droite et tout régime totalitaire.

En France, l’antimaçonnisme a laissé des traces dans la littérature.

Maupassant avait été pressenti par l’écrivain Catulle Mendes pour devenir franc-maçon en 1876. L’auteur de Bel ami refusa car il méprisait les idéaux quels qu’ils fussent.

Il n’est donc pas étonnant de voir la franc-maçonnerie mise à mal par Maupassant dans la nouvelle « Mon oncle Sosthène ».

MON ONCLE SOSTHENE

Mon oncle Sosthène était un libre-penseur comme il en existe beaucoup, un libre-penseur par bêtise. On est souvent religieux de la même-façon. La vue d’un prêtre le jetait en des fureurs inconcevables ; il lui montrait le poing, lui faisait des cornes, et touchait du fer derrière son dos, ce qui indique déjà une croyance, la croyance du mauvais oeil. Or, quand il s’agit de croyances irraisonnées, il faut les avoir toutes ou n’en avoir pas du tout. Moi qui suis aussi libre-penseur, c’est-à-dire un révolté contre tous les dogmes que fit inventer la peur de la mort, je n’ai pas de colère contre tous les temples, qu’ils soient catholiques, apostoliques, romains, protestants, russes, grecs, bouddhistes, juifs, musulmans. et puis, moi, j’ai une façon de les considérer et de les expliquer. Un temple, c’est un hommage à l’inconnu. Plus la pensée s’élargit, plus l’inconnu diminue, plus les temples s’écroulent. Mais, au lieu d’y mettre des encensoirs, j’y placerais des télescopes et des microscopes et des machines électriques. Voilà !

Mon oncle et moi nous différions sur presque tous les points. Il était patriote, moi je ne le suis pas, parce que le patriotisme, c’est encore une religion. C’est l’oeuf des guerres.

Mon oncle était franc-maçon. Moi, je déclare les francs-maçons plus bêtes que les vieilles dévotes. C’est mon opinion et je la soutiens. Tant qu’à avoir une religion, l’ancienne me suffirait.

Ces nigauds-là ne font qu’imiter les curés. Ils ont pour symbole un triangle au lieu d’une croix. Ils ont des églises qu’ils appellent des Loges avec un tas de cultes divers : le rite Ecossais, le Rite Français, le Grand-Orient, une série de balivernes à crever de rire.

Puis, qu’est-ce qu’ils veulent ? Se secourir mutuellement en se chatouillant le fond de la main. Je n’y vois pas de mal. Ils ont mis en pratique le précepte chrétien : « Secourez-vous les uns les autres. » La seule différence consiste dans le chatouillement. Mais, est-ce la peine de faire tant de cérémonies pour prêter cent sous à un pauvre diable ? Les religieux, pour qui l’aumône et le secours sont un devoir et un métier, tracent en tête de leur épîtres trois lettres : J.M.J. Les francs-maçons posent trois points en queue de leur nom. Dos à dos, compères.

Mon oncle me répondait : « Justement nous élevons religion contre religion. Nous faisons de la libre pensée l’arme qui tuera le cléricalisme. La franc-maçonnerie est la citadelle où sont enrôlés tous les démolisseurs de divinités. »

Je ripostais : « Mais, mon bon oncle (au fonds je disais : « vieille moule »), c’est justement ce que je vous reproche. Au lieu de détruire, vous organisez la concurrence ; ça fait baisser les prix, voilà tout. Et puis encore, si vous n’admettiez parmi vous que des libres penseurs, je comprendrais ; mais vous recevez tout le monde. Vous avez des catholiques en masse, même des chefs du parti. Pie IX fut des vôtres, avant d’être pape. Si vous appelez une Société ainsi composée une citadelle contre le cléricalisme, je la trouve faible, votre citadelle. »

Alors, mon oncle, clignant de l’oeil, ajoutait : « Notre véritable action, notre action la plus formidable a lieu en politique. Nous sapons, d’une façon continue et sûre, l’esprit monarchique. »

Cette fois j’éclatais. « Ah ! oui, vous êtes des malins ! Si vous me dites que la Franc-Maçonnerie est une usine à élections, je vous l’accorde ; qu’elle sert de machine à faire voter pour les candidats de toutes nuances, je ne le nierai jamais ; qu’elle n’a d’autre fonction que de berner le bon peuple, de l’enrégimenter pour le faire aller à l’urne comme on envoie au feu les soldats, je serai de votre avis ; qu’elle est utile, indispensable même à toutes les ambitions politiques parce qu’elle change chacun de ses membres en agent électoral, je vous crierai : « C’est clair comme le soleil ! » Mais si vous me prétendez qu’elle sert à saper l’esprit monarchique, je vous ris au nez.

« Considérez-moi un peu cette vaste et mystérieuse association démocratique, qui a eu pour grand-maître, en France, le prince Napoléon sous l’Empire ; qui a pour grand-maître, en Allemagne, le prince héritier ; en Russie le frère du czar ; dont font partie le roi Humbert et le prince de Galles ; et toutes les caboches couronnées du globe ! »

Cette fois mon oncle me glissait dans l’oreille : « C’est vrai, mais tous ces princes servent nos projets sans s’en douter.

- Et réciproquement, n’est-ce pas ? »

Et j’ajoutais en moi : « Tas de niais ! »

Et il fallait voir mon oncle Sosthène offrir à dîner à un franc-maçon.

Ils se rencontraient d’abord et se touchaient les mains avec un air mystérieux tout à fait drôle, on voyait qu’ils se livraient à une série de pressions secrètes. Quand je voulais mettre mon oncle en fureur je n’avais qu’à lui rappeler que les chiens aussi ont une manière tout franc-maçonnique de se reconnaître.

Puis mon oncle emmenait son ami dans les coins, comme pour lui confier des choses considérables ; puis, à table, face à face, ils avaient une façon de se considérer, de croiser leurs regards, de boire avec un coup d’oeil comme pour se répéter sans cesse : « Nous en sommes, hein ? « 

Et penser qu’ils sont ainsi des millions sur la terre qui s’amusent à ces simagrées ! J’aimerais encore mieux être jésuite.

Or, il y avait dans notre ville un vieux jésuite qui était la bête noire de mon oncle Sosthène. Chaque fois qu’il le rencontrait, ou seulement s’il l’apercevait de loin, il murmurait : « Crapule, va ! » Puis me prenant le bras, il me confiait dans l’oreille : « Tu verras que ce gredin-là me fera du mal un jour ou l’autre. Je le sens. « 

Mon oncle disait vrai. Et voici comment l’accident se produisit par ma faute.

Nous approchions de la semaine sainte. Alors, mon oncle eut l’idée d’organiser un dîner gras pour le vendredi, mais un vrai dîner, avec andouille et cervelas. Je résistai tant que je pus ; je disais : « Je ferai gras comme toujours ce jour-là, mais tout seul, chez moi. C’est idiot, votre manifestation. Pourquoi manifester ? en quoi cela vous gêne-t-il que des gens ne mangent pas de la viande ? »

Mais mon oncle tint bon. Il invita trois amis dans le premier restaurant de la ville ; et comme c’était lui qui payait, je ne refusai pas non plus de manifester.

Dès quatre heures, nous occupions une place en vue au café Pénélope, le mieux fréquenté ; et mon oncle Sosthène, d’une voix forte, racontait notre menu.

A six heures on se mit à table. A dix heures, on mangeait encore ; et nous avions bu, à cinq, dix-huit bouteilles de vin fin, plus quatre de champagne. Alors mon oncle proposa ce qu’il appelait la « tournée de l’archevêque ». On plaçait en ligne, devant soi, six petits verres qu’on remplissait avec des liqueurs différentes ; puis il les fallait vider coup sur coup pendant que des assistants comptaient jusqu’à vingt. C’était stupide ; mais oncle Sosthène trouvait cela « de circonstance ».

A onze heures, il était gris comme un chantre. Il le fallut emporter en voiture, et mettre au lit ; et déjà on pouvait prévoir que sa manifestation anticléricale allait trourner en une épouvantable indigestion.

Comme je rentrais à mon logis, gris moi-même, mais d’une ivresse gaie, une idée machiavélique, et qui satisfaisait tous mes instincts de septicisme, me traversa la tête.

Je rajustai ma cravate, je pris un air désepéré, et j’allai sonner comme un furieux à la porte du vieux jésuite. Il était sourd ; il me fit attendre. Mais comme j’ébranlais toute la maison à coups de pieds, il parut enfin, en bonnet de coton, à sa fenêtre, et demanda : « Qu’est-ce qu’on me veut ? « 

Je criai : « Vite, vite, mon révérend Père, ouvrez-moi, c’est un malade désespéré qui réclame votre saint ministère ! »

Le pauvre bonhomme passa tout de suite un pantalon et descendit sans soutane. Je lui racontai d’une voix haletante, que mon oncle libre penseur, saisi soudain d’un malaise terrible qui faisait prévoir une très grave maladie, avait été pris d’une grande peur de la mort, et qu’il désirait le voir, causer avec lui, écouter ses conseils, connaître mieux les croyances, se rapprocher de l’Eglise, et, sans doute, se confesser, puis communier, pour franchir, en paix avec lui-même, le redoutable pas.

Et j’ajoutai d’un ton frondeur : « Il le désire, enfin. Si cela ne lui fait pas de bien cela ne lui fera pas de mal. »

Le vieux jésuite, effaré, ravi, tout tremblant, me dit : « Attendez-moi une minute, mon enfant, je viens. » Mais j’ajoutai : « Pardon, mon révérend Père, je ne vous accompagnerai pas, mes convictions ne me le permettent point. J’ai même refusé de venir vous chercher ; aussi je vous prierai de ne pas avouer que vous m’avez vu, mais de vous dire prévenu de la maladie de mon oncle par une espèce de révélation. »

Le bonhomme y consentit et s’en alla, d’un pas rapide, sonner à la porte de mon oncle Sosthène. La servante qui soignait le malade ouvrit bientôt ; et je vis la soutane noire disparaître dans cette forteresse de la libre pensée.

Je me cachai sous une porte voisine pour attendre l’événement. Bien portant, mon oncle eût assomé le jésuite, mais je le savais incapable de remuer un bras, et je me demandais avec une joie délirante quelle invraisemblable scène allait se jouer entre ces deux antagonistes ? Quelle lutte ? quelle explication ? quelle stupéfaction ? quel brouillamini ? et quel dénouement à cette situation sans issue, que l’indignation de mon oncle rendrait plus tragique encore !

Je riais tout seul à me tenir les côtes ; je me répétais à mi-voix : « Ah ! la bonne farce, la bonne farce ! »

Cependant il faisait froid, et je m’aperçus que le jésuite restait bien longtemps. Je me disais : « Ils s’expliquent . »

Une heure passa, puis deux, puis trois. Le révérend Père ne sortait point. Qu’était-il arrivé ? Mon oncle était-il mort de saisissement en le voyant ? Ou bien avait-il tué l’homme en soutane ? Ou bien s’étaient-ils entremangés ? Cette dernière supposition me sembla peu vraisemblable, mon oncle me paraissant en ce moment incapable d’absorber un gramme de nourriture de plus. Le jour se leva.

Inquiet, et n’osant pas entrer à mon tour, je me rappelai qu’un de mes amis demeurait juste en face. J’allai chez lui ; je lui dis la chose, qui l’étonna et le fit rire, et je m’embusquai à sa fenêtre.

A neuf heures, il prit ma place, et je dormis un peu. A deux heures, je le remplaçai à mon tour. Nous étions démesurement troublés.

A six heures, le jésuite sortit d’un air pacifique et satisfait, et nous le vîmes s’éloigner d’un pas tranquille.

Alors honteux et timide, je sonnai à mon tour à la porte de mon oncle. La servante parut. Je n’osai l’interroger, et je montai, sans rien dire.

Mon oncle Sosthène, pâle, défait, abattu, l’oeil morne, les bras inertes, gisait dans son lit. Une petite image de piété était piquée au rideau avec une épingle.

On sentait fortement l’indigestion dans la chambre.

Je dis : « Eh bien, mon oncle, vous êtes couché ? Ca ne vas donc pas ? »

Il répondit d’une voix accablée : « Oh ! mon pauvre enfant, j’ai été bien malade, j’ai failli mourir.

- Comment ça, mon oncle ?

- Je ne sais pas ; c’est bien étonnant. Mais ce qu’il y a de plus étrange, c’est que le père jésuite qui sort d’ici, tu sais, ce brave homme que je ne pouvais souffrir, eh bien, il a eu une révélation de mon état, et il est venu me trouver. »

Je fus pris d’un effroyable besoin de rire. « Ah ! vraiment ?

- Oui, il est venu. Il a entendu une voix qui lui disait de se lever et de venir parce que j’allai mourir. C’est une révélation. »

Je fis semblant d’éternuer pour ne pas éclater. J’avais envie de rouler par terre.

Au bout d’une minute, je repris d’un ton indigné, malgré les fusées de gaieté : « Et vous l’avez reçu, mon oncle, vous ? un libre penseur ? un franc-maçon ? Vous ne l’avez pas jeté dehors ? »

Il parut confus, et balbutia : « Ecoute donc, c’était si étonnant, si étonnant, si providentiel ! Et puis il m’a parlé de mon père. Il a connu mon père autrefois.

- Votre père, mon oncle ?

- Oui, il paraît qu’il a connu mon père.

- Mais ce n’est pas une raison pour recevoir un jésuite.

- Je le sais bien, mais j’étais malade, si malade ! Et il m’a soigné avec un grand dévouement toute la nuit. Mais vous m’avez dit tout de suite qu’il sortait seulement d’ici.

- Oui, c’est vrai. Comme il s’était montré excellent à mon égard, je l’ai gardé à déjeuner. Il a mangé là auprès de mon lit, sur une petite table, pendant que je prenais une tasse de thé.

- Et… il a fait gras ? »

Mon oncle eut un mouvement froissé, comme si je venais de commettre une grosse inconvenance ; et il ajouta :

« Ne plaisante pas, Gaston, il y a des railleries déplacées. Cet homme m’a été en cette occasion plus dévoué qu’aucun parent ; j’entends qu’on respecte ses convictions. »

Cette fois, j’étais atteré ; je répondis néanmoins : « Très bien, mon oncle. Et après le déjeuner, qu’avez-vous fait ?

- Nous avons joué une partie de bésigue, puis il a dit son bréviaire, pendant que je lisais un petit livre qu’il avait sur lui, et qui n’est pas mal écrit du tout.

- Un livre pieux, mon oncle ?

- Oui et non, ou plutôt non, c’est l’histoire de leur missions dans l’ Afrique centrale. C’est plutôt un livre de voyages et d’aventures. C’est très beau ce qu’ils ont fait là, ces hommes. »

Je commençais à trouver que ça tournait mal. Je me levai : « Allons, adieu, mon oncle, je vois que vous quittez la franc-maçonnerie pour la religion. Vous êtes un renégat. »

Il fut encore un peu confus et murmura : « Mais la religion est une espèce de franc-maçonnerie. »

Je demandai : « Quand revient-il, votre jésuite ? « Mon oncle balbutia : « Je… je ne sais pas, peut-être demain… ce n’est pas sûr. »

Et je sortis, absolument abasourdi.

Elle a mal tourné, ma farce ! Mon oncle est converti radicalement. Jusque-là, peu m’importait. Clérical ou franc-maçon, pour moi, c’est bonnet blanc et blanc bonnet ; mais le pis, c’est qu’il vient de tester, oui, de tester et de me déshériter, monsieur, en faveur du père Jésuite. »

LES DOCUMENTS MACONNIQUES

En juin 1998, dans un but historique relevant d’un nécessaire devoir de mémoire, les Editions du Dragon ont réédité en fac-similé les « 33 numéros des Documents Maçonniques », parus d’octobre 1941 à juin 1944, qui représentent un millier de pages à travers 200 articles rédigés par la fine fleur de l’antimaçonnisme et de l’antisémitisme : Robert Vallery-Radot, Bernard Faÿ (administrateur de la Bibliothèque Nationale sous l’Occupation), Jean Marquès-Rivière (auteur du film antimaçonnique « Forces Occultes « ) et l’irréductible Henry Coston.

ANTIMACONNISME dans Chaine d'union 28

Cet ensemble est précédé d’un remarquable avertissement rédigé par Bernard Prou et William Piccione.

Le travail minutieux de réédition et de présentation de cette pièce historique a pour but d’éveiller les consciences et de les avertir que la « peste brune » est toujours aux aguets. Pour preuve, Henry Coston, le vieillard antisémite et antimaçon a tenté d’empêcher la diffusion des « Documents maçonniques ». Le vieux haineux était impliqué dans ces revues, il avait déversé toute sa bile dans huit articles qui pouvaient le condamner à la vindicte publique (s’il en était encore besoin). Fort heureusement, ses prétentions extravagantes ont été déboutées. Mais les Editions du Dragon ont dû batailler et il serait bon que leur travail soit connu comme il le mérite. Nous vous recommandons donc vivement de souscrire un abonnement aux « Documents Maçonniques » disponibles à l’adresse suivante :

Les Editions du Dragon – Médiadem S.A.4, avenue Prince Héréditaire Albert –

B.P. 484 – MC 98012 MONACO

Le prix du coffret est de 990 francs (payable en trois fois sans frais), il comprend les 33 revues, un numéro de « document du temps présent » consacré à la franc-maçonnerie, le symbole de l’équerre et du compas en métal doré, un feuillet de six pages regroupant les principaux articles de presse concernant la répression antimaçonnique sous le gouvernement de Vichy et un remarquable cahier d’avertissement de lecture aux 33 « Documents Maçonniques » composé par des historiens avertis.

FORCES OCCULTES (1943)

Le film antimaçonnique « Forces occultes » fut créé par Jean Marquès-Rivière, un ex-frère tombé dans l’antimaçonnisme dans les années trente. Le film est habilement réalisé grâce à des moyens importants. L’Allemagne nazie a largement contribué à la production de « Forces occultes ». Les scènes principales ont été tournées au palais Bourbon et dans une loge reconstituée avec le matériel confisqué aux francs-maçons par la police de Vichy.

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Le scénario est fondé sur l’antiparlementarisme, une scène du film montre la manifestation partiellement fasciste du 6 février 1934 au cours de laquelle la police républicaine avait dû intervenir violemment. Les fascistes des années trente sont donc considérés comme les martyrs du régime parlementariste de la IIIè République.

L’antisémitisme et l’antimaçonnisme sont, évidemment, les ingrédients principaux de la trame filmique.

L’idéal vichyste est incarné par le député nationaliste Avenel. « Naïf », il accepte de se faire initier au Grand-Orient. Le réalisateur tente de montrer aux spectateurs que le député se rend vite compte de son erreur et que les francs-maçons sont des infames comploteurs et des affairistes.

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La dernière scène est d’un pathétisme risible, si on l’analyse au second degré. En effet, on voit la Terre exploser sous l’emprise du complot judéo-maçonnique. Manifèstement, les pétainistes ne reculaient devant aucune image d’Epinal et prenaient les Français pour des imbéciles aisément manipulables.

Extraits du scénario de « Forces Occultes »

Générique et première séquence

Sur une carte du monde se dessinent les trois zones d’influences. Seuls sont en blanc les pays suivants : Allemagne, Italie, Espagne-Ortugal, Chine et Japon.

Un volet en forme de compas s’ouvre sur l’ensemble du planisphère à l’exception des pays qui demeurent en blanc : c’est la zone d’influence judéo-maçonnique, (en surimpression) tandis que des petits médaillons représentant l’étoile de David ou l’équerre et le compas apparaissent et disparaissent.

Fondu au noir. Puis carton :

C’est l’intérieur même de la Chambre des Députés qu’ont été tournées les séquences du début du film.

Bruits de foule. Cris. Interjections. Sonnette.

Pierre Avenel : De droite à gauche, ce parlement ne représente que la corruption.

Tapage.

Vous, capitalistes, vous n’avez cessé de pousser la classe ouvrière à la misère… Et vous communistes, vous n’avez cessé d’exploiter cette misère, voulue par les capitalistes…

Tapage : Cris d’animaux.

Le président de la Chambre, agitant sa clochette : Messieurs un peu de silence !

Avenel : Et vous tous, parlementaires désuets et périmés… (le pays saura se passer/coupure) de vos services).

Le Président de la Chambre : Messieurs… Silence… Messieurs je vais lever la séance.

Continuez Monsieur Avenel

Avenel : Messieurs, (silence) je n’ai plus rien à dire

Les députés (avec soulagement) : Aaah !

Avenel : J’ai eu conscience de vous dire quelques vérités, peut-être désagréables mais utiles. (tapage) Non ce ne sont pas quelques interruptions qui m’arrêteront, la communauté française ne se bâtira pas sur le conflit du communisme et de la vieille bourgeoisie. C’est pourquoi je ne voterai pas ce projet qui donne satisfaction au capitalisme international et serait le beau prétexte pour les communistes à accentuer nos divisions. (Cris)…

Dans les bancs de l’Assemblée nationale

Député Guédon : il a du courage ce petit Avenel

Le député Dubois : Ces petits nationaux trop puritains nous font perdre du temps… il faudrait l’éduquer un peu… de quelle loge est-il ?

Député Guédon : Il n’est pas de chez nous, mon frère Dubois…

Dubois : Tout s’explique !… Voilà un garçon intelligent, qui a besoin d’une méthode et de conseils… Présentez le donc !…

Guédon : Il est sensible, il faudra procéder avec précaution…

Dubois : Envoyez-lui Larrivière, il saura le persuader… (ricanement)

Guédon : J’y vais

Guédon : Mon cher Vénérable nous avons un service à vous demander…

Larrivière : Mon frère Guédon, je vous sui tout dévoué.

Guédon : Le jeune Avenel qui vient de parler assez brillamment devrait subir les épreuves de l’initiation. La maçonnerie lui apporterait beaucoup et le (temps) disciplinerait… ne croyez-vous pas ?

Larrivière : J’y pensais déjà, nous allons nous en occuper… activement.

Discussion entre Avenel et Larrivière

Avenel : hum ! La maçonnerie est difficile sur le choix de ses candidats.

Larrivière : Pas assez, mon cher, pas assez ! Je dois même vous avertir que lorsque vous serez en loge, vous serez déçus. Le milieu maçonnique est épouvantablement médiocre. Vous verrez que vous lui apporterez plus que vous n’en recevrez.

Avenel : Mais ces rites dont vous m’avez parlé, ces initiations mystérieuses ?

Larrivière : Ha ! ha ! Des bêtises ! Il y en a qui y attachent un certain sens symbolique. La plupart des maçons rient eux-mêmes de ces vieilles pratiques désuettes. Seulement, le jour de votre initiation, tenez-vous bien ! les épreuves de la cérémonie ne sont pas commodes.

En salle humide, après l’initiation

Le vénérable : Mon très cher frère, qu’est-ce que vous pensez de cette soirée ?

Avenel : Eh bien c’est curieux… cette cérémonie est très impressionnante.

Frère Lévy-Stein : Mon cher Frère… pourrai-je vous laisser ma carte ? Au cas où vous auriez besoin de mes services… Je vends de tout, de la bonneterie, et des chaussures, et du savon à des prix invraisemblables…

Le vénérable : Tu permets mon cher Lévy-Stein…

F. Lévy-Stein : Je t’en prie…

Le vénérable : Mon frère Avenel, nous allons bientôt vous mettre à contribution… Oui,… un de nos amis de notre Loge voudrait un bureau de tabac… Le Grand-Orient est submergé de demandes en ce moment. Avec vous, ça ira peut-être un peu plus vite…

Avenel : Volontiers…

Le vénérable : Je vous remercie… Ah, dans quelques temps je vous parlerai aussi d’une autre affaire… depuis plusieurs années, j’ai droit à la Légion d’Honneur… Je ne m’en suis jamais occupé… Je n’ai pas voulu déranger nos amis pour ça, on leur demande déjà tellement de choses, n’est-ce pas ?… vous m’aiderez ?

Séquence Larrivière Avenel

Larrivière : Vous avez l’air d’avoir été déçu par la Maçonnerie…

Avenel : Oh !… Pire !… Choqué !…

Larrivière : Pourquoi ? Mais confessez-vous… Vous ne serez pas le premier maçon à m’avoir ouvert son coeur… Qu’est-ce qu’on vous a fait ?

Avenel : Mais à moi personnellement, rien !… mais je trouve ce milieu maçonnique pourri d’arrivistes écoeurant…

Larrivière : Je vous l’accorde…

Avenel : Je ne vous le fait pas dire…

Larrivière : Oh, croyez vous que je sois dupe ?…

Avenel : Alors je ne comprends pas… Tant de vertus affichées sur le programme sur la porte, tant de mystères à l’intérieur pour ne cacher que ces petites combines, ces appétits de commitards, je m’attendais à trouver des hommes dévoués sinon supérieurs… Au lieu de ça, je n’ai rencontré que des quémandeurs de bureaux de tabac ou de décorations… ou alors des fripouilles qui cherchaient à m’utiliser pour échapper à des condamnations… En dehors d’eux, des phraseurs, des sectaires, ignorant tout… ne connaissant rien de l’histoire de leur pays… rien de l’histoire du monde, rien de la politique, rien de la philosophie, rien…

Larrivière : Quel grade avez-vous maintenant ?

Avenel : J’ai été initié à la maîtrise, il y a peu de temps..

Larrivière : Eh bien si vous avez le courage de vivre quelques années dans la médiocrité des ateliers, vous passerez ensuite aux Ateliers supérieurs…

Avenel : C’est mieux ?

Larrivière : C’est autre chose…

Avenel : Voyons… vous êtes 33ème… C’est le grade le plus haut dans la Maçonnerie ?…

Larrivière : Mon petit Avenel, je vais vous révéler, quoique je ne doive pas… ces fameux secrets maçonniques dont on fait tant de mystères… En Maçonnerie on cache tout aux petites gens… en bas vous ne savez rien… En haut vous commencez à voir un peu plus clair dans le jeu mondial… Moi même je ne suis pas totalement éclairé sur les intentions des dirigeants de notre Odre, mais quand je dis « dirigeants » je me trompe… Y a pas de chefs, chez nous… Il n’y a que des exécutants… je ne suis qu’un pion sur un échiquier… j’accomplis une fonction… je reçois des messages… j’obéis… je transmets… J’agis…

Avenel : Mais qui dirige ?

Larrivière : Personne !… Qu’est-ce que la Maçonnerie ?… des groupes d’hommes qui se sont réunis aux quatre coins de l’univers pour enserrer le monde dans un réseau aux mailles infranchissables… Nous sommes 50 000 en France… 500 000 en Angleterre… 3 000 000 en Amérique… C’est peu… Mais c’est énorme… parce que nous formons un bloc uni, d’une seule volonté…, 300 parlementaires sont Francs-Maçons…

En Angleterre, le Roi fait partie de notre Ordre… Aux Etats-Unis le président est 32ème… Il n’y a pas un pays où nous n’ayons nos hommes, Je ne vous montre ici de la Maçonnerie que la puissance physique… Il y a peut-être autre chose…

Avenel : Mais quoi ?

Larrivière : Une doctrine supérieure… Une antique expérience des forces du Monde… Qui nous permets de pousser les peuples tantôt vers la mort… Quand il le faut…

Avenel : La mort ?… Je croyais la Maçonnerie attachée à la Paix ?

Larrivière : A une certaine paix !…

—————————-

On voit à quel point la carricature est effroyable de bêtise et d’ignorance ! Les auteurs du film tentent de faire croire au Français que la franc-maçonnerie est un Ordre international uni alors que depuis la fin du XIXè siècle la maçonnerie s’est scindée en de multiples branches philosophiques et métaphysiques. Le pire tient au soupçon de « doctrine supérieur ». On sent derrière cette phrase une rémanence de la mystification taxilienne, laquelle avait laissé croire aux Français que le diable était le grand-maître de la franc-maçonnerie internationale !



La loge P2

En mai 1981, le gouvernement italien démissionne suite à la divulgation d’une liste : celle des membres de la loge P2 dans laquelle figurent de nombreuses personnalités politiques issues du parti au pouvoir (les démocrates chrétiens).

Les activités de la loge P2 étaient donc d’ordre délictueux pour provoquer la destitution d’un gouvernement mais était-elle réellement une loge maçonnique ?

La loge P2 tire son nom d’une loge maçonnique créée en 1877 : la Loge Propaganda Massonica . Cette loge n’avait rien de secret car des personnages éminents en faisaient partie comme Zanardelli, ministre de la Justice ou le poète Carducci. La « propagande » de cette loge consistait à diffuser les valeurs maçonniques (progrès, laïcité et liberté) à travers les institutions politiques et citoyennes.

Quand Mussolini interdit la franc-maçonnerie en 1925, les francs-maçons s’exilèrent en France. La loge Propaganda Massonica fut le pilier de la principale obédience italienne : le Grand Orient d’Italie. La loge « PM » fut donc un des symboles de la République italienne en exil. A la Libération, la loge « PM » initia des hommes qui, officiellement, représentaient l’opposition à la franc-maçonnerie : des communistes, des catholiques et des démocrates chrétiens. Ces hommes étaient attirés par le prestige historique de la franc-maçonnerie mais devaient entrer secrètement dans une loge pour ne pas risquer d’être rejetés par leur hierarchie.

La loge « PM » trouvait un intérêt dans l’accueil des catholiques et des communistes car elle pouvait ainsi atténuer les rivalités sociales. En effet, elle réunissait autour de l’idéal maçonnique des hommes qui, sans la Maçonnerie, ne se seraient jamais entendus.

La loge « PM » commença à dévier de l’idéal maçonnique avec l’arrivée d’un certain Licio Gelli, qui en devint le secrétaire. Gelli servit le régime fasciste pendant la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui encore, il est difficile d’expliquer ce qui a poussé la Maçonnerie italienne à accepter un tel homme. C’est donc en 1964 que Gelli fut initié, il entra à la loge « PM » quelques années plus tard. En 1975, Licio Gelli devint « vénérable » (c’est-à-dire président) de la loge « PM ». A partir de cette période, la loge fut rebaptisée Propaganda Massonica n°2 ou « P2″. De 1971 à 1979, le parti communiste italien fut à son apogée en participant à la majorité gouvernementale. Gelli ne pouvait supporter cette situation et milita pour un retour à l’autorité avec des mesures comme le rétablissement de la peine de mort et la limitation du droit de grêve dans la fonction publique. Il s’agissait du programme d’un seul homme et non celui du Grand Orient d’Italie. Les nombreux militaires, capitaines d’entreprises, politiciens et journalistes qui demandèrent à rejoindre la loge de Gelli comprirent que la « P2″ ne proposait plus un programme maçonnique humaniste mais une philosophie ultra-conservatrice.

Le 5 octobre 1980, le Corriere della Serra publia une interview dans laquelle Gelli exposa les idées de son programme et tenta de le présenter comme un projet de la franc-maçonnerie. Il venait de commettre une erreur car le Grand Orient d’Italie détenait, avec cette interview, la preuve que Gelli avait trahi l’idéal maçonnique. Gelli fut donc exclu du Grand Orient en 1981.

Après enquête, il apparut que la loge P2 avait participé à une série d’affaires (exécutions de magistrats, attenta de la gare de Bologne en 1980, assassinat d’un journaliste). En réalité, la loge P2 n’était pas une loge maçonnique. En effet, pour qu’une loge puisse pratiquer les valeurs qui sont celles de la franc-maçonnerie depuis le 18è siècle (solidarité, tolérance, égalité), il est nécessaire qu’elle limite ses membres à une cinquantaine de frères ou de soeurs. Hors la P2 enregistra plus de deux mille membres. De plus, pour que la fraternité lie les membres d’une loge, il faut que ceux-ci se côtoient régulièrement. Ce n’était pas le cas à la loge P2 dont les affiliés ne se connaissaient même pas ! (voir cédérom du Monde qui regroupe plusieurs articles à ce sujet au moteur de recherche « titre = loge P2″).

Enfin, la franc-maçonnerie étant une société initiatique, il est essentiel que chaque frère puisse recevoir l’initiation et l’instruction maçonnique. Tel ne fut pas le cas à la « P2″ puisque ses membres ne se réunissaient pas et qu’ils étaient « créés maçons » non dans un temple mais dans le bureau de Gelli.

Licio Gelli en s’autoproclamant « Grand-Maître de la loge P2 s’était, de fait, détaché du Grand Orient d’Italie tandis que sa loge était déclarée clandestine par les hautes instances maçonniques.

Malgré cela le grand public confondit loge P2 et franc-maçonnerie. Pertini, le Président de la République déclara qu’il licencierait tout employé du « Quirinal » s’il était maçon.

Aujourd’hui encore, la Maçonnerie italienne est considérée comme une « mafia » par un grand nombre d’Italiens. La mégalomanie d’un seul homme aura suffi à porter préjudice sur toute une communauté.

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L’antimaçonnisme s’est exprimé par l’image à toutes les époques. Cependant, les instruments de propagande que sont les affiches, les films et les tracts furent principalement utilisés contre la franc-maçonnerie aux plus sombres moments de l’histoire.

31

Affiche de propagande antisémite et antimaçonnique, vichy (1941)

32

Satire antimaçonnique, Grande-Bretagne (18è siècle)

33

La célèbre « pieuvre maçonnique »

34

Les francs-maçons caricaturés par les catholiques (fin XIXè siècle)

35

caricature d’une tenue maçonnique quelque peu « animalière » (Grande-Bretagne 18è)

 

 

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