DANSE ET INITIATION 24 octobre, 2009
Posté par hiram3330 dans : Chaine d'union,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaireDANSE ET INITIATION
LES PREMIERS GESTES ET PAS LA GIRATION
DERVICHES TOURNEURS ET LE SOUFISME
LA DANSE DANS LA LITURGIE CHRÉTIENNE
La danse dit Xénophon n’est pas de ces sujets faciles et accessible à tous, elle touche aux régions les plus élevées de toutes sciences rythmique, géométrie, philosophie surtout, physique et morale puisqu’elle traduit les carctères et les passions .Elle est encore moins étrangère à la peinture et à la plastique : les actes de l’homme intéressent parfois le corps, parfois l’intelligence, tandis que la danse occupe l’un et l’autre : elle affine l’esprit, exerce les membres, instruit et charme les yeux, l’oreille et l’âme …»Cette difficulté qu’évoque le philosophe grec m’est apparue comme une vibrante réalité dans l’étude de ce sujet. En effet, sa complexité, due à la multiplicité de ses manifestations s’étendant sur plusieurs millénaires, diverses ethnies et civilisations, la grande diversité de ses implantations géographiques ainsi que la richesse de ses traditions offrent à notre investigation, notre réflexion et nos méditations, une immensité et une plénitude digne des plus grandes oeuvres de l’humanité.
La Mythologie nous rapporte que Terpsichore entraînait le cortège des Muses … Cette vision poétique nous suggère, peut-être, une reconnaissance de l’antériorité de la danse par rapport aux autres formes d’expression de l’Art, son universalité et, pourquoi pas, sa supériorité ! … Cette conception confirmerait la thèse de tous les grands spécialistes : ethnologues, archéologues ou historiens de l’Antiquité, scientifiques, chercheurs et exégètes des textes anciens, qui affirment que les origines de la danse remontent aux sources les plus anciennes.
«Avec la création de l’Univers, disait le poète Lucien, naquit à son tour la danse qui symbolise l’union des éléments : la ronde des étoiles, les constellations des planètes reliées aux autres astres fixes, l’ordre et l’harmonie de tous les éléments, reflètent la danse originelle du temps de la création». On trouve les traces de la danse dès les premiers âges de l’Histoire, et, bien sûr, de la Préhistoire, mais ici n’est pas le propos d’entrer dans le détail de tous les vestiges qui témoignent de son existence, de sa pratique et de sa pérennité.
La constante préoccupation de l’homme a toujours été de concilier la faveur des forces mystérieuses dont il soupçonnait le pouvoir dans l’au-delà avec la réalité concrète. Il se rendit bien vite à l’évidence qu’il était soumis à des forces supérieures à la sienne et indépendantes de sa volonté : le soleil l’éclairait, le chauffait, le feu le brûlait, le tonnerre l’effrayait, l’eau le suffoquait, etc … Tous ces éléments exerçant sur lui une action puissante et irrésistible. Et nous trouvons là, les premiers gestes instinctifs, essentiels et primordiaux de la vie courante.Le geste, langage muet, inscrit dans l’espace, étant l’une des premières manifestations de l’homme, où se termine le geste et où commence la danse ?
Je pense que la danse née de l’élan naturel, instinctif et raisonné d’exprimer les divers sentiments et sensations de l’homme, commence réellement à partir du moment où le geste est ordonné : elle est donc, au départ, une manifestation de la volonté, elle nécessite, par conséquent, une participation de l’Esprit.«Un mouvement du corps est donc une conséquence d’un mouvement de l’Ame».
C’est l’esprit qui commande la matière. Platon disait à peu près la même chose : «Le mouvement est l’essence et l’idée même de l’Ame».
La danse, expression individuelle ou collective d’un état affectif, se manifeste par des gestes du corps ordonnés, unissant le son, le rythme, et le mouvement. Elle s’exprime dans le désir instinctif de libérer les tensions psychologiques dans le jeu des jambes qui produit les mouvements rythmiques, dans les battements de mains, les claquements de cuisses et les piétinements ; aux premiers âges de la danse, le corps humain était lui-même l’instrument de production des sons.
Tout, pour ces hommes, était occasion de danser : Joie, chagrin, amour, terreur, aube, mort, naissance, etc … le mouvement de la danse leur apportait un approfondissement d’expérience. Dans cette danse, l’imitation des sons et des mouvements observés autour d’eux, et, notamment, l’expression involontaire du mouvement par le son et le geste, précédait toute combinaison consciente et articulée de son et de danse.
Avant que la danse ne s’épanouisse en un rite religieux délibéré, elle est une libération rythmique d’énergie, un acte d’extase, mais aussi, le moyen naturel pour l’homme de se mettre au diapason des puissances du Cosmos. Ce n’est que très progressivement, sous l’influence des cultes officiels, que la danse, d’abord expression spontanée du mouvement, se transformera en un système fixe de pas et d’attitudes. Et, pourtant, sous quelque forme qu’elle se présente, le but de la danse est toujours d’approcher la divinité.
En tant qu’acte de sacrifice, par quoi l’homme s’en remet à Dieu, la danse est abandon total de soi. Ainsi le corps, à travers tout l’éventail de ses expériences, est l’instrument de la puissance transcendante ; et cette puissance, la danse la saisit directement, instantanément et sans intermédiaire.
Le corps est ressenti, dans sa dimension spirituelle, comme le canal par où s’opère la descente du Tout-Puissant. L’émancipation de l’homme par rapport à son Dieu s’opère par l’imitation de celui-ci : «L’homme, s’identifiant aux Dieux devient à son tour Créateur …»
LE SYMBOLISME DU CORPS HUMAINLa danse est chose sérieuse, et, par certains aspects, chose très vénérable, selon Paul Valéry. Toute époque qui a compris le corps humain ou qui a éprouvé, du moins, le sentiment du mystère de cette organisation, de ses ressources, de ses limites, des combinaisons d’énergie et de sensibilité qu’il contient, a cultivé, vénéré la danse. C’est pourquoi il ne serait pasconcevable d’évoquer quelque geste qui soit, sans approfondir le symbolisme de l’organisme dont il est l’émanation : Le corps Humain dans sa dualité : matière-Esprit.
Et là, nous sommes encore dans le domaine du concret et du plus mystérieux à la fois, du plus lié dans une fondamentale unité ; ce merveilleux instrument, certainement la plus belle création du Grand Architecte de l’Univers, autour duquel gravitent tous les efforts de pensée des savants, des philosophes et des théologiens depuis toujours, pour tenter d’en percer le mystère.
Le corps humain, disait Léonard de Vinci, comme tous ceux qui ne se bornent pas à ne considérer que l’extérieur des choses, est construit aussi rythmiquement que l’est un monde … Ceci est d’autant plus vrai que le rythme est dans tous les mouvements. Lamenais, dans son livre sur «L’Art et le Beau», affirme que la danse est le mouvement rythmique du corps ; Lamartine parlait d’harmonie. «A travers le rythme, il y a le nombre, qui est l’expression intérieure du rythme et c’est justement parce que le rythme est partie intégrante de la création et lui a donné sa formule au sortir des mains de celui qui est, lui-même, le Nombre et l’Harmonie, que tous les Grands Initiés, et plus particulièrement Pythagore, ont étudié dans le Nombre tous les secrets du Monde, aussi bien intérieur qu’extérieur».
Parmi les nombreuses interprétations symboliques du corps humain, il est certain que le dessin de l’Arbre des Séphiroths est celui qui nous révèle le mieux la structure spirituellement la plus élevée de l’être humain, chaque partie du corps correspondant aux dix énergies divines qui nous sont révélées par le livre du Zohar. Devant une voie aussi difficile, je me contenterai simplement d’évoquer les grandes lignes du schéma traditionnel que l’on retrouve un peu partout, à savoir : la verticalité et l’horizontalité, ces deux oppositions complémentaires.
L’axe vertical est la voie par où monte et descend la puissance transcendante, l’axe horizontal représente les forces créées à travers lesquelles elle se manifeste. C’est la croix statique, point d’interaction du microcosme et du macrocosme. L’anatomie humaine, avec sa sextuple orientation dans l’espace, possède en son centre, un septième point situé à l’intersection des deux axes : c’est la «caverne du coeur».
La subdivision de cette croix statique produit la croix dynamique, ou roue du mouvement, qui symbolise le pouvoir que possède l’homme de s’orienter et de se mouvoir dans l’espace, le mouvement cyclique étant rendu possible par l’interaction des contraires.
L’homme, étant appelé à s’insérer et à agir dans les dimensions de l’espace et du temps, a de nombreuses combinaisons possibles dans les positions du pied, du bras, de la tête et du corps, à l’intérieur de ses coordonnées spatiales. Cependant, malgré la multitude des potentialités, il s’avère que le nombre de figures utilisées depuis le début de l’humanité, est relativement restreint. En effet, en étudiant l’évolution de la danse et de son esthétique à travers les âges, j’ai remarqué, entre autres exemples, une analogie incroyable entre deux documents distants de plusieurs millénaires : Ci-dessous, une fresque égyptienne de la Sixième Dynastie (vers 2 400 ans avant J.-Christ), représentant une danse extatique en l’honneur de la déesse Hathor, et, le croirait-on, un tableau de Seurat du début de notre siècle, illustrant des danseuses de Cancan ! …( L’attitude de leurlancer de jambe, pratiquement identique ayant pourtant une signification et une connotation diamètralement opposée : la première étant une représentation rituelle et sacrée les ethonologues assurent que le lancer de jambe en l’air est l’antique figure d’un rite de fertilité accompli par les femmes et qu’ont pratiqué maintes races), la seconde, totalement profane, émanation d’une source de plaisir. Ceci prouve que l’usage, en réalité, n’a retenu qu’un petit nombre de figures, parmi toutes celles proposées. L’on pourrait aussi comparer un piétinement pesant et obstiné de certaines danses Primitives à la démarche des danses d’Asie, d’un sourcil mobile à une hanche flexible, d’une main éloquente à un orteil nu, chaque partie du corps est vivante …
LES PREMIERS GESTES ET PAS : DÉPLACEMENT-GIRATION-SALTATION LA MARCHE EN ROND (SYMBOLE DU CERCLE)Une des particularités de l’homme, par rapport à l’espèce animale, réside en sa verticalité. Ses premières aspirations dans le domaine du mouvement, furent le déplacement, la saltation et la giration. Le principe essentiel du déplacement est contenu dans la marche : nous la retrouvons partout et à toutes les époques et civilisations qu’elles soient primitives ou évoluées, profanes ou rituelles.
Huit mille ans avant J.-C., une scène gravée dans la grotte d’Addaura, près de Palerme, représente la plus ancienne figuration de danse en groupe : La marche de sept personnages autour de deux centraux, formait une ronde allant de la gauche vers la droite comme celle des astres : le Soleil et la Lune. Faut-il y voir une danse cosmique ? C’est, en tous cas, une préfiguration de celle qu’exécutaient les prêtres en Egypte, quatre millénaires plus tard. «Au moment où la nuit commençait à pâlir et que s’éteignaient les astres dont la danse céleste était l’image même de la nature, à l’aube, les Prêtres rangés autour de l’Autel, dansaient majestueusement, et leur ronde simulait le Cercle du Zodiaque. «Alors commençait la danse de l’Etoile du matin, et ce ballet symbolique, contemporain de la naissance de l’astronomie, enseignait aux enfants de l’homme, par le mouvement figuré des planètes, les lois qui régissent le cycle harmonieux des jours et des saisons» …
Cette danse astronomique, faisant partie de l’initiation aux Mystères d’Isis, n’était pas la seule pratiquée par les Egyptiens : les prêtres de Memphis et de Thèbes dansaient aussi autour du Boeuf Apis. L’on trouve bien d’autres manifestations de danse en cercle, à des époques bien différentes. Citons, par exemple : la danse Mystique des Druides, qu’ils interprétaient en nombre impair, glorifiant les astres. Et puis, il y a toutes les marches en forme de procession, avec des parties chorégraphiques : telles, les pleureuses, sorte de coryphées, qui accompagnaient les funérailles, ou celles que les bas-reliefs des temples nous retracent, comme à Louxor, où des danseurs à massue ou à boomerang figuraient le cortège de la visite qu’accomplissait le Dieu Amon, venant de Karnac, ou ces prêtres-danseurs, dits «Mouou» que l’on voit depuis l’Ancien Empire, IIIème millénaire avant notre Ere, relayer les danseurs de cortèges funèbres pour aider les morts dans leur initiation à la vie intemporelle. Plus près de nous, les marches traditionnelles des pélerins étaient considérées, par certains, comme des danses : Il suffit d’observer le chemin en forme de labyrinthe comme il en existe dans certaines cathédrales, pour s’apercevoir, comme à Chartres, qu’en suivant son tracé, avec ses angles droits et ses formes géométriques, l’on obtient réellement des pas.
LA GIRATION : LE TOURNOIEMENT = L’EXTASEAprès avoir évoqué la marche comme premier élément du mouvement collectif, son déplacement et sa signification à travers quelques exemples, son prolongement et le symbolisme du sens giratoire, ceci nous amenant directement à explorer la giration, en tant que technique particulière, amenant à l’extase.Saint-Ambroise, Evêque de Milan au IVème Siècle, s’exprimait ainsi : «Et tout comme l’acte physique de la danse dans le tournoiement éperdu des membres, donne au danseur le droit de prendre part à la ronde sacrée, de même, le croyant qui s’abandonne à l’extase de la danse Spirituelle, acquiert le droit d’entrer dans la ronde universelle de la création».
Dans la grotte dite des «Trois Frères», une figure gravée et peinte de l’époque néolithique, situe la première manifestation d’un homme, indiscutablement en action de danse, dont l’abbé Breuil, qui l’a découverte, a relevé les particularités suivantes : La position de cet homme prouve qu’il exécute un mouvement de giration sur lui-même, réalisé par un piétinement de plain-pied, or, la constitution anatomique des hommes de cette époque étant, selon les spécialistes, analogue à la nôtre, les effets psychosomatiques de ce tournoiement sont ceux que chacun peut expérimenter : la perte du sens de la localisation dans l’espace, le vertige, une sorte de dépossession de soi-même, une extase au sens étymologique du mot.
Il faut remarquer, comme une analogie éloquente, que partout dans le monde et à toute époque, y compris la nôtre, les danses sacrées par lesquelles les exécutants veulent se mettre dans un état «second» où ils se croient en communion directe avec un esprit, se font par tournoiement.
Les chamans, les lamas, les derviches tourneurs, les exorcistes musulmans, les sorciers africains, tournent sur eux-mêmes dans leurs exercices religieux qui les mènent à un état de transe provoquée par la danse comme «tournoie», le danseur des Trois Frères.
LE CHAMANISME Pour le chaman, c’est par une technique archaïque de l’extase pratique, c’est-à-dire voulue, qu’il entre en transe, et c’est seulement à ce moment-là qu’il peut entrer en communication avec les esprits et entreprendre son voyage cosmique. Il ne le fait pas par souci métaphysique, ni par désir personnel ou par amour de Dieu, mais par la volonté d’obtenir des résultats concrets, par exemple : la guérison d’uchaman (à la fois chef, sorcier, médecin et premier danseur), est la communion avec les forces qui animent la nature.
Le premier élément de la danse chamanique (le chamanisme n’étant pas une religion), est un tournoiement autour d’un centre. Ce tournoiement permet de s’identifier ou de s’intégrer au Cosmos et de reproduire le mouvement des corps célestes.
Les circumambulations rituelles veulent imiter le cours apparent du soleil. Il ne fait pas de doute que ces mouvements circulaires sont cosmiques, leur nombre d’abord le prouverait : 3-7-9, chiffres sacrés chez les Altaïques se rapportent aux 3-7-9 planètes et aux 3-7-9 étapes de l’Univers du Ciel.
L’ISLAM : LES DERVICHES TOURNEURS ET LE SOUFISME Quant aux derviches tourneurs, nous retrouvons les mêmes principes évoqués précédemment. Pénétrant plus profondément dans l’étude du Soufisme, nous découvrons qu’il existe de nombreuses analogies avec notre Ordre : Si l’on regarde attentivement le plan schématique d’un Sama-Khana, c’est-à-dire le lieu où se réunissent les Derviches, il y a bien des affinités avec nos Temples, chaque officiant ayant une place bien déterminée et orientée, sous l’oeil vigilant du Cheikh, leurs déplacements étant réglés d’une façon très précise. Nous retrouvons les termes de Vénérable Maître, de daître, de Frères, etc …, il y a plusieurs étapes dans la vie du Derviche, avant et après son noviciat, il y a aussi plusieurs degrés dans la pratique du Samâ. Le Samâ est interdit aux hommes qui sont dominés par les passions de leur âme et c’est par l’ascèse qu’ils parviendront à les maîtriser.
Pour le derviche, le fait de tourner indique l’adhésion de l’esprit à Dieu par son mystère et son être. Le mouvement circulaire de son regard et de sa pensée, ainsi que la pénétration par lui des degrés existants, sont autant d’éléments qui constituent l’état d’un «Chercheur de Vérité». Ces sauts du derviche indiquent qu’il est attiré du degré humain vers le degré unique et que les Etres acquièrent de lui des effets spirituels et des appuis lumineux. Lorsque son esprit a dépassé les voiles et atteint les degrés de la rectitude, il découvre sa tête. Quant il est séparé de ce qui n’est pas Dieu et est arrivé à Dieu Très-Haut, il retire une partie de ses vêtements …
Il est absolument impossible de traiter toutes les danses ayant un caractère sacré, symbolique ou rituélique qui enrichissent l’histoire des peuples et il faut comprendre que je fus obligé de faire un choix.Cependant, il est intéressant de constater qu’il existe toujours, à la base de la recherche de ceux qui les pratiquent, malgré une origine très différente et souvent fort éloignée, les mêmes aspirations : le détachement des contingences humaines et matérielles vers la spiritualité, l’évasion de la Terre pour le Cosmos, la recherche du Divin, de l’Identité Suprême, l’Unité … rejoignant ainsi en haut de la Pyramide tout ce que nous apprenons en Maçonnerie au fil de notre évolution dans le chemin de la Connaissance.
LES DANSES SACRÉES ORIENTALES : CAMBODGE ET CHINE Les danses orientales, en ce sens, sont très significatives, ayant toujours à la base un caractère sacré. C’est pourquoi, parallèlement, il faudrait étudier aussi leurs religions, tellement ces deux entités sont indissociables. Que ce soit en Chine, au Japon, à Bali, à Java, en Birmanie ou au Cambodge, elles sont, pour nous européens, très hermétiques, et nous ne pouvons en saisir le véritable sens.
Leur particularité, par rapport aux normes occidentales, réside en leur caractère statique, dont les positions, à l’opposé des nôtres, sont concentriques, c’est-à-dire repliées vers l’intérieur. Notons que, si les rondes évoquées précédemment étaient toutes, en Occident, orientées dans le sens des astres, allant de gauche à droite – comme c’est le cas en loge bleue, lorsque le Vénérable Maître et les deux Surveillants procèdent à l’allumage des Trois Colonnes, lors de l’ouverture des travaux, en Orient, elles tournent dans le sens contraire. Statiques, mais pas figées, ces danses ont tout de même un mouvement, bien qu’il se manifeste d’une manière inhabituelle pour notre oeil.
La danseuse animée d’une sorte de frisson dans le repos, semble craindre de «déplacer les lignes» pour parler comme Baudelaire. Elle se déplace par modulations discrètes, ces mouvements n’étant que des transitions pour passer d’une pose à une autre. Je ne parle évidemment pas des danses de combat qui sont des exceptions.
Si nos danses sont, par essence, exécutées par les pieds et avec les jambes, chez l’asiatique, au contraire, les pieds n’assument pas un rôle prépondérant, étant d’ordinaire nus et collés au sol. Par contre, les bras, les mains, la tête, le buste entier, toujours en mouvement, même dans la station de repos, prennent, ici, une part immense.La flexibilité des bras, des poignets et des doigts, avec leurs multiples combinaisons, compose un aspect frappant du système asiatique, dans un langage minutieusement fixé et codifié. Ce langage, sans perdre son sens symbolique, devenant simplement messager d’une beauté décorative pour le non-initié.
Ayant eu l’occasion de voir le Ballet Royal Cambodgien, je fus frappé par la concentration de ces danseuses Kmères : Presque immobiles, telles des fresques des Temples d’Angkor, expressives en des gestes savants, doigts retroussés, genoux ployés, taille et cou doucement infléchis, l’extrême lenteur du déroulement, l’extrême hiératisme des gestes, laissaient présumer un symbolisme profond, totalement inconnu pour le profane que j’étais.
Pour arriver à ce degré de perfection, ces jeunes filles, choisies parmi l’aristocratie, passaient par plusieurs phases d’évolution allant de l’apprentissage jusqu’au jour de l’ultime cérémonie où elles subissaient une véritable initiation. Présentées toutes jeunes aux monitrices, les petites filles poudrées et fardées, munies de bouquets de fleurs tressées, étaient soumises d’abord à l’approbation du Souverain, faisant devant lui le Salut Ancien, l’Anjali Indien, les mains jointes à la hauteur du visage.
C’est un jeudi que commencera l’apprentissage, jour faste, placé sous la protection du Génie de la danse. Dès lors, pendant des années, de longues séances scandées par la baguette de rotin seront consacrées à des exercices d’hypertension des bras, des mains et des jambes, dont la signification dépasse de beaucoup la volonté d’assouplissement.
La désarticulation permet seule à la danseuse de s’évader des gestes humains et d’accomplir des évolutions mythiques : coudes en dehors, mains retournées, jambes dans la position de «l’envol», ce n’est pas acrobatie gratuite, mais imitation des êtres surnaturels. Lorsque les monitrices jugent que leurs élèves ont acquis l’habileté désirée, elles les préparent à l’importante cérémonie qui feront d’elles de vraies «Lokhon», danseuses consacrées, danseuses professionnelles.
Je passerai sur certains détails, pour aller vers l’essentiel.
D’abord par groupes restreints, elles dansent sous des masques. Chaque geste ayant une signification codifiée, stéréotypée. Attitudes presque immobiles, maintenues en suspens, équilibres difficiles, ici statique et dynamique s’opposent, mesures, silences et points d’orgues s’enchaînent. Rien de plus savant, de plus concerté que cette expression de la danse. Rien de plus conventionnel que ce langage, quintessence du langage par le geste, et pour cause : C’est la pantomine de l’Irréel et rien n’y doit être exprimé selon les normes humaines …
L’INDE : LE BARAT-NATHYAM – CIVA ET KRISHNA L’origine de la danse hindoue se perd dans la nuit des temps, mais elle était toujours, depuis ses débuts, une forme de culte, un moyen de communiquer avec l’Esprit Suprême, de s’unir à lui.
Que ce soit dans le Barat-Nathyam ou à travers les Dieux danseurs Civa ou Krishna, dans toutes les danses de l’Inde, s’inscrit en filigrane l’idée que le Manifesté n’est que le symbole du Non-Manifesté ; tout ce qui arrive dans le temps a son équivalent dans l’éternel et l’initié seul peut distinguer ce qui les joint l’un à l’autre.
Pour le profane, les mouvements du danseur peuvent être beaux et stylisés, mais pour celui qui saisit la signification des «Mudras» et les secrets de l’Abhinaya», les doigts effilés du danseur racontent l’histoire de la création : les battements du tambour brisent le mur qui sépare le tangible du mystère et le danseur devient réellement un «dévadàsa», un esclave de Dieu qui révèle à chacun l’Ultime Réalité.
En Inde, lorsque la Fête est dédiée aux Dieux, la danse est prière. Pour les Hindous «le corps qui danse est visité par Dieu», car, pour eux, «l’âme n’est pas à distinguer du corps». Dans l’expression de l’unité organique de l’homme et de la nature, l’Inde a fait de la danse de Civa, l’image la plus claire de l’activité de Dieu. Rodin, voyant un jour une image du Nataraja la déclara la plus haute conception sculpturale du corps en mouvement.
Pour délivrer les âmes humaines de l’illusion, la danse de Civa a lieu au Centre du Monde, c’est-à-dire, le coeur de l’homme.
Civa, le Grand Yogi, le Seigneur du Monde est aussi Nataraja, le Roi de la danse. La danse de Civa a pour thème l’activité cosmique qui crée et détruit l’Univers.
LES HÉBREUX Ayant analysé, trop succinctement, bien sûr, le symbolisme et le rituel des danses sacrées orientales et extrême-orientales, il convient d’aborder maintenant les danses des peuples qui sont à la source des origines liturgiques et culturelles de notre monde occidental.
Pour nous, imprégnés de civilisation judéo-chrétienne, ce sont les Hébreux qui, par les textes bibliques, nous transmettent les premières informations sur leurs rites et leur gestuelle : accompagnement de la prière, adoration, louanges, etc …
Contrairement aux civilisations environnantes où les représentations iconographiques, par les fresques, les vases, et la statuaire, nous apportent la preuve exacte des figures et mouvements utilisés dans leurs danses, nous n’avons, en ce qui concerne les Hébreux, aucune attestation archéologique, la loi religieuse hébraïque interdisant formellement toute représentation imagée. Ce sont donc, par les écrits que nous pouvons nous faire une idée sur les danses qui étaient pratiquées et dont il est souvent fait allusion dans la Bible :
Dans le livre de l’Exode (chapitre 15) relatant le passage de la Mer Rouge avec les danses en files conduites par Myriam la Prophétesse ; au chapitre 32, les rondes sont évoquées lorsque Moïse descend du Sinaï trouvant le peuple en train de danser devant le Veau d’Or, et, surtout, la fameuse danse de David, quasi-nu, devant l’Arche d’Alliance (Samuel chapitre 6- verset 5). L’on trouve aussi des indications sur ce sujet dans les premiers livres de la littérature rabbinique et dans le Talmud en particulier.
LA GRECE Les Grecs ont toujours tenu la danse en grande estime puisqu’ils lui donnèrent le nom de «Nomos» (règle, loi du corps, ou règle des mouvements du corps), et qu’ils la qualifiaient d’Art Divin. De sa naissance à sa mort, la civilisation grecque fut toute imprégnée de danse. A Athènes, à Sparte, à Lacédémone, elle était regardée comme la science de tous les gestes, de tous les mouvements, faisant partie intégrante de l’éducation. Les récits légendaires des Grecs placent tous l’origine de leurs Danses et de leur art lyrique en Crète.
C’est dans «L’Ile Montueuse», selon le qualificatif homérique, que les Dieux ont enseigné la danse aux mortels, et c’est là que furent réunis les premiers «Thiases», groupes de célébrants en l’honneur de Dyonisos. Citons au passage que le geste symbolique revêt en Crète une signification particulièrement importante : en général, on représente la danseuse tendant le bras horizontalement, cassant l’avant-bras au coude, en opposition, l’un vers le haut, l’autre vers le bas ; dans le premier cas, la paume est ouverte vers le ciel, dans l’autre, vers la terre.
Toujours cette relation Terre-Ciel, que l’on a remarquée chez les Egyptiens, que l’on retrouvera chez les danseurs dyonisiaques, puis chez les Etrusques. Précisons que le langage des gestes, la chironomie des Grecs était des mouvements bien codifiés qui n’employaient pas que les mains, mais aussi tout le corps et qu’il fallait toute une étude pour les déchiffrer. Les plus grands auteurs ont écrit ou parlé sur la danse : Xénophon, Socrate et Platon, en particulier. Pour les Grecs, la danse était principalement d’essence religieuse et spirituelle, don des Immortels et moyen de communication.
LA DANSE DANS LA LITURGIE CHRÉTIENNE Dans la liturgie chrétienne et plus particulièrement dans les cérémonies pontificales de l’Eglise Catholique, toute inspiration des rituels pour les costumes et les mouvements du clergé découle du Temple de Jérusalem. Les processions de l’introït, l’aspersion des fidèles, l’encensement de l’autel, entre autres, sont réglés comme des chorégraphies.
A cet effet, nous pourrions rappeler que la prostration, lors de l’ordination sacerdotale qui permet aux futurs impétrants de «dépouiller le vieil homme», selon l’expression consacrée, pour renaître à l’homme nouveau, n’est pas sans évoquer la mort initiatique. Mais il ne s’agit là que d’une interprétation des gestes symboliques et non de danses réelles.
Pourtant, elles ne manquent pas de s’illustrer tout au long de la chrétienté, malgré l’interdiction du clergé condamnant, à de nombreuses reprises, les Danses et les Caroles dans les églises : Par le Concile de Vannes en 465, puis de Tolède en 587, par la Décrétale du Pape Zacharie, puis à Avignon en 1209, à la Sorbonne en 1444, enfin le Concile de Trente en 1562, lors de la grande remise en ordre de l’Eglise.
Toutefois, les Pères de l’Eglise Primitive ne semblaient pas, au départ, hostiles à la danse, considérant même qu’elle existait au début du christianisme comme faisant partie des rites. Citons : la Chronique de Saint-Martial de Limoges, indiquant l’organisation d’une «Choréa» en 1205, puis une autre pour le départ des Croisés. Carole encore à Sens, le soir de Pâques, autour du puits du cloître : archevêque en tête, les dignitaires du Chapitre dansaient intercalés avec les enfants du choeur, etc …
Dans une optique un peu différente, évoquons aussi les danses des brandons, qui avaient lieu le premier dimanche de Carême, autour de bûches enflammées et celles de la Saint-Jean, nous concernant davantage, où les fidèles décrivaient de grandes rondes autour des feux allumés en l’honneur de l’Apôtre ; ces deux manifestations ayant une origine commune : les Palilies romaines, fêtes purificatoires et le même symbole : celui du feu. danse du feu, encore, que relate le Père de Charlevoix dans le journal de son voyage en Amérique Septentrionale, interprétée par cinq ou six femmes, côte à côte sur la même ligne, se tenant fort serrées, les bras pendants, qui dansaient et chantaient jusqu’à l’extinction du feu.
Dans certains pays, et notamment l’Espagne, on danse encore dans les églises et surtout autour d’elles, à l’occasion des fêtes traditionnelles. Qui n’a pas entendu parler des Pénitents Blancs de Séville, des Confréries de Burgos ou de Saragosse, dont les grandes exhibitions ont lieu au cours des processions de la Semaine Sainte. Il y avait aussi la danse en chaîne ouverte, et celle en chaîne fermée.
Autre survivance, l’étrange procession d’Echternach au Luxembourg, qui a lieu le Mardi de Pentecôte. Païenne à son origine, cette Fête fut transformée par les Bénédictins qui lui assignèrent un but précis : l’imploration de Saint-Willibrod pour la guérison des épileptiques et des malades atteints de la danse de Saint-Guy ! ..
C’est à partir du XIIème Siècle que la danse fut bannie de la liturgie ; elle ne survivra que dans les Danses Macabres, danse de la Mort contre la mort, à une époque de hantise de la famine, de la guerre et de la peste. Au temps de la Peste Noire (1349), se multiplieront, avec des danses convulsives, les phénomènes de transe et de possession, en dehors de quoi, ne se développeront que des danses profanes.
LE MOYEN-AGE Au Moyen-Age, la danse est présente à tout moment : les moresques et momeries, les mascarades, carnavals et défilés, le danseur y apparaissant sous diverses formes : en saltimbanque, jongleur, et même montreur d’animaux savants, comme un simple exécutant profane.
En fait, si l’on étudie plus profondément leurs mouvements et le contexte dans lequel ils les exécutaient, l’on s’aperçoit que ces «gens du voyage», tels les Compagnons Opératifs, étaient en possession d’un véritable savoir ésotérique et initiatique. Ils se reconnaissaient par des signes, véritables mots de passe. Cette gestuelle acquise de longue date était transmise par les Maîtres dans la plus pure tradition orale, dans le même esprit que dans la Maçonnerie où le cheminement initiatique est ponctué par des gestes rituels et symboliques propres à chaque grade.
Quant aux danses compagnonniques, elles relèvent des mêmes principes.
LE BAROQUE Parti de l’Italie sous la Renaissance, le centre d’intérêt de la danse se déploiera petit à petit vers la France, sous l’impulsion de Marie de Médicis. Le baroque italien et français renferment une foule de détails qu’il serait intéressant d’analyser, mais cela nous entraînerait trop loin.
Le premier chorégraphe de l’histoire du ballet, Balthazar de Beaujoyeux, réalisa en 1581 le «Ballet Comique de la Reine», point de départ des ballets de cour. Il définissait le ballet comme une combinaison géométrique de plusieurs personnes dansant ensemble, dont le dessin des mouvements au sol, vu du haut des balcons, loggias ou estrades, représentant cercles, carrés, losanges, rectangles ou triangles. Ce symbolisme des formes et figures géométriques, allait donner naissance, un peu plus tard, au système classique.
LE SYSTEME CLASSIQUE Le Système Classique, appelé également Système Occidental, en opposition avec l’Oriental, vit le jour au XVIIème Siècle, sous le règne de Louis XIV.
C’est aux alentours de 1660 que furent codifiées les cinq positions fondamentales et les pas de base de la danse classique, par Charles-Louis Pierre de Beauchamp, Premier Maître à Danser du Roi, et compositeur des Ballets de sa Majesté. La particularité de la danse classique, réside principalement dans son principe d’en dehors, dont le grand théoricien Noverre disait qu’il avait été dicté fondamentalement pour des raisons d’esthétique.
Une autre interprétation, plus intéressante, fait remarquer que Terpsichore a son beau visage tourné vers l’extérieur, comme les cinq positions de pieds du danseur académique. Ces positions forment l’élément de base de la grammaire chorégraphique, point de départ et d’arrivée de n’importe quel pas ou mouvement. Ainsi, le danseur doit se mouvoir et s’exprimer physiquement et techniquement au rebours du commun des mortels.
L’élévation, but essentiel du système, se manifeste partout ; combinée avec l’amplitude et le parcours, c’est l’âme de la danse classique.
Ce dessein de fuite, d’envol, tout le proclame à nos yeux. Non seulement les grands temps en l’air, mais aussi les pas vifs et légers de la danse à terre. En fait, c’est tout le psychisme qui est orienté vers le haut : l’immobilité même fugitive, à la vérité, des positions de repos, parlent un langage identique : la noblesse, le lyrisme des lignes déployées. L’élévation de la danseuse sur la pointe (au XIXième Siècle, en plein Romantisme), qui hausse l’interprète vers le ciel, la fluidité des ports de bras donnant l’impression de gestes allant vers l’infini, sont autant d’images évoquant la même aspiration.
Abstraite combinaison de formes mouvantes, géométrie dans l’espace, architecture animée, caractérisent ce système autonome et «parfait», qui, peu à peu, s’est acquis une extrême précision, condition de sa beauté. Moins encore que les autres arts, il n’admet la médiocrité, ni l’à-peu-près, car, la moindre déviation ou bavure compromet immédiatement l’harmonieux ensemble.
Nous l’avons remarqué, lanNature a fourni à la danse et à l’homme lespPositions, l’expérience lui a donné les règles. Goethe n’a-t-il pas dit «Personne n’ose danser à la légère sans avoir appris selon les règles».
Cette description idéalisée, peut-être, prouve tout de même que cet art, devenu par son évolution dépouillé de tout artifice inutile, monte vers l’abstraction la plus pure et atteint l’esthétique parfaite de la Beauté, retrouvant l’Univers de la Spiritualité et des forces qui dominent la Matière. Mais on ne peut y parvenir qu’avec rigueur, méthode et connaissance, dont les exercices dans leur langage codifié mais hermétique, forment un rituel que l’on ne cesse de répéter quotidiennemen
Après ce long parcours, retraçant les diverses interprétations du symbolisme «des Pas et des Gestes Rituels à la danse» dans l’histoire de l’humanité, il est temps de conclure.
Définie par les philosophes comme étant «L’Art des Gestes» par excellence, la danse est, selon Jean-Clarence Lambert :
«L’incorporation de la volonté de participer toujours plus activement à la Vie de l’Univers et de la nostalgie de dépasser la condition humaine dans l’accomplissement d’une métamorphose glorieuse …»
- Moyen de communication et de communion entre les Hommes,
- Présence de l’esprit dans la chair et manifestation spirituelle,
- Expression spontanée des émotions et des langages humains,
- La danse est éternelle !
Gilbert MAYER
un beau site à visiter, à étudier, à méditer
Danse et Initiation 1 janvier, 2009
Posté par hiram3330 dans : Bleu,Chaine d'union,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaireDanse et Initiation
La danse dit Xénophon n’est pas de ces sujets faciles et accessibles à tous, elle touche aux régions les plus élevées de toutes sciences rythmiques, géométrie, philosophie surtout, physique et morale puisqu’elle traduit les caractères et les passions. Elle est encore moins étrangère à la peinture et à la plastique : les actes de l’homme intéressent parfois le corps, parfois l’intelligence, tandis que la danse occupe l’un et l’autre : elle affine l’esprit, exerce les membres, instruit et charme les yeux, l’oreille et l’âme …»
Cette difficulté qu’évoque le philosophe grec m’est apparue comme une vibrante réalité dans l’étude de ce sujet. En effet, sa complexité, due à la multiplicité de ses manifestations s’étendant sur plusieurs millénaires, diverses ethnies et civilisations, la grande diversité de ses implantations géographiques ainsi que la richesse de ses traditions offrent à notre investigation, notre réflexion et nos méditations, une immensité et une plénitude digne des plus grandes oeuvres de l’humanité.
La Mythologie nous rapporte que Terpsichore entraînait le cortège des Muses … Cette vision poétique nous suggère, peut-être, une reconnaissance de l’antériorité de la danse par rapport aux autres formes d’expression de l’Art, son universalité et, pourquoi pas, sa supériorité ! … Cette conception confirmerait la thèse de tous les grands spécialistes : ethnologues, archéologues ou historiens de l’Antiquité, scientifiques, chercheurs et exégètes des textes anciens, qui affirment que les origines de la danse remontent aux sources les plus anciennes.
«Avec la création de l’Univers, disait le poète Lucien, naquit à son tour la danse qui symbolise l’union des éléments : la ronde des étoiles, les constellations des planètes reliées aux autres astres fixes, l’ordre et l’harmonie de tous les éléments, reflètent la danse originelle du temps de la création». On trouve les traces de la danse dès les premiers âges de l’Histoire, et, bien sûr, de la Préhistoire, mais ici n’est pas le propos d’entrer dans le détail de tous les vestiges qui témoignent de son existence, de sa pratique et de sa pérennité.
La constante préoccupation de l’homme a toujours été de concilier la faveur des forces mystérieuses dont il soupçonnait le pouvoir dans l’au-delà avec la réalité concrète. Il se rendit bien vite à l’évidence qu’il était soumis à des forces supérieures à la sienne et indépendantes de sa volonté : le soleil l’éclairait, le chauffait, le feu le brûlait, le tonnerre l’effrayait, l’eau le suffoquait, etc … Tous ces éléments exerçant sur lui une action puissante et irrésistible. Et nous trouvons là, les premiers gestes instinctifs, essentiels et primordiaux de la vie courante. Le geste, langage muet, inscrit dans l’espace, étant l’une des premières manifestations de l’homme, où se termine le geste et où commence la danse ?
Je pense que la danse née de l’élan naturel, instinctif et raisonné d’exprimer les divers sentiments et sensations de l’homme, commence réellement à partir du moment où le geste est ordonné : elle est donc, au départ, une manifestation de la volonté, elle nécessite, par conséquent, une participation de l’Esprit.«Un mouvement du corps est donc une conséquence d’un mouvement de l’Ame».
C’est l’esprit qui commande la matière. Platon disait à peu près la même chose : «Le mouvement est l’essence et l’idée même de l’Ame».
La danse, expression individuelle ou collective d’un état affectif, se manifeste par des gestes du corps ordonnés, unissant le son, le rythme, et le mouvement. Elle s’exprime dans le désir instinctif de libérer les tensions psychologiques dans le jeu des jambes qui produit les mouvements rythmiques, dans les battements de mains, les claquements de cuisses et les piétinements ; aux premiers âges de la danse, le corps humain était lui-même l’instrument de production des sons.
Tout, pour ces hommes, était occasion de danser : Joie, chagrin, amour, terreur, aube, mort, naissance, etc … le mouvement de la danse leur apportait un approfondissement d’expérience. Dans cette danse, l’imitation des sons et des mouvements observés autour d’eux, et, notamment, l’expression involontaire du mouvement par le son et le geste, précédait toute combinaison consciente et articulée de son et de danse.
Avant que la danse ne s’épanouisse en un rite religieux délibéré, elle est une libération rythmique d’énergie, un acte d’extase, mais aussi, le moyen naturel pour l’homme de se mettre au diapason des puissances du Cosmos. Ce n’est que très progressivement, sous l’influence des cultes officiels, que la danse, d’abord expression spontanée du mouvement, se transformera en un système fixe de pas et d’attitudes. Et, pourtant, sous quelque forme qu’elle se présente, le but de la danse est toujours d’approcher la divinité.
En tant qu’acte de sacrifice, par quoi l’homme s’en remet à Dieu, la danse est abandon total de soi. Ainsi le corps, à travers tout l’éventail de ses expériences, est l’instrument de la puissance transcendante ; et cette puissance, la danse la saisit directement, instantanément et sans intermédiaire.
Le corps est ressenti, dans sa dimension spirituelle, comme le canal par où s’opère la descente du Tout-Puissant. L’émancipation de l’homme par rapport à son Dieu s’opère par l’imitation de celui-ci : «L’homme, s’identifiant aux Dieux devient à son tour Créateur …»
LE SYMBOLISME DU CORPS HUMAIN
La danse est chose sérieuse, et, par certains aspects, chose très vénérable, selon Paul Valéry. Toute époque qui a compris le corps humain ou qui a éprouvé, du moins, le sentiment du mystère de cette organisation, de ses ressources, de ses limites, des combinaisons d’énergie et de sensibilité qu’il contient, a cultivé, vénéré la danse. C’est pourquoi il ne serait pas concevable d’évoquer quelque geste qui soit, sans approfondir le symbolisme de l’organisme dont il est l’émanation : Le corps Humain dans sa dualité : matière-Esprit.
Et là, nous sommes encore dans le domaine du concret et du plus mystérieux à la fois, du plus lié dans une fondamentale unité ; ce merveilleux instrument, certainement la plus belle création du Grand Architecte de l’Univers, autour duquel gravitent tous les efforts de pensée des savants, des philosophes et des théologiens depuis toujours, pour tenter d’en percer le mystère.
Le corps humain, disait Léonard de Vinci, comme tous ceux qui ne se bornent pas à ne considérer que l’extérieur des choses, est construit aussi rythmiquement que l’est un monde … Ceci est d’autant plus vrai que le rythme est dans tous les mouvements. Lamennais, dans son livre sur «L’Art et le Beau», affirme que la danse est le mouvement rythmique du corps ; Lamartine parlait d’harmonie. «A travers le rythme, il y a le nombre, qui est l’expression intérieure du rythme et c’est justement parce que le rythme est partie intégrante de la création et lui a donné sa formule au sortir des mains de celui qui est, lui-même, le Nombre et l’Harmonie, que tous les Grands Initiés, et plus particulièrement Pythagore, ont étudié dans le Nombre tous les secrets du Monde, aussi bien intérieur qu’extérieur».
Parmi les nombreuses interprétations symboliques du corps humain, il est certain que le dessin de l’Arbre des Séphiroths est celui qui nous révèle le mieux la structure spirituellement la plus élevée de l’être humain, chaque partie du corps correspondant aux dix énergies divines qui nous sont révélées par le livre du Zohar. Devant une voie aussi difficile, je me contenterai simplement d’évoquer les grandes lignes du schéma traditionnel que l’on retrouve un peu partout, à savoir : la verticalité et l’horizontalité, ces deux oppositions complémentaires.
L’axe vertical est la voie par où monte et descend la puissance transcendante, l’axe horizontal représente les forces créées à travers lesquelles elle se manifeste. C’est la croix statique, point d’interaction du microcosme et du macrocosme. L’anatomie humaine, avec sa sextuple orientation dans l’espace, possède en son centre, un septième point situé à l’intersection des deux axes : c’est la «caverne du cœur».
La subdivision de cette croix statique produit la croix dynamique, ou roue du mouvement, qui symbolise le pouvoir que possède l’homme de s’orienter et de se mouvoir dans l’espace, le mouvement cyclique étant rendu possible par l’interaction des contraires.
L’homme, étant appelé à s’insérer et à agir dans les dimensions de l’espace et du temps, a de nombreuses combinaisons possibles dans les positions du pied, du bras, de la tête et du corps, à l’intérieur de ses coordonnées spatiales. Cependant, malgré la multitude des potentialités, il s’avère que le nombre de figures utilisées depuis le début de l’humanité, est relativement restreint. En effet, en étudiant l’évolution de la danse et de son esthétique à travers les âges, j’ai remarqué, entre autres exemples, une analogie incroyable entre deux documents distants de plusieurs millénaires : Ci-dessous, une fresque égyptienne de la Sixième Dynastie (vers 2 400 ans avant J.-Christ), représentant une danse extatique en l’honneur de la déesse Hathor, et, le croirait-on, un tableau de Seurat du début de notre siècle, illustrant des danseuses de Cancan ! …( L’attitude de leur lancer de jambe, pratiquement identique ayant pourtant une signification et une connotation diamétralement opposée : la première étant une représentation rituelle et sacrée les ethnologues assurent que le lancer de jambe en l’air est l’antique figure d’un rite de fertilité accompli par les femmes et qu’ont pratiqué maintes races), la seconde, totalement profane, émanation d’une source de plaisir. Ceci prouve que l’usage, en réalité, n’a retenu qu’un petit nombre de figures, parmi toutes celles proposées. L’on pourrait aussi comparer un piétinement pesant et obstiné de certaines danses Primitives à la démarche des danses d’Asie, d’un sourcil mobile à une hanche flexible, d’une main éloquente à un orteil nu, chaque partie du corps est vivante …
LES PREMIERS GESTES ET PAS : DÉPLACEMENT-GIRATION-SALTATION LA MARCHE EN ROND (SYMBOLE DU CERCLE)
Une des particularités de l’homme, par rapport à l’espèce animale, réside en sa verticalité. Ses premières aspirations dans le domaine du mouvement, furent le déplacement, la saltation et la giration. Le principe essentiel du déplacement est contenu dans la marche : nous la retrouvons partout et à toutes les époques et civilisations qu’elles soient primitives ou évoluées, profanes ou rituelles.
Huit mille ans avant J.-C., une scène gravée dans la grotte d’Addaura, près de Palerme, représente la plus ancienne figuration de danse en groupe : La marche de sept personnages autour de deux centraux, formait une ronde allant de la gauche vers la droite comme celle des astres : le Soleil et la Lune. Faut-il y voir une danse cosmique ? C’est, en tous cas, une préfiguration de celle qu’exécutaient les prêtres en Egypte, quatre millénaires plus tard. «Au moment où la nuit commençait à pâlir et que s’éteignaient les astres dont la danse céleste était l’image même de la nature, à l’aube, les Prêtres rangés autour de l’Autel, dansaient majestueusement, et leur ronde simulait le Cercle du Zodiaque. «Alors commençait la danse de l’Etoile du matin, et ce ballet symbolique, contemporain de la naissance de l’astronomie, enseignait aux enfants de l’homme, par le mouvement figuré des planètes, les lois qui régissent le cycle harmonieux des jours et des saisons» …
Cette danse astronomique, faisant partie de l’initiation aux Mystères d’Isis, n’était pas la seule pratiquée par les Egyptiens : les prêtres de Memphis et de Thèbes dansaient aussi autour du Boeuf Apis. L’on trouve bien d’autres manifestations de danse en cercle, à des époques bien différentes. Citons, par exemple : la danse Mystique des Druides, qu’ils interprétaient en nombre impair, glorifiant les astres. Et puis, il y a toutes les marches en forme de procession, avec des parties chorégraphiques : telles, les pleureuses, sorte de coryphées, qui accompagnaient les funérailles, ou celles que les bas-reliefs des temples nous retracent, comme à Louxor, où des danseurs à massue ou à boomerang figuraient le cortège de la visite qu’accomplissait le Dieu Amon, venant de Karnac, ou ces prêtres-danseurs, dits «Mouou» que l’on voit depuis l’Ancien Empire, IIIème millénaire avant notre Ere, relayer les danseurs de cortèges funèbres pour aider les morts dans leur initiation à la vie intemporelle. Plus près de nous, les marches traditionnelles des pèlerins étaient considérées, par certains, comme des danses : Il suffit d’observer le chemin en forme de labyrinthe comme il en existe dans certaines cathédrales, pour s’apercevoir, comme à Chartres, qu’en suivant son tracé, avec ses angles droits et ses formes géométriques, l’on obtient réellement des pas.
LA GIRATION : LE TOURNOIEMENT = L’EXTASE
Après avoir évoqué la marche comme premier élément du mouvement collectif, son déplacement et sa signification à travers quelques exemples, son prolongement et le symbolisme du sens giratoire, ceci nous amenant directement à explorer la giration, en tant que technique particulière, amenant à l’extase. Saint Ambroise, Evêque de Milan au IVème Siècle, s’exprimait ainsi : «Et tout comme l’acte physique de la danse dans le tournoiement éperdu des membres, donne au danseur le droit de prendre part à la ronde sacrée, de même, le croyant qui s’abandonne à l’extase de la danse Spirituelle, acquiert le droit d’entrer dans la ronde universelle de la création».
Dans la grotte dite des «Trois Frères», une figure gravée et peinte de l’époque néolithique, situe la première manifestation d’un homme, indiscutablement en action de danse, dont l’abbé Breuil, qui l’a découverte, a relevé les particularités suivantes : La position de cet homme prouve qu’il exécute un mouvement de giration sur lui-même, réalisé par un piétinement de plain-pied, or, la constitution anatomique des hommes de cette époque étant, selon les spécialistes, analogue à la nôtre, les effets psychosomatiques de ce tournoiement sont ceux que chacun peut expérimenter : la perte du sens de la localisation dans l’espace, le vertige, une sorte de dépossession de soi-même, une extase au sens étymologique du mot.
Il faut remarquer, comme une analogie éloquente, que partout dans le monde et à toute époque, y compris la nôtre, les danses sacrées par lesquelles les exécutants veulent se mettre dans un état «second» où ils se croient en communion directe avec un esprit, se font par tournoiement.
Les chamans, les lamas, les derviches tourneurs, les exorcistes musulmans, les sorciers africains, tournent sur eux-mêmes dans leurs exercices religieux qui les mènent à un état de transe provoquée par la danse comme «tournoie», le danseur des Trois Frères.
LE CHAMANISME
Pour le chaman, c’est par une technique archaïque de l’extase pratique, c’est-à-dire voulue, qu’il entre en transe, et c’est seulement à ce moment-là qu’il peut entrer en communication avec les esprits et entreprendre son voyage cosmique. Il ne le fait pas par souci métaphysique, ni par désir personnel ou par amour de Dieu, mais par la volonté d’obtenir des résultats concrets, par exemple : la guérison d’uchaman (à la fois chef, sorcier, médecin et premier danseur), est la communion avec les forces qui animent la nature.
Le premier élément de la danse chamanique (le chamanisme n’étant pas une religion), est un tournoiement autour d’un centre. Ce tournoiement permet de s’identifier ou de s’intégrer au Cosmos et de reproduire le mouvement des corps célestes.
Les circumambulations rituelles veulent imiter le cours apparent du soleil. Il ne fait pas de doute que ces mouvements circulaires sont cosmiques, leur nombre d’abord le prouverait : 3-7-9, chiffres sacrés chez les Altaïques se rapportent aux 3-7-9 planètes et aux 3-7-9 étapes de l’Univers du Ciel.
L’ISLAM : LES DERVICHES TOURNEURS ET LE SOUFISME
Quant aux derviches tourneurs, nous retrouvons les mêmes principes évoqués précédemment. Pénétrant plus profondément dans l’étude du Soufisme, nous découvrons qu’il existe de nombreuses analogies avec notre Ordre : Si l’on regarde attentivement le plan schématique d’un Sama-Khana, c’est-à-dire le lieu où se réunissent les Derviches, il y a bien des affinités avec nos Temples, chaque officiant ayant une place bien déterminée et orientée, sous l’œil vigilant du Cheikh, leurs déplacements étant réglés d’une façon très précise. Nous retrouvons les termes de Vénérable Maître, de daître, de Frères, etc …, il y a plusieurs étapes dans la vie du Derviche, avant et après son noviciat, il y a aussi plusieurs degrés dans la pratique du Samâ. Le Samâ est interdit aux hommes qui sont dominés par les passions de leur âme et c’est par l’ascèse qu’ils parviendront à les maîtriser.
Pour le derviche, le fait de tourner indique l’adhésion de l’esprit à Dieu par son mystère et son être. Le mouvement circulaire de son regard et de sa pensée, ainsi que la pénétration par lui des degrés existants, sont autant d’éléments qui constituent l’état d’un «Chercheur de Vérité». Ces sauts du derviche indiquent qu’il est attiré du degré humain vers le degré unique et que les Etres acquièrent de lui des effets spirituels et des appuis lumineux. Lorsque son esprit a dépassé les voiles et atteint les degrés de la rectitude, il découvre sa tête. Quant il est séparé de ce qui n’est pas Dieu et est arrivé à Dieu Très-Haut, il retire une partie de ses vêtements …
Il est absolument impossible de traiter toutes les danses ayant un caractère sacré, symbolique ou rituélique qui enrichissent l’histoire des peuples et il faut comprendre que je fus obligé de faire un choix. Cependant, il est intéressant de constater qu’il existe toujours, à la base de la recherche de ceux qui les pratiquent, malgré une origine très différente et souvent fort éloignée, les mêmes aspirations : le détachement des contingences humaines et matérielles vers la spiritualité, l’évasion de la Terre pour le Cosmos, la recherche du Divin, de l’Identité Suprême, l’Unité … rejoignant ainsi en haut de la Pyramide tout ce que nous apprenons en Maçonnerie au fil de notre évolution dans le chemin de la Connaissance.
LES DANSES SACRÉES ORIENTALES : CAMBODGE ET CHINE
Les danses orientales, en ce sens, sont très significatives, ayant toujours à la base un caractère sacré. C’est pourquoi, parallèlement, il faudrait étudier aussi leurs religions, tellement ces deux entités sont indissociables. Que ce soit en Chine, au Japon, à Bali, à Java, en Birmanie ou au Cambodge, elles sont, pour nous européens, très hermétiques, et nous ne pouvons en saisir le véritable sens.
Leur particularité, par rapport aux normes occidentales, réside en leur caractère statique, dont les positions, à l’opposé des nôtres, sont concentriques, c’est-à-dire repliées vers l’intérieur. Notons que, si les rondes évoquées précédemment étaient toutes, en Occident, orientées dans le sens des astres, allant de gauche à droite – comme c’est le cas en loge bleue, lorsque le Vénérable Maître et les deux Surveillants procèdent à l’allumage des Trois Colonnes, lors de l’ouverture des travaux, en Orient, elles tournent dans le sens contraire. Statiques, mais pas figées, ces danses ont tout de même un mouvement, bien qu’il se manifeste d’une manière inhabituelle pour notre oeil.
La danseuse animée d’une sorte de frisson dans le repos, semble craindre de «déplacer les lignes» pour parler comme Baudelaire. Elle se déplace par modulations discrètes, ces mouvements n’étant que des transitions pour passer d’une pose à une autre. Je ne parle évidemment pas des danses de combat qui sont des exceptions.
Si nos danses sont, par essence, exécutées par les pieds et avec les jambes, chez l’Asiatique, au contraire, les pieds n’assument pas un rôle prépondérant, étant d’ordinaire nus et collés au sol. Par contre, les bras, les mains, la tête, le buste entier, toujours en mouvement, même dans la station de repos, prennent, ici, une part immense. La flexibilité des bras, des poignets et des doigts, avec leurs multiples combinaisons, compose un aspect frappant du système asiatique, dans un langage minutieusement fixé et codifié. Ce langage, sans perdre son sens symbolique, devenant simplement messager d’une beauté décorative pour le non-initié.
Ayant eu l’occasion de voir le Ballet Royal Cambodgien, je fus frappé par la concentration de ces danseuses Khmères : Presque immobiles, telles des fresques des Temples d’Angkor, expressives en des gestes savants, doigts retroussés, genoux ployés, taille et cou doucement infléchis, l’extrême lenteur du déroulement, l’extrême hiératisme des gestes, laissaient présumer un symbolisme profond, totalement inconnu pour le profane que j’étais.
Pour arriver à ce degré de perfection, ces jeunes filles, choisies parmi l’aristocratie, passaient par plusieurs phases d’évolution allant de l’apprentissage jusqu’au jour de l’ultime cérémonie où elles subissaient une véritable initiation. Présentées toutes jeunes aux monitrices, les petites filles poudrées et fardées, munies de bouquets de fleurs tressées, étaient soumises d’abord à l’approbation du Souverain, faisant devant lui le Salut Ancien, l’Anjali Indien, les mains jointes à la hauteur du visage.
C’est un jeudi que commencera l’apprentissage, jour faste, placé sous la protection du Génie de la danse. Dès lors, pendant des années, de longues séances scandées par la baguette de rotin seront consacrées à des exercices d’hypertension des bras, des mains et des jambes, dont la signification dépasse de beaucoup la volonté d’assouplissement.
La désarticulation permet seule à la danseuse de s’évader des gestes humains et d’accomplir des évolutions mythiques : coudes en dehors, mains retournées, jambes dans la position de «l’envol», ce n’est pas acrobatie gratuite, mais imitation des êtres surnaturels. Lorsque les monitrices jugent que leurs élèves ont acquis l’habileté désirée, elles les préparent à l’importante cérémonie qui feront d’elles de vraies «Lokhon», danseuses consacrées, danseuses professionnelles.
Je passerai sur certains détails, pour aller vers l’essentiel.
D’abord par groupes restreints, elles dansent sous des masques. Chaque geste ayant une signification codifiée, stéréotypée. Attitudes presque immobiles, maintenues en suspens, équilibres difficiles, ici statique et dynamique s’opposent, mesures, silences et points d’orgues s’enchaînent. Rien de plus savant, de plus concerté que cette expression de la danse. Rien de plus conventionnel que ce langage, quintessence du langage par le geste, et pour cause : C’est la pantomime de l’Irréel et rien n’y doit être exprimé selon les normes humaines …
L’INDE : LE BARAT-NATHYAM – CIVA ET KRISHNA
L’origine de la danse hindoue se perd dans la nuit des temps, mais elle était toujours, depuis ses débuts, une forme de culte, un moyen de communiquer avec l’Esprit Suprême, de s’unir à lui.
Que ce soit dans le Barat-Nathyam ou à travers les Dieux danseurs Civa ou Krishna, dans toutes les danses de l’Inde, s’inscrit en filigrane l’idée que le Manifesté n’est que le symbole du Non-Manifesté ; tout ce qui arrive dans le temps a son équivalent dans l’éternel et l’initié seul peut distinguer ce qui les joint l’un à l’autre.
Pour le profane, les mouvements du danseur peuvent être beaux et stylisés, mais pour celui qui saisit la signification des «Mudras» et les secrets de l’Abhinaya», les doigts effilés du danseur racontent l’histoire de la création : Les battements du tambour brisent le mur qui sépare le tangible du mystère et le danseur devient réellement un «dévadàsa», un esclave de Dieu qui révèle à chacun l’Ultime Réalité.
En Inde, lorsque la Fête est dédiée aux Dieux, la danse est prière. Pour les Hindous «le corps qui danse est visité par Dieu», car, pour eux, «l’âme n’est pas à distinguer du corps». Dans l’expression de l’unité organique de l’homme et de la nature, l’Inde a fait de la danse de Civa, l’image la plus claire de l’activité de Dieu. Rodin, voyant un jour une image du Nataraja la déclara la plus haute conception sculpturale du corps en mouvement.
Pour délivrer les âmes humaines de l’illusion, la danse de Civa a lieu au Centre du Monde, c’est-à-dire, le cœur de l’homme.
Civa, le Grand Yogi, le Seigneur du Monde est aussi Nataraja, le Roi de la danse. La danse de Civa a pour thème l’activité cosmique qui crée et détruit l’Univers.
LES HÉBREUX
Ayant analysé, trop succinctement, bien sûr, le symbolisme et le rituel des danses sacrées orientales et extrême-orientales, il convient d’aborder maintenant les danses des peuples qui sont à la source des origines liturgiques et culturelles de notre monde occidental.
Pour nous, imprégnés de civilisation judéo-chrétienne, ce sont les Hébreux qui, par les textes bibliques, nous transmettent les premières informations sur leurs rites et leur gestuelle : accompagnement de la prière, adoration, louanges, etc …
Contrairement aux civilisations environnantes où les représentations iconographiques, par les fresques, les vases, et la statuaire, nous apportent la preuve exacte des figures et mouvements utilisés dans leurs danses, nous n’avons, en ce qui concerne les Hébreux, aucune attestation archéologique, la loi religieuse hébraïque interdisant formellement toute représentation imagée. Ce sont donc, par les écrits que nous pouvons nous faire une idée sur les danses qui étaient pratiquées et dont il est souvent fait allusion dans la Bible :
Dans le livre de l’Exode (chapitre 15) relatant le passage de la Mer Rouge avec les danses en files conduites par Myriam la Prophétesse ; au chapitre 32, les rondes sont évoquées lorsque Moïse descend du Sinaï trouvant le peuple en train de danser devant le Veau d’Or, et, surtout, la fameuse danse de David, quasi-nu, devant l’Arche d’Alliance (Samuel chapitre 6- verset 5). L’on trouve aussi des indications sur ce sujet dans les premiers livres de la littérature rabbinique et dans le Talmud en particulier.
LA GRECE
Les Grecs ont toujours tenu la danse en grande estime puisqu’ils lui donnèrent le nom de «Nomos» (règle, loi du corps, ou règle des mouvements du corps), et qu’ils la qualifiaient d’Art Divin. De sa naissance à sa mort, la civilisation grecque fut toute imprégnée de danse. A Athènes, à Sparte, à Lacédémone, elle était regardée comme la science de tous les gestes, de tous les mouvements, faisant partie intégrante de l’éducation. Les récits légendaires des Grecs placent tous l’origine de leurs Danses et de leur art lyrique en Crète.
C’est dans «L’Ile Montueuse», selon le qualificatif homérique, que les Dieux ont enseigné la danse aux mortels, et c’est là que furent réunis les premiers «Thiases», groupes de célébrants en l’honneur de Dyonisos. Citons au passage que le geste symbolique revêt en Crète une signification particulièrement importante : en général, on représente la danseuse tendant le bras horizontalement, cassant l’avant-bras au coude, en opposition, l’un vers le haut, l’autre vers le bas ; dans le premier cas, la paume est ouverte vers le ciel, dans l’autre, vers la terre.
Toujours cette relation Terre-Ciel, que l’on a remarqué chez les Egyptiens, que l’on retrouvera chez les danseurs dionysiaques, puis chez les Etrusques. Précisons que le langage des gestes, la chironomie des Grecs était des mouvements bien codifiés qui n’employaient pas que les mains, mais aussi tout le corps et qu’il fallait toute une étude pour les déchiffrer. Les plus grands auteurs ont écrit ou parlé sur la danse : Xénophon, Socrate et Platon, en particulier. Pour les Grecs, la danse était principalement d’essence religieuse et spirituelle, don des Immortels et moyen de communication.
LA DANSE DANS LA LITURGIE CHRÉTIENNE
Dans la liturgie chrétienne et plus particulièrement dans les cérémonies pontificales de l’Eglise Catholique, toute inspiration des rituels pour les costumes et les mouvements du clergé découle du Temple de Jérusalem. Les processions de l’introït, l’aspersion des fidèles, l’encensement de l’autel, entre autres, sont réglés comme des chorégraphies.
A cet effet, nous pourrions rappeler que la prostration, lors de l’ordination sacerdotale qui permet aux futurs impétrants de «dépouiller le vieil homme», selon l’expression consacrée, pour renaître à l’homme nouveau, n’est pas sans évoquer la mort initiatique. Mais il ne s’agit là que d’une interprétation des gestes symboliques et non de danses réelles.
Pourtant, elles ne manquent pas de s’illustrer tout au long de la chrétienté, malgré l’interdiction du clergé condamnant, à de nombreuses reprises, les Danses et les Caroles dans les églises : Par le Concile de Vannes en 465, puis de Tolède en 587, par la Décrétale du Pape Zacharie, puis à Avignon en 1209, à la Sorbonne en 1444, enfin le Concile de Trente en 1562, lors de la grande remise en ordre de l’Eglise.
Toutefois, les Pères de l’Eglise Primitive ne semblaient pas, au départ, hostiles à la danse, considérant même qu’elle existait au début du christianisme comme faisant partie des rites. Citons : la Chronique de Saint-Martial de Limoges, indiquant l’organisation d’une «Choréa» en 1205, puis une autre pour le départ des Croisés. Carole encore à Sens, le soir de Pâques, autour du puits du cloître : archevêque en tête, les dignitaires du Chapitre dansaient intercalés avec les enfants du chœur, etc….
Dans une optique un peu différente, évoquons aussi les danses des brandons, qui avaient lieu le premier dimanche de Carême, autour de bûches enflammées et celles de la Saint-Jean, nous concernant davantage, où les fidèles décrivaient de grandes rondes autour des feux allumés en l’honneur de l’Apôtre ; ces deux manifestations ayant une origine commune : Les Palilies romaines, fêtes purificatoires et le même symbole : celui du feu. Danse du feu, encore, que relate le Père de Charlevoix dans le journal de son voyage en Amérique Septentrionale, interprétée par cinq ou six femmes, côte à côte sur la même ligne, se tenant fort serrées, les bras pendants, qui dansaient et chantaient jusqu’à l’extinction du feu.
Dans certains pays, et notamment l’Espagne, on danse encore dans les églises et surtout autour d’elles, à l’occasion des fêtes traditionnelles. Qui n’a pas entendu parler des Pénitents Blancs de Séville, des Confréries de Burgos ou de Saragosse, dont les grandes exhibitions ont lieu au cours des processions de la Semaine Sainte. Il y avait aussi la danse en chaîne ouverte, et celle en chaîne fermée.
Autre survivance, l’étrange procession d’Echternach au Luxembourg, qui a lieu le mardi de Pentecôte. Païenne à son origine, cette Fête fut transformée par les Bénédictins qui lui assignèrent un but précis : l’imploration de Saint-Willibrod pour la guérison des épileptiques et des malades atteints de la danse de Saint-Guy ! ..
C’est à partir du XIIème Siècle que la danse fut bannie de la liturgie ; elle ne survivra que dans les Danses Macabres, danse de la Mort contre la mort, à une époque de hantise de la famine, de la guerre et de la peste. Au temps de la Peste Noire (1349), se multiplieront, avec des danses convulsives, les phénomènes de transe et de possession, en dehors de quoi, ne se développeront que des danses profanes.
LE MOYEN-AGE
Au Moyen-Age, la danse est présente à tout moment : les moresques et momeries, les mascarades, carnavals et défilés, le danseur y apparaissant sous diverses formes : en saltimbanque, jongleur, et même montreur d’animaux savants, comme un simple exécutant profane.
En fait, si l’on étudie plus profondément leurs mouvements et le contexte dans lequel ils les exécutaient, l’on s’aperçoit que ces «gens du voyage», tels les Compagnons Opératifs, étaient en possession d’un véritable savoir ésotérique et initiatique. Ils se reconnaissaient par des signes, véritables mots de passe. Cette gestuelle acquise de longue date était transmise par les Maîtres dans la plus pure tradition orale, dans le même esprit que dans la Maçonnerie où le cheminement initiatique est ponctué par des gestes rituels et symboliques propres à chaque grade.
Quant aux danses compagnonniques, elles relèvent des mêmes principes.
LE BAROQUE
Parti de l’Italie sous la Renaissance, le centre d’intérêt de la danse se déploiera petit à petit vers la France, sous l’impulsion de Marie de Médicis. Le baroque italien et français renferme une foule de détails qu’il serait intéressant d’analyser, mais cela nous entraînerait trop loin.
Le premier chorégraphe de l’histoire du ballet, Balthazar de Beaujoyeux, réalisa en 1581 le «Ballet Comique de la Reine», point de départ des ballets de cour. Il définissait le ballet comme une combinaison géométrique de plusieurs personnes dansant ensemble, dont le dessin des mouvements au sol, vu du haut des balcons, loggias ou estrades, représentant cercles, carrés, losanges, rectangles ou triangles. Ce symbolisme des formes et figures géométriques, allait donner naissance, un peu plus tard, au système classique.
LE SYSTEME CLASSIQUE
Le Système Classique, appelé également Système Occidental, en opposition avec l’Oriental, vit le jour au XVIIème Siècle, sous le règne de Louis XIV.
C’est aux alentours de 1660 que furent codifiées les cinq positions fondamentales et les pas de base de la danse classique, par Charles-Louis Pierre de Beauchamp, Premier Maître à Danser du Roi, et compositeur des Ballets de sa Majesté. La particularité de la danse classique, réside principalement dans son principe d’en dehors, dont le grand théoricien Noverre disait qu’il avait été dicté fondamentalement pour des raisons d’esthétique.
Une autre interprétation, plus intéressante, fait remarquer que Terpsichore a son beau visage tourné vers l’extérieur, comme les cinq positions de pieds du danseur académique. Ces positions forment l’élément de base de la grammaire chorégraphique, point de départ et d’arrivée de n’importe quel pas ou mouvement. Ainsi, le danseur doit se mouvoir et s’exprimer physiquement et techniquement au rebours du commun des mortels.
L’élévation, but essentiel du système, se manifeste partout ; combinée avec l’amplitude et le parcours, c’est l’âme de la danse classique.
Ce dessein de fuite, d’envol, tout le proclame à nos yeux. Non seulement les grands temps en l’air, mais aussi les pas vifs et légers de la danse à terre. En fait, c’est tout le psychisme qui est orienté vers le haut : l’immobilité même fugitive, à la vérité, des positions de repos, parle un langage identique : la noblesse, le lyrisme des lignes déployées. L’élévation de la danseuse sur la pointe (au XIXième Siècle, en plein Romantisme), qui hausse l’interprète vers le ciel, la fluidité des ports de bras donnant l’impression de gestes allant vers l’infini, sont autant d’images évoquant la même aspiration.
Abstraite combinaison de formes mouvantes, géométrie dans l’espace, architecture animée, caractérisent ce système autonome et «parfait», qui, peu à peu, s’est acquis une extrême précision, condition de sa beauté. Moins encore que les autres arts, il n’admet la médiocrité, ni l’à-peu-près, car, la moindre déviation ou bavure compromet immédiatement l’harmonieux ensemble.
Nous l’avons remarqué, la Nature a fourni à la danse et à l’homme les Positions, l’expérience lui a donné les règles. Goethe n’a-t-il pas dit «Personne n’ose danser à la légère sans avoir appris selon les règles».
Cette description idéalisée, peut-être, prouve tout de même que cet art, devenu par son évolution dépouillée de tout artifice inutile, monte vers l’abstraction la plus pure et atteint l’esthétique parfaite de la Beauté, retrouvant l’Univers de la Spiritualité et des forces qui dominent la Matière. Mais on ne peut y parvenir qu’avec rigueur, méthode et connaissance, dont les exercices dans leur langage codifié mais hermétique, forment un rituel que l’on ne cesse de répéter quotidiennement
Après ce long parcours, retraçant les diverses interprétations du symbolisme «des Pas et des Gestes Rituels à la danse» dans l’histoire de l’humanité, il est temps de conclure.
Définie par les philosophes comme étant «L’Art des Gestes» par excellence, la danse est, selon Jean-Clarence Lambert :
«L’incorporation de la volonté de participer toujours plus activement à la Vie de l’Univers et de la nostalgie de dépasser la condition humaine dans l’accomplissement d’une métamorphose glorieuse …»
- Moyen de communication et de communion entre les Hommes,
- Présence de l’esprit dans la chair et manifestation spirituelle,
- Expression spontanée des émotions et des langages humains,
- La danse est éternelle !
Gilbert MAYER
« LA REINE DE SABA », DE CHARLES GOUNOD 26 avril, 2008
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UN OPERA MACONNIQUE FRANÇAIS MECONNU : « LA REINE DE SABA », DE CHARLES GOUNOD |
Avant propos
Les rituels maçonniques sont tenus » secrets » par les Maçons, qui n’ont pas le droit de les divulguer aux » profanes « . La maçonologie qui aborde les aspects historiques, sociologiques et philosophiques de la maçonnerie, étudie entre autres les légendes dont s’inspirent les rituels. Aussi, tout ce qui peut être rapporté dans cette présentation, ainsi qu’en témoigne la bibliographie jointe, provient de livres accessibles à tous, traitant soit des rapports entre la musique et la maçonnerie, soit du livre des Rois dans la Bible, soit de la légende d’Hiram, légende commune à la maçonnerie et au compagnonnage, soit surtout du recueil de nouvelles intitulé » Voyage en Orient » de Gérard de Nerval. Cependant, le » secret maçonnique » reste paraît-il intransmissibleŠ
Les rapports entre la Maçonnerie et la musique sont apparemment nombreux et anciens. Les musiciens réputés Francs-Maçons sont archi-connus et sans doutes répertoriés par excès. L’excellent livre de Roger Cotte sur la musique maçonnique les inventorie avec prudence, distinguant les compositeurs Francs-Maçons avérés comme Haydn et Mozart ou plus récemment Sibelius, de ceux dont l’appartenance n’a jamais été prouvée comme Beethoven, dont on retient cependant » Les 33 variations diabelli « comme un élément de présomption à charge ! Il signale encore ceux qui sont réputés l’avoir été mais ne l’ont finalement point été, comme Wagner et rapporte enfin ceux qui ont eu des liens avec des mouvements plus ou moins proches de la maçonnerie, comme Erik Satie qui a écrit de la musique rituelle pour les rosicruciens à la demande de Joséphin Pelladan. Les oeuvres dites maçonniques sont tout aussi connues et le moins mélomane des Francs-Maçons citera d’emblée la » Flûte Enchantée « de Mozart. D’autres, plus fins connaisseurs, citeront des oeuvres moins connues dont l’inspiration maçonnique dépend de l’interprétation de chacun, les Francs-Maçons n’ayant pas le monopole des légendes ou des symboles. Citons ainsi » la Création « de Haydn. Enfin, des musiciens dont on sait qu’ils n’ont pas été Francs-Maçons, mais simplement proches de ce courant de pensée, ont pu écrire des oeuvres que des exégèses très convaincus ont décrété maçonniques, citons Wagner dont Jacques Chailley fait une analyse du « Parsifal « où il voit une analogie frappante avec la légende du 18ème degré du Rite Ecossais. Signalons enfin que des compositeurs Francs-Maçons n’ont parfois pas écrit de musique dite maçonnique. Qu’est ce qu’une musique maçonnique ? Cela peut être soit de la musique spécifiquement écrite pour des cérémonies rituelles, soit de la musique à contenu explicitement initiatique par les paroles comme » la Flûte Enchantée « de Mozart, soit encore de la musique purement instrumentale mais à contenu symbolique et/ou initiatique comme le « Quatuor des dissonances » du même Mozart, dont le début chaotique pour les oreilles de l’époque fait bientôt place à une composition tonale tout à fait classique, l’initiation ayant mis de l’ordre dans le chaos. Citons donc par exemple, Adrien Boieldieu, compositeur français Maçon, auteur d’un très mozartien concerto pour harpe, dont on peut toujours chercher le symbolisme caché !
A contrario, se pourrait-il qu’il existe une oeuvre française manifestement maçonnique, bien plus explicite encore que tous les ouvrages cités jusque là, mais tombée totalement dans l’oubli, bien que composée au 19ème siècle par un auteur des plus célèbres, j’ai nommé Charles Gounod, lequel n’était absolument pas « suspect » d’être Franc-Maçon et qui plus est ne l’était effectivement certainement pas ?
Cet opéra ignoré de l’immense majorité des mélomanes Francs-Maçons ou non, absent de bien des bibliographies de référence, se nomme » La Reine de Saba « , oeuvre tirée d’une nouvelle de Gérard de Nerval extraite du » Voyage en Orient « , qui s’intitule » La Reine du Matin et Soliman Prince des Génies « , nouvelle au sein de plusieurs autres regroupées sous le titre » Les nuits de Ramazan « . La redécouverte récente du contenu surprenant de cet opéra oublié à l’occasion d’un premier enregistrement mondial, invite à la réflexion.
Voyons donc l’intrigue du livret :
Au premier acte : à Jérusalem, le Maître d’oeuvre Adoniram (forme emphatique d’Hiram) travaille à la construction du temple du roi Soliman (comprenez Salomon). Alors qu’on annonce à Adoniram la venue de la Reine de Saba Balkis, précédée par sa réputation de grande beauté et qui est promise à Soliman, arrivent trois ouvriers Compagnons qui viennent réclamer le titre de Maître ou plus exactement le mot de passe des Maîtres, ce qui leur permettrait d’obtenir un salaire équivalent à celui des vrais Maîtres. En effet au moment de la paye, les ouvriers glissent à l’oreille d’Adoniram un mot de passe qui correspond à leur qualification et ils sont donc payés en conséquence. Adoniram refuse, au motif que le salaire de Maître ne vient récompenser que des oeuvres méritoires et fustige les mauvais Compagnons qui ont semé la zizanie parmi les ouvriers. Les mauvais Compagnons quittent la scène en promettant de se venger. Arrive Balkis accompagnée de Soliman son futur époux. A la simple vue de la Reine de Saba, Adoniram, tiraillé par un sentiment de lointain souvenir, de reconnaissance, a le coup de foudre et réciproquement. C’est comme cela que cela se passe dans les opéras, ce qui simplifie considérablement le travail du librettiste, c’est la licence poétique, pas besoin de préliminaires, on se voit, on se plait, surtout s’il s’agit de la femme d’un autre et on se jure fidélité jusqu’à la mort, qui arrive d’ailleurs souvent plus tôt que prévue. Un humoriste anglais a pu ainsi définir l’opéra : c’est l’histoire d’un ténor qui tombe amoureux d’une soprano et d’un baryton qui fait tout ce qu’il peut pour les séparer. Une très belle scène est consacrée à l’exaltante rencontre, mais dès la suivante, on butte sur un cadavreŠ Aux tessitures près, c’est bien ce qui va se passer ! Et donc, Adoniram flatté par Balkis et à sa demande, fait la démonstration de sa puissance en contrôlant la foule éparse des ouvriers à l’aide d’un signe magique évoquant le dieu Tubal-Kaïn. Il s’agit d’un T, qui peut aussi représenter la première lettre de la ville de Tyr, la lettre hébraïque Tau, un fil à plomb sous un niveau ou encore deux équerres accolées. Tous les ouvriers étaient mélangés, maçons, charpentiers, mineurs, fondeurs, etcŠ et bientôt dans ce désordre apparent les ouvriers se regroupent par spécificités. L’ordre apparaît issu du désordre et les corps de métiers rassemblés défilent alors sous leurs bannières » compagnonniques « . Balkis subjuguée par cette puissance donne son collier de perle à Adoniram sous les yeux de Soliman qui devrait songer à se méfier.
Au deuxième acte : Adoniram, spécialiste comme il est dit dans la Bible de la fonte de l’airain, s’apprête sur le haut plateau de Sion à réaliser son chef d’oeuvre, à savoir couler la Mer d’Airain. Ceux qui ont lu le livre des Rois dans la Bible, au chapitre consacré à la construction du temple de Salomon ont connaissance de cet objet insolite : une gigantesque vasque remplie d’eau, soutenue par douze taureaux, qui servait à la purification des prêtres. Il invoque pour ce faire la puissance du dieu Tubal-Kaïn. Mais les ouvriers précédemment rabroués ont saboté le processus et le bronze en fusion est projeté sur la foule.
Au troisième acte : Malgré l’échec précédent, Balkis médite sur les signes extérieurs de richesse intérieure d’Adoniram et les compare au pragmatisme bassement matérialiste de Soliman. Adoniram survient et rapidement ils tombent dans les bras l’un de l’autre, Adoniram se flattant de la supériorité de l’Architecte sur un Roi qui n’aurait que le mérite de sa naissance. Et décidément tout va bien, puisqu’on apprend que pendant la nuit, une intervention surnaturelle a achevé le travail commencé, sous les coups de marteaux sont apparus les taureaux supportant la vasque remplie d’eau de la Mer d’Airain.
Au quatrième acte : la belle légende maçonnique commence à tourner au mauvais feuilleton. Soliman frustré et jaloux reçoit la visite des trois mauvais Compagnons qui viennent lui rapporter l’infidélité de Balkis. Adoniram et Soliman, s’affrontent verbalement, Soliman déclare qu’il va quitter Jérusalem, mais Balkis a le temps de lui verser un narcotique qui permet de lui dérober l’anneau royal, puis de prendre la fuite pour rejoindre Adoniram.
Au cinquième acte : l’ambiance devient plus tragique, n’oublions pas que nous sommes à l’opéra et qu’on y tire traditionnellement des émotions à travers les drames que subissent les protagonistes dans leur chair ou leur âme. Adoniram à la place de Balkis qu’il attendait, voit arriver les trois mauvais Compagnons qui lui demandent à nouveau le mot de passe des Maîtres. Adoniram refuse bien sûr et alors que la tempête éclate, les trois mauvais Compagnons le poignardent. Balkis, arrive enfin, pour le voir mourir dans ses bras et va donc devenir » La Veuve » chère aux Francs-Maçons, mais elle a cependant le temps de lui passer l’anneau royal arraché à Soliman. Adoniram mort est accueilli dans les cieux par Tubal-Kaïn, pour une vie éternelle, salué par le choeur des ouvriers. Il a choisit d’affronter son destin et après sa propre mort, il accède à la renaissance.
Au total :
Un livret sans grande imagination ni poésie, sans prise réelle sur les préoccupations de l’époque, une intrigue prévisible et une fin un peu bâclée, pas de quoi tenir l’affiche et passer à la postérité. Or c’est bien ce qui arriva, essayons d’en préciser les causes.
Tout d’abord un opéra est souvent plus apprécié pour sa musique que pour son intrigue. Celle-ci est même parfois tellement compliquée qu’on en oublie sa crédibilité et qu’au fond elle passe au second plan. Que celui qui peut raconter précisément et de mémoire l’argument du « Trouvère « ou de » la Force du Destin « de Verdi vienne dire le contraire ! Il n’empêche que des oeuvres peuvent compter par leur contenu littéraire ou dramatique. « Tosca « est de celle-ci s’insurgeant contre les pouvoirs politiques, Verdi avec » Aïda « a joué un rôle non négligeable dans le risorgimento, la « Traviata « a fait pleurer dans les chaumières. Bien souvent, pour comprendre l’action, il vaut mieux avoir connaissance du livret, au pire acheter le programme et le lire dans la pénombre, car il ne faut pas compter sur la représentation pour comprendre les tenants et les aboutissants, d’autant qu’on voit souvent les opéras dans une langue qui n’est pas la nôtre, avec certes maintenant le plus souvent des sous-titres, y compris quand on chante en français, car la diction peut être médiocre ! Certes au 19ème siècle les opéras étaient souvent chantés dans la langue du pays où ils étaient donnés, mais cela ne se fait guère plus. Terminons encore pour dire que le français est peut être » une langue qui résonne « , mais qu’elle est aussi diablement difficile à chanter et par conséquent rares sont les chanteurs d’origine étrangère que l’on peut comprendre facilement.
La puissance émotionnelle de la musique passe donc souvent au premier plan. Mais si actuellement on fait preuve de tolérance, d’ouverture d’esprit, de culture, n’oublions pas que les pesanteurs de l’époque faisaient qu’il était extrêmement délicat d’innover. Ajoutons les réactions nationalistes qui faisaient qu’il était fort risqué d’apprécier Wagner à la fin du 19ème siècle et de vouloir s’en inspirer ouvertement comme l’a reconnu Charles Gounod.
Cet opéra n’est donc pas passé à la postérité, il était pourtant l’oeuvre d’un compositeur premier Prix de Rome, qui allait devenir fort célèbre et parfaitement reconnu de son vivant, et honoré à sa mort, ayant reçu des obsèques nationales à l’Eglise de la Madeleine, son cercueil étant accompagné par l’Orphéon de Paris que dirigeait Camille Saint-Saëns.
La première de » La Reine de Saba « eut lieu en février 1862 à l’Opéra de Paris mais l’oeuvre ne tînt l’affiche que 15 jours, le temps que la critique s’acharne à son sujet. On lui portait la grande accusation de wagnérisme, leitmotiv d’une certaine critique parisienne dont eurent à souffrir Bizet, Saint Saëns et Massenet. Dans la » Revue des deux Mondes » du 18 mars 1862, Paul Scudo, l’ennemi de Berlioz, écrivait que Charles Gounod avait eu le malheur d’admirer certaines pages altérées des derniers quatuors de Beethoven, source troublée d’où étaient sortis les mauvais musiciens de l’Allemagne moderne, les Liszt, les Wagner, les Schumann et même les Mendelsohn. Quel visionnaire !
Voilà pour la musique, dont Berlioz écrivait, que certes il : » cherchait à soutenir l’auteur, mais qu’il n’y avait rien dans sa partition, absolument rien. Comment soutenir ce qui n’a ni os ni muscles ? « . Etonnante écriture après un » Faust « qui fut une réussite mélodique avec une partition d’orchestre puissante, variée et efficace. Etonnante aparté encore quand on sait qu’il écrira encore deux autres chefs d’oeuvre avec » Mireille « et » Roméo et Juliette « quelques années après.
Puisque la musique n’était pas à la hauteur, quid du livret ? Il faut malheureusement reconnaître que ce n’est pas l’intrigue un peu compliquée tirée des écrits de Gérard de Nerval, dépourvue de situations fortes et sans idées saillantes qui aurait pu captiver le public. A sa décharge, il faut savoir aussi que les opéras possèdent le plus souvent plusieurs versions et que certaines scènes peuvent être finalement coupées ou que les ballets classiques de cette époque étaient parfois supprimés faute de moyens. Certaines scènes n’ont ainsi jamais été jouées et on ne les retrouve parfois que 150 ans après, par exemple quand Michel Plasson enregistre pour la première fois l’air du » Scarabée « , variante d’une scène du » Faust « . Aussi les premières représentations sont parfois décousues et il faut un peu de rodage pour peaufiner l’ensemble en fonction des réactions du public, » La Reine de Saba « n’a pas eu ce sursis. Ainsi quelques coupures ont concerné des scènes expliquant ce sentiment de souvenir lointain, de reconnaissance, lors de la rencontre entre Balkis et Adoniram, une autre enfin, rapportant une attitude un peu désobligeante de Soliman à l’égard de Balkis, parfaitement présente chez Nerval, aurait expliqué les quelques réticences de la reine à l’égard de son prétendant. La scène de la fonte de la Mer d’Airain aurait été coupée en raison des risques d’incendie et pour gagner du temps au bénéfice des ballets tellement prisés par les protecteurs des danseuses.
Parfois c’est l’interprétation qui peut venir sauver un ouvrage médiocre ou au contraire l’enfoncer. Or pour cette première, le chef d’orchestre Louis Dietsch était celui dont Wagner avait eu à se plaindre pour son « Tannhäuser « et son exécution fut jugée » filandreuse « .
Enfin la réceptivité sociale ou politique du moment va faire le succès éventuel de l’événement. Or, vous avez compris quelles que soient vos connaissances des légendes et rituels maçonniques, que le thème global de la » Reine de Saba « est profondément maçonnique puisque la légende d’Hiram chère aux Loges bleues, c’est à dire des trois premiers degrés, apprentis, compagnons et maîtres, y est rapportée bien fidèlement. Le nom d’Adoniram à la place de celui d’Hiram peut trouver sa justification soit plus loin dans d’autres degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepté, soit encore dans d’autres rites. Plus encore, sans trahir d’autres secrets accessibles dans toutes les bonnes librairies, même à l’époque, la maçonnerie des Hauts Grades s’inspire pour ses premiers degrés de la symbolique salomonienne et de la construction du temple de Jérusalem. De ce fait, il y est fait mention du chef d’oeuvre que prétend réaliser Adoniram. On peut s’étonner de ce mélange entre les noms et symboles des Loges bleues et ceux des Hauts Grades, mais les rites autres que le Rite Ecossais Ancien et Accepté sont multiples et les personnages volontiers désignés par plusieurs noms. Un même » mot de passe » peut correspondre à différents grades selon les rites. Enfin, quand ni l’écrivain, ni les librettistes, ni le compositeur ne sont Francs-Maçons, des erreurs peuvent se produire. Ainsi Oswald Wirth, dont les écrits maçonniques à la fin du 19ème siècle firent autorité, ne nourrissait aucune bienveillance à l’égard de l’oeuvre de Gérard de Nerval, qui à ses yeux n’aurait eu qu’une vision bassement politique de la légende d’Hiram. Le texte suit cependant fidèlement les rituels maçonniques, certaines expressions sont typiquement empruntées aux Loges, par exemple le jour de la fête le Roi » suspend les Travaux « , le premier mauvais Compagnon déclare » Je suis Maçon « . Le nom même de Tubal-Kaïn qui apparaît à certains moments, correspond à un mot de passe parmi bien d’autres, là encore variable suivant les degrés et les rites. On en est donc pas à une vague inspiration, mais à une retranscription précise et pas du tout anodine sous Napoléon III. Celui-ci, amateur surtout d’opéra-bouffe avait pris d’ailleurs l’oeuvre en horreur, ne supportant guère l’idée de l’artiste placé au-dessus du monarque absolu. Pour certains, l’opéra aurait même été interdit, avatar ayant des précédents, par exemple avec le » Don Carlos « de Verdi qui critiquait l’inquisition. Il faut dire que c’était aussi la grande époque du compagnonnage et des corporations avec en figure de proue le célèbre Agricol Perdiguier, qui inspira Georges Sand. En 1848 les compagnons avaient organisé une grande manifestation à Paris, c’était encore dans les mémoires. C’est Crosnier, qui remplaçait Nestor Roqueplan à la direction de l’Opéra, qui décida de bannir » une pareille ordure « . Dans ses » Mémoires d’un artiste « Gounod écrit : » Les décisions directoriales ont parfois des dessous qu’il serait inutile de vouloir pénétrer : en pareil cas, on donne des prétextes ; les raisons demeurent cachées « .
Si on écoute cet opéra 140 ans après, enfin enregistré en première mondiale dans une version hélas assez médiocre avec des voix étrangères de plusieurs nationalités, ce qui se fait hélas souvent maintenant et que le français avec ses e muets tolère mal, on retient néanmoins quelques belles scènes et quelques innovations, la cavatine de Balkis étant la plus connue. Le savoir-faire existe à défaut d’une forte inspiration. Comme dit le Larousse au début du 20ème siècle, il y a plus de science que de musiqueŠ Par contre, la partition d’orchestre paraît plus insipide que ce que le compositeur a pu produire au cours de sa longue carrière. On disait même que si » Faust « avait été l’ » Austerlitz « de Charles Gounod, cet opéra serait son » Waterloo « ! Certes, l’appréciation de la musique est subjective, mais parmi le public, si peu de spectateurs sont capables d’une analyse musicologique poussée, par contre de façon subjective, ils peuvent être plus ou moins charmés. Or dans cette oeuvre, on retrouve globalement toutes les habitudes les plus convenues de Charles Gounod, toute ses » ficelles » , l’expression existant déjà dans la critique du 19ème siècle. On notera cependant des motifs de rappels apparentés à des personnages ou des situations, qui reviennent plus ou moins altérés au cours de l’oeuvre. Par exemple, l’origine divine d’Adoniram est suggérée par un motif de cornet à piston et de trombone symbolisant sa puissance originelle. C’est là une petite nouveauté, un procédé qui sera repris dans tout l’opéra, songez par exemple à « Tosca « célèbre pour l’usage répété des leitmotivs. Pour trouver un jugement objectif, on peut lire l’avis de musicologues avérés, capables de juger l’événement avec du recul et sans parti pris. Mais là, même avec le temps, ce n’est pas l’enthousiasme qui prédomineŠ On cite habituellement l’air du choeur des jeunes filles juives et sabéennes, deux airs de Balkis et une marche empruntée au livret d’ » Ivan le Terrible « .
Alors livret insipide ou partition d’orchestre bâclée, critique injuste ou moment mal choisi, non-observance des règles mélodramatiques élémentaires ? Il est vrai qu’il est difficile de se prendre de sympathie pour les protagonistes. Comme le résumait de façon lapidaire le critique Johannes Weber dans » Le Temps « le 14 mars 1862 : » Quel intérêt peut éveiller une pièce où les six personnages les plus importants sont sots et ridicules, quand ils ne sont pas lâches, fourbes, scélérats et repoussants « . Il est vrai qu’Adoniram apparaît bien suffisant, parfois méprisant, y compris vis à vis de Balkis et qu’il ne doit son salut qu’à une intervention divine. Enfin, pour susciter l’empathie, le personnage principal doit être confronté au choix entre l’idéologie et l’amour or nul trace ici d’un tel déchirement. Les recettes habituelles d’une bonne intrigue sont donc absentes.
Cet échec restera une blessure majeure pour Charles Gounod qui à côté de quelques opéras mineurs, voire à peine joués quelques jours, a commis au moins trois chefs-d’oeuvre qui ont fait le tour du monde avec » Faust » , » Roméo et Juliette « et » Mireille « . Il confia même à un critique allemand qu’il avait entrepris un voyage pour se consoler d’un deuil familial en lui disant : » J’ai perdu une femme que j’aimais profondément : la Reine de SabaŠ « . Cet échec sera aussi à l’origine d’un épisode dépressif qui sera l’occasion pour lui de séjourner quelques temps chez son fidèle ami le Dr Blanche.
Ne pouvait-on donner une seconde chance à » La Reine de Saba « ? Sans doute pas de sitôt, car monter un opéra nécessite un long travail impliquant de nombreuses personnes : chef d’orchestre, metteur en scène, musiciens de l’orchestre et des choeurs, solistes, danseurs, chef de choeur et de ballet, costumiers et maquilleurs, décorateurs, machinistes quand ils ne sont pas en grève, etcŠ Si le succès commercial n’est pas là rapidement, il vaut mieux s’arrêter à temps. « La Reine de Saba « fut rejouée une fois en 1900 sans grand succès, une autre en 1969 à Toulouse sous la direction de Michel Plasson, dans une version avec de multiples coupures et vient donc enfin d’être donnée et enregistrée en Italie dans une version approximative. Enfin cette année, à Saint-Etienne, l’opéra est à nouveau joué, dans une version complète avec d’excellents ballets. Mais qu’il soit donc passé à la trappe en 1862 n’est pas étonnant et Charles Gounod connût d’autres échecs relatifs avec d’autres opéras: « La Nonne sanglante, Cinq-Mars, Polyeucte, Philémon et Baucis, Sapho, le Tribut de Zamora « . Ces titres ne sont guère connus et pour cause !
Le texte du livret est quand même bien curieux pour avoir été accepté par ce compositeur qui ne fut jamais Franc-Maçon, même s’il appelait sa chambre sa » Loge « , durant son séjour à la Villa Médicis à Rome.
Mais au fait, d’où vient-il ce livret ?
Relisons la page de garde de la partition de la maison Choudens : » La Reine de Saba, grand opéra en 5 actes de MM. Jules Barbier et Michel Carré mis en musique et dédié à son Excellence Monsieur le Comte Walewski-Colonna, ministre d’Etat, par Charles Gounod. Partition chant et piano arrangée par Georges Bizet -Paris, Choudens éditeur « .
On constate donc qu’il n’y est nullement fait référence à Gérard de Nerval dans cet intitulé. Cela pourrait s’expliquer honorablement par le fait qu’il pouvait être malséant ou simplement pas très commercial de rappeler le nom d’un écrivain suicidé et fou de surcroît. Le » fol délicieux « , le « suicidé de la société « , était mort, paix à ses cendres. Notons aussi au passage, qu’il n’avait pas d’héritiers pour défendre sa mémoireŠ
Pourtant c’est bien Gérard de Nerval qui fut l’inspirateur de cette histoire d’amour, histoire malheureuse bien sûr, comme il les aimait tant, blessé qu’il fut dans sa jeunesse par la non concrétisation de ses aspirations romantiques. Nerval a fréquenté un certain nombre d’illuminés, mais aussi de poètes de renom, souvent Francs-Maçons, très probablement sans l’être lui-même. S’il l’avait été, rassurez-vous les Francs-Maçons l’aurait revendiqué depuis longtemps ! Ainsi certains exégèses ont voulu à travers l’analyse de son portrait par E. Gervais, en déduire que son attitude, sa posture, la position de ses mains etcŠ révélaient qu’il était Maître Secret (4ème degré), voire Maître Parfait ( 5èmeème siècle, la multiplication des grades et rites, comme par exemple les 99 degrés de celui dit de » Memphis Misraïm « , font que toutes les poses immortalisées sur un daguerréotype doivent pouvoir donner lieu à des élucubrations fantasmatiques sur l’appartenance maçonnique éventuelle du poseur ! degré). Or, il est rare qu’on se prévale de ces tous premiers degrés des Hauts Grades et par ailleurs, surtout au 19
Mais d’ailleurs, est-ce primordial de connaître l’appartenance maçonnique éventuelle d’un auteur ? Cette particularité maçonnique n’a pas forcément la même valeur pour chacun. Deux baptisés catholiques ont-il pour autant la même foi ? On doit pouvoir être Maçon et n’avoir rien compris à la maçonnerie, de même qu’un non-Maçon peut avoir compris la portée de son symbolisme. C’est la thèse qui prévaudrait pour Gérard de Nerval. Il ne serait pas maçon, mais aurait une profonde connaissance des textes fondamentaux et des rites déjà divulgués au 19ème siècle. Il faut dire qu’avec sa traduction du Faust de Goethe, Gérard de Nerval fut rapidement au contact d’une littérature symbolique. Notons bien sûr que Charles Gounod a commis son chef d’oeuvre avec précisément ce même Faust du même auteur quelques années auparavant. C’est sa mère, Victoire Lemachois, qui lui avait glissé dans ses bagages la traduction qu’en avait faite Gérard de Nerval, lors de son départ à la Villa Médicis. Néanmoins ce thème a été couramment utilisé par les musiciens avec entre autres Boïto, Liszt, Schuman, Berlioz etcŠ
Par contre la légende d’Hiram servant de base aux rituels maçonniques de l’époque existait déjà, sous une forme condensée, retransmise en partie par voie orale. Il est vrai qu’Hiram est déjà cité dans la Bible ! Nerval l’a donc sciemment reprise à son propre compte pour en faire une assez longue nouvelle, au sein du recueil » Voyage en Orient « , écrit en effet après avoir visité le moyen Orient et notamment l’Egypte. On y appréciera la fluidité de sa prose et la clarté du propos sans adjonction de délires interprétatifs. On trouvera un symbolisme plus onirique dans d’autres oeuvres de Gérard de Nerval, comme par exemple » Aurélia « . La thèse qui prévaut tendrait donc à penser que l’auteur n’était pas Maçon, mais qu’il connaissait bien les rituels. Il a pu même s’amuser dans sa correspondance à laisser traîner quelques signes ambigus évocateurs. Par exemple, il se targue d’être » louveteau « , terme d’origine anglo-saxonne réservé à un mineur parrainé par un Maçon, comme il existe des » lionceaux « » Lyons « . Peut-être voulait-il seulement faire référence au fait que son père, le Dr. Labrunie, était maçon, tout comme le Dr. Blanche d’ailleurs. Enfin, certains ont même pu être convaincus de sa qualité maçonnique en justifiant néanmoins son absence des tableaux de Loges officiels par l’appartenance à une Loge » sauvage « , c’est à dire non inféodée aux obédiences officielles. L’argument devient spécieuxŠ parrainés par les membres du
Alors quid de Gérard de Nerval librettiste ?
Il faut tout d’abord savoir que l’écrivain avait un goût prononcé pour la musique. Il a ainsi fréquenté les plus grands musiciens de son temps : Liszt, avec qui il avait le projet d’écrire un » Second Faust « , Berlioz, Meyerbeer et Rossini. Il rêvait depuis longtemps d’écrire un livret d’opéra, dans le but avoué d’en offrir le rôle principal à l’élue de son coeur Jenny Colon. Il avait d’ailleurs projeté de réécrire le livret de » La Flûte enchantée « , ni plus ni moins ! Mais là, il envisageait pour la cantatrice de lui offrir le personnage de Balkis, Reine du Matin et non celui de la Reine de la Nuit qu’elle avait déjà chanté ! Gérard de Nerval avait dans un premier temps essayé de concrétiser son projet d’opéra avec Meyerbeer, qui avait connu le succès parisien en 1831 avec son » Robert le Diable « et qui était notoirement Franc-Maçon, mais ce désir ne fut pas couronné de succès, car celui-ci était pris par un autre sujet à ce moment. Nerval aurait pour cela écrit le premier acte et lui aurait envoyé, mais Meyerbeer l’aurait » gardé sous le coude » quelques années sans y donner suite et ensuite on n’en a plus trouvé la trace. Quelques années plus tard Nerval voyageant au Proche Orient en 1843, ayant enrichi sa connaissance du monde arabe insère alors l’histoire de Balkis au sein de nouvelles que narre un conteur professionnel dans un café turc. C’est d’ailleurs la façon dont se présentera la mise en scène lors de sa reprise cette année à Saint-Etienne, reprenant l’artifice du théâtre dans le théâtre cher à Shakespeare. Mais si Nerval en a probablement tiré effectivement un livret d’opéra en cinq actes, celui-ci a bien disparu.
Diverses hypothèses sont donc échafaudées :
- La dédicace de l’opéra au Comte Walewski propose une première piste. Le ministre dirigeait le journal » Le Messager » auquel Gérard de Nerval aurait aimé collaborer et les liens entre eux furent étroits. Or Alexandre Walewski fît jouer au Théâtre Français une comédie dont il s’attribua la paternité : » L’Ecole du Monde ou la Coquetterie sans le savoir « , laquelle aurait en fait été écrite par M. Gérard (comme on nommait Gérard de Nerval à l’époque). Certains inclinent donc à penser que Walewski aurait pu avoir le livret complet de » La Reine de Saba « et que devenu ministre d’un état autoritaire, il aurait pu le faire signer par Barbier et Carré devenus fournisseurs attitrés de Gounod et en accepter la dédicace. Dans le plan manuscrit de ses oeuvres complètes, quelques jours avant sa mort, Nerval à la rubrique » sujet » écrit : » La Reine de Saba, 5a . Halèvy « , ce qui dans sa terminologie pourrait signifier qu’il ne s’agissait que d’un projet, car quand ceux-ci étaient achevés, c’était en règle précisé.
- Deuxième hypothèse à partir d’une certitude : Nerval connaissait Michel Carré. On trouve ainsi dans sa correspondance une lettre du 7 mars 1854 concernant un projet d’opéra comique sur le thème de son proverbe » Corilla « . On peut imaginer qu’il aurait plus tard reçu un livret complet de » La Reine de Saba « et qu’il l’aurait adapté en le simplifiant. Ou encore, puisque Meyerbeer avait reçu le premier acte, la suite a peut-être existé et aurait pu être retrouvé dans les archives de l’Opéra, où les librettistes l’auraient retrouvée et adaptée, honorant ainsi la mémoire de l’écrivain dans un » pieux larcin « Š Notons que la première rencontre entre Charles Gounod et ces fameux librettistes eut lieu en 1856.
La troisième hypothèse reste la plus vraisemblable : puisqu’il s’agissait d’un désir exprimé de la part de Nerval, Barbier et Carré auraient eux-même écrit entièrement le livret à partir des » Nuits du Ramazan « , avec une adaptation très proche du texte à quelques exceptions près que leur connaissance de l’opéra leur suggérait. Quelques éléments de la nouvelle de Nerval se trouvent transformés dans un souci d’efficacité lyrique et mélodramatique. Ainsi par exemple, il est malséant de mourir dès le début d’un opéra et donc Bénoni, le fidèle et dévoué apprenti qui meurt avant la fonte de la mer d’airain chez Nerval survivra chez Gounod. Pour ce qui est de l’écriture, partant du texte initial, les librettistes en font une réduction en prose pour la versifier secondairement. Si le procédé » colle au texte » facilement pour une pièce de théâtre, il en est bien entendu tout autre pour un récit romanesque, la description des lieux et des actions ne se prêtant guère à la forme narrative, sauf à imaginer l’intervention d’un récitant, qui casse toujours un peu l’ambiance et le rythme. L’absence in fine du nom de Nerval obéissant donc comme on l’a vu, à des règles de » marketing « , plus qu’à une volonté éhontée de plagiat.
Une dernière hypothèse est soulevée par André Lebois. On ne présente à un compositeur avéré qu’une oeuvre complète. Le livret de » la Reine de Saba « existerait donc, peut-être rédigé avec l’aide de Michel Carré et puisque Meyerbeer est indisponible, Nerval s’adresse à Halévy, qui en est le poulain et qui vient d’écrire » Charles VI « et » la Reine de Chypre « . Cela faisait beaucoup de souverains et craignant peut-être la raillerie en ajoutant une » Reine de Saba « , Halévy déclina l’offre. Et ce serait alors Halévy qui aurait fait appel à Gounod et Bizet (qui avait épousé la fille d’Halèvy) en a donc arrangé la partition pour piano. Barbier et Carré auraient purement gardé le livret de Nerval, avec pour toute contribution la suppression du tableau de la descente aux enfer, car » Faust « avait déjà présenté la » Nuit de Walpurgis « , et cela aurait un peu fait doublon. Ils auraient rajouté, car Gounod appréciait cette forme musicale, la scène du choeur des juives et des sabéennes. Le livret original de Nerval n’a jamais été retrouvé, il aurait évidemment été détruit, peut être par Nerval lui-même d’ailleurs. Cette hypothèse n’est évidemment pas la plus glorieuse, elle reste hélas plausible, Gérard de Nerval s’étant fait dépossédé de plusieurs projets au cours de sa carrière.
Son oeuvre ne sera donc mise en musique que quinze ans après son projet initial. Gérard de Nerval était déjà mort depuis quelques années, Jenny Colon aussi. On ne trouve donc pas trace dans sa correspondance d’un projet avec Charles Gounod. L’avait-il évoqué entre eux où n’était-ce que le fruit des intermédiaires ? On ne le saura jamais. Et s’ils ont tous deux fréquenté la maison du Dr Blanche, c’est de façon indépendante dans le temps et par ailleurs, Gérard de Nerval n’assistait pas aux réunions musicales qu’organisait le psychiatre.
Alors puisque ni le compositeur ni l’écrivain n’étaient Francs-Maçons, peut être faudrait-ils s’intéresser aux librettistes ? Car à part Wagner qui écrivait les textes de ses opéras, habituellement les compositeurs font appel à des librettistes. Ceux-ci sont en quelques sortes les paroliers qui à partir d’un thème littéraire proposent des paroles pour le mettre en musique. C’est une écriture en règle réductrice mais efficace, comme pour le dialoguiste au cinéma. Pour n’avoir pas eu recours à un librettiste de métier, Claude Achille Debussy s’est retrouvé dans une impasse quand il s’est agit d’écrire un opéra du nom d’ » Orphée « . Il y avait une inadéquation entre le style littéraire que lui proposait le Dr Segalen et l’efficacité d’une écriture nécessairement plus concise. C’est sans doute pour cela que les poèmes peuvent néanmoins être plus facilement mis en musique. En l’occurrence pour Charles Gounod, il s’agissait de ses librettistes attitrés de longue date, Barbier et Carré, dont les autres livrets connus ne sont nullement maçonniques et qui n’étaient pas Francs-Maçons eux-même. Toutefois le livret reste in fine sous la responsabilité du compositeur et il est douteux qu’on ait pu lui faire accepter une telle histoire sans son assentiment. Il ne s’agissait en effet pas d’une quelconque légende appartenant à la culture commune de cette époque, même si le goût pour l’orientalisme était naissant. Charles Gounod, était en effet un catholique fervent, ayant même passé quelques temps au séminaire en se prévalant à l’époque du titre d’abbé. Plus tard il composera de nombreuses messes, oratorio, Te Deum, Requiem, Gloria, Ave Maria, pièces pour orgue, marche pontificale etcŠ La Maçonnerie d’alors, non pas dans ses principes mais dans sa sociologie, était assez anticléricale et cela paraît assez antinomique avec sa personnalité. Charles Gounod était homme de grande culture, fin lettré et ami de tout le monde artistique de l’époque. Chrétien catholique convaincu, tendance christianisme social, il avait su se frotter aux philosophes et découvrir que l’Amour de l’autre était la seule solution durable pour la sauvegarde de notre univers. Mais si on retrouve dans sa correspondance une lettre du Sâr Peladan, nulle trace par contre de la Maçonnerie, organisation qu’il ne pouvait méconnaître. Quant à la légende d’Hiram, elle préexiste bien entendu à l’oeuvre de Gérard de Nerval, puisque la naissance de la Maçonnerie en tant que corps constitué, date de 1717, à l’époque des Constitutions d’Anderson qui en fixent les principes et règlements. Gérard de Nerval, intéressé de longue date par divers courants ésotériques a donc repris de façon enjolivée et romantique la légende qui servait de support au rituel maçonnique, sous forme d’un conte d’une centaine de pages où figurent quelques belles considérations sur la vanité du pouvoir temporel et la fragilité des institutions et civilisations qui reposeraient sur un principe ou une base matérielle fragiles. Pour autant, certains chapitres reprennent mot pour mot des phrases des rituels maçonniques, tels qu’ils étaient déjà dévoilés à l’époque, venant par exemple au chapitre intitulé » Makbenah » expliciter une phase essentielle du rituel de la maîtrise.
Cet opéra reste donc un mystère : comment l’oeuvre la plus explicitement maçonnique du répertoire français du 19ème peut-elle être le fruit d’un non-Maçon ? Reste que ce compositeur a peut-être été Franc-Maçon sans que je le sache, mais outre que la Maçonnerie a tendance à se glorifier de ses membres célèbres et que je ne l’ai jamais entendu nommer à ce titre, il me semble que je l’aurais de toutes façon su, puisque ce compositeur était donc mon arrière-arrière grand-père et qu’à travers ses objets personnels ou sa nombreuse correspondance, nulle allusion n’a jamais été retrouvée concernant la Maçonnerie.
- Alors s’agissait-il d’une incartade volontaire et éclairée, fut-ce un incident de parcours non significatif, ou Charles Gounod fut-il la victime involontaire d’un intermédiaire parfaitement au courant, le secret n’est pas prêt d’être élucidé !
Nicolas GOUNOD, Mars 2003
Bibliographie :
- « Gounod » par J.G . Prod’homme et A. Dandelot (Librairie Charles Delagraves, 1911)
- « Voyage en Orient » de Gérard de Nerval
- « Les musiciens et la Franc-Maçonnerie » de Gérard Gefen (Les chemins de la musique chez Fayard)
- « La légende d’Hiram et les initiations traditionnelles » de Daniel Beresniak, édité par l’auteur en 1976
- « Gérard de Nerval » in Encyclopedia Universalis
- « La Franc-Maçonnerie rendue intelligible à ses adeptes, volume 3, le Maître », d’Oswald Wirth chez Dervy.
- « La musique maçonnique et les musiciens » de Roger Cotte en 1987
- « Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie » de Daniel Ligou, Paris 1987
- « Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie et des Francs-Maçons » d’Allec Mellor, Paris 1975
- « Histoire générale de la Franc-Maçonnerie » de Paul Naudon, Paris 1987
- La Bible, Livre des Rois.
- L’oeuvre de Gérard de Nerval, dans » La Pléiade » annotée par Albert Béguin et Jean Richer
- Gérard de Nerval et les doctrines ésotériques, par Jean Richer en 1947
- « Histoire de la Reine du Matin et de Soliman Prince des génies » ou « Les extravagances de Gérard de Nerval ». Revue Quo Vadis ?
- Gérard de Nerval, librettiste, Ecrits de Paris de juillet 1971 et janvier 1972 par André Coeuroy.
- « Fabuleux Nerval » en 1972 chez Denoël, par André Lebois
Discographie :
- « La Reine de Saba » de Charles Gounod
* avec Francesca Scaini, Jean-Won Lee, Anna Lucia Alessio, Annalisa Carbonara, Luca Grassi, Salvatore Cordella. Direction Manlio Benzi. Bratislava Chamber Choir. Orchestra Internazionale d’Italia. 2002. Dynamic. CDS 387/1-2
* avec Suzanne Sarroca, Gérard Serkoyan, Gilbert Py, Yvonne Dalou, Jean-Paul Calfi, Henry Amiel, Gerad Blatt. Direction Michel Plasson. Toulouse 1969.
* Extraits: air de Balkis « Plus grand dans son obscurité », Françoise Pollet, Orchestre philharmonique de Montpellier, direction Cyril Diederich, 1CD Erato Musifrance 1990.
* Extraits: « Valse » du 2e Acte, London Symphony Orchestra, Direction Richard Bonynge; ‘Ballet Gala &endash;Ballet Music from Opera’ (avec oeuvres de Rossini, Donizetti, Massenet, Berlioz, Saint-Saëns). Enregistré: 1972, Decca 444 198-2
* Air D’Adoniram par Gustave Botiaux Récital n°3 ORPHEE LDO B 21051-51052
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