Les traductions des « vers d’Or » sont nombreuses, celle de Mario Meunier est à la fois élégante et fidèle, il a également traduit les commentaires d’Hieroclès.Celle que Fabre d’Olivet (1768 – 1825) publia en 1813, est moins fidèle au mot à mot, plus poétique, elle incite à la méditation.
Les travaux sur Pythagore sont nombreux et nous n’en citerons aucun : le petit livre d’Ivan Gobry « Pythagore ou la naissance de la philosophie », dans la collection Philosophes de tous les temps, chez Seghers, est un condensé très complet de la doctrines et des principales études sur Pythagore.
L’apport de pythagoriciens aux Arts Libéraux est déterminant par les rapports qu’ils établissent entre eux, tous connaissent le théorème de Pythagore qui n’est autre que la 47° proposition du Premier livre des éléments d’Euclide et sa table de multiplication. Si l’on en croit Boëce, c’est a son école que l’on doit des connaissance musicales étonnantes pour l’époque. (Il est difficile de se défaire de la tendance à croire que les anciens nous étaient inférieurs).
Sa distinction entre le chiffre et le nombre, ce dernier représentant l’harmonie de la nature, est importante, même si elle a dégénéré en superstitions idiotes.
* * * * * * * * * *
Traduction de Mario MEUNIER
l’Artisan du livre 1931 (1ère éd. 1925)
Editions de la Maisnie – Guy TREDIANEL – 1993
Honore en premier lieu les Dieux immortels dans l’ordre qui leur fut assigné par la Loi.
Respecte le Serment. Honore ensuite les Héros glorifiés.
Vénère aussi les Génies terrestres, en accomplissant tout ce qui est conforme aux lois.
Honore aussi et ton père et ta mère et tes proches parents.
Entre les autres hommes, fais ton ami de celui qui excelle en vertu.
Cède toujours aux paroles de douceur et aux activités salutaires.
N’en viens jamais, pour une faute légère, à haïr ton ami,
quand tu le peux: car le possible habite près du nécessaire.
Sache que ces choses sont ainsi, et accoutume-toi à dominer celles-ci :
la gourmandise d’abord, le sommeil, la luxure et l’emportement.
Ne commets jamais aucune action dont tu puisses avoir honte, ni avec un autre,
ni en ton particulier. Et, plus que tout, respecte toi toi-même.
Pratique ensuite la justice en actes et en paroles.
Ne t’accoutume point à te comporter dans la moindre des choses sans réfléchir.
Mais souviens-toi que tous les hommes sont destinés à mourir :
et parviens à savoir tant acquérir que perdre les biens de la fortune.
A l’égard de tous les maux qu’ont à subir les hommes de par le fait des arrêts augustes du Destin,
acceptes-les comme le sort que tu as mérité; supporte-les avec douceur et ne t’en fâche point.
Il te convient de remédier, dans la mesure que tu peux. Mais pense bien à ceci :
que la Destinée épargne aux gens de bien la plupart de ces maux
Beaucoup de discours, lâches ou généreux, tombent devant les hommes;
ne les accueille pas avec admiration, ne te permets pas de t’en écarter.
Mais si tu vois qu’on dit quelque chose de faux supporte-le avec patience et douceur.
Quant à ce que je vais te dire, observe-le en toute circonstance.
Que jamais personne, ni par ses paroles ni par ses actions, ne puisse jamais
t’induire à proférer ou à faire ce qui pour toi ne serait pas utile.
Réfléchis avant d’agir, afin de ne point faire des choses insensées,
car c’est le propre d’un être malheureux de proférer ou de faire les choses insensées.
Ne fais donc jamais rien dont tu puisses avoir à t’affliger dans la suite.
N’entreprends jamais ce que tu ne connais pas; mais apprends
tout ce qu’il faut que tu saches, et tu passeras la vie la plus heureuse.
Il ne faut pas négliger la santé de ton corps,
mais avec mesure lui accorder le boire, le manger, l’exercice,
et j’appelle mesure ce qui jamais ne saurait t’incommoder.
Habitue-toi à une existence propre, simple :;
et garde-toi de faire tout ce qui attire l’envie.
Ne fais pas de dépenses inutiles, comme ceux qui ignorent en quoi consiste le beau.
Ne sois pas avare non plus: la juste mesure est excellente en tout.
Ne prends jamais à tâche ce qui pourrait te nuira, et réfléchis avant d’agir.
Ne permets pas que le doux sommeil se glisse sous tes yeux,
avant d’avoir examiné chacune des actions de ta journée.
En quoi ai-je fauté ? Qu’ai-je fait ? Qu’ai-je omis de ce qu’il me fallait faire ?
Commence par la première à toutes les parcourir. Et ensuite,
si lu trouves que tu as commis des fautes, gourmande-toi; mais, si tu as bien agi, réjouis-toi.
Travaille à mettre ces préceptes en pratique, médite-les; il faut que tu les aimes,
et ils te mettront sur les traces de la vertu divine,
j’en jure par celui qui transmit à notre âme le sacré Quaternaire,
source de la Nature dont le cours est éternel.Mais ne commence pas à prendre à tâche une oeuvre
sans demander aux Dieux de la parachever. Quand tous ces préceptes te seront familiers,
tu connaîtras la constitution des Dieux Immortels et des hommes mortels, tu sauras
jusqu’à quel point les choses se séparent, et jusqu’à quel point elles se rassemblent.
Tu connaîtras aussi, dans la mesure de la Justice, que la Nature est en tout semblable à elle-même,
de sorte que tu n’espéreras point l’inespérable, et que plus rien ne te sera caché.
Tu sauras encore que les hommes choisissent eux-mêmes et librement leurs maux,
misérables qu’ils sont; ils ne savent ni voir ni entendre les biens qui sont près d’eux.
Peu nombreux sont ceux qui ont appris à se libérer de leurs maux.
Tel est le sort qui trouble les esprits des mortels, Comme des cylindres,
ils roulent çà et là, accablés de maux infinis.
Innée en eux, en en effet, l’affligeante Discorde les accompagne et leur nuit sans qu’ils s’en aperçoivent;
il ne faut point la provoquer, mais la fuir en cédant.
O Zeus, notre père, tu délivrerais tous les hommes des maux nombreux qui les accablent,
si tu montrais à tous de quel Génie ils se servent !
Mais toi, prends courage, puisque tu sais que la race des hommes est divine,
et que la Nature sacrée leur révèle ouvertement toutes choses.
Si elle te les découvre, tu viendras à bout de tout ce que je l’ai prescrit;
ayant guéri ton âme, tu la délivreras de ces maux.
Mais abstiens-toi des aliments dont nous avons parlé, en appliquant ton jugement
à tout ce qui peut servir à purifier et à libérer ton âme. Réfléchis sur chaque e chose,
en prenant pour cocher l’excellente intelligence d’en-haut.
Et si tu parviens, après avoir abandonné ton corps, dans le libre éther,
tu seras dieu immortel, incorruptible, et à jamais affranchi de la mort.
LES VERS DORES DES PYTHAGORICIENS
Traduction de FABRE D’OLIVET (1813)
PRÉPARATION
Rends aux Dieux Immortels le culte consacré;
Garde ensuite ta foi : révère la mémoire
Des Héros bienfaiteurs, des Esprits Demi – Dieux
PURIFICATION
Sois bon fils frère juste, époux tendre et bon père
Choisis pour ton ami l’ami de la vertu,
Cède à ses doux conseils, instruis – toi par sa vie
Et pour un tord léger ne le quitte jamais,
Si tu le peux du moins: car une loi sévère
Attache la puissance à la Nécessité.
Il t’est donné pourtant de combattre et de vaincre
Tes folles passions; apprends à les dompter,
Sois sobre, actif et chaste; évite la colère.
En public, en secret, ne te permets jamais
Rien de mal; et surtout respecte – toi toi – même.
Ne parle ni n’agis point sans avoir réfléchi,
Sois juste. Souviens – toi qu’un pouvoir invincible
Ordonne de mourir; que les biens , les honneurs
Facilement acquis sont faciles à perdre.
Et quant aux maux qu’entraîne avec soi le Destin
Juge – les ce qu’ils sont: supporte – les et tâche
Autant que tu pourras d’en adoucir les traits:
Les Dieux aux plus cruels n’ont pas livré les sages.
Comme la Vérité, l’erreur a ses amants:
Le philosophe approuve ou blâme avec prudence
Et si l’erreur triomphe, il s’éloigne, il attend.
Écoute et grave bien en ton cœur ces paroles:
Ferme l’œil et l’oreille à la prévention;
Crains l’exemple d’autrui, pense d’après toi – même
Consulte, délibère et choisis librement.
Laisse les fous agir sans but et sans cause.
Tu dois dans le présent contempler l’avenir;
Ce que tu ne sais pas, ne prétends pas le faire;
Instruits – toi: tout s’accorde à la constance, au temps.
Au corps les aliments, à l’esprit le repos.
Trop ou trop peu de soins sont à fuir car l’envie
A l’un et l’autre excès s’attache également.
Le luxe et l’avarice ont des suites semblables
Il faut choisir en tout le milieu juste et bon.
PERFECTION
Que jamais le sommeil ne ferme ta paupière
Sans t’être demandé: Qu’ai – je omis? Qu’ai-je fait
Si c’est mal abstiens – toi, si c’est bien persévère.
Médite ces conseils, aime – les , suis – les tous:
Aux divines Vertus ils sauront te conduire.
J’en jure par celui qui grava dans nos coeurs
La Tétrade sacrée, immense et pur symbole,
Source de la Nature et modèle des Dieux.
Mais qu’avant tout ton âme , à son devoir fidèle,
Les Dieux dont les secours
Peuvent seuls achever tes oeuvres commencées.
Instruit par Eux, alors rien ne t’abusera:
Des êtres différents tu sondera l’essence,
Tu connaîtras de Tout le Principe et la fin
Tu sauras, si le Ciel le veut, que la Nature,
Semblable en toutes choses est la même en tous lieux.
En sorte qu’éclairé sur les droits véritables,
Ton coeur, de vains désirs ne se repaîtra plus.
Tu verras que les maux qui dévorent les hommes
Sont le fruit de leurs choix et que ces malheureux
Cherchent loin d’eux les maux dont ils portent la source.
Peu savent être heureux: jouets des passions,
Tour à tour ballottés par des vagues contraires.
Sur une mer sans rive, ils roulent aveuglés,
Sans pouvoir résister ni céder à l’orage.
Dieux vous les sauveriez en dessillant leurs yeux…
Mais non, c’est aux humains dont la race est divine
A discerner l’erreur, à voir la Vérité.
La Nature les sert, toi qui l’a pénétrée
Homme sage, homme heureux, respire dans le port.
Mais observe ses Lois , en t’abstenant des choses
Que ton âme doit craindre en les distinguant bien,
En laissant sur ton corps régner l’intelligence,
Afin qu’en t’élevant dans l’Ether radieux
Au sein des Immortels, tu sois un Dieu toi – même.
Les textes ci-dessus ont été informatisés par R. D., qu’il en soit remercié !
Ils évoquent l’adage : La simplicité est le sceau de la Vérité.
Tout mythe enferme implicitement la consécration de l’antique aphorisme : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas». Ce qui revient à dire que tout mythe est le résumé ingénieux, poétique, imagé, d’une double action conjointement accomplie sur plan hylique et sur le plan divin.
Ce mythe, résumons-le d’après le magnifique ouvrage de M. Decharme, sur la mythologie de la Grèce.
Sémélé, fille de Cadmus, est aimée de Zeus qui la féconde en descendant sur elle sous la forme d’une pluie d’or, mais cette mystique communion ne suffit pas aux passionnelles aspirations de Sémélé. Comme la Sophia gnostique, elle veut contempler le Dieu dans la splendeur de sa gloire, au milieu de sa foudre et de ses éclairs. Mais les feux divins l’éblouissent et la consument et, en mourant, elle laisse échapper son fruit que Zeus enferme dans sa cuisse jusqu’à l’époque où l’enfant sera viable. Remarquons, en passant, ainsi que le fait M. Decharme, l’analogie de la naissance de Bacchus avec celle du Soma des Védas, le Soma est, lui aussi, recueilli dans la cuisse d’Indra et son surnom est Vinas, l’aimé, comme plus tard Bacchus deviendra οἶνος, Vinum, le Vin. De Vinos, on peut aussi rapprocher le dorien φιντατοσ, Très aimée, pour φιλατοσ.
Bacchus, une fois issu de la cuisse de Zeus est confié aux Nymphes de Nysa, d’où il tire son nom grec de Dionysios. Elles l’élèvent au fond d’une grotte tapissée de vignes. Devenu grand, Bacchus goûte au fruit de ces vignes, ses nourrices l’imitent, et les voilà transportées d’une volupté nouvelle, gravissant les collines, pénétrant dans l’épaisseur des taillis, faisant éclater partout leurs cris de joie.
Le plus élémentaire évhémérisme explique le sens matériel de cette légende. Sémélé, c’est la Terre, en qui l’ondée bienfaisante symbolisée par Zeus, vient développer le germe vital de la vigne. Le cep sort du sol, s’élance vers le ciel, mais l’ardeur solaire brûle le sol ; le raisin périrait s’il ne se cachait sous le feuillage et surtout si le ciel ne se couvrait de nuages.
D’autre part, les Nymphes, les Hyades, nourrices de Bacchus, représentent les sèves vivifiantes et peut-être aussi les pluies rafraîchissantes. Quant aux courses de Bacchus à travers le monde, il n’est pas difficile d’y voir le développement successif de la culture de la vigne dans les diverses régions de l’univers.
Jusqu’ici nous n’avons pas, ce semble, quitté le plan hylique ; naissance et culture de la vigne, production d’un breuvage enivrant, etc. Et pourtant, insensiblement, nous arrivons au plan divin. Ouvrons, en effet, le catéchisme gnostique, que notre vaillant coopérateur, l’évêque Sophronius vient de livrer à l’édification des Parfaits. Il y est dit que le Christ, entre autres manifestations, se présente sur la terre sous les apparences de la boisson fermentée. La boisson est le jus fermenté tiré soit des tiges du sarcostemma viminatie, soit des fruits de la vigne. Le sarcostemma était coupé en morceaux ; ceux-ci étaient écrasés dans un mortier au moyen d’un pilon et le jus filtré était placé dans un vase où on le laissait fermenter. Au bout de trois jours, le Soma était prêt. On sait comment se prépare le vin. Or du Soma aussi bien que du vin on tire l’eau-de-vie ou l’eau-de-feu, qui brûle avec flamme. Le vin et le Soma contiennent donc le feu, le Christ. Celui-ci a dit d’ailleurs par la bouche de léshu : « Je suis la vraie vigne » et montrant le vin : « Ceci est mon sang ».
Voici d’ailleurs que Bacchus est devenu un Dieu phallique, ainsi qu’il appert de la description que Plutarque nous donne de la Fête des Dionysies, c’est-à-dire une puissance féconde et créatrice, et aussi un Dieu de beauté, de grâce souveraine, de suggestive esthétique, ainsi qu’il résulte de la Fête des Anthestéries, ces pâques fleuries du paganisme. C’est encore un Dieu de bonté, un bienfaiteur de l’Humanité, s’opposant au farouche Arès, ce Démiurge hellénique, ainsi que l’indique S. G. Sophronius :
« Né bienfaisant et épris de gloire (de gloire pacifique, il faut entendre) Man (Bacchus) voulut faire participer les hommes aux utiles découvertes dont la cité céleste avait été dotée par les rois et enseigner au monde l’usage du blé et du vin. Il partit donc à la tête d’une armée considérable (une armée d’apôtres, il est à supposer) et visita un grand nombre de peuples, qui le reçurent comme un dieu, puisqu’il apportait partout l’abondance et la joie. »
Des influences asiatiques ne tardèrent pas à intervenir, qui transformèrent le concept initial du Dionysios grec en « un adolescent aux joues imberbes, au teint délicat, à la figure virginale, qu’encadrent les boucles flottantes d’une chevelure. À voir sa longue robe, sa molle et traînante démarche, sa grâce efféminée, on hésite à lui attribuer la nature masculine. C’est qu’en effet le génie religieux de l’Asie a marqué Dionysios de son empreinte, il en a fait un dieu à double nature, un symbole de l’Essence divine, qui embrasse tout, qui comprend tout qui se suffit à lui-même une divinité androgyne, comme Siva dans l’Inde où comme Astarté, en Syrie. » (Decharme. op. cit.).
Avec cette seconde phase, ou plutôt sous ce second aspect du mythe dionysiaque, nous voyons s’accuser de plus en plus le plan spirituel. Le dieu de Nysa devient une sorte d’incarnation delà Beauté éternelle, un vivant et merveilleux reflet des splendeurs du Plérome. Cette insexualité même, ou, pour mieux dire, cette fusion idéale des deux sexes, c’est le rêve sacré que la Gnose Valentinienne formulera dans le dogme de Bythos-Sigé, et dans celui des différentes Syzygios, qui en émanent.
Sans quitter le plan divin, où nous a amené cette épide, nous allons assister maintenant à une quasi-identification de Bacchus avec le Christ. Remarquez que cette nouvelle phase remonte, historiquement, au moins à cinq cents ans avant notre ère, mais cela soit dit, sans vouloir amoindrir les grandes choses de la foi chrétienne. Pour le divin, le temps n’est pas. Dans l’évolution historique, Bacchus a pu précéder Jésus : dans la réalité éternellement fixe de l’Au-delà, les deux ordres de faits se confondent, c’est là une vérité qu’on ne proclamera jamais assez haut, que cette inanité du temps dans le domaine divin.
Poursuivons. Comme le Fils de Miriam, Dionysios a ses souffrances, sa passion. Il a été surpris par les Titans qui, jaloux de lui, l’ont mis en pièces. Son cœur, échappé à leurs fureurs, a été recueilli par Pallas, et il est redevenu, au ciel, le centre d’une vie renaissante [1].
De là, la curieuse eucharistie pratiquée en Grèce, dès le temps de Thémistocle, sorte de banquet mystique où les Initiés mangeaient en commun la chair d’un taureau, qui était pour eux le propre corps de Bacchus. Pour comble de similitude, Iacchos qui est un des noms de Dionysios, n’est-il pas la traduction évidente du vocable hébraïque leschou ?
Bacchus fut ainsi que Jésus, l’objet d’une sorte de culte hystérique de la part des femmes. Ici, nous sortons du plan divin ou plutôt nous touchons à la ligne, ou plan di vin et plan hylique se copénètrent, à la région vague, où l’érotisme charnel se soude pour ainsi dire à la religiosité mystique dionysiaque, en vertu duquel, comme dit M. Decharme, « l’être humain affranchi de la raison, comme d’une entrave, n’obéissant qu’aux palpitations de son cœur et au délire de son cerveau, court se perdre dans l’objet inconnu de son adoration, auquel il abandonne la direction de sa vie et son âme tout entière », ce mysticisme, disons-nous, a sa frappante analogie dans les extases de Sainte-Thérèse et de Mme Guyon.
Desmarèts de Saint-Sorlin n’a-t-il pas écrit : « L’âme étant devenue un rien ne peut rien sentir ; quoi qu’elle fasse, n’ayant rien consenti, elle n’a pas péché. Par une dissolution entière de nous-mêmes, la vertu du Saint-Esprit s’écoule en nous, et nous devenons tout Dieu par une déformation admirable. »
Molinos n’a-t-il pas déclaré que les péchés sont une occasion d’humilité et une échelle pour monter au ciel ?
Enfin François de Sales lui-même n’a-t-il pas préconisé l’anéantissement de la volonté comme un idéal de perfection ?
Quant à ces fêtes orgiastiques, au cours desquelles les ménades échevelées se déchirent les seins et inondent les chemins de leur sang, n’est-ce pas une réalisation anticipée de ces tendances érotico-mystiques, qui feront surgir tour à tour les Flagellants du moyen âge, les ascètes des cloîtres et les convulsionnaires de Saint-Médard ?
[1] Ce détail du mythe dionysiaque a pu par voie d’atavisme, donner naissance au culte moderne du Sacré-Cœur, si mal compris de tous, et principalement de ceux qui le pratiquent.
La Sagrada Família, en catalan Temple Expiatori de la Sagrada Família est une basilique catholique (mineure) commencée en 1883, toujours en voie d’achèvement, on estime que les travaux seront achevés d’ici 2026. Elle est considérée comme le chef-d’œuvre d’Antoni Gaudí.
Sagrada Familia
La grandeur du projet et son style typiquement guadinien en ont fait l’un des principaux symboles de la ville, ainsi que l’une des étapes obligatoires du tourisme de masse ; en 2011 c’était le monument le plus visité d’Espagne, avec 3,2 millions de visiteurs devant le musée du Prado à Madrid.
Comme cela s’est produit précédemment pour les œuvres religieuses dont les œuvres sont destinées depuis plusieurs siècles (par exemple la Basilique de San Pietro ou le Duomo de Milan), l’église a été consacrée encore inachevée, le 7 novembre 2010, par Benoît XVI, qui l’a élevée au rang de basilique mineure.
Dans le temple de la Sagrada Familia, vous pouvez observer et rechercher de nombreux symboles liés au mystère.
Pour commencer on peut partir de la porte de la passion riche en symboles et plus précisément du carré du Sator qui est un carré contenant un plateau 5×5 où il est écrit : SATOR AREPO TENET OPERA ROTAS.
La particularité de cette phrase réside dans le fait que les lettres peuvent être lues indépendamment de gauche à droite ou inversement ou de bas en haut ou inversement et pour cette raison on l’appelle Palindrome. Dans la Kabbale , qui est une pratique ésotérique juive qui s’est répandue à partir du XIIe siècle. Il y a une équivalence entre des chiffres, des lettres ou des mots ou des phrases. Et c’est grâce à cette équivalence, cet échange entre les mots et les nombres que nous en sommes toujours venus à donner une explication de la création ou d’un mystère lié à Dieu.
Dans les églises médiévales qui représentaient la somme de toutes les théories, les palindromes sont nombreux, ce qui confirme une étude diversifiée des différentes religions par les architectes et les ouvriers qui les ont créés. Un très beau Sator peut également être vu à Sienne près du Duomo, sur lequel j’aimerais revenir plus tard avec un futur article.
Concernant le tableau magique sur la façade de la Passion de la Sagrada Familia, Gaudì a inséré des chiffres au lieu de lettres. Si nous essayons d’additionner n’importe laquelle des combinaisons nous arrivons toujours à 33 qui est l’âge de la mort de Jésus et que Gaudi a certainement voulu mettre en évidence, mais qui par coïncidence représente aussi le plus haut degré de la franc-maçonnerie le 33e degré du Rite Écossais et qui souligne à quel point l’architecte était au courant des théories kabbalistiques.
Dans la façade de la passion créée par Subirachs, un sculpteur catalan, quelques symboles sont insérés ; il n’est pas clair, cependant, si le sculpteur a repris l’idée originale de Gaudí. Sous la représentation de Veronica, qui se trouve à Lucques, se trouvent les symboles d’Alpha et d’Oméga, la première et la dernière lettre de l’alphabet grec. Ce sont des symboles stylisés et représentent le début et la fin du symbolisme chrétien, mais si nous les superposons, ils nous ramènent ausymbole de l’étoile de David placé à l’extérieur du temple du roi Salomon, un temple construit par Hiram à Jérusalem.
Une fois de plus nous sommes face à un symbole maçonnique .
Le Pélican, dans la porte de naissance, placé à la base du cyprès, symbole de la vie éternelle, représente l’Eucharistie selon la symbolique de l’ère paléochrétienne mais aussi le 18ème degré de la maçonnerie.
Aussi dans la porte de naissance on trouve l’œil de la providence divine et la pyramide. La pyramide est formée de roseaux à l’intérieur desquels se trouvent la Madone et une fontaine. Le triangle de simplification de la pyramide, est aussi un symbole maçonnique. L’œil représente Dieu.
La pyramide avec l’œil de Dieu est également présente sur la pièce de un dollar américain , un symbole probablement voulu par le franc-maçon Benjamin Franklin comme un souhait pour la nation naissante des États-Unis d’Amérique.
En revenant au Sacré, également sur la façade de la Naissance, une croix en Tau a été placée au sommet du cyprès. Le signe du Tau a des origines très anciennes remontant à la Bible ; il est présent dans le livre de la Genèse, dans Job et dans Ezéchiel qui dit : « Le Seigneur a dit : Traversez la ville, au milieu de Jérusalem et marquez un Tau sur le front des hommes qui soupirent et pleurent ».
Le Tau étant la dernière lettre de l’alphabet hébreu assume la même signification que l’oméga pour les chrétiens. Le Tau est un symbole très cher à Saint François d’Assise et pour cette raison il s’est beaucoup répandu au Moyen Âge. Il a été adopté par les écuyers des Templiers qui plus tard est devenu une croix au moment de l’investiture. Plus tard, il fut également utilisé par les Chevaliers qui tirent leur nom de ce symbole, le Tau, ordre des chevaliers hospitaliers .
Le Tau était un symbole pour la famille Rosencrutz, grâce à son fondateur, Christian Rosencreutz. Pour la franc-maçonnerie, le Tau symbolise le maillet et l’équerre à double angle droit.
Le Tau et le X au-dessus de l’arbre de vie pourraient à nouveau être interprétés comme l’étoile de David. L’image du X peut être vue comme deux V, le deuxième V à l’envers. Si le V assumait l’autre sens du Tau, dans l’ancien alphabet hébreu, le Tau était formé d’un X et d’un T, ce n’est qu’après s’être transformé en T que nous aurions à nouveau une étoile de David. Gaudí a travaillé dur pour étudier les différentes religions et en particulier les symboles qui leur sont associés.
Dans cette analyse, j’ai essayé de mettre en évidence certains des aspects infinis liés à la Sagrada Familia qui, précisément en raison de sa complexité, peuvent être comparés aux grandes cathédrales médiévales et gothiques.
Lorsque vous la visitez, votre regard se perd à la recherche d’espaces, de lieux de la vie du Christ qui sont le résultat des interprétations des œuvres d’un des plus grands architectes de tous les temps et qui a consacré une grande partie de sa vie à la création de son paradis terrestre.
Redécouvrez nos précédents articles sur ce thème :
texte scanné par Roger DAMAYE, reçu le 25 janvier 1997.
Son texte d’accompagnement est reproduit ci-dessous en italiques.
L’ami Roger m’a devancé… J’avais choisi la traduction de Matgoiï (Albert de Pouvourville) avec laquelle je fis connaissance de ce texte, dont il faut bien dire qu’il est intraduisible, alors que le sens littéral est sans doute respecté par les sinologues dans la mesure du possible, avec sa mise sous forme alphabétique.
Ce qui est intraduisible : la spécificité culturelle et l’emploi constant du paradoxe, méthode, que les occidentaux n’ignorent pas tous et qui oblige à réfléchir sur la réflexion, peut être pour faire saisir que la simplicité est le sceau de la Vérité ?
Sur les termes employés, nous rencontrons souvent le « Saint-Homme », que l’on pourrait sans nul doute aussi bien traduire par homme sain. L’hébreu nous offre un exmple avec le mot « Kadosch » , traduit couramment par saint et dont le sens est sain, sans défaut avec la notion de tri, mais ….laissons le lecteur à ses propres réflexions.
G. G. le 4 mai 1997
Le TAO TE KING ( Livre de la Voie et de sa vertu) est sans contredit un des textes les plus importants de l’Humanité, au même titre que La Bible, le Coran ou les Védas. Il aurait été écrit par Lao Tseu au VIème siècle avant J.C.
Il existe un bon nombre de traductions françaises du Tao Te King. Personnellement, j’en connais au moins cinq dont celle, entre autres, du Père Léon WIEGER S.J. dans son ouvrage » Les Pères du Système Taoïste « , une autre présentée par ETIEMBLE (en collection de poche), et deux autres dont j’ai oublié les auteurs.
Celle que je vous propose ici, publiée en 1969 aux éditions DERVY, par un auteur anonyme, qui a eu la grande humilité – cela mérite d’être remarqué – de s’effacer derrière la haute personnalité de Lao Tseu.
N’ayant personnellement pas la moindre notion de la langue chinoise, je ne suis pas apte à dire si cette traduction est la plus fidèle à l’original. Mais si je l’ai choisie c’est d’abord pour rendre hommage à la discrétion du traducteur et c’est aussi parce qu’elle s’accompagne d’une importante collection de notes et de commentaires où l’on trouve d’intéressants parallèles avec les traditions occidentales.
Donc, si vous avez aimé le texte de la traduction, précipitez vous sur le livre ( espérons qu’il n’est pas épuisé) pour lire les commentaires.
Ayant réalisé ce travail pour mon plaisir personnel et aussi pour faire connaître ce texte important je n’entends pas en tirer un quelconque avantage pécuniaire. Si vous l’avez aimé et désirez m’en remercier, vous pouvez faire une offrande a l’Association Druk Toupten Tcheukhor Ling.
CENTRE D’ETUDES BOUDDHIQUES
Bel Avenir
56770 – PLOURAY
QUI ETAIT LAO TSEU ?
On sait fort peu de chose de LAO TSEU.
La courte biographie. que donne de 1ui Seu Ma Tsyeng dans ses mémoires historiques, parus vers 1′an 99 avant J.-C., est le document le plus ancien qui contienne sur sa vie quelques renseignements dont rien ne permet d’ai11eurs d’affirmer la parfaite authenticité..
I1 serait né en l’an 570 avant J.-C., au village de Haï dans le royaume de Tch’en. I1 était de famille noble, celle des Lao Che, Che étant le nom de sa race. Son nom patronymique était LI, son prénom EUL.
En 581 après J.-C l’Empereur Tsing ordonna de lui rendre les mêmes honneurs qu’à BOUDDHA. On lui donna le nom de YUEN HOANG TI,»Maître souverain de l’obscurité». Mais il fut surtout connu sous le nom de LAO TSEU, c’est-à-dire»le Vieux Maître»«le Vieux Docteur»où vieux est pris dans le sens de vénérable.
LAO TSEU fut archiviste de la cour des Tchéou. Voyant que leur puissance était sur son déclin, las du désordre de l’Empire, il prit la résolution de s’éloigner pour n’être pas témoin de leur chute. Nous ignorons quand et ou il mourut.»Ayant aimé l’obscurité pardessus tout, dit SE: MA TSHYENG, cet homme effaça délibérément la trace de sa vie ». Mais qu’importe la trame de son existence ! Génie original, ne relevant que de la grande et antique tradition, LAO TSEU appartient à 1a lignée des missionnés, dont la pensée et la sagesse sont sur la terre un reflet de la lumière divine, et qui ont atteint l’immortalité
Le même mystère, qui entoure sa personne et sa vie, et pour les mêmes raisons, enveloppe son œuvre condensée dans un seul livre. La plupart de ses biographes répètent, à ce sujet, à peu près dans les mêmes termes, une anecdote suivant laquelle, en quittant la Chine et sur le point de traverser la Grande Muraille, il aurait été prie, par l’officier gardien de la passe de l’Ouest, YIN HI, d’écrire pour lui un résumé de sa doctrine. C’est dans ces conditions que le TAO TE KING aurait vu le jour.
Cette anecdote fait partie de la légende rédigée par KO HONG vers l’an 530 après J.C. et incluse dans son ouvrage intitulé»Histoire des dieux et des immortels ». Est-elle mieux fondée que les autres faits relatés dans ce récit fabuleux ? Nul ne peut le dire. Quoi qu’il en soit, la tradition affirme formellement que le TAO TE KING est de la main d LAO TSEU et, d’après le savant Père WIEGER tout porte à croire que la tradition a raison.
« À la porte du midi, furieux coup d’équerre, il est trahi. À la porte de l’occident, le blessé chancelle, tout se désunit.
Définitivement éteint, plus la moindre étincelle. Au Neuvième jour, région nord. Truelles qui creusent, encore. Enfoncé, en une terre fraîchement remuée. Rameau de bon augure, empreinte de justice et bonté, gage de pérennité.
Branche verte de l’espoir surgissant du tombeau. Légende, emblème de charité. Image de l’âme dévouée. Un visage disparaît sous le tablier. Appel force extérieure.
Chaire quitte le corps, geste d’horreur. L’honneur de la victime, est de ne pas être l’assassin. Jusqu’à 77 fois tu pardonneras à ton frère. Légende, emblème de charité. Image de l’âme dévouée.
À la porte de l’orient, présente toi devant l’assemblée. Travaille et tu seras récompensé. Marche zodiacal, Souffle nouveau. Domaine subtil de la pensée. Fils de la putréfaction. Trouver la vie pour s’élever.
Tout n’est que vibration. Age pénible, cherche sa voie. Escalade le ciel. Puits où la vérité se cache, tombe bordée de margelle. Hauteur de l’enthousiasme précipité dans l’abîme. Sept ans et plus.
La folie reprend meurtri de sa chute, l’esprit s’élève sur les ailes du rêve. Retomber douloureuse, réalité brutale. Alternances des extrêmes. Jugement en déroute.
Agitation prend fin, pleine angoisse. Clarté directrice, lumière guide des égarés. Songe étrange, plus accablé. Combat lumière et ombre dans un ciel nuageux. Envahi par les blancheurs de l’aube.
Le maître quitte le tombeau. Calme, il avance de trois pas. Porte la vue au ciel. Instant de splendeur dorée. Désormais il comprend. L’épais rideau s’écarte à l’orient. Discernement des apparences, anime le vitrail de l’occident. Chacun communique librement. Ponctuel, intelligent, plein de zèle.
Chambre du milieu, caverne où se trame l’éternel. Portes des Dieux, Portes des Hommes. Le paradis est derrière cette porte. Ai-je égaré la clé ?
Frappez et l’on vous ouvrira la porte. « J » recevoir l’instruction, juste récompense de leur peine. « B » appelé au premier rang, dans un langage universel. Frère, compagnon, image de l’humain. Esprit, âme, corps.
Travaillant dans les sphères Or, Argent, airain. Volonté de l’imagination.
Pélican oiseau blanc de charité, brûle de cet amour. Alimente tes enfants de ton propre sang. Puissance magique, sceau de Salomon. Je suis tout juste compagnon. »
Lever de soleil le jour du solstice d’été à Stonehenge
Le jour du solstice d’été, la Terre présente son pôle Nord au Soleil et cache son pôle Sud. L’astre du jour monte au plus haut dans le ciel de l’hémisphère nord et au plus bas dans l’hémisphère sud.
Le solstice d’été, le jour le plus long dans l’hémisphère nord
C’est ainsi que dans l’hémisphère nord, le solstice d’été correspond au jour le plus le long de l’année (21 ou 22 juin), et le plus court pour l’hémisphère sud (21 ou 22 décembre, les saisons étant inversées). Inversement pour le solstice d’hiver.
Les jours de solstice, le Soleil passe à la verticale de l’un des deux tropiques. Il arrive ainsi parfois que le soleil se couche dans l’axe de l’Arc de Triomphe, l’occasion de réaliser de belles photos pour les amateurs d’événements astronomiques. Sur le tropique nord, dit du Cancer, le Soleil atteint même le zénith.
C’est un nom formé à partir de deux éléments latins « sol » qui signifie « soleil » et « stare » qui signifie « s’arrêter ». D’après son étymologie, ce mot signifie donc « l’arrêt du soleil ». Il est apparu en Français au XIIIe siècle. Le solstice fait référence à l’azimut du Soleil à son lever et à son coucher semble rester stationnaire pendant quelques jours à ces périodes de l’année, avant de se rapprocher à nouveau de l’Est au lever et de l’Ouest au coucher.
Le terme latin « solstitium » est employé à la fin de la République romaine au Ier siècle av. J.-C. Pline l’Ancien l’emploie plusieurs fois dans son « Histoire naturelle » dans le même sens qu’actuellement.
Le solstice d’été a été au centre des fêtes ancestrales chez les druides ; l’un des visages du Janus romain est devenu saint Jean-Baptiste, le Christ chronocrator est devenu le maître du temps.
Le solstice d’été à travers le temps et le monde
Que ce soit en Amérique du Nord, en Europe et même en Asie, la tradition des célébrations du solstice d’été est ancienne et se décline différemment selon les périodes. Expérience souvent déroutante, aux origines païennes, elle a été intégrée en Europe aux fêtes chrétiennes. Petit tour d’horizon des différentes manifestations proposées.
Le solstice d’été, célébré depuis l’Antiquité et porteur de symboles
Feu réalisé à l’occasion du solstice d’été. Le solstice d’été était célébré chez les Romains à l’occasion des fêtes en l’honneur de Saturne, les Saturnales, et marquait l’entrée dans la nouvelle année dans l’Égypte des pharaons.
Le solstice d’été chez les Druides
Cromlec’h, Drombeg, Irlande
Nommée aussi Eruina Alba, le 21 juin est le jour le plus long de l’année. Il marque l’apogée de la Lumière, la période la plus prospère de l’année et le début de l’été. Mais s’il porte la Lumière en son plus haut point, c’est aussi le jour où cette dernière commence à décliner.
La Gorsedd de Bretagne, Goursez Vreizh en breton
Dans la tradition druidique, les cercle de pierres marquaient ce jours dans leur positionnement jouant ainsi un rôle de « calendrier » (et pas seulement des solstices) c’est en leur sein que se pratiquaient les Cérémonies de Rites de l’Aubes pour célébrer la venue du jour le plus long.
C’est une fête de justice, de bonté et de vérité, d’illumination, de sagesse, de transcendance spirituelle très intime. C’est un jour aussi de bannissement du négatif.
C’est la Triple Illumination de l’Awen, le principe divin supérieur, manifesté dans les Trois rayons du Triban qui dominent cette journée. D’autres cérémonies enfin sont célébrées au Zénith, au paroxysme de l’ascension du Soleil. C’est une fête de Feu sous sa forme la plus pure qu’est la Lumière.
Cette journée marque donc aussi le jour le plus élevé, énergétiquement parlant. C’est une période d’expansion maximale pour chacun et chaque chose en la Nature. On est arrivé au point le plus haut de notre renouveau, de ce cycle précis et annuel d’évolution.
L’enfant de la Lumière est maintenant Roi. Il est à l’apogée de sa vitalité, le Roi de la lumière nourrit la Terre, les récoltes et il nourrit tout ce qui est vivant. Le Soleil est au Zénith de sa puissance. L’individu est à l’apogée de sa carrière et de sa vie. C’est le guerrier au zénith de sa profession et de sa force physique et intellectuelle.
Le solstice d’été dans la Gaule antique
Épona
Si, aujourd’hui, le solstice d’été n’est plus une fête aussi importante dans notre pays, il n’en a pas toujours été ainsi. Dans la Gaulle antique, le solstice d’été était une date particulièrement importante du calendrier, nommée fête d’Épona. Épona, déesse jument et protectrice des chevaux était également connue comme la déesse de la fertilité. Et c’est donc la fertilité que les Gaulois célébraient le jour du solstice. Cette idée de célébrer la fertilité se retrouve dans la plupart des rituels autour du solstice en Europe.
Le solstice d’été dans la Chine ancienne
Yin (fond noir) et Yang (fond blanc)
En revanche, en Chine ancienne, les cérémonies autour de cette journée portaient sur des thèmes opposés à ceux du solstice d’hiver. Les cérémonies tournaient en effet autour de la féminité, de la terre et des forces du yin. Alors que pour le solstice d’hiver, les Chinois fêtaient la masculinité, les cieux et les forces du yang.
Le solstice d’été sur les autres continents
Autre continent, autres rituels : en Amérique du Nord, les Indiens honoraient le soleil le jour du solstice d’été à travers des danses rituelles et des cérémonies impressionnantes. Souvent, un arbre était coupé à cette occasion, celui-ci était considéré comme le lien entre les cieux et la terre.
Fêter le solstice aujourd’hui : entre traditions paganiques et festivals musicaux
Célébration du solstice d’été à Stonehenge
Stonehenge
Aujourd’hui, les célébrations pour le solstice d’été ont beaucoup évolué à travers le monde, excepté à Stonehenge ou dans des tribus New Age (néo druides, wicca, etc.), où l’on vient observer le lever du soleil. Les célébrations dans la nuit du 20 au 21 juin incluent des pique-niques et de la musique. L’expérience est déroutante, et aujourd’hui, il n’y a plus d’affrontements avec la police comme ils ont pu exister dans les années 1980. En Alaska, où il fait jour plus de 19h, beaucoup d’événements spéciaux sont organisés, en particulier des carnavals et des actions caritatives. A Anchorage, la capitale de l’Etat, un grand festival de musique (le Summer Solstice Festival) est organisé par l’AWAIC, association d’aide aux femmes battues.
Le plus grand bûcher du monde, ville d’Ålesund, Norvège
En Scandinavie, le solstice d’été est l’une des fêtes les plus importantes de l’année et marque en Suède le début des vacances. Dans ce pays, les célébrations varient selon le folklore régional. Le Midsommar est un jour férié, où l’on se retrouve en famille. Les maisons sont décorées à l’aide de couronnes de fleurs, des feux sont également mis en place et on érige un bâton dans les différentes villes. Si à la base, ces célébrations étaient associées à la fertilité et à la nature et étaient réalisées pour la bonne tenue de la moisson d’automne, elles ont été intégrées au christianisme avec l’évangélisation du pays.
Fête du solstice d’été en Europe du Nord
Feu de joie de Midsummar, en Finlande
On cherche également à prédire l’avenir ce jour-là, et notamment à déterminer les futures épouses des jeunes hommes présents. En Norvège et au Danemark, on retrouve les feux rituels, mais aussi des processions. Dans ce dernier pays, l’époque du solstice est aussi marquée par une autre fête importante, la Saint-Hans le 23 juin, où les Danois chantent leur hymne et brûlent des sorcières de paille en mémoire de ce qui se passait au XVIe siècle.
En 60 après J.-C., cette reine rebelle défia Rome, qui occupait depuis peu la Bretagne. Elle mena des milliers d’hommes et de femmes contre l’oppresseur romain, n’hésitant pas à tout brûler sur son passage.
De Richard Hingley
Lorsqu’ils représentent des personnages du passé, les artistes se tournent souvent vers des documents historiques et archéologiques à la recherche
de détails sur leurs caractéristiques, leurs vêtements et leurs biens. Pour créer un portrait de Boadicée pour la couverture de National Geographic Histoire,
l’artiste s’est tourné vers les anciens récits d’historiens romains (en particulier Dion Cassius) et des preuves archéologiques pour créer cette représentation de la reine Iceni.
PHOTOGRAPHIE DE Illustration de Almudena Cuesta
Rebelle, reine, guerrière, veuve, mère, femme : Boadicée endossa de nombreux rôles tout au long de sa vie… et pourtant, elle n’est citée que dans deux sources historiques, toutes deux écrites par des historiens romains. En 60 après J.-C., elle aurait pris la tête d’un soulèvement qui lui a non seulement assuré une place de choix dans l’Histoire, mais a aussi révélé les complexes relations des Romains envahisseurs avec le peuple breton (Britannia en latin), habitants de la province romaine qui, du 1er au 5e siècle, couvrait une partie de l’île de Grande-Bretagne.
L’œuvre de l’historien romain Tacite (début du 2e siècle) est l’une des deux seules sources écrites connues sur Boadicée. L’autre est l’œuvre de l’historien Dion Cassius (3e siècle). Chacun fournit des détails sur le soulèvement breton : les causes, les personnages principaux, les victoires et les défaites. Ces événements sont traditionnellement datés de 60 à 61 après J.-C. Des recherches récentes suggèrent cependant que la révolte a peut-être pris fin à la fin de l’an 60, car les informations contenues dans les tablettes romaines récemment mises au jour indiquent que Londinium (Londres moderne) était à nouveau un carrefour commercial florissant.
Boadicée exhorte les Bretons à défendre leur pays contre les envahisseurs romains.
William Sharp, à partir d’une gravure de Thomas Stothard, National Portrait Gallery, Londres
PHOTOGRAPHIE DE NATIONAL PORTRAIT GALLERY, LONDRES / SCALA, FLORENCE COULEUR: SANTI PÉREZ
Les deux auteurs offrent à leurs lecteurs des perspectives bien différentes sur cette révolte. Tacite présente les deux côtés de l’histoire en décrivant les provocations endurées par les Bretons. Bien que lui-même membre de l’élite romaine, Tacite n’était pas un fervent défenseur de la dictature et la rébellion lui servit de prétexte pour remettre en question la manière dont la province était gérée.
Mais seul Dion Cassius a brossé un portrait de Boadicée :
Buduica [sic], une femme bretonne de la famille royale qui possédait une plus grande intelligence qu’il n’est souvent donné de voir chez une femme. [...] Grande, terrible à voir et dotée d’une voix puissante. Des cheveux roux flamboyants lui tombaient jusqu’aux genoux, et elle portait un torque d’or, une tunique multicolore et un épais manteau retenu par une broche. Elle était armée d’une longue lance et inspirait la terreur à ceux qui l’apercevaient.
La tête de Claude a été séparée de sa statue par les rebelles à Camulodunum. En 1907, elle a été découverte dans une rivière. British Museum, Londres
Dans son récit, l’auteur romain recrée le moment où la reine guerrière parla avec force à son contingent de 120 000 personnes. Debout sur une plate-forme, saisissant une lance, ses cheveux retombant en cascade sur ses hanches, elle exhorta son peuple de s’ériger contre Rome. Un torque en or – symbole de statut élevé dans la société bretonne de l’âge du fer – encerclait son cou au moment où elle prononçait ces mots.
Les écrits de Dion Cassius sont la seule description détaillée connue à ce jour d’un ou une Breton(ne) de l’époque romaine, mais les détails qui la composent doivent être considérés avec prudence. Les sources de Dion sont inconnues : il peut s’agir en grande partie d’un récit d’invention. Dion dépeint le comportement et l’apparence de Boadicée – sa façon de mener ses soldats, son goût du combat et sa stature – comme autant de sources d’indignation et de scandale pour les Romains, dès lors que ces attributs sont ceux d’une femme. La lance qu’elle brandissait fièrement était un autre aspect martial jugé incompatible avec les normes en vigueur pour les femmes de l’empire romain.
La représentation de Dion Cassius de cette grande femme aux cheveux lâches enveloppée dans des vêtements colorés était censée choquer le public contemporain. Mais quelques siècles plus tard, les écrivains, les artistes et les poètes se sont inspirés de Boadicée, symbole de liberté, de révolte, de courage et de force.
LA BRETAGNE DE BOADICÉE
Du vivant de Boadicée, la Bretagne était une jeune province romaine. L’armée romaine y faisait campagne depuis le débarquement d’une force militaire substantielle dans le Kent en 43 après notre ère. Rome remporta alors une victoire majeure qui aboutit à la reddition de onze rois britanniques à Colchester dans l’Essex. Ce nouveau territoire était si important que l’empereur Claude lui-même fit le voyage depuis Rome pour assister à la victoire, accompagné d’importants membres du Sénat romain.
Au 1er siècle de notre ère, la Bretagne antique était occupée par un grand nombre de tribus et peuples indépendants. L’époux de Boadicée, Prasutagos, était le roi des Icéni. Les historiens rapportent que le couple royal avait deux filles et que Prasutagos n’était pas hostile à Rome. Certains historiens formulent l’hypothèse que les Romains aient pu désigner Prasutagos comme représentant de l’Empire en terres icéniennes après l’invasion de 43. Si tel était le cas, il est probable que lui et sa famille auraient été considérés comme des alliés de Rome.
À la mort de Prasutagos, les autorités romaines furent contrariées d’apprendre qu’il n’avait pas légué ses biens à Rome. Au lieu de cela, il laissa la moitié de sa richesse et de son territoire à ses filles et l’autre moitié à l’empereur Néron. Les administrateurs romains, indignés, ignorèrent ses dernières volontés. Ils saisirent tous ses biens sans exception. Ils battirent publiquement Boadicée, désormais veuve, et violèrent leurs filles. Ces outrages contre les Iceni et leur reine ne firent que nourrir la colère populaire. Tacite décrit comment une tribu bretonne voisine, les Trinovantes, rejoignit les Iceni. Beaucoup d’autres se rallièrent à leur cause peu après.
Dans le discours que lui attribua Dion Cassius, Boadicée rallia ses forces, les préparant à la guerre. Elle exposa ainsi, selon l’auteur, les causes du soulèvement :
Bien que certains d’entre vous aient pu auparavant, par ignorance, être trompés par les promesses séduisantes des Romains… vous avez appris à quel point c’était une erreur de préférer un despotisme étranger à votre mode de vie ancestral, et vous en êtes venus à réaliser à quel point la pauvreté sans maître est meilleure que la richesse en esclavage.
Elle dénonça l’avarice romaine et les lourdes taxes prélevées dans les territoires conquis. Boadicée appela alors à l’unité du peuple dans ce combat contre la tyrannie :
Mes compatriotes, amis et parents – car je vous considère tous comme des parents, compte tenu que nous habitons une seule île et que nous sommes appelés par un nom commun – faisons notre devoir tout en nous rappelant encore quelle liberté nous souhaitons laisser à nos enfants, pas seulement son appellation mais sa réalité. Car, si nous oublions complètement l’état de bonheur dans lequel nous sommes nés et avons été élevés, que feront-ils, eux qui seront élevés en esclaves ?
Unis derrière leur reine, les Bretons se soulevèrent et mirent à sac plusieurs campements romains.
PREMIÈRES VICTOIRES
Trouvé dans la Tamise en 1857, un bouclier en cuivre daté de 350 à 50 avant J.-C. Ce savoir-faire artisanal renvoie à la complexité culturelle des tribus bretonnes. British Museum, Londres
L’armée de Boadicée, qui comprenait peut-être des guerrières, attaqua d’abord Camulodunum, la colonie romaine de Colchester dans l’est de l’Angleterre. Cette colonie était le principal symbole culturel de la puissance romaine en Bretagne ; c’est là que l’empereur Claude avait accepté la reddition des rois britanniques en 43 après J.-C. Camulodunum resta la principale base militaire romaine jusqu’en 50 après J.-C., quand le campement fut remplacé par une colonie romaine – une cité avec des maisons, des bâtiments publics, des prémices d’industrie.
Le temple en pierres, massif et imposant, avait été construit dans le style romain classique et consacré au culte de Claude, à Camulodunum, pour commémorer la campagne de Bretagne. L’armée de Boadicée brûla cet édifice, ne laissant aucune pierre derrière elle. La statue en bronze de l’empereur Claude, qui se trouvait probablement dans un espace public tel que le forum de Camulodunum, fut sauvagement décapitée par les insurgés. En 1907, la tête a été mise au jour dans la rivière Alde dans le Suffolk, à près de 65 kilomètres de Colchester, et est maintenant exposée au British Museum.
Après avoir tendu une embuscade et vaincu une unité de la 9e Légion romaine envoyée pour protéger la colonie, les Bretons se déplacèrent vers Londinium, au sud-ouest. Rapidement établie sur les rives de la Tamise après 43 après J.-C., la future capitale britannique était le deuxième centre urbain le plus important de la province impériale. Avec une population d’environ 9 000 personnes, le port de la ville était le principal port de commerce pour les personnes et les marchandises arrivant et partant de Bretagne. Le gouverneur romain, Gaius Suetonius Paulinus, marcha vers Londinium mais décida de ne pas engager le combat contre les Bretons. De nombreux habitants purent fuir avant que la colonie ne soit férocement dévastée.
Tacite décrit comment Verulamium tomba ensuite elle aussi sous la colère des troupes de Boadicée. Cette ville romaine près de l’actuel St. Albans dans le Hertfordshir, différait de Camulodunum, qui était une colonie de citoyens romains et de Londinium, principal port de la province avec une population comprenant de nombreux commerçants d’outre-mer ; Verulamium était une ville de « natifs ». Dans cette colonie, des Bretons alliés des Romains jouissaient d’un nouveau développement urbain sur le modèle romain.
La construction du théâtre du 2e siècle à Verulamium a eu lieu lorsque la ville a été reconstruite après l’attaque dévastatrice des rebelles.
À Londres, Colchester et St. Albans, les archéologues ont découvert des traces d’incendie datées à 60 après J.-C. environ, comme autant de témoignages de la fureur bretonne face à la domination romaine.
ÉCRASER LA RÉVOLTE
Suetonius Paulinus, gouverneur de Bretagne, était un membre éminent de l’élite romaine. Né à Rome et ayant servi dans d’autres provinces avant d’être nommé gouverneur de Bretagne vers 58 après J.-C., il était comme les autres gouverneurs provinciaux de l’Empire romain, responsable de la gestion du territoire et du contrôle militaire.
Peu de temps avant la révolte menée par Boadicée, Suetonius Paulinus avait été appelé à Mona, un bastion druide sur la grande île d’Anglesey au large de la côte nord-ouest du Pays de Galles. Tacite décrit comment les Romains ont été « accueillis » par des femmes vêtues de noir sur la rive opposée, qui maudissaient les soldats romains alors qu’ils tentaient de traverser. Cette attaque contre l’île sacrée des druides a vraisemblablement intensifié la colère des Bretons. Quand le gouverneur eut vent de la révolte de Boadicée dans le sud de la Bretagne, il fut contraint de se retirer et de se diriger vers le sud-est.
Après avoir décidé de ne pas combattre les rebelles à Londinium, Suetonius Paulinus se prépara à affronter Boadicée sur un autre site. Il choisit de déployer une armée d’environ 10 000 hommes issus des 14e et 20e légions, auxquels s’ajoutaient des soldats auxiliaires, dans une vallée adossée à des bois. Les Romains étaient plus nombreux que les Bretons, qui étaient si confiants en leurs chances de victoire qu’ils avaient dit à leurs familles de venir assister à la batailler en amont.
Au moment de l’invasion en 55-54 avant J.-C., Jules César a rapporté l’utilisation par les Bretons de chars, comme le montre ce denier romain, frappé vers 48 avant J.-C., montrant un guerrier celtique sur un char. Musée Ashmolean, Oxford
Le lieu exact de la bataille finale fait l’objet de spéculations. Il est probable que l’affrontement a eu lieu dans les Midlands de l’Angleterre moderne, quelques temps après le sac de Verulamium et alors que les Bretons se déplaçaient vers le nord-ouest le long de la route romaine connue sous le nom de Watling Street. Tacite écrit que Boadicée et ses filles ont fait le tour du champ de bataille dans un char en criant à l’armée rebelle :
Voyez la fierté des esprits guerriers, et considérez les motifs pour lesquels nous tirons l’épée vengeresse. À cet endroit, nous devons vaincre ou mourir avec gloire. Il n’y a pas d’alternative. Bien que femme, ma résolution est entière : les hommes, s’ils le souhaitent, peuvent survivre dans l’infamie et vivre dans la servitude.
La bataille qui suivit, comme le décrit Dion Cassius, fut des plus passionnées : « Ils se disputèrent longtemps, les deux partis étant animés du même zèle et de la même audace. Mais finalement, tard dans la journée, les Romains prévalurent. » Le récit plus détaillé de Tacite donne l’impression que les légions passionnées de Boadicée ont été effectivement vaincues par la discipline romaine :
Les Bretons formèrent sur le terrain une multitude incroyable. Ils ne formaient aucune ligne de bataille régulière. Les partis détachés et les bataillons dispersés ont affiché leur nombre, bondissant d’exultation, et si sûrs de leur victoire, qu’ils avaient placé leurs femmes dans des chariots à l’extrémité de la plaine, où elles pouvaient observer l’action en cours, et admirer la valeur bretonne.
On estime que 80 000 Bretons, y compris des femmes, furent tués, tandis que les victimes romaines s’élevaient à environ 400 morts et quelques blessés. Après leur victoire, les militaires romains jetèrent probablement les corps dans de grandes fosses ou les brûlèrent. La seule trace de cette bataille pourrait être de grandes fosses remplies de squelettes démembrés ou d’armes cassées. Peut-être cet endroit sera-t-il un jour découvert.
LE DESTIN DE BOADICÉE
Qu’est-il ensuite arrivé à Boadicée ? Nul ne le sait. Tacite écrit qu’elle s’est empoisonnée. Le récit de Dion Cassius diffère sur ce point-là aussi. Il écrit que Boadicée est tombée malade et est morte, et a enfin eu le droit à un ensevelissement élaboré.
Du 16e au 19e siècles, des générations d’archéologues ont cherché le lieu de sépulture de la reine guerrière, avec en tête des sites comme Stonehenge ou même la gare de Charing Cross, à Londres. Il y a cependant peu d’informations disponibles sur les rituels funéraires iceni. Certaines tribus de la Bretagne de l’âge du fer plaçaient leurs morts dans des endroits spécifiques, les confiant aux éléments ; si les Iceni suivaient cette pratique, il ne resterait plus rien de leur célèbre reine.
Les représailles romaines contre la révolte bretonne furent sévères et Tacite décrit comment les colonies furent ravagées par le feu. Bien que les preuves archéologiques des actions romaines après la défaite de Boadicée aient été difficiles à trouver, des fouilles récentes à Londres ont permis de localiser un fort dans le quartier financier de la ville. Il a été construit pour servir de base aux troupes amenées d’Allemagne pour aider Suetonius Paulinus dans sa campagne pour rétablir l’ordre dans la province.
Londinium s’est rapidement rétabli. Une lettre de 62 après J.-C., faisant référence à un envoi de marchandises à transporter de Verulamium à Londres, indique que le marché de Londinium a été rapidement reconstruit après sa destruction par les rebelles. Dans la foulée, l’empereur Néron a peut-être envisagé de retirer complètement Rome de la Bretagne, bien qu’il ait manifestement changé d’avis.
L’influence immédiate de la rébellion est incertaine : aucune trace écrite de ces événements n’a survécu en dehors de celles laissées par Tacite et Dion Cassius. Les Romains reprirent leur conquête de la Bretagne et, en 84 après J.-C., le gouverneur Gnaeus Julius Agricola avait sous sa responsabilité une grande partie des territoires du nord. Les Romains ne réussirent cependant pas à conquérir les Highlands écossais.
« Boadicée et ses filles », création du XIXe siècle conçue par Thomas Thornycroft, à proximité du Parlement de Londres
PHOTOGRAPHIE DE Anthony Hatley, Alamy, ACI
L’histoire de Boadicée serait sans doute tombée dans l’oubli sans la redécouverte des écrits de Tacite au 16e siècle, à la Renaissance.
Plutôt qu’une sauvage, Boadicée était considérée comme un parallèle à la reine d’Angleterre Elizabeth Ire. Les Victoriens ont plus tard réinventé Boadicée comme une vaillante défenseuse de la nation britannique. Son interprétation la plus célèbre de cette période était la statue « Boadicée et ses filles », conçue par Thomas Thorneycroft, installée sur pont de Westminster à Londres, comme symbole durable de l’esprit et de la force britanniques.
Le corbeau est un symbole de l’esprit, de la pensée et de la sagesse selon la légende nordique, comme son dieu Odin a été accompagné par deux corbeaux.
L’un des corbeaux était Hugin, qui représentait le pouvoir de la pensée et de la recherche active d’informations et un autre corbeau, Mugin, représentant l’esprit, et sa capacité à l’intuition. Odin envoie ces deux corbeaux voler chaque jour à travers les terres. À la fin de la journée, les corbeaux retournent à Odin et lui parlent de tout ce qu’ils ont vu et appris leurs voyages.
Odin était aussi connu comme le Dieu Corbeau. Odin avait de nombreuses filles connues sous le nom de Valkyries qui avaient le pouvoir de se transformer en corbeaux, avec cette apparence, elles ramassaient les âmes des guerriers nordiques tombés dans la bataille et les aidaient à atteindre leur paradis paradis, le Valhalla, où d’escanseraient en paix
Les Grecs et Romains antiques, malgré leur plumage sombre, sont associés au soleil, et en Grèce et à Rome, le corbeau a été associé à Athéna et Apollon, symboles de lumière solaire et de sagesse.
Carl Jung associa au corbeau le symbolisme de l’ombre elle-même, ou le côté obscur de la psyché. Ce qui est positif, c’est qu’en reconnaissant ce côté obscur, qui peut communiquer efficacement avec les deux moitiés de nous-mêmes. Cela offre un équilibre libérateur, et nous permet d’accéder à une grande sagesse, qui est le véritable symbolisme du corbeau.
Lorsque nous contemplons l’énergie corbeau, nous pouvons profiter du courage de célébrer tout de nous-mêmes dans la conscience.
L’ombre contient l’énergie dont nous avons besoin pour grandir, changer, briser à travers la mesquinerie de l’ego et l’inquiétude dans l’être complet, rayonnant que chacun de nous est déjà devenu.
Certaines légendes gréco-romaines racontent qu’il fut un temps tous les corbeaux étaient blancs, et c’est parce que le corbeau ne pouvait garder aucun secret, qu’Apollon a puni le corbeau en tournant ses plumes brillantes, noir, blanc. Il y a aussi une version qui disait que le hibou a été remplacé par le corbeau par Athéna comme associé de sagesse parce que le corbeau n’arrêtait pas de jacasser, puisque sa sagesse lui permettait de parler.
Aussi dans la Bible, le corbeau subit des conséquences éternelles. Apparemment Noé a envoyé le corbeau en voyant qu’il n’avait pas plu depuis des jours et soupçonné que le déluge était peut-être en train de se terminer. Comme le corbeau n’est pas revenu, il a fini par envoyer la colombe, et quand il est arrivé plus tard, il a été puni en changeant la couleur blanche qu’il avait au noir qu’il a depuis.
Parmi les Amérindiens, le corbeau a une signification de métamorphose et symbolise les changements et la transformation. Souvent, le corbeau est honoré parmi les hommes et la médecine sacrée des tribus en raison de ses qualités qui changent de forme, le Corbeau est appelé dans les rituels chamaniques parce qu’il clarifie beaucoup les visions du chaman. Le corbeau totémique aide le chaman en cas de doute de vision, et lui apporte de la clarté.
Avant tout, le corbeau est un symbole de magie parmi les Amérindiens et un oracle aussi des messages du cosmos. Les messages qui sont au-delà de l’espace et du temps se trouvent sur les ailes de minuit du Corbeau et ne viennent qu’à ceux de la tribu qui sont dignes de la science.
Le corbeau est également appelé dans le rituel indigène à des fins de guérison. Plus précisément, le corbeau est pensé pour fournir la guérison à distance.
Le corbeau est aussi un gardien des secrets, et il peut nous aider à déterminer les réponses en faisant allusion à notre sagesse cachée.
Les corbeaux sont humanitaires dans les légendes des Amérindiens, selon les légendes, le corbeau était un héros pour de nombreuses tribus. Les Inuits, par exemple, croient que le corbeau a trompé un monstre marin géant et l’a vaincu, et jusqu’à aujourd’hui son corps a formé la partie continentale de l’Alaska.
D’autres tribus américaines ont vu le corbeau comme le porteur de la lumière. En effet, les tribus du sud-ouest (Hopi, Navajo, Zuni) disent que le corbeau s’est envolé du ventre sombre du cosmos, et avec lui a apporté la lumière du soleil (qui symbolise l’aube de la compréhension). En conséquence, pour ces tribus, le corbeau est considéré comme un oiseau vénéré de la création, car sans le corbeau, les êtres humains vivraient éternellement dans les ténèbres.
Le corbeau est la sagesse, l’intelligence, la connexion intérieure avec notre conscience la plus profonde pour chercher une réponse à tout.
Le totem corbeau est aussi un oracle, capable de donner des messages de clairvoyance par des rêves, affinant l’intuition de celui qui le porte comme totem.
Le corbeau est un totem important parmi les tribus américaines et aussi dans la culture celtique européenne.
Peut-être que le corbeau semble négatif pour beaucoup, sans doute cette négativité associée au corbeau vient de son apparition sur les champs de bataille de tant de guerres dans l’ancienne Europe.
Le corbeau évoque dans cette image un cauchemar ancestral. La mort.
Le corbeau dans l’Europe celtique était associé à la déesse celtique Morrigan, déesse celtique de la guerre, de la mort et de la destruction et qui était un grand prophète qui utilisait le corbeau comme oracle.
Cependant, l’intelligence du corbeau est probablement sa meilleure caractéristique. En fait, ces oiseaux peuvent être dressés à parler. Cette capacité de parler conduit à la légende des corbeaux utilisés comme oracle suprême.
En fait, le corbeau est souvent entendu caqueter des phrases qui ressemblent à « cras, cras ». Le cras comme mot signifie « demain » en Amérique, de sorte qu’en Amérique aussi le corbeau est un oiseau qui prédit l’avenir et révèle des présages et des signes.
Le conte a une valeur initiatique fondamentale. Au fil des aventures imagées qu’il propose, c’est tout un symbolisme de l’aventure humaine qui est décrit. Souvent le conte fait peur, on y passe du mal absolu au bien absolu. Cela est nécessaire pour impressionner l’imagination, nourrir la réflexion, investir la mémoire. Dans ce texte, publié une première fois en 1988 , Michel Watier déplie une grille de lecture exploitant la méthode et la culture maçonniques et offre un accès privilégié aux mystères de Blanche-Neige.
1[1][1]Publié dans le numéro 9 de la Chaîne d’Union, paru au printemps…Les contes de fées. Voilà un genre littéraire qui ne jouit plus d’une grande considération de nos jours. On en garde quelques-uns, par tradition, dans des livres pour enfants destinés à favoriser le sommeil. Si l’enfant est trop petit pour lire et que le papa se voit réclamer une histoire, le livre de contes de fées sera le bienvenu pour suppléer une imagination défaillante. Mais, dès ses huit ans, l’enfant s’intéressera moins aux contes de fées ou aux contes et légendes de type mythologique, pour préférer épanouir son rêve du côté de la science-fiction.
2Le conte, donc, genre aujourd’hui dévalué, a pourtant connu un regain de vogue grâce au dessin animé dans les longs métrages de Walt Disney. (Finalement, nous adorons qu’on nous raconte des histoires.)
3Il y a 300 ans, Perrault et plus tard Grimm et Andersen mirent en forme toute une littérature orale traditionnelle. Orale, car le conte, c’est évidemment ce que l’on raconte, et non ce qu’on lit.
4Le conte, c’est la veillée devant la cheminée, avec le jeu des flammes et des ombres, et les bruits de la nuit au-dehors. Le conte, c’est avant tout un conteur, dont la voix change avec les personnages, qui module ses effets, qui crée une atmosphère et un rêve collectif, alors que le livre ne crée qu’un rêve individuel.
5Le conte avait une valeur initiatique fondamentale, car à travers les aventures imagées c’était tout un symbolisme de l’aventure humaine qui était décrit. Et si le conte faisait souvent peur, c’était pour laisser une marque, pour impressionner les imaginations, motiver les réflexions, pénétrer les mémoires.
Du mal absolu au bien absolu
6Il faut noter la forme dialectique du contenu, les oppositions, les violences extrêmes. On voit froidement le loup dévorer la grand-mère, l’ogre mettre les enfants au saloir jusqu’à ce que Saint-Nicolas vienne miraculeusement leur rendre leur intégrité physique et la vie. On passe du mal absolu au bien absolu par un coup de baguette magique qui établit l’exemplarité du conte, sa distance vis-à-vis du réel, et nous ramène à cette logique enfantine qui est celle des grandes profondeurs psychiques. Comme disent les enfants : « On dirait que c’est vrai… On dirait que je suis le prince… On dirait que je monte sur les oiseaux pour survoler le monde… »
7En fait, les prémisses totalement convenues sont une certaine appropriation du réel, et le déroulement est exemplaire. La leçon, prise au second puis au troisième degré, se développera au cours du temps, avec la vie de l’individu, jusqu’au moment où, à son tour, il racontera à ses enfants puis à ses petits-enfants les histoires traditionnelles. Et, parce qu’elles sont traditionnelles, parce qu’elles font partie de la petite enfance avant de faire partie de l’âge adulte, elles nous rattachent à nos racines profondes, à notre moi intime, à ce qui nous remue, nous émeut, nous justifie.
Trois degrés d’interprétation
8Un premier degré d’interprétation des contes de fées est celui de Carl Gustav Jung, aidé de son assistante Marie-Louise von Franz. (Plus tard, Bruno Bettelheim suivra la même interprétation.) Pour Jung, toute l’aventure relatée par le conte reflète la lutte que mène l’inconscient pour accéder à la conscience. Le conte utilise les voies de l’émotivité, du vécu et de l’instinct pour conduire de grandes pulsions et de grands enseignements jusqu’à la prise de conscience, par un chemin non rationnel.
9Marie-Louise von Franz rapporte un mythe des Indiens Ojibwa d’Amérique du Nord. Quand le Grand Dieu voulut transmettre aux hommes la connaissance de la « médecine secrète », il ne put se faire comprendre d’eux. Alors, il instruisit une loutre qui, à son tour, enseigna les humains. Le dieu est donc passé par un animal (c’est-à-dire par un instinct) pour se faire comprendre. Marie-Louise von Franz conclut : « Dès que la conscience humaine adopte une forme de conviction absolue, un dogmatisme, face au mystère du monde qui l’entoure et de la psyché, le pôle spirituel est fermé. J’ai souvent constaté qu’en pareil cas, l’archétype qui veut se manifester à la conscience doit emprunter la voie de la loutre. »
10Un second niveau d’interprétation, celui que je propose ci-après, exploite totalement la méthode et la culture maçonniques : c’est la voie symbolique.
11Un troisième niveau se relie aux mythes spiritualistes les plus élaborés des traditions ésotériques et mystiques (Hindous, Juifs, Chrétiens). Ce niveau dépend de chaque interprétation personnelle, en fonction de la culture et des goûts de chacun.
12Mais, avant d’en arriver là, il faut tout d’abord passer par la lecture symbolique. Prenons l’exemple de Blanche-Neige (je m’inspire ici d’un article paru il y a quelque quarante ans dans Renaissance Traditionnelle et qui était dû à Jean Duprat).
13Pour que la référence soit plus aisée au souvenir de chacun, je me fonderai sur le déroulement du film de Walt Disney, qui suit exactement le conte. En parlant de films, d’ailleurs, n’est-il pas intéressant qu’un conte fantastique moderne comme La Guerre des étoiles éprouve le besoin de faire appel à une notion de chevalerie, d’initiation, d’apprentissage dans la maîtrise de soi et de recours à une force supérieure ?
Les Nains comme le Miroir sont les figures de facultés humaines
14Laissons se dérouler le fil de l’histoire en admettant comme clé d’interprétation que presque tous les personnages, la Reine, Blanche-Neige, le Miroir, les Nains, sont les figures de différents aspects ou de différentes facultés d’une même personne humaine dont l’itinéraire spirituel nous est conté. N’oublions pas que ce conte, issu d’une tradition ancienne, a mûri dans un contexte à l’époque obligatoirement religieux, qui évoquait l’intervention divine, mais que nous pouvons aujourd’hui, à notre choix, interpréter dans le contexte spirituel qui conviendra à chacun.
15Au départ, c’est la rencontre de deux personnages : Blanche-Neige (l’âme) et le Prince Charmant (qui représente l’état supérieur de la conscience, apparaissant ici comme vecteur de l’amour divin dans une interprétation théiste, ou en général comme la faculté de dépassement vers un état supérieur de l’être).
16Le conte débute dans un château. Une femme belle, hiératique et dure, interroge le Miroir magique. Pour la première fois, celui-ci lui répond qu’elle n’est pas la plus belle, mais que « Blanche-Neige est plus belle que toi ». Quelque part dans le château, Blanche-Neige, une toute jeune fille vêtue en souillon, accomplit des travaux serviles.
17La Reine (la femme qui interroge le Miroir) est l’âme mondaine, attachée aux apparences, dans son égoïsme satisfait. Le Miroir, c’est la conscience que cette âme peut avoir d’elle-même. Dans toute la littérature d’imagination symbolique, le miroir représente la prise de conscience de soi. Quand Alice au pays des Merveilles passe de l’autre côté du miroir, elle va explorer d’autres aspects de sa personnalité. Blanche-Neige, elle, figure l’âme spirituelle, qui était complètement écrasée par la mondanité dominatrice que représente la Reine.
18Aucune des virtualités que Blanche-Neige porte en elle n’avait pu se développer jusqu’à ce moment précis où, devant un auditoire représenté par des oiseaux, elle chante son désir de rencontrer le Prince Charmant. L’âme spirituelle a pris conscience d’elle-même et de sa vocation. Nous l’avons déjà constaté dans le fait que sa beauté, jusqu’ici voilée, devient apparente, ce que reconnaît le Miroir magique.
19Une seconde conséquence va se produire aussitôt. Le premier mouvement de l’âme vers sa transfiguration reçoit sa réponse : un cavalier s’approche de Blanche-Neige. Celle-ci ne l’aperçoit d’abord que par sa réflexion dans l’eau du puits sur lequel elle est penchée. Effarouchée, la jeune fille s’enfuit à l’intérieur du château puis, confuse de sa tenue, elle a un geste de coquetterie avant de se montrer à la fenêtre. Elle échange avec le Prince un baiser symbolique dont une colombe est le messager.
20Observons soigneusement la succession des événements :
un désir humain de dépassement et de rencontre spirituelle ;
la contemplation imparfaite et par réflexion du messager ;
enfin, un regard face à face, lorsque Blanche-Neige a pris conscience d’elle-même.
21L’aspect supérieur, d’ordre divin, de l’être humain, était auparavant voilé par les conséquences d’une « chute » ou d’une « déchéance ». Il y a nombre de contes, comme dans Cendrillon ou Peau-d’Âne, où une jeune fille de bonne naissance se trouve réduite en servitude.
Le Prince Charmant c’est la faculté de dépassement vers un état supérieur de l’être
22Alors, une intervention d’ordre supérieur est nécessaire pour opérer le rachat et faire sortir l’âme de sa léthargie. Cette intervention n’est pas autre chose que la transmission d’une influence spirituelle représentée par le regard échangé. Cette rencontre de l’humain et du divin se produit dans le rite initiatique.
23Le geste de coquetterie de Blanche-Neige consiste à passer la main dans ses cheveux pour en arranger l’ordonnance. Cela indique qu’elle prend conscience à la fois de sa beauté naturelle et de l’état d’effacement dans lequel cette beauté se trouve voilée.
24La Reine, elle, l’âme humaine, restait belle, selon sa nature, malgré sa déchéance et sa mondanité, jusqu’à l’arrivée du Prince. Mais toute cette beauté s’effondre devant « l’âme de l’âme » dès que celle-ci est illuminée par la perspective supérieure.
25Soulignons le symbolisme du regard qui « projette » sa lumière. Bien sûr, le symbole est à l’inverse des règles de l’optique physique, mais ne dit-on pas couramment « jeter un regard » ? Ce regard illuminateur et re-créateur est donc un symbole adéquat de l’influence profonde que transmet l’initiation.
26Nous voici parvenus au premier nœud dramatique. Devant la franchise du Miroir Magique, la Reine se rebelle. On peut avoir conscience d’un fait, mais c’est autre chose que de l’accepter. Aussi la Reine convoque-t-elle un garde auquel elle donne l’ordre d’emmener Blanche-Neige dans la forêt et là, de la tuer. L’âme égoïste et mondaine sent le danger que représente pour elle la spiritualité. Son instinct de conservation lui fait rejeter une aventure spirituelle qui serait sa propre destruction.
27Le meurtre ne sera en fait que symbolique. On apprendra qu’à Blanche-Neige épargnée sera substituée une biche dont le cœur sera présenté à la Reine. Nous avons ici un thème analogue à celui du sacrifice d’Isaac : la biche est l’équivalent féminin et forestier du bélier.
28Le meurtre simulé de Blanche-Neige correspond à la première mort initiatique. Il s’agit pour l’âme de mourir à un état d’esclavage pour renaître dans un état de liberté.
29La spiritualité de l’âme reprend sa place privilégiée grâce à cette mort initiatique et il est intéressant de citer ici un passage du Coran – ce qui nous permet pour une fois d’élargir nos traditionnelles références judéo-chrétiennes. Il est écrit, dans la sourate dite « des Aumailles » : « Certes Dieu est le fendeur du grain et du noyau. Il fait sortir le vivant du mort et il est celui qui tire le mort du vivant. »
La fuite de Blanche-Neige est comme une descente aux Enfers
30Ayant échappé au couteau, Blanche-Neige, éperdue, s’enfuit. Dans sa peur panique, la forêt lui apparaît affreusement hostile. Un monde ténébreux se manifeste à elle. Les arbres deviennent des monstres grimaçants qui l’agrippent de leurs griffes au passage. Elle court, trébuche, s’enfuit, jusqu’au moment où, à bout de forces, elle s’effondre en sanglotant dans une clairière, puis s’endort.
31On pense évidemment à une descente aux Enfers, qui accompagne la première mort initiatique. Cet aspect infernal est particulièrement marqué dans le film de Walt Disney par la chute verticale de Blanche-Neige, au cours de sa fuite, dans un marécage où les troncs flottants deviennent des crocodiles.
32Pendant le sommeil de Blanche-Neige, la forêt est devenue un lieu paradisiaque éclairé par une lumière de printemps. Les animaux convergent vers la clairière où la jeune fille est étendue. Celle-ci s’éveillera dans un monde d’âge d’or, ou de Paradis terrestre (nous rejoignons ici l’idée d’effacement de la chute et d’une éventuelle faute originelle). Aucune hostilité n’existe entre les bêtes, et toutes paraissent attirées par Blanche-Neige. Cette dernière s’est éveillée pour une seconde naissance. La lumière est donnée, il reste à l’actualiser.
33Blanche-Neige est conduite jusqu’à une maison dont les occupants sont absents. Ces derniers, sept nains, sont en train de travailler dans une mine creusée dans la montagne, d’où ils extraient des diamants. Le thème des nains gardiens d’un trésor est fréquent (voir les Niebelungen). Ils apparaissent souvent aussi au terme d’un voyage qu’accomplit le héros.
34Il convient de remarquer qu’ici le voyage est intérieur : les sept nains représentent les sept puissances de l’âme. Les noms qu’ils portent désignent des qualités du psychisme. Ils travaillent dans la montagne, lieu privilégié du symbolisme hermétique, et plus précisément dans la mine ou la caverne, qui figure le cœur.
35Ainsi, pendant que se déroulait la renaissance de l’âme spirituelle en dépit de sa partie profane, les fonctions naturelles de l’être, figurées par les nains, recherchent la lumière sous sa forme cristallisée : le diamant.
36La maison des nains est mal tenue. Aidée par les animaux de la forêt, Blanche-Neige entreprend de nettoyer et de mettre de l’ordre. Pour ce faire, elle « rassemble des objets qui sont épars ». Ayant achevé son travail, fatiguée, elle s’étend en travers des lits. Les lits des nains sont petits : elle prend possession de plusieurs d’entre eux, marquant ainsi la domination de l’âme spirituelle sur les facultés psychiques. Du même coup est signifiée l’unité fondamentale de l’être humain.
38Il nous est possible maintenant de mieux situer les uns par rapport aux autres les différents aspects de l’être évoqués par les principaux personnages.
La Reine est l’âme individuelle pervertie, c’est-à-dire faisant porter son unique intérêt sur un « moi » dont le centre de gravité est en décalage par rapport au véritable centre de l’humain. Par rapport à la théorie chrétienne, elle a les caractéristiques de Lucifer, le plus beau et le plus indépendant des anges.
Les Nains représentent les diverses facultés qui, par nature, ne sauraient être perverties. Ils échappent un peu au raisonnement moral, aux notions de bon et de mauvais, bien que la visite illuminante de Blanche-Neige les amène à faire leur toilette. Ils expriment quelque chose de relativement innocent dans l’âme humaine. Cette innocence est celle d’une égale incapacité de tomber ou de s’élever. Ils peuvent conquérir la vérité sous la forme condensée du cristal, comme un germe dont les virtualités ne se sont pas développées.
Blanche-Neige est, dans l’âme, la possibilité de pure spiritualité. Elle a suivi le processus initiatique dans ses phases essentielles : mort, descente aux Enfers, résurrection, travail.
Sept nains, sept cascades, sept collines
39Poursuivons le récit. Quand les Nains rentrent du travail, leur première réaction sera l’effroi : quelque chose a changé dans la demeure. Une fois qu’ils auront compris que Blanche-Neige a réalisé l’unité de l’être, et qu’elle a en quelque sorte rencontré ce dernier, la fête succédera au trouble. Blanche-Neige danse avec les Nains. Ainsi la danse fait pendant à la fuite dans la forêt. L’une étant la descente aux enfers dans le pessimisme, l’autre est l’exaltation de l’optimisme.
40À cette étape du récit, l’initié a réalisé en lui l’état primordial. Sa démarche fut jusqu’ici horizontale, de la périphérie au centre. C’est l’achèvement de ce qu’on a appelé les Petits Mystères.
41Que se passe-t-il alors ? La Reine apprend par le Miroir que Blanche-Neige « qui est plus belle que toi » est toujours en vie et réside chez les sept Nains, par-delà les sept cascades, au pied des sept collines. La Reine a alors recours à deux pratiques magiques : elle se transforme en une horrible sorcière pour ne pas être reconnue, et élabore une pomme empoisonnée. Elle rejoint Blanche-Neige au domicile des sept Nains et, en l’absence de ces derniers, l’empoisonne. Blanche-Neige s’effondre, apparemment morte. Les Nains arrivent trop tard. Ils poursuivent la sorcière à travers les rochers d’une montagne dénudée. Elle tombe dans un ravin et se tue à son tour.
42Nous sommes évidemment en présence d’un récit destiné à évoquer le début d’une seconde phase initiatique. Blanche-Neige est soumise à la seconde mort, celle qui ouvre le chemin des Grands Mystères. Cette seconde mort est la dissolution des facteurs individuels ou des résidus psychiques qui leur servent de support. Et voilà pourquoi Blanche-Neige apparaît morte aux yeux des Nains, qui ne peuvent pas voir au-delà de leur propre monde.
43Soulignons que l’expression « seconde mort » se trouve dans l’Apocalypse de Saint Jean, dans le passage suivant : « L’enfer et la mort furent jetés dans l’étang de feu, c’est-à-dire la seconde mort. »
44Pour l’individualité, il s’agit de l’annihilation pure et simple, donc de l’éventualité la plus angoissante. C’est bien ce qui va se produire pour la Reine-sorcière. Elle incarne les possibilités « infernales » de l’être humain qui sont alors destinées à disparaître totalement. Cette disparition sera la chute dans le ravin, fin du caractère illusoire de ces possibilités. Nous avons dit que la Reine avait un aspect luciférien (le plus beau et le plus indépendant des anges). Maintenant la nature satanique remplace l’aspect luciférien : elle apparaît comme une sorcière très laide et très dangereuse, jusqu’à sa disparition.
45Blanche-Neige avait cheminé jusqu’ici de façon horizontale, jusqu’au centre de son être. Maintenant qu’elle l’a trouvé, son chemin va être vertical. Il s’agira d’une transformation au sens étymologique, c’est à dire d’un passage au-delà de la forme, qui est, avec le temps, une caractéristique de la manifestation matérielle. Blanche-Neige est morte à l’individualité.
46La première étape initiatique était une sortie de l’état profane. Mort symbolique, puisqu’il y avait substitution par la biche. L’individualité n’est pas détruite : elle doit au contraire prendre possession de toutes ses possibilités.
47La seconde mort marque un décrochement d’un autre ordre : Blanche-Neige, en tant qu’individu, n’existe plus.
48La première mort se faisait par blessure, et le cœur était symboliquement arraché : l’amande devait être ôtée de la coque, le germe mis à nu. La seconde mort passe par la consommation d’un fruit empoisonné, fruit qui, comme par hasard, est une pomme ! Nous revoilà dans l’ésotérisme chrétien, dans le fruit de la connaissance… Vous savez que quand on coupe une pomme en deux horizontalement, on voit apparaître au centre une étoile à cinq branches.
Le départ du Prince Charmant et de Blanche-Neige dans un flamboiement de soleil correspond aux Grands Mystères
49Blanche-Neige, donc, meurt aux apparences. Les Nains l’ont allongée dans une châsse de verre, jusqu’au moment où le cavalier transcendant du début de l’histoire apparaît et réveille Blanche-Neige d’un baiser. Il l’emmène sur son cheval, dans un flamboiement de soleil. Ce départ vers un avenir radieux, mais non explicité, cette ellipse de la fin, correspond bien aux Grands Mystères. Au niveau des Petits Mystères, le travail était montré (Blanche-Neige mettait de l’ordre dans la maison des Nains) et le résultat acquis était fêté par la danse. Mais maintenant plus rien n’est accessible de l’extérieur. On peut se demander quel est le niveau de réalisation spirituelle suggéré par la fin de l’histoire. S’agit-il de l’identité suprême, de l’ascension au niveau supérieur de l’esprit ? Le fait que l’homme et la femme, unis, s’envolent à travers les airs vers un château céleste flamboyant de lumière peut le laisser supposer.
Rituels de l’eau en Ukraine et dans les pays slaves Olga Porytskaya
1L’eau, dans les rituels de presque tous les peuples, est investie d’un sens particulier, ne serait-ce que parce qu’elle est nécessaire à la vie. L’homme a besoin de l’eau pour étancher sa soif, préparer sa nourriture, faire ses ablutions, abreuver les animaux, arroser le potager, les champs, etc. Mais, comme on le sait, l’eau est aussi associée aux pluies torrentielles qui détruisent les récoltes, aux inondations qui réduisent à néant les exploitations et emportent des vies humaines. En outre, pour nos ancêtres, l’eau était un élément capable de l’emporter sur un autre, non moins puissant, le feu. Ce qui, dans la vie quotidienne, était somme toute banal, prenait parfois dans la vie spirituelle une dimension symbolique et formait un système particulier de signes sur lequel se fondaient les représentations populaires de la nature. Ce n’est donc pas un hasard si l’eau occupe une telle place dans les coutumes des peuples anciens, et si ont survécu, jusqu’à nos jours, sous des formes résiduelles, d’anciennes croyances et pratiques rituelles.
Pratiques et rites divinatoires
2 En Ukraine, les traditions les mieux conservées s’observent chez les ethnies de la région du Polessié, zone forestière située au nord de l’Ukraine.
3L’une des formes de divination par l’eau les plus usitées consistait à abandonner des couronnes au fil de l’eau, pratique que l’on peut également observer chez les Russes. En ce qui concerne les Biélorusses, ce type de divination était surtout connu dans les régions proches des territoires ethniques ukrainiens, à savoir la région du Polessié. Cette pratique divinatoire se retrouvait aussi chez les Tchèques et les Polonais, plus rarement chez les Bulgares ; mais, par rapport aux Slaves du Nord, son importance y était moindre. Si, dans la tradition russe, ce rituel coïncidait avec la Pentecôte (et les fêtes dites « vertes », marquant le retour du printemps), c’est à la Saint-Jean qu’il coïncidait chez les Biélorusses et les Ukrainiens. L’une des conditions essentielles à son déroulement était que la couronne jetée au fil de l’eau ait auparavant ceint la tête de la personne, en soit « imprégnée », et puisse ainsi la « représenter ». Ce type de divination existait sous une forme plus élaborée en Ukraine et en Pologne, où, sur les couronnes de paille tressée, parfois décorées de fleurs, on fixait des bougies. On jetait alors ces couronnes à l’eau, et les jeunes filles, comme les jeunes gens, observaient leur évolution (dans certaines contrées les garçons les repêchaient au hasard, cherchant à deviner qui serait leur future épouse). En Pologne, au lieu de la paille tressée, ce sont des cerceaux de bois ployés (« obroutchi ») qui servent à la fabrication des couronnes. Notons que, pour ces pratiques divinatoires (se déroulant le dimanche des Rameaux), les Bulgares substituaient aux couronnes flottées des anneaux, extraits d’un récipient rempli d’eau, auxquels pouvaient être accrochés des « simples » (herbes médicinales), parfois bénis. Le trait commun aux coutumes évoquées est qu’elles réunissent les mêmes attributs : couronnes ou anneaux personnalisés, herbes et eau. Mais la divination par l’eau était aussi pratiquée à d’autres époques de l’année, comme à l’Épiphanie, les jeunes filles tentant de deviner leur avenir. L’observation du calendrier permet d’observer la coïncidence de ces pratiques avec les traditionnels jours des morts. Ainsi s’établissait, par le biais de l’eau, le contact entre vivants et morts ; car ce sont précisément les âmes des morts qui, d’après les croyances populaires, sont censées pouvoir révéler le destin et prédire l’avenir.
1
Eau « bénéfique », eau « maléfique »
4Selon les croyances cosmogoniques ukrainiennes, l’eau a un pouvoir mystique de purification. Il suffit d’un contact avec elle pour bénéficier de son pouvoir. Largement éprouvé par la conscience humaine, l’état de pureté-propreté est généralement associé à la santé (tout comme celui d’impureté-saleté l’est au mal et à la maladie). Dans ce système symbolique, l’eau est en « correspondance » avec la santé. Comparons cette formule de vœux ukrainienne avec celles d’autres peuples slaves, par exemple dans le chant traditionnel lié au printemps (« vesnianka »), accompagné de coups frappés avec des rameaux bénis :
7Il existait aussi de nombreuses conjurations par l’eau, destinées à protéger les hommes des forces maléfiques et mystérieuses. L’une d’elles, recueillie auprès de vieux-croyants (cf., dans ce même numéro, l’article d’Olexandre Prygarine) de la région de Jitomir, est particulièrement significative :
Tu as baigné les pierres grises, les racines blanches.
Baigne maintenant le serviteur de Dieu…
[et protège-le] des vieillards, des vieilles femmes,
Des belles filles, des jeunettes,
Des enfants, des nourrissons,
De l’œil bleu, noir, blanc, rouge,
Amer, envieux, qui pense à mal et maléfice,
Maintenant et toujours dans les siècles des siècles
Amen ».
9 Cependant, ce premier aspect est indissociable de son contraire. L’eau, dans ces pratiques, n’a pas uniquement un pouvoir de purification : elle s’utilise aussi comme véhicule pour envoyer des maladies, la peste, pour jeter des sorts aux gens et au bétail. On peut pour cela utiliser du savon, dans lequel on pique des épingles et que l’on jette dans l’eau ou que l’on enterre ; on jette à l’abreuvoir où l’on mène les bêtes un os d’animal mort d’une quelconque maladie pour que ce mal se transmette au bétail de son ennemi [Kouzelia, 1907 : 123].
10 L’eau a, par ailleurs, un sens particulier dans les pratiques divinatoires des jeunes filles. On sait que l’eau nécessaire à la préparation des petits pains de divination doit impérativement provenir de trois, voire de sept puits différents ; ou bien, il faut prendre de l’eau du puits dans sa bouche. On se livre aussi à des rites de divination à l’aide d’un miroir placé auprès d’un puits, dans l’espoir d’apercevoir son promis.
L’eau entre deux mondes
11K. Mochinski considérait que les diverses pratiques de divination par l’eau se développaient à partir d’un fonds commun : la mise en contact, par le biais de l’eau, avec le monde des défunts et des ancêtres (voir les pratiques décrites plus avant, liées à l’Épiphanie) [Moszyn’ski, 1967 : 369]. V. Propp, dans ses recherches sur les origines des contes merveilleux sur le thème de l’arbre magique prenant racine sur une tombe [Afanassiev, 1988-1992], notait que l’on arrosait quotidiennement les tombes. Cela se faisait, soit avec de l’eau à la « demande », sinon l’« ordre », d’un animal ; soit d’une manière plus imagée, avec des larmes, comme dans le célèbre conte « Zolouchka » (« Cendrillon », NdT). Dans les deux cas, l’animal enterré (le plus souvent une vache) ou bien la mère défunte devient l’« auxiliaire » de l’autre monde. Il s’agit d’une coutume tendant à préserver l’existence du défunt, à le protéger de la mort [Propp, 1934 : 133] (les représentations populaires étaient semblables en ce qui concerne la dépendance des sirènes à l’eau : leurs cheveux devaient toujours rester mouillés [Poritskaya, 1999 : 87-98]).
12On peut y voir également un moyen d’entretenir un lien entre les deux mondes. Ainsi la coutume d’arrosage rituel avait-elle pour but, d’après Propp, le maintien en vie du défunt dans son « nouveau monde » ; et, comme l’on supposait cet au-delà semblable à l’univers des vivants, les substances nécessaires à la vie (eau et nourriture) étaient fournies au défunt après sa mort.
13 Cette coutume s’est perpétuée dans la culture ukrainienne. Elle trouve en particulier son expression dans les lamentations traditionnelles lors des funérailles. Chez les anciens « Rus » (Vikings de Kiev), selon les notes des marchands ambulants, lorsqu’un des conjoints (notamment l’époux) mourait, on immolait l’autre (au cours d’un banquet orgiaque), puis on les déposait ensemble, avec une petite réserve de nourriture, de l’argent et des armes, dans une barque qu’on laissait aller au fil de l’eau [Lege, 1908 : 17-25]. Ainsi voyait-on dans ce « fil », un chemin menant au monde des morts, unissant par là « ce » monde-ci et « l’autre » en un rituel unique. Il arrivait que l’on brûle la barque. De cette façon, l’eau, ou tout autre endroit humide, devenait lieu de passage potentiel. Les Biélorusses ont gardé jusqu’au début du xxe siècle une coutume funéraire fort significative : on ne plaçait pas de croix sur les tombes des femmes (« Vitevchtchina ») : on construisait en leur mémoire de petits ponts faits d’une planche ou d’un rondin, sur lesquels on gravait une croix, des chaussures ou une faucille, parfois même la date du décès [Zelenin, 1991 : 351]. Ces petits ponts avaient pour fonction d’aider les défuntes à déjouer les obstacles rencontrés en ces lieux. Dans les Carpates, du côté ukrainien, les Houtsouls des montagnes, en préparant les morts au voyage vers l’au-delà, glissaient de l’argent dans les poches de leurs gilets de fourrure, ou à tout autre endroit, pour qu’ils aient de quoi payer le passage [Gnatiouk, 1912 : 263]. Cette tradition trouve un écho en Ukraine, dans des lamentations adressées à un père : « Père, ô mon cher père, mon oiseau, où t’envoles-tu ? Vers quoi vogues-tu ? » (recueilli dans la province de Tchernigov) [Zventsytski, 1912 : 107]. Les contes merveilleux font souvent appel à ce même motif du passeur, lien entre le monde d’ici-bas et l’au-delà.
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14Dans la poésie populaire, on retrouve fréquemment des vers où le malheur est comparé à une rivière, ultime épreuve sur la route du héros, revenant du monde des morts vers celui des vivants. Mais la rivière peut aussi devenir l’obstacle ultime que rencontre le personnage maléfique (généralement un être fabuleux) poursuivant le héros qui, à cet endroit, trouve la mort. Ainsi l’eau sépare-t-elle les vivants des morts.
15Mais l’imaginaire populaire va plus loin encore dans le développement de la symbolique de l’eau, car elle devient capable de redonner la vie : c’est l’eau de la vie. Ce motif se retrouve dans des textes de lamentations ukrainiennes : « Allez donc, mon Père, par les chemins que nous empruntons, là où, après vos pas, nous tracerons des chemins de larmes en suivant les vôtres [Kolessa, 1970 : 296]. Allez donc par les steppes et par les chemins battus que j’ai balayés de bleuets et arrosés de mes larmes » (province de Poltava) [Zventsytski, op. cit. : 110]. On le rencontre également dans les rituels d’arrosage des tombes par les larmes.
16C’est dans les contes de fée et dans la symbolique issue de la tradition antique que s’est le mieux maintenu ce mythe de l’eau de la vie et de la mort, en y ajoutant toutefois la notion de temps : on ne doit pas pleurer les morts au-delà du « temps des larmes » imparti. Car les larmes des proches empêchent le défunt d’atteindre au repos éternel et, le rappelant sans cesse, elles le consument. Cette croyance est à rapprocher des légendes qui perdurent dans les Carpates, décrivant les personnages mythiques des « Sylvains » (lesniï, lisna) « agrippés » aux morts dont les proches ont pleuré trop longtemps la disparition. Il est très compliqué de s’en débarrasser. On n’y parvient qu’en accomplissant un certain rituel accompagné de formules magiques [Porytskaya, 2000 : 79-91].
L’aide des morts
17Les croyances en l’aide que les parents défunts ont le pouvoir d’apporter s’illustrent dans les coutumes de la Toussaint. Après le déroulement du repas funéraire dans le cimetière, les proches se jettent sur les tombes, racontent en chuchotant joies et peines, succès et espoirs, demandent conseil et soutien moral (Volyn’). Les lamentations d’une jeune fille adressées à sa mère, recueillies dans la région du Polessié (en Ukraine), mettent bien en lumière l’aide que les vivants attendent des disparus : « Quand nous rendras-tu visite, maman ? Là-bas nous attendrons notre mère et elle viendra nous aider » [Gritsy, 1995].
18Les Slaves du Sud avaient coutume de laisser flotter dans le courant d’une rivière des bougies fixées à des copeaux de bois ou des planchettes, pour communiquer avec les âmes des ancêtres. Les Serbes observaient ce même rituel, au second repas funéraire (le premier ayant lieu le jour de l’enterrement), à savoir, le samedi suivant (les repas des samedis : « soubotno podouchie » ; la table du samedi : « soubotna sofra ») [Tolstoï, 1987 : 61]. Un rituel similaire avait lieu en Ukraine. Au moment de Pâques, on recueillait les coques de « krachanka » (coquilles d’œufs colorés pour Pâques) et on les jetait à la rivière qui les emportait au loin, au-delà des mers, là où sont les « Rakhman », ce qui permettait d’annoncer à ces derniers la fête de la Résurrection divine (région de Poltava) [Voropaï, 1991 : 48]. On fixait parfois des bougies à ces coquilles. D’après les légendes des montagnards des Carpates, qui se conforment à ces usages, les « Rakhman » sont des moines qui n’ont pas renoncé à leur croyance. Ils vivent quelque part à l’est, où ils mènent une vie faite de prières pour le rachat de nos âmes [Choukhevitch, 1905 : 243]. Dans les croyances populaires d’Ukraine orientale, la représentation directe de l’autre monde où habitent les « Rakhamny », et l’autre représentation (cette fois au sud-ouest de l’Ukraine) de « moines » qui vivraient au loin et rachèteraient les péchés des autres, ont en commun l’eau comme élément rituel.
19La perception de l’eau, du cours d’eau comme un élément s’étendant à la frontière de deux mondes, explique cette croyance qu’ont gardée les Ukrainiens et les autres peuples slaves, que l’eau est le siège des démons et que, de même, chaque source et chaque rivière possède ses propres esprits. Il convient donc, avant de la boire, de saluer une eau que l’on ne connaît pas ; de ne pas se baigner dans les rivières et cours d’eau à certaines heures de la journée et à certaines périodes de l’année ; de se signer devant une rivière dans laquelle on s’apprête à se baigner ; ou de prononcer certaines formules de conjuration. Parmi les esprits qui hantent les rivières, les marais et les lacs, ce sont les sirènes (« roussavki », « liousony ») que l’on retrouve le plus fréquemment : âmes d’enfants mort-nés, non baptisés ou étouffés par leur mère durant le sommeil ; ou encore âmes de jeunes filles mortes noyées les nuits de pleine lune, ou s’étant suicidées à la suite d’un chagrin d’amour, la nuit de la Trinité ; enfin, victimes de mort violente.
20Il y avait, chez les êtres de l’autre monde, des figures semblables à ces « roussavki », tels que les « bereguini », esprits des berges, auxquels on sacrifiait (comme il est rapporté par d’anciens manuscrits russes) [Famintsyn, 1884 : 36], ou encore les « vidiany », génies des eaux. À ce sujet, D. Chepping a noté dans ses recherches sur la mythologie slave, que les représentations du « Vodianoï » « peuvent témoigner de la grande importance de l’eau dans la spiritualité quotidienne, au temps de notre paganisme » [Chepping, 1849 : 110]. C’est ce qu’atteste aussi la grande variété de figures mythologiques liées à l’eau. Certains sacrifices de haute Antiquité en son honneur se perpétuent en partie dans les rites traditionnels d’invocation de la pluie, notamment dans le Polessié, en Bulgarie et en Serbie. C’est l’eau encore qui servait en Ukraine, mais aussi chez d’autres peuples d’Europe, à déterminer la pureté ou l’impureté d’une âme. En Galicie (Ukraine occidentale), par exemple, lorsqu’on voulait confondre une sorcière, on la jetait à l’eau, puis on observait la partie de son corps qui allait remonter la première : était sorcière celle dont les hanches émergeaient en premier) [Gnatiouk, 1912 : 6].
21Ainsi peut-on dire que l’eau et sa représentation animiste occupaient une place symbolique importante dans les croyances et rituels des Ukrainiens, mais aussi, plus largement, des Slaves. Cependant, d’un point de vue sémantique, la symbolique traditionnelle de l’eau est antinomique, utilisée tantôt à des fins de purification rituelle ou de bonne santé, tantôt, d’envoûtement. Enfin, l’eau joue le rôle majeur de lien entre les vivants et les morts. Ses multiples fonctions, les représentations des lieux où elle s’écoule comme refuges peuplés d’êtres issus d’autres mondes, prouvent l’ancienneté des cultes qu’on lui voue et de la symbolique qui lui est propre, depuis, très probablement, l’époque préchrétienne. ?
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