Sakyadhita « les filles de Bouddha », principale organisation internationale de femmes bouddhistes, est une alliance de femmes (et d’hommes) qui entend se vouer à la transformation du mode de vie des femmes dans les sociétés où fleurit le bouddhisme. Elle a été fondée lors du premier Congrès International des Femmes Bouddhistes à Bodhgaya (Inde) en 1987.
Sakyadhita cherche à unir des femmes de nationalités et de traditions bouddhistes différentes afin de promouvoir leur bien-être et de faciliter leurs activités pour le bien de tous.
Elles sont 300 millions de femmes bouddhistes dans le monde, dont plus de 130.000 moniales. Pour un très grand nombre, elles vivent dans la pauvreté et n’ont pas accès à l’éducation ou aux structures qui soutiennent la pratique bouddhiste.
De nos jours, ce n’est qu’au sein de trois traditions bouddhistes (chinoise, coréenne et vietnamienne) que les femmes peuvent recevoir une ordination dont le statut est identique à celui des hommes.
Sakyadhita œuvre à la réalisation de l’égalité hommes/femmes dans le bouddhisme, c’est-à-dire à l’obtention, pour les femmes bouddhistes du monde entier, de l’égalité des chances en matière d’éducation et de formation. Ses membres leur apportent l’aide nécessaire afin qu’elles développent leurs potentiels et capacités, en tant que chercheuses, pratiquantes, enseignantes, avocates, artistes, membres ou organisatrices de mouvements associatifs, personnes compatissantes engagées dans le domaine social.
Etablir une alliance internationale de femmes bouddhistes
Faire progresser le bien-être spirituel et temporel des femmes dans le monde
Œuvrer à l’égalité hommes/femmes en matière d’éducation, de formation, d’ordination et de structures institutionnelles.
Promouvoir l’harmonie et le dialogue entre les diverses traditions bouddhistes, ainsi qu’avec les autres religions.
Encourager la recherche et la publication de travaux ayant trait à des sujets concernant les femmes bouddhistes.
Favoriser l’action sociale axée sur le bien de l’humanité.
Promouvoir la paix mondiale au travers des enseignements du Bouddha.
Une conscience aigüe et un engagement pour l’action sociale se développent naturellement parmi les femmes qui participent aux Conférences Internationales Sakyadhita des femmes bouddhistes. Jusqu’ici les conférences internationales de Sakyadhita se sont tenues à Bodhgaya en 1987, Bankgok en 1991, à Colombo en 1993, au Ladak en 1995, à Phnom Penh en 1998, à Lumbini (lieu de naissance du Bouddha) en 2000, à Taipei en 2002, à Séoul en 2004, à Kuala Lumpur en 2006, à Ulanbator en 2008, et Ho Chi Minh ville en 2009, et de nouveau à Bangkok en 2011, en Inde en 2013, en Indonésie en 2015, à Hong Kong en 2017, Blue Mountain (Australie) en 2019 et la dernière s’est déroulée à Bornéo en 2021.
Les femmes ont joué un rôle très important dans l’histoire du Bouddhisme. Le Bouddha leur a conféré la pleine ordination. Elles ont été tour à tour enseignantes, Yoginis, grands Maîtres, fondatrices de lignées, et ont atteint l’illumination. Elles ont grandement contribué, de différentes manières, à venir en aide aux êtres.
L’accès à l’éducation ayant toujours été très difficile, la plupart d’entre elles ne savaient ni lire, ni écrire. Il leur était donc souvent impossible de transmettre leur haute expérience spirituelle, en tous cas d’en laisser un témoignage écrit ou durable.
Il aura fallu mener des recherches très poussées pour retrouver la trace de ces femmes d’exception et de leurs précieuses expériences.
Afin de faciliter dorénavant aux femmes l’accès à l’éducation et au savoir, de nombreux projets ont récemment vu le jour. Nous aimerions présenter et soutenir activement certains projets.
Pour plus d’infos et d’éventuels dons suivre ce lien :
Ida a créé avec d’autres personnes LA LETTRE DES DEUX VOIES pour favoriser des échanges et des liens entre Francs-Maçon (nes) qui sont déjà dans une démarche bouddhiste ou qui souhaite connaître un peu mieux le bouddhisme.
La lettre est trimestrielle et gratuite, on peut s’y inscrire en précisant son Ob., sa L. et la Ville de résidence à ce mail : lesdeuxvoies@orange.fr
Tout comme nous avons nos propres centres énergétiques appelés Chakras, la Terre possède aussi les siens.
Si vous observez notre Univers ainsi que la planète Terre, vous vous apercevrez que tout est comme un miroir. Il y a un Univers autour de nous, il y a un Univers en nous et nous sommes tous connectés.
Nous sommes aussi tous connectés à la Planète Terre grâce au courant électrique subtil qui parcourt la planète entière. Ces courants électriques sont connus sous le nom de « Lignes telluriques » (« Lay lines » en anglais) et sont presque comme le système sanguin de notre planète Terre.
De la même façon que des veines et des artères qui entrent et sortent du cœur, la planète Terre possède des lignes telluriques, qui sont des lignes d’énergie qui serpentent autour de la terre.
D’un point de vue scientifique, une ligne tellurique est une ligne de faille droite au niveau des plaques tectoniques de la Terre. Grâce à ces fissures dans les plaques tectoniques de la Terre, les énergies magnétiques libérées à ces endroits sont très puissantes.
Les intersections où les lignes telluriques se croisent sont des points d’énergie importants possédant de fortes concentrations d’énergie électromagnétique. C’est souvent sur ces intersections que la plupart des anomalies scientifiques se produisent.
A ces endroits, les personnes sensibles témoignent ressentir l’énergie déferler sur leur corps et d’autres prétendent même s’être évanouies car l’afflux était très puissant.
On dit aussi que ces lignes telluriques captent les informations et les énergies venant de ces points vibratoires supérieurs et les transportent autour de la planète, en répandant la connaissance et la sagesse à tous ses habitants.
Machu Picchu, le monolithe noir de la Mecque, Stonehenge et Angkor Wat.
En Europe, l’un des points vibratoires le plus connu est situé en France. C’est l’endroit où a été bâti la Cathédrale Notre-Dame-de Paris. C’est l’une des plus anciennes cathédrales gothiques de France et elle se trouve précisément à l’intersection de deux lignes telluriques qui traversent Paris.
En observant les anciennes civilisations avancées comme les Egyptiens, il est clair qu’ils avaient compris l’importance de ces courants d’énergies.
En fait, la plupart des cultures anciennes avaient probablement une certaine compréhension des lignes telluriques. En Chine, elles sont connues sous le nom de « lignes du Dragon ». En Amérique du Sud, les Chamans les appelaient les lignes d’esprit et en Australie, les aborigènes les appelaient les lignes de rêve.
Une autre chose intéressante à constater et que les points où les lignes telluriques se croisent sont parfaitement alignés avec les constellations astrologiques.
En considérant ces lignes telluriques comme les courants énergétiques de la planète Terre, vous pouvez maintenant comprendre comment il est possible que la Terre ait aussi ses propres centres d’énergie (Chakras).
On pense que les Chakras de la planète Terre sont situés à ces endroits :
Chakra Racine
Mount Shasta, Californie, États-Unis
Le Mont Shasta est un ancien volcan haut de 4318m qui fait partie de la chaîne de montagnes des Cascades. Elle s’étend du nord de la Californie jusqu’à l’Oregon et jusqu’à la frontière Canadienne. Le Mont Shasta est considéré comme l’une des montagnes ayant le taux vibratoire le plus élevé, mais toute la région est également très animée. Cette zone est considérée comme la base du système énergétique de la planète Terre.
Chakra Sacré
Lac Titicaca, Pérou-Bolivie, Amérique du Sud
Le lac Titicaca est le centre du chakra sacré de la Terre. Vous trouvez juste à coté le Machu Picchu, Cuzco et Iquitos qui sont également considérés comme ayant une très haute énergie.
Deux lignes telluriques se croisent au lac Titicaca, la ligne tellurique du Grand Dragon Masculin (Male Great Dragon) qui relie le Mont Shasta au lac Titicaca et la ligne tellurique du Grand Dragon Féminin (Female Great Dragon).
Chakra du Plexus Solaire
Uluru – Kata Tjuta, Territoire du Nord, Australie
Uluru et une zone appelée Kata Tjuta et est considérée comme étant le charka du Plexus Solaire de la Terre. Cette zone est aujourd’hui toujours considérée comme sacrée par les autochtones. La ligne tellurique du Grand Dragon Féminin relie le lac Titicaca et Uluru.
Chakra du Coeur
Stonehenge, Angleterre
Stonehenge ainsi que les régions environnantes de Glastonbury, Somerset, Shaftesbury et Dorset forment le Chakra du Cœur de la Terre Mère. L’endroit où Stonehenge est construit est le point qui possède l’énergie la plus élevée. Encore une fois, c’est la ligne tellurique du Grand Dragon Féminin qui relie Uluru à Stonehenge.
Chakra de la Gorge
La Grande Pyramide, Jérusalem, le Mont Sinaï et le Mont des Oliviers (Moyen-Orient)
Le Chakra de la Gorge de la Terre comprend la zone de la Grande Pyramide, le Mont Sinaï et le Mont des Oliviers qui se trouve à Jérusalem. Le Chakra de la Gorge est l’un des plus grands centres d’énergie de la Terre, ce qui indique son importance à ce moment particulier de notre histoire. C’est aussi le seul centre d’énergie qui n’est pas relié à la ligne du Grand Dragon.
Chakra du Troisième œil
Le Chakra du Troisième œil est le seul qui est mobile à cause du mouvement de l’axe de la Terre. Le chakra du Troisième œil se déplace tous les 150 à 200 ans ainsi qu’au moment des changements d’ères astrologiques tous les 2000 ans environ. En 2012 nous sommes sortis de l’ère du Poisson pour entrer dans l’ère du Verseau, ce qui signifie que le chakra du Troisième œil est actuellement situé en Europe occidentale près de Stonehenge, au même endroit que le Chakra du Cœur.
Ce n’est pas étonnant quand on connait les rôles des Chakras. Le Chakra du cœur se réfère à la compassion et à l’amour, tandis que le Chakra du troisième œil est en rapport avec la prise de conscience, le fait de voir au-delà de nos croyances. Nous sommes justement dans une période où l’humanité se réveille et commence à percevoir les autres dimensions.
Chakra Couronne
Mont Kailash, Montagnes de l’Himalaya, Tibet
Le mont Kailas est situé au Tibet et est considéré comme la montagne la plus sacrée de l’Himalaya. C’est à cet endroit qu’est situé le Chakra Couronne de la Terre.
Ce Chakra serait connecté à la Pleine Lune du Scorpion qui a lieu une fois par an en Avril ou en Mai. A ce moment, de nombreux habitants célèbrent la Pleine Lune du Scorpion sur le Mont Kailas car elle marque le début d’une nouvelle évolution de conscience.
Même si les 7 Chakras de la Terre possèdent une énergie très élevée, d’autres endroits sur Terre sont également situés à l’intersection de lignes telluriques et possèdent également un fort taux vibratoire, par exemple :
Le Triangle des Bermudes
Karachi, au Pakistan
Le Triangle de la Mer du Diable (Japon)
Le Mont Fuji, Japon
Maui, Hawaii
Sedona, Arizona
Calgary, Canada
Findhorn, Écosse
Kiev, Ukraine
Bali, Indonésie
Île de Pâques
Angkor Wat, Cambodge
Sarawak, Bornéo
Gabon (Afrique de l’Ouest)
Capetown, Afrique du Sud
Lake Taupo, Nouvelle-Zélande
Il existe différentes théories concernant la position des Chakras de la Terre mais la chose à retenir est que notre planète possède bien un système électromagnétique qui rentre en résonance avec celui de notre propre corps. Notre champs vibratoire est donc grandement influencé par les différents endroits ou nous nous déplaçons.
Si vous avez l’occasion de vous rendre sur l’un de ces points, nous vous encourageons à prendre un moment pour y méditer ou pour ressentir ce qui se passe à cet endroit ! »
Notez également que vous pouvez vous servir de pierres pour harmoniser les vibrations de votre corps ou de votre lieu de vie. Elles ont chacune leur vertus et sont un outil particulièrement efficace dont vous pouvez vous servir au quotidien.
Le conte a une valeur initiatique fondamentale. Au fil des aventures imagées qu’il propose, c’est tout un symbolisme de l’aventure humaine qui est décrit. Souvent le conte fait peur, on y passe du mal absolu au bien absolu. Cela est nécessaire pour impressionner l’imagination, nourrir la réflexion, investir la mémoire. Dans ce texte, publié une première fois en 1988 , Michel Watier déplie une grille de lecture exploitant la méthode et la culture maçonniques et offre un accès privilégié aux mystères de Blanche-Neige.
1[1][1]Publié dans le numéro 9 de la Chaîne d’Union, paru au printemps…Les contes de fées. Voilà un genre littéraire qui ne jouit plus d’une grande considération de nos jours. On en garde quelques-uns, par tradition, dans des livres pour enfants destinés à favoriser le sommeil. Si l’enfant est trop petit pour lire et que le papa se voit réclamer une histoire, le livre de contes de fées sera le bienvenu pour suppléer une imagination défaillante. Mais, dès ses huit ans, l’enfant s’intéressera moins aux contes de fées ou aux contes et légendes de type mythologique, pour préférer épanouir son rêve du côté de la science-fiction.
2Le conte, donc, genre aujourd’hui dévalué, a pourtant connu un regain de vogue grâce au dessin animé dans les longs métrages de Walt Disney. (Finalement, nous adorons qu’on nous raconte des histoires.)
3Il y a 300 ans, Perrault et plus tard Grimm et Andersen mirent en forme toute une littérature orale traditionnelle. Orale, car le conte, c’est évidemment ce que l’on raconte, et non ce qu’on lit.
4Le conte, c’est la veillée devant la cheminée, avec le jeu des flammes et des ombres, et les bruits de la nuit au-dehors. Le conte, c’est avant tout un conteur, dont la voix change avec les personnages, qui module ses effets, qui crée une atmosphère et un rêve collectif, alors que le livre ne crée qu’un rêve individuel.
5Le conte avait une valeur initiatique fondamentale, car à travers les aventures imagées c’était tout un symbolisme de l’aventure humaine qui était décrit. Et si le conte faisait souvent peur, c’était pour laisser une marque, pour impressionner les imaginations, motiver les réflexions, pénétrer les mémoires.
Du mal absolu au bien absolu
6Il faut noter la forme dialectique du contenu, les oppositions, les violences extrêmes. On voit froidement le loup dévorer la grand-mère, l’ogre mettre les enfants au saloir jusqu’à ce que Saint-Nicolas vienne miraculeusement leur rendre leur intégrité physique et la vie. On passe du mal absolu au bien absolu par un coup de baguette magique qui établit l’exemplarité du conte, sa distance vis-à-vis du réel, et nous ramène à cette logique enfantine qui est celle des grandes profondeurs psychiques. Comme disent les enfants : « On dirait que c’est vrai… On dirait que je suis le prince… On dirait que je monte sur les oiseaux pour survoler le monde… »
7En fait, les prémisses totalement convenues sont une certaine appropriation du réel, et le déroulement est exemplaire. La leçon, prise au second puis au troisième degré, se développera au cours du temps, avec la vie de l’individu, jusqu’au moment où, à son tour, il racontera à ses enfants puis à ses petits-enfants les histoires traditionnelles. Et, parce qu’elles sont traditionnelles, parce qu’elles font partie de la petite enfance avant de faire partie de l’âge adulte, elles nous rattachent à nos racines profondes, à notre moi intime, à ce qui nous remue, nous émeut, nous justifie.
Trois degrés d’interprétation
8Un premier degré d’interprétation des contes de fées est celui de Carl Gustav Jung, aidé de son assistante Marie-Louise von Franz. (Plus tard, Bruno Bettelheim suivra la même interprétation.) Pour Jung, toute l’aventure relatée par le conte reflète la lutte que mène l’inconscient pour accéder à la conscience. Le conte utilise les voies de l’émotivité, du vécu et de l’instinct pour conduire de grandes pulsions et de grands enseignements jusqu’à la prise de conscience, par un chemin non rationnel.
9Marie-Louise von Franz rapporte un mythe des Indiens Ojibwa d’Amérique du Nord. Quand le Grand Dieu voulut transmettre aux hommes la connaissance de la « médecine secrète », il ne put se faire comprendre d’eux. Alors, il instruisit une loutre qui, à son tour, enseigna les humains. Le dieu est donc passé par un animal (c’est-à-dire par un instinct) pour se faire comprendre. Marie-Louise von Franz conclut : « Dès que la conscience humaine adopte une forme de conviction absolue, un dogmatisme, face au mystère du monde qui l’entoure et de la psyché, le pôle spirituel est fermé. J’ai souvent constaté qu’en pareil cas, l’archétype qui veut se manifester à la conscience doit emprunter la voie de la loutre. »
10Un second niveau d’interprétation, celui que je propose ci-après, exploite totalement la méthode et la culture maçonniques : c’est la voie symbolique.
11Un troisième niveau se relie aux mythes spiritualistes les plus élaborés des traditions ésotériques et mystiques (Hindous, Juifs, Chrétiens). Ce niveau dépend de chaque interprétation personnelle, en fonction de la culture et des goûts de chacun.
12Mais, avant d’en arriver là, il faut tout d’abord passer par la lecture symbolique. Prenons l’exemple de Blanche-Neige (je m’inspire ici d’un article paru il y a quelque quarante ans dans Renaissance Traditionnelle et qui était dû à Jean Duprat).
13Pour que la référence soit plus aisée au souvenir de chacun, je me fonderai sur le déroulement du film de Walt Disney, qui suit exactement le conte. En parlant de films, d’ailleurs, n’est-il pas intéressant qu’un conte fantastique moderne comme La Guerre des étoiles éprouve le besoin de faire appel à une notion de chevalerie, d’initiation, d’apprentissage dans la maîtrise de soi et de recours à une force supérieure ?
Les Nains comme le Miroir sont les figures de facultés humaines
14Laissons se dérouler le fil de l’histoire en admettant comme clé d’interprétation que presque tous les personnages, la Reine, Blanche-Neige, le Miroir, les Nains, sont les figures de différents aspects ou de différentes facultés d’une même personne humaine dont l’itinéraire spirituel nous est conté. N’oublions pas que ce conte, issu d’une tradition ancienne, a mûri dans un contexte à l’époque obligatoirement religieux, qui évoquait l’intervention divine, mais que nous pouvons aujourd’hui, à notre choix, interpréter dans le contexte spirituel qui conviendra à chacun.
15Au départ, c’est la rencontre de deux personnages : Blanche-Neige (l’âme) et le Prince Charmant (qui représente l’état supérieur de la conscience, apparaissant ici comme vecteur de l’amour divin dans une interprétation théiste, ou en général comme la faculté de dépassement vers un état supérieur de l’être).
16Le conte débute dans un château. Une femme belle, hiératique et dure, interroge le Miroir magique. Pour la première fois, celui-ci lui répond qu’elle n’est pas la plus belle, mais que « Blanche-Neige est plus belle que toi ». Quelque part dans le château, Blanche-Neige, une toute jeune fille vêtue en souillon, accomplit des travaux serviles.
17La Reine (la femme qui interroge le Miroir) est l’âme mondaine, attachée aux apparences, dans son égoïsme satisfait. Le Miroir, c’est la conscience que cette âme peut avoir d’elle-même. Dans toute la littérature d’imagination symbolique, le miroir représente la prise de conscience de soi. Quand Alice au pays des Merveilles passe de l’autre côté du miroir, elle va explorer d’autres aspects de sa personnalité. Blanche-Neige, elle, figure l’âme spirituelle, qui était complètement écrasée par la mondanité dominatrice que représente la Reine.
18Aucune des virtualités que Blanche-Neige porte en elle n’avait pu se développer jusqu’à ce moment précis où, devant un auditoire représenté par des oiseaux, elle chante son désir de rencontrer le Prince Charmant. L’âme spirituelle a pris conscience d’elle-même et de sa vocation. Nous l’avons déjà constaté dans le fait que sa beauté, jusqu’ici voilée, devient apparente, ce que reconnaît le Miroir magique.
19Une seconde conséquence va se produire aussitôt. Le premier mouvement de l’âme vers sa transfiguration reçoit sa réponse : un cavalier s’approche de Blanche-Neige. Celle-ci ne l’aperçoit d’abord que par sa réflexion dans l’eau du puits sur lequel elle est penchée. Effarouchée, la jeune fille s’enfuit à l’intérieur du château puis, confuse de sa tenue, elle a un geste de coquetterie avant de se montrer à la fenêtre. Elle échange avec le Prince un baiser symbolique dont une colombe est le messager.
20Observons soigneusement la succession des événements :
un désir humain de dépassement et de rencontre spirituelle ;
la contemplation imparfaite et par réflexion du messager ;
enfin, un regard face à face, lorsque Blanche-Neige a pris conscience d’elle-même.
21L’aspect supérieur, d’ordre divin, de l’être humain, était auparavant voilé par les conséquences d’une « chute » ou d’une « déchéance ». Il y a nombre de contes, comme dans Cendrillon ou Peau-d’Âne, où une jeune fille de bonne naissance se trouve réduite en servitude.
Le Prince Charmant c’est la faculté de dépassement vers un état supérieur de l’être
22Alors, une intervention d’ordre supérieur est nécessaire pour opérer le rachat et faire sortir l’âme de sa léthargie. Cette intervention n’est pas autre chose que la transmission d’une influence spirituelle représentée par le regard échangé. Cette rencontre de l’humain et du divin se produit dans le rite initiatique.
23Le geste de coquetterie de Blanche-Neige consiste à passer la main dans ses cheveux pour en arranger l’ordonnance. Cela indique qu’elle prend conscience à la fois de sa beauté naturelle et de l’état d’effacement dans lequel cette beauté se trouve voilée.
24La Reine, elle, l’âme humaine, restait belle, selon sa nature, malgré sa déchéance et sa mondanité, jusqu’à l’arrivée du Prince. Mais toute cette beauté s’effondre devant « l’âme de l’âme » dès que celle-ci est illuminée par la perspective supérieure.
25Soulignons le symbolisme du regard qui « projette » sa lumière. Bien sûr, le symbole est à l’inverse des règles de l’optique physique, mais ne dit-on pas couramment « jeter un regard » ? Ce regard illuminateur et re-créateur est donc un symbole adéquat de l’influence profonde que transmet l’initiation.
26Nous voici parvenus au premier nœud dramatique. Devant la franchise du Miroir Magique, la Reine se rebelle. On peut avoir conscience d’un fait, mais c’est autre chose que de l’accepter. Aussi la Reine convoque-t-elle un garde auquel elle donne l’ordre d’emmener Blanche-Neige dans la forêt et là, de la tuer. L’âme égoïste et mondaine sent le danger que représente pour elle la spiritualité. Son instinct de conservation lui fait rejeter une aventure spirituelle qui serait sa propre destruction.
27Le meurtre ne sera en fait que symbolique. On apprendra qu’à Blanche-Neige épargnée sera substituée une biche dont le cœur sera présenté à la Reine. Nous avons ici un thème analogue à celui du sacrifice d’Isaac : la biche est l’équivalent féminin et forestier du bélier.
28Le meurtre simulé de Blanche-Neige correspond à la première mort initiatique. Il s’agit pour l’âme de mourir à un état d’esclavage pour renaître dans un état de liberté.
29La spiritualité de l’âme reprend sa place privilégiée grâce à cette mort initiatique et il est intéressant de citer ici un passage du Coran – ce qui nous permet pour une fois d’élargir nos traditionnelles références judéo-chrétiennes. Il est écrit, dans la sourate dite « des Aumailles » : « Certes Dieu est le fendeur du grain et du noyau. Il fait sortir le vivant du mort et il est celui qui tire le mort du vivant. »
La fuite de Blanche-Neige est comme une descente aux Enfers
30Ayant échappé au couteau, Blanche-Neige, éperdue, s’enfuit. Dans sa peur panique, la forêt lui apparaît affreusement hostile. Un monde ténébreux se manifeste à elle. Les arbres deviennent des monstres grimaçants qui l’agrippent de leurs griffes au passage. Elle court, trébuche, s’enfuit, jusqu’au moment où, à bout de forces, elle s’effondre en sanglotant dans une clairière, puis s’endort.
31On pense évidemment à une descente aux Enfers, qui accompagne la première mort initiatique. Cet aspect infernal est particulièrement marqué dans le film de Walt Disney par la chute verticale de Blanche-Neige, au cours de sa fuite, dans un marécage où les troncs flottants deviennent des crocodiles.
32Pendant le sommeil de Blanche-Neige, la forêt est devenue un lieu paradisiaque éclairé par une lumière de printemps. Les animaux convergent vers la clairière où la jeune fille est étendue. Celle-ci s’éveillera dans un monde d’âge d’or, ou de Paradis terrestre (nous rejoignons ici l’idée d’effacement de la chute et d’une éventuelle faute originelle). Aucune hostilité n’existe entre les bêtes, et toutes paraissent attirées par Blanche-Neige. Cette dernière s’est éveillée pour une seconde naissance. La lumière est donnée, il reste à l’actualiser.
33Blanche-Neige est conduite jusqu’à une maison dont les occupants sont absents. Ces derniers, sept nains, sont en train de travailler dans une mine creusée dans la montagne, d’où ils extraient des diamants. Le thème des nains gardiens d’un trésor est fréquent (voir les Niebelungen). Ils apparaissent souvent aussi au terme d’un voyage qu’accomplit le héros.
34Il convient de remarquer qu’ici le voyage est intérieur : les sept nains représentent les sept puissances de l’âme. Les noms qu’ils portent désignent des qualités du psychisme. Ils travaillent dans la montagne, lieu privilégié du symbolisme hermétique, et plus précisément dans la mine ou la caverne, qui figure le cœur.
35Ainsi, pendant que se déroulait la renaissance de l’âme spirituelle en dépit de sa partie profane, les fonctions naturelles de l’être, figurées par les nains, recherchent la lumière sous sa forme cristallisée : le diamant.
36La maison des nains est mal tenue. Aidée par les animaux de la forêt, Blanche-Neige entreprend de nettoyer et de mettre de l’ordre. Pour ce faire, elle « rassemble des objets qui sont épars ». Ayant achevé son travail, fatiguée, elle s’étend en travers des lits. Les lits des nains sont petits : elle prend possession de plusieurs d’entre eux, marquant ainsi la domination de l’âme spirituelle sur les facultés psychiques. Du même coup est signifiée l’unité fondamentale de l’être humain.
38Il nous est possible maintenant de mieux situer les uns par rapport aux autres les différents aspects de l’être évoqués par les principaux personnages.
La Reine est l’âme individuelle pervertie, c’est-à-dire faisant porter son unique intérêt sur un « moi » dont le centre de gravité est en décalage par rapport au véritable centre de l’humain. Par rapport à la théorie chrétienne, elle a les caractéristiques de Lucifer, le plus beau et le plus indépendant des anges.
Les Nains représentent les diverses facultés qui, par nature, ne sauraient être perverties. Ils échappent un peu au raisonnement moral, aux notions de bon et de mauvais, bien que la visite illuminante de Blanche-Neige les amène à faire leur toilette. Ils expriment quelque chose de relativement innocent dans l’âme humaine. Cette innocence est celle d’une égale incapacité de tomber ou de s’élever. Ils peuvent conquérir la vérité sous la forme condensée du cristal, comme un germe dont les virtualités ne se sont pas développées.
Blanche-Neige est, dans l’âme, la possibilité de pure spiritualité. Elle a suivi le processus initiatique dans ses phases essentielles : mort, descente aux Enfers, résurrection, travail.
Sept nains, sept cascades, sept collines
39Poursuivons le récit. Quand les Nains rentrent du travail, leur première réaction sera l’effroi : quelque chose a changé dans la demeure. Une fois qu’ils auront compris que Blanche-Neige a réalisé l’unité de l’être, et qu’elle a en quelque sorte rencontré ce dernier, la fête succédera au trouble. Blanche-Neige danse avec les Nains. Ainsi la danse fait pendant à la fuite dans la forêt. L’une étant la descente aux enfers dans le pessimisme, l’autre est l’exaltation de l’optimisme.
40À cette étape du récit, l’initié a réalisé en lui l’état primordial. Sa démarche fut jusqu’ici horizontale, de la périphérie au centre. C’est l’achèvement de ce qu’on a appelé les Petits Mystères.
41Que se passe-t-il alors ? La Reine apprend par le Miroir que Blanche-Neige « qui est plus belle que toi » est toujours en vie et réside chez les sept Nains, par-delà les sept cascades, au pied des sept collines. La Reine a alors recours à deux pratiques magiques : elle se transforme en une horrible sorcière pour ne pas être reconnue, et élabore une pomme empoisonnée. Elle rejoint Blanche-Neige au domicile des sept Nains et, en l’absence de ces derniers, l’empoisonne. Blanche-Neige s’effondre, apparemment morte. Les Nains arrivent trop tard. Ils poursuivent la sorcière à travers les rochers d’une montagne dénudée. Elle tombe dans un ravin et se tue à son tour.
42Nous sommes évidemment en présence d’un récit destiné à évoquer le début d’une seconde phase initiatique. Blanche-Neige est soumise à la seconde mort, celle qui ouvre le chemin des Grands Mystères. Cette seconde mort est la dissolution des facteurs individuels ou des résidus psychiques qui leur servent de support. Et voilà pourquoi Blanche-Neige apparaît morte aux yeux des Nains, qui ne peuvent pas voir au-delà de leur propre monde.
43Soulignons que l’expression « seconde mort » se trouve dans l’Apocalypse de Saint Jean, dans le passage suivant : « L’enfer et la mort furent jetés dans l’étang de feu, c’est-à-dire la seconde mort. »
44Pour l’individualité, il s’agit de l’annihilation pure et simple, donc de l’éventualité la plus angoissante. C’est bien ce qui va se produire pour la Reine-sorcière. Elle incarne les possibilités « infernales » de l’être humain qui sont alors destinées à disparaître totalement. Cette disparition sera la chute dans le ravin, fin du caractère illusoire de ces possibilités. Nous avons dit que la Reine avait un aspect luciférien (le plus beau et le plus indépendant des anges). Maintenant la nature satanique remplace l’aspect luciférien : elle apparaît comme une sorcière très laide et très dangereuse, jusqu’à sa disparition.
45Blanche-Neige avait cheminé jusqu’ici de façon horizontale, jusqu’au centre de son être. Maintenant qu’elle l’a trouvé, son chemin va être vertical. Il s’agira d’une transformation au sens étymologique, c’est à dire d’un passage au-delà de la forme, qui est, avec le temps, une caractéristique de la manifestation matérielle. Blanche-Neige est morte à l’individualité.
46La première étape initiatique était une sortie de l’état profane. Mort symbolique, puisqu’il y avait substitution par la biche. L’individualité n’est pas détruite : elle doit au contraire prendre possession de toutes ses possibilités.
47La seconde mort marque un décrochement d’un autre ordre : Blanche-Neige, en tant qu’individu, n’existe plus.
48La première mort se faisait par blessure, et le cœur était symboliquement arraché : l’amande devait être ôtée de la coque, le germe mis à nu. La seconde mort passe par la consommation d’un fruit empoisonné, fruit qui, comme par hasard, est une pomme ! Nous revoilà dans l’ésotérisme chrétien, dans le fruit de la connaissance… Vous savez que quand on coupe une pomme en deux horizontalement, on voit apparaître au centre une étoile à cinq branches.
Le départ du Prince Charmant et de Blanche-Neige dans un flamboiement de soleil correspond aux Grands Mystères
49Blanche-Neige, donc, meurt aux apparences. Les Nains l’ont allongée dans une châsse de verre, jusqu’au moment où le cavalier transcendant du début de l’histoire apparaît et réveille Blanche-Neige d’un baiser. Il l’emmène sur son cheval, dans un flamboiement de soleil. Ce départ vers un avenir radieux, mais non explicité, cette ellipse de la fin, correspond bien aux Grands Mystères. Au niveau des Petits Mystères, le travail était montré (Blanche-Neige mettait de l’ordre dans la maison des Nains) et le résultat acquis était fêté par la danse. Mais maintenant plus rien n’est accessible de l’extérieur. On peut se demander quel est le niveau de réalisation spirituelle suggéré par la fin de l’histoire. S’agit-il de l’identité suprême, de l’ascension au niveau supérieur de l’esprit ? Le fait que l’homme et la femme, unis, s’envolent à travers les airs vers un château céleste flamboyant de lumière peut le laisser supposer.
Il s’agit de la plus vieille organisation juive toujours en activité dans le monde. Calquée sur les organisations maçonniques, elle a été fondée à New York, le 13 octobre 1843, par douze personnes, dont Henry Jones et deux frères, juifs émigrés d’Allemagne, qui avaient appartenu à la Société des Frères (Brüder Bund) qui joua un certain rôle dans l’élaboration de la Première Internationale (Association internationale des travailleurs). Ils voulaient fonder un système d’entraide pour les juifs arrivant aux États-Unis et devant faire face à des conditions de vie difficiles.
C’est à partir de cette base, d’aide humanitaire et de services, qu’un système de loges et chapitres fraternels grandit aux États-Unis, puis dans le monde entier. B’nai B’rith International est également affilié au Congrès juif mondial.
Bref rappel historique, description et buts
L’organisation est fondée en 1843 et sa première action concrète est la création d’une police d’assurance-décès attribuée aux membres. Ainsi les veuves recevaient une somme pour les frais funéraires, et une allocation d’un dollar par semaine pour le reste de leur vie. Chaque enfant recevait également une bourse et, pour les enfants mâles, l’assurance d’apprendre un métier.
La constitution adoptée par l’organisation en 1868 promeut quatre valeurs fondamentales du judaïsme : justice, amour fraternel, harmonie, bienfaisance. Les discussions politiques et religieuses sont prohibées au sein de l’organisation. Les premières missions que se donne l’organisation sont d’aider les immigrants juifs aux États-Unis, de défendre la communauté juive contre l’antisémitisme, de sauvegarder les valeurs du judaïsme et d’élever le niveau intellectuel et moral du peuple juif. Le succès est rapide dans une période où l’immigration juive est nombreuse : de 12 membres à la fondation en 1843, l’organisation passe à 10 000 membres en 1870, 22 800 en 1879 et 30 000 en 1902. En 1882, est créée la première loge en Europe, à Berlin.
En 1868, le B’nai B’rith mène son premier projet international de soutien aux communautés juives d’Afrique du nord et du Moyen-Orient en apportant un soutien financier à l’Alliance Israélite Universelle. En 1888, le B’nai B’rith fonde une loge à Jérusalem, la première organisation de langue hébraïque en Palestine.
L’organisation, qui a affirmé très tôt l’unité du peuple juif, est engagée dans une grande variété de services communautaires et d’activités de soutien, incluant la promotion des droits pour les communautés juives, l’assistance aux hôpitaux et aux victimes de catastrophes naturelles, la remise de bourses d’études aux étudiants juifs et la lutte contre l’antisémitisme.
Au début du XXe siècle, B’nai B’rith lance trois des organisations juives majeures toujours en activité aujourd’hui : La Ligue anti-diffamation (Anti-Defamation League, ADL), Hillel International et BBYO, toutes trois surtout actives sur le continent nord-américain et ayant développé avec le temps un certain degré d’autonomie.
Le B’nai B’rith agit aussi en tant qu’organisation non gouvernementale et intervient à l’ONU, à l’Unesco, au Mercosur et au Conseil de l’Europe. L’organisation est exclusivement réservée aux israélites et comprend plus de 500 000 frères et sœurs dans une cinquantaine de pays.
Elle fut aussi fondée en réaction à l’exclusion des juifs dans les loges maçonniques allemandes de l’époque.
Actions
En plus de ses activités caritatives, le B’nai B’rith soutient la politique et la pérennité de l’État d’Israël et le mouvement sioniste.
BBYO, anciennement connu comme B’nai B’rith Youth Organization, est un mouvement juif pour des étudiants et adolescents. En 2002, le mouvement s’est séparé de l’organisation des B’nai B’rith7, et le groupe s’est appelé BBYO.
Le B’nai B’rith a activement apporté de l’aide aux victimes de l’ouragan Mitch, des tremblements de terre en Turquie, au Salvador et en Inde, à la population civile au Kosovo et en Asie à la suite du tsunami. Il travaille aussi sur de nombreux projets caritatifs concernant des hôpitaux pour enfants là où son aide est acceptée.
Chaque fin d’année, la loge Ben Gourion organise le Salon des Ecrivains où des auteurs viennent dédicacer leurs ouvrages à la mairie du 16e arrondissement de Paris.
L’expédition d’Egypte (1798-1801) fut d’abord une aventure maritime d’une flotte disparate de 250 navires marchands protégés par douze vaisseaux, six frégates et neuf flûtes, sans compter quelques chaloupes, avisos, bombardes et autres tartanes : 22 jours pour joindre Toulon à La Valette, 14 jours encore pour arriver à Alexandrie. Dans la promiscuité des navires, entre l’ennui et la peur de l’Anglais, entre les jeux de dés, d’échecs ou de loto et les rêveries collectives, les chicaneries et les discussions, le mal de mer, les odeurs de goudron, de cordage et de bois, les taches quotidiennes et les observations, marins, soldats, civils et savants eurent le temps de se connaître, de se reconnaître. Ce fut sans doute le cas des maçons d’antan, des maçons d’avant , obscurs ou célèbres comme le vice-amiral François Paul de Brueys d’Aigalliers (1753-1798), le général mulâtre Thomas Davy de la Pailleterie dit Dumas (1762-1806), le chirurgien Dominique Larrey(1766-1842) ou le savant Gaspard Monge (1746-1818) et quelques autres .
Néanmoins, faute de sources probantes, il est difficile d’affirmer que ces ci-devant maçons manièrent la truelle et l’équerre aux pieds des pyramides.
Après les périls de la mer et des vents, l’eau et l’air, l’expédition dut affronter les épreuves de la terre avec le débarquement du 13 messidor VI, la prise d’Alexandrie, la bataille des Pyramides (3 thermidor) et l’entrée dans Le Caire, et du feu avec le désastre d’Aboukir (14 thermidor) : Le vaisseau Orient explosé à cause des flammes provoquées par les combats, le Timoléon, brûlé par les français pour éviter sa capture, tout comme la frégate L’Artémise, et sept des neuf navires pris par les marins du frère borgne Horatio Nelson (1758-1805), incendiés par les britanniques. Les bateaux consumés, le dépaysement, le mal de la patrie, l’inconnu, l’adversité, le climat, le sang et les diverses épreuves agissaient sur les relations interpersonnelles parmi lesquelles la fraternité-amitié, la philia; jouait un rôle central. Chez ces Français d’Orient cohabitèrent mesquineries, jalousies, pratiques générales d’une vie en commun obligée, camaraderies masculines de garnison, amitiés profondes ou équivoques et/ou affections fortes réelles ou sublimées dans une fraternité exaltée. L’expédition d’Egypte sera à la fois une aventure militaire, géopolitique, savante, psychopathologique et maçonnique. Alors que la vie maçonnique peinait à retrouver force et vigueur en France, malgré la reprise des travaux du Grand Orient de France (printemps 1796) et de la Grande Loge dite de Clermont (messidor an VI/juin 1796), dans la « communauté » française d’Egypte, une loge maçonnera sur les bords du Nil. Plusieurs peut-être ? Une seule cependant est clairement identifiée : les Vrais Amis Réunis, loge que nous avions analysé, dans notre thèse d’Etat (1992) (mais à partir de sa « reconstruction » officielle à Toulon) et dont notre ami Jean-Pierre Zimmer a écrit l’histoire (2001). Selon sa demande de constitution, elle fut créée le 11 fructidor an VII (28 août 1799), le jour même où le général Bonaparte quittait discrètement l’Egypte, avec les généraux Berthier, Duroc, Lannes, Marmont et Murat et les savants Berthollet, Denon et Monge sur la petite flottille (2 frégates et 2 avisos) du contre-amiral Ganteaume. Constater que plus de la moitié de ces personnages sera sous l’Empire des notabilités maçonniques, ne peut suffire à faire de ce départ un complot hiramique. Cette fondation se situe néanmoins dans une période de calme, après la pacification du delta, la conquête de la Haute-Egypte et l’expédition de Syrie-Palestine. On regrettera qu’aucune nouvelle découverte n’ait éventuellement permis d’allonger la liste des loges. Faute de documents suffisants, l’histoire de la vie maçonnique française durant l’expédition reste à écrire. Il faut être gré à Alain Quéruel d’avoir apporter à ce chantier, des matériaux biographiques dans son livre Les francs-maçons de l’expédition d’Egypte (2012). Que dire présentement du dossier? D’abord qu’une loge (peut-être plus, mais peut-être pas ?) a maçonné. Dans le fonds Castinel 4 J 85 (Archives départementales du Var), nous avions consulté le livre d’architecture du chapitre souché sur la loge Vrais Amis Réunis qui couvre la période du 8 juillet 1800 au 7 septembre 1801. Il rapporte principalement des cérémonies d’avancement de grade et nous apprend que les Vrais Amis Réunis étaient des officiers et des cadres subalternes. Ensuite que dans le corps expéditionnaire français, on peut estimer, pour le moment et avec une très grande prudence, le nombre des maçons à une grosse cinquantaine (chiffres sans doute à surévaluer en cas de nouvelles découvertes) sur un total d’environ 38 000 personnes (en réalité chiffre plus faible compte tenu des 8 000 hommes laissés en Corse, à Malte et à Corfou et des pertes diverses : 3 600 tués dans les combats, 1000 accidentés ou morts de diverses manières et 4 150 décès par maladies dont 2 400 décès suite principalement à des maladies vénériennes et 1 700 à la peste. Ce % provisoire (0,4%°) est pourtant faible dans un échantillon qui possédait toutes les caractéristiques socioculturelles pour un fort recrutement maçonnique : masculin, dans la force de l’âge, militaire et savant. Il est vrai qu’a cette époque du Directoire finissant, aucune loge militaire n’etait officiellement signalée dans les diverses armées de la République. L’initiation d’officiers comme, en juillet 1797, les généraux Jean Charles Pichegru (1761-1804) et Amédée Willot (1757-1823), au demeurant royalistes, demeurait un fait isolé. Pourtant cette franc-maçonnerie en Egypte s’inscrivait dans le droit fil des loges militaires d’Ancien Régime analysées par Jean-Luc Quoy-Bodin et annonçait la floraison des ateliers « ambulants » du Premier Empire (4 en 1801, mais plus de 130 loges proprement militaires (y compris les loges de prisonniers de guerre) dans la décennie 1810 et 1 officier sur 3 ou 4, franc-maçon, selon les calculs de Pierre-François Pinault.
Bonaparte parti, les difficultés croissantes du corps expéditionnaire français durent être peu propices à la vie maçonnique. Le 8 messidor an IX (27 juin 1801), le futur frère (il sera fait maçon en 1802 dans la loge bruxelloise Les Amis Philanthropes) Augustin Bélliard (1769-1832), plus tard comte de l’Empire, général de division, pair de France et ambassadeur auprès du roi des Belges, parapha la capitulation du Caire. Deux semaines plus tard, 13 500 français civils et militaires et un millier de collaborateurs coptes, grecs et syriens quittaient la capitale égyptienne, avec armes et bagages, pour être rapatrier en France. Le ci-devant baron de Menou (1750-1810), fait maçon à Loches avant la Révolution, converti à l’Islam en mars 1799 sous le nom d’Abdallah, successeur du général Jean-Baptiste Kléber, assassiné le 14 juin 1800, signa le 13 fructidor an IX (31 août 1801) la capitulation d’Alexandrie. Malgré les difficultés, les Vrais Amis Réunis continuèrent à se réunir, preuve que la greffe maçonnique avait bien pris. La dernière réunion du chapitre date du 7 septembre 1801. Selon les « refondateurs » de l’atelier à Toulon, la dernière tenue se serait déroulée le 8 octobre courant (date sans doute erronée vu la situation militaire française à ce moment). En effet, à la mi-octobre, les derniers Français quittaient l’Egypte.
Le retour des « Egyptiens » en France marquera le début d’une égyptomanie qui ira croissante durant tout le siècle. Elle contribuera à transformer en succès culturel une entreprise complètement ratée militairement. La publication du Voyage dans la Basse et la Haute Egypte (1802) du frère Dominique Vivant Denon (1747-1825), alors directeur du Musée central des Arts, de la monumentale Description de l’Egypte (neuf volumes in-4° et de onze volumes de planches), de 1809 à 1830, sous le direction de la Commission d’Egypte, présidée par le sénateur Claude-Louis Berthollet (1749-1822), chimiste et ancien « Egyptien », comte de l’Empire et les travaux de Champollion en furent les premiers temps forts.
Mais l’égyptomanie ne datait pas de la campagne d’Egypte. Elle s’appuyait sur la lente découverte de la civilisation égyptienne ancienne. Egyptologie et égyptomanie vont de pair. Sans invoquer Hérodote, Strabon ou Diodore de Sicile, depuis les Croisades, l’Egypte fascinait l’Europe. La « paléo-egyptomanie » remonte aux XV- XVIe siècles. On fait parfois du jésuite allemand Athanius Kircher (1601-1680), auteur de l’Oedipus Aegyptiacus (trois volumes entre 1652 et 1655), le père de l’égyptologie. Au XVIIIesiècle, la terre des Mamelouks fut parcourue par des diplomates en mission ou non, des religieux, des négociants ou des « voyageurs par curiosité » (ancêtres des touristes-explorateurs). L’évêque anglican irlandais Richard Pocoke (1704-1765), visita le Moyen-Orient de 1737 à 1742 (Cf. A description of the East…, Londres, 1743-1745). Lord John Sandwich (1718-1792) fonda la premièreEgyptian Society in London (1741-1743). A view of the Levant, particularly of Constantinople, Syria, Egypt and Greece du britannique Charles Perry (1698-1780) fut imprimé à Londres en 1743. L’antiquaire et écrivain français Anne Claude, marquis d’Esternay,dit le comte de Caylus (1692-1752), publia un Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques et gauloises, en sept volumes entre 1752 et 1767. L’italien Vitaliano Donati (1717-1762), membre de l’Académie royale de Suède et fellow de la Royal Society, rassembla à Turin, la première collection d’antiquités égyptiennes après son voyage en Orient (1759). Le géographe français Jean Baptiste Bourguignon d’Anville (1697-1782) fut l’auteur deMémoires sur l’Egypte ancienne et moderne, suivi d’une description du Golfe Arabique ou de la Mer Rouge, avec sept cartes (Paris 1766). Le naturaliste français Charles Nicolas Sonnini de Manoncourt (1751-1812) parcourut l’Egypte de juin 1777 à octobre 1778 (Voyage dans la haute et basse Egypte, Paris, 1 800). Le géographe danois Carsten Niebhur (1733-1815) visita l’Egypte, le Sinaï, le Yémen, l’Inde et¨la Perse de 1761 à 1767 et en donna un compte-rendu détaillé en quatre volumes (1772, 1774, 1778 et un posthume en 1837). LeVoyage en Egypte et en Syrie pendant les années 1783, 17684 et 1785de Constantin François Chasseboeuf dit Volney (1757-1820) connurent un grand succès. Le voyageur écossais James Bruce of Kinnard (1730-1794) explora le cours supérieur du Nil et narra son voyage dans cinq volumes édités à Londres, en 1790. Le danois Jorgen Zoega (1755-1809) tenta dans son Origine et usu obeliscum(1797) une première tentative de déchiffrage des hiéroglyphes. Plusieurs dizaines d’autres européens parcoururent encore l’Egypte. Des dizaines d’autres seraient à citer.
Dans les pas de ces marcheurs, l’Egyptomanie toucha tous les domaines : architecture, décoration, ébénisterie, mobilier, mode, théâtre, littérature, poésie, musique, jeux de société ou art funéraire. Jean-Philippe Rameau composa Les Feste de l’Himen ou les Dieux de l’Egypte (1742) et La Naissance d’Osiris ou la Fête de Pamylie (1751). Le futur maçon Mozart écrivit Thamos, roi d’Egypte version (1773 et 1779) sur un livret du frère baron Tobias von Geller. A Dresde fut créé en 1781, l’Osiris du frère Johann Gottlieb Naumann (1741-1801). Puis vint Die Zauberflöte (1791) des frères Wolfgang Amadeus et Emanuel Schikaneder (1751-1812). On notera cependant que les décors de Gayl et d’Andréas Nesslather (1748-1821) étaient plutôt d’inspiration « pré-romantico-germano-romaine ». Il faudra attendre la représentation de Berlin (1815) pour que la symbolique égyptienne envahisse la scène. L’architecte vénitien Giambattista Piranesi (1720-1778) présenta la décoration à l’égyptienne dans quinze planches de son ouvrage Diverse maniere d’adornare i camini (Rome, 1769). Son collègue français néo-classique Etienne-Louis Boullée (1728-1799) s’inspira de l’art funéraire égyptien tout comme le sculpteur Michel Ange Slodtz (1705-1764). L’architecte écossais Charles Cameron (1745-1812) érigea une pyramide dans le parc de Tsarkoïe Selo pour la Grande Catherine II et une autre dans l’allée des tombeaux du parc de Wilhelmshöhe, près de Cassel (1775). Notons que le futur commandant en chef de l’expédition d’Egypte, Jean-Baptiste Kléber (1753-1800), rendu à la vie civile depuis 1783, chargé de remodeler le parc du château d’Etupes, résidence d’été de Charles II Eugène, duc de Wurtemberg et prince de Montbéliard, imagina d’y placer une pyramide à l’égyptienne. Hasard objectif cher à André Breton ? Le roi Charles III d’Espagne commandita, entre autres, au décorateur Jean Démosthène Dugourc (1749-1825) une salle égyptienne pour l’Escurial. L’Egypte était encore présente dans quelques tableaux du peintre Hubert Robert (1733-1808), dans les terres cuites du sculpteur Michel Clodion (1738-1814), dans les sculptures de Louis Jean Desprez (1743-1804), dans la production du céramiste britannique Josiah Wedgwood (1728-1799), dans le mobilier de l’ébéniste français à la mode Jean Baptiste Séné (1748-1803)et dans des centaines d’œuvres d’artistes célèbres ou obscurs. Le banquier anglo-néerlandais Thomas Hope (1769-1831) imagina une décoration et un mobilier égyptiens pour sa maison londonienne, sise Duchess Street. L’Egyptomanie prospéra dans l’espace et le temps comme l’a montré l’importante exposition L’Egyptomania ; l’Egypte dans l’art occidental, présentée successivement à Paris (janvier-avril 1994), Ottawa (juin-septembre 1994) et Vienne (octobre 1994-janvier 1995).
L’égyptomanie devint un fait cultural majeur oscillant entre un courant « rationalio-archéologisant » et une mouvance fantastico-ésotérique comme le montrent les travaux de Claude Gyss, notamment. Dans cette dernière famille, on peut placer le Sethos (1731) de l’abbé Jean Terrasson (1670-1750), de l’Académie française, qui popularisa la notion de « mystères égyptiens » ou leCrata Repoa ou Initiations aux anciens mystères des prêtres d’Egyptedes allemands Johann von Hymmen (1725-1787) et Karl Friedrich von Koppen (1734-1797). L’Egyptomanie féconda l’imaginaire maçonnique, véritable éponge capable d’emprunter à toutes les respirations du temps. Le courant maçonnico-égyptisant se cristallisera entre Naples, la mer Adriatique et Vienne. Il se retrouvera entre autres, dans le Rite Primitif de Narbonne et dans la loge des Philadelphes, de la famille Chefdebien d’Armissan, dans le Rite des Architectes Africains de Von Koppen, cité ci-dessus, dans celui des Parfaits Initiés d’Egypte de l’occultiste taromancier Jean-Baptiste Aliette dit Etteilla (1738-1791) et dans la « Haute Maçonnerie Egyptienne » du Grand Cophte Joseph Balsamo alias Cagliostro (1743-1795). Comme le notait Bruno Etienne, la franc-maçonnerie, forme statique du voyage en Orient, prédisposait beaucoup de ses membres à franchir le miroir vers un Orient rêvé, voire fantasmé, plus que dans un Orient parcouru et analysé.
En contre-point, on ne peut que constater la minceur de la documentation sur la vie maçonnique en Egypte, durant ces trois années et même dans les décennies suivantes. Sans oublier la frustation de tous ceux qui espèrent y trouver la preuve irréfutable de la réception du général Bonaparte. Depuis plusieurs décennies, les mêmes pistes sont à l’honneur. D’abord durant le séjour-éclair à Malte (8 jours), mais le commandant en chef qui rêvait des conquêtes d’Alexandre et de la route des Indes avait-il la tête à se faire recevoir dans une institution marginalisée durant la décennie 1790 ? C’est plus tard à partir de 1803-1804 que le Premier Consul comprendra l’intérêt à transformer la franc-maçonnerie désormais très présente dans les élites civiles et militaires, en un appareil idéologique d’Etat, stratégie qui sera conceptualisée par le frère Jean-Etienne Portalis, alors ministre des Cultes. Même la lourde et mystérieuse porte de la pyramide de Chéops, subrepticement ouverte le 11 août 1798, n’est pas complètement close. Pourtant durant cette période, le général Bonaparte était sur la route du Caire en train de combattre les troupes du mamelouk circassien Ibrahim Bey (c. 1735-1805). Demeurent les rumeurs et les suppositions : Elles ne seront pas près de s’éteindre pour le plus grand bonheur des songe-creux.
Néanmoins dans la franc-maçonnerie consulaire et impériale, l’égyptomanie continua son bonhomme de chemin. Les Vrais Amis Réunis d’Egypte devint une loge toulonnaise qui maçonna jusqu’en 1845. Le Grand Sphinx fut officiellement patenté en 1804 par le Grand Orient de France. La loge des Commandeurs du Mont Thaborsemble plutôt s’inscrire dans une mouvance ésotérico-chrétienne et néo-templière.
Il faut rappeler également l’Ordre Sacré des Sophiciens, analysé par Darius Alexander Spieth dans son ouvrage Napoleon’s Sorcerers : the Sophisians (2007) et composé grandement d’anciens de l’expédition et lié à la loge Les Frères Artistes, le Rite de Misraïm (Egypte en hébreu), né dans la décennie 1810, avec les trois frères comtadins Michel, Marc et Joseph Bédarride et le Rite de Memphis, constitué en 1838 par un dissident misraïmide Jacques Etienne Marconis de Nègre (1795-1868), sans oublier la Société Secrète Egyptienne, dirigée par l’aventurier, antiquaire à ses heures et consul de France (1803-1814 et 1821-1829) Bernardino Drovetti (1776-1852). Ladite institution aurait conspiré contre la Sublime Porte en faveur de Mehmet Pacha (1769-1849). Ce dernier, maître de facto de l’Egypte depuis 1807, mena une politique plutôt francophile. Ce fut sous son « règne » que deux loges d’origine française se seraient allumées en Egypte : Les Chevaliers des Pyramides (Le Caire 1811) et Les Amis de la Concorde(Alexandrie , 1812). But that’s another story (Cf. la communication de Gérard Galtier, paru dans les Cahiers de la Méditerranée, Nice, 2006).
Sous l’Empire encore, l’antiquaire Alexandre Dumège (1780-1862), fonda en 1806, à Toulouse, le Rite de la Souveraine Pyramide des Amis du Désert. L’année suivante, l’archéologue Alexandre Lenoir(1762-1839) expliquait dans La Franche-Maçonnerie rendue à sa véritable origine les trois grades et les quatre ordres du Rite moderne à la lumière des mystères égyptiens.
Quoiqu’il en soit le(s) courant(s) « egyptien(s) », dans les décennies suivantes, même marginal(ux), continua(èrent) à faire partie du paysage maçonnique mondial à travers les figures pour n’en citer que quelques unes, de l’italien Giuseppe Garibaldi (1807-1882), le héros des deux mondes, du négociant britannique John Yarker (1883-1913), du journaliste anarchisant, occultiste et féministe anglo-allemand Théodore Reuss (1855-1923) ou de l’écrivain occultiste Gérard Encausse dit Papus (1865-1916). En marge ou en parallèle de l’Egyptologie, c’est-à-dire le champ d’étude de l’Egypte ancienne par les sciences humaines, dans la nébuleuse de l’Egyptomanie, c’est-à-dire la fascination plus ou moins bridée pour l’histoire et la culture egyptiennes antiques, nous sommes, avec cette filiation, dans l’egyptosophie comme la définit l’égyptologue suisse Erik Hornung, c’est-à-dire la quête ésotérique perpétuelle à travers les âges pour voir dans l’Egypte la source de la sagesse et la terre de l’hermétisme. La première procéde de la science, la seconde de la passion, la troisième de la quête. Le chercheur ne doit ni les ignorer, ni les confondre.
Le mot « apôtre » vient du grec « apostolos » qui désigne un envoyé, un missionné. C’est une traduction du mot hébreu « shaliah » qui se traduit par envoyé plénipotentiaire.
Mais le terme « douze apôtres » n’a été mentionné qu’une fois dans l’évangile de Matthieu et une autre fois dans celui de Luc. Les apôtres sont désignés pour être les témoins de la résurrection de Jésus, puis ultérieurement pour annoncer l’évangile de Dieu et convertir les peuples.
Ce nombre très précis va cependant varier au fur et à mesure de l’histoire. Mais pour l’instant concentrons-nous sur ce nombre de 12.
1. Les douze
Nos douze apôtres, ou groupe des douze, ou disciples, ou douze disciples, ou juste les apôtres (la terminologie variant en fonction des différents écrits), sont désignés dans les trois évangiles synoptiques : celui de Matthieu (Mt 10,2-4), celui de Marc (Mc 3,16-19) et celui de Luc (Lc 6,14-16), ainsi que dans les actes des apôtres (Ac 1,13). Selon certains écrits, il est dit que les apôtres sont classés selon un ordre décroissant de préséance et non pas par leur ordre d’apparition auprès de Jésus.
Cependant cet ordre, même s’il est censé représenter leur autorité dans l’église primitive, n’est pas le même d’un évangile à l’autre, à l’exception de Simon-Pierre qui est toujours le premier, Philippe qui est toujours le cinquième, Jacques qui est toujours le neuvième et de Judas qui est toujours le dernier.
1.1. Evangile selon Saint Matthieu
Chez Matthieu, ce sont « douze apôtres » qui sont dans l’ordre suivant : Simon appelé Pierre, André son frère, Jacques fils de Zébédée, Jean son frère, Philippe, Barthélemy, Thomas, Matthieu le publicain, Jacques fils d’Alphée, Thaddée, Simon le Cananite et Judas l’Iscariote celui qui livra Jésus.
1.2. Evangile selon Saint Marc
Chez Marc, ce sont « les douze » qui sont dans l’ordre suivant : Simon qu’il (Jésus) nomma Pierre, Jacques fils de Zébédée, Jean frère de Jacques qu’il nomma Boanergès, André, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Thomas, Jacques fils d’Alphée, Thaddée, Simon le Cananite et Judas Iscariote celui qui livra Jésus.
1.3. Evangile selon Saint Luc
Chez Luc, ce sont « les disciples » qui sont dans l’ordre suivant : Simon qu’il nomma Pierre, André son frère, Jacques, Jean, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Thomas, Jacques fils d’Alphée, Simon appelé le zélote, Jude fils de Jacques et Judas Iscariote qui devint traître.
1.4. Les actes de apôtres
Dans les actes des apôtres, ce sont « les apôtres » qui sont dans l’ordre suivant : Pierre, Jean, Jacques, André, Philippe, Thomas, Barthélemy, Matthieu, Jacques fils d’Alphée, Simon le zélote et Jude fils de Jacques. Judas n’est pas mentionné parce qu’il s’est suicidé.
1.5. Evangile selon Saint Jean
Dans l’évangile selon Saint Jean, « les disciples » ne sont pas énoncés sous forme de liste mais tout au long du récit. Le premier nommé est André, puis Philippe, Jude, Simon Pierre, Thomas appelé le jumeau, Nathanaël de Cana en Galilée, les fils de Zébédée, deux autres disciples dont les noms ne sont pas donnés, André, Philippe et Jude. Judas Iscariote est souvent cité, ainsi que le disciple bien-aimé dont le nom n’est jamais cité.
2. Les douze apôtres (selon l’ordre de Matthieu)
Le nombre « douze » évoque les douze tribus d’Israël, c’est le cercle restreint du peuple nouveau tel qu’il sera assemblé par Dieu à la fin des temps. La mission de Jésus était de rassembler la totalité de ce peuple et de le mener à son accomplissement.
Il y a certaines constantes dans les « douze », ils sont tous juifs et tous originaires de la Galilée (ou presque !!!). Certains sont appelés par leurs noms grecs, ou par leurs noms hébreux ou bien autrement. Essayons d’y voir un peu plus clair…
2.1. Pierre
Il est le premier dans toutes les listes.
Pierre est un juif de Galilée ou de Gaulanitide (région située à l’est de la Galilée). Pierre est né Simon ou Symon Barjona ; Barjona étant un mot araméen signifiant révolutionnaire, ou bien Bar-jona signifiant fils de Jonas en hébreu.
C’est Jésus qui lui donne le nom de Simon Kephas ; Simon était surnommé Kêfâ en araméen que l’on peut traduire par « roc », Kephas étant une hellénisation du mot araméen.
C’est dans l’évangile de Matthieu que l’on trouve « Pierre, tu es un roc et sur cette pierre je bâtirai mon assemblée » que l’on peut interpréter par « Kephas (le roc surnom de Simon), tu es petros (roc en grec), et sur cette petra (pierre en grec) je bâtirai mon ekklésia (assemblée en grec, qui donnera le mot église) ».
C’est à la suite de ce jeu de mot dans l’évangile de Matthieu que Simon le Képhas est renommé Pierre.
2.2. André
Il est le 2ème dans les listes de Matthieu et de Luc, 4ème dans la liste de Marc et 3ème dans la liste des apôtres.
André est né à Bethsaïde connut sous son nom grec d’Andreas. Il est le frère de Simon (vous savez Pierre Képhas) qui lui était originaire de Galilée ou de Gaulanitide, ce qui est surprenant c’est que deux frères puissent venir de deux régions différentes !!!
Si André n’est pas le premier disciple de Jésus, il est considéré comme le premier appelé.
D’après une tradition, il aurait rencontré Jésus alors qu’il pêchait avec son frère dans le lac de Tibériade. D’après une autre, c’est après que Jean le Baptiste ait désigné Jésus comme l’agneau de Dieu qu’Andreas suivit Jésus et ne le quitta plus.
C’est André qui présentera son frère Simon (Pierre) à Jésus.
Ces deux premiers apôtres ont une importance considérable, Pierre (Simon Képhas) est considéré comme le fondateur de l’église de Rome (occidentale) tandis que André (Andreas) est considéré comme le fondateur de l’église Constantinople (orientale).
2.3. Jacques
Il est le 3ème dans les listes de Matthieu et de Luc, 2ème dans la liste de Marc et 4ème dans la liste des apôtres.
Jacques est le fils de Zébédée qui était propriétaire d’une entreprise de pêche (selon Marc). Dans l’évangile de Marc, on apprend que, lors de la crucifixion, les femmes présentes étaient : Marie de Magdala, Marie la mère de Jacques le mineur et de Joses, et Salomé. Dans l’évangile de Matthieu, lors de la crucifixion, les quatre femmes présentes sont : Marie de Magdala, Marie mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée. Donc il est fort possible que Salomé soit la mère de Jacques et l’épouse de Zébédée.
Il est également appelé Jacques de Zébédée (en référence à son père) ou bien Jacques le Majeur (par opposition à Jacques le mineur, ceci ne voulant pas forcément dire qu’il était plus âgé que le mineur mais juste qu’il avait rencontré Jésus avant).
Il est également le frère de Jean avec lequel il abandonnera leur bateau de pêche pour suivre Jésus.
Contrairement à ce qui avait été écrit auparavant (ou bien ce qui est encore pensé de nos jours), l’épître de Jacques n’est pas de lui (ni de Jacques le Mineur), le Jacques, rédacteur de l’épître, aurait été un chrétien d’origine païenne de la 2ème (ou même 3ème) génération chrétienne.
2.4. Jean
Il est le 4ème dans les listes de Matthieu et de Luc, 3ème dans la liste de Marc et 2ème dans la liste des apôtres.
Jean est le fils de Zébédée qui était propriétaire d’une entreprise de pêche (selon Marc) et le frère de Jacques.
Dans la tradition chrétienne, l’évangile selon Jean aurait été écrit par l’apôtre Jean fils de Zébédée. D’après de récentes recherches, il aurait plutôt été écrit par Jean le Presbytre qui a créé la communauté johannique d’Ephèse.
2.5. Philippe
Il est le 5ème dans les listes de Matthieu, de Luc, de Marc et des apôtres.
Il est originaire très exactement de Bethsaïde au bord du lac de Tibériade.
Il a d’abord été un disciple de Jean-Baptiste (comme André) avant de suivre Jésus.
C’est lui qui aurait présenter Nathanaël (selon l’évangile de Jean) à Jésus. Vraisemblablement Nathanaël serait Barthélemy, Nathanaël bar-Tolmay, Nathanaël fils de Tolmay.
2.6. Barthélemy
Il est le 6ème dans les listes de Matthieu, de Luc, et de Marc et 7ème dans la liste des apôtres.
Il est Nathanaël bar-Tolmay (bar préfixe : fils de, et Tolmay : sillon en araméen).
2.7. Thomas
Il est le 7ème dans la liste de Matthieu, 8ème dans les listes de Luc et de Marc et 6ème dans la liste des apôtres.
Le prénom de Thomas n’est pas connu avant lui, en araméen il viendrait de Te’oma signifiant « jumeau ». C’est sans doute pour cette raison qu’il est appelé Thomas le didyme dans l’évangile selon saint Jean (didymos, mot grec se traduisant par « jumeau »).
Dans les trois premiers évangiles synoptiques, Thomas n’est mentionné que dans les listes des apôtres ou des disciples. Ce n’est que dans l’évangile de Jean que l’on commence à parler de lui et de ses paroles, en lui donnant un caractère fougueux et généreux tout en accentuant sur son incrédulité.
2.8. Matthieu
Il est le 8ème dans les listes de Matthieu et des apôtres, 7ème dans les listes de Marc et de Luc.
Matthieu est l’abréviation grécisée du mot hébreu Mattay qui est une abréviation du mot hébreu Mattithyahû (don de Yahvé) que l’on peut aussi réduire en Matthieu-Lévi.
Dans l’évangile selon Matthieu, il est appelé Matthieu ou bien Lévi fils d’Alphée, dans ceux de Marc et Luc il est appelé Lévi.
Matthieu est un publicain (un collecteur d’impôts) à Capharnaüm. C’est d’ailleurs contre lui que vont la colère des disciples immédiatement après l’arrestation de Jésus.
Les historiens remettent en cause sa paternité pour l’évangile portant son nom, parce que ce dernier est inspiré de celui de Marc et que les ajouts ne sont que des paroles attribuées à Jésus. Il serait surprenant qu’un témoin direct se soit inspiré du texte d’un témoin indirect, « de seconde main ».
Dans l’évangile de Marc, Lévi-Matthieu est présenté comme un fils d’Alphée.
2.9. Jacques
Il est le 9ème dans les listes de Matthieu, de Luc, de Marc et des apôtres.
Jacques est présenté comme le fils d’Alphée afin de le différencier de l’autre Jacques, celui fils de Zébédée. On peut supposer qu’Alphée est le nom de son père, et que Lévi-Matthieu pourrait être son frère s’il s’agit du même Alphée.
Dans la tradition chrétienne, Clopas était le frère (ou demi-frère) de Joseph qui aurait épousé Marie Jacobé (une des quatre femmes qui ont assisté à la crucifixion de Jésus) dont il aurait eu deux fils : Jacques le mineur et Joset. Donc Jacques serait un cousin de Jésus.
On ne sait pas si c’est ce Jacques qui est le père ou le frère de Jude.
Le christianisme oriental fait une différence entre Jacques d’Alphée et Jacques le mineur (ou le juste). Jacques le juste était le chef du judéo-christianisme et le qualificatif de « mineur » a très bien pu lui être accordé (postérieurement) afin de minimiser ce courant.
La tradition occidentale ne reconnait que deux Jacques : le majeur, fils de Zébédée et le mineur, fils d’Alphée, dit aussi le juste ou bien le frère du seigneur (par suite d’une homonymie de traduction, frère ayant remplacé cousin).
2.10. Jude
Il est le 10ème dans les listes de Matthieu et de Marc, 11ème dans les listes de Luc et des apôtres.
Il s’appelle Jude (ou Judas) fils de Jacques mais on le nomme aussi Thaddée ou Judas Thaddée.
Chez les orthodoxes et les nestoriens, il est le descendant du roi David et de Salomon par Joseph dont il était le fils né d’un mariage avant celui d’avec Marie.
Chez les catholiques, il est le fils d’une demi-sœur de Marie, Marie Jacobé, et d’un frère (ou demi-frère) de Joseph, Clopas. Jude est le frère de Simon le Zélote et de Jacques « frère du seigneur » qui est identifié à Jacques le mineur (lui fils de Clopas et Marie Jacobé). C’est sans doute pour cette raison qu’il est aussi nommé Judas de Jacques, signifiant qu’il est le frère de Jacques et non son fils.
Il ne faut pas le confondre avec Jude ou Judas, un des quatre frères (ou cousins) de Jésus qui serait l’auteur de l’épitre de Jude. Comme les frères de ce Jude se prénomment Jacques, Joset et Simon, les confusions sont nombreuses.
2.11. Simon
Il est le 11ème dans les listes de Matthieu et de Marc, 10ème dans les listes de Luc et des apôtres.
Son prénom vient de l’hébreu Shiemone.
Dans les évangiles de Marc et Matthieu, on le surnomme Simon le cananéen, du grec Kananios qui serait une translitération du mot hébreu « qannaim » qui vient du verbe « qana » dont la traduction peut être soit « jaloux », soit « zélote »
Ce serait donc un zélote, membre de la tribu des zélotes qui auraient incité le peuple de Judée à se rebeller par les armes contre les occupants romains. Simon aurait donc quitté le mouvement zélote pour suivre Jésus.
Dans l’évangile de Luc, il est présenté comme Simon le Zélote ; comme le contexte politique avait changé au moment de cet écrit, il n’était plus utile d’utiliser un subterfuge linguistique.
Toutefois, il ne faut pas le confondre avec Simon fils de Clopas et frère (ou cousin) de Jésus. Cette erreur a été commise par Jérôme de Stridon (saint Jérôme) qui a amalgamé Jacques le mineur et Jacques le Juste, ainsi que Simon le Zélote et Simon fils de Cléopas. Isidore a également fait la confusion entre Simon le Zélote et Simon (ou Siméon) qui succéda à Jacques le Juste en tant qu’évêque de Jérusalem.
2.12. Judas
Il est le 12ème dans les listes de Matthieu, de Luc, de Marc et des apôtres.
Nous savons qu’il est originaire de Galilée comme les autres apôtres. Il est constamment appelé Judas et jamais sous le diminutif de Jude afin de ne pas faire de confusion avec les autres Judas ou Jude.
Les origines de son nom Iscariote sont nombreuses. Il a été émis l’hypothèse qu’Iscariote viendrait d’une forme dérivée de la ville de Qeriyyot qui se trouve en Judée et pas en Galilée, mais il aurait été difficilement concevable que l’on adjoigne le nom d’un village à celui d’un traitre, cela aurait entrainé des graves conséquences pour ce village et/ou ses habitants. Saint Jérôme pensait que Judas était originaire de la tribu d’Issachar (neuvième fils de Jacob) dont le nom peut se traduire par « homme du salaire », en référence à la somme perçue par Judas.
Le mot Iscariote pourrait venir d’une sémitisation du mot latin « Sicarius » ; les sicaires (termes péjoratifs) étaient des dissidents qui voulaient expulser les romains de Judée, Iscariote montrant l’appartenance à la communauté des sicaires. Mais il est également possible que ce soit une référence aux judéens qui ont refusé de reconnaitre la messianité de Jésus.
L’évangile de Matthieu suit donc une chronologie familiale, Simon Pierre est le frère d’André, Jacques est le frère de Jean, Philippe est le frère de Barthélemy, Thomas qui est présenté comme le jumeau mais dont le frère n’est pas un apôtre, Matthieu est le frère de Jacques, Jude est le frère de Simon, et Judas qui est seul (à moins que ce ne soit lui le jumeau de Thomas, mais c’est une théorie qui a été infirmée). Nous avons donc cinq frères qui ont suivi Jésus, un dont le jumeau n’a pas suivi Jésus et Judas qui est seul.
3. Douze moins un égal onze
Après la mort de Jésus, à la suite de la trahison et la mort de Judas, notre groupe des douze se trouve réduit à onze (12 – 1 = 11, CQFD).
C’est l’apôtre Pierre (Képhas) qui proposa que quelqu’un prenne la place de Judas. Comme les apôtres étaient les témoins de la résurrection de Jésus, il fallait que le candidat soit choisi parmi ceux qui avaient suivi Jésus et ses apôtres/disciples. Deux candidats furent proposés : Joseph Barnabas (ou le juste) et Matthias. Il fut décidé de tirer au sort entre les deux candidats et ce fut Matthias qui gagna.
Jacques de Voragine nous a dit que Matthias venait de la tribu de Juda et qu’il était né à Bethléem. Ce qui semblerait accréditer la thèse de l’origine de Judas l’Iscariote, un membre de la tribu de Juda en remplaçant un autre. Quant à la naissance de Matthias à Bethléem, comme Jésus, cela ne faisait que renforcer son éventuelle qualité d’apôtre. Cependant les écrits de Jacques de Voragine sont à prendre avec beaucoup de méfiance…
Matthias est la version hébraïque de Mattithyahû, « don de Dieu » (comme nous l’avons vu plus haut pour Matthieu). Il est nommé Matthias pour ne pas le confondre avec Matthieu, un des premiers du groupe des douze.
Dans certains écrits (ceux d’Eusèbe de Césarée), Matthias est appelé Tolmai, sous-entendant qu’il serait le père de Barthélemy (donc également de Philippe) …
Mais pourquoi préférer Matthias à Barnabé ? Joseph Barnabas (Barnabé) était un juif de la tribu des Lévi, surement originaire de Chypre, et il était le cousin de Marc l’évangéliste. Contrairement à Matthias, il n’était pas originaire de Galilée d’où notre groupe venait dans sa totalité. En plus, Barnabé n’avait pas de liens familiaux avec les apôtres/disciples de Jésus.
Comme quoi le hasard a bien fait les choses, il a été au choisi au hasard le seul des deux candidats qui était originaire de Galilée et qui avait un lien de parenté avec un des apôtres déjà présents… Ou bien le hasard n’existe pas ou bien …
Nos apôtres/disciples se retrouvent de nouveau douze après la nomination d’un remplaçant. Il est vrai que c’est plus pratique quand on appartient à un groupe qui se fait appeler les « douze » …
4. Douze et plus ???
Jésus avait institué en personne, sur le chemin de Damas, Paul de Tarse. Donc on pourrait le considérer comme le 13ème apôtre, mais non, car dans les actes des Apôtres, il est signalé que Barnabas et Paul sont tous les deux des apôtres. Donc Paul de Tarse serait le 14ème apôtre et Barnabas le 13ème car ce dernier se serait converti avant Paul, à l’époque où il se faisait encore appeler Joseph…
Le problème est que Paul/Saul est un citoyen romain né à Tarse en Cilicie. Bien que citoyen romain, il était juif surement originaire de la tribu de Benjamin (dont était issu Saul le premier roi d’Israël auquel succèdera David). Et en tant que romain, il persécutait les apôtres/disciples de Jésus. Il s’est converti après avoir rencontré Jésus qui venait de ressusciter. Quand Pierre (Simon Képhas) dit qu’il faut choisir parmi ceux qui ont suivi Jésus depuis le début, il exclut (plus ou moins volontairement) Paul qui avait été leur persécuteur.
Si Paul de Tarse a été institué par Jésus en personne, il n’y a rien de tel à propos de Joseph/Barnabas à part cet acte des apôtres et le fait qu’il aurait vendu son champ (donc il n’était pas pêcheur en plus) pour en donner le produit aux apôtres. C’est pourtant Barnabé qui a présenté Paul aux apôtres en leur expliquant que ce dernier avait vu Jésus et prêché en son nom à Damas.
Rappelons-nous que les apôtres sont censés représenter les douze tribus d’Israël et dans les galates nous apprenons que les trois colonnes (colonne étant à prendre dans le sens des pierres de fondation qui étaient toujours trois à l’époque) de l’église (Ekklésia donc assemblée) primitive qui étaient : Pierre, Jacques et Jean qui ont assigné aux deux apôtres supplétifs ou supplémentaires (qu’ils reconnaissent comme tels) la mission d’aller convertir les incirconcis. Donc les douze, représentants des douze tribus d’Israël, ont pour mission de convertir les circoncis (donc les juifs) et les deux supplétifs celle de convertir les autres.
En toute logique nos douze restent douze mais avec deux de plus qui ont une mission différente…
5. Conclusion
Pour résumer : Il y avait 12 apôtres (si on ne rajoute pas Barnabé et Paul), puis 11 (après la mort de Judas) puis de nouveau 12 (après le tirage au sort de Matthias), puis 14 si on compte Barnabé et Paul. Donc si je compte bien, il y a eu 15 apôtres, et l’on continue de parler des 12 apôtres, généralement sans se souvenir de leurs prénoms…
D’ailleurs dans l’iconographie religieuse (généralement celle aux frontons de nos églises et/ou cathédrales), Judas n’est jamais représenté, Paul et Matthias figurent dans le nombre des douze au détriment d’un des onze appelés par Jésus, et parfois même Barnabé y figure et ça toujours au détriment d’un des onze.
Très récemment, quelqu’un m’a posé des questions sur les pyramides, à savoir le mode de construction, le savoir pour y parvenir, et pourquoi la structure pyramidale se retrouve ailleurs dans le monde.
La plupart de ces sujets sont encore âprement discuté, tout le monde a sa théorie sur le sujet, très souvent au mépris des récentes découvertes et tout un chacun veut avoir raison, certains vont même jusqu’à falsifier/arranger des résultats pour justifier/prouver leurs conclusions.
Mais avant toute chose, il serait intéressant de se pencher sur l’origine de ce mot « pyramide ».
1. Un peu d’étymologie
Le mot « pyramide » vient du grec ancien « puramîs-dos », latinisé en « pyramis-idis ». Le mot grec « puramîs » veut dire « gâteau » et il est un dérivé du mot grec « puros » qui veut dire « froment », désignant ainsi un gâteau à la farine de froment. Ce type de gâteau (à base de miel également) était offert par les grecs lors de leur cérémonie mortuaire. Cette recherche étymologique a été faite par Wladimir Brunet de Presle (10/11/1809 – 12/09/1875), helléniste byzantiste et historien, en 1850.
C’est Platon (427 avant J-C à 347 avant J-C) qui donna le mot de « puramîs » au polyèdre formé en reliant une base polygonale de plusieurs côtés à un point, ce qui est quand même plus court. Puis Euclide (vers 300 avant J-C) reprit le mot pour désigner le même solide.
A ce stade étymologique, il est inutile de faire un (fallacieux) rapport entre les « pyramides » en tant que tombeau et le fait que le mot d’origine grecque désignait un gâteau offert lors des cérémonies mortuaires. Platon s’est juste contenté de donner un nom à un solide et non à un monument par analogie de forme.
Hérodote (480 avant J-C – 425 avant J-C) mentionne la « pyramide de Khéops » comme « le plus haut monument du plateau de Gizeh attribué à Khéops », il n’utilise pas le mot pyramide…
C’est grâce à Hérodote, dans sa description des ouvrages extraordinaires, que la « pyramide de Khéops » est rangée parmi les « sept merveilles du monde », même si à son époque il n’y avait aucune liste établie. Cette fameuse liste a été établie entre le 2ème siècle avant J-C et 14ème siècle, d’ailleurs Jean-Pierre Adam (né le 24/11/1937), architecte et archéologue, a dénombré un peu plus de 19 variantes de cette liste.
Gaston Maspero (23/06/1846 – 30/06/1916), égyptologue, a avancé la théorie que les grecs se seraient inspirés du mot égyptien « pr-m-ous » (peremous) qui désigne la hauteur de l’édifice en partant du centre de la base quadrangulaire jusqu’à son point le plus haut (apex).
Les égyptiens, à l’époque, les nommaient toute par un nom qui leur étaient propre précédé du symbole hiéroglyphique égyptien qui se prononce « mer », qui représente une pyramide avec une base rectangulaire. La pyramide de Khéops (en grec) ou de Khoufou (en égyptien) avait pour nom « aht-xwfw » (l’horizon de Khoufou).
2. Pas une mais plusieurs pyramides
Généralement quand on parle des pyramides, nous avons tous en image le complexe de Gizeh avec ses trois pyramides monumentales et nous avons tendance à croire qu’elles sont les seules et uniques pyramides d’Egypte, alors qu’elles ne sont juste que les plus connues.
Rien que sur le plateau de Gizeh, on ne dénombre pas moins de onze pyramides, même s’il est vrai que les huit suivantes sont plus petites que les trois grosses, elles n’en restent pas moins des pyramides.
Actuellement, nous dénombrons au moins cent-vingt-trois pyramides en Egypte, la dernière ayant été découvertes par une équipe d’archéologues belges en 2013. Ce décompte n’est bien entendu que provisoire parce que nous savons (d’après des anciens écrits égyptiens) que des souverains (et souveraines) se sont fait construire leurs propres pyramides mais elles n’ont juste pas encore été découvertes à ce jour.
Dans ce décompte, il y a les pyramides qui se sont effondrées, celles qui ont été saccagées et celles qui n’ont pas été finies.
Pour l’instant (donc de nos jours), la plus ancienne pyramide connue est celle de Djoser (pharaon de la 3ème dynastie qui a régné au 27ème siècle avant JC), la fameuse pyramide à degrés et la plus récente pyramide connue est celle d’Ahmosis (pharaon de la 18ème dynastie qui a régné au 16ème siècle avant J-C).
Donc, après un rapide calcul, on peut voir que les égyptiens ont construit des pyramides pendant près de onze siècles.
3. Avant les pyramides
Si la plus ancienne pyramide connue est celle du pharaon Djoser, la question à se poser est de se demander comment les pharaons d’avant se faisaient enterrer.
Avant les pyramides (et même pendant et après), les pharaons se faisaient ensevelir dans des mastabas qui étaient des constructions rectangulaires d’un ou deux étages. Ces constructions ont pris le nom mastaba au 19ème siècle, c’est un terme arabe qui signifie « banc ».
La (première) pyramide est d’ailleurs à degrés et l’on pense (mais « on » n’en n’est pas sûr) qu’elle a été construite comme un empilement de différents mastabas.
Il faut voir dans le mastaba une évolution des tertres funéraires (tumulus) qui étaient élevés au-dessus des fosses mortuaires.
Ce tertre est une symbolisation de la butte primordiale (benben en égyptien) qui émergea de l’océan primordial (Noun en égyptien) et sur lequel apparut le soleil pour la première fois.
Ce tertre était entouré d’une infrastructure. Le tertre servant de lieu de sépulture et le reste de l’infrastructure au culte rendu au défunt.
4. Pharaon
Le mot pharaon vient du latin chrétien « pharao-onis » emprunté au grec ancien « pharao » et à l’hébreu biblique « par’oh » qui vient de l’égyptien « per-aä » (grande maison ou palais) puis par métonymie « l’occupant du palais/grande maison ».
Il est le souverain qui règne sur la haute et basse Egypte. Il est à la fois le chef religieux, chef militaire, chef politique, chef administratif, etc., il est l’un et le tout.
La nature de Pharaon est double, à la fois humaine et divine. Cependant la nature divine de Pharaon a évolué selon les différentes périodes de l’histoire égyptienne. A l’époque de l’ancien empire (2.700 à 2.200 avant J-C), il est le fils du Dieu et il est chargé de maintenir en ordre la création divine. Après la première période intermédiaire (2.200 à 2.030 avant J-C), sous le moyen empire (2.065 à 1.735 avant J-C), il est choisi par le Dieu Rê. Sous le nouvel empire (1.580 à 1.077 avant J-C), il est le fils charnel du Dieu.
La divinité de Pharaon n’est acquise que lorsque sa forme humaine fusionne avec sa part d’immortalité, lors de son couronnement. Pharaon ne devient un dieu que lors de son sacre, quand il prend place sur le trône d’Hor (fils d’Usere et de Rê), quand il s’identifie à lui, quand il devient lui.
5. C’est quoi une pyramide ?
La pyramide, étant une évolution architecturale du tumulus initial, s’inscrivait dans un complexe funéraire complexe avec un temple bas, centre d’accueil des processions funéraires et/ou cérémonielles (c’est dans ce temple qu’était pratiqué le rite d’embaument puis, après l’enterrement, c’était l’endroit où l’on apportait les offrandes), une chaussée, ceinte de murs (c’est le parcours qu’empruntait le corps momifié et sa procession, puis après l’enterrement servait de passage vers le temple haut), un temple haut (au départ une simple chapelle qui s’est agrandie au fur et à mesure du temps jusqu’à devenir un temple à l’architecture complexe), quelques pyramides secondaires (destinées à des cérémonies et/ou à des proches comme les mères et/ou épouses et/ou enfants) et la pyramide. Dans certains complexes, on peut aussi trouver des fosses à barques.
La fonction de ce gigantesque complexe n’est pas que d’être un lieu de sépulture pour celui qui était l’incarnation même du Dieu, mais aussi une structure qui servirait à lui vouer un culte avec des prêtres qui lui seront dédiés. Ce culte pouvant dépasser plusieurs générations.
Donc il faut appréhender la pyramide comme un élément d’une structure complexe et excessivement codifiée.
6. Quand construisait-on une pyramide ?
Après la mort de Pharaon, le lendemain matin (donc après la fin du cycle solaire d’une journée) il y avait une prise de pouvoir du futur Pharaon (qui est considéré comme l’année zéro de son règne), puis celui-ci laissait passer un délai de 70 jours (temps nécessaire à la momification) pour organiser la cérémonie funéraire de son prédécesseur. A la suite de quoi, il préparait sa cérémonie de couronnement (qui devint de plus en plus complexe au fil du temps) dont la date était généralement fixée à une date symbolique dans le calendrier ou bien dans le cycle des récoltes ou bien celui lunaire (cela a varié en fonction des époques).
Peu de temps après son sacre (couronnement), Pharaon s’attelait à la construction de sa future dernière demeure. Pourquoi si tôt, parce que les temps de construction étaient longs et que les égyptiens s’avaient que la vie sur terre pouvait être courte. Plus la construction était monumentale, plus cela durait longtemps et plus le risque que la dernière demeure ne soit pas achevée à la mort de Pharaon était grand (pour preuve les quelques pyramides inachevées (généralement au début de la construction) et les témoignages d’autres pharaons qui ont expliqué avoir terminé la construction du complexe de leurs prédécesseurs).
La première cérémonie était celle du choix du lieu du futur complexe (selon des critères avec lesquels aucun spécialiste n’est d’accord). La deuxième était celui du tracé au sol de la future pyramide. Et uniquement après venaient les travaux de préparation du terrain afin d’en recevoir la base, puis la construction jusqu’à l’achèvement finale du complexe dans son intégralité.
7. Des méthodes de construction de plus en plus précises
L’erreur faite par de nombreuses personnes (surtout les récents égyptophiles amateurs autoproclamés) est de vouloir chercher/percer le secret de la construction des pyramides en se focalisant sur celle de Khoufou (Khéops en grec). De la première pyramide connue qui est celle de Djoser (qui a régné au 27ème siècle avant J-C) et jusqu’à celle de Khoufou (qui a régné au 25ème siècle avant J-C), on peut dénombrer (en fonction des découvertes actuelles) 16 pyramides construites.
Si celle de Khoufou (à Gizeh) est la plus haute avec 146,6 mètres pour une base carrée de 230,3 mètres de côté, vient celle de Khafrê (Khephren en grec) (à Gizeh) qui mesure 143,5 mètres de haut sur une base carrée de 215,2 mètres de côté, vient celle de Snéfrou (à Dahchour) 109,5 mètres de hauteur pour une base carrée de 219,1 mètres de côté, puis celle encore de Snéfrou (à Dahchour) 104,7 mètres de hauteur pour une base carrée de 189,4 mètres, puis celle de Houni (à Abou Rawash) d’une hauteur estimée (ce ne peut être qu’une estimation, elle n’a pas été terminée) de 105,0 mètres sur une basse carrée de 215,0 mètres de côté, puis celle de Snéfrou (encore lui) (à Meïdoum) de 91,9 mètres de hauteur pour une base carrée de 144,3 mètres, et ainsi de suite…
La pyramide de Menkaourê (Mykérinos en grec) (à Gizeh) parait bien petite avec ses 65,6 mètres de haut et sa base rectangulaire de 102,2 mètres par 104,6 mètres, mais dont les dimensions seraient à rapprocher de celle de Djéser (à Saqqarah) qui mesure 62,0 mètres de haut sur base rectangulaire de 109,0 mètres par 121,0 mètres.
En moins de deux siècles, on peut (quand même) considérer que les égyptiens avaient progressé en matière de construction de pyramide. Cela reviendrait à essayer de déduire les méthodes de construction de l’arc de Triomphe (à Paris et dont la construction a duré de 1806 à 1836) en analysant celles de la tour Montparnasse (à Paris toujours et dont la construction a duré de 1969 à 1973), ou bien de déduire celles de la villa Godi Malinverni (en Italie à Lugo di Vicenza et dont la construction a duré de 1537 à 1542) en analysant celles de l’hôtel des invalides (à Paris encore et dont la construction a duré de 1670 à 1679).
Mis à part l’exemple (très moqueur, je le concède) de comparer la tour Montparnasse avec l’arc de Triomphe, il est évident qu’en un laps de temps aussi long, on peut penser que les différents ouvriers aient perfectionné leurs méthodes de construction.
Ou alors, il faut faire comme certains adeptes de la pyramidologie (les pyram-idiots comme on les nomme aussi) qui font des spéculations pseudo-scientifiques et dont la plus amusante est celle qui considère que les pyramides sont l’œuvre des atlantes et plus récemment des extra-terrestres.
8. L’organisation du travail
Un élément qui est souvent oublié quand on aborde le sujet de la construction des pyramides, c’est celui de l’organisation administrative et excessivement hiérarchisée de ce pays. C’est sans doute pour cette raison que ce pays (l’Egypte) a pu rester pendant tant de millénaires une des grandes civilisations dans le monde.
Nous avons retrouvé des écrits (d’époque en plus) qui mentionnent les noms, les fonctions et les « grades » des ouvriers qui opéraient sur les chantiers des pyramides. Il y avait une hiérarchie et une organisation très perfectionnées pour l’époque (n’oublions pas que nous parlons du 3ème millénaire avant J-C).
Nous savons qu’il y avait des équipes sur le chantier de construction, des équipes pour l’extraction et la taille des pierres et des équipes pour le transport des pierres. Il a été estimé qu’il y avait en permanence sur le chantier 5.000 personnes qui étaient hautement spécialisés et à peu près 15.000 personnes qui travaillaient de manière temporaire sur le chantier. Le personnel du chantier était divisé en brigades de 1.000 hommes, elles-mêmes divisées en cinq équipes (dont chacune avait un nom différent) de 200 hommes. Les équipes ne travaillaient pas toutes en même temps et se relayaient.
Nous avons pu retrouver les restes du village des ouvriers (et les tombes de certains) sur le plateau de Gizeh et nous savons aussi que les ouvriers avaient droit à des soins médicaux, qu’ils vivaient avec leur famille, qu’ils étaient bien nourris et qu’ils venaient de toute l’Egypte. Il y a fort à penser que c’étaient les femmes qui s’occupaient de l’intendance et de l’approvisionnement alimentaire.
L’analyse des squelettes des ouvriers a également montré (en plus de la riche alimentation et des bons soins médicaux) que le travail y était particulièrement pénible et dure. On peut estimer que l’espérance de vie était de 40 ans.
Il faut voir ce chantier de complexe funéraire comme l’œuvre d’un pays entier, après tout il s’agissait de la construction d’un ouvrage destiné à un Dieu. Il faut voir aussi cette construction comme un instrument de la cohésion sociale du pays et du régime politique.
C’est Hérodote qui nous a raconté que les pyramides avaient été construites en trente ans avec 100.000 hommes qui étaient des esclaves. Quand Hérodote a visité l’Egypte, cela faisait plus de 2.000 ans que les pyramides du plateau de Gizeh avaient été construites. Le nombre d’hommes avancé aurait correspondu au 10ème de la population de l’Egypte. La notion d’esclave est en contradiction avec le résultat des dernières fouilles.
N’oublions pas que c’est Hérodote qui a colporté la légende selon laquelle Khéops (là je laisse le nom en grec) aurait prostitué sa fille et où chaque client la payait avec une pierre. La pyramide représentant 6 millions de tonnes, cela aurait fait quelques passes pour la jeune fille, et je vous laisse imaginer la prestation sexuelle à laquelle le monsieur a eu droit quand il l’a payé avec un bloc de 60 tonnes (tout ceci laisse rêveur !!!).
En fonction des derniers éléments connus sur le nombre estimé des ouvriers sur le chantier, il a été calculé qu’il aurait fallu 4 ans pour la préparation du chantier, 10 ans pour la construction de la pyramide, 4 ans pour le polissage des faces et le démontage des rampes et 2 à 4 ans pour la construction des petites pyramides, des temples et de la chaussée. Mais tout ceci n’est qu’une estimation…
9. Les blocs de pierre de la pyramide
La pyramide (celle de Khoufou pour cet exemple) est constituée de pierres. Les nombreuses analyses ont permis de les classer en cinq catégories, ce qui va permettre de répondre à quelques questions.
- Des quartiers de pierre équarris grossièrement en calcaire nummulitique (au moins 85% du volume de la pyramide). Ces pierres provenaient d’une carrière située sur le plateau de Gizeh (à une centaine de mètres de la grande pyramide). – Des gradins bien taillés en calcaire nummulitique (de la même provenance que les pierres citées ci-dessus) qui sont encore visibles sur les faces de la pyramide de Khoufou. – Des blocs de parement extérieur en calcaire fin provenant des carrières de Tourah et d’El-Maasara (au sud du Caire et à moins de 20 kilomètres de Gizeh), que l’on peut encore voir sur la 1ère assise de Khéops, sur le sommet de Khephren ou bien sur la Rhomboïdale de Dahchour. – Des blocs de parement intérieur, qui sont minutieusement taillés et ajustés, en calcaire fin provenant aussi des carrières de Tourah et d’El-Maasara. Certains sont aussi en granit. – Des blocs mégalithiques (de plusieurs dizaines de tonnes) en syénite qui proviennent des carrières d’Assouan.
Quand on nous représente les transports des blocs de pierre ayant servi à la construction des pyramides, on nous fait voir une image avec une cohorte de bateaux longeant le Nil, toutes voiles dehors. Cette image ne peut s’appliquer que pour les pierres issues des carrières d’Assouan en rajoutant qu’en plus de la navigation par la force du courant et des voiles, le halage était fréquent.
D’après les comptes rendus des carriers d’Assouan, nous savons qu’il fallait à peine une semaine pour rejoindre le plateau de Gizeh en bateau. Nous savons également, qu’afin de livrer au plus près les gigantesques blocs, que les égyptiens avaient construits des canaux qui allaient presque au pied de la grande pyramide. Une théorie récente envisage que le quai de déchargement aurait servi par la suite aux fondations du temple bas.
Quant aux blocs extraits des carrières de Tourah et d’El-Maasara, il a surement été plus rapide de transporter les différents blocs par voie de terre, plutôt que de les descendre jusqu’au Nil pour les charger dans un bateau, les faire voyager en bateau, puis les décharger, puis de nouveau les transporter.
Le transport des carrières de Gizeh au site de construction, même si les distances sont courtes (une centaine de mètres), fait encore l’objet de questionnement. Mais à priori, des différentes méthodes envisagées (j’évite d’aborder celles délirantes du transport par télékinésie ou bien par des soucoupes volantes), celles utilisant des chariots en forme de traineau, celles envisageant de faire glisser les blocs sur des rondins de bois et celles de blocs montés sur un chariot glissant sur des rondins ont dû toutes être utilisées. Les découvertes de dessins nous ont permis de comprendre que ces chariots étaient tirés ou poussés par la force humaine et/ou la force animale (comme des bœufs).
10. Comment les blocs ont-ils été taillés ?
Quand on aborde le sujet des outils des égyptiens (à l’époque des pyramides de l’ancien empire), on nous explique que la majorité des outils était héritée du néolithique. Et nous imaginons donc des hommes en train de tailler des pierres avec d’autres pierres… Mais ce n’est pas aussi simple que cela.
Depuis le néolithique, les artisans avaient perfectionné leurs outils, ils étaient nombreux et complexes (même si nous les qualifions encore de rudimentaires). Les artisans avaient également développé une connaissance des différentes échelles de dureté des matériaux et plus précisément des pierres, et tout ceci bien avant la création de l’échelle de Mohs en 1812 ou bien celle de Knoop en 1939 (ce sont les deux échelles de dureté des pierres les plus utilisées de nos jours).
Nous avons pu retrouver quelques outils en cuivre sur les différents sites des chantiers de l’ancien empire. Le minerai de cuivre extrait à l’époque pourrait être aujourd’hui considéré comme n’étant pas pur à cause des pourcentages d’arsenic et de bismuth contenus à l’intérieur. Si ce taux d’impureté rend ce métal moins précieux, il a la particularité d’en faire un alliage très dur. Donc ce n’était pas une volonté des égyptiens de trouver un alliage dur, il l’avait déjà sous la main du fait du hasard…
Mais les découvertes des outils sont rares (surtout en métal) sur les sites archéologiques et pour cela il faut y avoir quelques raisons.
La première est que les ouvriers étaient employés d’un chantier à l’autre et les ouvriers spécialisés se déplaçaient (comme de nos jours) avec leurs outils qui étaient leurs propriétés personnelles. Je connais un tailleur de pierre qui m’a raconté avoir perdu une truelle sur un chantier et il en rêve encore la nuit. A part le fait qu’un bon ouvrier finit par avoir bien dans sa main son propre outil, leur fabrication devait être onéreuse, surtout pour les outils avec du métal (cuivre ou autre).
La deuxième est que les professions se transmettaient d’une génération à l’autre et généralement dans la transmission/héritage il y avait les outils de la génération précédente. Et si l’ouvrier/artisan n’avait pas de descendance (ou bien une descendance qui avait choisi une autre voie), il léguait ses outils à son meilleur apprenti. Le même tailleur de pierre, que je citais plus haut, a dans sa besace des outils ayant appartenus à son grand-père.
Donc, on peut en déduire que les outils (re)trouvés ont été égarés ou bien trop abimés pour être réparables.
Pour comprendre la rapidité d’exécution et la précision des gestes des tailleurs de pierre de l’époque égyptienne, je vous recommande d’aller sur un chantier pour voir nos tailleurs de pierre contemporains (en plus ce sont des gens charmants et très ouverts qui aiment faire partager leur métier). Vous verrez qu’avec de nombreuses années de pratique, on apprend à tailler avec une économie de geste et une grande précision. Et vous pourrez voir que leur sac à outils contient aussi des outils que l’on pourrait qualifier de rudimentaires…
11. Comment les blocs ont-ils été montés ?
Quand on aborde le sujet de la construction des pyramides, c’est surtout la manière dont les pierres ont été montées au fur et à mesure de la construction qui focalise l’attention (alors qu’il y a une multitude d’autres problèmes à résoudre aussi). Les égyptologues avancent des théories, les ingénieurs en démontrent d’autres, etc. et finalement « on » ne trouve aucune solution qui puisse satisfaire tout le monde.
Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, cet affrontement sur le hissage des pierres est très ancien. Hérodote (480 avant J-C – 425 avant J-C) est à l’origine de la théorie « machiniste » puisqu’il avait expliqué qu’on lui avait raconté que les pierres avaient été montées à l’aide de systèmes de levier. Diodore de Sicile (vers le 1er siècle avant J-C) est à l’origine de la théorie « rampiste » qu’on lui aurait également raconté lors de son voyage en Egypte où les pierres étaient montées par glissement le long d’une rampe de terre.
Pour les « rampistes », les hypothèses sont nombreuses d’autant que l’on a retrouvé au pied de quelques pyramides des vestiges de rampes, tout comme pour les « machinistes » où l’on a retrouvé des vestiges de leviers. La réalité doit surement se trouver sur un mélange et/ou l’utilisation de ces deux théories.
12. Les autres pyramides
Si effectivement on peut constater que, de part le monde, la forme pyramidale a toujours fasciné, il serait très hasardeux d’en tirer des conclusions trop hâtives.
Comme nous l’avons vu plus haut, les égyptiens voyaient dans la structure pyramidale une représentation stylisée et parfaite de la butte primordiale, mais les autres civilisations ont pu y voir la même chose (à condition que leur mythe de la création s’en rapproche), ou bien une manière de s’approcher au plus près des dieux, ou bien du soleil, ou de la lune, ou des étoiles, ou bien juste dans la volonté de donner un caractère imposant et magistral aux monuments.
S’il devient de plus en plus évident (en fonction des découvertes archéologiques) que les pyramides aient été des tombeaux (même si pour certaines, nous savons qu’elles étaient des cénotaphes), ce n’est pas toujours le cas des pyramides dans le reste du monde.
13. Les pyramides chinoises
Le décompte des pyramides de Chine n’est pas encore terminé, mais on les estime (de nos jours) à plus de deux-cents.
Certaines de ces pyramides sont des collines naturelles dans lesquels on a creusé, d’autres sont des monticules de terres ou bien de briques recouvertes de terre.
La construction de pyramides en Chine s’étale sur une période qui va du 3ème siècle avant J-C au 16ème siècle. A contrario, nous savons que chaque pyramide abritait une sépulture (et même là, il y a des controverses).
14. Les pyramides nubiennes
On dénombre un peu plus de 220 pyramides en Nubie qui sont les tombeaux des rois et reines de Napata et de Méroé. Les dates estimées pour les constructions vont du 7ème siècle avant J-C jusqu’au 1er siècle avant J-C.
Si la structure pyramidale (et la fonction de tombeaux) est directement empruntée à la culture égyptienne, elle ne fait pas référence aux pyramides de l’ancien empire égyptien mais à la culture égyptienne et essentiellement les pharaons qui étaient rentrés dans le mythe.
Les pyramides nubiennes ont cette particularité d’être très pointues (une pente d’à peu près 70°) et d’être moins imposantes.
15. Les pyramides amérindiennes
Quand on parle des pyramides, on fait souvent (surtout les pyram-idiots) le parallèle avec celles du Mexique et celles du Pérou.
Si effectivement la construction est en forme pyramidale, les dimensions, les inclinaisons, les méthodes de construction, la finalité n’ont pas de rapport avec celles que l’on trouve en Egypte et en plus il y a un problème de date. On confond les cultures (qui étaient très nombreuses sur le continent américain), les religions et les dates.
Il y a aussi d’autres pyramides dans le monde entier, des petites comme des grandes, des anciennes comme des récentes. La plus récente a été construite au Kazakhstan à Astana, c’est le palais de la paix et de la réconciliation qui a été achevé en 2006.
16. Conclusion
Il est malhonnête intellectuellement (même si certains ne s’en privent pas) de vouloir comparer l’incomparable, de vouloir faire des liens avec des civilisations qui justement n’en avaient aucun (sauf à moins de vouloir faire des raccourcis stupides avec des hypothèses fantaisistes sur des transports aériens ou même spatiaux), etc.
Il y a bien une quête d’un savoir perdu et cette discipline a un nom, elle se nomme l’archéologie. Cependant l’archéologie n’est considérée comme une science que depuis la fin du 19ème siècle. Si l’archéologie utilise de plus en plus des techniques modernes pour l’aider dans la compréhension du passé, elle passe parfois plus de temps à poser des questions qu’à y répondre, et les réponses ouvrent souvent sur de nouvelles questions encore plus difficiles.
Les archéologues essaient d’avoir une démarche scientifique en appliquant le principe de la preuve démontrable, mais cela n’est pas facile à appliquer quand les preuves sont peu nombreuses, qu’elles ont disparues ou bien ont été détruites (pour de nombreuses raisons).
Mais il ne faut pas prendre la réflexion d’un archéologue qui vous répondra, en toute honnêteté intellectuelle, « je ne sais pas » ou « nous ne savons pas » pour une porte ouverte à tous les délires dont l’origine est souvent une quête du merveilleux et de l’irrationnel (dans le meilleur des cas).
La tendance actuelle (surtout utilisée par des personnes peu scrupuleuses) est de considérer les archéologues comme des vieux (alors que certains sont jeunes) messieurs (alors qu’il y a aussi des dames) imbus de leur personne et qui savent tout. Les archéologues ne savent qu’une seule chose avec certitude, c’est qu’ils ne savent pas tout et ce qu’ils ne savent pas encore, ils le sauront un jour (ou bien les générations suivantes…) et surtout ils savent qu’une superbe théorie peut être démontrée et invalidée à tout moment. Rien n’est acquit, ni ferme, ni définitif… et encore moins les théories…
De nombreuses découvertes ont été faites par des amateurs (donc des non professionnels de l’histoire et/ou de l’archéologie) mais surtout de nombreuses découvertes sont le fruit du hasard…
Mais avant de prendre les historiens et/ou les archéologues en défaut, il faut savoir faire preuve de rigueur dans les recherches et une théorie basée sur des hypothèses tronquées (quand ce ne sont pas de purs mensonges) n’est pas une théorie mais une escroquerie intellectuelle.
Dieu est infini, absolu, ineffable. Il est parfaitement inintelligible, dans son essence suprême, pour tout être créé, cet être eût-il gravi la plus haute cime de la spiritualité. Les hommes pourtant peuvent s’élever vers les confins de la sphère divine, grâce à la foi soutenue par l’espérance et l’amour. Ils se haussent par l’intelligence et consolident leur position de croyant par la volonté. Mais, si la volonté, dans sa faiblesse, ne connaît pas de borne pour son amour, la raison et l’intellect sont impuissants à saisir les choses et les êtres dans leur ipséité elle-même, impuissants à transgresser la relativité des rapports engendrés par la science. Ils ne peuvent s’asseoir en des notions définitives et « ne varietur », la connaissance, comme son instrument, est un devenir. Nous ne pourrons donc jamais connaître Dieu, l’acte pur, sinon par ses qualités et attributs, envisagés à la manière humaine. En d’autres termes, nous ne comprenons pas Dieu, mais la divinité, et celle-ci, un des plus grands mystiques du XIIIe siècle nous le dit sans ambages, est loin de Dieu, comme la terre l’est du ciel ; nous pouvons ajouter, comme la matière l’est de l’esprit. La divinité est un concept ; Dieu c’est l’être et c’est la vie. Aucune définition, de ces deux derniers termes, ne peut être donnée, car leur somme d’intelligibilité humaine résulte d’une comparaison entre eux et le néant ou la mort.
Ainsi, chaque homme, dans sa soif de savoir, peut se faire une idée, non pas de Dieu inaccessible, mais de la divinité, selon la forme et la puissance de son entendement et il adhère à cette notion transcendantale avec toutes les forces de son être. L’humanité, en somme, a le Dieu qu’elle mérite, le Dieu de sa culture et de ses désirs, et chaque individu, selon son ascèse ou sa médiocrité intellectuelle, se forge, à chaque minute de son existence, un Dieu à sa portée, un Dieu à sa mesure, car il n’y a pas d’athées, malgré toutes les affirmations contraires. Pour les uns, Dieu, c’est la nature, matrice commune de toutes choses, champ clos où se déroulent les séries phénoménales. Pour d’autres, c’est l’énergie, âme de la masse, génératrice du mouvement et de la résistance. Pour ceux-ci, ce sont les principes universels et les lois régulatrices de l’équilibre cosmique. Certains passent outre à ces notions mécaniques ou dynamiques et les incorporent dans une conception plus haute et plus féconde. Pour eux, Dieu n’est pas seulement le fleuve vital torrentiel, aux berges imprécises dont les eaux, sans cesse renouvelées, s’enfuient vers l’Océan de la mort ; ce n’est pas l’énergie aveugle, la matière inerte ou la loi impondérable. Ils considèrent les formules mathématiques ou cosmogoniques comme la codification humaine de l’activité créatrice. Leur Dieu est une hypostase principielle dont aucune science ne peut donner la clef ; ils le revêtent de toutes les potentialités énergétiques, intellectuelles et morales répandues par Lui, Un, dans toutes les manifestations diversifiées de sa puissance. Il est la source, le pivot, le moyen et la fin. La parole du Buisson Ardent retentit dans leur pensée : « Je suis celui qui suis. » Mais ils s’inclinent sans comprendre ; le contingent est une fumée devant l’absolu. Ils sentent, dans les replis de leur conscience dont la nature est divine, et parfois emportés sur les ailes d’une méditation dans laquelle les paroles n’ont plus aucune valeur, ils voient comme il leur est donné de voir, car selon la parole de l’Écriture : il y a plusieurs demeures dans la maison du Père.
Mais, pour les uns comme pour les autres, en tout ceci se rencontre inévitablement un anthropomorphisme, au moins virtuel, nécessité par nos facultés représentatives et expressives, il jette un voile sur l’essence intangible de Dieu.
C. C. Texte publié dans le N° 73 des Annales Initiatiques, Avril-Mai-Juin 1938)
– La mission de la douleur –
Les membres d’une même famille sont solidaires du bien ou du mal réalisé par chacun d’eux. Il en est ainsi chez une tribu, au sein d’une nation et dans l’humanité tout entière. La répercussion d’un seul acte pèse sur l’ensemble de la collectivité. Telle est la loi qui lie les hommes.
Lorsque le bien l’emporte sur le mal, l’harmonie et la paix règnent dans la société, lorsque le mal est en surcroît, c’est le désordre et c’est la guerre. Le Bien, en effet, est un ferment d’union et d’euphorie ; le mal, au contraire, introduit la division, non seulement dans l’individu lui-même, mais encore entre les individus et les peuples. Or, selon la parole évangélique, toute maison divisée contre elle doit périr ; c’est pourquoi la division est la source de toute douleur et pourquoi la souffrance est dissolvante.
Si le bien n’est pas supérieur au mal, la douleur se déclenche automatiquement pour rétablir l’équilibre, car elle est un rachat, la monnaie par laquelle se résorbe le déficit de la balance spirituelle. Mais, dans ce retour à l’ordre et à l’harmonie, les individus souvent sont broyés suivant l’axiome, à première vue inhumain : « Oportet unum pro omnibus mori », un seul doit mourir pour tous. L’innocent parfois souffre et meurt, d’où le doute atroce de certains penseurs sur la justice et la miséricorde de Dieu. Dans leur désarroi, ils le comparent au Moloch insatiable de Tyr et de Sidon, au Minotaure repu de la chair des vierges. Ces hommes méditent en surface, la profondeur des idées leur est inconnue.
L’homme, à sa naissance, dans son âme et son corps, reflète l’indéfinie divisibilité de la matière. Son unité est factice, elle résulte d’un amalgame d’éléments irréductibles les uns aux autres. Pétri dans la diversité, il porte en lui-même le germe du mal et ne pourra se hausser vers le bien sans opérer la sublimation de ses éléments constitutifs. La plupart des individus sont incapables de comprendre et de réaliser cette ascèse, car ils suivent leur propension naturelle au lieu de réagir. Le mal monte donc inlassablement, jusqu’au jour où la balance de la justice est totalement faussée. La souffrance, tel l’ange exterminateur, apparaît alors sous la forme la plus apte à combler la somme des défaillances. Mais l’ange de la douleur peut nous paraître aveugle, il ne discrimine pas ses victimes selon les lois de nos piètres contingences. La balance s’équilibre par un choix dont la clef nous échappe.
L’homme est libre de choisir sa voie et Dieu n’intervient pas dans l’accomplissement du mal. Il n’a pas à intervenir dans la répression, il laisse la loi s’accomplir : « relinquit mundum disputationibus eorum ». Seule la norme vitale est le dieu de la vengeance, dieu abstrait, anonyme, inexorable comme l’antique Némésis. Il faut payer, un pour tous, tous pour un. La justice est un rouleau de fer, elle ne laisse subsister aucune aspérité sur son passage. Comme l’iniquité s’est répandue, la douleur s’épanche dans le sein des individus, au milieu des peuples, nul ne peut s’y soustraire, fut-il innocent, tant la solidarité est rigoureuse.
Sans doute, pour notre petit raisonnement humain, l’innocence devrait être un bouclier contre la souffrance. La logique de la vie est différente de la logique des hommes. Un individu paye pour un autre, la dette est éteinte et la justice immanente est satisfaite. Dans notre ignorance des lois transcendantales, nous les accusons de jouer à tort, et nous ne savons rien ou pas grand’chose de la réversibilité. Du reste, quelle compensation sera donnée au libérateur, volontaire ou involontaire, du coupable ? Ici encore l’obscurité nous envahit. Ne nous obstinons pas à comparer la justice et l’équité, ne nous cantonnons pas sur le seul plan accessible à nos sens. L’innocent, pour nous injustement frappé, est, sans nul doute, un nouveau Christ, un rédempteur méconnu dont le nom flamboie parmi les cohortes célestes. Non seulement il rachète de sa souffrance le démérite occasionné par le mal auquel il fut étranger, mais il réalise pour son propre compte, une balance positive dans la voie du bien. D’une part, il manifeste la solidarité, de l’autre, il résorbe le vice originel de sa naissance. Sa douleur n’est donc pas une entorse à la justice, c’est une conséquence de son humanité.
Penchons-nous sur tous les êtres douloureux, efforçons-nous de les soulager dans la mesure de nos moyens, mais n’incriminons pas Dieu de leur souffrance, il n’a rien à voir avec elle. Il ne l’a pas voulue et il ne peut rien pour la souffrance sans notre concours ou celui de nos frères humains. Elle est inhérente à notre existence spatiale et temporelle, dont seuls nous sommes responsables, malgré les apparences contraires. Sa mission est sacrée ; elle est un feu purificateur, de gré ou de force nous devons le subir pour restituer notre nature essentielle à sa fin primitive.
C. C. Texte publié dans le N° 71 des Annales Initiatiques, Octobre-Novembre-Décembre 1937
– La Foi, faculté spirituelle –
La Foi n’est pas seulement une vertu théologale, une certitude intellectuelle et morale d’ordre spéculatif. C’est aussi une lumière vivante qui s’incorpore, en quelque sorte, à la volonté, et devient une puissance spirituelle, un dynamisme effectif dont les potentialités s’actualisent et se répercutent en tous nos actes. Elle est une réalisation continue de l’expérience humaine.
Cette foi dynamique est le levier des Écritures et le point d’appui d’Archimède. Appliquée dans l’axe des lois naturelles, elle peut les déclencher brusquement, renforcer leur action ou en détourner le cours pour introduire dans le cycle normal de la création visible les lois supérieures du monde invisible. Elle peut guérir les maladies, illuminer les intelligences, fortifier les volontés, anéantir les obstacles, accomplir des miracles. Mais c’est là le moindre côté de sa puissance réalisatrice. Elle est à l’origine même de notre conscience, elle nous donne la certitude absolue de notre réalité, elle est la racine radicale du « Cogito » de Descartes. Elle nous confirme donc dans une sécurité morale, intellectuelle et physique dont nos cogitations et nos actes subséquents sont l’épreuve et la conséquence immédiate. Les assises du jugement par lequel notre personnalité prend sa valeur, engage ses responsabilités, s’élève ou s’abaisse à un certain niveau, sont fonction de son dynamisme propre. En chaque homme la foi peut devenir un « Fiat » créateur susceptible de le projeter vers le plan divin et de le rendre coparticipant des attributs de Dieu. Car, non contente d’une auto-création interne de la conscience, elle est le support et l’aiguillon de la liberté dont la volonté est l’organe ; elle en assure le développement et l’usage dans le cadre de notre être, mais en reportant toujours plus loin la limite de ses possibilités. Monade essentiellement expansive, elle s’irradie, en effet, dans le néant pour y susciter une création analogue à celle qu’elle a réalisé en nous ; elle est le Même en gestation de l’Autre.
Ainsi, la foi n’est pas une croyance timide sans cesse ébranlée par les événements extérieurs, toujours en quête d’une consolidation problématique. C’est une conscience absolue des possibilités intérieures de notre être et de leurs réactions victorieuses. C’est une possession anticipée du futur, l’enclume sur laquelle nous forgeons durement notre devenir, car l’homme, malgré les contingences individuelles ou collectives, est l’artisan de son propre destin ; il le fait grand, mesquin ou misérable, au rythme de la foi dont il est animé.
Dans son unicité substantielle, la foi revêt un triple aspect : foi en Dieu, foi en soi-même, foi en la destinée. Si nous perdons la première, nous perdons aussi les autres, car Dieu est le pivot de l’Univers et il est encore une fin. Si l’aspect divin disparaît de nos facultés, il n’y a plus de support ni de fin adéquats à notre essence intime. Aucun raisonnement, aucune pensée, aucun geste ne pourront nous mettre en présence d’un avenir suffisant pour nos aspirations. Nous serons ballottés d’une rive à l’autre du fleuve vital, prêts à sombrer dans le gouffre des contingences.
Or la foi ne naît pas dans la dispersion animique et intellectuelle, elle repose sur l’unicité spirituelle. Un homme, un peuple divisé contre lui-même, réfractaire à l’unité, périra dans la désagrégation de ses éléments. Au contraire, rendu cohésif par l’unification de ses parties constitutives, il vivra dans le temps et l’espace, car il est confirmé dans la sécurité intérieure, contre laquelle les discordes extérieures restent impuissantes.
Mettez deux hommes aux prises, dans la lutte pour la vie, le triomphe appartiendra au détenteur de la foi la plus énergique et la mieux actualisée. Il est, en effet, le mieux adapté à la fin réelle de la race humaine, car cette adaptation résulte de la foi, partie intégrante et centre de son moi.
La foi véritable est peu commune, les hommes s’en détournent, ils préfèrent la facilité des volontés chancelantes, le doute à la certitude et l’emprise passionnelle à la pureté du cœur.
C. C. Texte publié dans le N° 75 des Annales Initiatiques, Octobre-Novembre-Décembre 1938.
– Prédestinés –
Tous les êtres d’une même espèce sont constitués sur un seul archétype, avec une essence, des qualités et des modalités exactement semblables.
Ainsi, tous les hommes ont un esprit, une âme et un corps identiques dans leur substance particulière et leurs potentialités. Ils sont donc tous appelés à la même fin. D’où vient le petit nombre des élus ? Parce que la réalisation de leurs possibilités suit des voies divergentes, désirées et voulues délibérément par chaque individu. Chacun de nous, en effet, participe, qu’on l’admette ou non, à la divine lumière du libre arbitre. Tous les hommes sont bien semblables dans leur unité essentielle et primordiale, – racine de l’égalité, – mais ils de viennent ce qu’ils se font eux-mêmes par l’emploi de leurs puissances de réalisations respectives. Celles-ci sont sous l’action du centre volitif ; il les dirige selon des vues écloses sous le régime de la liberté inviolable ; d’où la diversité sociale, intellectuelle et spirituelle, d’où le bien (accord avec la norme, harmonie avec le plan de la création) et le mal (désaccord avec la loi, dés-harmonisation évolutive).
Or, pour Dieu, tous les siècles des siècles sont comme un jour et réciproquement. Du sein de l’éternité, d’où la succession est exclue, il voit donc intuitivement, comme d’un seul coup d’œil, l’ensemble de la création et son évolution depuis le commencement jusqu’à la fin. Tout le problème de la prédestination, si souvent évoqué sans être résolu, est réglé par cette vision divine. Dès l’origine, Dieu voit la naissance, la vie entière et la mort de chaque homme, sa perdition ou son salut. Il peut dire, comme le musulman fataliste (ce n’est point un blasphème, mais une adoration) : Mektoub, c’était écrit. Il ne prédestine pas les uns au bonheur, les autres au malheur, sa grâce sanctifiante et efficace plane sur tous et ils peuvent la capter dans une même mesure. Il ne peut l’imposer ni ne veut la refuser à quiconque, il se doit de respecter la liberté d’action de sa créature et il voit les coopérateurs et les dissidents. Il sait donc de toute éternité quels êtres émanés de lui réintègreront le monde divin de l’Unité ou se perdront irrévocablement dans la douleur de la dispersion. Ainsi, il n’y a point de prédestinés, de créatures privilégiées créées pour la béatitude éternelle à l’exclusion des autres. Il y a pour tous la même chance et le même risque, tout dépend pour chacun de l’usage de sa propre liberté.
C. C. Texte publié dans le petit livre de Constant Chevillon, Méditations Initiatiques.
Dans les écrits homériques, le nombre neuf à une valeur rituelle. Déméter parcourt le monde pendant neuf jours à la recherche de sa fille Perséphone ; Letô souffre pendant neuf jours et neuf nuits les douleurs de l’enfantement ; les neuf Muses sont nées de Zeus, lors de neuf nuits d’amour. Neuf semble être la mesure des gestations, des recherches fructueuses et symbolise le couronnement des efforts, l’achèvement d’une création.
Les Anges, selon le Pseudo- Denys l’Aéropagite, sont hiérarchisés en neuf chœurs, ou trois triade : la perfection de la perfection, l’ordre dans l’ordre, l’unité dans l’unité.
Chaque monde st symbolisé par un triangle, un chiffre ternaire : le ciel, la terre, les enfers. Neuf est la totalité des trois mondes.
Neuf est un des nombres de la sphère céleste. Il est encore, symétriquement, celui des cercles infernaux. C’est la raison des neuf nœuds du bambou taoïste, des neuf (ou des sept) encoches du bouleau axial sibérien. C’est la raison aussi des neuf degré du trône impérial chinois, et des neufs portes qui le séparent du monde extérieur, car le microcosme est à l’image du Ciel. Aux neuf Cieux s’opposent les neuf Sources, qui sont le séjour des morts.
Les cieux bouddhiques sont neuf également, mais, selon Houai-nan tseu, le ciel chinois a neuf plaines et 9999 coins.
Le nombre neuf est à la base de la plupart des cérémonies taoïstes du temps des Han.
Neuf est le nombre de la plénitude : 9 est le nombre du yang. C’est pourquoi les chaudrons de Yu sont neuf et- pourquoi le cinabre alchimique ne devient potable qu’à la neuvième transmutation.
Neuf est aussi la mesure de l’espace chinois : nombre carré du lo-cho, nombre des régions dont les neufs pasteurs apportèrent le métal pour la fonte des neufs chaudrons. Ultérieurement la Chine comptait 18 provinces, soit deux fois neuf ; mais selon Sseuma ts’ien , elle occupait 1/81 du monde. Dans le mythe de Houang-ti, Tch’eyeou n’est pas un, mais 81 (ou 72), ce qui exprime la totalité d’une confrérie. Et ce n’est pas par hasard si le Tao-te king compte 81 chapitres (9×9).
Si neuf est chez Dante comme partout ailleurs le nombre du Ciel, il est aussi celui de Béatrice, laquelle est elle-même un symbole de l’Amour. (Marcel Granet, la pensée chinoise, Paris, 1934 – René Guénon, l’ésotérisme de Dante, Paris, 1925).
Selon l’ésotérisme islamique, descendre neuf marches sans chute signifie avoir dompté les neuf sens. C’est également le nombre qui, correspondant aux neuf ouvertures de l’homme, symbolise pour lui les voies de communication avec le monde.
Chez les Aztèques, le roi Tecoco, Nezahualcoyotl, construisit un temple de neuf étages, comme les neuf cieux, ou les neuf étapes que devait parcourir l’âme pour gagner le repos éternel. Il était dédié au Dieu inconnu et créateur de toutes choses, celui du voisinage immédiat, celui par qui nous vivons. (Mythologies des Montagnes, des Forêts et des Iles, (p.187) sous la direction de P. Grimal, Paris, 1963).
Dans la mythologie mezo-américaine, le chiffre neuf symbolise les neuf cieux, sur lesquels gravite le soleil. D’autre part, neuf est également le chiffre sacré de la déesse lune : dans la glyptique maya, Bolon Tiku, Déesse Neuf, est la déesse de la pleine lune. (Raphaël Girard, Le Popol-Vuh, Histoire culturelle des Maya-Quiché, (p.309) Paris, 1954).
Neuf, pour les aztèques, est spécifiquement le chiffre symbolique des choses terrestres et nocturnes ; l’enfer est fait de neuf plaines et le panthéon aztèque compte neuf divinités nocturnes, gouvernées par le dieu des enfers, qui se situe, dans leur liste, au cinquième rang, donc au milieu des huit autres.. Dans la plupart des cosmogonies indiennes, il existe également neuf mondes souterrains. Chez les Mayas, le nombre neuf, considéré au contraire comme faste, est particulièrement important en magie et en médecine (Eric S. Thompson J., Maya Hieroglyphic writing, University of Oklahoma, nouvelle édition, 1960).
La divinité du 9° jour est le serpent, qui commande aussi le treizième jour. Mais dans la croyance populaire aztèque, neuf, étant lié aux divinités de la nuit, de l’enfer et de la mort, est un nombre redouté.
Le nombre neuf joue un rôle éminent, tant dans la mythologie que dans les rites chamaniques des peuples turco-mongols. A la division du ciel en neuf couches s’associe souvent la croyance aux neuf fils ou serviteurs de Dieu qui, selon Gonzarov correspondraient à neuf étoiles adorées par les Mongols, les Tchouvaches de la Volga, qui classent leurs dieux par groupes de neuf, observant des rites sacrificiels, comprenant souvent neuf sacrificateurs, neuf victimes, neuf coupes, etc. Les Tchérémisses païens offrent au Dieu du Ciel neuf pains et neuf coupes d’hydromel. Les Yakoutes placent également neuf coupes sur leurs autels de sacrifice ; à titre de comparaisons mentionnons que, selon Masmoudi, les Sabéens Syriens organisèrent leur clergé d’après les neuf cercles célestes (Uno Harva, Les représentations religieuses des peuples altaïques, traduit de l’allemand par Jean-Louis Perret, (p.117-118) Paris, 1959).
Selon René Allendy (Dr.René Allendy, Le Symbolisme des Nombres, (p.256, s.) Paris, 1948) le nombre neuf apparaît comme le nombre complet de l’analyse totale. Il est le symbole de la multiplicité faisant retour à l’unité et, par extension, celui de la solidarité cosmique et de la rédemption.
Tout nombre, quel qu’il soit, dit Avicenne, n’est autre que le nombre neuf ou son multiple, plus un excédent, car les signes des nombres n’ont que neuf caractères et valeurs avec le zéro.
Les Egyptiens nommaient le nombre neuf la Montagne du Soleil : la grande neuvaine était faite de l’évolution dans les trois mondes, divin, naturel et intellectuel, de l’archétype trinitaire Osiris-Isis-Horus, représentant l’Essence, la Substance et la Vie.
Pour les platoniciens d’Alexandrie, la Trinité divine primordiale se subdivisait également par trois, formant les neuf principes. C’est volontairement, ajoute Allendy, que l’architecture chrétienne a cherché à exprimer le nombre neuf : ainsi le sanctuaire de Paray-le-Monial est-il éclairé par neuf fenêtres.
On retrouve neuf principes universels dans les enseignements de la plus ancienne secte philosophique de l’Inde, les Vaïses-hica.
L’initiation orphique aurait de même admis trois ternaires de principes, le premier comprenait la Nuit, le Ciel, le Temps ; le second, l’Ether, la Lumière, les Astres ; le troisième, le Soleil, la Lune, la Nature ; ces principes constituaient les neuf aspects symboliques de l’Univers. Le nombre neuf, dit Parménide, concerne les choses absolues.
Les neuf muses représentent, par les sciences et les arts, la somme des connaissances humaines.
Liturgiquement, la neuvaine représente l’achèvement, le temps complet. Elle existait dans le culte mazdéen, on le retrouve dans le Zend-Advesta, où de nombreux rites purificatoires sont formés d’une triple répétition ternaire : ainsi les vêtements d’un mort doivent être lavés neuf fois dont trois fois avec de l’urine, trois fois avec de la terre et trois fois avec de l’eau. Cette triple répétition ternaire se retrouve dans de nombreux rites de magie et de sorcellerie.
Trois étant le nombre novateur, son carré représente l’universalité. Il est significatif que tant de contes, de toute origine, expriment l’infini, le surnombre, par la répétition du neuf, tels les 999.999 Fravashis des anciens Iraniens : ils gardaient la semence de Zoroastre, dont devaient naître tous les prophètes.
L’Ouroboros, le serpent qui se mord la queue, image du retour du multiple à l’Un, et donc de l’Unicité primordiale et finale, est graphiquement apparenté à la reproduction du nombre neuf
Dans de multiples alphabets : tibétain, persan, hiératique, arménien, égyptien, etc.
Mystiquement cette acception du neuf l’apparente au Hak des Soufis, suprême étape de la Voie, béatitude conduisant au fana : l’annihilation de l’individu dans la totalité retrouvée ; ou, comme dit Allendy, la perte de la personnalité dans l’amour universel.
La tradition indienne précise cette acception rédemptrice du symbole Neuf, avec les neuf incarnations successives de Vishnu, qui, chaque fois, se sacrifie au salut des hommes. De même, selon les Evangiles, Jésus crucifié à la troisième heure, commence son agonie à la sixième heure (crépuscule) et expire à la neuvième.
Louis-Claude de Saint-Martin voyait dans le neuf, l’anéantissement de tout corps et de la vertu de tout corps
Les Francs-Maçons, conclue Allendy, en ont fait le nombre éternel de l’immortalité humaine et neuf maître retrouvèrent le corps et le tombeau d’Hiram. Suivant la symbolique maçonnique le nombre 9 représente aussi, dans son graphisme, une germination vers le bas, donc matérielle ; tandis que le chiffre 6 représente au contraire une germination vers le haut, donc spirituelle. Ces deux nombres sont le début d’une spirale. Dans l’ordre humain, le nombre neuf est (en effet) celui des mots nécessaires à l’achèvement du fœtus, qui est néanmoins complètement formé dès le septième mois. (On peut observer aussi que le nombre 6 est celui de l’achèvement de la création, qui culmine le sixième jour avec l’apparition de l’homme). (Jules Boucher, La symbolique maçonnique, 2ème édition, (p.227), Paris 1953).
Le nombre neuf intervient fréquemment dans l’image du monde décrite dans la Théogonie d’Hésiode. Neuf jours et neuf nuits sont la mesure du temps qui sépare le ciel de la terre et celle-ci de l’enfer : une enclume d’airain tomberait du ciel durant neuf jours et neufs nuits, avant d’atteindre le dixième jour, à la terre ; et, de même, une enclume d’airain tomberait de la terre durant neuf jours et neuf nuits, avant d’atteindre, le dixième jour, au Tartare (Hésiode, Théogonie, les Travaux et les Jours, le Bouclier, traduit par Paul. Mazon, (v.720-725), Paris, 1928). De même la punition des dieux parjures consiste-t-elle à demeurer neuf années pleines loin de l’Olympe, où siège le conseil et se tient le banquet des divinités (ibid.60-61).
Neuf, étant le dernier de la série des chiffres, annonce à la fois une fin et un recommencement, c’est-à-dire une transposition sur un nouveau plan. On retrouverait ici l’idée de nouvelle naissance et de germination, en même temps que celle de mort ; idées dont a été signalée l’existence dans plusieurs cultures à propos des valeurs symboliques se ce nombre. Dernier des nombres de l’univers manifesté. Il ouvre la phase des transmutations. Il exprime la fin d’un cycle, l’achèvement d’une course, la fermeture de la boucle.
C’est en ce sens que l’on peut interpréter le titre et la répartition de l’œuvre de Plotin, tels qu’ils furent transmis par ses disciples, et notamment par Porphyre, sous une influence pythagoricienne : Ennéades (ensemble de neuf). C’est un ensemble de 54 petits traités, assez arbitrairement découpés, mais correspondant au produit de 6×9 ; deux nombres qui sont chacun multiples de trois et renforcent la symbolique du trois. Porphyre s’en émerveille : j’eus la joie de trouver le produit du nombre parfait six par le nombre neuf. Cette structure numérologique tend à symboliser la vision totale, cosmique, humaine, théologique, depuis l’origine jusqu’à l’eschatologie du monde, que représente l’enseignement du maître. Après l’émanation de l’Un et le retour à l’Un, la boucle de l’univers s’achève. Les Ennéades constituent par leur seul titre, le manifeste global d’une école et d’une vision du monde.
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En plus des Sources multiples citées, il convient de noter :
Dictionnaire des Symboles – Mythes, Rêves, Coutumes, Gestes, Formes, Figures, Couleurs, Nombres. – Par Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, édité chez Robert Laffont / Jupiter dans la collection Bouquins
Gnose, Esotérisme, Franc-maçonnerie, Hermétisme, Illuminisme, Initiation, Kabbale, Martinisme, Occultisme, Religions, Rose-Croix, Spiritualités, Symbolisme, Théosophie, et toutes ces sortes de choses…
Serge Hutin. L’un de nos maîtres oubliés. Lisez le encore et toujours ! Il faut faire vivre l’œuvre de Serge Hutin.
Publié par Jean-Laurent Turbet sur 5 Avril 2021, 07:30am
Qui se souvient encore aujourd’hui de Serge Hutin (né le 2 avril 1929 à Paris et mort le 1er novembre 1997 à Prades, Pyrénées-Orientales) ?
Bien trop peu de monde malheureusement. Alors que pour moi il a été l’un des érudits majeurs du 20ème siècle en ce qui concerne les thèmes de l’initiation, de l’ésotérisme, de la gnose, de l’hermétisme, de l’occultisme et de la spiritualité en général.
Son érudition était phénoménale.
Il a été un écrivain prolixe et surtout – ce qui pour moi n’est en rien péjoratif bien au contraire ! - un vulgarisateur. Un conteur extraordinaire comme me l’on rapporté ceux qui ont eu la chance de le connaître et un écrivain merveilleux, et parfois même un écrivain du merveilleux ce qui est encore mieux !
J’ai entendu prononcé pour la première fois le nom de Serge Hutin par mon ami, frère et très regretté François Rognon.
François Rognon avait en effet été initié le 3 mars 1975 au sein de la Respectable Loge N°355 « Arts et Travail » de la Grande Loge de France, et il avait la grande chance, le grand bonheur d’avoir Serge Hutin comme second surveillant. Et François de me raconter par le menu leurs merveilleuses séances d’instructions avec lui !
Alors, depuis, comment ne pas aimer celui que François Rognon considérait comme son Maître ?!
C’est dans ce même atelier – « Art et travail » – que Serge Hutin avait été initié le 9 février 1966. Il sera passé compagnon le 22 mai 1967, et élevé maître le 30 septembre 1968. Il était en également 30ème degré du Rite Ecossais Ancien et Accepté. Il fréquentera de très nombreux autres ateliers !
Serge Hutin est licencié de philosophie à la Sorbonne alors qu’il n’a que 20 ans et l’année suivante, en 1950, il est diplômé d’Etudes supérieures de philosophie et en 1951 diplômé de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (5ème section, sciences religieuses), pour son mémoire sur Robert Fludd.
Enfin en 1958 il obtient son Doctorat ès lettres d’Etat (Sorbonne). Sa thèse principale étant Henry More et les Platoniciens de Cambridge avec une thèse complémentaire sur Les disciples anglais de Jacob Boehme aux 17ème et 18ème siècles.
Quel cursus universitaire exceptionnel !
Attaché au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), il le quitte rapidement. La carrière toute tracée de fonctionnaire (ou encore pire d’homme d’affaire !) ce n’est pas pour Serge !
Il ne voudra pas « faire carrière » comme nous l’entendons aujourd’hui. Il ne gagnera jamais beaucoup d’argent, c’est le moins que l’on puisse dire.
Il voulait vivre de sa plume et de ses écrits. Il en vivra extrêmement mal et sera pauvre toute sa vie. Il ne survivra, lors de ses dernière années – malade et accablé – que par la générosité de ses frères de Prades.
C’est peut-être d’ailleurs pour cela qu’on ne se souvient plus de Serge Hutin aujourd’hui. Peut-être cultive-t-on trop de nos jours l’entre-soi et la promotion de la réussite matérielle – et donc profane ? Y compris au sein de notre Ordre qui se veut pourtant un ordre initiatique et traditionnel fondé sur la fraternité. Peut-être Serge Hutin ne coche-t-il pas toutes les cases qu’il faut aujourd’hui ? Il n’a jamais été un notable. Ni à Paris, ni en province. Ce sont des questions que je me pose sans trouver de réelles réponses. Mais ce que je sais c’est qu’il a toujours été un cherchant, un chercheur de Lumière, un véritable initié.
Ce que je sais aussi, c’est que l’ésotériste, le symboliste et le frère Serge Hutin nous manque et que nous manquons cruellement de nouveaux Serge Hutin aujourd’hui. De frères « différents« , de frères qui « ne rentrent pas dans les bonnes cases« . Serge détonait déjà un peu de son temps. Il détonerait encore plus aujourd’hui !
« Si « le fantôme de sa mère l’accompagne » cet être dépassé par notre civilisation matérialiste n’a que son inaltérable soif du merveilleux, sa bonté naturelle. Cet errant était en quête d’un sourire, d’une sensible amitié. A-t-on été assez réceptif à la détresse de celui qui a donné avec amour? » écrivait Jean-Pierre Bayard dans son article consacré aux écrits maçonniques de Serge Hutin.
Serge Hutin était en tout cas de ceux qui ne s’assignait aucune limite dans la recherche de la vérité et de la justice.
Esotériste, symboliste, hermétiste, gnostique, martiniste, franc-maçon, il a exploré de multiples voies de connaissance et c’est tant mieux. Car ces voies ont fait le miel de ses très nombreux ouvrages que nous pouvons lire aujourd’hui passionnément, comme il les a écrit.
Et il a été un grand – très grand ! – vulgarisateur. Et moi c’est aussi (et surtout?) ce Serge Hutin là que j’adore !
Voici ce qu’écrit Jacques Fabry dans son article intitulé » La théosophie selon Serge Hutin » : » Dans son ouvrage Théosophie, A la recherche de Dieu paru en 1977 aux Editions Dangles, Serge Hutin cite une belle formule de Paracelse que je voudrais à mon tour mettre en exergue à cette communication : « L’imagination mène la vie de l’homme. S’il pense au feu, il est en feu; s’il pense à la guerre, il fera la guerre. Tout dépend du désir de l’homme d’être soleil, c’est-à-dire d’être totalement ce qu’il veut être ».
De complexion plutôt lunaire, Serge Hutin, sans nul doute, a néanmoins été ce soleil de rêve. Je l’ai peu connu, peut-être l’ai-je rencontré tout au plus une dizaine de fois dans les années soixante, mais je garde de lui le souvenir d’un homme très bon et indulgent. Il avait même, si l’on veut bien me passer cette expression un peu insolite, « quelque chose d’un ange ». Son ouvrage sur la théosophie n’a certes pas la qualité de ses premiers travaux universitaires, mais il y a au moins deux raisons à cela. La première, c’est qu’il avait décidé d’écrire pour un large public et non pour des spécialistes. La deuxième, c’est qu’il avait un esprit si ouvert et si tolérant qu’il accueillait, dans un large sourire, du bon et du moins bon, d’où parfois un certain flou de sa pensée ou, à tout le moins, un manque de rigueur. C’est le cas de l’ouvrage que je voudrais résumer et commenter« . Avant de conclure : « C’est pourquoi, son travail sur la théosophie, si riche d’aperçus brillants et de citations judicieusement choisies, s’apparente davantage à une toile impressionniste qu’aux contours léchés et précis d’un tableau de Philipp Otto Runge, le chantre pictural de la Naturphilosophie romantique allemande. Il n’en est pas moins précieux et cher au cœur de tous ceux qui ont connu son auteur soit personnellement, soit par le biais d’un message qui ne saurait laisser quiconque indifférent« . Fin de citation.
Qu’il nous semble loin aujourd’hui le Grand Colloque organisé par la Grande Loge de France le 6 mai 1998 en mémoire du frère Serge Hutin et de son œuvre ! Qu’ils nous semblent loin les deux numéros de Points de Vue Initiatiques (113 et 114) de 1998, pratiquement entièrement consacrés à notre frère Serge !
Serge a écrit des livres merveilleux sur les sujets qui nous passionnent : les franc-maçonnerie, l’alchimie, les rose-croix, l’initiation, les sociétés secrètes, l’ésotérisme, le symbolisme ! Ne vous privez plus de ces lectures passionnantes !
Alors, à quand un nouveau grand colloque autour de l’actualité de l’œuvre de Serge Hutin à la Grande Loge de France et de nouveaux numéros de PVI ou la réédition des anciens qui sont merveilleux (ou les deux) ?
Mes chers amis, prenez le temps de lire cet article même s’il est un peu long. Serge Hutin en vaut la peine. Vraiment.
Et surtout, lisez encore et toujours Serge Hutin qui a écrit des livres magnifiques !
J’aurais réussi mon pari si je vous donne – avec cet article un peu trop long – envie de lire et de relire Serge Hutin !
Jean-Laurent Turbet
Hommage à Serge Hutin
Par Jean-Pierre Bayard.
EDITORIAL
A notre Frère Serge Hutin
Serge Hutin est décédé le le> novembre 1997. Cet écrivain fécond, qui a publié tant d’ouvrages, s’est éteint sans ressources dans la maison de retraite de Prades (Pyrénées-Orientales). Cet homme confiant et bon enfant était dépassé par notre vie matérialiste idéaliste, adepte du mystère, il ne savait lutter contre les rigueurs de la vie.
Grâce à la fraternité des frères de la Loge « Harmonie Solidarité » n° 1122 de la Grande Loge de France, Serge repose dignement au cimetière de Prades, dans une concession achetée par leurs soins. Un beau geste de solidarité.
Ce jeune universitaire au brillant avenir a su surmonter ses difficultés de santé dont il a conservé quelques traces discernables principalement dans sa grande écriture.
Né dans le VIème arrondissement de Paris le 2 avril 1929, il est licencié de philosophie (Sorbonne) alors qu’il n’a que 20 ans l’année suivante, en 1950, le voici diplômé d’Etudes supérieures de philosophie et en 1951 diplômé de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (5ème section, sciences religieuses), pour son mémoire sur Robert Fludd. Enfin en 1958 il obtient son Doctorat ès lettres d’Etat (Sorbonne). Sa thèse principale étant Henry More et les Platoniciens rrde Cambridge avec une thèse complémentaire sur Les disciples anglais de Jacob Boehme aux 17ème et 18ème siècles.
Attaché au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), qu’il quitte rapidement, ses recherches sont bientôt éditées.
Parmi ses collaborations – dont on trouvera ci-dessous une liste peut-être encore incomplète-, notons son adaptation française du Dictionnaire des religions de E. Royster Pike, ainsi que son essai « La Franc-Maçonnerie » paru dans l’Encyclopédie de la Pléiade dirigée par Henri-Charles Puech, de l’Institut (Histoires des religions t. II p. 1382-1409, Gallimard- NRF) ses nombreux écrits de la collection « Que Sais-Je ? » sont également à citer.
Il vit avec sa mère, à Fontenay-aux-Roses, dans la région parisienne. A cause de sa constitution physique, écrivain indépendant, il n’a pour seule ressource que la publication de ses recherches littéraires centrées sur la pensée traditionnelle. Il est ainsi confronté à un monde fermé, où les publications sont à faible tirage, où les éditeurs de cette discipline sont eux-mêmes en nombre limité.
Puis à la mort de sa mère, paralysée durant de longues années, leur pavillon est vendu au profit de l’Assistance Publique.
Serge Hutin est seul, privé de son seul secours. Si « le fantôme de sa mère l’accompagne », il n’a plus de domicile et dépend souvent du bon vouloir de ses amis.
Il entre bientôt à la Grande Loge de France. Initié en 1966 à la loge Art et Travail, il fréquente bien d’autres ateliers, y trouvant un refuge, un lieu où il peut s’exprimer dans un climat de compréhension mutuelle.
Malgré ses abondants écrits, livres et articles, ses nombreuses conférences, il reçoit peu d’argent. Il quête un repas, une amitié et pendant un certain temps il a été un invité de la Fraternelle des Journalistes et Ecrivains.
Humblement il participe aux travaux en apportant sa riche contribution et une vaste documentation aux questions les plus complexes, mais il ne brigue pas les « honneurs » qui pour lui ne devraient pas exister en Maçonnerie, car ce sont des devoirs.
Il conserve le pouvoir de rêver… Accompagnant des amis qui lui sont dévoués, il s’installe à Prades où finalement il rejoint la maison de retraite.
Serge Hutin ne se plaint pas, sauf parfois contre quelques éditeurs qui oublient de lui régler ses droits d’auteur. Plus spécialement depuis deux ans il subit la grave crise de l’édition qui accuse une perte de 30% du chiffre d’affaire dans la catégorie de l’ésotérisme.
En juillet 1997 il s’était cassé le bras droit ; début octobre il avait été soigné d’une embolie pulmonaire à l’hôpital de Montpellier et m’écrivait le 9 octobre «j’ai bien failli passer de «l’autre côté». Cela n’eût-il pas mieux valu, la vie m’ayant si peu gâté ?».
En accord avec la revue Avec Regard de l’Institut d’Etudes et de Recherches (34700 Poujols), je lui avais demandé le 29 septembre 1997 sa collaboration pour évoquer «Le Compagnonnage », se proposant de revenir sur ce thème. Son dernier travail…
Avant « la gentille lettre qui va droit au cœur», Serge Flutin avait eu le grand plaisir de voir la publication de deux de ses ouvrages Sain t-Germain, Cagliostro, la princesse de Lamballe aux éditions Bélisane et la réédition revue et corrigée de Rose-Croix d’hier et d’aujourd’hui aux éditions Louise Courteau au Canada.
C’est ce sourire d’enfant que j’évoque car cet excellent conférencianer, cet auteur souvent cité qui a voulu avec ses moyens servir la pensée spirituelle à tous les degrés, est toujours resté dans sa simplicité, excusant les erreurs des autres, bienveillant envers tous : je ne l’ai jamais entendu médire de quelqu’un, mais, sans se plaindre, très humblement, il a accepté son sort avec résignation, ne nous faisant guère connaître son déchirement intérieur.
Jean-Pierre Bayard.
Hommage publié dans Points de Vue Initiatiques – Les Cahiers de la Grande Loge de France, N°109. Mars/Avril/Mai 1998
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