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Le gui 7 avril, 2021

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Publié par Yann Leray – 26 Février 2021

Le gui

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Je me suis projetée au temps des Gaulois habillée de blanc et couronnée de feuilles de chêne. Je me tenais dans un majestueux chêne, une serpe d’or à la main coupant du gui. J’incarnai là un druide à la recherche de ces précieuses boules blanches et de ses feuilles.

Cela se passait au 6ème jour après la pleine lune au solstice d’hiver, aux alentours du 21 décembre, moment qui marque le retour du soleil et des jours qui commencent à rallonger. C’est le triomphe de la Lumière au cœur de la grande Nuit, le temps de la renaissance après la mort apparente. Au cœur de la nuit la plus longue, dans le silence de la terre endormie, les grains commencent à germer, répondant à l’appel de la vie.

Je ne peux qu’associer le gui aux druides, nom donné aux prêtres par les gaulois. Ces hommes et ces femmes cherchent à travers leurs pratiques liées à la nature, à ré-harmoniser l’être humain, à renouer le lien subtil entre le ciel et la terre en honorant les Dieux et Déesses du panthéon celtique.
Ces druides étaient considérés comme des sages et ont été par le passé souvent qualifiés « d’hommes du chêne ».

Les druides considèrent toutes les formes de vie, et la terre elle-même, comme un des nombreux aspects du divin, la nature étant vue elle-même comme une création divine. Ils honorent et célèbrent la vie dans toutes ses manifestations visibles et invisibles, travaillant avec les 4 éléments que sont la terre, l’air, le feu et l’eau comme étant la combinaison se retrouvant dans toute la nature.

Les fêtes druidiques d’aujourd’hui expriment une vision cyclique du temps. La fonction principale est d’inscrire le cycle humain dans le grand cycle de la nature. Chaque fête revêt une dimension spirituelle et véhicule un enseignement au travers d’un symbolisme inspiré de la période de l’année.

Lors du solstice d’hiver, le gui est cueilli et partagé entre les participants lors de la cérémonie. Il exprime la survie de l’âme, la continuité de la vie après la mort apparente de la nature qui suit la chute des feuilles. C’est le symbole du retour de la lumière solaire originelle.

Il existe 3 sortes de gui : le gui des feuillus, le gui du pin et le gui du sapin. Il est considéré par certains comme une plante parasite de l’arbre mais pour d’autres, le gui aide et soutient l’arbre. Il aurait le pouvoir de reconnaitre des structures, des cellules non physiologiques, de repérer des dysfonctionnements cellulaires et d’agir en conséquence grâce notamment aux lectines, substances dont la fonction est de freiner la division cellulaire, la formation de tumeurs et de recréer des connexions quand s’installe des fonctionnements trop autonomes (ex : les pathologies cancéreuses).
Pour l’arbre comme pour le corps humain, le gui crée un espace de vie qui ne serait pas possible sans lui.

Dans l’hémisphère nord, le gui fleurit de mars à mai, fructifie d’août à novembre et renouvelle son feuillage peu après.
Son fruit globulaire d’une transparence ambrée comme la lumière lunaire, représente la lune. Sa baie écrasée peut-être comparée à la semence masculine. Sa tige et ses feuilles de part leur forme courbe sont la terre réceptrice, source de toute fécondité.
Le gui se nourrissant de la sève de l’arbre qui le porte, serait le modèle de solidarité (humaine, sociale, familiale) en même temps que le symbole de l’union (des sexes, de l’esprit et du corps, des générations).
Par sa forme de touffe et celles de ses baies, il est un monde en soi, clos, force concentrée, perfection, puissance.
Sa symbolique est alors due au fait qu’il pousse en hauteur et sans racines dans la terre. Il pousse à mi chemin entre le ciel et la terre et c’est aussi une des seules plantes à pousser la tête en bas.
Le gui porte aussi le nom de rameau d’or quand celui-ci en vieillissant devient mordoré rouille.

Dans l’art celte, la queue du coq, animal solaire, est souvent stylisé par une faucille. Sa forme rappelle le croissant de lune, symbole de fécondité, signe de féminité. On peut voir là, l’interprétation d’un signe de l’androgynat.
De même que pour la moisson, la faux tranche la tige de blé, cordon ombilical qui la relie à la terre nourricière, pour recueillir le grain qui deviendra nourriture ou semence, de même la serpe d’or sépare de l’arbre sacré le gui « qui guérit tout ».

Selon l’arbre sur lequel il pousse, il semblerait que le gui va développer des qualités différentes.

Pour les Gaulois le chêne qui résistait à la foudre incarnait leur dieu principal, équivalent de Jupiter. Ses fidèles ont donc cherché à s’approprier les faveurs du détenteur de la foudre chez ceux capables d’y résister et la présence de gui sur certains arbres marquait l’élection de ces arbres par les dieux comme nous le rappelle Pline (Hist. Nat. XVI, 249) je cite, « Tout ce qui pousse sur ces chênes, ils le croient d’origine céleste ». Vous savez que de nos jours encore, un laboratoire suisse (Velléda pour ne pas le nommer) écume les guis des chênes d’Europe pour la fabrication de médicaments homéopathiques ou d’extraits utilisés contre les cancers dans certaines cliniques privées.

Les druides considéraient le chêne et surtout le chêne rouvre comme l’arbre le plus fort dans la forêt occidentale. Ils le symbolisaient comme l’arbre de l’immortalité. Ils pensaient que le gui captait la sève de l’arbre et donc possédait l’énergie du chêne. Ils pensaient que tout ce qui croit sur ces arbres est d’origine céleste et que la présence du gui révèle la préférence de la divinité pour l‘arbre qui le porte.

Considérée donc comme plante sacrée, le gui était censé guérir tous les maux. Il devenait donc une panacée. De nature féminine, il est en relation avec le divin et particulièrement avec la terre. De nature masculine, il représente la semence du chêne, symbole de puissance, de fertilité et d’immortalité.

Le gui, le chêne et le rocher sont 3 symboles étroitement associés par les druides.
Le gui et chêne fournissent aux druides un arsenal thérapeutique, énergétique et initiatique. Détaché au solstice d’hiver, le gui du chêne était traité conformément aux lois de la nature au cours du printemps suivant.
Dans la préparation très secrète du gui, en tant qu’élixir du savoir et non en tant que remède, l’on pouvait opérer de 2 façons : soit sur la plante totale, soit exclusivement sur les baies visqueuses, lesquelles au cours du travail, prenaient l’aspect d’une bave ou d’une écume blanchâtre. L’on utilisait de préférence l’élixir extrait des feuilles à l’intérieur, et l’onguent obtenu par la sublimation des baies, à l’extérieur sur l’emplacement de certains plexus.

Le gui est très connu dans l’univers celtique mais ailleurs ?

En Inde, le gui n’est autre que l’authentique Sôma. Les éloges adressés à Sôma dont la mythologie a fait un dieu-lune, s’adresse tantôt à la teinture « remède universel », tantôt à l’élixir breuvage magique des initiés, tantôt à la forme supérieure du symbole où le chêne est l’homme et le gui ou sôma la sagesse divine, la lumière du verbe.

Les écrits canoniques de l’Iran nous avertissent que Haôma qui est l’équivalent du Sôma est double : blanc ou jaune, céleste ou terrestre comme l’est le mercure des sages. Ce haôma céleste est personnifié sous l’espèce d’un Yazata ou génie bienfaisant. On lit dans le Yacna « O Zarathustra, je suis Haôma le pur, celui qui éloigne la mortalité »
Et zarathustra de répondre « Hommage à Haôma, saint parfait et très juste. Il guérit tous les maux, donne le salut…est le meilleur viatique pour l’âme. Il procure aux femmes stériles une brillante postérité … » etc.

Je ne peux faire l’impasse de relater l’histoire que nous connaissons tous de ce petit village gaulois d’Armorique dont les habitants résistent à l’envahisseur grâce à une potion magique concoctée par le druide du village, Panoramix.

Parmi toutes les péripéties, il y a celle où Astérix, Obélix et Panoramix se rendent en Egypte pour aider la reine Cléopâtre à construire un palais dans le désert en un temps record. Panoramix, le druide emporte avec lui dans ses bagages le précieux gui afin de préparer sur place la potion magique.
Mais… c’est une histoire ….

D’après mes recherches, je n’ai pas trouvé trace de gui en Egypte même si beaucoup d’arbres ont été introduit dans le pays.
Il existe en Egypte 2 plantes aquatiques d’une importance capitale : le papyrus en Basse Egypte et 3 espèces de lotus dont la fleur peut être rose, blanche ou bleue que l’on retrouve en Haute Egypte :
– le lotus rose des indes introduit par les Perses.
– le lotus blanc qui s’ouvre à la tombée de la nuit
– le lotus ou nénuphar bleu, d’un arôme suave et doux qui s’épanouit le jour, ouvrant ses pétales aux premiers rayons du soleil, puis le soir venu, fermé pour la nuit, il disparait sous les eaux dont il ne ressortira que le lendemain matin.
Symbole de naissance, et aussi celui de la re-naissance. Il est considéré par les anciens égyptiens comme la fleur initiale et le symbole de la naissance de l’astre divin. Il porte alors le nom de Nefer, terme évoquant toute idée de perfection, d’accomplissement mais également de rajeunissement et de beauté.

Les égyptiens voyaient à travers le lotus, le dieu créateur sortant des eaux chaotiques de Noun et une victoire sur le monde des eaux et ses chaos, comme les inondations et les tempêtes. Le lotus incarne le souffle de vie.

Le lotus bleu représente l’invisible et le monde souterrain mais aussi l’utérus cosmique et la véritable fleur de vie. Les graines de lotus peuvent se maintenir pendant extrêmement longtemps et peuvent devenir un aliment de survie pendant des périodes troubles. Le lotus a également des propriétés médicinales, reconnues pour ses vertus toniques, narcotiques et aphrodisiaques, contre les effets du vieillissement ou les pannes sexuelles et est utilisé également pour les parfums spécialisés.

Le lotus est souvent représenté dans la décoration des temples et également sur les fresques dans les scènes dite de banquet où les convives sont parés de fleurs de lotus dont ils respirent la corolle ou en ornent leur coiffure. L’odeur capiteuse est sans doute en relation avec les facultés sexuelles recouvrées qui symbolisent le retour à la vie du défunt.

Cette fleur était divinisée sous les traits du dieu Nefetoum « le lotus à la narine de Rê » Divinité de l’odeur agréable.

Le culte du lotus était tellement consacré en Egypte, que l’on retrouve son image sur tous les monuments des arts. Le sceptre des rois était surmonté d’une fleur de lotus, le bâton augural des prêtres est orné du même symbole et les égyptiens ont souvent représenté Isis, Osiris et Horus assis sur une fleur de lotus, comme le trône de la suprême puissance ou de la force régénératrice de l’univers, il est donc l’image de la fécondité.

Le lotus dépeint l’être totalement accompli qui a quitté les profondeurs des eaux obscures pour la pleine clarté du jour.

Le lotus a également un rôle extrêmement important dans la tradition hindouiste. Vishnu dort à la surface des eaux primordiales. Un lotus rose émerge de son nombril. Au milieu de la fleur se tient Brahmâ. Le lotus rose nommé padma associé à Vishnu est symbole diurne et solaire. Contrairement au lotus bleu nommé utpala propre à la nuit et à la lune et en relation avec Shiva.
Ces 3 dieux représentent la triple manifestation : Brahma le Créateur, Vishnu le Préservateur et Shiva le Transformateur. La préservation se fait au grand jour tandis que la transformation opère la nuit.

Le lotus qui pousse dans la boue et la vase pour donner une fleur d’une exquise beauté, dépeint la nature du Bouddha depuis son émanation jusqu’à sa sublime fragrance.

Extrait de la conférence du 22 janvier 2019 de Dorine Weideneder

Source : http://www.lesamisdhermes.com/2021/02/le-gui.html?utm_source=_ob_email&utm_medium=_ob_notification&utm_campaign=_ob_pushmail

Le gui 28 mars, 2021

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26 Février 2021

Publié par Yann Leray

Le gui

Le gui  dans Contribution image%2F1928578%2F20210226%2Fob_d5a3d3_le-gui

 

Je me suis projetée au temps des Gaulois habillée de blanc et couronnée de feuilles de chêne. Je me tenais dans un majestueux chêne, une serpe d’or à la main coupant du gui. J’incarnai là un druide à la recherche de ces précieuses boules blanches et de ses feuilles.

Cela se passait au 6ème jour après la pleine lune au solstice d’hiver, aux alentours du 21 décembre, moment qui marque le retour du soleil et des jours qui commencent à rallonger. C’est le triomphe de la Lumière au cœur de la grande Nuit, le temps de la renaissance après la mort apparente. Au cœur de la nuit la plus longue, dans le silence de la terre endormie, les grains commencent à germer, répondant à l’appel de la vie.

Je ne peux qu’associer le gui aux druides, nom donné aux prêtres par les gaulois. Ces hommes et ces femmes cherchent à travers leurs pratiques liées à la nature, à ré-harmoniser l’être humain, à renouer le lien subtil entre le ciel et la terre en honorant les Dieux et Déesses du panthéon celtique.
Ces druides étaient considérés comme des sages et ont été par le passé souvent qualifiés « d’hommes du chêne ».

Les druides considèrent toutes les formes de vie, et la terre elle-même, comme un des nombreux aspects du divin, la nature étant vue elle-même comme une création divine. Ils honorent et célèbrent la vie dans toutes ses manifestations visibles et invisibles, travaillant avec les 4 éléments que sont la terre, l’air, le feu et l’eau comme étant la combinaison se retrouvant dans toute la nature.

Les fêtes druidiques d’aujourd’hui expriment une vision cyclique du temps. La fonction principale est d’inscrire le cycle humain dans le grand cycle de la nature. Chaque fête revêt une dimension spirituelle et véhicule un enseignement au travers d’un symbolisme inspiré de la période de l’année.

Lors du solstice d’hiver, le gui est cueilli et partagé entre les participants lors de la cérémonie. Il exprime la survie de l’âme, la continuité de la vie après la mort apparente de la nature qui suit la chute des feuilles. C’est le symbole du retour de la lumière solaire originelle.

Il existe 3 sortes de gui : le gui des feuillus, le gui du pin et le gui du sapin. Il est considéré par certains comme une plante parasite de l’arbre mais pour d’autres, le gui aide et soutient l’arbre. Il aurait le pouvoir de reconnaitre des structures, des cellules non physiologiques, de repérer des dysfonctionnements cellulaires et d’agir en conséquence grâce notamment aux lectines, substances dont la fonction est de freiner la division cellulaire, la formation de tumeurs et de recréer des connexions quand s’installe des fonctionnements trop autonomes (ex : les pathologies cancéreuses).
Pour l’arbre comme pour le corps humain, le gui crée un espace de vie qui ne serait pas possible sans lui.

Dans l’hémisphère nord, le gui fleurit de mars à mai, fructifie d’août à novembre et renouvelle son feuillage peu après.
Son fruit globulaire d’une transparence ambrée comme la lumière lunaire, représente la lune. Sa baie écrasée peut-être comparée à la semence masculine. Sa tige et ses feuilles de part leur forme courbe sont la terre réceptrice, source de toute fécondité.
Le gui se nourrissant de la sève de l’arbre qui le porte, serait le modèle de solidarité (humaine, sociale, familiale) en même temps que le symbole de l’union (des sexes, de l’esprit et du corps, des générations).
Par sa forme de touffe et celles de ses baies, il est un monde en soi, clos, force concentrée, perfection, puissance.
Sa symbolique est alors due au fait qu’il pousse en hauteur et sans racines dans la terre. Il pousse à mi chemin entre le ciel et la terre et c’est aussi une des seules plantes à pousser la tête en bas.
Le gui porte aussi le nom de rameau d’or quand celui-ci en vieillissant devient mordoré rouille.

Dans l’art celte, la queue du coq, animal solaire, est souvent stylisé par une faucille. Sa forme rappelle le croissant de lune, symbole de fécondité, signe de féminité. On peut voir là, l’interprétation d’un signe de l’androgynat.
De même que pour la moisson, la faux tranche la tige de blé, cordon ombilical qui la relie à la terre nourricière, pour recueillir le grain qui deviendra nourriture ou semence, de même la serpe d’or sépare de l’arbre sacré le gui « qui guérit tout ».

Selon l’arbre sur lequel il pousse, il semblerait que le gui va développer des qualités différentes.

Pour les Gaulois le chêne qui résistait à la foudre incarnait leur dieu principal, équivalent de Jupiter. Ses fidèles ont donc cherché à s’approprier les faveurs du détenteur de la foudre chez ceux capables d’y résister et la présence de gui sur certains arbres marquait l’élection de ces arbres par les dieux comme nous le rappelle Pline (Hist. Nat. XVI, 249) je cite, « Tout ce qui pousse sur ces chênes, ils le croient d’origine céleste ». Vous savez que de nos jours encore, un laboratoire suisse (Velléda pour ne pas le nommer) écume les guis des chênes d’Europe pour la fabrication de médicaments homéopathiques ou d’extraits utilisés contre les cancers dans certaines cliniques privées.

Les druides considéraient le chêne et surtout le chêne rouvre comme l’arbre le plus fort dans la forêt occidentale. Ils le symbolisaient comme l’arbre de l’immortalité. Ils pensaient que le gui captait la sève de l’arbre et donc possédait l’énergie du chêne. Ils pensaient que tout ce qui croit sur ces arbres est d’origine céleste et que la présence du gui révèle la préférence de la divinité pour l‘arbre qui le porte.

Considérée donc comme plante sacrée, le gui était censé guérir tous les maux. Il devenait donc une panacée. De nature féminine, il est en relation avec le divin et particulièrement avec la terre. De nature masculine, il représente la semence du chêne, symbole de puissance, de fertilité et d’immortalité.

Le gui, le chêne et le rocher sont 3 symboles étroitement associés par les druides.
Le gui et chêne fournissent aux druides un arsenal thérapeutique, énergétique et initiatique. Détaché au solstice d’hiver, le gui du chêne était traité conformément aux lois de la nature au cours du printemps suivant.
Dans la préparation très secrète du gui, en tant qu’élixir du savoir et non en tant que remède, l’on pouvait opérer de 2 façons : soit sur la plante totale, soit exclusivement sur les baies visqueuses, lesquelles au cours du travail, prenaient l’aspect d’une bave ou d’une écume blanchâtre. L’on utilisait de préférence l’élixir extrait des feuilles à l’intérieur, et l’onguent obtenu par la sublimation des baies, à l’extérieur sur l’emplacement de certains plexus.

Le gui est très connu dans l’univers celtique mais ailleurs ?

En Inde, le gui n’est autre que l’authentique Sôma. Les éloges adressés à Sôma dont la mythologie a fait un dieu-lune, s’adresse tantôt à la teinture « remède universel », tantôt à l’élixir breuvage magique des initiés, tantôt à la forme supérieure du symbole où le chêne est l’homme et le gui ou sôma la sagesse divine, la lumière du verbe.

Les écrits canoniques de l’Iran nous avertissent que Haôma qui est l’équivalent du Sôma est double : blanc ou jaune, céleste ou terrestre comme l’est le mercure des sages. Ce haôma céleste est personnifié sous l’espèce d’un Yazata ou génie bienfaisant. On lit dans le Yacna « O Zarathustra, je suis Haôma le pur, celui qui éloigne la mortalité »
Et zarathustra de répondre « Hommage à Haôma, saint parfait et très juste. Il guérit tous les maux, donne le salut…est le meilleur viatique pour l’âme. Il procure aux femmes stériles une brillante postérité … » etc.

Je ne peux faire l’impasse de relater l’histoire que nous connaissons tous de ce petit village gaulois d’Armorique dont les habitants résistent à l’envahisseur grâce à une potion magique concoctée par le druide du village, Panoramix.

Parmi toutes les péripéties, il y a celle où Astérix, Obélix et Panoramix se rendent en Egypte pour aider la reine Cléopâtre à construire un palais dans le désert en un temps record. Panoramix, le druide emporte avec lui dans ses bagages le précieux gui afin de préparer sur place la potion magique.
Mais… c’est une histoire ….

D’après mes recherches, je n’ai pas trouvé trace de gui en Egypte même si beaucoup d’arbres ont été introduit dans le pays.
Il existe en Egypte 2 plantes aquatiques d’une importance capitale : le papyrus en Basse Egypte et 3 espèces de lotus dont la fleur peut être rose, blanche ou bleue que l’on retrouve en Haute Egypte :
– le lotus rose des indes introduit par les Perses.
– le lotus blanc qui s’ouvre à la tombée de la nuit
– le lotus ou nénuphar bleu, d’un arôme suave et doux qui s’épanouit le jour, ouvrant ses pétales aux premiers rayons du soleil, puis le soir venu, fermé pour la nuit, il disparait sous les eaux dont il ne ressortira que le lendemain matin.
Symbole de naissance, et aussi celui de la re-naissance. Il est considéré par les anciens égyptiens comme la fleur initiale et le symbole de la naissance de l’astre divin. Il porte alors le nom de Nefer, terme évoquant toute idée de perfection, d’accomplissement mais également de rajeunissement et de beauté.

Les égyptiens voyaient à travers le lotus, le dieu créateur sortant des eaux chaotiques de Noun et une victoire sur le monde des eaux et ses chaos, comme les inondations et les tempêtes. Le lotus incarne le souffle de vie.

Le lotus bleu représente l’invisible et le monde souterrain mais aussi l’utérus cosmique et la véritable fleur de vie. Les graines de lotus peuvent se maintenir pendant extrêmement longtemps et peuvent devenir un aliment de survie pendant des périodes troubles. Le lotus a également des propriétés médicinales, reconnues pour ses vertus toniques, narcotiques et aphrodisiaques, contre les effets du vieillissement ou les pannes sexuelles et est utilisé également pour les parfums spécialisés.

Le lotus est souvent représenté dans la décoration des temples et également sur les fresques dans les scènes dite de banquet où les convives sont parés de fleurs de lotus dont ils respirent la corolle ou en ornent leur coiffure. L’odeur capiteuse est sans doute en relation avec les facultés sexuelles recouvrées qui symbolisent le retour à la vie du défunt.

Cette fleur était divinisée sous les traits du dieu Nefetoum « le lotus à la narine de Rê » Divinité de l’odeur agréable.

Le culte du lotus était tellement consacré en Egypte, que l’on retrouve son image sur tous les monuments des arts. Le sceptre des rois était surmonté d’une fleur de lotus, le bâton augural des prêtres est orné du même symbole et les égyptiens ont souvent représenté Isis, Osiris et Horus assis sur une fleur de lotus, comme le trône de la suprême puissance ou de la force régénératrice de l’univers, il est donc l’image de la fécondité.

Le lotus dépeint l’être totalement accompli qui a quitté les profondeurs des eaux obscures pour la pleine clarté du jour.

Le lotus a également un rôle extrêmement important dans la tradition hindouiste. Vishnu dort à la surface des eaux primordiales. Un lotus rose émerge de son nombril. Au milieu de la fleur se tient Brahmâ. Le lotus rose nommé padma associé à Vishnu est symbole diurne et solaire. Contrairement au lotus bleu nommé utpala propre à la nuit et à la lune et en relation avec Shiva.
Ces 3 dieux représentent la triple manifestation : Brahma le Créateur, Vishnu le Préservateur et Shiva le Transformateur. La préservation se fait au grand jour tandis que la transformation opère la nuit.

Le lotus qui pousse dans la boue et la vase pour donner une fleur d’une exquise beauté, dépeint la nature du Bouddha depuis son émanation jusqu’à sa sublime fragrance.

Extrait de la conférence du 22 janvier 2019 de Dorine Weideneder

GNOSE du 18ème siècle 21 mars, 2021

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GNOSE du 18ème siècle

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Sous le titre La Tradition secrète des mystiques est publié ici le texte majeur de Fénelon sur le quiétisme, resté inédit de son vivant et aujourd’hui encore quasi inconnu.

Emouvant par sa spontanéité et son enthousiasme, ce texte dont le manuscrit est intitulé Le Gnostique de saint Clément d’Alexandrie dit tout le bonheur de Fénelon de trouver dans ce vénérable Père grec canonisé par l’Eglise (150-215) un frère dans l’expérience mystique.

Conservé aux Archives de Saint-Sulpice, le manuscrit de ce texte est signalé comme œuvre de Fénelon dès le 18E s.

Accompagné d’une longue introduction du bossuétiste le jésuite Paul Dudon, il a été publié pour la première fois en 1930 dans la savante collection des Études de Théologie Historique.

Il nous a semblé pour cette première édition destinée au grand public que le titre original ne correspondait nullement au contenu de l’œuvre et surtout risquait d’induire gravement en erreur le lecteur d’aujourd’hui sur l’intention de son auteur.

Car le mot « gnostique » a pris de nos jours un sens technique étroit, qui désigne précisément des sectaires qui vivaient aux premiers siècles.

D’où le choix que nous avons fait du titre La Tradition secrète des mystiques, inspiré à la fois du titre du chapitre 16 (« La gnose est fondée sur une tradition secrète ») et du titre de la réfutation de Bossuet (La Tradition des nouveaux mystiques).

Eté 1694 : Fénelon a quarante-trois ans, il est précepteur du Dauphin et protégé de Bossuet. Mais depuis six ans, il a fait la connaissance de Madame Guyon, qui a bouleversé sa vie en l’introduisant dans la vie mystique. Le groupe dont elle assume la direction spirituelle comprend des Grands de la Cour et des filles de Saint-Cyr.

On les qualifie de « quiétistes ».

Madame de Maintenon et Bossuet vont remettre de l’ordre :

Madame Guyon est soumise à un contrôle concernant ses opinions et ses mœurs.

Fénelon et Madame Guyon passent l’été à chercher dans les écrits reconnus par l’église la confirmation de leur expérience personnelle, dans l’espoir de « faire taire tous ceux qui osent parler sans expérience d’un don de Dieu ».

Ils collationnent des milliers de pages, qui conduiront aux Justifications signées par Madame Guyon et, pour Fénelon, au Gnostique de Clément d’Alexandrie.

Fénelon veut démontrer que les « nouveaux mystiques » s’inscrivent dans une très ancienne et authentique tradition chrétienne qui part des Pères grecs et va jusqu’aux nouveaux mystiques en passant par Tauler, Jean de la Croix et François de Sales.

Pour cela il remonte le plus loin possible dans le temps et retrouve une tradition apostolique reliée par filiation à Jésus-Christ. Sous la plume de Clément d’Alexandrie il retrouve tous les thèmes chers à Madame Guyon, dont le pivot est le pur amour.

Le gnosticisme a débuté dès l’origine.

Un grand nombre des Pères de l’Église ont pensé que le gnosticisme a été fondé par Simon Magnus, le magicien Samaritain, qui s’est converti au christianisme (Actes 8.9-24).

Quelques experts contemporains pensent que le gnosticisme a débuté peu de siècles avant le christianisme et ensuite l’a envahi de l’extérieur à travers la conversion au christianisme de gnostiques juifs et païens.

L’Esprit

Lors de sa rencontre avec la samaritaine Jésus déclare

L’heure vient et nous y sommes où les vrais adorateurs adoreront le père en Esprit et en vérité (Jn 4,23)

Le père vous donnera l’esprit de vérité 13,17

L’esprit saint vous enseignera tout 13,26

L’esprit est le maître de la connaissance.

gnosis

La Franc-maçonnerie, entre cité céleste et cité terrestre : divisions et équilibrages internes au sujet du théisme, de la religion et des questions sociétales

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« Si la maçonnerie moderne se tournait vers la question de la transcendance en oubliant sa tradition humaniste ou si, au contraire, au nom de son devoir de défendre l’humanisme, elle oubliait sa vocation spirituelle, l’authentique démarche maçonnique serait alors mutilée »

  • 3  Barat, Michel, La Conversion du regard, Paris, Albin Michel, 1992, p. 48.

Michel Barat3 (ancien Grand Maître de la grande Loge de France)

1Nulle organisation ne témoigne mieux que la Franc-maçonnerie, peut-être, des aspirations religieuses de l’homme moderne, mais également du paradoxal mouvement d’écartèlement et de recouvrement entre Dieu et le siècle qui marque aujourd’hui la société occidentale, comme nous allons le montrer dans cette étude.

2Nous mettrons ainsi en évidence la dimension religieuse de cette société initiatique, qui ne saurait pourtant être considérée elle-même comme une religion : d’abord parce que la quête spirituelle qu’elle propose et le sacré dont elle entoure ses rites ne renvoient pas à un culte, dans la mesure où elle se veut a-dogmatique ; ensuite parce que la question de la croyance en un Être Suprême et de l’évocation du Grand Architecte de l’Univers au sein des loges ne cesse de diviser les différentes obédiences.

3Puis nous soulignerons l’engagement sociopolitique de nombreux francs-maçons, désireux de faire évoluer les lois de la République et de défendre les principes de la laïcité, en accord avec la devise maçonnique qui exhorte les initiés à travailler « au progrès de l’humanité ». Or c’est bien dans cette tentative d’équilibrage entre la construction de la cité céleste et l’édification de la cité terrestre, constitutive d’une philosophie résolument médiatrice, que réside l’originalité – mais aussi la complexité – de la démarche maçonnique.

La dimension religieuse de la Franc-maçonnerie : fonction reliante et présence du sacré

4La Franc-maçonnerie, qui se présente comme une société « secrète » ou « discrète », une association « philosophique et philanthropique », ne peut être considérée comme une religion, dans la mesure où elle est ne professe pas de dogme et ne pratique pas de culte. Loin d’inculquer des vérités révélées, elle propose une mise sur la voie (« initium »), un enseignement (au sens originel de « montrer le signe ») via un système de symboles que chaque adepte doit s’efforcer d’interpréter personnellement par un incessant travail herméneutique, et plus profondément une démarche initiatique ancrée dans un rituel.

  • 4  La Franc-maçonnerie est « une véritable ecclesia dans le sens d’union fraternelle, la seule religi (…)
  • 5  Bolle de Bal, Marcel, La Franc-maçonnerie, porte du devenir. Un Laboratoire de reliances, Paris, D (…)

5Cependant, la Franc-maçonnerie a affirmé une véritable dimension religieuse dès sa création, en 1717, suite à la fusion de quatre loges londoniennes et à la formation de la Grande Loge Unie d’Angleterre : d’abord en faisant référence à Dieu, et plus tard au Grand Architecte de l’Univers (dont on retrouve le symbole dans les temples maçonniques, à travers le « Delta lumineux » doté de « l’œil qui voit tout »), ensuite en privilégiant la construction d’un lien social, à travers la fameuse « fraternité » maçonnique4. Elle est donc bien ce « laboratoire de reliances » que décrit le sociologue et franc-maçon belge Marcel Bolle de Bal5, s’efforçant de tisser une médiation tant verticale qu’horizontale, en accord avec l’étymologie du mot « religion », issu du latin « religare », signifiant « relier ».

  • 6  Meslin, Michel, « Religion, sacré et mythe », Actes du colloque de Paris, Centre Ravel, 24-26 octr (…)

6Michel Meslin, en effet, relevant le changement de sens que le mot religion a connu au IVe siècle, sous Constantin et sous Lactance (et qui, après avoir longtemps désigné un ensemble de traditions et de croyances propres à une société humaine, finit par indiquer la vénération que les hommes portent à un Être suprême), souligne fort justement à ce propos : « on aurait tort, je pense, de voir dans ces deux sources étymologiques « une duplicité originaire de la religion » comme l’affirme Jacques Derrida. Je dirais volontiers qu’il s’agit d’un complément de sens : une religion fonde des liens entre des hommes et des femmes qui partagent une même croyance et, en même temps, elle est un lien vertical entre ces humains et le(s) dieu(x) qu’ils vénèrent ».6

  • 7  Debray, Régis, Vie et mort de l’image. Une histoire du regard en Occident, Paris, Gallimard, 1989, (…)
  • 8  Durand, Gilbert, L’Imagination symbolique, Paris, PUF, 1964, pp. 12-18.

7Plus largement, ce désir de reliance verticale / horizontale, qui se double d’une volonté de conciliation entre le transcendant et l’immanent, le céleste et le terrestre, s’exprime à travers le système symbolique qui soutient toute la démarche maçonnique. Or, la médiation horizontale à laquelle procède la pensée symbolique est évoquée par l’étymologie même du mot « symbole », qui provient du grec « sumbolon », lui-même lié au verbe « sumballein » signifiant « réunir, rassembler ». De fait, le symbole désignait initialement une pièce de terre cuite brisée en deux, et destinée à être réunie ultérieurement par des amis, des familles ou leurs descendants lors de retrouvailles. L’aspect social et communicationnel y est clairement manifeste, le symbole étant un signe de reconnaissance, une concrétisation matérielle des rapports de confiance établis, et visant à réparer une séparation. Aussi Régis Debray rapproche-t-il les notions de symbolisation et de fraternisation : « symbolique et fraternel sont synonymes : on ne fraternise pas sans quelque chose à partager, on ne symbolise pas sans unir ce qui était étranger. L’antonyme exact du symbole, en grec, c’est le diable : celui qui sépare. Dia-bolique est tout ce qui divise, sym-bolique est tout ce qui rapproche »7. Parallèlement, le symbole tisse une médiation verticale, réunissant l’idéel et le matériel, puisqu’il est « le message immanent d’une transcendance », ou encore une « reconduction du sensible, du figuré au signifié, mais en plus il est par la nature même du signifié inaccessible, épiphanie, c’est-à-dire apparition, par et dans le signifiant, de l’indicible », ainsi que le souligne Gilbert Durand8.

  • 9  Ferré, Jean, La Franc-maçonnerie et le sacré, Paris, Dervy, 2004.
  • 10  Etienne, Bruno, L’Initiation, Paris, Dervy, 2002.

8Enfin, la Franc-maçonnerie se rapproche de la religion par les rapports intrinsèques qu’elle entretient avec le sacré9. Les adeptes travaillent dans un espace-temps distinct de celui du monde profane, « de midi à minuit », dans une enceinte réservée à cet effet, appelée « temple ». Comme la plupart des institutions religieuses, d’ailleurs, l’institution maçonnique a élaboré son propre calendrier, qui fonctionne avec 4000 ans d’avance par rapport au calendrier chrétien : ainsi l’année civile 2011 correspond-elle, pour les francs maçons, à l’année maçonnique 6011. Elle possède ses propres mythes (le mythe d’Hiram, notamment), et fonctionne selon des rituels particuliers (Rite Écossais Ancien et Accepté, Rite Écossais Rectifié, Rite Émulation…). Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que le processus initiatique dans lequel s’engage tout franc-maçon est censé aboutir à une « métanoia » ou conversion totale de l’être, comme le note Bruno Etienne10, démarche proche de ceux qui s’engagent en religion.

  • 11  Agulhon, Maurice, Pénitents et francs-maçons dans l’ancienne Provence. Essai sur la sociabilité mé (…)
  • 12  Cambacérès et Joseph de Maistre, par exemple, possédaient une double affiliation, étant tout à la (…)

9Les recherches menées par l’historien Maurice Agulhon11 peuvent nous éclairer sur la complexité des relations que les loges maçonniques entretiennent vis-à-vis de la sphère religieuse. La loge, en effet, possède un caractère mixte, dans la mesure où elle offre une sacralité qui ne se confond pas toutefois avec celle qu’offre la religion. Agulhon a montré les points communs qui existent, dans la région provençale du XVIIIe siècle, entre les confréries religieuses et les confréries associationnistes, au rang desquelles figure la Franc-maçonnerie : un même esprit d’entraide spirituelle et de fraternité anime ces deux types de structures, au point que nombre de membres de la première catégorie (les notables surtout12) vont déserter progressivement leur institution d’accueil pour intégrer les secondes vers la fin de l’Ancien Régime. Si ce passage des associations religieuses aux associations maçonniques a pu se faire aussi facilement, c’est précisément parce qu’il existe des éléments de continuité entre elles, autant que des éléments de divergence. Agulhon voit dans les loges maçonniques un mouvement de déchristianisation qui conserve néanmoins un sentiment religieux.

La question théiste au cœur des dissensions internes et les rapports conflictuels de la Franc-maçonnerie avec l’Eglise

10En plein siècle des Lumières donc, tandis que nombre de philosophes combattent une foi jugée obscurantiste afin de placer la raison prétendue toute-puissante et éclairante au centre d’un mouvement d’émancipation humaine, la Franc-maçonnerie met la religiosité au cœur de son fonctionnement. A l’issue de leur initiation, les néophytes prêtent serment de garder le silence sur les secrets de leur communauté d’accueil en jurant sur les trois Grandes lumières de la Franc-maçonnerie, qui ne sont autre que l’équerre, le compas et le Volume de la loi sacrée, c’est-à-dire la Bible. James Anderson et Jean Théophile Désaguliers introduisent d’ailleurs la notion de « religion naturelle » dans les célèbres Constitutions, parues en 1723 et qui constituent la charte fondatrice de la Franc-maçonnerie puisqu’elles en fixent l’histoire officielle, les principes et modes de fonctionnement.

  • 13  Négrier, Patrick, L’éclectisme maçonnique, Bagnolet, éditions Ivoire-Clair, 2003.
  • 14  Dachez, Roger, Histoire de la Franc-maçonnerie Française, PUF, collection « Que sais-je ? », 2003.
  • 15  En France la Grande Loge Nationale Française est l’une des représentantes de la branche traditionn (…)

11Mais très vite, cette religiosité va être l’objet de vives dissensions au sein de la jeune institution. Dès le milieu du XVIIIe siècle, une querelle oppose les obédiences, notamment à propos de la place qu’il convient d’accorder à la croyance en Dieu et en l’immortalité de l’âme au sein des loges. Certaines d’entre elles sont résolument théistes, d’autres sont simplement déistes, ces deux types d’obédiences formant une branche que l’on pourrait qualifier de traditionnelle. D’autres encore, qui reçoivent la désapprobation de la branche traditionnelle, constituent un courant libéral en acceptant d’initier des agnostiques et des athées13. Cette querelle se transforme en un véritable schisme en 1877 (lorsque le Grand Orient de France, de mouvance libérale, supprime l’obligation pour ses membres de croire en Dieu, puis les références rituelles faites au Grand Architecte de l’Univers14, et se trouve alors ostracisée par la plupart des obédiences anglo-saxonnes d’inspiration traditionnelle), et se poursuit aujourd’hui.15

  • 16  On trouvera une publication des différentes versions des Constitutions d’Anderson dans l’ouvrage d (…)

12Ainsi, si la Grande Loge Unie d’Angleterre affirme que les francs-maçons placés sous sa juridiction « doivent croire en un Être Suprême », dans le troisième de ses huit principes de base, remaniés en 1989, les obédiences qui se réfèrent aux Constitutions d’Anderson, adoptent une position plus tolérante, en accord avec le texte du pasteur presbytérien qui déclare : « Bien que dans les temps anciens les maçons étaient tenus dans chaque pays de pratiquer la religion de ce pays, quelle qu’elle fût, il est maintenant considéré plus expédient de seulement les astreindre à cette religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord, c’est-à-dire à être hommes de bien et loyaux, ou homme d’honneur et de probité, quelles que soient les dénominations ou confessions qui aident à les distinguer »16. Enfin, une obédience comme le Grand Orient de France stipule dans l’article premier de sa Constitution de 1877 que la Franc-maçonnerie « a pour principes la liberté absolue de conscience et la solidarité humaine. Elle n’exclut personne pour ses croyances ».

  • 17  Boutin, Pierre, La Franc-maçonnerie, l’Eglise et la modernité : les enjeux institutionnels du conf (…)
  • 18  Cité par Beaurepaire, Pierre-Yves, « Le temple maçonnique », Socio-anthropologie, n° 17-18, 2006.
  • 19  Porset, Charles, et Révauger, Cécile, Franc-maçonnerie et religions dans l’Europe des Lumières, Pa (…)

13Si les rapports de la Franc-maçonnerie avec la religion sont sources de dissensions internes, la problématique se révèle encore plus complexe si l’on considère les relations qu’entretiennent l’institution maçonnique et l’Église. A partir de 1738, et pendant près de deux siècles, en effet, l’Église condamna la Franc-maçonnerie, allant jusqu’à interdire à ses prêtres l’initiation maçonnique17. Ainsi l’évêque de Marseille, Mgr de Belzunce, grande figure de l’épiscopat français, condamna-t-il sans appel les conventicules maçonniques dans un mandement de 1742, où il fustigea ces « assemblées où sont indifféremment reçus gens de toute nation, de toute religion et de tout État »18. Selon Charles Porset et Cécile Révauger, cette attitude de l’Église catholique serait due à sa crainte d’être concurrencée par une association faisant référence à une religion naturelle, libérée des dogmes, et proche, dans son esprit, de l’idéologie protestante19.

  • 20  Vindé, François, L’Affaire des fiches. 1900-1904 : chronique d’un scandale, Paris, éditions Univer (…)
  • 21  Chevallier, Pierre, Histoire de la Franc-maçonnerie française, tome 3, « La Maçonnerie, Église de (…)

14La Franc-maçonnerie libérale, à son tour, combattit le cléricalisme dans des pays comme la France à partir des XIXe et XXe siècles, comme le prouve l’affaire des fiches qui éclata avec le général André et la complicité du Grand Orient de France, sous le gouvernement Combes, et visait à éradiquer les tendances conservatrices de l’armée20. Cet attachement au républicanisme fit dire à l’historien et maçonnologue Pierre Chevallier que la Franc-maçonnerie devint « l’Eglise invisible de la République »21. En 1905, enfin, de nombreuses obédiences participèrent à réaliser la séparation de l’Église et de l’État.

Un fort engagement social et politique : les francs-maçons dans la cité terrestre

  • 22  Gayot, Gérard, La Franc-maçonnerie française. Textes et pratiques (XVIIIe-XIXe siècles), Paris, Ga (…)

15Si la question religieuse a préoccupé les francs-maçons dès les débuts de la Franc-maçonnerie, les questions sociales ont aussi été l’objet d’une attention majeure à partir du XVIIIe siècle. Bien avant la Révolution française, l’institution maçonnique affirma le principe d’égalité entre les hommes (représenté symboliquement par cet outil rituel qu’est le « niveau »), ce qui ne manqua d’ailleurs pas de faire scandale sous l’Ancien régime, foncièrement inégalitaire, ainsi que le fait remarquer l’historien Gérard Gayot en s’appuyant sur des témoignages d’époque22. Nombre d’aristocrates, en effet, voyaient d’un mauvais œil ces ateliers où de grands seigneurs abandonnaient le privilège de leur rang en fraternisant avec des roturiers. Cet intérêt pour les problématiques sociopolitiques s’est mué en un véritable engagement dans le siècle, même si cela est surtout vrai pour la Franc-maçonnerie libérale et irrégulière, la Franc-maçonnerie anglo-saxonne, traditionnelle et régulière, restant davantage tournée vers les thématiques spirituelles.

16En France, l’attachement des francs-maçons – majoritairement libéraux à l’exclusion de ceux qui œuvrent au sein de la GLNF – aux lois de la République est attesté depuis très longtemps, et nombre d’entre eux se sont illustrés dans ce sens : Lazare Carnot et Jules Ferry, fervents défenseurs de la laïcité et partisans d’une éducation égalitaire, accessible à tous, Victor Schoelcher, qui réalisa l’abolition de l’esclavage, ou encore Félix Faure, Camille Pelletan, Léon Gambetta, Alexandre Millerand, Guy Mollet, Gaston Doumergue, Paul Ramadier… Au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, on compte également des noms aussi célèbres que Winston Churchill, George Washington, Franklin Roosevelt, Théodore Roosevelt et Harry Truman. Au XXe siècle, en France, les francs-maçons ont œuvré dans le sens de la laïcité, défendu le projet de loi sur la contraception, participé à faire voter la loi Veil autorisant l’avortement ou encore la loi abolissant la peine de mort, aux côtés de Robert Badinter. Plus récemment, ils ont contribué au retrait du très controversé fichier Edvige, et tentent de faire progresser la législation autour de l’euthanasie et de la bioéthique, notamment.

  • 23  Nom donné à des associations inter-obédientielles, qui regroupent des francs-maçons exerçant une m (…)
  • 24  Henri Caillavet a élaboré des projets de loi sur l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse), le (…)
  • 25  Martin, Luis P., (dir.), Les Francs-maçons dans la cité. Les cultures politiques de la Franc-maçon (…)
  • 26  Coignard, Sophie, Un Etat dans l’Etat. Le contre-pouvoir maçonnique, Paris, Albin Michel, 2009.

17L’exemple de la « fraternelle »23 parlementaire, créée en 1947 sous l’impulsion de l’ancien sénateur et député – initié au Grand Orient de France – Henri Caillavet, durant le mandat de Paul Ramadier, est à cet égard significatif24. Les élus du Sénat et de l’Assemblée Nationale, appartenant à diverses obédiences maçonniques, s’y retrouvent pour débattre des dossiers en cours et de diverses questions de société en s’efforçant de dépasser les clivages des partis. Tout cela atteste de la tradition d’engagement dans la cité qui est celle des francs-maçons depuis les origines25, tout du moins en France et en Belgique. Une tradition qui, associée à la fraternité et à l’esprit d’entraide maçonniques, peut d’ailleurs être source de dérives en tous genres26 (comme le prouvent les scandales politico-financiers qui secouèrent la région PACA vers la fin des années 1990, et que le Procureur de la République au Tribunal de Grande instance de Nice, Eric de Montgolfier, s’efforça de combattre), lesquelles font le bonheur des grands hebdomadaires et de leurs marronniers. D’où le préjugé, largement répandu, selon lequel la Franc-maçonnerie se réduirait à n’être qu’un réseau affairiste destiné à servir les intérêts personnels de quelques individus cupides.

Une tentative d’équilibrage : vers la réalisation utopienne des « noces chimiques du ciel et de la terre »…

  • 27  Jean Verdun a mis en évidence cette bipolarité de la démarche maçonnique, allant jusqu’à intituler (…)

18Pour autant, cet engagement politique et social est censé être complémentaire avec le développement spirituel des initiés. La progression des adeptes dans leur quête intérieure, en effet, doit idéalement les amener à transformer leur comportement au sein de la société. Car si le travail de l’initié prend naissance dans l’enceinte sacrée, où s’élabore la réflexion et où se cherche la sagesse, il se prolonge et s’actualise naturellement dans le monde profane, comme en atteste ce passage du Rite Écossais Ancien et Accepté, invitant chaque franc-maçon à « poursuivre au-dehors l’œuvre commencée dans le Temple ». Inversement, l’amélioration de la vie matérielle doit favoriser l’épanouissement personnel des adeptes.27

  • 28  Plantagenet, Edouard, Causeries initiatiques pour le travail en chambre de compagnons, Paris, Derv (…)
  • 29  Mollier, Pierre, La Chevalerie maçonnique : Franc-maçonnerie, imaginaire chevaleresque et légende (…)
  • 30  Vierne, Simone, Les Mythes de la Franc-maçonnerie, Paris, Véga, 2008, pp. 122-123.

19Considérations temporelles et spirituelles sont donc dialectiquement imbriquées, pour la plupart des obédiences francophones, et témoignent de l’influence profonde et durable que la tradition alchimique, qui s’efforçait de réconcilier l’esprit et la matière en opérant les « noces chimiques du ciel et de la terre » par un phénomène de transmutation, possède sur les francs-maçons. Le système ternaire des « frères trois points » (triangle, trois pas de l’Apprenti, trois colonnes baptisées « Sagesse », « Force » et « Beauté », trois Grande Lumières de la Franc-maçonnerie…), n’est d’ailleurs pas sans rappeler les principes de base des alchimistes, qui prétendaient réunir le Soufre igné et le Mercure aqueux via un troisième terme, le Sel. L’analyse que l’initié Edouard Plantagenet effectue au sujet de la conversion maçonnique est nettement imprégnée de cette pratique alchimique, puisqu’il précise que « cette tâche s’accomplit en « spiritualisant la matière » au premier degré de l’Initiation, en « matérialisant l’esprit » au second et, enfin, en unifiant la matière et l’esprit au troisième »28. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la symbolique maçonnique des hauts grades s’inspire également des traditions templière et chevaleresque29, les moines-soldats et membres de ces ordres étant animés par des motivations tant profanes que spirituelles30.

  • 31  Mannheim, Karl, Idéologie et Utopie, Paris, Marcel Rivière, 1956.
  • 32  Le désir d’ordre, en effet, est une constante des organisations utopiennes. En outre, on retrouve (…)
  • 33  A ce sujet, voir Beaurepaire, Pierre-Yves, La République universelle des francs-maçons. De Newton (…)

20On peut même percevoir dans la voie maçonnique une ambition utopienne, visant à réaliser la cité céleste sur terre, dans la mesure où elle entreprend de parfaire la condition humaine. Le caractère « protestataire » que Karl Mannheim identifie comme étant au fondement de l’utopie31 (à l’inverse de l’idéologie qu’il décrit comme un outil de conservation du pouvoir aux mains des classes dominantes), en effet, est bien présent dans l’institution maçonnique, qui s’efforce de changer la nature des choses. Il s’exprime notamment à travers l’initiation, qui prétend faire du profane un « nouvel homme » qui renaît après avoir connu une mort symbolique, ou encore à travers la devise maçonnique Ordo ab chao, qui entreprend de faire advenir l’ordre à partir du désordre32. Enfin, on peut aussi en trouver la trace dans le désir de dépasser les clivages idéologiques, religieux et politiques, et d’unir les hommes autour de valeurs communes. La Franc-maçonnerie, en effet, éprise d’universalisme, entend bien offrir à ceux qui se considèrent « citoyens du monde » une institution cosmopolite33, un langage symbolique anté-babélien, capable de transcender les particularismes nationaux. Elle est ce « centre de l’Union » évoqué par les Constitutions d’Anderson, qui permet de réunir par une » véritable amitié, des personnes qui eussent dû rester perpétuellement séparées »…

21Une obédience comme l’Ordre Maçonnique Mixte International le Droit Humain, qui rassemble plus de 27 000 membres de par le monde, tente explicitement de concilier approches symboliques et spirituelles d’une part, approches sociales d’autre part, en faisant « plancher » annuellement ses adeptes sur des questions relevant de ces deux thématiques. Très attachée à la laïcité, elle est également tournée vers des considérations proches de celles que les religions développent, certains de ses adeptes s’engageant dans une démarche méliorative que l’on pourrait qualifier de sotériologique.

  • 34  Tel est le cas, par exemple, à la loge Nostra Delta, sise à Salon de Provence.
  • 35  Pozarnik, Alain, A la lumière de l’acacia. Du profane à la maîtrise, Paris, Dervy, 2000, p. 35.

22Cette tentative d’équilibrage entre deux postures que les philosophes des Lumières tendaient à considérer comme antinomiques (tradition et modernité, symbolisme et conceptualisme, foi et raison, ésotérisme et exotérisme…), traduit une volonté de ré-enchanter un monde désenchanté – selon l’analyse weberienne – par l’affaiblissement des idéologies transcendantes et des référents métaphysiques, sans toutefois sacrifier aux idées de progrès et de liberté que la société moderne a mises en exergue. Dans certains ateliers du Droit humain34, l’ouverture et la fermeture des travaux par le Vénérable Maître se fait d’ailleurs selon la mention significative suivante : « Au Progrès de l’Humanité et / ou à la Gloire du Grand Architecte de l’univers »… Si la franc-maçonnerie est un idéal, elle se veut donc un idéal incarné. Alain Pozarnik, ancien Grand Maître de la Grande Loge de France, affirme ainsi qu’ « il y a deux plans, deux niveaux de vie, l’homme peut choisir l’un ou l’autre, le matériel ou le spirituel, l’initié s’équilibre entre les deux, il vit à la fois le ciel et la terre »35.

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Notes

1  Roy, Jean-Philippe, « Théisme, déisme, adogmatisme, la Franc-maçonnerie. Une troisième voie pour sortir du clivage autonomie/hétéronomie ? », in La Pensée et les Hommes, n° 66, 2007.

2  Maffesoli, Michel, Eloge de la raison sensible, Paris, Grasset, 1996.

3  Barat, Michel, La Conversion du regard, Paris, Albin Michel, 1992, p. 48.

4  La Franc-maçonnerie est « une véritable ecclesia dans le sens d’union fraternelle, la seule religion dans le monde, si nous considérons le terme comme dérivé de « religare », puisqu’elle unit tous les hommes qui lui appartiennent comme des « frères », sans égard à leur race ni à leur foi » (Plantagenet, Edouard, Causeries initiatiques pour le travail en chambre du milieu, Paris, Dervy, 2001, p. 72).

5  Bolle de Bal, Marcel, La Franc-maçonnerie, porte du devenir. Un Laboratoire de reliances, Paris, Detrad, aVs, 1998.

6  Meslin, Michel, « Religion, sacré et mythe », Actes du colloque de Paris, Centre Ravel, 24-26 octrobre 2005 : les conditions d’un enseignement du fait religieux dans l’école française, publiés par l’ARELC, Bulletin de liaison, n° 20, 2007.

7  Debray, Régis, Vie et mort de l’image. Une histoire du regard en Occident, Paris, Gallimard, 1989, p. 82.

8  Durand, Gilbert, L’Imagination symbolique, Paris, PUF, 1964, pp. 12-18.

9  Ferré, Jean, La Franc-maçonnerie et le sacré, Paris, Dervy, 2004.

10  Etienne, Bruno, L’Initiation, Paris, Dervy, 2002.

11  Agulhon, Maurice, Pénitents et francs-maçons dans l’ancienne Provence. Essai sur la sociabilité méridionale, Paris, Fayard, 1968.

12  Cambacérès et Joseph de Maistre, par exemple, possédaient une double affiliation, étant tout à la fois pénitents et francs-maçons.

13  Négrier, Patrick, L’éclectisme maçonnique, Bagnolet, éditions Ivoire-Clair, 2003.

14  Dachez, Roger, Histoire de la Franc-maçonnerie Française, PUF, collection « Que sais-je ? », 2003.

15  En France la Grande Loge Nationale Française est l’une des représentantes de la branche traditionnelle, tandis que le Grand Orient de France incarne la mouvance la plus libérale.

16  On trouvera une publication des différentes versions des Constitutions d’Anderson dans l’ouvrage de Ferré, Jean, Histoire de la Franc-maçonnerie par les textes (1248-1782), Paris, éditions du Rocher, 2001.

17  Boutin, Pierre, La Franc-maçonnerie, l’Eglise et la modernité : les enjeux institutionnels du conflit, Paris, Desclée de Brouwer, 1998.

18  Cité par Beaurepaire, Pierre-Yves, « Le temple maçonnique », Socio-anthropologie, n° 17-18, 2006.

19  Porset, Charles, et Révauger, Cécile, Franc-maçonnerie et religions dans l’Europe des Lumières, Paris, Honoré Champion, 2006.

20  Vindé, François, L’Affaire des fiches. 1900-1904 : chronique d’un scandale, Paris, éditions Universitaires, 1989.

21  Chevallier, Pierre, Histoire de la Franc-maçonnerie française, tome 3, « La Maçonnerie, Église de la République : 1877-1944 », Paris, Fayard, 1975.

22  Gayot, Gérard, La Franc-maçonnerie française. Textes et pratiques (XVIIIe-XIXe siècles), Paris, Gallimard, 1991 (p. 125, pp. 153-177).

23  Nom donné à des associations inter-obédientielles, qui regroupent des francs-maçons exerçant une même profession.

24  Henri Caillavet a élaboré des projets de loi sur l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse), le divorce par consentement mutuel, l’acharnement thérapeutique, les greffes d’organe ou encore la transsexualité, et participé à la création de la CNIL.

25  Martin, Luis P., (dir.), Les Francs-maçons dans la cité. Les cultures politiques de la Franc-maçonnerie en Europe, XIXe – XXe siècles, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2000.

26  Coignard, Sophie, Un Etat dans l’Etat. Le contre-pouvoir maçonnique, Paris, Albin Michel, 2009.

27  Jean Verdun a mis en évidence cette bipolarité de la démarche maçonnique, allant jusqu’à intituler un chapitre de son ouvrage La Réalité maçonnique « La Franc-maçonnerie, corps spirituel et corps social ».

28  Plantagenet, Edouard, Causeries initiatiques pour le travail en chambre de compagnons, Paris, Dervy, 1992.

29  Mollier, Pierre, La Chevalerie maçonnique : Franc-maçonnerie, imaginaire chevaleresque et légende templière au siècle des Lumières, Paris, Dervy, 2005.

30  Vierne, Simone, Les Mythes de la Franc-maçonnerie, Paris, Véga, 2008, pp. 122-123.

31  Mannheim, Karl, Idéologie et Utopie, Paris, Marcel Rivière, 1956.

32  Le désir d’ordre, en effet, est une constante des organisations utopiennes. En outre, on retrouve encore une fois l’influence de l’alchimie dans la devise maçonnique Ordo ab chao. Les alchimistes, en effet, possédaient une devise assez semblable (Solve et Coagula, qui signifiait que la materia prima dissoute se transformait ensuite en une substance ennoblie et solidifiée), et affirmaient donner naissance à l’Œuvre au Blanc à partir de l’Œuvre au Noir.

33  A ce sujet, voir Beaurepaire, Pierre-Yves, La République universelle des francs-maçons. De Newton à Metternich, Rennes, Ouest-France, 1999.

34  Tel est le cas, par exemple, à la loge Nostra Delta, sise à Salon de Provence.

35  Pozarnik, Alain, A la lumière de l’acacia. Du profane à la maîtrise, Paris, Dervy, 2000, p. 35.

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References

Electronic reference

Céline Bryon-Portet, « La Franc-maçonnerie, entre cité céleste et cité terrestre : divisions et équilibrages internes au sujet du théisme, de la religion et des questions sociétales », Amnis [Online], 11 | 2012, Online since 10 September 2012, connection on 10 November 2019. URL : http://journals.openedition.org/amnis/1676 ; DOI : 10.4000/amnis.1676

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Céline Bryon-Portet

Maître de conférences HDR en Sciences de l’information et de la communication, Université de Toulouse, France, celine.bryonportet@ensiacet.fr

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Hommage à Robert Amadou

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Hommage à Robert Amadou

Hommage à Robert Amadou dans Silhouette RA3

A Catherine, très affectueusement

Mon frère, mon ami, mon vieux maître s’est endormi, mardi 14 mars 2006, dans la Paix du Seigneur qu’il avait tant cherché et tant aimé toute sa vie terrestre durant, commencée voilà 82 ans.  » L’homme peut soutenir l’homme ; mais il n’y a que Dieu qui le délivre  » dit le Philosophe inconnu, que Robert Amadou, son vieil ami, a rejoint dans la lumière sans déclin. Le voici donc délivré et nous voici donc orphelins.

Ce serait trop peu, assurément, que de dire que l’occultisme, le martinisme, la gnose, la théosophie, en un mot la Tradition de l’Occident-Orient doivent beaucoup à Robert Amadou. Au vrai,  » nous lui sommes tous redevables. Honte à qui s’en dédie ! « . Ainsi s’ouvrait, à l’endroit de Papus, la préface de Robert au livre que le Dr Philippe Encausse a consacré jadis à son père, Papus, le  » Balzac de l’occultisme « . Cette sentence, je l’adopte à mon tour, s’agissant de Robert et de son œuvre immense, fruit de plus de soixante ans d’un travail sans relâche, dont le présent hommage, aussi modeste et imparfait soit-il, s’efforcera d’abord de donner quelques lignes majeures.
L’immense tache, le premier service de Robert Amadou – et de quelques très rares compagnons de route – aura été, au sortir de la guerre, de restituer l’occulte à la culture. Les résistances – rappelait-il en 1987 – furent très vives, à commencer par les instituteurs de l’immuable Sorbonne où il traita pourtant de la Contemplation selon Aristote. Dans cette académie rabâcheuse et hostile, deux exceptions, disait-il : Marcel Jousse, à l’Ecole pratique des hautes études, et Paul Valéry, au Collège de France. Paul Valéry… Un souvenir me vient : nous sommes, Robert, Catherine et quelques intimes, en septembre 1987, quelque part au bord de la Méditerranée, dont Robert disait qu’elle était la seule mer. Au loin des voilures albâtres se distinguent des flots. Robert, les yeux fixés sur l’horizon, cite des vers de Paul Valéry…
Ce fut grâce à Paul le Cour que Robert Amadou entra dans la carrière. L’homme d’Atlantis, en qui il voyait du prophète, lui fit connaître ce « grand méconnu, l’abbé Paul Lacuria, le ‘Pythagore français’ », qui fut sous ce titre le sujet de sa première conférence, le 7 mars 1943. Le conférencier en herbe n’avait que dix-neuf ans, mais Lacuria ne l’a jamais quitté, dont il a publié bien des années plus tard la  » Défense des Harmonies de l’être « , qui compose, avec d’autres carnets inédits, Lacuria, sage de Dieu (Awac, 1981). La même année, Robert donnera à l’enseigne d’Atlantis (1981) un copieux dossier sur « L’abbé Lacuria et les harmonies de l’être ».
En 1950, Robert Amadou produit l’Occultisme, esquisse d’un monde vivant (Julliard, 1950 ; nouv. éd., Chanteloup, 1987), qui marque un coup d’essai qui n’en est pas moins un coup de maître. Salué par la critique, l’ouvrage deviendra classique, tandis que l’auteur publiait la même année, en collaboration avec Robert Kanters, une très précieuse Anthologie littéraire de l’occultisme (Julliard, 1950 ; nouv. éd., 1975). Le mouvement était lancé : les livres allaient s’enchaîner avec régularité, sur tous les fronts. Je cite pour mémoire : Eloge de la lâcheté (Julliard, 1951) ; Albert Schweitzer, éléments de biographie et de bibliographie (L’Arche, 1952) ; Recherches sur la doctrine des théosophes (Le Cercle du Livre, 1952) ; La poudre de sympathie (Gérard Nizet, 1953) ; La science et le paranormal (I.M.I, 1955) ; Les grands médiums (Denoël, 1957) ; La télépathie (Grasset, 1958)… Du lot, tirons au moins, en 1954, son essai historique et critique sur La Parapsychologie, devenu classique lui aussi, qui marquait alors le renouveau de la vieille métapsychique.
En 1955, Robert lance la revue La Tour Saint-Jacques, qui devient aussitôt incontournable. Elle a pour devise :  » rien de ce qui est étrange ne nous est étranger « , et rassemble les meilleures plumes du moment : René Alleau, Robert Ambelain, André Barbault, Armand Beyer, Eugène Canseliet, Marie-Madeleine Davy, Mircea Eliade, Philippe Encausse, Robert Kanters, Serge Hutin, Alice Joly, Louis Massignon, Pierre Mariel, René Nelli, Jean Richer, François Secret, Pierre Victor (Pierre Barrucand)… J’en oublie beaucoup. Mais comment oublierais-je le cher Jacques Bergier, « amateur d’insolite et scribe de miracles » qui y rapportait les « nouvelles de nulle part et d’ailleurs », et dont Robert m’aidait jadis à perpétuer la mémoire ? La revue La Tour Saint-Jacques se double alors d’une collection d’ouvrages. On y aborde avec rigueur, méthode et amour, les grands anciens et les recherches contemporaines, et aussi l’illuminisme, et Saint-Martin, et Huysmans, et tant d’autres ! et les sciences traditionnelles et leur histoire : magie, astrologie…
Si Robert Amadou n’a jamais pratiqué l’alchimie, il a étudié Raymond Lulle et l’alchimie (Le Cercle du Livre, 1953), s’est intéressé à  » l’Affaire Fulcanelli  » et s’entretint notamment avec Eugène Canseliet dans Le Feu du Soleil (Pauvert, 1978).
En revanche, l’astrologie fut pour lui une compagne constante. Né à Bois-Colombes, le 16 février 1924, à 2 heures du matin, sous le signe du Verseau et l’ascendant Sagittaire, Robert avait découvert l’astrologie à 14 ans, avec le petit livre de René Trintzius, Je lis dans les astres ; il commença à la pratiquer avec les éphémérides de Choisnard, offertes par sa tante, et il n’a pas cessé, pendant près de 70 ans, à toutes fins utiles, y compris, disait-il, les plus quotidiennes et les plus hautes, parce que l’astrologie touche à tout, et que l’on touche à tout par l’astrologie. L’authentique astrologie révèle Sophia et s’offre comme un moyen de connaître Dieu ; elle est, par vocation, sagesse, et Robert était un ami de Dieu et de sa Sagesse. En théorie et en pratique, il a suivi au plus juste la tradition, en particulier Plotin, Ptolémée et Paracelse, sans négliger les modernes, de Robert Ambelain à Armand et André Barbault, tout en vilipendant la prétention à une astrologie scientifique. Nombreuses ont été ses publications en l’espèce, depuis le numéro spécial de La Tour Saint-Jacques, en 1956, jusqu’au magistral Question De sur les astrologies, en 1985. Il a également remis au jour Les Monomères. Symbolisme traditionnel des degrés du zodiaque (Cariscript, 1985), a étudié La précession des équinoxes. Schéma d’un thème astrosophique (Albatros, 1979) en rapport avec l’Ere du Verseau chère à Paul Le Cour. Chez les anciens, il s’est intéressé à L’astrologie de Nostradamus, qu’il a contribué à éclairer, par exemple lors d’un colloque, à Salon de Provence, en 1985, et à travers un dossier de près de 500 pages (diffusion ARCC, 1987/1992) – qui le connaît ? – ou encore aux côtés des Amis de Michel Nostradamus fondés par Michel Chomarat, en 1983.
En dehors de l’astrologie, mais au cœur de la Tradition occidentale, combien d’autres grands anciens a-t-il contribué à remettre et même à mettre en lumière ? Il a étudié Franz Anton Mesmer et son magnétisme animal (Payot, 1971). De Balsamo-Cagliostro, il a présenté au congrès international de San Leo, en juin 1991, Le rituel de la maçonnerie égyptienne (SEPP, 1996). J’entends du Joseph Balsamo du XVIIIe siècle, car il y en a un autre – à moins que … – qui manifeste les mêmes prétentions et se comporte de la même manière, dont Robert Amadou a retrouvé la trace, à Toulouse, en… 1644.
De Fabre d’Olivet, il a publié partiellement, après l’avoir retrouvé en 1978, le manuscrit inédit de La Théodoxie universelle qui prolonge La Langue hébraïque restituée du même auteur. Ce maître d’ésotérisme, que Robert vénérait à ce titre depuis l’adolescence, trouve l’aboutissement de son œuvre majeure dans les écrits de Saint-Yves d’Alveydre, dont il a exhumé à la bibliothèque de la Sorbonne le fonds que Philippe Encausse y avait déposé. La pensée de Saint-Yves trouve sa perfection dans l’œuvre du Dr Auguste-Edouard Chauvet, dont le service n’avait cessé de l’instruire parce qu’il avait été son maître et n’a jamais cessé de l’être. A Chauvet et à son Esotérisme de la Genèse, Robert Amadou a consacré des séminaires, notamment à Ergonia, en 1981, après une soirée d’études et d’hommage, au centre l’Homme et la connaissance, en 1978, où il tint à associer Chauvet à son fils spirituel, l’abbé Eugène Bertaud, dit Jean Saïridès, dont Robert fut l’ami. Sur Chauvet, sa vie, son œuvre, il avait résolu de composer un ouvrage conséquent qui n’a pas vu le jour. Mais il en tira la matière d’une plaquette De la langue hébraïque restituée à l’Esotérisme de la Genèse (Cariscript, 1987). Dans l’entourage de Chauvet s’était constituée aussi une société chrétienne d’initiation : l’Ordre du Saint Graal qu’avait formé un autre Chauvet, prénommé James, et le Dr Octave Béliard (1876-1951), et Robert a édité La Queste du Saint Graal (Cariscript, 1987).
Quant aux sociétés secrètes, qui ont fait l’objet de ses entretiens avec Pierre Barrucand (Pierre Horay, 1978), Robert en connaissait les bienfaits en même temps que les limites et les travers. Mais il aimait désigner les plus dignes du mot du bon pasteur Pierre de Joux – dont il a tiré de l’oubli Ce que c’est que la franche maçonnerie (Cariscript, 1988) – comme  » sociétés succursales  » de l’Eglise intérieure, à commencer par l’Ordre martiniste et la franc-maçonnerie.
A la franc-maçonnerie, Robert Amadou a consacré un doctorat en ethnologie, en 1984 : « Recherches sur l’histoire et réflexions sur la doctrine d’une société initiatique en Occident moderne ». Entre maintes autres études, relevons au moins sa Tradition maçonnique (Cariscript, 1986), sa collaboration au Dictionnaire [universel] de la franc-maçonnerie de Daniel Ligou (1974 ; nouv. éd. à paraître en 2006), et, plus récemment, sa contribution à l’Encyclopédie de la franc-maçonnerie d’Eric Saunier (Librairie générale française, 2000). Sans omettre sa participation à tant de revues d’érudition, à commencer par Le Symbolisme et à finir par notre chère Renaissance traditionnelle, de « René Désaguliers, Maçon de l’universalité », de Roger Dachez et de Pierre Mollier, amis fraternels, pour laquelle il préparait encore tant d’articles attendus et même un numéro spécial sur Saint-Martin.
Mais c’est au régime écossais rectifié, avant tout, qu’allaient les élans du cœur de Robert Amadou qui en a notamment réédité les Archives secrètes de Steel et Maret (Slatkine, 1985) et mis en lumière les arcanes du saint ordre. De Jean-Baptiste Willermoz, fondateur et patriarche de ce régime sans pareil, il a inventé le fonds L. A., publié maint texte d’instruction et dressé le plus attachant des portraits : « honnête homme, parfait maçon, excellent martiniste ».
J’ai cité pêle-mêle ou presque les grands anciens dont Robert Amadou vénérait la mémoire, et dont il a défendu la cause dans Illuminisme et contre-illuminisme au XVIIIe siècle (Cariscript, 1989). Deux noms au moins manquent à cette liste. Et quels noms ! Qui, ici, ne les connaît ? Louis-Claude de Saint-Martin, le Philosophe inconnu, a marqué à jamais la vie, l’œuvre, la pensée et le cœur de Robert Amadou, depuis le jour où il découvrit dans la librairie Chacornac, en 1941 ou 1942, le numéro d’Atlantis qui lui était consacré. Louis-Claude de Saint-Martin et le martinisme (Le Griffon d’Or, 1946) inaugura l’interminable liste des publications savantes et amoureuses – parce que la connaissance et l’amour sont les deux piliers de la gnose – qu’il a consacrées, pendant 60 ans, à son vieil ami le théosophe d’Amboise, dans l’amitié de Dieu.
A son livret de 1946 qu’il n’a jamais réédité, trois autres livrets se sont substitués, qui sont complémentaires : Calendrier de la vie et des écrits de Louis-Claude de Saint-Martin (Renaissance traditionnelle, 1978), « Martinisme » (1979, 1993) et « Sédir, levez-vous ». La théosophie de Louis-Claude de Saint-Martin (Cariscript, 1991). Il faut y ajouter « Louis-Claude de Saint-Martin, le théosophe méconnu », publié ici-même de 1975 à 1981.
 
« Servi par un instinct divinatoire exceptionnel et le génie de la découverte », comme l’a fort bien écrit Eugène Susini, Robert Amadou est parti très jeune en chasse des inédits du Philosophe inconnu. Et il en a trouvé beaucoup ! Aux Cinq textes inédits qui inaugurent, en 1959, sa carrière d’inventeur sans pareil, succèdent le Portrait historique et philosophique (Julliard, 1961), la Conférence avec M. le chev. de Boufflers (1961), les Pensées mythologiques (1961), le Cahier des langues (1961), les Fragments de Grenoble (1962), les Pensées sur l’Ecriture sainte (1963-1965), les Etincelles politiques (1965-1966), le Cahier de métaphysique (1966-1968), le Carnet d’un jeune élu cohen / Le livre rouge (1968/1984), les Lettres aux Du Bourg (1977), Les nombres (1983), Mon livre vert (1991), le Traité des Formes (2001-2002), les Pensées sur les sciences naturelles… En 1978, l’invention du fonds Z lui avait offert la perle tant recherchée : les papiers personnels de Saint-Martin parmi les plus précieux, passés après la mort du Philosophe inconnu entre les mains de Joseph Gilbert. Quoi d’étonnant au fond !
Parallèlement, Robert Amadou tirait un à un de l’oubli les imprimés de Saint-Martin : Le Crocodile (Triades, 1962 ; 2e éd., 1979), l’Homme de désir (U.G.E., Bibliothèque 10/18, 1973), les Dix prières (L’Initiation, 1968, puis Cariscript, 1987), et il rééditait les « œuvres majeures », sous la marque du prestigieux éditeur allemand Georg Olms, avec des introductions qui sont de purs chefs-d’œuvre. En 1986, lors d’un colloque qui marqua à Tours la Présence de Louis-Claude de Saint-Martin (Société ligérienne de philosophie, 1986) Robert Amadou défendit « Saint-Martin, fou à délier ». Louis-Claude de Saint-Martin et le martinisme ont fait l’objet de son doctorat d’Etat ès lettres et sciences humaines, soutenu à Paris X, en 1972, avec la mention « très honorable ». Soutenance que Combat qualifia à juste titre de « gnostique » !
 
Par charité, Robert Amadou avait également rassemblé à l’intention des hommes du torrent de très précieuses Maximes et pensées de Saint-Martin (André Silvaire, 1963 ; éd augm., 1978). Mais quels services ne sont-elles pas capable de rendre aussi aux hommes de désir ? Eugène Susini disait de Robert Amadou qu’il savait tout du Philosophe inconnu. Il avait raison.
Pour le bonheur de tous les martinistes, L’Initiation de Philippe Encausse eut la plus grande part de ses articles sur Saint-Martin. D’autres sont à redécouvrir dans les revues qu’il a fondées : La Tour Saint-Jacques, Les Cahiers de l’homme-esprit, le Bulletin martiniste. Ce dernier, Robert Amadou le porta aux côtés d’Antoine Abi Acar, directeur des chères Editions Cariscript, où il dirigeait tant de collections merveilleuses, à commencer par les  » Documents martinistes  » où il me fit entrer, en 1986. Dans la boutique et l’arrière-boutique de Cariscript, rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, où me ramènent aujourd’hui tant de souvenirs, l’on discutait de théologie et d’ésotérisme, d’astrologie et de théurgie autour du café préparé par Antoine. Que de projets ont mûri là ! Au nombre de ceux-ci, le Bulletin martiniste devait se réincarner en Gnostica, qui n’a pas vu le jour. Mais en 1991, de l’enthousiasme de quelques apprentis gnostiques, naissait l’Esprit des choses, organe du Centre international d’études et de recherches martinistes (CIREM), dirigé par Rémi Boyer, sous la présidence de Robert – qui y donna de nombreux inédits de Saint-Martin – puis dans l’autonomie. Robert m’engageait aussi à écrire un cours de martinisme diffusé dans le cadre de l’Institut Eléazar, dont il avait accepté dès 1990 la présidence d’honneur, et où il n’a pas cessé de m’assister, dans une parfaite communion spirituelle.
Mais impossible de comprendre Saint-Martin sans avoir abordé l’œuvre de son premier maître, Martines de Pasqually, le théurge inconnu, dont Robert Amadou a détaillé ici-même, pour la première fois, la doctrine dans une « Introduction à Martines de Pasqually », texte sans précédent et sans second. Il en a aussi publié deux éditions différentes du Traité de (ou sur) la réintégration (Robert Dumas, 1974 ; Diffusion rosicrucienne, 1995) et publié et commentés maints documents, tant maçonniques que théurgiques, de l’Ordre des élus coëns. Dernier chef-d’œuvre en date, conçu en collaboration avec Catherine Amadou : Les Leçons de Lyon aux élus coëns (Dervy, 1999), réunissent les leçons de trois élèves du maître : Saint-Martin, Du Roy d’Hauterive, Willermoz.
 
Son dernier livre consacré à la correspondance de Saint-Martin avec Kirchberger, n’aura pas vu le jour de son vivant, mais Catherine conduira le chantier à son terme. Quant à nos entretiens annoncés chez Dervy, dont nous avions pourtant ébauché le plan, il n’a pas été possible de les réaliser. Combien d’autres ouvrages annoncés et attendus comme des trésors de science et d’érudition, sont eux-mêmes restés en plan ou en chantier ? Dieu aidant, Catherine, qui fut constante à l’œuvre à ses côtés, compétente, dévouée, efficace, poursuivra, n’en doutons pas, la tâche à laquelle Robert l’a préparée.
Robert Amadou n’a pas cessé de chercher la vérité, par exemple dans l’histoire et dans la Tradition. Lisez ou relisez son Occident, Orient. Parcours d’une tradition (Cariscript, 1987). Dès ses premières lettres, en 1982, il m’exhortait à me lever de bonne heure et me donnait la clef : érudition ! Robert avait tout lu, tout étudié de nos objets, et son œuvre témoigne d’une érudition inégalée dans la seconde moitié du XXe siècle dont il fut et restera le plus sûr et peut-être le plus grand historien de l’occultisme, ne serait-ce que par l’ampleur de son champ d’investigation.
Entre toutes, trois bibliothèques étaient particulièrement chères à son cœur : Sainte-Geneviève d’abord, où il s’était plongé dès l’adolescence dans l’astrologie et la kabbale – il m’y conduisit dès le lendemain de notre première rencontre – ; la vieille B.N. ensuite, où pendant vingt ans il avait occupé tous les jours (sauf quelques pèlerinages loin de Paris) la place 191 ; notre chère BML enfin, dont il inventoria les fonds Bricaud et Papus, qu’il exploita conjointement avec le fonds Willermoz, notamment.
Papus ! Le vulgarisateur de l’occultisme était cher au cœur du plus érudit des occultistes, et avec lui combien de ses compagnons de la hiérophanie, selon l’expression classique de Michelet, et combien de ses épigones ? De Papus comme de Jean Bricaud, il a classé les archives à notre chère Bibliothèque municipale de Lyon, dont il tira tant d’informations et de publications (que nous remémore « L’Occulte à la Bibliothèque municipale de Lyon » (éd. augm. in Lyon carrefour européen de la franc-maçonnerie, 2003). Dans le cœur de Robert Amadou, impossible de dissocier Papus de son fils, le Dr Philippe Encausse, dont il a réhabilité la mémoire quand des instituteurs patentés l’ont injuriée (A deux amis de Dieu : Papus & Philippe Encausse. Hommage de réparation, CIREM, 1995). Du legs Philippe Encausse à la BML, Robert m’offrit d’ailleurs, en 1986, de publier quelques pièces remarquables.
2.
Voici pour l’inventaire, ô combien sommaire je le sais bien, d’une œuvre immense. Pour mémoire, disais-je. Mais l’homme ne se confond pas avec son œuvre et j’entends Robert me remémorer aussi la mise en garde de Freud : celui qui devient biographe, ou historien, s’oblige au mensonge, aux secrets, à l’hypocrisie, car il est impossible d’avoir la vérité biographique ou historique. Or Robert détestait le mensonge autant que l’hypocrisie, il ne se laissa jamais séduire par le mythe moderne de la conscience objective, mais il chercha et aima plus que tout la vérité, parce que la Vérité est un être, qui est la Voie comme il est la Vie. Allons à présent à l’essentiel, à la racine des choses, à la racine de Robert Amadou qui se dégage à merveille de son œuvre comme de sa vie.
 
C’est à l’âge de treize ans que les bons pères jésuites chez lesquels il fit ses études secondaires, rue de Madrid, à Paris, avaient servi la Providence en le plaçant au service du patriarche de l’Eglise syrienne catholique, lors de sa venue à Paris, à l’occasion de l’exposition universelle de 1937. Quelques années plus tard, Robert entrait dans l’Eglise syrienne catholique, et il tint l’office de chammas à l’église parisienne Saint-Ephrem-des-Syriens. Il se liait avec Gabriel Khouri-Sarkis, qu’il aiderait ensuite à la fondation et à la direction de l’Orient syrien. Mais son cœur et son intelligence le portaient vers l’Eglise syrienne orthodoxe, héritière directe de la communauté judéo-chrétienne primitive. Le 25 janvier 1945, il fut ordonné dans la succession syrienne de saint Pierre, et sa thèse de doctorat en théologie a pour titre : « Recherches sur les Eglises de langue syriaque et les Eglises dérivées ».
Parenthèse : en 1944, Henri Meslin lui avait imposé les mains pour la consécration d’évêque gnostique, dans la lignée de Jules Doinel,  » fol amant de Sophie « , dont il a publié la biographie et réédité et commenté Lucifer démasqué (Slatkine, 1983). Puis, en 1945, Victor Blanchard le consacra évêque gnostique, dans la succession apostolique que celui-ci avait reçue, le 5 mai 1918, du patriarche Jean II Bricaud, lequel la tenait de Mgr Louis-François Giraud, successeur de l’abbé Julio. Sans avoir jamais appartenu formellement à aucune église gnostique, c’est à ce titre que Robert accordait pourtant à Alain Pédron un  » entretien avec T Jacques « , publié dans l’Initiation, en 1978, sous le titre  » Qu’est-ce que l’Eglise gnostique ?  » (compléments, CIREM, 1996).
Robert Amadou n’a pas pour autant négligé la kabbale et le soufisme. Il a été admis dans une confrérie soufie et disserta sur Le soufisme même (Caractères, 1991). Judaïsme, christianisme et islam sont les trois piliers de la sagesse abrahamique.
Prêtre de Notre Seigneur Jésus-Christ, Robert officiait, notamment pour des martinistes ; il donnait les sacrements, à commencer par le baptême (comment oublierais-je que Robert voulut que notre première rencontre se fit à l’occasion du baptême d’une petite fille dont Philippe Encausse était le parrain ?), il visitait les malades – tant à leur domicile que dans les hôpitaux – et les prisonniers ; il priait, célébrait et exorcisait. Ses études sur Satan et le mal sont du plus grand intérêt. Qui les connaît ? Tel fut aussi le sens de notre réflexion commune sur le Sida face à la Tradition, thème d’un petit colloque que nous organisions à Paris, en 1988. Las, un volume projeté – un de plus ! – n’a pas vu le jour.
Sans appartenir à beaucoup et tout en se méfiant des formes associatives, Robert n’a pas négligé les bienfaits des écoles succursales où il a accompli sa part de services. La lumière maçonnique lui avait été donnée, le 6 juin 1943, dans Paris occupée, au sein de la loge clandestine Alexandrie d’Egypte placée sous le vénéralat de Robert Ambelain, dans l’ombre duquel se tenait Georges Lagrèze. Sa préface à mon histoire de La franc-maçonnerie égyptienne de Memphis-Misraïm rappelle ces circonstances héroïques.
Puis le Grand Architecte de l’Univers le guida vers le régime écossais rectifié, dont la doctrine lui était déjà si familière. Maître écossais de Saint-André, le 23 mars 1966, au sein de la Grande Loge nationale française – Opéra, il fut armé chevalier bienfaisant de la Cité sainte, le 7 mai 1966, avec pour nom d’ordre Robertus ab AEgypto, et pour devise In domum Domini ibimus, « nous irons à la maison du Seigneur ». Sa maison, Robert l’a trouva ici-bas au Grand Prieuré d’Helvétie et dans l’obédience de la Grande Loge suisse Alpina où l’accueillit en 1978 la loge In Labore Virtus, à l’orient de Zurich. Le 18 mai 1969, un ultime collège, à Genève, l’avait admis au cœur du saint ordre, avant de lui confier le mandat de publier dans Le symbolisme une mise au point sans pareille, qui fit grand bruit « A propos de la grande profession », sous la signature pseudonyme de Maharba, anagramme d’Abraham. Puis, mission accomplie, Maharba entra dans le silence. Lors des obsèques, trois roses entrelacées, symbole de force, de sagesse et de beauté, ont marqué à jamais l’amitié des frères suisses pour Robert et Catherine.
 
 
A la franc-maçonnerie, comment ne pas associer ici le martinisme ? Après avoir découvert Saint-Martin, Robert avait reçu d’Aurifer, son premier maître, l’initiation martiniste, le 6 juin 1942, au grade d’associé, puis aux grades d’initié et de supérieur inconnu, avec les fonctions d’initiateur, le 1er septembre de la même année, dans la clandestinité initiatique. Par analogie avec son patronyme et avec la pente de son caractère, il avait alors choisi pour nomen Ignifer, le porteur de feu. Jamais symbole n’aura été plus pertinent, plus efficace ! De même, Robert trouva sur le champ le nomen de Catherine, Pacifera, en 1965. Comment oublierai-je que Robert me fit à mon tour bénéficier de ce dépôt insigne, en 1994 ?
Dans l’Ordre martiniste, Robert Amadou seconda son vieil ami Philippe Encausse qui l’avait réveillé en 1952, et dont le fils de Papus l’avait voulu grand orateur. Il allait aussi inlassablement porter la bonne parole dans les cercles formels ou informels où l’on cultivait notamment l’amitié fraternelle du Philosophe inconnu, voire celle de Martines de Pasqually et de Papus. Robert savait, à l’instar de Saint-Martin, y distribuer la béquée, quitte à être récupéré et à servir parfois de caution indue. Mais en l’espère sa charité était exemplaire, comme était exemplaire sa lucidité. Un souvenir l’illustrera : nous sortons d’une réunion où des hommes de désir, jeunes pour la plupart, ont beaucoup parlé de l’initiation, de sciences occultes. Robert a corrigé parfois, conseillé un peu, écouté beaucoup. Qu’en penses-tu ? lui dis-je d’un air désabusé, une fois seuls, dans la rue. Robert lève les yeux au ciel, secoue la tête et me répond, terrible : « Bergson disait : on ne peut pas penser le néant ! ».
En des temps plus graves, avec des martinistes clandestins rassemblés par Robert Ambelain dont il était le bras droit, Robert Amadou reconstituait dans le Paris de l’Occupation les opérations théurgiques de Martines de Pasqually et de ses émules. Le 24 septembre 1942, la Chose répondit pour quelques-uns, dont il était – quel signe ! – à l’appel de l’homme de désir. S’en suivit la résurgence de 1943, après que Robert Ambelain eut été ordonné réau-croix par Georges Lagrèze, le 3 septembre de cette année. A son tour Ambelain lui conféra les premiers grades coëns le même mois et, à l’équinoxe d’automne 1944, il l’ordonna réau-croix. Si Robert prit ses distances avec la théurgie coën, il n’a jamais cessé de l’étudier et d’attester qu’elle surpasse la magie naturelle et la magie céleste et peut ouvrir une voie spirituelle à quelques-uns, à condition – mais condition ô combien indispensable ! – de ne pas la détacher de la foi et des exercices religieux prescrits. Mais à l’instar du Philosophe inconnu, coën de cœur, et même d’action, Robert resta jusqu’au bout, pour le bénéfice de quelques-uns. Ses « carnets d’un élu coën » (2001-2002) en témoignent.
De même, Robert avait été admis par Robert Ambelain, en 1944, dans l’Ordre kabbalistique de la Rose-Croix.
Pour mémoire et presque en marge, la fondation, le 11 septembre 1945, avec Paul Laugénie et Edouard Gesta, des Amis de Saint-Martin, tombés en sommeil, puis réveillés en 1972, sous la présidence de Léon Cellier et la présidence d’honneur de Robert Amadou. Las, les Amis passèrent ensuite du côté des instituteurs dont Robert n’avait de cesse, à l’instar de Saint-Martin, de condamner l’approche mortifiante et mortifère.
3.
Restituer l’occulte à la culture fut le premier combat, le premier service de Robert Amadou. Avec quelques-uns de sa race, il a combattu avec succès contre les récupérations mercantiles et universitaires de l’occultisme. Puis il a restitué aux occultistes, à toutes les femmes, à tous les hommes de désir, beaucoup de leur patrimoine oublié.
Lors d’un de nos derniers entretiens, je convainquis Robert qu’un troisième combat nous était désormais imposé. Car voici que des voyous cherchent à leur tour à s’emparer de l’occultisme. Ceux-là ne l’auront pas épargné pendant les dernières années de sa vie terrestre ; ils n’épargneront pas plus sa mémoire, je le sais, dans les années qui viennent. Mais de nouveaux combattants se sont dressés sur le champ de bataille.
 
Contre tant d’occultistes du dimanche, Robert Amadou vivait l’occultisme – synonyme pour lui d’ésotérisme – au quotidien, parce que son quotidien était au service de Dieu et des choses de Dieu, le sacré, nos « objets » aimait-il à dire, en écho de Saint-Martin. Ainsi, Robert ne quittait jamais la soutane qui signifiait son engagement religieux et initiatique, quitte à scandaliser les bourgeois pour qui n’existe, en matière vestimentaire comme ailleurs, qu’un modèle, unique et profane.
Robert Amadou refusait de tricher, il détestait l’hypocrisie, ne cédait à aucun terrorisme, ne supportait pas l’injustice et ne fit jamais la moindre concession qui puisse, de quelque façon, aliéner sa liberté. En quête de la perfection, qui est, disait-il, la seule fin de l’homme qui doit devenir Dieu, il ne supportait guère davantage la médiocrité. Sa plume, à titre privée, mais aussi parfois publiquement, lorsqu’il s’agissait de réparer quelque outrage, prenait parfois la forme de l’épée. Il brandissait alors la parole de l’abbé de Rancé, dont il avait fait sa devise : « ceux qui vivent dans la confusion ne peuvent s’empêcher de faire des injustices », et ses mots tranchaient vif. Cela lui valut des amitiés pour l’éternité, quelques inimitiés passagères et bien des désagréments.
Pour Robert et Catherine, la Grèce fut pendant quelques années un paradis. Alors qu’elle menaçait de se transformer en enfer, ce fut le retour à Paris, qui fut un purgatoire. Les deux dernières années de sa vie terrestre ont été pour Robert, privé de ses livres et souffrant d’une fibrose pulmonaire d’origine inconnue, une épreuve permanente, tant morale que physique. Et pourtant, la fatigue de plus en plus pesante ne l’empêchait pas, au prix d’efforts quotidiens, de se mettre chaque jour à sa table de travail, sauf pendant l’hiver 2006, et même de se rendre encore en bibliothèque, notamment à la BNF où il se rendit encore deux jours seulement avant son arrêt cardiaque, accompagné, soutenu par Catherine, qui a été un modèle de courage et de dévouement.
En 2003, Robert avait concélébré une messe pour le bi-centenaire de la mort du Philosophe inconnu, en l’église Saint-Roch, à Paris, et cette « sale maladie », comme il disait lui-même, ne l’a pas empêché non plus de participer à la célébration d’une messe annuelle pour Saint-Martin, à Honfleur en 2004, puis à Saint-Roch en 2005. Depuis 1985, une autre liturgie annuelle célébrée par Robert en mémoire de Philippe Encausse, le 22 juillet, rassemblait les proches de Philippe que Jacqueline a rejoint à son tour, en février dernier.
 
Le 22 mars, à dix heures trente, à Montfermeil, en l’Eglise Sainte Marie Mère de Dieu, la liturgie des défunts selon le rite syrien orthodoxe a été concélébrée, en araméen et en français, par le père Yakup Aydin, de l’Eglise syrienne, assisté du père Antoine Abi Acar, de l’Eglise maronite, et du père Jean-François Var, de l’Eglise catholique orthodoxe de France. Ce dernier avait, le matin, célébré un petit office, à l’hôpital Cochin, en présence de Catherine et de quelques intimes, réunis autour du corps de Robert. D’autres amis, parfois venus de loin, se sont retrouvés ensuite au Père Lachaise, sous une pluie battante, pour un dernier adieu. Au bras de Catherine, Jacqueline Corcellet, l’amie de toujours, et une autre Jacqueline, venue de Grèce.
Celui qu’Albert-Marie Schmidt, en 1950, promouvait jeune maître, sans jamais se prendre ni se donner pour tel, mais revendiquant le statut d’un vieil étudiant, n’a pas cessé, pendant des décennies, de s’instruire et de nous instruire. Robert Amadou m’en voudra-t-il de reprendre à mon compte la formule immortelle par laquelle Joseph de Maistre qualifiait Saint-Martin et par laquelle je souhaite l’honorer à mon tour ? Robert était le plus instruit, le plus sage et le plus élégant des théosophes modernes.
« Quiconque a trouvé son flambeau n’a plus rien à chercher ; mais il lui reste toujours à le conserver, ce qui est incomparablement plus difficile » dit le Philosophe inconnu. Serviteur du Seigneur et de son Eglise, ami de Saint-Martin et avec lui de tous les Amis de Dieu, combattant du bon combat, Robert Amadou fut pour moi, comme pour d’autres, un flambeau de la lumière du Seigneur. Dieu voulant, Dieu aidant, nous tâcherons de conserver cette lumière. Quant à Robert, il bénéficie désormais, dans une plus grande lumière et dans l’attente de la pleine lumière, de la compagnie de Sophia, Sagesse divine et parèdre du Christ. A ses côtés, il poursuit, je le crois comme il le croyait lui-même, sa tâche dans le sein d’Abraham.
Adieu le théosophe, le rose-croix de l’ethnocide ! Adieu mon vieux maître, mon frère et mon ami !
Serge Caillet
sergecaillet@gmail.com
 
Cet hommage a été publié dans la revue
l’Initiation, n° 2, avril-mai-juin 2006, pp. 88-100.
Publié il y a 4th May 2007 par
Libellés: Robert Amadou

Tubalcaïn 7 mars, 2021

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TUBALCAÏN

תּוּבַל-קַיִן   

Tubalcain 0

            Tubalcaïn est un personnage secondaire. Il s’inscrit dans la lignée des caïnites et n’apparaît qu’avec sa fratrie, tant dans la bible, où son nom n’apparaît qu’une fois, que dans les textes des Old Charges. C’est Gérard de Nerval qui romance sa relation avec Adoniram, ce qui justifie, quoique utilisé comme mot de passe du 2ème degré dans les rites anglo-saxons, d’évoquer sa légende aussi au 3ème degré,

I – Le personnage

D’après la Bible (Genèse IV, 22), Tubalcaïn façonna toute sorte d’instruments de cuivre et de fer. Il est présenté comme le fils de Lamek et de sa seconde épouse Çilla, il est donc le petit-fils de Caïn, né vers l’an 2975 avant J.-C.. Le nom vient de l’union de celui de Tubal avec Caïn. Tubal (8 fois : Gn 10,2; Is 66,19; Éz 27,13; 32,26; 38,2.3; 39,1; 1 Ch 1,5) serait un peuple et/ou un pays d’Asie mineure, toujours associé à Méshek. Méshek et Tubal sont deux des sept fils de Japhet selon Gn 10,2 // 1 Ch 1,5. Peuples d’Asie mineure, probablement la Phrygie et la Cilicie, ou peuples des bords de la mer Noire. Quant au nom Caïn, il y a deux étymologies possibles. Le mot hébreu qayin peut signifier « forgeron » ou encore, à l’aide de la racine qnh« j’ai acquis » (cf. Gn 4,1).

On croit que c’est de Tubal-Caïn que les romains païens ont pris l’idée de leur Vulcain ; la racine du nom Tubalcaïn serait en hébreu thu, bal, caïn, celui qui souffle le feu, nom repris en latin par Vulcanus. La désinence du nom et les travaux auxquels s’adonna Tubal-Caïn rendent cette conjecture assez probable. De même, il correspond à Héphaïstos, chez les Grecs : dieu grec du feu et de la forge ; à Vulcain chez les Romains, à Tvashtri en Inde, Ptah en Égypte, Le Grand Yu en Chine, Ogun chez les Youbas d’Afrique, Brahmanaspati en Inde. C’est aussi Gobban Saer, le Janus des Celtes, qui figure l’union entre technique et art, Gobban le forgeron, et Saer, le constructeur, habile dans tous les Arts, que l’on peut identifier avec la figure d’Hiram.

Le feu de tous ces forgerons légendaires est un feu créateur, il éclaire et ne brûle pas. Il n’est pas dissociable de la Lumière sans laquelle rien ne serait, car elle établit les formes du monde apparent.

C’est dans l’ Histoire de la reine du matin et de Soliman, prince des génies de Gérard de Nerval (1851) au chapitre VII, Le monde souterrain.que l’on trouve la rencontre romanesque d’Hiram et de Tubalcaïn.

Le substrat de cette légende est bien différent de la légende maçonnique : on y expose qu’Adoniram est en réalité descendant de Caïn par son père Hénoch ; son ascendance prométhéenne lui est révélée ainsi que la malédiction qui pèse sur elle.

 

En résumé :

Entraîné comme dans un rêve dans les profondeurs de la Terre, Hiram apprend de la bouche même de Tubal-Caïn, qui lui révèle être son « maître » et son « patron », « l’aïeul de ceux qui travaillent et qui souffrent, l’essentiel de la tradition des Caïnites, ces forgerons maîtres du feu. Tubal-Caïn, montre à Hiram la longue suite de ses pères : D’abord Caïn qui fut conçu par Iblis avec ève (Abel par Adam). Iblis, (Satan) était un Djinn conçu par le feu tandis que les anges le furent de Lumière..

Puis Hénoch, qui apprit aux hommes à se bâtir des édifices, à se grouper en société, à tailler la pierre ; Hirad, qui jadis sut emprisonner les fontaines et conduire les eaux fécondes ; Maviël, qui enseigna l’art de travailler le cèdre et tous les bois ; Mathusaël, qui imagina les caractères de l’écriture ; Jabel, qui dressa la première des tentes et apprit aux hommes à coudre la peau des chameaux ; Jubal, qui le premier tendit les cordes du cinnor et de la harpe, et en sut tirer des sons harmonieux ; enfin, Tubal-Caïn lui-même, qui enseigna aux hommes les arts de la paix et de la guerre, la science de réduire les métaux, de marteler l’airain, d’allumer les forges et de souffler les fourneaux. Caïn enseigne alors lui-même à Hiram comment, au cours des âges, les enfants issus de lui, fils des Élohim, travailleront sans cesse à l’amélioration du sort des hommes pourchassés par un dieu injuste qui privilégia Abel.

 

II – Tubalcaïn et la F:.M:.

Dans la tradition maçonnique, la plus ancienne référence à Tubalcaïn remonte au Manuscrit Cooke aux environs de l’an 1400. On y apprend que les enfants de Lamech parmi lesquels Tubalcaïn auraient gravé sur 2 colonnes (alors que selon l’historien Josèphe, c’eut été Seth), l’une de marbre pour résister à l’eau, l’autre en brique pour résister au feu, l’ensemble de leurs connaissances scientifiques et artistiques afin qu’elles survivent au déluge, symbolisant ainsi la transmission de la Tradition.

En résumé, voilà ce que raconte le Cooke aux paragraphes 281 à 326 :

Toute la sagesse antédiluvienne fut écrite sur deux grandes colonnes par les quatre enfants de Lamech qui y relatèrent les savoirs qu’ils avaient inventés. Jabel était l’aîné et il inventa la géométrie, il possédait des troupeaux de moutons et ils eurent aux champs des agneaux, pour qui il fabriqua des abris de pierre et de bois, c’est lui qui construisit les colonnes. Son frère Jubal inventa l’art de la musique vocale et instrumentale. Le troisième frère Tubalcaïn inventa le travail de la forge, tel que cuivre, acier et fer, et leur sœur Naama inventa l’art du tissage. Après le déluge de Noé, l’une d’elles fut découverte par Pythagore et l’autre par Hermès le Philosophe, qui se consacrèrent à enseigner les textes qui y étaient gravés. D’un côté la colonne d’Hermès, « Connaissance, symbole et amour »qui nous guide dans notre quête ésotérique de la Transcendance, et de l’autre la colonne de Pythagore « Science, raison et liberté ; refus d’abdiquer de notre cohérence intérieure » qui nous conduit à « douter des choses qu’on ne peut démontrer et qui ne sont connues que sous le nom de mystères ».

Cette histoire est reprise par de nombreux manuscrits appelés Old charges.

À noter que dans les Constitutions d’Anderson, la gravure des colonnes est attribuée à Énoch

Car, par quelques vestiges de l’Antiquité, nous savons que l’un d’eux, le pieux Enoch (qui ne mourut pas mais fut transporté vivant au Ciel), prophétisa la conflagration finale au Jour du Jugement (comme nous le dit SAINT-JUDE) et aussi le déluge général pour la punition du Monde. C’est pour cela qu’il éleva deux grands piliers (d’autres les attribuent à Seth), un de pierres et l’autre de briques sur lesquels étaient gravées les sciences libérales, etc. Et que le pilier de pierre subsista en Syrie jusqu’aux jours de l’Empereur Vespasien.

RER. Mot de passe initial  de l’apprenti. À la demande de Jean-Baptiste Willermoz, lui-même inspiré par Mme de La Vallière, ce mot fut remplacé en 1785 par Phaleg. D’après Willermoz, c’était une contradiction que donner à l’apprenti ce mot de ralliement après lui avoir fait quitter tous les métaux qui sont les emblèmes des vices. Cette modification fut mal acceptée par beaucoup de frères appartenant à ce rite.

Au Rite Émulation, Tubalcaïn est le mot de passage donnant accès du 2ème au 3ème grade.

Rite York. Tubalcaïn est le nom de la griffe de passage de compagnon à maître, servant de mot de passe au 2ème  degré, tel que cela apparaît dans l’échange entre le 1er surveillant et le 1er expert dans  les instructions du degré : «- A-t-elle un nom? -Oui – Voulez-vous me le donner ? – Ce n’est pas ainsi que je l’ai reçu et je ne le communiquerai jamais ainsi.- Comment en disposez-vous ? – En l’épelant ou par syllabe. – Donnez-le par syllabe et commencez. – Commencez vous-même. – C’est à vous de commencer.»

 

III – L’interprétation

Pour Hervé Tremblay, les généalogies des onze premiers chapitres de la Genèse entendent décrire les peuples (Gn 5) et justifier l’apparition des différents aspects de la vie humaine, comme les arts et les métiers. En Gn 4,20-22, les trois castes des éleveurs de bétail, des musiciens et des forgerons ambulants sont rattachées à trois ancêtres dont les noms font assonance et rappellent les métiers de leurs descendants : Yabal (ybl « conduire ») ; Yubal (yôbel « trompette ») ; Tubal (nom d’un peuple du nord, au pays des métaux). Tubal-Caïn serait «l’ancêtre de tous les forgerons en cuivre et en fer». Cela signifie que les généalogies ne sont pas très fiables historiquement et que les noms sont plutôt des créations visant à rendre compte du monde tel qu’il est.

Tubalcaïn, le forgeron, travaille les métaux et s’inscrit spirituellement comme continuateur de la lignée caïnite. Le forgeron fait partie des bâtisseurs et apprend à être par le moyen de la création. Il a la connaissance des 4 éléments : le métal est extrait de la terre, il est transfiguré par le feu, lui même attisé par l’air puis trempé par l’eau afin de devenir l’instrument utile aux laboureurs ou aux guerriers. Il forge des épées, œuvre d’initié car elles sont parfois dotées d’un pouvoir magique, qui demande de connaître et maîtriser les forces contenues dans ces éléments. Le forgeron maîtrise le feu et grâce à lui transforme les métaux qui viennent des profondeurs de la terre. Son pouvoir est ambivalent, il peut être aussi maléfique que bénéfique car il forge des armes pour faire la guerre et comme Tubalcaïn qui , selon le témoignage de Philon et du livre apocryphe d’Énoch, cité par Tertullien, employa aussi dans ses travaux l’or, l’argent, etc., dont on fit ensuite des idoles pour les adorer.

Le travail de la forge signifie la constitution de l’être à partir du non-être. La forge est l’allégorie du cœur et les soufflets représentent les poumons.

Fondre le métal et le reformer correspond au « salve et coagula » de l’alchimie hermétique, travail créateur par excellence, car créer c’est recréer.

Sur un autre plan, selon Guy Barthélémy, la signification politique de la fable de Nerval est claire: ceux qui produisent les richesses de la terre, mais qui aussi ont permis aux hommes de sortir de leur animalité, car parmi ces bannis, il y a celui qui a inventé la ville, celui qui a inventé le tissage, celui qui a conçu le premier instrument de musique qui sont injustement opprimés par ce Dieu qui veut maintenir abusivement les hommes dans un état d’ignorance et par ceux qui lui servent de relais : les rois, ces ministres despotiques d’Adonaï. Le savoir et la liberté ne peuvent donc s’épanouir que dans un combat socialiste qui s’infléchit vers la mise en cause du Dieu

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SOURCE http://solange-sudarskis.over-blog.com/2017/01/tubalcain.html?fbclid=IwAR1dnTKE0WBJw6FGNCffMdEft-QWYoC95HJKPlr4l47Jl1bUYFUnvgRh9BQ

L’infini et l’au-delà en loge 25 février, 2021

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31 janvier 2020

L’infini, l’au-delà, et la franc-maçonnerie

Initiation maçonnique aux changements des plans

Nous naviguerons dans l’insondable, entre les infiniment grands et les au-delà, dans le nadir de l’enfer et le zénith de la Lumière des croyances, mais avant d’aborder ces notions nous ramènerons toutes ses perceptions à la réalité. Cette réalité est celle de l’homme qui pense l’incommensurable par ses propres sens, proportions et angoisses.

Nous poserons notre analyse maçonnique de ces deux principes sous couvert du réel vécu ou ressenti, c’est-à-dire de ce que l’homme ressent comme vécu dans son être. Il s’agit donc d’accepter le caractère phénoménologique[i] de l’infini et de l’au-delà.

L’homme ne perçoit le réel qu’autant que ses sens et son imagination lui permettent d’en dépasser les limites. Or traiter de l’infini ou de l’au-delà c’est outrepasser les limites de ce qui se montre, il s’agit dans les deux cas de faire une incursion dans ce qui est perçu ou ressenti au-delà du visible !

Vous ne verrez jamais ni l’infini ni l’au-delà, vous le représentez en fonction d’acquis culturels et philosophiques : si l’infini est la contrepartie du fini, l’au-delà serait la contrepartie de l’ici et maintenant. Nous avons un principe de symétrie en miroir entre le visible et l’invisible. C’est aussi l’objet de notre rapport au réel dans toutes ses dimensions qui est ainsi posé.

Le questionnement de l’infini et de l’au-delà en termes de représentations mentales nous permettra de postuler que « l’infini par son incommensurable étendue, fût-il mathématique et rationnel, est la porte d’entrée dans l’au-delà par le changement d’état[ii] qu’il suscite ». (Postulat1).

I — L’infini ou « le Principe de non limitation »

1 / Le mélange historique des mathématiques et de l’ontologie via l’hermétisme traditionnel :

L’infini à une double acception qui provient de l’époque où les mathématiques, la métaphysique et la théologique étaient liées dans une même rhétorique : l’infini se définirait doublement comme une quantité sans limites, mais c’est aussi une qualité, une des puissances du divin. Cette double approche quantitative et qualitative continue d’exister dans l’inconscient collectif et s’associe facilement avec le symbolisme axial auquel les francs-maçons sont formés.

Les premiers Grecs à qualifier l’infini dans une proximité divine seront les néo-platoniciens avec la notion de « Bien au-delà de l’essence », c’est-à-dire un infini surplombant les multiplicités de la contingence. La Bible dans l’Ancien Testament introduit aussi l’unicité du divin, inconnaissable et inatteignable. Cette approche herméneutique de l’infini sera confirmée par l’En Sof de la kabbale qui littéralement veut dire l’in-fini : splendeur au-delà de ce qui se conçoit.

L’infini d’Aristote n’était pas l’infini des modernes. Pour Aristote le ciel, la cosmologie était un monde fini doté d’étoiles fixes, ce sera l’organisation géocentrique de Ptolémée et ses épicycles qui dominera, avec une Terre centre de l’univers et sept planètes. L’antique géocentrisme sera remis en cause progressivement, suite à l’apport de l’Héliocentrisme copernicien de 1543. En 1600, Giordano Bruno sera brûlé sur un bûcher par l’inquisition pour avoir contesté le géocentrisme, introduisant le principe de pluralité de galaxies, il sera le philosophe de l’infinité. Galilée sera condamné par l’église pour avoir soutenu la thèse copernicienne en 1633. Pour Descartes père du doute méthodique, Leibniz auteur de calcul infinitésimal avec Newton, voir Kant, l’infini de Dieu est en rapport direct avec l’infini spatial et l’infini temporel ou cyclique : c’est le principe de non-limitation qui affecte le divin et le monde. Blaise Pascal en 1670 tentera une approche géométrique du « hors limite » : « Dieu est une sphère infinie, dont le centre est partout et la circonférence nulle part »

2/L’infini et la transcendance.

On voit donc se dessiner à partir de « l’infini attribut divin », l’idée de transcendance divine qui est sans limites par nature. Il s’agit pour Anselme de Canterbury de « l’Être tel qu’on n’en saurait concevoir de plus grand ». L’infini est donc lié au divin qui ne se limite pas et qui n’est pas mesurable. Donc pour nos anciens mathématiciens, l’infini conserve une dimension irréelle et initiatique proche de l’ontologie. L’infini constituait un attribut divin et source d’interrogation par l’irrationalité de sa suite c’est-à-dire par l’impossibilité de lui donner une limite. 

À cette transcendance de l’infini, Descartes répondra par l’infinie volonté libre de l’homme, puis Hegel poussera cette infinie volonté jusqu’au concept dangereux d’homme libre et de surhomme quasi égal du divin.

Enfin Spinoza conclura que l’infini du monde et donc des mathématiques et l’infini de Dieu ne font qu’un : Dieu est un « être absolument infini ».

Nous voyons donc se dessiner un infini à plusieurs significations conceptuelles. Quoiqu’il en soit la transcendance admet par principe le changement de plan, induisant une verticalisation du langage jusqu’à l’innommable ou l’imprononçable nom de Dieu…

3/ Autonomie des infinis mathématiques

Pour autant, la mathématique se libère de la métaphysique en finalisant son objet, mais il est reconnu que le mathématicien Cantor Georg en 1870, sur la base de la théorie des ensembles et de la notion d’appartenance, sépare nettement l’infini opératoire des mathématiques,  de l’infini conceptuel de la métaphysique.

Je cite seulement 3 exemples de découverte des infinis mathématiques :

►1/au plan mathématique les Grecs par Zénon d’Elée, déjà affirmaient que toute droite est sécable en une infinité de points

►2/le deuxième apport à l’infini mathématique nous intéresse au premier plan. Il est en rapport direct avec le pavé mosaïque et les cases carrées qui le composent, mais aussi avec le carré long et son hypoténuse. Ce fut la « découverte », de l’irrationalité de la diagonale du carré d’Euclide  √2 ou de 5 pour l’hypoténuse du carré long. C’est aussi le cas du nombre π bien connu des compagnons, et le nombre « e ». L’irrationalité est sans rapport de proportion avec les nombres entiers, c’est le lieu sans forme distincte, sans ombre, sans étendue , non mesurable. C’est un multiple sans fin dans ses décimales : c’est un changement d’état en regard d’un rapport naturel au nombre!

►3/Le Passage à la limite dans le calcul infinitésimal de Leibniz impliquant un changement d’état d’une suite de valeur qui tendrait vers l’infini dans un corps donné. La valeur du corps étudié valant un sa division par les parties qui le constituent et ceci portée à l’infini provoque un quatum c’est-à-dire une différence en deux valeurs de la suite qui s’évanouit. Ainsi pour un corps en mouvement cela se traduit par la continuité imperceptible du mouvement dans une constatation relevant de l’imaginaire et non de l’expérience. Donc à l’absence de limite mathématique l’expérience constate l’existence d’une borne marquant la fin du mouvement…

Les mathématiques s’émancipent du divin et font apparaître des catégories d’infini : on dira que si les nombres irrationnels sont infinis, que les nombres rationnels le sont aussi, mais que les irrationnels sont encore plus étendus que les rationnels. On instaure par cette remarque une variation d’étendue dans l’infini mathématique, une relativité de la notion d’infini qui sans être une limitation de l’infini le catégorise. L’infini catégorisé perd son antique statut ontologique.

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[i] Nous placerons le réel comme « le donné » porté aux cinq sens de l’homme comme une base sur laquelle l’homme réfléchi et déduit, imagine et espère.

[ii] Le changement d’état est le propre du changement de plan.

II — L’infini et l’éternité de l’homme ————————–

1 / Finitude de l’homme et désir d’au-delà

Notre temps à vivre est limité d’un point de vue corporel, il s’oppose donc à l’idée d’infini si ce n’est à considérer les recompositions cycliques comme synonymes d’infini permettant d’accéder à l’au-delà. On peut élaborer 4 concepts majeurs qui autorisent ou pas notre continuité :

► la mutualisation de l’au-delà par la perpétuation de « l’homme esprit » en sa tribu avec le culte des ancêtres proche de l’animisme tribal, le culte des reliques ou du génome.  Ici le divin est en toutes choses et en tout être dans une dévolution successorale, la tribu ou le clan par le jeu de la mémoire collective et l’action du chaman, sont garant de la survie et du lien dans l’au-delà.

►confondant l’esprit humain perpétuellement lié à la Grande Nature dans un panthéisme celtique des esprits des forets ou un monisme déiste résumé par la formule « Un le Tout ».

► la perpétuation de « l’homme esprit » séparé de la matière installant un dualisme transcendant de type théiste, ici le divin est séparé de sa création, l’esprit retourne auprès du Père, on distingue l’En Haut et l’ici bas.

► la métempsychose translatant une âme dans une suite de corps ou de végétaux (Platon et Pythagore y font référence, c’est aussi la loi du karma de l’hindouisme donnant un au-delà transitoire ou le gilgoul de la kabbale.).

Nous avons donc au moins 4 types d’au-delà générés par le désir de continuité de l’Homme.

Remarquons à quel point l’infini post mortem et l’au-delà se complètent si l’on considère l’infini des cycles de vie et de mort qui provoque un passage par l’autre monde. À la finitude on imagine une continuité linéaire ou cyclique dans un ailleurs, un autre plan.

 

  2/ L’infini des cycles, la lemniscate, l’ouroboros

L’infini linéaire est effrayant, car il sort de l’entendement humain. L’homme lui préfère l’infini des cycles, celui de l’éternel retour, selon Anaxagore de Clazomènes (Vème Siècle av. J.-C.) « Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau… »…

L’infini est l’impossible représentation de l’inatteignable que l’on cantonne à l’Ouroboros ou la Lemniscate

Ouroboros d’origine égyptienne, il est l’attribut du Chronos grec. Il sera utilisé par les alchimistes sur le thème de la régénération et par les chrétiens pour illustrer la parole du Christ « je suis l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin ». Ce serpent qui s’auto génère et se consomme, est une puissance vitale identique à l’œuf cosmique.  Il présente un Univers fini dans sa présentation, mais infini quant à son cycle et sa régénération. Ce symbole devient aussi symbole de la connaissance des cycles.

La Lemniscate est une évolution du cycle éternel avec l’adoption d’un double effet miroir. Le 8 parfaitement cyclique et symétrique qui nous renvoie à la définition protoscientifique de l’infini cyclique, ou du rythme éternel. Il a été inventé par le mathématicien John Wallis en 1655. Sa forme est proche du ruban de Möebus. Une lemniscate (un ruban) est une courbe plane ayant la forme d’un 8, soit un ouroboros symétriquement recroisé sur lui-même. On y constate une seconde symétrie par inversion du plan de circulation sur le ruban que l’on parcourt dessus puis dessous. Cette figure rassemble les trois axes et six directions.

Il s’agit donc d’un ruban identique aux phylactères indispensables aux rituels de consécration des églises qui se recroisent en son double milieu marqués par les deux équinoxes (le jour, égale la nuit par deux fois dans l’année). Donc ce qui est mesurable sur la figure en 8 de ce symbole est le point de rencontre en X du ruban soit sur un plan zodiacal, le point médian deux fois dans l’année, de la voûte céleste montante et descendante en regard de l’horizon terrestre. Cette égalité entre jour et nuit est située au point de focale du X qui crée à la fois la symétrie, l’inversion et l’axe immobile.

3/ L’infini métaphysique est un non-temps et un non-lieu qui échappe aux notions mathématiques.

En métaphysique l’infini n’est pas une donnée de calcul ou de cycle, il s’en détache définitivement par son irréductibilité et son non-conditionnement, L’Infini appartient aux états supérieurs de l’Être et se confond avec la Possibilité Universelle. Cette notion échappe à l’hypothèse mathématique. Ainsi cet infini contient aussi la non-possibilité. L’infini du point de vue de l’Être est à la fois l’être et ne non être, le crée, l’incréé. Cet infini ne se réduit à aucun qualificatif.

L’infini métaphysique rejoint l’illimitation de l’Absolu ou du Nom divin imprononçable non représentable. Ces trois notions ni ne se déterminent, ni se définissent à peine de les réduire. Cet infini métaphysique est souvent représenté par le centre du cercle ou le point d’intersection des trois axes et six directions. En loge comme dans la métaphysique, ce point qui génère la totalité « des causes et des étants » est insituable ou symboliquement évoqué dans le lieu séparé de la loge (qui est un non-lieu !) affectée d’un non-temps dit temps sacré « de midi à minuit » qui englobe les heures du temps, de l’éternité et du non-temps. L’infini métaphysique est donc lié à l’autre monde, appelé au-delà ou arrière monde pour certains.

     4/ L’infini en loge renvoie aux frontières de l’incommensurable.

L’infini est sur un plan symbolique « illimité » par son absolu, mais c’est aussi une  limite infranchissable par l’entendement de l’homme. Cet infini marque ici une frontière entre ce qui est l’horizon humain, l’horizon du plan solaro-terrestre et l’entrée dans l’espace céleste et sur céleste. Trois plans d’entendement (humain, solaro-terrestre, céleste) produisent trois infinis frontaliers. Cet inatteignable semble réservé aux dieux, ou aux grands initiés seuls capables d’intuition intellectuelle pure appelée Connaissance. La Connaissance permettait le franchissement de l’infini par l’établissement de ponts ou d’échelles. Les ponts et échelles relient les plans entre eux, mais aussi raccordent les infinis en un seul incommensurable. (Échelle de Jacob)

Sur un plan symbolique et maçonnique nous trouvons l’infini dans les las d’amour de la corde à nœuds qui ceint la limite supérieure du temple. L’origine de ce symbole est due aux cordes à nœuds que l’on trouvait encerclant le blason des veuves. Donc le las d’amour est le nœud qui lie la veuve au mari passé à l’Orient éternel. Nous autres maçons nous sommes aussi fils et filles de la Veuve en souvenir d’Hiram. Bien plus encore, cette marque de veuvage signifie la ligne de partage entre le créé et l’incréé : ce passage suppose la mort du corps assujetti au temps et aux lieux. Or nous savons que le passage d’Hiram dans un autre état nous renvoi à l’état inconditionné de l’Être, et donc aux perspectives rassurantes de l’éternité succédant le processus corporel de mort. C’est la mort qui a appris aux hommes à parler (Marcel Mauss). La mort suscite la culture traditionnelle du passage et de la métamorphose (métaphysiquement parlant).

La métamorphose accompagne l’éternité : l’extinction de l’état corporel et avènement d’état spirituel dans un au-delà. C’est l’enseignement de la geste hiramique du troisième grade.

Globalement la méthode maçonnique organise un triple cheminement vers l’infini, mettant sans doute inconsciemment en œuvre la maxime de Goethe « Si tu veux progresser vers l’infini, explore le fini dans toutes les directions ». En effet, nos passages initiatiques se font d’un état à l’autre lorsqu’ils tendent vers l’infini. Ainsi l’apprenti chemine sur la ligne sans fin vers la lumière d’un Orient inatteignable puis fait une traversée un changement d’état en Compagnon. Ce dernier chemine sur le Plan vers l’inatteignable étoile du berger (Vénus), puis subit une ultime métamorphose pour cheminer dans l’axe et les dimensions hors du plan d’exercice des vivants, dans un plérôme sans fin… dans un au-delà. Donc l’entrée dans l’au-delà passe par l’infini humain synonyme d’Éternité !!!

►Chaque changement d’état passe par le franchissement d’une limite qui dans l’état antérieur tendait vers l’infini et l’au-delà. 

►Chaque changement d’état implique de nouveaux référentiels de nouveau mot de passe et de nouveau mots sacrés…

►Nous confirmons notre premier postulat qui est que l’infini est une frontière infranchissable à notre entendement, si ce n’est par un changement d’état. Le changement d’état (métamorphose) permet un changement de plan. Le changement de plan ultime ou transitoire est l’au-delà.

III — Les « Au-delàs » et l’éternité de l’Homme

Ce qui ne peut être vu, car trop loin ou inaccessible tel que l’infini ou l’au-delà, peut toutefois être imaginé ou représenté. Cependant l’homme ne peut représenter le monde invisible qu’à l’aune de ce qui lui est accessible et relevant du semblable. C’est ici tout l’art de la fonction analogique qui trouve à s’exprimer. C’est le cas par exemple la ceinture zodiacale de la Voie lactée qui est sectionnée en 12 « petits animaux [i]» (traduction de Zodiaque). Autres images : le divin qui est symboliquement anthropomorphisé par les FM en GADLU, c’est le Paradis céleste ou la Jérusalem céleste, icône paysagée géométrisée par l’Ancien Testament, c’est l’Enfer de Dante  (1495) et les 9 cercles de l’Enfer illustrant les vices humains (les non baptisés, les coupables de luxure, de gourmandise, d’avarice, de colère, d’hérésie, de violence, de tromperie, de trahison avec Lucifer…).

On envisage l’au-delà comme un autre monde dans lequel se pense notre continuité, hors de notre vue ici-bas. On trouve trois approches de l’au-delà : le monde du néant, le monde des morts et le monde des dieux. Autrement dit, franchir la frontière du visible marqué par l’infini, suppose un changement d’état : nous sommes morts, mais nous nous prolongeons en âme ou en esprit dans l’au-delà. (Confirmation de Postulat 1) – ici l’éternité et un infini humain !)

Notre second postulat, miroir du premier, est de dire que l’au-delà est une mise en scène de l’infini temporel après la mort corporelle, un exutoire à la finitude de l’Homme. C’est le continuum constitutif de la notion d’éternité qui se substitue à l’infini (Postulat 2) – ici d’un point de vue humain, l’infini est un continuum temporel appelé éternité.

Se pose le problème de l’âme et de sa destinée dans l’au-delà (1) de sa territorialisation et sa ritualisation du passage (2) et enfin l’au-delà se conçoit comme le domaine du Néant colonisé ou ordonné par les Dieux (3)

1/ L’Âme et sa destinée

De l’âme et des âmes

La transition est donc trouvée pour parler de l’Au-delà qui pose le principe rassurant de la vie après la mort en un lieu ou espace dédié et séparé du monde des vivants. Pour les vivants l’au-delà est rassurant, il jugule les angoisses.

Si L’Au-delà établit une sorte de continuum post-mortem ou de renaissance après notre disparition, elle pose avant toute chose le problème de « l’autre monde ». La Vie est « inclusive » d’une conception de la mort. Le corporel peut disparaître sans que l’être se dissipe. L’âme ou son équivalent permet une continuité dans un monde « éternel » lieu espéré d’une béatitude.

La destinée de l’âme est un enjeu comportementalpour les Vivants, l’au-delà permet de retrouver les conséquences bonnes ou mauvaises de nos actes dans l’ici bas : ainsi servir le divin de son mieux (actes de bienfaisance) est récompensé dans l’au-delà.

Selon vos croyances, l’âme (ou l’esprit) étant une étincelle d’origine divine, elle possède un caractère d’éternité et de félicité sous certaines conditions de pratique comportementale (c’est le principe de « rétribution »). Finalement on thésaurise les bonnes actions pour s’assurer un au-delà merveilleux qui peut aller jusqu’à la résurrection de morts accédant ainsi à la vie éternelle.

Il y a deux au-delàs, l’au-delà personnel lié au comportement en serviteur d’une déité et celui qui est collectif lié à la fin des temps. Le premier est la continuité de la mort personnelle, le second est la continuité après la fin des temps messianiques. On organise ainsi une vie après la vie à deux niveaux microcosmiques et macrocosmiques.

2/ Territoires de l’au-delà et ritualisation

Ce désir d’éternité est marqué par des rites qui guérissent ses angoisses. L’homme est un animal doté des rites funéraires. Il enterre ses morts dans un état de préparation particulier pour aider le défunt à franchir une frontière et garder un rapport avec les disparus. La mort n’est pas un tabou dès lors que les civilisations lui donnent un territoire fut-il transitoire.

Cette notion de territoire pour l’au-delà est une constante universelle.

            A  / Ce qui est tabou n’est plus la mort, mais le territoire dédié aux disparus. Pour franchir le tabou, c’est-à-dire l’entrée dans l’autre monde il faudra un rituel, des mots de passe ou des gestes appropriés qui ouvrent le passage, il faudra donc des passeurs et des gardiens du seuil. Ce territoire est protégé par les Tabous et des règles. On ne doit pas y manger de nourriture qui est la nourriture des morts et les morts peuvent venir nous visiter (C’est le cas avec le Sid irlandais, la fête celtique de Samain au 1er Novembre marque une frontière perméable permettant la visite des morts dans l’ici bas. L’au-delà est aussi situation topographique : c’est dans la montagne, dans un Cairn, un tumulus ou au-delà des eaux). Chez les Tunguz de Sibérie, le pays des morts est au Nord, seuls les chamans peuvent y voyager.

 L’au-delà des Anciens Mystères se situent dans un sub terrestre (l’Hadès grec, lé Shéol hébraïque) ou tout au plus dans une contrée située sur le plan terrestre. En ce monde souterrain, on y enterre les défunts avec les attributs de leur vie passée comme en atteste le mobilier funéraire, c’est la tradition assyro-babylonienne, le Seol vétérotestamentaire…

 Il y a toujours une frontière à passer pour atteindre l’au-delà, un fleuve tel que l’Achéron, le Cocyte, le Styx par exemple avec un passeur tel que Charon, ou pour les Égyptiens tout un protocole complexe qui divise l’âme en deux parties, une restant dans le tombeau l’autre effectue un cheminement dans au-delà. Pour l’Égypte comme pour les chrétiens du moyen-âge se développe la pesée des âmes ou le jugement dernier pour les actes du défunt lors de son passage terrestre. On trouve alors dans cet au-delà des subdivisions territoriales (voir « La divine comédie » de Dante).

      B / L’au-delà intérieur et mystique est un territoire né de notre représentation mentale. Il appartient à notre topographie neurologique, zones du cerveau qui installent l’humanisation de l’homme par la conscience de la valeur de la vie, cette humanisation par le besoin de croire dans la promesse d’un au-delà. Croyance et prière déclenchent un processus de satisfaction par libération d’hormones du réconfort, situation plus facile à vivre que la béance du doute. D’une manière générale l’au-delà est le territoire des trépassés ou des « occis », c’est l’histoire de l’homme post mortem. C’est dans l’écriture des textes sacrés que se reflète l’au-delà. La Bible fait l’histoire de l’autre monde en faisant projet d’ouvrir une voie sur l’au-delà humain. Cet au-delà est lié au besoin de croire et à l’influence culturelle dans laquelle nous vivons. Le besoin de croire s’associe au besoin de répondre aux questions existentielles. Les croyants objectivent l’au-delà en territoire des morts en relation avec le divin. L’au-delà est donc une donnée mystique liée à la conscience religieuse ou mystique d’un groupe humain préoccupé par son continuum de l’ici-bas vers l’au-delà.

3/ Le territoire des « Occis » est désirable et redoutable :

C’est parfois un pays de cocagne, projection idéalisée du monde terrestre : on le trouve dans le mazdéisme, chez les Amérindiens des plaines, dans le paradis musulman qui est un désert inversé, verdoyant, et riche. Les morts dans la tradition Tuguz continuent à chasser dans la steppe comme dans le monde des vivants.

C’est le lieu du passage entre deux états : la métempsycose est spécifique aux croyances hindouiste et bouddhiste, qui situe le devenir de l’âme via un au-delà incrémental. La considération temporelle est impactée par les migrations des âmes.

C’est enfin un monde idéalisé, celui de la félicité : la Jérusalem Céleste et les résurrections caractérisent les religions du Livre… ou le nirvana. Le comportement du chef du vivant est pris en compte.

3/Monde du Néant et des Dieux

Cet au-delà est classé en trois catégories au moins :

a/le monde de type olympien fait de Dieux anthropomorphisés agissant sur le destin des hommes

b/ Le monde dualiste du dieu unique séparé de l’homme, dieu personnel chrétien, ou impersonnel inconnaissable des juifs, séparé ou pas de sa création.

c/ Le monde de la grande Nature héberge la puissance déiste et moniste ou panthéiste.

Je laisse à chacun le soin de peupler ce monde en fonction de ses convictions.

 


[i] Les petits animaux du Zodiaque sont bien plus à portée de flèche et donc à portée d’homme que les étoiles elles-mêmes.

 IV — Mise en scène de l’infini et l’au-delà en loge  

Nous relevons 6 aspects liant l’infini et l’au-delà.

1/ Les rituels et décors de la franc-maçonnerie traditionnelle symbolisent ces grandes questions philosophiques et ontologiques de l’infini et de l’au-delà en les domestiquant : le rituel est une mise en scène, une orthopraxie géométrique fondée sur la croix tridimensionnelle composée d’un centre ou milieu et de trois axes tendant vers l’infini.

2/ Nous avons en premier lieu la lumière ou l’étincelle divine qui éclaire notre conscience d’une finitude corporelle dans un continuum qui nous dépasse.

3/ Nous avons les gardiens du seuil authentiques passeurs de seuils, doté d’épées flamboyantes ou pas.

 4/ L’infini des las d’amour marquant le frontière de la ceinture zodiacale entre les plans solaro-terrestre et céleste, avec les points de fusion et de retournement. Ces points animent les cycles de la lumière solaire et son reflet sublunaire «  intériorisé » à l’homme, et enfin la lumière céleste.

5/l’infini de l’irrationnelle racine carrée de 2 ou de 5 nées de l’hypoténuse du carré de 1 sur 1 du pavé mosaïque ou l’hypoténuse du carré long , donnant notamment la proportion dorée.

6/Enfin et surtout, l’anthropomorphisme divin associé au GAGLU, Grand Géomètre et donc Grand Mathématicien de l’Univers dessinant un orbe soumis à la question de l’infini par la puissance multiple d’un point aussi original qu’ontologique.

L’infini et l’au-delà sont présents dans le parcours initiatique. À savoir le parcours sur la ligne infinie de l’apprenti puis sur le plan infini du compagnon et enfin dans l’axe infini du maître. Ces infinis successifs nous renvoient aux métamorphoses graduelles de l’être et de notre conscience. Chaque passage de l’infini « initiatique » est une mort à l’état passé et une renaissance dans des « au-delà » successifs !

La rituélie maçonnique valide l’infini et l’au-delà.

Je résume avec 3 postulats.

1/l’infini synonyme au plan phénoménologique d’éternité, est la porte d’entrée dans l’au-delà initiatique.

2/La métamorphose est le signe d’un changement d’état ou de paradigme.

3/Nous avons dans notre initiation 3 paradigmes qui impliquent une métamorphose symbolique suivant l’isomorphisme évolutif pierre / homme: 

►l’apprenti de la pierre brute et la ligne qui tend vers l’infini orient (paradigme de la lumière naissante et de la forme évolutive).

►le compagnon de la pierre cubique et le plan d’exercice (paradigme de l’autre soi et de la perfection sans fin).

►le maître de la clef de voute de l’édifice donnant accès aux plans célestes (paradigme de la Lumière éternelle, immanente en soi,  ou descendant en soi et donc transcendante).

 3 états géométriques tendant vers l’infini,

3 états formels établissant un « continuum de rupture » : La pierre brute, pierre cubique puis pierre cubique à pointe sont trois états qui vont de l’informe, à la forme parfaite vers la non-forme représentée par l’extrême pointe axiale de la pierre cubique à pointe ou par la clef de voûte du Temple, véritable arche contenant la Lumière axiale.  

3 états initiatiques portant trois au-delàs « lumineux » : la lumière cyclique de l’Orient infini pour l’apprenti, la lumière cyclique de Vénus inatteignable pour le compagnon voyageur et la lumière infiniment immobile de l’étoile du Nord pour le Maître.

Nous avons donc les outils et instruments symboliques en loge qui nous permettent de régler au plan métaphysique toutes les équations même celles que nos amis mathématiciens n’ont pas encore solutionnées, nous solutionnons d’un point de vue phénoménologique, le passage d’un infini à l’autre par un continuum de rupture. La rupture se délivre via un trauma corporel ou cognitif (poignard sur le cœur, bandeau, corde au cou, traversée de la rive, prononciation juste, mort minée par des coups et un reversement, relèvement, etc.).

Le trauma exprime le changement d’état lorsque l’on tente d’approcher l’infini. Cette métamorphose graduelle sanctionne le passage d’une perspective d’infini à une autre. Cette sorte de « transfini » est une manière d’apprendre le passage ultime dans l’au-delà.

(Version provisoire.)

 ER

SOURCE : http://www.ecossaisdesaintjean.org/2020/01/l-infini-et-l-au-dela-en-loge.html

Copie-de-LEDSJ-1-

La laïcité 19 février, 2021

Posté par hiram3330 dans : Contribution,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaire

laicite

« Si tu veux que brille la flamme, médite dans le Temple et agis sur le Forum, mais garde-toi bien de faire du Temple un Forum. » J. Corneloup.
La laïcité ou le  sécularisme désigne le principe de séparation de la société civile et de la religion. Elle s’oppose donc à la notion de théocratie, d’état religieux. Dans une démocratie, la loi peut être contestée car elle est l’œuvre des hommes.
Dans une théocratie, la loi est l’œuvre de Dieu, donc toute contestation devient impossible, c’est bien là le piège des pseudos « républiques islamiques » qui n’ont rien à voir avec la notion de république et qui rappelle sournoisement les notions de « républiques démocratiques socialistes » qui n’avaient elles non plus aucun rapport avec la notion de démocratie. Le mot république, abusivement employé, peut ainsi cacher une dictature, une oligarchie ou une théocratie.

La laïcité est un sujet récurent, notamment en France, où elle est mentionnée expressément dans la constitution. En quoi est-elle vraiment un rempart de la liberté de conscience et de culte contre les intégrismes ? N’est elle pas, aussi, une autre forme d’intolérance de la raison à la gloire de l’étatisation ? En quoi intéresse-t-elle la Franc-Maçonnerie ?

1. La laïcité, une victoire de la raison sur la passion ?

La laïcité est un courant historique défini comme étant le principe de la séparation de la société civile et de la société religieuse, l’État n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Églises aucun pouvoir politique. L’antithèse de la laïcité est donc le cléricalisme, d’où cet esprit anticlérical que la laïcité a longtemps généré en France, notamment dans ce qu’on a appelé la pensée « libre » et avec laquelle elle a souvent été confondue.

Dans l’histoire de France, où régnait une monarchie de droit divin, la pensée laïque a commencée il a près de 400 ans avec la promulgation de l’Edit de Nantes qui assurait la liberté de culte. Mais ce n’est qu’en 1787 et en 1789, sous les coups de butoir des idées propagées par la révolution française, que « l’alliance du sabre et du goupillon » a réellement commencé à décliner.

Ainsi, la laïcité s’est historiquement imposée comme concept et comme opérateur d’organisation sociale face aux religions révélées. Religion entendue comme ce qui donne les « raisons » de vivre et de mourir. Le croyant devient souvent intolérant (et même meurtrier comme en témoigne l’histoire des religions) car il est toujours persuadé de détenir la seule vraie religion, adorer le seul vrai Dieu. Il a donc été juste de créer un espace de vie en commun, neutre, excluant du débat et de la manifestation ce qui avait pu faire tant de ravages. En ce sens la laïcité est effectivement source de liberté, d’ouverture, et de tolérance. Mais cette définition est elle satisfaisante ? Le principe de laïcité, doit-il aujourd’hui être limité au « non-cléricalisme » ? ne doit-il pas être réactualisé et étendu à toute autre forme de lobby, même non religieux ?

Une définition trouvée sur l’internet [1] défini la laïcité dans les termes suivants : « La laïcité exprime une éthique de société, qui ne saurait accepter les idéologies toujours en mouvement de l’obscurantisme et des dogmes, du prêt à penser, de la haine. Elle est notre atout majeur dans les combats engagés contre la xénophobie, le racisme, les intolérances et les intégrismes. Elle veut être cette école de l’intelligence dont Jean Rostand disait qu’elle vise à « former les esprits sans les conformer, les enrichir sans les endoctriner, les armer sans les enrôler, leur communiquer une force dont ils puissent faire leur force, les séduire au vrai pour les amener à leur propre vérité, leur donner le meilleur de soi sans attendre ce salaire qu’est la ressemblance ». »

Aujourd’hui, les idéologies de l’obscurantisme et des dogmes, du prêt à penser, de la haine propageant la xénophobie, le racisme, les intolérances et les intégrismes ne sont plus seulement le propre des Églises. Elles sont aussi l’œuvre de groupes sociaux ou ethniques, de partis politiques et même de certains milieux économiques toujours prêt à détourner le bien commun et la liberté des peuples à leurs profits personnels. Mais à ce niveau ne fait-on pas un amalgame entre Laïcité et démocratie ? Peut-être, en ce sens, si on pense que le mot laïcité vient du grec « laos » qui désigne un peuple au sens de sa réalité communautaire, où les hommes, partie de ce tout, sont par nature égaux en ce que chacun est un élément unique, parfaitement équivalent à un autre et également fondateur de la réalité du groupe. Ce « laos » est distinct de la « polis » grecque, la cité, qui est l’ancêtre de notre État en tant qu’organisation sociale autonome et du « demos », peuple, compris comme entité politique dans « demokratia » gouvernement, souveraineté populaire. Le « laos » renvoie, lui, à ce que les latins appelaient « res publica », chose publique, dont chaque citoyen est souverain et qui a donné aujourd’hui la notion de « république ».

2. La Laïcité, religion inversée ou dictature de la raison ?

Certains « enragés » de la République n’ont-ils pas un comportement qui est proche de l’intégrisme ? Prenons par exemple l’épisode du « foulard islamique ». La polémique entourant le port du foulard islamique dans les écoles publiques a provoqué en France un important débat sur la prise en compte de la diversité culturelle et religieuse dans les institutions publiques. L’école s’est développée autour d’un certain nombre d’enjeux à la fois politique, juridiques et socioculturels parmi lesquels on peut identifier : la présence de l’Islam dans les sociétés occidentales, le statut de la femme, le phénomène de l’immigration et de l’intégration, le statut de l’école publique et laïque en France. Ce débat a pris rapidement un caractère symbolique et s’est installé dans l’opinion et les médias (avec une confusion savamment entretenue entre Islam et islamisme). Il met en évidence l’opposition de deux éléments : le caractère laïque de l’école publique et le port d’un signe religieux, face à cela deux attitudes apparaissent ; La première, s’appuyant sur la laïcité la plus stricte qui considère le « hidjab » comme une attaque de l’intégrisme islamiste contre la laïcité de l’école ; La deuxième se fondant sur une forme de neutralité qui prône « le droit à la différence », qui tout en défendant une école au-dessus de tous pluralismes respectent ceux-ci. L’exclusion de ses jeunes filles, ouvre la porte à une « laïcité intégriste ». Quelles angoisses identitaires le foulard de quelques gamines a-t-il réactivé, entraînant stigmatisation, exclusion et violence ? Serait-il le support d’un affect d’angoisse ? Angoisse face à l’étrangeté ? Angoisse face à la féminité ? En pensant se protéger par l’exclusion d’un risque « intégriste », qui relève plus du fantasme que d’une réalité, on aboutit souvent à l’effet inverse, en interdisant l’accès à l’école, on les enferme, les privant ainsi des influences extérieures, d’une ouverture sur le monde. On les transforme en « victimes », et « en offrant des victimes de l’intolérance de la société française on relativise l’intolérance intégriste », on les pousse vers un repli identitaire, communautaire. L’éducation est l’élément clé pour combattre l’ignorance et les stéréotypes. L’école doit promouvoir la démocratie et l’humanisme par l’éducation et la conviction et non par la contrainte. Ce n’est pas un combat contre la laïcité, mais la répression dans un tel cas n’est pas une solution. Bien sûr, on ne peut contester que le foulard est un symbole de l’oppression des femmes, mais doit-on faire preuve d’intolérance, de rejet face à celles qui le portent ? Par ailleurs personne ou presque ne s’est vraiment efforcé d’en comprendre vraiment la signification réelle. Pour certaines, il s’agit d’un choix, une manière d’affirmer leur liberté individuelle, « de leur droit à être française et musulmanes », « le symbole d’appartenance à un groupe » pour d’autres, il s’agit d’un compromis, « une concession faites à leurs parents, pour obtenir quelque chose en échange, comme par exemple la possibilité de continuer des études ». Il faut donc écouter avant de condamner. L’école doit et peut rester, grâce à une « laïcité vivante », c’est à dire ouvert et tolérante, le lieu social de l’apprentissage de la communauté, de formation du citoyen, et du « vivre ensemble », et c’est se tromper d’ennemi, « prendre l’ombre pour la proie » que de lapider sur la place publique quelques jeunes filles pour qui, souvent le port du voile peut être un passeport qui ouvre la voie à l’intégration.

Une laïcité « pure et dur » n’est elle pas une forme de dictature de l’étatisme ? Nous avons tous en mémoire l’échec des « dictatures du prolétariat ». Le Marxisme a voulu être une sorte de religion laïque faisant de l’étatisme le meilleur garant du bonheur genre humain. Son joug n’a pas été plus doux que le pire des intégrismes. Aujourd’hui, on peut mesurer l’ampleur et le désastre où peut mener ce genre d’utopie…

Que fait-on en ce sens du droit des familles à transmettre leurs propres valeurs ? Le rejet des valeurs confessionnelles peut être dangereux car il constitue une autre forme de dogmatisme qui rejetterait toute une part culturelle qui est aussi un héritage légitime auquel à droit tout être humain appartenant à une collectivité donnée. Faire le « vide » en la matière, peut-être dangereux car il semble nécessaire que chaque personne puisse avoir fait son « indigestion » de religieux, ne serait-ce que pour pouvoir savoir, en connaissance de cause, ce qu’elle aurait éventuellement à critiquer… La laïcité sans culture religieuse aucune n’est-elle pas le plus sûr moyen de livrer des individus, incultes en la matière, à l’attrait des sectes de tous poils ?

Par ailleurs, La rationalité froide, même purement scientifique, rejetant toute forme de spiritualité ne peut engendrer qu’une forme de pensé aride. Une pensée purement matérialiste empêche la voie du cœur et rend sourd à la poésie. C’est une autre forme de conditionnement. C’est oublier que la science ne répond qu’à la question « Comment ? » et que seules la philosophie et la métaphysique posent la question du « Pourquoi ? ». La pratique d’une spiritualité sereine n’est-elle pas le meilleur garant de ce genre de dérive ? Rabelais [2], en son temps, a pu dire : « Parce que, selon le sage Salomon, sapience (sagesse) n’entre point en âme malivole (de mauvaise volonté) et science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». La conscience a-t-elle pu jamais avoir été découverte sous le moindre scalpel ? Cela voudrait-il dire qu’elle n’existe pas et n’est que le fruit de l’irrationnel ? La science et la raison pure sont-elles réellement les seules et uniques clés de la connaissance ? L’homme ne semble pas vivre que de pain et son esprit a aussi besoin de s’aguerrir hors des sentiers de la raison, ne serait-ce que pour se forger une identité personnelle et libre.

Croire c’est prendre une option, un pari. Ne pas croire n’est pas ne pas prendre une option, c’est prendre l’option de ne pas en prendre, c’est prendre le pari qu’il n’y a pas de pari à prendre. La laïcité militante, anticléricale, affirmée comme un espace pur de toutes traces religieuses, comme non contaminés par l’irrationnel, le subjectif etc., comme espace préservé et à préserver à tout prix des agressions du mal « religieux » (comme on veut dans les hôpitaux tuer tous les microbes, bactéries) finit par engendrer une autre forme d’intolérance. La dictature de la raison n’est pas meilleure que celle de la passion. Elle est différente, mais elle engendre des souffrances aussi grandes.

3. En quoi intéresse-t-elle la Franc-Maçonnerie ?

Au « Grand Orient de France » (GODF\), certaines Loges finissent encore leurs travaux sur un vibrant « A bas la calotte ! ». Cette intransigeance anticléricale fleurant bien le XVIIIème siècle, a-t-elle aujourd’hui, encore un sens ? Pour répondre à cela, un article [3] paru dans le journal « Le Monde » du 8 septembre 2000, résume bien la situation. En s’appropriant le monopole de l’interprétation républicaine, en s’identifiant à la seule République moniste, en se déclarant le dernier rempart contre la barbarie pluraliste, le GODF est devenu une sorte d’organisation profane qui ne fait que parodier les clivages de la société française. Comme celle-ci, il se raidit dans son incapacité à gérer le nouveau pluralisme culturel et religieux. On trouve au sein de cette obédience française des enragés de la République, des intégristes de la laïcité, des « athées stupides » (selon la formule d’Anderson, le rédacteur de la première Charte maçonnique), des souverainistes et des fédéralistes minoritaires et même des spiritualistes plus discrets que les haut-parleurs médiatiques. En ce sens, le GODF, qui a pour slogan « liberté, égalité fraternité » et qui entend participer activement à la « construction de la société idéale » est un bon baromètre de l’état dans lequel se trouve aujourd’hui une certaine Franc-Maçonnerie, en l’an 2000, à la croisée d’un cheminement. Elle doit, soit se transformer en clubs politiques ou mondains comme les autres avec peu de chance de concurrencer ceux qui sont déjà en place. Soit proposer au contraire une réforme radicale qui lui permette de répondre réellement à un certain nombre d’angoisses de nos contemporains sur le plan de la spiritualité par la voie initiatique. Dans ce dessein, il faut certainement renoncer à un certain nombre de pratiques qui l’ont conduit à devenir une machinerie administrative gérée par des professionnels dont la maîtrise est inversement proportionnelle à leur ego. Le GODF a étalé sur la place publique ses dissensions autour de six « Grands Maîtres » en moins de dix ans. Cela fait un peu désordre pour une « société secrète ».

Il faut, peut-être, tout simplement revenir aux Constitutions d’Anderson, à la loge libre, en reprenant nos travaux discrets, en étant dans la société civile et non dans l’Audimat, en acceptant la progressivité du parcours pour ensuite, forts des vérités acquises à l’intérieur, les proposer au monde, qui d’ailleurs n’en demande pas tant. Les temps sont sans doute venus de repenser les structures qui ne produisent que de l’entropie et de la gratification de l’ego pour ceux qui veulent être « califes à la place du calife ». Ce sont d’ailleurs les apparatchiks élus selon un système complexe à plusieurs niveaux qui parlent le plus de « transparence démocratique ».

Une autre forme de Franc-Maçonnerie existe, par ailleurs, en parallèle. Plus traditionnelle, elle a pour devise « force, sagesse, beauté » et préfère travailler à « la construction du Temple de l’Humanité » à partir de la construction du temple intérieur par la maîtrise de l’ego. Ainsi, si un Frère doit intervenir dans la vie sociale, en qualité d’élu, de responsable d’association ou à quelque autre titre, il devrait pouvoir rayonner suffisamment de fraternité et de tolérance du fait de sa formation maçonnique. Mais ce n’est pas à l’ordre maçonnique en tant qu’entité, à peser sur la société dans laquelle elle vit et dont elle doit respecter toutes les règles et non pas les modifier, même si c’est dans un sens positif. Ce strict respect des « landmarks » et des constitutions d’Anderson, ne fleure-t-il pas non plus le siècle dernier et ne mérite-t-il pas d’être mis à jour ?

La Loge est composée d’hommes de tous horizons qui viennent aussi du monde profane et qui sont influencés par sa pensée du moment. Un échange permanent se fait entre la condition de maçon et celle d’homme du quotidien. Cela est une symbiose qui n’autorise pas d’absolu total et oblige à tous les compromis. La perfection est un objectif mais elle n’est pas encore de ce monde. Elle est une projection vers l’infini qui s’oppose à notre condition de simples mortels. L’Esprit de la Loge, L’Égrégore, est un terreau fertile qui permet l’éclosion de l’éthique et de l’identité maçonnique. Cette fraternité de pensée permet-elle de donner des réponses pratiques à chacune de nos questions quotidiennes ? Ce qui fait la force d’une pensée, c’est son degré d’objectivité. Une façon de penser qui ne colle pas à la réalité ne peut que reposer sur le dogme. C’est là, le grand mérite de l’esprit maçonnique que de lutter contre toutes formes d’axiome et de prôner un humanisme universel au de-là de tout esprit de chapelle, de race, de culture, de sexisme et de croyances. Le symbolisme, ce langage muet, est le meilleur moyen de communiquer pour autant qu’il ne soit pas figé dans le dogmatisme.

Si les valeurs de la laïcité sont bien présente dans l’éthique maçonnique qui, par définition, doit être inter-confessionnelle, non dogmatique et doit rejeter toute forme de totalitarisme, elle ne représente qu’une partie de cette éthique qui est aussi la recherche de la sagesse, apprendre à écouter, se méfier des passions et des préjugés, retenir l’envie d’intervenir, respecter les autres et donner sa chance à celui qui en a vraiment besoin, seule une école initiatique propose ce programme, surtout si celui-ci est associé à l’introspection, au retour sur soi-même. On remarque, dans la vie profane, l’homme qui a été à cette école.

4. Conclusion

Il semble, aujourd’hui, à la veille du troisième millénaire, qu’il soit plus important que jamais de rester « vigilant ». La franc-maçonnerie est une bien curieuse institution. Elle présente en effet un certain nombre de caractéristiques qui expliquent, en partie, les fantasmes et les interrogations qu’elle suscite depuis sa création en Angleterre entre 1717 et 1723, par des huguenots français émigrés, admirateurs de Newton et manipulés par la Royal Society. Elle se présente comme une société de pensée caractéristique du XVIIIème siècle ébloui par la « scienza nuova » [4].

Mais elle est plus une communauté pneumatique qu’un club parce qu’elle prétend également assumer la transmission d’une double tradition : celle des maçons « francs » et donc du « mestier », tradition fondée sur l’interprétation du mythe d’Hiram, le constructeur du Temple de Salomon, couplée à l’autre versant du mythe fondateur, la chevalerie templière. L’histoire et l’évolution de cette double fonction permettent de comprendre la crise qu’elle traverse actuellement, surtout en France et plus particulièrement dans le cas du Grand Orient de France. Comment a-t-elle pu surmonter toutes les excommunications, condamnations et accusations justifiées ou pas ? Comment a-t-elle pu survivre par-delà ses errements et ses erreurs, ses nombreux avatars et multiples sectes, à tous les régimes politiques, y compris ceux qui l’ont martyrisé ? Certainement pas par ses prises de positions contingentes mais parce qu’elle a d’archétypal et de paradigmatique, c’est-à-dire en l’occurrence ses rites, ses mythes et surtout son système initiatique. Elle est en effet une des rares sociétés initiatiques qui proposent, en Occident, une voie pour vaincre la mort. Cette méthode particulière est fondée sur le symbolisme et le raisonnement par analogie. Ce sont là ses vraies valeurs universelles qui la rattachent à ce qu’on peut appeler « l’humanitude ».

La réponse peut toujours être trouvée dans le Cabinet de Réflexion que chaque franc-maçon devrait ne jamais oublier. Le Coq annonce l’aube du jour qui doit se faire dans les esprits. Il fait allusion aussi à la mystérieuse Quintessence, qui se dérobe à toute perception sensible et que nous ne pouvons concevoir qu’à force d’approfondir. La nécessité de descendre en soi et de pénétrer jusqu’au centre d’où jaillit la lumière intérieure, celle qui éclaire tout homme venant en ce monde, et dont la direction est indiquée par le fil à plomb.

Si nous savons ce qu’ont pu faire les Francs-Maçons du passé, ceux des « constitutions d’Anderson », au siècle dernier, à savoir, d’avoir pu réunir dans le même Temple, en une volonté commune, des hommes que tout séparait. Le Juif et le Chrétien, le riche et le pauvre, le blanc et le noir… Il serait intéressant de se poser la question, pour nous autres Francs-Maçons, à la veille du troisième millénaire, quels sont les vrais grands défis et valeurs qui nous restent encore à accomplir et à défendre, au-delà des vaines querelles dogmatiques et sexistes, pour avancer dans l’œuvre qu’ont commencés nos aïeuls. Pourrons-nous, par exemple, continuer éternellement, à ne pas reconnaître la réalité de l’initiation de nos sœurs et continuer à les appeler hypocritement « madame » ? La construction du « Temple de l’humanité » est bien loin d’être terminé et la « voûte étoilée » est encore le seul toit du Temple encore inachevé. Car le jour où cela sera fait, nous aurons alors la funeste prétention d’être l’égal de nos dieux ! Ce jour-là, à mon avis, l’Ordre sera vraiment perdu et le Temple ne sera plus que ruine…

Alors retroussons nos manches car le chantier réclame encore son lot quotidien de labeur. Car dans le Travail est la vraie et concrète réalité : L’initiation répudie tous les égoïsmes, même ceux qui visent à se satisfaire de se perfectionner soi-même en oubliant les autres. Le symbolisme de la « Règle » et celui de la « houppe dentelée » doivent toujours rester présent à nos esprits pour nous rappeler le principe fondateur de la « Chaîne d’Union », celui de la Fraternité Universelle et celui de la « juste mesure de toutes choses », La « Règle » que les anciens égyptiens appelaient la déesse « Maât ».


[1] http://www.respublica.fr/laicite/

[2] Rabelais (François), Pantagruel, 8. Bibliorum Larousse.

[3] Le Monde du 08/09/2000. Article de Bruno Étienne, franc-maçon, professeur de sciences politiques à l’Institut universitaire de France. http://www.lemonde.fr/article/0,2320,seq-2070-92950-QUO,00.html

[4]   Le Monde du 08/09/2000. Article de Bruno Étienne, franc-maçon, professeur de sciences politiques à l’Institut universitaire de France. http://www.lemonde.fr/article/0,2320,seq-2070-92950-QUO,00.html

 

SOURCE : https://www.rene-guenon.ch/index.php?option=com_content&view=article&id=37:le-miroir-du-maitre-franc-macon&catid=39:poemes-maconniques&Itemid=36

Essai d’interprétation de la Table d’Emeraude 13 février, 2021

Posté par hiram3330 dans : Recherches & Reflexions , ajouter un commentaire

8 Août 2019

Publié par Yann Leray

Essai d’interprétation de la Table d’Emeraude

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Par BPG et JVA 2008

La Table d’émeraude (Tabula Smaragdina) est un des textes les plus fameux de la littérature alchimique et hermétique. Selon la légende, il présenterait l’enseignement du mythique Hermès Trismégiste et aurait été découverte par des soldats d’Alexandre le Grand au cours de fouilles dans les galeries souterraines de la Grande Pyramide de Gizeh, où se trouvait encore le tombeau d’Hermès. Celui-ci aurait lui-même gravé les quelques lignes qui la composent sur une grosse émeraude, à l’aide d’une pointe de diamant.

 

La Table d’émeraude a été retrouvée sous différentes formes dans une vingtaine de manuscrits arabes médiévaux. La plus ancienne est en appendice d’un traité qui aurait été composé au VIe siècle (et dont on a une copie du Xe siècle (vers 825), le Livre du secret de la Création (Kitâb sirr al-Halîka) ; la question se pose de savoir s’il s’agit d’une pièce rapportée, de portée uniquement cosmologique, ou bien s’il forme un tout avec le reste, auquel cas il a aussi une signification alchimique, ce dont on ne peut douter…

 

 L’introduction du Livre est un récit qui explique que « toutes choses sont composées de quatre principes élémentaires, le chaud, le froid, l’humide et le sec », dont les combinaisons expliquent les « rapports de sympathie et d’antipathie entre les êtres.

 

Le Livre du secret de la Création se présente comme une traduction du grec d’Apollonius de Tyane, sous son nom arabe Balînûs, maître des talismans et des merveilles », qui aurait pénétré dans une crypte sous la statue d’Hermès Trismégiste et y aurait trouve la tablette d’émeraude entre les mains d’un vieillard assis. Il est intéressant de noter que se trouve pour la première fois la théorie selon laquelle que tous les métaux sont constitués à partir du soufre et du mercure, théorie fondamentale de l’alchimie au Moyen-Âge…

 

À partir de la fin du XVIe siècle, la Table d’émeraude est souvent accompagnée d’une figure symbolique. Cette figure est entourée d’une acrostiche en latin « Visita Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem », VITRIOL.

 

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La plupart des théories émises à propos de ce mystérieux texte, dont on ignore en fait à peu près tout de l’origine et de la provenance, contiennent souvent une part de vérité, mais également une bonne part d’élucubrations. Notre propos n’est pas de les décortiquer ni de les juger, mais plutôt d’expliquer comment ce document peut tout aussi bien être compris de points de vue entièrement différents.

 

Selon Eliphas Lévi, il faut comprendre la légende allégoriquement, comme d’ailleurs la plupart des légendes. La table d’émeraude en tant qu’objet n’a sans doute jamais existé, elle constitue un symbole : émeraude des sages est en effet l’un des noms du Mercure allusion à la couleur verte mentionnée par la plupart des auteurs sérieux. Dans certaines traditions, le Graal est dit être d’émeraude : il s’agit de la même allégorie. C’est le Graal qui a recueilli le sang de l’agneau immolé depuis le commencement du monde (voir l’ Evangile de Jean).

 

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Sans doute rédigée en arabe par un auteur inconnu, puis en grec et en latin, nous connaissons essentiellement ses traductions latines dont l’une des premières se retrouve dans un extrait du De Alchimia de Chrysogonus Polydorus datant de 1541. L’introduction en latin et grec rappelle que  les secrets d’Hermès étaient écrits en sur la table d’émeraude trouvée entre ses mains dans un antre obscur où fut découvert son corps inhumé.

 

La traduction française la plus connue ou tout au moins la plus utilisée semble être celle de Fulcanelli (Les Demeures Philosophales, Pauvert) ; reprenons-en les termes en tentant de les commenter brièvement.

 

1. Il est vrai  sans mensonge ;  certain et très véritable :

« Il est vrai » c’est-à-dire au principe; «sans mensonge  »: cette vérité est exposée sans voile, et aussi qui transcende le plan des illusions et de la dualité ; certain et très véritable : c’est-à-dire en théorie aussi bien qu’en application, concrètement. C’est donc une vérité valable à tous les niveaux de la création, en vertu de sa dimension quadruple. On pourra naturellement faire le parallèle avec le divin tétragramme des cabalistes.

 

2. Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas,

La célébrissime phrase vient ensuite est tellement célèbre et continuellement citée qu’il est permis de se demander si son utilisation n’est pas parfois abusive ou moyennement comprise… Si l’on se réfère au dogme quasi-universel des analogies : parle-t-on, dans le cas de la Table d’Emeraude :

   • d’équivalence, d’identité, de similitude,

   • d’une explication complète et ultime d’un Principe Unique,

   • de l’Un dans le Multiple,

   • d’une prémonition de la Théorie du Tout ?

   • ou d’une perception de cette Loi Universelle qui, du macrocosme au microcosme, régit toutes les choses dans leur ensemble, et chaque chose dans son détail.

 

3. Et de même que toutes choses se sont faites d’un seul, par la médiation d’un seul.

Lorsque Hermès nous dit « que toutes choses se sont faites d’un seul, il s’agit du principe, et par la médiation d’un seul, il serait question d’un seul « agent », peut-être celui-là même qui est appelé Akasha par les orientaux, Lumière Astrale par Paracelse ; Vierge Sidérale, Notre Mercure ou encore « AZOT » par les alchimistes. C’est l’Ame universelle, la cause de l’existence, emplissant tout l’espace, et même étant dans un sens l’espace lui-même, d’après H.P. Blavatsky. Quant à « par la médiation d’un seul », il s’agirait du Grand Agent magique, ou lumière astrale, dont Eliphas nous dit qu’il est vivant par deux forces contraires : une force d’attraction et une force de projection, ce qui fait dire à Hermès, que toujours il monte et descend : il monte de la terre au ciel, et derechef il redescend, s’étant chargé de la puissance des choses d’en haut et d’en bas. C’est par cette double force que tout est créé et que tout subsiste. Son mouvement est un enroulement et un déroulement successifs et indéfinis, ou plutôt simultanés et perpétuels, par spirales de mouvements contraires, qui ne se rencontrent jamais.

 

4. Toutes choses sont nées de cette même unique chose, par adaptation.

L’Agent est en même temps le substrat du monde matériel. L’équation E=mc2 n’indique-t-elle pas d’ailleurs l’équivalence entre l’énergie (E), la masse annihilée ou matière (m), et la vitesse de la lumière (c).

 

Depuis l’ Antiquité les philosophes grecs ont ouvert la voie au rêve d’une  théorie univoque de l’Univers, que ce soit Anaxagore : « les parties homogènes infinies en nombre résultent de la dissociation d’un mélange unique, toutes étant contenues dan le tout, et chacune devant son caractère à l’élément qui prédomine » ou de Platon qui en soulignait la vanité : « Dieu seul peut mêler plusieurs en un seul et inversement, dissoudre un seul en plusieurs ; aucun homme n’en est ni n’en sera jamais capable ».

 

Il est tentant de rapprocher la recherche d’une « Loi Universelle » de la « Théorie de Tout ». Pourtant, si le globalisme, récusant aussi bien la limite que la division, appartient au champ religieux et idéologique, le symbole est son moyen privilégié ; il saisit immédiatement par l’intuition la forme du tout, même complexe, que ce soit une mandala ou une formule ésotérique : c’est la totalité de l’univers, de la Nature et de l’Histoire qui semble convoquée : en reprochant à la rationalité d’appauvrir en réduisant, il est un rêve plutôt qu’un savoir !

 

Cependant, Stephen Hawking nous avertit : « Si l’on découvrait un jour la théorie complète (unitaire ?) celle-ci devrait être compréhensible par tout le monde , alors nous connaîtrons le pensée de Dieu : pure, objective, et nettoyée de la « buée humaine », la théorie ultime nous révèlerait le monde tel qu’il serait sans nous » (mais « la buée humaine » sera sans doute encore là !)

 

L’Alchimie constitue-t-elle une certaine approche de la Loi Universelle, puisqu’elle rêvait de tenir le Tout dans une formule ! L’Ars Magna, par son ambition totalisante, semble se rapprocher de la Théorie du Tout des physiciens contemporains, en ce sens qu’il s’agirait dans tous les cas, de trouver la clé de voûte de l’Univers caché dans la matière, et de permettre ainsi à la simplicité formelle d’exprimer toute la complexité du réel.

 

Pour les alchimistes, la matière doit son existence à une énergie subtile, nommée Feu, ou Esprit Universel. Sans considération des questions d’échelle, réévaluer le postulat hermétique de l’unité de la matière à la lumière des découvertes contemporaines, réhabiliterait l’unité du corps et de l’esprit, du microcosme et du macrocosme…

 

Et si l’on évoqué l’image d’un continuum cosmologique et biologique : qu’en est-il de la Nature, et en particulier des 3 règnes : minéral, végétal, animal. Peut-être devrions-nous plutôt parler d’unité cosmique, véritable leitmotiv des alchimistes. La Nature est UNE, et l’homme y ait totalement intégré, Les philosophes allemands du 19ème siècle, jusqu’à SCHOPENHAUER, avaient assimilé un certain nombre d’idées provenant du bouddhisme, et estimaient que la Nature est un tout, pour ne pas dire LE TOUT… Rappelons-nous le Parsifal de Wagner.

 

Si l’on se réfère au texte arabe dont elle serait issue, on trouve en effet que cette phrase pourrait se traduire par « Ce qui est en bas correspond (ou communique avec) comme ce qui est en haut et réciproquement ». Ce point est particulièrement mis en évidence dans le XIIème Arcane du Tarot : le Pendu.

 

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La position d’un homme renversé, la tête en bas, pendu par un pied à un portique, avec la jambe libre repliée à la hauteur du genou et les mains liées derrière le dos, évoque naturellement de prime abord les idées de gravitation et nous plonge dans le problème du rapport entre l’homme et la gravitation, ainsi que des conflits que ce rapport comporte Par sa « tension de solitude », il désigne ceux dont la volonté est soumise à la gravitation de « ce monde » comme « enfants de ce monde » et ceux dont la volonté suit la gravitation du « Ciel ».

 

Du Microcosme au Macrocosme la gravitation physique, psychique et spirituelle occupe la place centrale comme facteur d’ordre dans le système solaire, dans le système de l’atome, dans la cellule biologique, dans l’organisme biologique, dans le mécanisme de la mémoire et de l’association d’idées, dans l’organisme social, dans la formation des communautés où l’on partage une manière de vivre, une doctrine ou un idéal, et enfin dans le processus de l’évolution biologique, psychique et spirituelle où un centre de gravitation, prototype universel comme cause finale, est à l’œuvre à travers les âges.

 

Le domaine de notre liberté même, notre vie spirituelle, manifeste la présence réelle et active d’une gravitation d’ordre spirituel, se trouve placé entre deux champs de gravitation avec deux centres différents. « Ciel » et « ce Monde », ou « Royaume des Cieux ». et « royaume du Prince de ce monde ». Et il désigne ceux dont la volonté est soumise à la gravitation de « ce monde » comme « enfants de ce monde » et ceux dont la volonté suit la gravitation du « Ciel » comme « enfants ou fils de la lumière ». Le pendu est le représentant de « l’homme véritablement humain » qui se trouve entre les deux royaumes, celui du monde d’en bas et celui du monde d’en haut.

 

Il est d’ailleurs significatif que le terme « chute » soit emprunté au domaine de la gravitation, car choisi pour désigner l’événement primordial qui détermina le changement de l’état de l’homme, du « Paradis », à l’état terrestre du labeur, de la souffrance et de la mort, En effet, rien ne s’oppose à la conception de la chute d’Adam comme passage du système de la gravitation spirituelle, dont le centre est Dieu, au système de la gravitation terrestre, dont le centre est le Serpent. La chute comme phénomène, peut bien être comprise comme le passage d’un champ de gravitation dans un autre.

 

L’être humain participe à ces deux champs de gravitation, c’est-à-dire des penchants par lesquels les deux champs de gravitation ; lorsqu’il vit sous l’emprise de la gravitation de « ce monde » aux dépens de la gravitation du « ciel », il est « homme charnel »; celui qui vit dans l’équilibre des deux champs de gravitation est « homme psychique », enfin l’homme qui vit sous l’emprise de la gravitation du « ciel » est « homme spirituel ».

 

Le Pendu représente un homme renversé, c’est-à-dire l’état de l’homme dans la vie duquel la gravitation d’en haut a remplacé celle d’en bas. Pour lui, il n’y a pas identité de ce qui est en haut avec ce qui est en bas mais tension de solitude, élément propre aux âmes sous l’emprise de l’attraction d’en haut. L’attraction du ciel est tellement réelle qu’elle peut saisir, non seulement l’âme, mais encore le corps physique. Alors le corps est emporté et ne touche plus la terre.

 

5. Il monte de la terre au ciel, et derechef il descend en terre, et reçoit la force des choses d’en haut et d’en bas,

Nous révèle Hermès Trismégiste en rappelant que le grand courant d’énergie mercurielle (une énergie « malléable », analogue au mercure métal liquide, que le Verbe dynamise constamment, en y imprimant des formes-pensées) monte et descend des interstices de l’univers. A un certain niveau d’interprétation, cela est exprimé métaphoriquement dans le songe de Jacob : « Voilà qu’une échelle était dressée sur la terre et que son sommet atteignait le ciel, et des anges de Dieu y montaient et descendaient » (Gen. 28,12). Nous pouvons voir dans ces « anges » les agents du Verbe créateur, et dans les barreaux de l’échelle les transitions existant entre les plans de la création. L’Homme possède son propre Verbe, conséquence directe du libre arbitre qui le caractérise.

 

Et l’Hermétisme chrétien reprend ce thème : voir le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre. (Jean, J, 45-51), formule de l’essence et de la Tradition. Et tous ceux qui ont vu le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre, représentent la Tradition , tel que Saint François d’Assise, un Initié du premier ordre de la Tradition de l’Hermétisme chrétien : le « poverello » qui parlait le langage des oiseaux, sans érudition et sans règles, non seulement il a vu le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre, mais encore il est devenu conforme à l’Initiateur lui-même de toute initiation authentique dans l’acte de l’Initiation accompli par le séraphin d’en haut…

 

6. Tu sépareras la terre du feu, le subtil de l’épais, avec délicatesse et une extrême prudence.

Une fois l’énigme de la Matière Première élucidée, il faut en libérer le Soufre et le Mercure, et les purifier. Hermès conseille, à un autre niveau, de travailler en même temps à affranchir l’esprit de la matière, ou l’âme de ses vices. C’est la nécessaire mort initiatique, car l’alchimie en laboratoire doit obligatoirement s’accompagner d’une alchimie « spirituelle ». Seule une âme purifiée peut être à même de déchiffrer le livre de la Nature, et donc de tirer la substantifique moelle des écrits alchimiques.

 

 Naturellement il existe une relation profonde Alchimie et Cosmologie. En effet, chaque métal est mis en rapport avec une planète : les adeptes étudient ainsi les influences planétaires sur la formation des métaux au sein de la terre.

 

 Les alchimistes disent que comme tous les êtres créés ont la même origine : la prima materia ; les métaux sont considérés comme des êtres vivants : « Les métaux sont tous semblables dans leur essence, ils ne diffèrent que par leur forme » (Albert le Grand, De Alchimia).

 

Il est instructif de noter que l’on ne pouvait fondre un métal qu’à certains jours favorables. Ce sont là des racines archétypales ou archaïques que Jung remis à jour grâce à sa fréquentation de l’alchimie, et qui se réfère au principe de la synchronicité. Zozime disait qu’il existe deux voies : celle des transformations ordinaires des métaux, astrologiquement magiques, basées sur la superstition, et celle des transformations kaïrikai. Ce mot provient de Kaïros, et désigne le moment favorable, et pas seulement du point de vue astrologique.

 

On peut rapprocher cela de la notion chinoise du Tao, ce que l’on ne peut atteindre que par le sentiment : « Pas aujourd’hui, pas encore…maintenant c’est le moment ! ». Cela signifie qu’il faut toujours, à l’aide de la méditation, trouver le moment intérieurement juste.

 

7. Le Soleil est son père, la Lune est sa mère; le Vent l’a porté dans son ventre et la Terre est sa nourrice.

Il s’agit naturellement d’une part d’une allusion aux quatre éléments ou principes élémentaires : Feu, Eau, Air et Terre. A propos de la théorie des quatre éléments, déjà en vogue au temps d’Empédocle d’Agrigente, Oswald Wirth souligne que ce ne sont pas des corps, ni simples, ni composés, mais des tendances polarisantes qui engendrent les qualités élémentaires : chaud et froid, sec et humide; qui débrouillent le Chaos.

 

8. Le Soleil est son père, la Lune est sa mère :

Le Soleil est la source de notre lumière, que la Lune réfléchit durant la nuit. C’est aussi une allusion à la polarisation de l’AZOT. Les anciens voyaient la Lune comme un miroir concentrant la lumière : lumière solaire bien sûr, mais aussi lumière des autres astres…

 

En ce qui concerne la Cosmogonie Hermétique, il n’est pas sans rappeler la gnose manichéenne : la correspondance entre la Lumière et l’Esprit Divin et sa matérialisation, son emprisonnement dans la matière, qui se retrouve dans certaines cultures, croyances ou religions. En bref dans l’Epître du Fondement, il est qu’au Commencement, dans le « Temps Antérieur », les deux substances, la Lumière et l’Obscurité, le Bien et le Mal, Dieu et matière, principes inengendrés de deux mondes, coexistent . Le souffle de l’Esprit répand Lumière et Vie sur les éléments qui constituent ce domaine, 5 demeures ou « arbres lumineux » (que sont l’intelligence la pensée, la réflexion, la volonté et la raison) auxquels s’opposent cinq éléments, ou « Arbres de Mort », du « Royaume des Ténèbres ». Ultérieurement, dans le « Temps Médian », se produit un gigantesque combat cosmique, au cours duquel le Père des Lumières projette la Mère de la Vie, qui a son tour fait sortir l’Homme Primordial, qui affronte les ténèbres, protégé par une armure de 5 lumières : l’Air, le Vent, (le Vent l’a porté dans son ventre !) la Lumière, l’Eau, et le Feu.

 

 

Une certaine approche contemporaine de la Table d’Emeraude

 

Au début du XXe siècle la pensée alchimique trouve un écho chez les surréalistes : en 1930, André Breton reprend l’axiome principal de la Table d’émeraude dans le Second manifeste du surréalisme : « tout porte à croire qu’il existe un certain point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement ».

 

Mais lorsque les Pythagoriciens de la Grèce Antique avaient attribué à Hermès, le nom de « Trismegistos », car « il possédait la Connaissance des trois Mondes», on peut se demander à quels plans de conscience et à quelles réalités ils se référaient dans les anciens Mystères égyptiens, orphiques et éleusiens.

 

Certains chercheurs ont estimé que les trois Mondes étaient ceux du corps, de l’âme et de l’esprit, ainsi que l’enseigne la théologie chrétienne. Il existe en effet un monde physique, qui correspond au niveau de la matière et que nous expérimentons au cours de nos différentes incarnations terrestres, un monde spirituel, celui de l’âme immortelle, que nous rejoignons en fin d’incarnation, et enfin un monde divin, celui de l’Esprit éternel et tout-puissant.

 

D’autres y ont vu une manière ésotérique d’évoquer la confrontation de l’être humain à une réalité de type tridimensionnel, à l’intérieur de laquelle nous nous exprimons grâce aux trois instruments que sont notre intellect (vecteur de la pensée), notre cœur (vecteur du sentiment), et notre volonté (vecteur de l’action). C’est ce qu’enseignait notamment qui s’était surtout efforcé d’éclairer un sujet : les deux natures de l’être humain, sa nature supérieure et sa nature inférieure, parce que c’est la clé qui permet de résoudre tous les problèmes.

 

Sous le nom de Thot, Hermès aurait en effet été investi de « l’Autorité des trois Mondes » grâce à laquelle il put fonder une religion solaire et créer des sanctuaires initiatiques en Égypte.

 

En tant que premier grand hiérophante, Hermès-Thot aurait été le seul chef spirituel à détenir cette « Connaissance des Trois Mondes », et elle constituait le fondement de son autorité. Il se pourrait donc que les clés en soient codées dans la Table d’Émeraude.

 

Le Trismégiste : la Tri-unité : notre Univers est triple, car il est constitué de trois essences : une essence matérielle, une essence antimatérielle et une essence spirituelle. L’Univers se compose ainsi de trois « sous-univers » qui s’articulent et s’imbriquent l’un dans l’autre, un peu à la manière des matriochkas russes : l’univers matériel (le nôtre), l’anti-univers (le double de notre univers), lui-aussi tridimensionnel mais formé d’antimatière, et l’univers spirituel (dont les deux autres sont issus).

 

Les trois Mondes d’Hermès recouvrent et incluent ces deux approches, mais il se réfèrent surtout à une autre réalité qui, jusqu’ici, n’a pas encore été clairement identifiée par les spiritualistes : il s’agit de celle de la matière, de l’antimatière et de l’anti-univers.

Alors le Grand Agent serait-il ce « fluide astral », ciment de la matière ? Quant à une Théorie Univoque de l’Univers laissons le dernier mot à Garett Lisi, qui aurait émis une « théorie exceptionnellement simple » : « tous les champs de modèles standard et de gravitation sont unifiés dans un faisceau principal de connexion E8. Une forme réelle non compacte sub-algébrique comporte E8 et F4 et se subdivise en électron fort S(3), en électron faible su(2) x u(1), en gravitationnel so(3,1), et en cadre de Higgs, ainsi que trois générations fermions reliés par trialité. Les interactions et dynamiques de ces formes 1 et des valeurs de Grassmann correspondant à la superconnection d’E8 sont décrits par la courbure et l’action sur une base multiple quadri –dimensionnelle (A. Garett Lisi, An exceptionally simple Théory of Everything, Nov 2007, Trad de l’auteur).

 

Est-ce de l’hermétisme ?…

SOURCE : http://www.lesamisdhermes.com/2019/08/essai-d-interpretation-de-la-table-d-emeraude.html?utm_source=_ob_email&utm_medium=_ob_notification&utm_campaign=_ob_pushmail

L’initiation maçonnique entre tradition et modernité 7 février, 2021

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Conférence : L’initiation maçonnique entre tradition et modernité :

Version filmé : http://www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/anx_conferences_2016/a.c_160528_samedi_savoirs.html

Version écrite : https://yveshivertmesseca.wordpress.com/2016/06/16/linitiation-maconnique-entre-tradition-et-modernite-2/

L’initiation maçonnique entre tradition et modernité

Parler d’initiation maçonnique présuppose que la franc-maçonnerie initiationau18mescopiesoit une société initiatique. La chose ne va pas de soi ni dans le temps, ni dans l’espace. A sa naissance en 1717, la franc-maçonnerie dite spéculative était d’abord une friendly society (mutual society) progressivement intellectualisée par l’arrivée de fellows de la Royal Society et de gentlemen. Ainsi la définition avancée par la franc-maçonnerie anglaise d’aujourd’hui est toujours éthique et civique puisqu’elle se présente comme « a system of morality veiled in allegory and illustrated by symbols», même si de nombreux acteurs sociaux d’Outre-Manche (et d’Outre-Atlantique) vivent la pratique maçonnique comme un processus de construction spirituelle individualisée. Plus affirmée, la faction clubiste de la franc-maçonnerie latino-francophone refuse toute vision initiatique ou alors sous une forme abâtardie ou dévoyée.

initiation2Pourtant la référence aux secrets professionnels du Craft (Mestier) laissait déjà sous-entendre un enseignement caché à découvrir. C’est donc progressivement et plus ou moins rapidement et complètement que la franc-maçonnerie devint l’Art Royal par une plus ou moins grande assimilation/imitation des doctrines, récits et usages de mystères antiques, de certains cultes gréco-asiatiques, de l’ésotérisme médiéval, du corpus salomonien, de la kabbale chrétienne et juive, de l’alchimie, de l’architecture et de la géométrie, lues à la fois comme science et pensée ésotérique, du rosicrucisme, de l’illuminisme, de l’égyptomanie du XVIIIe siècle, de l’occultisme du XIXe, de la psychologie des profondeurs, de la psychanalyse, des apports de l’anthropologie et du spiritual revival post 1945. En passant sur le continent, des éléments nouveaux s’y amalgamèrent dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle : épreuves physiques, voyages les yeux bandés, emprunts chevaleresques, référence à trois ou quatre éléments (terre, air, eau, feu), cérémonie du sang, calice d’amertume ou menaces grandiloquentes en cas de parjure.

Ce processus se retrouve dans la taxinomie maçonnique. Dans les Constitutions d’Anderson, comme dans la Masonry Dissected de Samuel Prichard (1730), première divulgation du rite des Modernes, dans Ahiman Rezon (1756), de Laurence Dermott, premier dévoilement du rite des Anciens ou encore dans les usages anglo-saxons actuels, l’expression la plus usitée est « to make a mason », ou « to enter » ou « to admit »t (avec le double sens de recevoir ou d’affilier). Une situation assez voisine se retrouvait en France. Durant tout le XVIIIe siècle, on appelle le plus souvent l’admission d’un néophyte au grade d’apprenti « réception ». Pourtant dans les textes anglais et français, « initier », « initiation », « in initiating » (sens d’admission en maçonnerie) font une apparition discrète mais constante. Dans le manuscrit du rite Moderne dit Français (1786), le terme apparaît quatre fois dans le rituel du grade d’apprenti. Au demeurant, la carence de nomination ne signifie pas l’absence du fait initiatique. Au-delà de cette querelle d’Allemand (si on peut dire), la question est de savoir si la réception et le cheminement dans la franc-maçonnerie s’inscrit dans la grande famille des rites de passage.

 

Présentement, il est donc largement admis que la franc-maçonnerie est une société initiatique bien qu’elle soit bien d’autres choses en tant que fait social et culturel. L’initiation maçonnique s’inscrit dans rsz_mummersun phénomène quasi universel, polyphonique et polysémique, y compris dans son sens trivial. L’emploi du terme s’est généralisée aujourd’hui pour signifier le simple fait de mettre au courant un individu aussi bien d’une technique, d’un fonctionnement d’un objet, d’approches scientifiques que des modalités d’une profession alors qu’il désigne stricto sensu l’ensemble des cérémonies par lesquelles sont admis obligatoirement ou volontairement des néophytes à la connaissance de certains « mystères », secrets ou pratiques ou à des réceptions par âge, par classe, par sexe. Elle s’exprime dans un processus destiné à réaliser socialement, culturellement, psychologiquement, voire psychanalytiquement, un passage d’un état réputé inférieur à un état réputé supérieur. L’initiation, au sens ethnologique, fut, est et demeure un des mécanismes de socialisation qui permet de faire passer l’individu à une nouvelle identité. Elle est donc à la fois une admission et une accession : admission à une communauté constituée comme inclusive de ses membres et exclusive du reste de la société dans laquelle le groupe recrute ; accession à un stade nouveau de connaissance et/ou de statut.

Classiquement, on distingue trois types d’initiation décrite par l’ethnologue et folkloriste Arnold van Gennep (1873-1857)[1] :

TURMI, OMO VALLEY, ETHIOPIA - DECEMBER 30, 2013: Portrait of unidentified mature Hamar woman at bull jumping ceremony. Jumping of the bull is a rite of passage into manhood in some Omo Valley tribes.

*** « tribale », clanique, obligatoire, collective, par groupe d’âge et par sexe[2], elle a pour but d’intégrer l’individu dans la société à une place assignée ;

*** « religieuse », volontaire, le plus souvent 250px-NAMA_Mystères_d'Eleusismonosexuée[3], elle ouvre l’accès à des sociétés secrètes et/ou à secrets, à des groupes fermés et/ou discrets ou à des confréries fermées ;

initiation-aux-rituels-et-chants-chamaniques-mongols-main*** « magique », chamanique, individuelle, le plus souvent, elle vise à compléter ou bien à provoquer une personnalité « aberrante » à s’échapper à la condition humaine, pour obtenir des pouvoirs surnaturels, le groupe profane constatant l’efficience de ladite initiation.

Dans ce tableau, l’initiation apparait comme un rite de passage particulier[4]. Même si l’ouvrage de van Gennep demeure un classique, des travaux plus récents ont apporté des nuances, des précisions, des ouvertures & des relectures[5]. Ainsi Mary Douglas (1921-2007) affirma que le terme de rite est souvent synonyme de symbole. Il n’y a pas de rapports sociaux sans symbolisation. Elle ouvrait ainsi le champ du rite, en y assimilant les actes dits symboliques, conceptualisant qu’il existe des rites en dehors de la sphère religieuse stricto sensu[6]. Max Gluckman (1911-1975) mit en évidence une considération fonctionnelle négligée par van Gennep : les rites en général, et les rites de passage en particulier, ont vocation, entre autres, à résoudre des conflits, ou du moins à apaiser des tensions inhérentes à toute organisation sociale[7]. Un de ses élèves, Victor Turner (1920-1983), insistera sur le fait que dans divers rites, la phase centrale ou liminaire est caractérisée paraborigine_double_roasting_initiation l’humiliation des futurs bénéficiaires de l’initiation. Il propose d’associer cette situation au concept de communitas (communauté homogène, égalitaire et fondée sur des liens interpersonnels, par opposition à la société ordinaire, différencié et inégalitaire). Les vexations durant l’admission dans la communitas sont des rites d’inversion qui donnent à voir le caractère construit et relatif des hiérarchies sociales. L’ethnologue et sociologue française Martine Segalen a mis en évidence la capacité du rite de passage à s’adapter au changement social, à avoir plusieurs sens, à s’infléchir, évoluer et se métamorphoser avec le temps[8]. Plus critique envers van Gennep, Pierre Bourdieu (1930-2002) lui reproche d’avoir ignoré la fonction sociale du rite de passage : il souligne qu’une de ses fonctions n’est pas de de séparer ceux qui l’ont subi de ceux qui ne l’ont pas subi, mais de ceux qui ne le subiront jamais[9]. Enrichi de significations nouvelles, le rite de passage perdit un peu de sa spécificité : il n’apparaît plus comme un dispositif symbolique sui generis, mais comme une des formes parmi d’autres que peut prendre l’expression des tensions fondamentales des sociétés humaines. Ainsi aujourd’hui, la notion de rite de passage n’est plus guère employée qu’à titre descriptif pour désigner les initiations stricto sensu, voire même les seules initiations « tribales ».

Quoi qu’il en soit pour que l’on puisse parler de rite (de passage ou non), il faut :

*** une conduite spécifique et particulière, individuelle et/ou collective ;

*** un support corporel (verbal, gestuel, postural, etc°) ;

*** des règles codifiées, même si une marge d’improvisation est admise ;

*** un caractère plus ou moins répétitif d’une conduite exprimant quelque chose de plus qu’elle et destinée à être répétée ;

*** une forte charge symbolique sur les acteurs, voire pour les témoins ;Escalier-en-spirale-copie-1

***  une adhésion mentale, éventuellement non conscientisée, de l’ordre du croire et un certain rapport au sacré ;

*** une efficacité attendue ne relevant pas, aux yeux des acteurs sociaux, d’une seule logique.

Peut-on reconnaître dans les diverses caractéristiques de l’initiation énoncées ci-avant des traits communs à l’initiation maçonnique ? Rite de passage incontestable, l’initiation maçonnique s’inscrit dans la famille des initiations dites « religieuses ». Elle relève donc de la reliance telle que l’on définit Roger Clausse[10], Edgar Morin[11], Michel Maffesoli[12] et Marcel Bolle de Bal[13].

ritconf_logoDepuis le XVIIIe siècle, les maçons ont beaucoup glosé sur l’origine, l’évolution, le sens et la portée de l’initiation que la grande majorité des acteurs sociaux proclame pourtant inexprimable ou intransmissible (il est vrai lorsqu’elle parle de son vécu brut). Néanmoins toutes les versions rituelles de réception et les discours doctrinaux sur l’initiation présentent des structures communes. La franc-maçonnerie y est définie comme une institution traditionnelle initiatique fondée sur des mythes et qui pratique des rites en utilisant des symboles, et destinée à la mise sur la voie d’un individu volontaire dans le but de se réaliser spirituellement. Elle se veut donc un Ordre séculier dont la finalité première est la libération intérieure du cherchant par un cheminement en résonance avec d’une part, l’acronyme à prétention alchimique et hermétiste V.I.T. R.I.O.L. et d’autre part, la sentence delphienne[14] reprise par Socrate[15] Γνῶθι σεαυτόν (Gnỗthi seautόn) : Connais-toi, toi-même

Le premier signifie Visita Interiora Terrae, Rectificandoque, Invenies Occultum Lapidem soit Visite l’intérieur (explore le tréfonds) de la terre et VITRIOL1en (la) rectifiant (purifiant) tu trouveras la pierre cachée (occulte). Le vitriol [les sulfates] est le solve alchimique qui contribue à « dissoudre » le profane lors de l’initiation. C’est sur cette pierre cachée, rectifiée, purifiée que l’adepte est invité à bâtir son temple intérieur pour se mettre à l’abri des « intempéries ». Mais il doit par un travail de décantation et de purification qui lui permettra de « séparer le subtil de l’épais » trouver cette pierre cachée dite philosophale, au plus profond de lui-même.

gnothi-seautonLe second même s’il ne correspond pas parfaitement à la maïeutique socratique invite à la connaissance de soi c’est-à-dire au savoir qu’une personne acquiert sur elle par la rectitude de la pensée, l’esprit critique et l’acceptation du regard extérieur nécessitant introspection, lucidité, libre arbitre, congruence et maîtrise de soi.

L’initiation maçonnique est donc à la fois un commencement (initio,  initium) et un but (teletè, telos). En latin, initium, d’ineo (aller dans) signifie commencement, début, naissance. Au pluriel, le mot désigne plutôt la naissance, la cause première, les fondements. Initus équivaut également à entrée, commencement, pénétration sexuelle. Initiare veut dire instruire ou commencer, initiatio, l’initiation, initiatur, l’initiateur. En Grec ancien, télos (τελός) signifie la fin, la complétion, l’aboutissement, la perfection. Les rites initiatiques se disent telea, initier, telein, l’initiation, teletè et les initiés, teloumenoi. Initium et télété représentent les deux aspects de la démarche initiatique maçonnique. L’un est la mise en chemin, l’autre, le chemin et le but. L’initiation maçonnique est un moment/passage (ou plusieurs) et un processus dans la durée (très variable, voire sans fin sur la terre) qui font sens, à la fois comme signification et direction.

Depuis longtemps, le mot initiation désigne le plus souvent, et parfois exclusivement, la cérémonie de réception du profane en maçonnerie et par extension les admissions aux grades suivants, y compris les post-magistraux même si elles sont nommées sous d’autres appellations : avancement, élévation, exaltation, adoubement. Il s’agit d’une succession de rites de passage tels que les définit van Gennep. La réception en loge et l’exaltation à la maîtrise s’apparentent aux rites cycliques, certaines cérémonies post-magistrales relèvent de la tradition chevaleresque alors que l’avancement au compagnonnage ou la réception comme Maître Maçon de la Marque ont conservé un aspect grandement corporatif. Mais progressivement, l’initiation maçonnique s’est trouvée investie d’un deuxième sens, à savoir un long, lent et permanent processus de transformation du cherchant depuis sa réception comme apprenti jusqu’au passage à l’Orient Eternel. Entrée dans l’Ordre, réceptions successives, présence en loge, pratiques rituéliques conduisent à une socialisation maçonnique, à l’apprentissage du vivre ensemble en loge, à l’intériorisation des normes et des valeurs maçonniques et à la construction de la nouvelle identité psycho-sociale du maçon, bref à un véritable habitus plus au sens « maussien »[16] ou « éliasien »[17] que bourdien[18]. Cette socialisation est-elle compatible/complémentaire avec la connaissance de soi, revendiquée par de nombreux acteurs sociaux. autre-soi-memeSi l’initiation est perçue comme une méthode de la connaissance de soi, il est loisible de se demander si la connaissance de soi est possible ? En effet comme l’écrit Nietzche, « l’intellect, en tant que moyen de conservation de l’individu, déploie ses principales forces de travestissement »[19]. La conscience de soi n’est pas spontanément une connaissance de soi. Elle ne peut être une connaissance de type « scientifique » car un sujet ne peut être objectivé. Elle ne peut être non plus une analyse/pratique psycho-pathologique. Pour qu’un individu puisse faire l’expérience de son être, il y faut une médiation, voire plusieurs. L’ Art royal peut-il être un de ces outils ? Est-ce alors une initiation ? Une anthropologie clinique entre dévoilement d’une essence ontologique et quête d’une aventure spirituelle ?

 

L’initiation maçonnique présente quelques traits communs à toute initiation avec des spécificités et des variantes propres liées le plus souvent aux perspectives métaphysique, spirituelle, culturelle, philosophique et/ou psycho-sociale: dans lesquelles le cherchant situe sa quête, les choix individuels des acteurs sociaux étant parfois contradictoires.

Quoi qu’il en soit d’abord, le parcours se fait toujours d’un statut réputé inférieur à un statut réputé supérieur, de l’extérieur (monde profane, environnement exotérique, conscient, « anciennes connaissances ») vers l’intérieur (monde sacré, ésotérisme, psyche2drose0profondeur de la psyché, nouveaux enseignements), symboliquement de la mort vers la vie, le parcours inverse étant impossible. Aussi si les obédiences peuvent s’extérioriser si elles le jugent utiles, et si le maçon comme citoyen (et seulement comme tel) croit pouvoir « répandre à l’extérieur » des « vérités apprises » dans la loge, il est très difficile à l’initié de rendre compte de sa propre initiation. Ce qui se passe durant une initiation maçonnique est à la fois étonnant, tangible et difficilement partageable[20]. L’initiation ne demande pas de dispositions particulières, sauf d’ « être libre et de bonnes mœurs » (« juste, droit, libre, majeur, de jugement sain et de mœurs strictes »)[21]. Elle est donc théoriquement accessible au plus grand nombre, mais elle n’est pas faite pour tout le monde dans la mesure où elle exige un certain rapport à la parole, au silence, à la gestuelle codifiée, aux usages du groupe, à la vérité et au sacré. Le cheminot doit pouvoir supporter les effets de sa quête, ce qui n’est pas donné à tout le monde d’où des rejets provisoires ou définitifs, des abandons mais aussi des refus de certains maçons d’accepter le fait initiatique ou alors du bout du tablier. L’appartenance à une obédience ne vaut pas brevet d’initiation.

Ensuite, la séquence centrale de l’initiation est une époptie, c’est-à-dire une représentation théâtrale du mythe principal et de l’enseignement du secret propres au groupe maçonnique en général, et aux degrés (ou groupe de degrés) en particulier, à partir de jeux scéniques. Comme la plupart des autres initiations, la maçonnique est à la fois un mimodrame et un théâtre parlé dans lesquelles le récit, les gestes, les mimes, les bruits mais également la musique, voire les sensations (stimulations des sens), la mise en scène jouent un rôle central et complémentaire.

Trois thématiques y dominent : l’une est structurée autour du monde de la construction. Ce concept est omniprésente dans la franc-maçonnerie (Pyramides, Tour de Babel, Temples de Jérusalem, Cathédrales). Certes le modèle est le temple dit de Salomon tel queTemple-de-Salomon-1784 le décrit la Bible (1er Livre des Rois, 6-8 ; 2e Livre des Rois, 3-5) mais l’édifice va bien au-delà. Il donne le cadre spatio-temporel dans lequel s’exprime l’imaginaire et l’initiatique maçonniques, entre midi et minuit, de l’orient à l’occident. Un peu comme la scène du théâtre et ses décors, ce cadre est également le vrai/faux lieu de l’activité maçonnique où sont mis en action les rites de passage et le plaisir pour les maçons d’être inclus ensemble. Mais le mythe de la construction en maçonnerie s’active et se féconde dans un mouvement plus ample que l’on peut nommer sans jeu de mots (encore que !) le constructivisme maçonnique, c’est-à-dire la construction/déconstruction/reconstruction à la fois d’un humain debout, d’un édifice spirituel et d’un monde meilleur. Ce processus double comme mise en chemin et comme complétion préempte, engendre, porte la transformation de la vision et du comportement du maçon. Dans cette perspective constructiviste, il y a initiation lorsque le cherchant développe, construit et adapte continuellement sa pratique, sa pensée et sa psyché avec les autres membres de la confrérie, avec les outils, les techniques et le corpus du métier et avec lui-même. Ainsi, il y a analogie entre la construction du Templum Dei (ou sa version sécularisée dite du temple  de l’humanité) et celle du temple intérieur de chaque maçon, entre l’espérance de la cité idéale et la résilience du cherchant après chaque étape initiatique. Ciselant le tout, la franc-maçonnerie a intégré dans son corpus initiatique le mythe de la chevalerie médiévale avec ses valeurs de loyauté, dePenthesilea_as_one_of_the_Nine_Female_Worthie solidarité envers les faibles et de vertu/virtù, récits qui structurent une grande partie des grades post-magistraux.

Mais la plus importante des thématiques initiatiques maçonniques est la nécessité d’une nouvelle naissance, après destruction de l’ancienne personnalité dans le but de faire ressusciter le cherchant à une vie nouvelle. Celui qui est né doit mourir pour renaître. L’initiation maçonnique a des correspondances évidentes avec les mythes thanatologiques[22], les conduites du deuil et les eschatologies (discours sur les fins dernières). La « résistance » à la mort (qui n’est pas le refus d’accepter la finitude psychocorporelle terrestre) est une constance anthropologique. La mort/renaissance est une des attitudes/réponses. La franc-maçonnerie postule une ontologie de la survie[23] que l’on pourrait qualifier de manière oxymorique comme une « eschatologie agnostique » puisqu’elle ne tranche pas l’après[24], entre simple survie dans la mémoire des confrères, possible « amortalité » technico-scientifique, après-vie, réincarnation, métempsychose, métensomatose, palingénésie, résurrection. Le parricide/fratricide d’Hiram, mythe fondateur,
légitimateur et didactique, demeure au cœur de l’initiation maçonnique. Il se perpétue dans le temple de Salomon, lieu saint par excellence, alors que la renaissance du « découvreur » se fait dans un ailleurs indéfini simplement signalé par l’acacia[25]. Par ce mythodrame[26], le cherchant fait l’expérience de la mort à travers l’assassinat de l’architecte et la recherche de son corps. La putréfaction/décomposition atteint les os qui se séparent de la chair picturec’est-à-dire qu’on atteint le primordial. Comme dans de nombreux rites, le cadavre, ici en biodégradation, reste le point d’appui de l’initiation maçonnique car le rituel qui met en scène cette thanatologie n’a qu’un seul destinataire : le postulant et indirectement ceux qui l’accompagnent. La cérémonie n’a qu’un but principal, celui de la métamorphose/renaissance du cherchant. Ce rite de mort est en définitive un rite de vie/renaissance.

Ensuite encore l’initiation maçonnique se déploie dans et par un corpus symbolique[27]. La symbolique[28] maçonnique n’est pas une simple analogie, une allégorie bonasse ou une correspondance commode dans laquelle le niveau signifierait l’égalité, l’équerre, la droiture et le compas, la mesure encore qu’il faut bien commencer l’apprentissage par l’alphabet. Elle est la version maçonnique de la fonction symbolique anthropologique qui en œuvrant produit de l’ordre lequel organise symboliquement et réellement (les deux en dialectique) le monde, les groupes humains et les individus et fonde la culture et les structures, ici le corpus, le culturel et le cultuel maçonniques. Cette fonction structurante de l’esprit humain fait du lien. C’est le cas dans la loge et chez le maçon. Cette structuration fondamentale (consubstantielle à l’espèce homo) sert de médiation entre les individus et constitue ce qui fait groupe et société. Condition universelle, à travers le temps et l’espace, de la vie mentale individuelle et collective, le symbolique se présente comme un médiateur pour chacun, la communauté et le monde. « Ordres » apparemment séparés selon Levi-Straus[29], le réel, l’imaginaire et le symbolique seraient en relation et en correspondance[30]. En maçonnerie comme ailleurs, les rites, les mythes et le symbolique ne témoignent-ils pas de la réalité et ne tutoient-ils pas la vérité ?

Ainsi le symbolique maçonnique permet aux maçons de signifier ce qu’ils pensent et ce qu’ils font. Le symbolique maçonnique est donc la représentation collective codifiée des maçons. Ainsi, l’initiation maçonnique se déploie dans une culture spécifique définie comme un système symbolique structuré autour et par le langage (mots, formules, récits, gestuelles, sensations, discours, chants, concepts, mythes, etc…) dans lequel chaque symbole/signe prend sens selon une logique d’opposition/trie/réaction/complétude réductible le plus souvent (mais pas toujours) au binaire (masculin/féminin, noir/blanc, bien/mal, Soleil/lune, deux colonnes B. et J.) ou ternaire (triangle/triangulation, vescica piscis/mandorle, fingersvesicafirewater360soleil/lune/vénérable). Le fait de plonger les mains du récipiendaire dans l’eau, par trois fois, pourrait être interprété comme un acte hygiénique (encore que !) alors qu’il renvoie à une purification spirituelle (ablution)[31]. Cette fonction symbolique est donc pour l’initié en devenir une référence/outil pour ses pratiques et sa pensée si l’on veut bien admettre qu’il ne s’agit pas d’un processus cognitif primitif et archaïque, opposée à la « noble » démarche rationnelle moderne occidentale, mais d’une pensée d’ordonnancement (organisation immanente aux choses) propre à l’homo sapiens faber demens religiosus qui fonde son humanité en général et dans le processus initiatique, sa sociabilité maçonnique en particulier.

Enfin l’initiation maçonnique s’exprime également dans la moelle du symbolique, savoir le mythe comme récit fondateur. Le mythe est tenu pour vrai et remplit une fonction socio-culturelle et « reliante » dans la mesure où il se présente comme le ciment du groupe. Le mythe raconte une histoire dite sacrée. Il a un rôle d’explication du monde mais sur un mode souvent énigmatique, toujours symbolique et paradoxalement normatif et cognitif. Il exprime une vérité profonde par le détour d’une fiction ouvertement équivoque. C’est donc un récit atemporel qui transcende l’histoire. Le mythe peut ainsi être défini comme un objet signifiant, une parabole conceptuelle (qui se dévoilerait avec lenteur en suscitant un subtil frisson lié à ce lent dévoilement), une métaphore nomade, une analyse en labyrinthe, un discursus non « littérarisé » selon l’expression d’André Siganos[32] ou un mutus liber[33] cher aux 220px-Mutus_Liber_coveralchimistes pouvant faire entendre des « voix » silencieuses comme le suggère Gilbert Durand[34]. Quel rôle joue-t-il dans l’initiation maçonnique ? Comme leurs homologues, les mythes maçonniques et/ou les mythes en maçonnerie sont des éléments fondamentaux de la composition idéelle (relative au monde des idées) et émotive de la communauté maçonnique. Ils sont donc en résonnance intime, profonde, consubstantielle avec l’initiation maçonnique. Ils contribuent à son climat, à son parfum, à son expression. Ils assurent le continuum dans le processus initiatique entre le cultuel (le rite et les usages) et le culturel (le symbolique, le corpus d’idées). Mais dans le corpus initiatique, l’important n’est pas les éléments du récit mais la manière dont lesdits éléments sont combinés entre eux. Le mythe est simultanément dans le récit et au-delà de lui, un peu comme le silence qui suit la musique de Mozart et qui serait encore du Mozart. Il est in et out, un peu comme les linguistes distinguent la langue qui relève du temps réversible et synchronique (histoire de la langue et ses évolutions)  et la parole du temps irréversible et diachronique (langue à un moment précis). Il se développe toujours dans des faits advenus, mais sa force provient de ce que ces événements, censés se dérouler à un moment du temps, forment aussi une structure permanente. Dans l’initiation, le mythe se rapporte ainsi concomitamment au passé, au présent et au futur. De plus, il n’est pas un produit fini. Il faut donc autant comprendre sa genèse qu’analyser le récit dans ses variantes successives. La maçonnisation du standard du héros injustement frappé est bien plus parlante, pertinente, explicative pour l’initié que les débats byzantins infra-maçonniques sur les objets qui tuent Hiram, la manière dont il est atteint et comment il tombe, tartines pour Diafoirus petits docteurs es maçonnologique. En effet, le mythe maçonnique se présente comme un festin de mots[35]. L’opération mythique se fait avec des mots, matériau polysémique, capable de mettre bout à bout et en ordre des éléments discursifs qui construisent le sens du récit. On ajoutera qu’il est nécessaire de prendre en compte la totalité des variantes d’un mythe. Ainsi il n’existe pas une version « vraie » (encore moins officielle, sauf pour les «pseudo-gardiens » de la doxa maçonnique qui confondent allégrement l’esprit et la lettre) du 220px-St_John's_Church,_Chester_-_Hiram-Fenster_2mythe salomonico-hiramique (ou hiramico-salomonien). Il faut retenir à la fois les récits archaïques plus ou moins oubliés, ceux qui ont donné naissance à des divers grades post-magistraux ou à des side degrees, les récits nés en marge de la franc-maçonnerie comme celui de Gérard de Nerval[36], ou ceux plus burlesques qui expliquent l’histoire par la lutte des classes. Toutes les versions appartiennent au mythe. Et le mythe nous dit que la richesse du sens réside dans l’infinitude de son possible. Enfin, dans la mythologie maçonnique, il faut se méfier comme de la peste de la nomination. Le même nom ou adjectif ne renvoie pas obligatoirement à la même famille. Beaucoup de mythèmes (unités fondamentales que partagent les mythes) proches sont nommés différemment. D’autres ont des significations multiples, encastrées, en contrepoint, inversées, dérivées ou bien d’autres. Pourtant les mythes maçonniques sont fondamentalement les contes initiatiques de la franc-maçonnerie.

Comme sa grande famille anthropologique, l’initiation maçonnique est une accession à un stade nouveau « supérieur », s’opérant par des cérémonies particulières, par étape, de manière progressive, en référence à un discours, avec un double but, la socialisation et la symbolisation. L’initiation maçonnique est donc à la fois une pratique, un développement & un corpus, qui passe (plusieurs fois et plus ou moins) par trois situations successives:

*** La phase préliminaire ou la séparation, (« avant le seuil » = pro-fanum, pour la réception, les quatre appartements pour la cérémonie de Rose-Croix, 18e degré) avec une réclusion « prophylactique » dans un lieu clos (cabinet de réflexion, chambre de préparation) et un dépouillement physique et/ou vestimentaire (par exemple le pied déchaussé d’où le boitement/boiterie comme Jacob ou Œdipe, ou le corps « ni nu ni vêtu, mais dans un état décent »);

*** la phase liminaire ou la liminarité ou liminalité, l’entre-deux, entre le vieux et le neuf, qui se manifeste sous des formes rituéliques souvent fort différentes selon les grades;

*** la phase post-liminaire ou l’agrégation/réincorporation conférant au récipiendaire un nouveau statut.

289740_143647059056057_100002322900628_258823_4624022_oSymboliquement, ces trois moments figurent mort, gestation et renaissance du récipiendaire ou psychanalytiquement, crise, rupture et dépassement pour reprendre le titre d’un ouvrage collectif[37].

Peu ou prou, dans la réception dans l’Art royal, puis dans les diverses progressions/promotions par degré, on trouve tout ou partie des éléments suivants, d’abord dans les deux premières phases (parfois dans la troisième) :

* Un mythodrame, en général un principal par grade (le meurtre d’Hiram et la recherche de son cadavre au grade de maître et de ses assassins, dans les grades post-magistraux);

* une (ou plusieurs) époptie(s) dévoilée(s) par la « contemplation » de symboles, en liaison avec la représentation « théâtrale » du mythe et de l’enseignement du grade ;

* La présence de un à quatre éléments (terre, eau, feu, air) dans des rituels de purification ;

* Un ou plusieurs voyages unidirectionnels, une déambulation ritualisée et orientée, des marches codifiées, des départs d’un pied déterminé ;

* Une guidance, car le récipiendaire est toujours « accompagné » même de loin ;

* Une ou plusieurs chute(s)/élévation(s) suivie(s) d’une montée/passage/élévation et des obstacles à la progression (marches ou escaliers, bruits, descente au sein de la terre (caverne, grotte, cave, voute), ordalies) ;

* Des contraintes physiques (bandeaux, voilettes, entraves, encordement, breuvage, clôture des lèvres, cérémonie du sang);

* Une eurythmie, c’est-à-dire une harmonie résultant d’un agencement heureux et équilibré de gestes, de sons et de la gestion du temps (« de Midi à Minuit ») ;

* un espace/temps délimité, couvert, fermé, séparé donc sacré (« lieu très saint et très éclairé connu des seuls vrais maçons ») ;

* la présence plus ou moins marquée d’anxiété provoquée par l’attente et l’incertitude et/ou de la confiance d’un récipiendaire alors sujet actif/passif.

La phase d’agrégation, quant à elle, se structure autour de rites de dévoilement/intégration (don de la lumière, relèvement du maître par les cinq points de la maîtrise, adoubement) et de protection/incorporation (épées « protectrices »). Elle compte toujours un serment solennel. Elle s’accompagne de la présentation/narration d’une partie du corpus maçonnique, avec un ou plusieurs discours/récits reprenant tout ou partie du mythe fondateur, un ou plusieurs épisodes spécifiques du grade, l’annonce explicite ou implicite d’une eschatologie, c’est-à-dire à la fois un but et une fin et d’une uchronie, c’est-à-dire la description d’un « meilleur des mondes » situé dans l’ailleurs spatio-temporel (le voyage initiatique relève de la quête d’un monde meilleur) et un questionnement de la fin/finitude/but/dessein de l’individu.

Le tout se termine par des embrassades, des libations, un repas et parfois des chansons que l’on retrouve également sous forme autonome (banquet d’Ordre) comme medium de lien social.

Inscrite dans un Ordre traditionnel, l’initiation a-t-elle à voir avec la modernité ? Le mot tradition vient du latin traditio = acte de transmettre, du verbe tradere = faire passer, livrer, remettre. La transmission est consubstantielle du fait initiatique. La tradition est la transmission continue plus ou moins ritualisée d’un contenu culturel à travers l’histoire depuis un événement fondateur (réel ou mythique) ou de temps immémorial, lequel constitue un facteur d’identité, de cohésion et de légitimation d’un groupe. L’initiation maçonnique est donc par essence traditionnelle. Néanmoins les concepts de tradition primordiale[38], de Sophia perennis, connaissance universelle d’origine non humaine théorisée entre autres par René Guénon (1866-1951) ou de traditionalisme religieux se légitimant dans une tradition révélée relèvent de choix « idéologiques » de certains acteurs sociaux, même si divers courants maçonniques s’y référent explicitement.

Grâce à sa nature traditionnelle et d’une certaine manière invariante, l’initiation maçonnique semble constituer un laboratoire extrêmement efficace et efficients pour la socialité[39] postmoderne ou hypermoderne. Le monde moderne occidental désenchanté serait en voie de saturation matérialiste et en cours de réenchantement[40] (maintien, appétence & renouveau de diverses formes initiatiques et de l’ordre symbolique, retour des rituels, sens de la communauté, imaginaire, haptonomie dans divers groupes sociaux, diverses associations et manifestations, dans la culture, la publicité ou dans des formes nouvelles du politique et de l’économique). L’initiation maçonnique, par ses mythes, ses rites et son symbolisme c’est-à-dire par ses structures traditionnelles apparaît alors d’une étrange modernité. Face aux angoisses que fvcvghv-hjboujhn-bvc4b1kpeuvent provoquer la mondialisation d’une part et l’hyper-individualisation d’autre part, dans un monde d’immédiateté, de zapping, d’éphémère et de superficiel, les structures anthropologiques de l’initiation maçonnique fondées sur la naissance, la vie, l’amour et la mort, apportent une réponse apaisante et pérenne donc moderne. Néanmoins l’initiation, dans le temps et l’espace, n’est pas immuable dans sa forme. Même si elle est associée à l’idée de tradition, et donc à une certaine immuabilité, elle est plastique. Elle est le produit de temporalités spécifiques historiques et/ou géo-culturelles qui voient se transformer (les serments), disparaître (épreuves physiques), naître (épreuves de l’air et de la terre, à la fin du XVIIIe siècle et du miroir, aujourd’hui) ou ressurgir certains de ces éléments[41]. Elle est donc aussi d’une certaine manière de la modernité.

Ainsi l’initiation maçonnique (comme les autres types d’initiation au demeurant) a une triple fonction pour le cherchant : l’hominiser, l’individualiser et le socialiser. Elle est la substantifique moelle de l’universel maçonnique car elle relève de la naissance, de l’élan vital, abramovic_perfod’Eros et de Thanatos. C’est par elle que la franc-maçonnerie est véritablement universelle plus que par ses valeurs qui, somme toute, sont celles de tout humanisme de bon aloi. Elle est donc à la fois découverte d’une expérience de caractère intime, perspective de développement, expérience physico-psychologique, éveil de la conscience, intelligence du réel ou du caché, introduction aux mystères de la vie et de la mort, découverte de soi et des autres, cheminement sur la voie, quête d’identité et de sens. Elle alterne temps forts et lent processus, recul et avancée, refus et acceptation, doute et foi. Elle n’est donc ni un acte religieux stricto sensu, ni un métarécit politique, ni une psychanalyse. Le processus initiatique se développe sur le plan individuel, social, intellectuel, moral, psychologique et spirituel. Se pose cependant la question de savoir comment l’initiation (dans les deux sens ci-dessus définis) est reçue, vécue et intégrée. Les maçons sont-ils tous des pratiquants croyants initiatiques ? L’initiation n’a de valeur que si le rite est conforme aux normes du groupe qui agrègent les récipiendaires (Quel sens, fait la formule « je préférerais avoir la gorge tranchée plutôt que de faillir à ce serment » pour la plupart des postulants). L’initiation n’aurait pas de pouvoir sui generis (intrinsèquement liée à sa nature) si elle ne se ressent, s’éprouve, s’intériorise encore que la répétition automatique de dizaines de gestes et d’actions et la réception de perceptions de tous ordres, conscientes ou inconscientes, n’est pas sans conséquence sur le cerveau humain[42]. Si le cherchant n’y voit qu’une coquille vide, un jeu puéril, un théâtre d’ombre, un cérémonial désuet, il est peu probable que ladite initiation ait un sens (fasses sens) et soit efficiente. L’initiation maçonnique ne peut être qu’une pensée/intelligence/spiritualité/métaphysique vécue : المدخل (الدخول الى الحمام ليس خروج, Dkhoul l’hamman machi b’al Khroujou[43].image collée 640 x 428

 

 

  1. Dire que ce texte doit aux lectures de et aux discussions avec Bruno Etienne est un doux euphémisme mais comme il aimait à dire et à écrire avec Sören Kierkegaard et Moheïddine Ibn’Arabi : « la forme du serviteur est l’incognito. Car plus bas est l’initiateur, plus haute est l’initiation».

 

[1] Paris, Nourry, 1909.

[2] Encore qu’il existe quelques exceptions comme l’initiation sikoaanga en Pays Moaaga (Burkina Faso). Cf. Vinel Virginie, Etre et devenir Sikoomse, in Cahiers d’Etudes Africaines, 158, 2000, p. 257-280.

[3] L’exception notable est les mystères d’Eleusis. Dans plusieurs cultes, on trouve une prêtrise mixte, notamment pour le culte civique (Dionysos à Millet) mais l’initiation stricto sensu semble alors le plus souvent de la seule responsabilité des femmes.

[4] Goguel d’Allondans Thierry, Rites de Passage, rites d’initiation : Lecture d’Arnold Van Gennep, Québec, éd. Presses universitaires de Laval, 2002.

[5] Cf. entre autres Douglas Mary, Purity and danger : an analysis of concepts of pollution and taboo, Londres, Routledge & K. Paul / New York, Praeger, 1966 ou Turner Victor W., The ritual process : structure and anti-structure, Chicago, Aldine Publishing, 1969.

[6] Natural Symbols : Explorations in Cosmology, Londres, Barrie & Rockliff the Cresset Press, 1970.

[7] Order and Rebellion in Tribal Africa. New York, The Free Press of Glencoe (Macmillan), 1963.

[8] Rites et rituels contemporains, Paris, Nathan, coll. 128, 1998.

[9] Les rites comme actes d'institution, in Actes de la recherche en sciences sociales, 1982, 43, p. 58-63.

[10] Néologisme devenu un concept sociologique in Les Nouvelles, Bruxelles, Ed. de l’institut de sociologie, 1963.

[11] La Méthode, VI, « Ethique », Paris, Le seuil, p. 113/120.

[12] Le réenchantement du monde. Une éthique pour notre temps, Paris, La Table Ronde, 2007.

[13] La tentation communautaire. Les paradoxes de la reliance et de la contre-culture, Bruxelles, Ed. de l’Université de Bruxelles, 1986 & éd. de Voyages au cœur des sciences humaines. De la reliance, Paris, L’Harmatttan, 1996, 2 tomes.

[14] Selon Pausanias (c.115/180), diverses sentences se trouvaient dans le pronaos du temple delphien d’Apollon. En recoupant avec les références de Platon et de Plutarque, on peut émettre qu’elles figuraient sur des colonnes ou sur des cippes (stèles de pierre).

[15] Cette formule se trouve dans divers dialogues de Platon (Charmide [Sur la Sagesse], Philibé [Sur le Plaisir], Premier Alcibiade [Sur la Nature de l’Homme] : «Allons, mon bienheureux Alcibiade, suis mes conseils et crois-en l’inscription de Delphes : Connais-toi toi-même, et sache que nos rivaux sont ceux-là et non ceux que tu penses et que, pour les surpasser, nous n’avons pas d’autre moyen que l’application et le savoir.»

« … et tu connaîtras l’univers et les dieux » est un ajout moderne.

[16] Mauss Marcel, Les Techniques du corps, in Journal de Psychologie, Paris, vol. XXXII, n° 3-4, 15 mars-15 avril 1935.

[17] Elias Norbert, Die Gesellschaft der Individuen, Stockholm, Stockholms Universitet [Idehistoriska uppsatset, no. 5.], 1983; trad. française, La Société des individus, Paris, Fayard, 1991, avant-propos de Roger Chartier.

[18] Bourdieu Pierre, La distinction : critique sociale du jugement, Paris, Minuit, 1979 & Le Sens pratique, Paris, Minuit, 1980.

[19] Über Wahrheit und Lüge im außermoralischen Sinn [Vérité et mensonge au sens extra-moral], 1873, 1896.

[20] Paradoxe ! De nombreux maçons n’ont de cesse de vouloir formaliser et intellectualiser leur parcours initiatique afin de le partager avec des autres membres de la communauté, voire d’en faire profiter (au moins en partie) des profanes alors que la plupart affirme le caractère inexprimable et intransmissible de ladite initiation.

[21] Formules traditionnelles loin d’être univoques…

[22] Ni la thanatocratie, ni les systèmes mortifères, mais le regroupement de tous les savoirs qui parlent de la mort comme le définit Louis-Vincent Thomas.

[23] Thomas Louis-Vincent, L’eschatologie : permanence et mutation in Thomas Louis-Vincent et alii., Réincarnation, immortalité, résurrection, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, 1988, p. 17 et suivantes.

[24] Encore que diverses obédiences et/ou familles maçonniques avaient et/ou ont affirmé l’immortalité de l’âme.

[25] Même si pour des raisons pratiques, la scène se joue dans le temple/bâtiment.

[26] Le but du mythodrame est de contribuer à ce que l’initié se mette en lien avec son processus d’individualisation.

[27] A cause de son ambiguïté, Umberto Eco, par prudence épistémologique, invite à utiliser le mot symbole avec « parcimonie » in Sulla letteratura, Milan, Bompiani, 2002.

[28] Le symbolique est le domaine du symbole. Il est selon l’approche lacanienne un des trois « registres essentiels » du champ de la psychanalyse avec l’imaginaire et le réel (Cf. J. Lacan, Le symbolique, l’imaginaire et le réel, in Bulletin interne de de l’Association française de psychanalyse, 1953; Ecrits, Paris, seuil, 1966). La symbolique est l’ensemble des relations et des interprétations afférant à un symbole particulier et/ou l’ensemble des symboles caractéristiques d’une culture (symbologie). Quand on parle de l’art d’interpréter les symboles, on préférera utiliser le terme d’herméneutique (Cf. Ricoeur Paul, De l’interprétation. Essai sur Freud, Paris, Éditions Le Seuil, Collection L’Ordre philosophique, 1965 ; item, Le conflit des interprétations, Paris, Éditions Le Seuil, Collection Esprit, 1969).

24 Anthropologie structurale, Paris, Plon,1958 ; Anthropologie structurale deux, , Paris, Plon, 1973

[30] Godelier Maurice, L’imaginé, l’imaginaire et le symbolique, Paris, CNRS éditions, 2015.

[31] Hidiroglou Patricia, L’eau divine et sa symbolique. Essais d’anthropologie religieuse, Paris, A. Michel, 1994.

[32] In Le Minotaure et ses mythes, Éditions PUF, 1993. Cf. également Mythe et écriture, Paris, PUF, 1999 et en collaboration avec Chauvin Danièle & Walter Philippe, Questions de mythographie. Dictionnaire, Paris, Imago, 2005.

[33] Un « livre muet » où les images seraient des mythes.

[34] Les Structures anthropologiques de l’Imaginaire, introduction à l’archétypologie générale, Paris, PUF, 1960.

[35] Cf. Scheid John & Svenbro Jesper, La tortue et la Lyre. Dans l’atelier du mythe antique, Paris, CNRS Editions, 2015.

[36] Nerval, Gérard de, Histoire de la reine du matin et de Soliman, prince des génies, in Le Voyage en Orient, Paris, Gervais Charpentier, 1851.

[37] Kaës René, Missenard André, Anzieu Didier, Guillaumin Jean, Kaspi Raymond, Bleger et al., Crise, rupture et dépassement : analyse transitionnelle en psychanalyse individuelle et groupale, Paris, Dunod, 1979.

[38] François Stéphane, L’Ésotérisme, la « tradition » et l’initiation. Essai de définition, Tours, Grammata, 2011.

[39] Socialité : mode de vie et d‘être déterminée par la sociabilité définie comme une tendance à vivre en société.

[40] Maffesoli Michel, Le réenchantement du monde. Une éthique pour notre temps, Paris, La Table ronde, 2007.

[41] Cf. Segalen Martine, Rites et rituels contemporains, Paris, Nathan université, 1998.

[42] Naccache Lionel & Riveline Claude, Les étranges pouvoirs du rite sur le cerveau in Le Journal de l’Ecole de Paris, 2014/4, n° 84, p. 7/13.

[43] L’entrée au hammam n’est pas comme sa sortie, ou si l’on préfère : on ne ressort pas du bain comme on y est entré.

SOURCE : https://yveshivertmesseca.wordpress.com/tag/mysteres-deleusis/?fbclid=IwAR0qgOsJeG1jZVS5vsvCQ_ETa4UqRoXpvrE8I9mPl2TY4_UKTbl2SJlt5hA

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