ET SI LA FRANC-MAÇONNERIE ÉTAIT UNE PHILOSOPHIE DE L’AUTRE ? 6 septembre, 2023
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La Franc-maçonnerie est-elle une philosophie de l’autre et non pas une philosophie de l’être est-ce inconcevable ? Si elle était une initiation qui révèle l’autre, une épiphanie de l’autre. Après tout pourquoi pas, puisque qu’elle affirme être fondée sur la fraternité. Encore faut-il s’entendre sur la définition de la fraternité, n’est-elle qu’un mot ? Et sur l’autre, qui ne peut être un concept, en effet selon Aristote le concept est ce qui se réfère à l’essence et non au propre de l’autre. Le concept ne serait qu’objet et non sujet. Selon une définition classique le concept est la représentation abstraite d’un objet ou d’un ensemble d’objets ayant un caractère commun, une idée que se fait l’esprit humain d’un objet de pensée.
Depuis l’antiquité les philosophies sont des philosophies de l’être, elles réduisent la définition de la fraternité dans un rapport de l’être par rapport à moi, une réduction de l’autre à moi, ignorant sa différence radicale, sa singularité. Seul Levinas changera cette idée de l’autre, et deviendra la référence en terme de philosophie de l’altérité en proposant un regard différent du visage de l’autre il concevra l’autre comme radicalement totalement définitivement absolument différent. Inaugurant une rupture par rapport au mot Frater qui considère la fraternité comme l’ensemble de l’espèce humaine illustrée par la formule : tous les hommes sont frères. Qui va même plus en envisageant un regroupement des hommes dans un au-delà suivant une autre formule mise en chanson : ce n’est qu’un au revoir mes frères, car nous nous reverrons tous… Cette fraternité prend la forme une forme communautaire, elle est même une suprématie que dénonce Levinas : un pouvoir de moi, de mon moi sur l’autre qui dès lors se transforme en objet, c’est le concept de l’autre. Qui passe de sujet unique à un objet, perdant tout ou partie de sa singularité. Autrui dans la philosophie de Levinas n’est pas moi ou une forme de moi, il est autre que moi. Sa pensée est différente de celle de Platon qui reconnaît la famille humaine comme Une, c’est aussi la pensée des religions monothéistes exprimée dans l’injonction : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Injonction que l’on retrouve dans le Lévitique (* 1) ou encore dans les Évangiles Marc(* 2), Mathieu (* 3), Luc (* 4), les Épîtres de Jacques (* 5), les Épîtres de Paul aux Romains (*6)aux Corinthiens (*7) et enfin les Épîtres de Jean. L’on trouve aussi cette injonction dans les Hadîths de l’Islam (*9) L’on peut aussi croiser cette injonction formulée différemment dans les traditions orientales comme le Bouddhisme, le Confucianisme, l’Hindouisme et en occident dans l’humanisme. Il demeure que cet amour fraternel de l’autre à une forme conditionnelle : je l’aime pourvu qu’il me soit semblable, cela ressemble bien à un repli identitaire. La fraternité devient se transforme en une sorte de complicité entre êtres semblables, une complicité avec mon prochain. Plus facile, à accepter et à réaliser, une sorte de fraternité entre-soi. C’est une fraternité atténuée, diminuée, en fait une solidarité vantée par Léon Bourgeois qui lutta sans succès pour quelle se substitue jusque dans notre devise républicaine. La fraternité, l’altérité devenant alors un rapport réciproque entre êtres semblables, un rapport symétrique de visage à visage. L’autre devenant exclusivement mon proche, mon prochain, je le reconnais comme tel, alors je lui donne l’accolade fraternelle.Nous sommes dès lors, même si ce n’est pas agréable à dire dans une catégorie de fraternité, une fraternité sélective. Qui introduit en creux une reconnaissance singulière, particulière donc non universelle, une fraternité du donnant donnant, une fraternité qui exclue la gratuité du don et qui écarte l’étranger.
Vous m’objecterez avec justesse que la Franc-maçonnerie qui puise ses valeurs et surtout ses vertus dans toutes les traditions et les philosophies est de ce fait universelle, que de plus le Franc-maçon initié ayant progressé vers les plus hautes sphères de la Connaissance spirituelle a pris conscience d’une religion universelle appelée Tradition Primordiale unique est donc aussi fraternel avec son proche, son prochain que son lointain. Est-ce aussi sûr ? Certes, il s’engage au terme de son initiation s’il en est un, à répandre dans le monde qu’il qualifie de profane les vertus et valeurs morales qu’il a reçues. Ce qui induit qu’il pense détenir de fait une suprématie sur l’autre qui ne posséderait pas ces vertus et valeurs. Il introduit donc un rapport de domination et non de responsabilité de l’autre. Le fait même qu’il soit le gardien de son frère introduit un rapport hiérarchique entre lui et l’autre. Comme le Franc-maçon sincère envisage de répandre sur toute la surface de la terre les vertus qui naissent de la charité. Il conviendrait peut-être de privilégier une formulation différente à l’injonction : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Par tu aimeras tous les hommes, outu aimeras ton prochain et ton lointain, ou encore tu aimeras tout le vivant, ou enfin simplement tu aimeras. Ceux qui ont écrits les textes vétero et néotestamentaires ont forcément réfléchi à ce problème, c’est pourquoi peut-être ils ont fait précéder cette injonction d’une injonction plus originelle, plus créatrice tu aimeras ton Dieu. Dieu que l’on peut remplacer par Grand Architecte de l’Univers, c’est-à-dire un principe et non un concept.
Nous avons pris la mesure de la difficulté de définir l’autre, l’altérité et la fraternité ; à contrario de l’égalité et de la liberté qui peuvent êtres conçues, encadrées par des règles, parfois contestées mais il existe toujours une possibilité d’amélioration. La fraternité c’est plus difficile, d’ailleurs si l’autre est mon frère quel est notre père commun, notre origine commune ? Suis-je prêt à admettre que tous les hommes sur toute la terre sont mes frères ?
C’est là, je reviens à Levinas parce qu’il est génial ! Il rattache la fraternité à la justice qui est une conséquence de la fraternité. Pour lui la fraternité c’est autrui, c’est tous les autres et c’est la fondation de la justice. Si nous, nous arrêtons un peu en réfléchissant sur ce que nous demande la Franc-maçonnerie. Elle nous demande d’aimer les autres nos frères et de défendre la justice, de lutter contre toutes les oppressions, les tyrannies, les dictatures de toutes sortes. La philosophie de Levinas sa philosophie première est une métaphysique de l’éthique. Qui va au-delà de la morale qui régit les rapports sociaux, elle recherche de la plénitude de l’homme de sa complétude donc en analogie avec l’initiation maçonnique. La fraternité nous apparaît comme un avant ontologique et éthique, elle est originelle sans fin et sans commencement elle est. Elle fait partie de nous, elle peut surgir du tréfonds de nous-mêmes à tout moment, par exemple lors d’attentats comme Charlie Hebdo ou les Twin Towers de New-York ou un Tsunami, elle est donc espérance. Il nous faut en faire l’expérience, l’éprouver à travers un danger, elle ouvre la porte pour atteindre l’invisible, elle est le lien entre tous. Elle se manifeste lors de ces dangers, elle apparaît alors comme un lien entre tous les hommes, révèle notre humanité, notre compassion fraternelle, notre altérité diraient les bouddhistes. Elle attachée à nous-mêmes, elle est attachante, bien plus que l’égalité et la liberté qui ne peuvent se réaliser sans elle, à ce titre elle mériterait de trôner en tête de notre devise républicaine.
L’on pourrait aller jusqu’à dire qu’elle nous est consubstantielle liant cœur et raison. Hannah Arendt disait ce qui nous manque : « C’est un cœur intelligent. » Les Francs-maçons avec humilité le savent quand ils parlent de l’intelligence du cœur. Je dirais presque pour conclure qu’il nous faut savoir vivre en fraternité et au minimum être capable de partager le plus souvent possible des moments de fraternité comme l’écrivait Régis Debray. Décidément la Franc-maçonnerie qui fait une part belle à la fraternité, est sans doute proche d’une philosophie de l’autre qui présente des analogies avec celle de Levinas. Pour finir par un chant d’espérance je vous soumets ces quelques lignes du poète de l’Isle sur la Sorgues René Char : « Ensemble nous remettrons la nuit sur ses rails et nous irons tour à tour nous détestant et nous aimant jusqu’au étoiles de l’aurore. »
René Char. – Les Visages du temps- Une sérénité crispée.
Jean-François Guerry.
Notes et commentaires toutes les citations sont issues de la Bible de Jérusalem et les commentaires personnels.
*1- Lévitique : 19- 18 dans « Prescriptions morales et cultuelles. »
« Tu ne te vengeras pas et tu ne garderas pas de rancune envers les enfants de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Injonction qui croise celle de la genèse tu seras le gardien de ton frère. Qui fait référence à ton peuple et ton prochain semblant écartant les autres, les étrangers, les différents ceux qui ne sont ni de ton peuple et les lointains, les étrangers.
*2-Évangile de Marc 12- 31,32, 33 dans « Premier commandement. » « Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là (le premier était tu aimeras ton Dieu…) Le scribe lui dit : « Fort bien, Maître, tu as eu raison de dire qu’il est unique et qu’il n’y a pas d’autre que Lui, l’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence et de toute sa force, et aimer le prochain comme soi-même, vaut mieux que tous les holocaustes et tous les sacrifices. » L’on voit ici que le premier amour est celui de Dieu du principe de l’Un qui est tout l’alfa et l’oméga. Le second amour va vers le prochain et le lointain ? La conclusion fait remarquer que l’amour surpasse tous les dons ou que l’amour est le don le plus ultime jusqu’au sacrifice de soi. On remarque aussi l’alliance de la Raison et du Cœur pour parvenir à l’amour, cette union est l’intelligence du cœur.
*3-Évangile Mathieu : 7- 12 dans « Règle d’or. » « Ainsi, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : voilà la loi des Prophètes. » Loi des Prophètes mais aussi Loi maçonnique !
Évangile Mathieu : 22- 39 dans « Le plus grand commandement » « Le second lui est semblable (Après le premier qui est l’amour de Dieu) : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »
*4 Évangile Luc : 10- 27 dans « Le grand commandement » « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute âme, de toute ta force et de tout ton esprit ; et ton prochain comme toi-même »
Évangile Luc : 10- 36, 37 dans « La Parabole du bon samaritain » « Lequel de ces trois, (Le prêtre, le Lévite et le Samaritain) à ton avis, s’est montré, s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands ? » Il dit Celui-là qui a exercé la miséricorde envers lui. » Cette parole semble être l’exception qui confirme la règle, c’est-à-dire que l’amour semble être universel, appliqué envers le lointain, le bon samaritain ne faisant pas de distinction entre les hommes en pratiquant la miséricorde vis-à-vis de son lointain. Reste une interrogation se sent-il responsable de son lointain ou supérieur à son lointain en lui accordant sa miséricorde ? Je dirais pour ma part qu’il pratique l’amour de son lointain en donnant ses deniers à l’aubergiste qui prend soin du blessé, parce qu’il fait ce don sans ostentation, comme doit le faire un bon Franc-maçon de manière à ne pas humilier celui qui reçoit, il ne recherche pas à obtenir un avantage pour son don.
*5,6,7 Épîtres de Jacques, Paul et Jean.
Épître de Jacques dans : « Le respect des pauvres ». 2- 8 « Si donc vous accomplissez la Loi royale suivant l’Écriture : Tu aimeras ton prochain comme toi-même, vous faites bien ; mais si vous considérez les personnes, vous commettez un péché et la Loi vous condamne comme transgresseurs. » Cette interprétation interroge une deuxième fois, donc il y aurait une exception supplémentaire à la règle d’amour vis-à-vis de son seul proche. Cela rejoint une fois de plus la Loi maçonnique qui impose l’amour de l’autre en général qu’il soit riche ou pauvre pourvu qu’il soit vertueux (Levinas ajouterait peut-être, même s’il n’est pas vertueux, comme un devoir absolu d’aimer l’autre.) Il s’agit là de l’amour de l’homme comme humain et non comme personne.
En 2-13 dans l’Épître de Jacques ont lit : « Car le jugement est dans la miséricorde pour qui n’a pas fait miséricorde ; mais la miséricorde se rit du jugement. »
Épîtres aux Romains 13- 8,9,10 dans « La charité résumé de la Loi. » « N’ayez pas de dettes envers personne, sinon celle de l’amour mutuel. Car celui qui aime autrui a de ce fait accompli la loi. En effet, le précepte : Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas, et tous les autres se résument en cette formule : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. La charité ne fait tort au prochain. La charité est donc la Loi dans sa plénitude. ». Cette Épitre s’inscrit dans un contexte des lois morales sociales qui font société, comme une réponse des croyants à des interrogations de non croyants démontrant que la Loi d’Amour s’applique dans l’humanisme également et pas seulement dans la religion.
Première Épître aux Corinthiens 13- de 1à 7. Dans « La hiérarchie des charismes. Hymne à la charité. » « Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je ne suis plus qu’airain qui sonne ou cymbale qui retentit. Quand j’aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j’aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, cela ne sert à rien. La charité est longanime ; la charité est serviable ; elle ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas ; elle ne fait rien d’inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal ; elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle met sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, elle croit tout, espère tout, supporte tout. » On peut difficilement faire un hymne plus beau et bon de la charité, qui est ici totalité de la Loi universelle d’amour.
Première Épître de Jean 4- 7,8, 21 dans « Aux sources de la charité et de la foi » « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour est de Dieu et quiconque aime est né de Dieu, et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu car Dieu est Amour.
Oui voilà le commandement que nous avons reçu de lui : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère.
SOURCE : Publié le 22 Juillet 2023 par Jean-François GUERRY
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Cantique du Quantique pour un franc-maçon 14 mai, 2023
Posté par hiram3330 dans : Recherches & Reflexions , ajouter un commentaireCantique du Quantique pour un franc-maçon
Un conte dialogal écrit avec le TCF Raphaël Massarelli [1].
Ellimac. Il y a peu de jours, comme je partais de ma maison, je vis un homme de la connaissance, mon ami Ithloaèdes, je l’appelais de loin et le rejoignis. Ithloaèdes ! Je te cherchais justement pour te demander ce qui s’était passé avec Kyrios le jour où vous allèrent souper à l’académie. En t’y rendant, je t’avais entendu marmonner très embarrassé, à plusieurs reprises : Vite une question, j’ai la réponse ! Vite une question, j’ai la réponse ! On dit que toute la conversation roula sur l’origine de toute chose, et je meurs d’envie d’entendre ce qui s’était dit de part et d’autre sur ce sujet. Conte-le-moi donc, je te prie. D’ailleurs, pouvons-nous mieux employer le chemin qui nous reste d’ici à notre tenue ?
Ithloaèdes. Je te rassure sur mes prétentions. Cette histoire n’avait commencé que par une boutade ! Un jour, me promenant seul, en souvenir d’une galéjade, j’avais murmuré, en plaisantant, «Vite une question, j’ai la réponse». Kyrios, venant derrière moi, m’entendit, me mit au défi et me donna rendez-vous à l’académie pour le lendemain où je m’y rendais et c’est ainsi qu’il me questionna.
Kyrios. Tu as la réponse ? Bien, alors dis-moi, Ithloaèdes, y a-t-il une origine à toute chose ? Comment et pourquoi le monde existe et comment ce monde a la forme qu’il a ? D’où vient l’ordre sensible des choses ? Comment a pu émerger, à partir de rien, une organisation de l’énergie, de la matière et du vivant ? Comment peut-on connaître la vérité ?
Ithloaèdes. Tu es bien généreux et libéral, mon ami : je ne demande qu’une question simple, et tu en donnes une variété ; une seule aurait suffi. Alors, disons que si ta première question est : comment comprendre la constitution d’un système complexe à partir de rien, ma réponse est : on n’est pas sûr de savoir comment cela se passe. La quête du début de toute chose, celle que les physiciens désignent par Big-bang, est une grande affaire scientifique, non encore élucidée.
C’est pour cela qu’on l’appelle théorie du Big-bang car ce n’est qu’un ensemble de notions, d’idées, de concepts abstraits, de tentatives de répliques mathématiques de l’univers qui demandent continuellement à être confirmés. De manière simpliste, certains physiciens considèrent que le Big-bang est une singularité, une chose étrange pourrait-on dire, que nous sommes résignés à tenir pour un grand mystère. En effet, sur ce qu’il y avait avant la singularité qu’est le Big Bang, pourrait commencer le débat sur l’éventualité d’un Dieu créationniste, sur un principe organisateur tel qu’on le retrouve avec le Brahman principe de toutes choses, le démiurge de Platon, le premier moteur immobile d’Aristote, le logos des stoïciens, le grand horloger de Voltaire, le dieu nature de Spinoza, et même le GADLU.
Kyrios. Je t’arrête, mon ami, laissons plutôt aux théologiens le soin de dire comment on va au ciel et aux astrologues le soin de dire comment va le ciel. Revenons sur terre et laisse-moi poser une question autrement. Comment peut-on penser l’émergence de quelque chose, à partir de composantes qui avaient au départ des propriétés totalement différentes les unes des autres ? En somme et pour exprimer cela d’une façon plus simple : on dit que le tout est davantage que la somme des parties qui le constituent, sais-tu si cela est vrai ?
Ithloaèdes. C’est tout à fait exact, c’est une manifestation des systèmes physiques connue depuis plus d’un siècle. Scientifiques et sociologues ont démontré qu’on ne peut pas se contenter de comprendre la nature à partir de chacun de ses éléments constitutifs pris individuellement. Comme un fameux physicien français (Poincaré) aimait à dire dans ses cours de Physique : «une maison est faite de briques, mais un tas de briques ne fera jamais une maison !». Cela veut dire qu’on ne peut pas se contenter de comprendre la nature à partir de la connaissance de ses éléments les plus simples, car on ne donne, ainsi, qu’une vision très approximative de la réalité du tout. En somme, c’est le contraire de la démarche réductionniste analytique qui accepte, conformément à la méthode que proposait Descartes, de réduire le tout à ses parties, pour mieux le comprendre.
Kyrios. Veux-tu dire que devrions-nous cesser d’être cartésiens ?
Ithloaèdes. Peut-être ! Pour un nombre croissant de scientifiques en tout cas, le réductionnisme est une entreprise qui risque de reposer sur une erreur de conception fondamentale. Au plan d’une vision générale sur l’Univers, le concept de l’émergence ne permet pas de comprendre immédiatement pourquoi le monde est ce qu’il est, et moins encore ce qu’il deviendra. Il permet juste de comprendre qu’aucune théorie réductionniste ne permettra jamais d’analyser et reproduire la complexité du monde.
Kyrios. Pour comprendre cela, faudrait-il, alors, revenir à la possibilité d’utiliser une vision «holistique» de la complexité du Tout. C’est-à-dire une vision d’ensemble, globale qui admet qu’il faut essayer de comprendre la totalité produite par composition de ses simples constituants ?
Ithloaèdes. Je pense que ce serait une possibilité, par exemple : si on fait un tas avec 9 briques, son poids se réduit à la somme des poids de chaque brique, il n’y a pas d’émergence. Mais prends une miche de pain, il est facile de voir que celle-ci possède des qualités qui ne peuvent être considérées comme la somme de ses ingrédients ; sa texture est totalement différente de celles de ses composants, blé, eau, sel, levure, feu… avant leur mélange. La miche est une émergence. Les propriétés émergentes du pain proviennent de l’interaction entre ses ingrédients et le pain qu’on obtient est bien plus que la somme de ses constituants essentiels. La nature du vivant ressemble plus au pain qu’au tas de briques. Si nous regardons un organisme vivant, celui-ci est, évidemment, plus que la somme de ses organes.
Un autre exemple : Prenons une molécule d’oxygène, qui compose la plupart des substances. Si nous prenons une bouteille remplie d’oxygène pur, non mélangé à une autre substance, elle semble vide, l’oxygène est invisible à l’œil nu, inodore et au poids négligeable. Il en est de même pour l’hydrogène. Cependant quand on met ces deux éléments ensemble, ils se transformeront immédiatement en liquide visible, en eau qui, elle, aura un poids.
Kyrios. Cela veut-il dire que le monde est constitué par des strates imbriquées d’émergences et pour les comprendre, il suffirait d’admettre qu’un niveau est constitué à partir d’éléments du niveau précédents lorsque ceux-ci s’organisent et s’intègrent ensemble pour donner quelque chose de nouveau, en d’autres termes pour créer quelque chose en plus d’eux-mêmes ?
S’il en est ainsi, alors on peut comprendre pourquoi la pierre qui constitue la clé d’une voûte n’est pas une pierre comme une autre car, en fermant la voûte, elle la solidarise, la constitue en un tout qui tient. Elle crée la voûte dans sa relation d’équilibre des forces avec les autres pierres en tant que structure architecturale dans laquelle il suffit d’enlever une pierre quelconque pour que l’édifice s’écroule et devienne un tas de pierres.
De même aucun élément d’un circuit ne vaut grand-chose en lui-même par sa matérialité, mais, le fait de se fermer, comme dans une chaîne d’union, de faire cercle ensemble, assure la continuité et établit, dans ce cas, la circulation d’un flux d’émotions, d’échanges entre FF et SS. Ce qui émerge à ce stade c’est donc la totalité comme telle, qui vaut bien plus que la somme des éléments du circuit.
Ithloaèdes. Certes, toutefois, on considère qu’il y a émergence dès lors que les ensembles constitués par cette organisation complexe sont stables et qu’ils ont des propriétés propres, différentes de leurs composants antérieurs. L’émergence peut donc se définir par rapport à l’idée d’une organisation du monde selon des degrés de complexité croissante, succession qui ne peut être réduite à ses degrés élémentaires. Maintenant, il faut se représenter l’immense champ des technologies émergentes et convergentes, aujourd’hui disponibles susceptibles de fournir des briques pour la construction d’êtres artificiels, jusqu’à des populations de robots dotés de propriétés absolument inattendues et qu’on prétend qu’ils pourraient dépasser en intelligence les humains. Mais cela reste, aux yeux des scientifiques, un rêve romanesque fou et cependant non des moindres, les européens et les américains s’y investissent déjà.
Kyrios. Que le grand cric me croque et me fasse avaler ma barbe ! Comment apprécier ce monde robotisé dont tu me parles au regard du progrès humain que cela pourrait apporter.
Et maintenant, en admettant une complexification croissante d’un niveau à un autre, je me demande ce qui se passe dans le vivant. Comme on le sait, nous sommes constitués des mêmes atomes que la terre et les étoiles, mais comment ces éléments se composent-ils pour constituer la vie ? Est-ce un résultat de la complexité ?
Ithloaèdes. On peut en effet expliquer la vie ainsi, une complexité de relations entre les atomes qui forment des molécules, qui forment des cellules, qui forment des tissus, des organes, des organismes. Et tu peux même observer ces effets de la complexité au cours de l’évolution à des niveaux surprenant comme par exemple celui de la conscience.
Il y a un exemple à ce sujet qui pourrait expliquer le vivant par un théorème qui a pris le nom de Bose -Einstein, théorème, on s’en doute très compliqué sur les fluides quantiques[2], mais sur la base duquel, certains scientifiques en déduisent que sous conditions particulières et lorsque le nécessaire niveau de complexité est rejoint, des éléments simples peuvent fusionner en un seul et unique élément. C’est le principe philosophique qui implique que le Tout donne le Un.
Ce concept, peut être appliqué au vivant et observé au cours de l’évolution des espèces. La plus simple forme de vie est donnée par les bactéries et les protozoaires. Ces dernières sont des cellules qui vivent comme des individus dotés de mini-consciences car elles peuvent réagir à l’environnement qui les entoure.
Au cours des millénaires, des cellules semblables aux protozoaires ont formé des colonies, puis des individus plus complexes où les cellules se sont spécialisées en des fonctions diverses. De sorte que leur ensemble, suivant le théorème de Bose-Einstein donne, à partir de nombre de cellules différentes, un seul individu qui aura une seule conscience et non plus un ensemble de mini-consciences.
Cela peut évoluer et se complexifier jusqu’à la conscience humaine, qui, sur Terre, est l’exemple le plus complexe du vivant. Ainsi, d’organismes primaires capables de réactions élémentaires, on arrive à des organismes qui peuvent écrire et déclamer l’Iliade ou le Mahâbhârata.
Voici comment une conscience peut émerger d’un ensemble d’atomes.
De même, les robots, que j’ai évoqués plus haut, modifieront probablement l’homme lui-même ; ils pourraient donner lieu à des prothèses dont certaines sont déjà utilisées en chirurgie réparatrice, voire dégager une certaine autonomie. L’émergence renvoie à un monde qui n’est pas figé, un monde en évolution dans lequel de nouvelles formes d’existence peuvent apparaître.
Kyrios. Si je comprends correctement ton raisonnement sur l’émergence de la conscience, j’aurais envie de dire que l’existence même de l’homme pourrait avoir modifié tous les niveaux antécédents. Il y a, par émergence, formation d’une hiérarchie de niveaux d’organisation, mais l’ensemble ne forme pas un monde stratifié. Il s’agit plutôt d’une imbrication, car les niveaux ne sont pas disjoints et empilés, mais comme internes les uns aux autres et interactifs entre eux. Par exemple, la nature, au sens large, qui a permis l’émergence de l’homme s’en est trouvée profondément modifiée par lui. Alors, en cascade, on remonterait à la modification du niveau primordial du Big Bang et en allant encore au-delà, le GADLU lui-même serait potentiellement modifiable par nous en le faisant évoluer à notre image ! D’ailleurs, la kabbale, me semble-t-il, explique que le Nom de Dieu lui-même est abimé chaque fois que le mal est fait volontairement.
Mais dis-moi, Ithloaèdes, tous ces nouveaux concepts dont tu viens de me parler, s’approchent-ils de la notion de réel, nous découvrent-ils un autre côté du visible ?
Ithloaèdes. Des changements ont bien eu lieu en ce sens, ils concernent l’extraordinaire avancée technologique que nous sommes en train de vivre. Ils sont essentiellement dus à une série de découvertes faites en physique il y a un siècle, d’abord par Einstein avec sa théorie de la Relativité, puis par plusieurs physiciens qui ont développé ce qu’on a appelé la mécanique quantique et puis la physique quantique.
Celle-ci décrit, dans le temps et l’espace, la structure et l’évolution des phénomènes physiques à l’échelle de l’atome et même en-dessous, à l’échelle subatomique. Je te rappelle qu’il y a autant d’atomes dans un verre d’eau qu’il y a de verres d’eau dans l’océan. La partie la plus petite de l’existant serait, par convention, un quantum, un quelque chose. À l’observation, si on la grossissait à l’échelle du système solaire, elle aurait la taille d’un arbre. Ce monde quantique ne peut pas être décrit dans les termes de temps et d’espace de la physique de Newton, celle de la mécanique, du mouvement, de la masse, de la force, de l’énergie, etc.
Au niveau de l’atome nous savons qu’il y a un monde qu’on a considéré depuis le départ comme bizarre et applicable seulement à l’infiniment petit, avant que l’on ne se rende compte, dans les années 1970, qu’on pouvait l’appliquer aussi à l’infiniment grand, à l’étude de l’origine de l’univers.
Dans cette physique, les objets quantiques sont comme des fenêtres ouvertes sur quelque chose dont on ne peut rien dire en termes littéraires. Je te donne un exemple avec le principe de superposition quantique. Ce principe énonce qu’une composante élémentaire d’un atome, appelons-la particule, peut être localisée à deux, et même plusieurs, endroits en même temps. On dit que la particule est à la fois ici et là-bas, on utilise aussi le terme plus explicite d’intrication
Pire encore, une telle particule quantique se présente sous deux états simultanément. Elle est particule, c’est-à-dire elle a une masse, un poids, et au même temps elle est une onde, c’est-à-dire de l’énergie. Elle est en somme dans un état qu’on a aussi défini de superposition.
On appelle cette onde-particule, ondicule. Elle peut rester sous cette forme indéfiniment, tant qu’elle n’est pas observée. Il suffit, en d’autres termes que quelqu’un l’observe pour qu’elle devienne soit exclusivement onde, soit exclusivement particule. Une onde est comme une vague qui se déplace, qui transporte de l’énergie, sans transporter de matière avec une fréquence vibratoire.
Kyrios. Puisque notre corps biologique ne nous permet d’accéder qu’à une gamme limitée de fréquences vibratoires, veux-tu dire que les observateurs créent un réel qui ne serait qu’une vérité partielle ?
Ithloaèdes. Oui, mais… Au début de la physique quantique, on pensait que l’observation devait être humaine et donc représenter le résultat d’une conscience. Mais plus récemment on s’est rendu compte que l’observateur ne doit pas nécessairement être un humain. Il semblerait en effet qu’il suffit qu’une autre particule ou une onde «observe» une autre ondicule pour que celle-ci devienne onde ou particule… Cela semble démontrer que les ondicules ont une certaine propriété que l’on pourrait définir de miroir de conscience.
Kyrios. Mille millions de tonnerres de Brest ! Ce que tu me dis est incroyable ! Explique-moi en quoi ce monde quantique peut-il exister car je ne le vois pas, comment pouvons-nous dire que cette table que je regarde est faite comme tu me dis ? Il y a là quand même un grand mystère qui tiendrait à la nature énigmatique des ondicules avant que l’on ne les observe ; ton électron, par exemple, qui est une ondicule, avant qu’on ne l’observe, peut devenir particule à l’observation, c’est-à-dire de la matière ?
Ithloaèdes. Oui, c’est bien ainsi et vice-versa une ondicule peut devenir une onde. Cela est effectivement mystérieux. Et pourtant même Einstein, qui défendait l’existence d’une réalité indépendante de l’observation, a fini par admettre que l’ondicule est selon ses termes un «champ fantôme», son existence n’est pas réelle au sens où nous l’entendons. Ce serait ce que l’on a appelé un champ de force.
Kyrios. Tu veux dire que la réalité s’actualise seulement sous l’effet de l’observation d’une conscience ? La conscience de chaque individu serait alors responsable de sa propre réalité et chacun la construirait comme un tunnel à travers ce mystérieux monde d’interactions quantiques.
Ithloaèdes. Et oui, c’est ce qui faisait dire à Eisenberg, l’un des fondateurs de la mécanique quantique : «Ce que l’on observe n’est pas la nature en soi, mais la nature telle que l’expose notre méthode pour interroger» et il ajoutait «que l’interaction entre l’observateur et l’objet provoque des changements conséquents et incontrôlables qui modifient le système observé». En d’autres termes ce qui importe ce ne sont pas «sujet et objet», mais la relation qui s’établit entre eux.
Kyrios. J’imagine combien cette théorie peut paraître absurde. Elle l’était, en tout cas, pour Einstein qui posait cette question, avec un pincement d’ironie : «La lune existerait-elle quand même, si personne ne l’observait ?» Il ne savait pas le grand physicien que même un photon est doté de connaissance et que….. mais oui, mais c’est bien sûr ! L’univers entier est conscient et il s’observe en permanence ! C’est pour cela que les diamants existent au plus profond de la terre avant d’être découverts, que les poèmes ou la peinture ou la musique existent de tout temps dans l’attente de leurs auteurs. Si je comprends bien, c’est par cette observation, ou permets-moi de dire cette conscience universelle, à laquelle appartiennent la lune, les diamants, toi, moi aussi, qu’est extraite la totalité de notre réel de tout ce qu’il aurait pu être.
Mais continue, je t’en prie, dis-moi autre chose sur la nature de ce monde quantique.
Ithloaèdes. Premièrement, c’est un monde peuplé à 99,9% de vide ! Dans les atomes, entre le noyau et les électrons qui lui tournent autour il y a tellement d’espace que l’on peut affirmer que les atomes sont essentiellement formés de vide. Cela d’ailleurs se reproduit à bien plus large échelle dans l’espace cosmologique. De plus, la matière n’est en réalité qu’une forme d’énergie, il y en a même tellement que certains scientifiques affirment qu’il y a plus d’énergie dans 1 cm3 d’espace vide qu’il n’y en a dans toute celle que nous appelons matière de l’Univers !
Kyrios. Génial ! Une partie de cette énergie pourrait donc devenir une énergie utilisable. Elle constituerait alors une source d’énergie propre et renouvelable, comme celle du vent ou du soleil.
Ithloaèdes. Des recherches très sérieuses sont faites en ce sens, on parle d’énergie libre. Mais poursuivons avec le quantique.
Deuxièmement, une ondicule est à la fois présente en tout point et nulle part, son existence est alors définie en termes de «champs de probabilité». On entre alors dans un monde de quasi science-fiction, puisque cette onde est présente jusqu’à dans des milliers d’endroits en même temps !
On dit que l’onde est dans un état superposé, à la fois ici et là-bas. Toutefois l’observation va arrêter cette dispersion. Seulement des consciences peuvent être des observateurs. Sans cette conscience, il y aurait cette superposition de possibilités en expansion. Chaque conscience crée ce que tu appelles son tunnel de réalité, parmi tous ceux probables, mais ce n’est pas la Vérité. C’est dire qu’une observation, ce qui revient à mettre de l’information sur quelque chose, extrait cette chose de toutes ses probabilités d’être pour la rendre matériellement existante dans le monde macroscopique, à savoir le nôtre.
Troisièmement, contrairement à la théorie d’Einstein selon laquelle rien ne peut se déplacer plus rapidement que la lumière, on sait aujourd’hui que l’espace dans lequel est contenu notre univers s’épande à une vitesse supérieure à celle de la lumière.
Quatrièmement, prenons deux particules créées en même temps. Selon le principe d’intrication dont je t’ai parlé, si on en expédie une extrêmement loin de l’autre et si on lui fait quelque chose, c’est-à-dire si on l’observe ou qu’on la manipule, l’autre réagira à l’instant même en se présentant dans le même état résultant. On peut en conclure que, soit l’information peut voyager à une vitesse instantanée, ce qui est considéré en l’état de la science comme impossible, soit les deux particules sont toujours connectées. La conclusion est que tout reste très probablement en contact.
Kyrios.
Ce qui m’intrigue, c’est qu’il n’y a donc pas d’évolution dans le monde quantique puisqu’il exclut le temps ; on pourrait dire qu’il n’est, n’a été et ne sera toujours qu’en termes de potentialités réalisées ou pas. Dans ce monde quantique, alors, paradoxalement, il ne peut y avoir d’émergence puisqu’il n’y a pas d’avant, ni d’après, seulement une actualisation de la création par des consciences qui ne sont pas qu’humaines ?
Ithloaèdes. Si, il y a un avant et un après, puisque il y a eu, selon la théorie, un moment zéro ! On est arrivé à connaître l’âge de l’Univers à un millionième de milliardième de seconde après le Big Bang. Donc il devrait y avoir eu un avant et un après.
Kyrios. En définitive il faut jongler avec deux mondes, celui d’Einstein qui régit les objets massifs (mondes, étoiles et galaxies) et où le temps peut changer comme changent les trois autres dimensions, et celui de l’infiniment petit (immédiatement après le Big Bang) où il y a eu une soupe quantique, dont on ne sait rien sauf que tout était et n’était pas ; un monde incompréhensible.
Ithloaèdes. La science n’a pas résolu la compréhension de ce passage. Mais surtout les particules de la matière originale qui a émergé du Big Bang, bien que dispersées dans l’accroissement de l’univers, sont restées en contact, ce qui voudrait dire que les particules qui nous composent, nous les humains, sont toujours connectées à toutes les autres particules de l’univers, que tout n’est que UN.
Kyrios. Cela me semble déranger les lois, les observations et les philosophies. Ces différents mondes emboités n’existeraient pas indépendamment les uns des autres, de manière inséparable. Et si je comprends bien, les divers niveaux de la matière, de la vie, de l’homme et de la société interagissent sans cesse entre eux. C’est pourquoi Max Planck a pu dire : «Il n’y a pas de matière comme telle. Toute la matière est originaire et n’existe que par la vertu d’une force qui entraîne les particules d’un atome à vibrer et qui soutient tout ce système atomique ensemble. Nous devons supposer derrière cette force l’existence d’un esprit conscient et intelligent. Cet esprit est la matrice de toute matière».
Est-ce bien ce que cela implique ?
Ithloaèdes. Oui, d’ailleurs, depuis fort longtemps pour la philosophie orientale, la nature est un continuum, il n’y a pas de différence entre matière et énergie. Dans cette approche intellectuelle les opposés ne se détruisent pas mais essaient de s’accorder, de se compléter et de ne faire qu’Un. Le Taoïsme enseignait déjà que le deux devient trois, en ne considérant que le rapport qui existe entre les opposés. L’ensemble est ce que l’on nomme le «Un», le Tao. Enfin et pour éclaircir cela, le dialogue qui s’installe entre les opposés, le Yin et le Yang par exemple, ne peuvent se révéler que par leurs échanges. D’où la conclusion philosophique que les opposés existent et n’existent pas, qu’ils sont dans des états superposés au sens quantique.
La pensée occidentale, quant à elle, raisonne trop souvent en termes de dualités, par exemple le bien et le mal, la lumière et l’obscurité, le blanc et le noir, l’être et le non-être, et cætera. Elle est, ainsi, incapable de comprendre que le deux forment le Un.
Relation, trame, tissu voilà comme on peut voir le monde, un ensemble intriqué de fils formant un tissu multidimensionnel au dessin d’une extraordinaire complexité. Et cela est le tout et en même temps le Un.
Kyrios. Donc, si je comprends bien cet Univers, ce monde dans lequel nous vivons représente le Un ?
Ithloaèdes. Pas tout à fait, car il est arrivé un instant après le début du Big Bang, on peut donc se poser la question qu’y avait-il avant le Big Bang ?
D’un point de vue philosophique, le Un doit inclure tout ce qui existe dans notre espace-temps comme dans les autres univers que certains imaginent et dans ce qui les contient, car il doit bien exister un contenant. Il suffit d’imaginer que, si la théorie du Big Bang est correcte, au départ, au temps zéro de la vie de l’univers, celui-ci, sa masse et son énergie étaient contenues dans un point dont la masse était énorme et la dimension équivalente, peut-être à celle d’un petit pois. Puis l’explosion et l’inflation qui suivirent formèrent l’univers que nous connaissons. L’unité forma le tout. Cela veut aussi dire que nous sommes en contact encore avec ce tout car tel que nous le voyons l’univers est Un, c’est la science et la philosophie qui nous le disent. Le Un est avant le zéro cosmique.
Mais laissons de côté maintenant cet étrange ballet entre philosophie et physique, car j’ai envie, à mon tour, de te poser une question : Est-ce que le temple maçonnique, en tant que représentation du cosmos, offre des symboles qui nous mettraient sur la voie d’une telle analyse ?
Kyrios. Bien sûr, tout le temple lui-même et, dans le temple, tous les symboles de la dualité et ceux du ternaire montrent, à l’évidence, une vision de la complémentarité des contraires et de leur coïncidence dans l’unité.
C’est l’enseignement majeur de la formation de l’apprenti. Le monde ne peut nous apparaître que sous une forme duale, mais son unité est à rechercher avec le 3. Prenons l’exemple du pavé mosaïque : il est la réconciliation des deux extrêmes que l’ont peut nommer ténèbres et lumière, bien et mal, blanc et noir, Dieu et Diable, infini négatif et infini positif, et, même, masculin et féminin. Toutefois, parmi les nombres présents dans le Temple qui se donnent à voir, à entendre ou à pratiquer, le nombre 3 paraît le plus utilisé de tous, il est représenté par une multitude de symboles : les trois grandes lumières, les trois piliers lorsqu’ils sont présents, les trois pas de l’apprenti, les coups de maillets, les rythmes d’acclamations, etc. Ce trois est un nombre d’énumération. Cependant, seul le 3 en tant que ternaire, rétablit ce que le 2 a troublé en tant que dualisme, en tant qu’opposition, pas le 3 en tant que dénombrement. En fait, seul le ternaire fait davantage : le passage du 2 au 3 permet de dominer le dualisme, de l’effacer même, non en le niant, mais en le ramenant à l’unité préexistante dans un mouvement ascensionnel ; ses formes symboliques seraient ce qui se présente comme opposé avec, par exemple le pavé mosaïque, comme complémentaire avec les 2 colonnes, la lune et le soleil et, bien sûr, comme triangulaire avec le Delta lumineux.
Ithloaèdes. Alors le delta lumineux pourrait également évoquer le quantique, dans ce cas l’œil serait l’idée de l’observation ?
Kyrios. Pourquoi pas puisque le triangle, pointe en haut, est ce que l’on appelle une triade, c’est-à-dire l’unité qui se donne à voir dans sa manifestation duale et les échanges entre tous ses composants, en somme le Un et le Tout, son émergence. Le point unique du haut du triangle est l’unité d’où tout procède ; tout est de la même essence que lui. Le sommet serait le Un, non pas le nombre mais le principe, qui précède et contient le zéro cosmique du big bang. Déjà pour Pythagore, le sommet d’un tel triangle est dit le père, le côté gauche est la duade, la mère, le côté droit représente le fils que l’on retrouve comme époux de la mère dans beaucoup de cosmogonies. La base est l’univers réalisé en ce que l’on peut imaginaliser en père-mère-fils dans le monde phénoménal et, en même temps, unifié dans le monde primordial de l’unité. Par la perception symbolique d’une unique origine qui ne se différencie que dans la perception humaine, le franc-maçon peut s’attacher à voir plus loin qu’avec le seul regard manichéen du profane, cessant de se soumettre à toute affirmation moraliste ou dogmatique.
Ithloaèdes. Le triangle pointe en bas, est aussi un ternaire, son symbolisme diffère-t-il ?
Kyrios. Le triangle pointe en bas peut être interprété, dans une visée mystique, comme un retour à l’unité, le chemin pour s’unir au créateur. Mais c’est aussi deux termes préalables qui génèrent un troisième terme, une sorte d’émergence comme dans le ternaire «thèse, antithèse, synthèse». Le troisième terme généré est une affaire d’interprétation personnelle. Je dirai que ce sont des tunnels de réalité (au sens où on les a définis) alors que le triangle pointe en haut est un universel.
Ithloaèdes. Alors, l’origine verbale du mot «symboliser», «reconnaitre, mettre ensemble, assembler» se situe dans le contexte du ternaire ? Car, n’est-ce pas une façon de retrouver l’unité sous-jacente avec ce qui est épars ? Par exemple, la réalisation de ce que nous appelons l’égrégore ne fait-elle pas émerger une structure d’unanimité, quelque chose comme un essaim ? L’égrégore, perçu du point de vue quantique, pourrait très bien n’être que la manifestation spirituelle de l’intrication de nos particules avec celles des FFø et SSø mais aussi avec celles de tout l’univers, cela est montré visiblement par l’entrelacement de la chaîne d’union, en tout cas c’est une hypothèse.
Kyrios. Si tous les êtres ne cessent jamais d’actualiser l’Unité, par contre, ils perdent de vue ce rattachement. Le symbole nous permet de comprendre que, quel que soit le sens du mouvement, à l’ensemble, préside l’Unité ou le retour à elle. Leur connaissance s’est obscurcie, d’où par exemple la souffrance et les erreurs sur la prétendue «autonomie» de l’individu. Ce qui est appelé «mental», c’est le monde mouvant, intermédiaire entre le corps terrestre et l’esprit de nature universelle : il est fait des échanges de nos émotions, de nos imaginaires, de nos pensées que nous avons avec l’univers et avec nous-mêmes, il est appelé aux métamorphoses et aux transformations. J’ai l’impression que Platon avait dit la même chose dans son Théétète, dans ce passage où il montre que la perception que nous procurent nos cinq sens ne peut accéder à ce qui est. Il écrivait : «C’est dans leurs approches mutuelles que toutes choses naissent du mouvement sous des formes de toutes sortes, car il est impossible de concevoir fermement l’élément actif et l’élément passif comme existant séparément, parce qu’il n’y a pas d’élément actif, avant qu’il soit uni à l’élément passif… Il résulte de tout cela que rien n’est un en soi, qu’une chose devient toujours pour une autre et qu’il faut retirer de partout le mot être… Il faut dire, en accord avec la nature, qu’elle est en train de devenir, de se faire, de se détruire, de s’altérer». Le mental fluctuant du monde sensible et dual ne peut donc pas approcher le Un universel et, de ce fait, nous ne pouvons pas atteindre ce niveau d’unité par le seul mental. Cette conception est dans la philosophie orientale qui conclut : «ce n’est pas par la pensée que l’on atteint la Voie». Après tout, si l’Énergie est la seule vie, et la Raison la borne de l’encerclement de l’Énergie, à chacun de choisir d’être au cœur des choses ou à leur périphérie ; ce n’est pas trop de toute une vie pour confronter, l’un par l’autre, ce monde où nous sommes et ce monde qui est en nous.
Ithloaèdes. Voilà, Ellimac, ce que fut, pour l’essentiel, notre entrevue avec Kyrios. Mais je vais te résumer en quelques mots ce que nous sommes parvenus à comprendre. Tout est Un, le Un est avant le Zéro Cosmique, tout n’est que mouvement que nous appelons énergie, les choses ne nous sont perceptibles que parce que le mouvement donne l’illusion de la matière, nous n’existons que parce que nos cellules communiquent entre elles, nous sommes cet échange, cette animation. C’est pourquoi il n’est peut-être pas suffisant de se penser en termes de «qui suis-je» mais qu’il faut aussi s’interroger en ces termes : «que suis-je» ? Quelle est mon essence ? Quelle interférence de tunnels de réalité me fait exister ? Quelles sont les consciences, y compris la mienne et mon inconscient, qui objectivent ma vie ? Ne suis-je sujet actif, créateur de réel que lorsque je mets une information sur ce qui m’entoure ? Si je me vois comme je suis, ne suis-je pas aussi comme tu me vois ?
Et maintenant que nous sommes presque arrivés à Garibaldi, Ellimac, permets-moi une question : pour harmoniser ce qu’est la vie, ne suffit-il pas de générer la plus rayonnante des connexions avec ce qui nous entoure ?
Ellimac. Comme le dit le Tao te Qing, «parler beaucoup épuise sans cesse ; mieux vaut garder le milieu»; alors de tout ce que tu m’as rapporté, j’ai juste un mot à te proposer pour te répondre : rien que de le prononcer, il irradie, comme une lumière primordiale, des myriades d’émergences, il est l’essentiel du mot animer, c’est le verbe «Aimer».
[1] Planche présentée en 2015 (ce qui explique que du seul point de vue scientifique les propos sont dépassés) avec le TCF Raphaël Massarelli, Docteur d’État ès Sciences, Professeur Emérite des Universités, Trophée d’Or de l’Ordre des Physiothérapeutes au Liban, participant à de nombreuses sociétés savantes, responsable des Conventions Internationales, auteur et coauteur de centaines d’articles et d’ouvrages spécialisés internationaux, Chevalier des Palmes Académiques, … Un CV de savant de dizaines de pages dont l’importance est impossible à reproduire ici.
[2] “Le gaz parfait de bosons devait subir à basse température une transition de phase, dite condensation de Bose-Einstein, amenant un nombre macroscopique de particules dans leur état fondamental. Le condensat obtenu est un fluide quantique car cette transition se produit lorsque les effets de statistique quantique commencent à se manifester, autrement dit lorsque la distance inter-atomique devient de l’ordre de la longueur de cohérence des ondes de matière.”

Graphique 3D montrant 3 états successifs : les atomes sont de plus en plus denses (de la gauche vers la droite)
La véritable histoire de Jésus : ce que révèle l’archéologie 15 avril, 2023
Posté par hiram3330 dans : Recherches & Reflexions , ajouter un commentaireLa véritable histoire de Jésus : ce que révèle l’archéologie
La majorité des archéologues ne doute plus de l’existence du personnage historique de Jésus. Au fil des fouilles en Terre sainte, son portrait s’affine. Bienvenue dans un jeu de piste vieux de vingt siècles.

Cet article a été publié pour la première fois dans le magazine National Geographic.
Le bureau d’Eugenio Alliata à Jérusalem évoque n’importe quelle officine d’archéologue qui préfère le travail de terrain. Sur les étagères surchargées, des relevés de fouilles côtoient des mètres rubans et d’autres outils. Rien de bien différent des bureaux de tous les archéologues que j’ai pu rencontrer au Moyen-Orient, à deux détails près : Alliata porte l’habit couleur chocolat des franciscains, et son quartier général se trouve dans le monastère de la Flagellation. Selon la tradition de l’Église, le monastère fut bâti à l’endroit même où Jésus-Christ, condamné à mort, fut flagellé par les soldats romains et couronné d’épines.
La « tradition» : voilà un mot que l’on entend beaucoup dans cette partie du monde. Ici, des multitudes de touristes et de pèlerins sont attirés par les dizaines de sites qui, tradition oblige, sont considérés comme des étapes de la vie du Christ, de son lieu de naissance, à Bethléem, à celui de sa mort, à Jérusalem.

PHOTOGRAPHIE DE Simon Norfolk
L’archéologue devenue journaliste que je suis le sait : des cultures entières sont nées et mortes presque sans laisser de traces. Aussi, fouiller d’antiques paysages en quête de tessons de poterie qui éclaireraient la vie d’un seul personnage semble aussi vain que la chasse aux fantômes.
Au monastère de la Flagellation, le frère Alliata accueille chacune de mes visites et de mes questions avec patience et perplexité. Professeur d’archéologie chrétienne et directeur du Studium Biblicum Franciscanum, il participe à un projet franciscain vieux de sept siècles, consistant à entretenir et à protéger les anciens sites religieux de Terre sainte – et, depuis le 19e siècle, à en dresser des relevés scientifiques.
Le frère Alliata ne semble pas préoccupé par ce que l’archéologie peut, ou ne peut pas, révéler sur la figure centrale du christianisme : « Il serait très étonnant, voire étrange, de trouver des preuves archéologiques de l’existence de quelqu’un qui aurait vécu il y a 2000 ans. Cela dit, on ne peut pas nier que Jésus a laissé une trace dans l’histoire. »

Une Indonésienne, qui vient d’être baptisée dans le Jourdain, porte une robe représentant Jésus à l’issue du même rite, voilà 2 000 ans. La foi chrétienne, née dans une petite communauté juive, est devenue la religion la plus pratiquée du monde, avec plus de 2 milliards de croyants.
PHOTOGRAPHIE DE Simon Norfolk, Avec L’aimable Autorisation De YARDENIT
Les textes du Nouveau Testament sont, de loin, les traces les plus évidentes (et sans doute les plus controversées) de son passage sur terre. Mais quel rapport existe-t-il entre le travail des archéologues et ces textes anciens, rédigés dans la seconde moitié du ier siècle de notre ère, ainsi qu’avec les traditions qu’ils ont nourries ?
« La tradition vivifie l’archéologie, et l’archéologie vivifie la tradition, répond le frère Alliata. Parfois, elles concordent et, parfois, non. » Et il ajoute dans un sourire : « Ce n’est pas le moins intéressant. »

PHOTOGRAPHIE DE Simon Norfolk
Je me suis lancée sur les pas de Jésus afin de retracer son histoire telle que la racontent les auteurs des Évangiles et des générations d’érudits. J’espère comprendre en quoi les textes chrétiens et les traditions correspondent aux découvertes des archéologues, depuis un siècle et demi que ceux-ci passent la Terre sainte au peigne fin.
Mais, avant tout, une question explosive: est-il possible que Jésus-Christ n’ait jamais existé ? Quelques sceptiques défendent cette opinion avec véhémence, mais pas les savants, notamment les archéologues. « Je ne connais aucun chercheur important qui doute du personnage historique de Jésus, affirme Eric Meyers, archéologue et professeur émérite à l’université Duke. On pinaille sur des détails depuis des siècles, mais nulle personne sérieuse ne met en doute son existence. »

PHOTOGRAPHIE DE Simon Norfolk
Même son de cloche auprès de Byron McCane, archéologue et professeur d’histoire : « Je ne vois aucun autre personnage dont on nie l’existence alors qu’elle est si parfaitement établie par les faits. »
Même John Dominic Crossan, un ex-prêtre qui copréside le Jesus Seminar, un groupe de travail de spécialistes des études bibliques plutôt controversé, estime que les sceptiques purs et durs vont trop loin. Certes, les miracles attribués au Christ sont difficiles à appréhender pour nos esprits modernes. Ce n’est pas une raison pour conclure que la vie de Jésus de Nazareth relève de la fable.
« On peut toujours dire qu’il marchait sur l’eau et que, comme personne n’en est capable, c’est la preuve qu’il n’a pas existé, me dit Crossan. Mais il s’agit d’autre chose. Qu’il ait accompli certaines choses en Galilée, et d’autres à Jérusalem, et qu’il ait été condamné à mort pour ses actes, tout cela cadre parfaitement avec un certain scénario. »

PHOTOGRAPHIE DE Simon Norfolk, PANORAMA COMPOSÉ DE 7 IMAGES
Les chercheurs qui étudient la vie du Christ se divisent en deux écoles : il y a ceux pour qui le Jésus des Évangiles, auteur de miracles, est le véritable Jésus, et il y a ceux pour qui le véritable Jésus (c’est-à-dire l’homme qui a suscité le mythe) est, certes, l’inspirateur des Évangiles, mais aussi un personnage dont la vérité apparaîtra grâce aux recherches historiques et à l’analyse des textes. Les deux camps considèrent l’archéologie comme leur alliée.
Quel qu’il soit ou ait été (Dieu, un homme ou la plus grande supercherie littéraire de tous les temps), la diversité et la dévotion de ses disciples modernes éclatent dans toute leur splendeur quand on arrive à Bethléem, l’antique cité que l’on considère comme son lieu de naissance.
Sur la place Manger, je me joins à un groupe de pèlerins du Nigeria que je suis jusqu’à l’entrée, plutôt basse, de la basilique de la Nativité, dont les hauts murs disparaissent sous des bâches et des échafaudages. La basilique est en cours de restauration. Des conservateurs nettoient les mosaïques dorées du 12e siècle de la suie des bougies qui ont brûlé ici depuis tout ce temps. Nous contournons avec précaution une partie du sol qui révèle les plus anciens vestiges de l’église, construite dans les années 330 sur ordre du premier empereur romain chrétien, Constantin.

PHOTOGRAPHIE DE Simon Norfolk
D’autres marches nous conduisent dans une grotte éclairée à l’électricité, devant une petite niche creusée dans le marbre. En ce lieu, une étoile d’argent signale l’endroit même où, selon la tradition, est né Jésus-Christ. Les pèlerins s’agenouillent pour baiser l’étoile et toucher de leur paume la pierre froide et polie. Bientôt, un responsable les presse d’avancer pour laisser la place à de nouveaux arrivants.
La basilique de la Nativité est la plus vieille église chrétienne encore en activité. Mais tout le monde ne s’accorde pas pour dire que Jésus de Nazareth est né à Bethléem. Seuls deux Évangiles mentionnent sa naissance, et leurs récits en sont fort différents. Des historiens soupçonnent les évangélistes d’avoir fait naître Jésus à Bethléem pour établir un lien entre lui, paysan de Galilée, et une ville de Judée dont l’Ancien Testament annonçait qu’elle serait le berceau du Messie
L’archéologie est fort peu loquace à ce sujet. Quelle chance a-t-on de déterrer une quelconque preuve qu’un couple de paysans vivant il y a deux millénaires aurait été l’acteur d’un tel événement? Les fouilles dans la basilique et alentour n’ont révélé ni objet de l’époque, ni indice suggérant que le site était sacré pour les premiers chrétiens. Le premier témoignage incontestable de vénération remonte au 3e siècle. Origène, un théologien d’Alexandrie, observa : « À Bethléem, on peut voir la grotte où [Jésus] est né. » Au début du 4e siècle, l’empereur Constantin envoya une délégation en Terre sainte afin d’identifier les lieux associés à la vie du Christ et de les sanctifier par la construction d’églises et de sanctuaires. Ayant localisé ce qu’ils considéraient être la grotte de la Nativité, les délégués y firent bâtir une église, ancêtre de celle d’aujourd’hui.

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Nombre des chercheurs auxquels je me suis adressée ne se prononcent pas sur le lieu de naissance du Christ, faute de preuves matérielles. Selon eux, le vieil adage de l’archéologie est plus que jamais d’actualité : « L’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence. »
La piste pour retrouver le véritable Jésus est bien plus fructueuse à 105 km de là, en Galilée, région vallon née du nord d’Israël. Jésus fut élevé à Nazareth, une bourgade agricole. Les historiens qui voient en lui seulement un homme (que ce soit un réformateur religieux, un révolutionnaire social, un prophète de l’Apocalypse, voire un Juif fanatique) tentent, en juxtaposant les données économiques, politiques et sociales de la Galilée du 1er siècle, de mieux comprendre quelles forces furent le terreau de cet homme et de sa mission.
À cette époque, l’Empire romain est, de loin, l’acteur principal de la vie en Galilée. Les Romains avaient conquis la Palestine soixante ans avant la naissance de Jésus, et presque tous les Juifs devaient subir le joug de Rome, symbolisé par la lourdeur des taxes et l’adoration des idoles païennes. Selon beaucoup de chercheurs, les troubles sociaux profitèrent à l’agitateur juif, qui se fit connaître en dénonçant riches et puissants, et prenant le parti des pauvres et des laissés-pour-compte.

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D’autres avancent que l’influence de la culture gréco-romaine a façonné un Jésus moins juif et plus cosmopolite, héraut de la justice sociale. En 1991, un ouvrage fit sensation: The Historical Jesus, de John Dominic Crossan. Sa théorie : le véritable Jésus était une sorte de sage itinérant, dont les paroles subversives et le style de vie, à contre-courant des mœurs de son époque, résonnaient étrangement avec la façon de vivre des cyniques. Ces derniers, d’une école philosophique de la Grèce antique, n’étaient pas cyniques au sens moderne du mot, mais ne respectaient aucune convention sociale, comme le souci de rester propre, ou la quête de la richesse et du pouvoir.
Crossan se fondait, d’une part, sur les découvertes archéologiques révélant que la Galilée, longtemps décrite comme une campagne reculée et une enclave juive isolée, était bien plus urbanisée et romanisée à l’époque de Jésus que les spécialistes ne le croyaient, et, d’autre part, sur le fait que le domicile de Jésus enfant se trouvait à 5 km de Sepphoris, la capitale romaine de la province. Les Évangiles ne mentionnent pas la ville, mais l’ambitieux programme de construction lancé par le tétrarque Hérode Antipas aurait pu attirer des artisans qualifiés des villages alentour. Pour beaucoup, on peut tout à fait penser que Jésus, jeune artisan vivant près de Sepphoris, aurait pu y travailler, mettant la tradition religieuse qui était la sienne à l’épreuve de la vie.

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Par une belle journée de printemps, je retrouve les archéologues Eric et Carol Meyers dans les ruines de Sepphoris. Le couple fouille l’immense site depuis trente-trois ans. Celui-ci est désormais au cœur d’un débat passionné et théorique sur la judaïté de la Galilée et, par extension, de Jésus. Eric Meyers s’arrête devant un tas de colonnes. « Ça a été drôlement houleux », dit-il au souvenir des débats pour savoir dans quelle mesure une ville hellénisée avait pu influencer un jeune paysan juif. Au faîte de la colline, il désigne des murs dégagés avec soin. « Pour parvenir à ces maisons, nous avons dû creuser à l’emplacement d’un bivouac de la guerre de 1948, avec notamment un obus syrien non explosé. Et, sous la terre, nous sommes tombés sur les mikvaot ! »
Au moins trente de ces bains juifs rituels parsèment le quartier résidentiel de Sepphoris –soit la plus grande concentration de lieux privés jamais mise au jour par les archéologues. Outre de la vaisselle en pierre pour les rituels et l’absence d’os de porc (interdit de consommation par la loi juive), elles prouvent que cette cité d’une province de la Rome impériale était demeurée juive au temps de l’adolescence de Jésus.
Ces découvertes et d’autres indices issus de fouilles dans toute la Galilée ont conduit les chercheurs à réviser leur opinion, m’explique Craig Evans, spécialiste des origines du christianisme : « Grâce à l’archéologie, on est passé de Jésus l’hellénisant cosmopolite à Jésus le Juif pratiquant –un changement considérable. »

La chapelle copte de l’église du Saint Sépulcre s’orne de scènes de la vie du Christ. Plusieurs religions chrétiennes partagent le sanctuaire, non sans méfiance, chacune réclamant une partie de l’espace. Les clefs de l’église ont été confiées à une famille musulmane de la ville.
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Vers 30 ans, Jésus s’immergea dans le Jourdain avec Jean le Baptiste, l’agitateur et prophète juif. Sa vie en fut bouleversée car, une fois baptisé, à en croire le Nouveau Testament, il vit l’Esprit de Dieu descendre sur lui « comme une colombe», et la voix de Dieu se fit entendre : «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour.» Cette rencontre avec le Seigneur marqua le début de sa vie de prêcheur et de guérisseur.
Capharnaüm fut l’une de ses premières étapes. Cette ville de pêcheurs se situe sur la rive nordouest du lac de Tibériade. C’est là que Jésus rencontra ses disciples initiaux et qu’il établit son premier « quartier général ». De nos jours, les organisateurs d’excursions en Terre sainte désignent le lieu de pèlerinage qu’est devenu Capharnaüm comme « la ville de Jésus ».
Une haute barrière métallique entoure les lieux, propriété des franciscains. Derrière se trouve une église moderne, soutenue par huit piliers : le Mémorial de Saint-Pierre, consacré en 1990 en l’honneur d’une des plus importantes découvertes réalisées au 20e siècle par les archéologues travaillant sur le Jésus historique.

PHOTOGRAPHIE DE Simon Norfolk
Le centre de l’édifice attire tous les regards. Au-delà d’un garde-fou, à travers un sol vitré, les visiteurs peuvent apercevoir les ruines d’une église octogonale, bâtie il y a 1 500 ans. Quand les archéologues franciscains ont fouillé sous cette structure, en 1968, ils se sont rendu compte qu’elle avait été bâtie sur les ruines d’une maison datant du ier siècle. C’était la preuve que, en un court laps de temps, ce domicile privé avait été transformé en un lieu de réunion public.
Puis, vers la seconde moitié du 1er siècle, quelques décennies après la crucifixion de Jésus, les murs de pierre brute de ce domicile furent enduits de plâtre, et tous les ustensiles de cuisine remplacés par des lampes à huile – objets caractéristiques d’une communauté prenant ses quartiers. Enfin, au 4e siècle, à l’époque où le christianisme devint la religion officielle de l’Empire romain, la demeure fut transformée en une maison de culte soigneusement décorée. Depuis, elle est connue comme « la maison de Pierre ». Il est impossible d’établir si le disciple y vécut effectivement, mais beaucoup de spécialistes estiment que ce n’est pas impossible.
Il est dit dans les Évangiles que Jésus guérit de la fièvre la belle-mère de Pierre, chez elle, à Capharnaüm. La nouvelle se répandit aussitôt et, le soir, une foule de malades se pressait devant sa porte. Jésus guérit les malades et délivra ceux qui étaient possédés par des démons.

PHOTOGRAPHIE DE Simon Norfolk
Ces récits mettant en scène des foules venant chercher la guérison auprès de Jésus confortent ce que l’archéologie nous dit de la Palestine du ier siècle, une région où des maladies telles que la lèpre ou la tuberculose étaient monnaie courante.
Je prends la direction du Sud, longeant le lac de Tibériade, jusqu’à un kibboutz (ferme communautaire) qui, en 1986, fut le théâtre d’un événement sensationnel. Le niveau du lac avait considérablement baissé à cause d’une grave sécheresse. Deux frères du kibboutz ont remarqué une forme qui ressemblait aux contours d’un bateau. Les archéologues qui l’ont examinée ont trouvé des objets datant de l’époque romaine dans et près de la coque. Plus tard, le test au carbone 14 a confirmé l’âge du bateau : il était plus ou moins contemporain de Jésus.

PHOTOGRAPHIE DE Simon Norfolk, Photo PRISE AU MUSÉE ISRAEL, À JERUSALEM
Puis, il s’est mis à pleuvoir. Le niveau du lac a remonté. L’opération de sauvetage du bateau qui s’est déroulée alors constitue un exploit archéologique. Un chantier qui, en temps normal, aurait duré des mois pour être planifié et exécuté, a pris exactement onze jours.
Aujourd’hui, le précieux bateau est le joyau du musée du kibboutz situé non loin de l’endroit où il a été découvert. Large d’environ 2 m pour 8 m de long, il aurait pu embarquer treize hommes (bien que rien n’indique que Jésus et ses douze apôtres l’aient utilisé). Il ne paie pas de mine: un squelette de planches qui eurent leur compte de réparations, jusqu’à ce que plus rien ou presque ne subsiste de l’original.
« Il a dû être entretenu et réparé jusqu’à ce que cela ne serve plus à rien», constate John Dominic Crossan. Mais, aux yeux des historiens, ce bateau n’a pas de prix, souligne-t-il : «Quand je considère les efforts qu’il a fallu déployer pour le maintenir à flot, j’en apprends beaucoup sur le niveau de vie des pêcheurs galiléens à l’époque de Jésus. »

PHOTOGRAPHIE DE Simon Norfolk
Une autre découverte extraordinaire a eu lieu à 2 km au sud de l’endroit où a été trouvé le bateau, sur le site de l’ancienne Magdala, ville natale de Marie Madeleine, disciple de Jésus.
Les archéologues franciscains avaient commencé à mettre au jour une partie de la ville dans les années 1970, mais la moitié nord restait enfouie. Puis, en 2004, le père Juan Solana, initialement envoyé par le Vatican pour surveiller le fonctionnement d’un hôtel pour pèlerins de Jérusalem, a décidé de bâtir une retraite pour les pèlerins de Galilée. Il a récolté de l’argent et acheté des terrains sur les rivages du lac, dont des parcelles non encore fouillées de Magdala
En 2009, avant que ne débutent les travaux, une mission d’archéologie préventive est venue sur place, comme le veut la loi. Les sondages du sous-sol rocheux ont alors révélé les ruines enfouies d’une synagogue de l’époque de Jésus –la première du genre mise au jour en Galilée.
La découverte était de première importance, car elle réduisait à néant l’argument des sceptiques selon lequel les premières synagogues de Galilée apparurent plusieurs décennies après la mort de Jésus –une théorie incompatible avec le portrait que les Évangiles dressent de lui, celui d’un Juif pratiquant qui prêchait souvent et accomplissait ses miracles dans les synagogues.

PHOTOGRAPHIE DE Alessio Romenzi
Les fouilles ont livré des murs bordés de bancs (preuve qu’il s’agissait d’une synagogue) et un sol en mosaïque. Au centre de la pièce reposait une pierre de la taille d’une cantine militaire, sculptée des principaux symboles sacrés du Temple de Jérusalem. La découverte de la pierre de Magdala, comme on l’appelle désormais, a porté un coup fatal à la théorie naguère très répandue selon laquelle les Galiléens n’étaient que des rustauds impies, bien éloignés du foyer spirituel d’Israël.
La poursuite des fouilles a permis de découvrir toute une ville enfouie à moins de 30 cm sous la surface. Les ruines étaient si bien préservées que certains n’hésitèrent pas à surnommer Magdala la « Pompéi d’Israël ».
L’archéologue Dina Avshalom-Gorni me fait visiter le site. Elle me montre les vestiges de resserres, de bains rituels et d’un atelier où, peutêtre, on préparait et vendait le poisson. « Je peux tout à fait m’imaginer des femmes en train d’acheter du poisson dans le marché qui se trouve juste ici », me dit-elle en indiquant de la tête les fondations d’étals en pierre.

Le père Solana nous rejoint. Je lui demande ce qu’il dit aux visiteurs voulant savoir s’il est arrivé à Jésus de parcourir ces rues. « On ne saurait répondre à cette question, admet-il, mais on doit garder à l’esprit le nombre de fois où les Évangiles mentionnent sa présence dans une synagogue de Galilée. » Puis, tenant compte du fait que la synagogue de Magdala était fréquentée à l’époque du ministère de Jésus et ne se trouvait qu’à quelques encablures de Capharnaüm, Solana conclut: « Nous n’avons aucune raison de nier ou de douter que Jésus ait fréquenté ce lieu. »
À chaque étape de mon périple en Galilée, les traces de pas ténues laissées par Jésus semblent mieux se dessiner. Lors de mon retour à Jérusalem, elles prennent encore davantage de densité. Le Nouveau Testament dit que la cité antique est le théâtre de bon nombre de miracles et d’épisodes parmi les plus spectaculaires. Si les récits des quatre Évangiles divergent quant à la naissance de Jésus, ils sont bien plus proches au sujet de sa mort. Après être venu à Jérusalem pour assister à la Pâque, Jésus est conduit devant le grand prêtre Caïphe, qui l’accuse de blasphème et de menaces contre le Temple. Condamné à mort par le procurateur romain Ponce Pilate, Jésus est crucifié et enterré non loin de là, dans un tombeau creusé dans le roc.
L’emplacement traditionnel de ce tombeau, dans ce qui est devenu l’église du Saint-Sépulcre, est considéré comme le lieu le plus sacré du christianisme. En 2016, je me suis rendue à plusieurs reprises dans l’église pour me documenter sur la restauration historique de l’Édicule, le sanctuaire qui héberge le tombeau réputé être celui de Jésus. Aujourd’hui, pendant la semaine de Pâques, je suis de retour.
Debout, avec les pèlerins en vacances qui attendent leur tour pour pénétrer ans le minuscule sanctuaire, je me souviens des nuits passées dans l’église vide au côté de l’équipe de scientifiques chargée de sa restauration. Je suis émerveillée du nombre de découvertes archéologiques faites à Jérusalem et ailleurs au cours des ans et qui rendent crédibles les Écritures.
À quelques mètres seulement du tombeau du Christ, on trouve d’autres sépultures de la même période creusées dans la roche. Cela prouve que cette église, détruite et reconstruite deux fois, avait été bâtie sur un cimetière juif.
Je me souviens avoir été seule dans le tombeau après que la dalle de marbre avait été momentané – ment retirée. J’étais submergée par l’émotion en contemplant l’un des plus impor – tants monuments de l’histoire humaine –une simple banquette de calcaire que les gens révèrent depuis des millénaires, une chose qui n’avait peut-être pas été vue depuis un millier d’années.

PHOTOGRAPHIE DE Simon Norfolk
Aujourd’hui, lors de ma visite de Pâques, me revoici à l’intérieur du tombeau, pressée contre trois femmes russes. La dalle de marbre a été remise en place, protection indispensable du lit funéraire contre tous les rosaires et cartes de prière inlassablement déposés, sinon frottés, sur cette surface. La plus jeune des femmes implore Jésus de guérir son fils Evgueni, atteint d’une leucémie. À l’extérieur, devant l’entrée, un prêtre rappelle d’une voix forte que le temps accordé pour notre visite est écoulé, d’autres pèlerins attendant leur tour. À regret, les trois femmes se relèvent et quittent les lieux, une à une. Je les suis.
Je me rends compte que, pour les croyants sincères, les études entreprises par les chercheurs sur le Jésus historique, le Jésus terrestre, pure – ment humain, sont de peu d’effet. Cette quête produira d’innombrables théories contradic – toires, des questions sans réponse, des faits inconciliables. Mais, pour les véritables croyants, la foi dans la vie, la mort et la résurrection du Fils de Dieu est amplement suffisante.
Kristin Romey couvre les sujets civilisations et découvertes archéologique pour le magazine et le site National Geographic. Basé à Londre, le photographe Simon Norfolk s’est spécialisé dans la photographie d’architecture et de paysages.
SOURCE : https://www.nationalgeographic.fr/histoire/la-veritable-histoire-de-jesus-ce-que-revele-larcheologie?fbclid=IwAR2pKqtW5D19wlugOAep0xC-Wt6XKQIof9R0M1S84lXnpcMFmbX3hpNd3KY
Réponse au discours de réception de Mme Simone Veil 21 mars, 2023
Posté par hiram3330 dans : Silhouette , ajouter un commentaireRéponse au discours de réception de Mme Simone Veil
Le 18 mars 2010
Réception de Mme Simone Veil
C’est une joie, Madame, et un honneur de vous accueillir dans cette vieille maison où vous allez occuper le treizième fauteuil qui fut celui de Racine.
De Racine, Madame ! De Racine !
Ce qui flotte ce soir autour de nous, ce sont les plaintes de Bérénice :
Je n’écoute plus rien ; et, pour jamais, adieu…
Pour jamais ! Ah ! Seigneur, songez-vous en vous-même
Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ?
Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous,
Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ?
Que le jour recommence et que le jour finisse
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice…
ou l’immortel dialogue entre Phèdre et sa nourrice Œnone :
Œnone
Quel fruit recevront-ils de leurs vaines amours ?
Ils ne se verront plus.
Phèdre
Ils s’aimeront toujours.
Avec La Fontaine, qui fut son contemporain, avec Ronsard, avec Hugo, avec Nerval, avec Baudelaire et Verlaine, avec Péguy, avec Apollinaire et Aragon, Racine est l’un de nos plus grands poètes. Et peut-être le plus grand de tous dès qu’il s’agit de la passion – et surtout de la passion malheureuse. Je suis chargé ici de vous expliquer en trois-quarts d’heure, Madame, pourquoi nous sommes heureux et fiers de vous voir lui succéder.
Je ne voudrais pas que le vertige vous prît ni que la tâche vous parût trop lourde. Vous succédez à Racine, c’est une affaire entendue. Vous succédez aussi à Méziriac, à Valincour, à La Faye, à l’abbé de Voisenon, à Dureau de La Malle, à Picard, à Arnault, tous titulaires passagers de votre treizième fauteuil et qui n’ont pas laissé un nom éclatant dans l’histoire de la pensée et des lettres françaises. Ils constituent ce que Jules Renard, dans son irrésistible Journal, appelle « le commun des immortels ».
Depuis le cardinal de Richelieu, notre fondateur, l’Académie est faite de ces contrastes. Ce sont eux qui permettent à un autre de nos confrères, Paul Valéry, de nous décocher une de ses flèches les plus acérées : « L’Académie est composée des plus habiles des hommes sans talent et des plus naïfs des hommes de talent. »
Rassurez-vous, Madame. Ou, pour parler comme Racine :
Cessez de vous troubler, vous n’êtes point trahie.
Ce n’est ni pour votre naïveté ni pour votre habileté que nous vous avons élue. C’est pour bien d’autres raisons. Ne croyez pas trop vite que vous êtes tombée dans un piège.
Il est vrai que vous aviez le droit de le craindre. L’exercice rhétorique et traditionnel auquel nous nous livrons aujourd’hui vous et moi peut être redoutable. Quand Molé reçoit Alfred de Vigny, qu’il ne porte pas dans son cœur, il le traite avec tant de rudesse que l’auteur de La Mort du loup en demeura longtemps meurtri. Plus près de nous, Albert de Mun, catholique rigoureux, reçoit Henri de Régnier dont les romans, à l’époque – les temps ont bien changé –, passaient pour sulfureux. Dans sa réponse au remerciement d’Henri de Régnier, Albert de Mun lui lance, ici même : « Je vous ai lu, Monsieur, je vous ai même lu jusqu’au bout. Car je suis capitaine de cuirassiers. » Henri de Régnier encaissa le coup comme Vigny, mais des témoins assurent qu’à la sortie, là-haut, derrière nous, il aurait lâché entre ses dents : « Je le rattraperai au Père Lachaise. »
Vous n’avez pas à redouter aujourd’hui, Madame, des avanies à la Molé ou à l’Albert de Mun. De toutes les figures de notre époque, vous êtes l’une de celles que préfèrent les Français. Les seuls sentiments que vous pouvez inspirer et à eux et à nous sont l’admiration et l’affection. Je voudrais essayer de montrer pourquoi et comment vous incarnez avec plus d’éclat que personne les temps où nous avons vécu, où le Mal s’est déchaîné comme peut-être jamais tout au long de l’histoire et où quelques-uns, comme vous, ont lutté contre lui avec détermination et courage et illustré les principes, qui ne nous sont pas tout à fait étrangers, de liberté, d’égalité et de fraternité.
L’histoire commence comme un conte de fées. Il était une fois, sous le soleil du Midi, à Nice, une famille sereine et unie à qui l’avenir promettait le bonheur et la paix. Le père est architecte, avec des ancêtres en Lorraine. La mère a quelque chose de Greta Garbo. Vous avez deux sœurs, Milou et Denise, et un frère, Jean. Vous êtes la petite dernière de cette famille Jacob qui est juive et très française, patriote et laïque. L’affaire Dreyfus avait à peine ébranlé son insouciance. On racontait chez vous que lorsque l’innocence du capitaine Dreyfus avait été reconnue, votre grand-père avait débouché une bouteille de champagne et déclaré tranquillement : « Les descendants de 89 ne pouvaient pas se tromper. »
Alors que votre mère était plutôt de gauche, votre père était plutôt à droite. Il lisait un quotidien de droite, L’Éclaireur, et elle, L’Œuvre, Marianne ou Le Petit Niçois, de tendance socialiste.
Le plus frappant dans cette famille si républicaine et si française, c’est son caractère foncièrement laïc. Une de vos cousines italiennes, de passage chez vous, avait pris l’initiative de vous entraîner dans une synagogue. Votre père l’avait appris. Il prévint votre cousine qu’en cas de récidive, elle ne serait plus reçue dans votre maison. L’épisode m’a rappelé une formule de mon ami le plus intime. Il se promenait un dimanche dans Paris avec son fils qui est devenu de nos jours un de nos acteurs et de nos créateurs les plus célèbres. Passant devant une église, le petit Édouard manifesta le désir d’y entrer. « Allons ! viens ! lui dit son père qui pensait à autre chose et qui était pressé, c’est fermé le dimanche. » Il y a des catholiques sincères qui sont franchement laïques. Vous étiez juifs et laïques. Vous mangiez une choucroute le jour de Kippour.
Votre père avait quitté Paris pour Nice parce qu’il pensait que la Côte d’Azur allait connaître un développement spectaculaire. Dès le début des années trente, la crise, venue d’Amérique, frappait votre famille comme elle frappait tous les Français et même l’Europe entière. Vous étiez obligés de vous restreindre, mais la vie continuait, toujours aussi gaie et charmante, entre Nice et La Ciotat où votre père avait construit une maison de vacances. Votre mère jouait au tennis avec un jeune homme brillant qui revenait d’un séjour à Berlin : c’était Raymond Aron.
Le 3 septembre 1939, la guerre éclatait. Le 10 mai 40, l’offensive allemande se déclenchait. Le 13 mai, Winston Churchill prononçait à la Chambre des Communes un des discours les plus célèbres de l’histoire. « Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, de la sueur et des larmes. » Le paradis terrestre où vous aviez vécu s’engloutissait dans le passé.
Le 3 octobre 40, le premier statut des Juifs était édicté par Vichy. Votre père, très « ancien combattant », avait peine à admettre que le maréchal Pétain pût être responsable de ces honteuses dispositions. Il se vit pourtant retirer le droit d’exercer son métier. L’existence devenait difficile. Deux ans plus tard, les Alliés débarquaient en Afrique du Nord et l’armée allemande envahissait la zone libre. Nice et le Sud-Est de la France furent occupés par les Italiens qui adoptaient une attitude de tolérance à l’égard des Juifs français. Au point que le Midi constitua pour un bref laps de temps un refuge pour les Juifs. Nice vit ainsi sa population s’accroître, en quelques mois, de près de 30 000 habitants. Mais, une autre année plus tard, les Italiens évacuaient la région. En septembre 1943, avant même les troupes allemandes qui prenaient le relais des troupes italiennes, la Gestapo débarquait à Nice avec Aloïs Brunner, déjà célèbre à Vienne, qui dirigera plus tard le camp de Drancy. Le crime se mettait en place.
Le 29 mars 1944, vous passez à Nice les épreuves du baccalauréat, avancées de trois mois par crainte d’un débarquement allié dans le Sud de la France. Le lendemain, 30 mars, en deux endroits différents, par un effroyable concours de circonstances, votre mère, votre sœur Milou, votre frère Jean et vous-même êtes arrêtés par les Allemands.
Huit jours plus tard, vous arrivez à Drancy où les conditions matérielles et morales sont déjà très dures. Vous ne savez plus rien de votre père ni de votre sœur Denise. Vous êtes très vite séparées de votre frère. Une semaine encore – le calendrier se déroule impitoyablement – et le 13 avril, à cinq heures du matin, en gare de Bobigny, vous montez avec votre mère et votre sœur dans un convoi de wagons à bestiaux en direction de l’Est. Le voyage dure trois jours – du 13 avril à l’aube au 15 avril au soir. Le 15 avril 1944, en pleine nuit, sous les cris des SS, les aboiements des chiens, les projecteurs aveuglants, vous débarquez sur la rampe d’accès du camp d’Auschwitz-Birkenau. Vous entrez en enfer. Vous avez seize ans, de longs cheveux noirs, des yeux verts et vous êtes belle.
Des déportés vous attendent sur la rampe de débarquement. Ils vous crient en français : « Laissez vos bagages dans les wagons, mettez-vous en file, avancez. » Tout à coup, une voix inconnue vous murmure à l’oreille :
- Quel âge as-tu ?
Vous répondez :
- Seize ans.
Un silence. Puis, tout bas et très vite :
- Dis que tu en as dix-huit.
La voix inconnue vous a sauvé la vie. Des enfants et des femmes âgées ou malades sont empilés dans des camions que vous n’avez jamais revus. Votre mère, Milou et vous, vous vous retrouvez toutes les trois dans la bonne file – la « bonne » file ! –, entourées de kapos qui vous prennent vos sacs, vos montres, vos bijoux, vos alliances. Une amie de Nice, arrêtée avec vous, conservait sur elle un petit flacon de Lanvin. Sous les cheminées des crématoires d’où sort une fumée pestilentielle qui obscurcit le ciel, vous vous aspergez, à trois ou quatre, de ce dernier lambeau de civilisation avant la barbarie.
La nuit même de votre arrivée au camp, les kapos vous font mettre en rang et un numéro indélébile vous est tatoué sur le bras. Il remplace l’identité que vous avez perdue, chaque femme étant enregistrée sous son seul numéro avec, pour tout le monde, le prénom de Sarah. Vous êtes le n° 78651. Vous appartenez désormais, avec des millions d’autres, au monde anonyme des déportés. Et, à l’âge où les filles commencent à se détourner de leurs jeux d’enfant pour rêver de robes et de romances au clair de lune, vous êtes l’image même de l’innocence : votre crime est d’être née dans la famille honorable et très digne qui était la vôtre.
Dans l’abîme où vous êtes tombée, dans ce cauchemar devenu réalité, il faut s’obstiner à survivre. Survivre, à Auschwitz, comme à Mauthausen, à Treblinka, à Bergen-Belsen, est une tâche presque impossible. Le monstrueux prend des formes quotidiennes. À l’intérieur de l’industrie du massacre, des barèmes s’établissent : pour obtenir une cuiller, il faut l’organiser, selon le terme consacré, c’est-à-dire l’échanger contre un morceau de pain. Dans ce monde de la terreur et de l’humiliation, fait pour détruire tout sentiment humain et dont le spectre ne cesse de hanter notre temps, la charité vit encore. Vous portez des haillons. Une Polonaise, rescapée du ghetto de Varsovie, vous donne deux robes. Quel bonheur ! Vous en donnez une à une amie qui était architecte et qui parlait français − et aussi misérable que vous.
Car vous vous faites des amies : Ginette, qui a votre âge, Marceline Loridan, plus jeune de dix-huit mois, qui a quatorze ou quinze ans. Vous devez vous défendre de tout : de la faim, de la brutalité, de la violence, des coups – mais aussi de la compassion trompeuse et trop entreprenante.
Une des chefs du camp, une Lagerälteste, était une ancienne prostituée du nom de Stenia, particulièrement dure avec les déportés. Mystère des êtres. Sans rien exiger en échange, Stenia vous sauve deux fois de la mort, votre mère, Milou et vous : une première fois à Birkenau en vous envoyant dans un petit commando, une seconde fois à Bergen-Belsen en vous affectant à la cuisine. À la libération des camps, elle sera pendue par les Anglais.
Nous sommes en janvier 45. L’avance des troupes soviétiques fait que votre groupe est envoyé à Dora, commando de Buchenwald. Le voyage est effroyable : le froid et le manque de nourriture tuent beaucoup d’entre vous. Vous ne restez que deux jours à Dora. On vous expédie à Bergen-Belsen. Votre mère, épuisée, y meurt du typhus le 13 mars. Un mois plus tard, les troupes anglaises entrent à Bergen-Belsen et vous libèrent. Mais cette libération est loin d’être la fin de vos malheurs sans nom.
Les Anglais sont épouvantés du spectacle qu’ils découvrent dans les camps : des monceaux de cadavres empilés les uns sur les autres et que des squelettes vivants précipitent dans des fosses. Vous êtes accablée par la mort de votre mère et par la santé de votre sœur, qui n’a plus que la peau sur les os, qui est rongée de furoncles et qui, à son tour, a attrapé le typhus. Le retour à Paris, en camion d’abord, puis en train, demande longtemps, très longtemps, et il est amer. Plus d’un mois après la libération de Bergen-Belsen, vous arrivez enfin à l’hôtel Lutetia. Vous apprenez alors seulement le sort de votre sœur Denise, dont vous n’aviez aucune nouvelle depuis Drancy. Déportée à Ravensbrück, puis à Mauthausen, elle vient de rentrer en France. Le sort de votre père et de votre frère, vous ne le saurez que bien plus tard : déportés dans les pays Baltes, ils ont disparu à jamais entre Kaunas et Tallin.
Votre famille est détruite. Vous entendez des gens s’étonner : « Tiens ! elles sont revenues ? C’est bien la preuve que ce n’était pas si terrible… » Le désespoir vous prend.
En m’adressant à vous, Madame, en cette circonstance un peu solennelle, je pense avec émotion à tous ceux et à toutes celles qui ont connu l’horreur des camps de concentration et d’extermination. Leur souvenir à tous entre ici avec vous. Beaucoup ont péri comme votre père et votre mère. Ceux qui ont survécu ont éprouvé des souffrances que je me sens à peine le droit d’évoquer. La déportation n’est pas seulement une épreuve physique ; c’est la plus cruelle des épreuves morales. Revivre après être passé par le royaume de l’abjection est presque au-dessus des forces humaines. Vous qui aimiez tant une vie qui aurait dû tout vous donner, vous n’osez plus être heureuse. Pendant plusieurs semaines, vous êtes incapable de coucher dans un lit. Vous dormez par terre. Les relations avec les autres vous sont difficiles. Être touchée et même regardée vous est insupportable. Dès qu’il y a plus de deux ou trois personnes, vous vous cachez derrière les rideaux, dans les embrasures des fenêtres. Au cours d’un dîner, un homme plutôt distingué vous demande si c’est votre numéro de vestiaire que vous avez tatoué sur votre bras.
À plusieurs reprises, dans des bouches modestes ou dans des bouches augustes, j’ai entendu parler de votre caractère. C’était toujours dit avec respect, avec affection, mais avec une certaine conviction : il paraît, Madame, que vous avez un caractère difficile. Difficile ! Je pense bien. On ne sort pas de la Shoah avec le sourire aux lèvres. Avec votre teint de lys, vos longs cheveux, vos yeux verts qui viraient déjà parfois au noir, vous étiez une jeune fille, non seulement très belle, mais très douce et peut-être plutôt rêveuse. Une armée de bourreaux, les crimes du national-socialisme et deux mille cinq cents survivants sur soixante-seize-mille Juifs français déportés vous ont contrainte à vous durcir pour essayer de sauver votre mère et votre sœur, pour ne pas périr vous-même. Permettez-moi de vous le dire avec simplicité : pour quelqu’un qui a traversé vivante le feu de l’enfer et qui a été bien obligée de perdre beaucoup de ses illusions, vous me paraissez très peu cynique, très tendre et même enjouée et très gaie.
Ce qui vous a sauvé du désespoir, c’est le courage, l’intelligence, la force de caractère et d’âme. Et c’est l’amour : il succède à la haine.
Les Veil avaient le même profil que les Jacob. Par bien des côtés, ils évoquaient la famille que vous aviez perdue : des Juifs non religieux, profondément cultivés, ardemment attachés à la France, redevables envers elle de leur intégration. Ils aimaient les arts comme vos parents – et surtout la musique. À l’automne 46, vous épousez Antoine Veil. Il vous donnera trois fils : Jean, Nicolas, le médecin – malheureusement disparu il y a quelques années –, Pierre-François. Vous êtes maintenant mariés depuis près de soixante-cinq ans, vous avez une douzaine de petits-enfants et plusieurs arrière-petits-enfants, et Antoine est toujours attentif auprès de vous. Puisque nous parlons très librement et pour ainsi dire entre nous, laissez-moi vous assurer, Madame, au cas où vous en auriez besoin, que quelqu’un qui, comme Antoine, aime autant la musique et Chateaubriand ne peut pas être tout à fait mauvais.
L’histoire des hommes est tragique et risible : en rentrant des épreuves atroces de la déportation, vous apprenez que vous avez été reçue aux épreuves dérisoires de ce bac passé à seize ans, la veille même de votre arrestation, le 29 mars 1944. Vous avez toujours eu envie de devenir avocate. Après être passée par Sciences-Po, vous annoncez à votre mari, qui va être reçu, de son côté, à l’École nationale d’administration avant de se retrouver inspecteur des Finances, votre intention de vous inscrire au barreau. À votre stupeur, Antoine, qui a des idées bien arrêtées et qui ne nourrit pas une haute estime à l’endroit des avocats, vous répond : « Il n’en est pas question ! » C’est ainsi qu’abandonnant votre vocation d’avocat, vous décidez de passer le concours de la magistrature. Ajoutons aussitôt que votre fils aîné Jean et votre cadet, Pierre-François, sont devenus tous les deux des avocats célèbres. Ils participent l’un et l’autre à la plupart des grandes affaires judiciaires et des grandes causes de notre époque.
Votre parcours dans la magistrature n’est pas de tout repos. Vous êtes une femme, vous êtes juive, vous êtes mariée, vous avez trois enfants. Quelle idée ! Beaucoup tentent par tous les moyens de vous dissuader. « Imaginez, vous dit-on, qu’un jour vous soyez contrainte de conduire un condamné à mort à l’échafaud ! » J’aime votre réponse : « J’assumerais. »
Nommée à la direction de l’administration pénitentiaire, vous avez parfois le sentiment de plonger dans le Moyen Âge : les conditions de détention vous paraissent inacceptables. Vous découvrez la grande misère des prisons de France. Au lieu de permettre une réinsertion des délinquants condamnés, elle les enfonce plutôt dans leur malédiction. Vous comprenez assez vite que le problème des prisons se heurte à deux obstacles : les contraintes budgétaires et, plus sérieux encore, l’état de l’opinion. Les contribuables français ne sont pas prêts à payer des impôts pour améliorer le niveau de vie dans les prisons.
De la situation des Algériens emprisonnés à la lutte contre la délinquance sexuelle et la pédophilie, le plus souvent qualifiée à l’époque d’attouchement et trop rarement poursuivie, les dossiers difficiles ne vous manquent pas. De 1957 à 1964, ce sont sept années harassantes – et qui vous passionnent.
Dans cette période où j’admirais éperdument le général de Gaulle, vous n’êtes pas gaulliste. Vous vous situez plus à gauche. Votre grand homme est Mendès France et vous votez souvent socialiste. Vous vous prononcez surtout avec ardeur en faveur de la construction européenne, et le rejet par les gaullistes, par les communistes, par Mendès France lui-même du projet de Communauté européenne de Défense, la fameuse C.E.D., vous attriste, Antoine et vous. Vous observez avec intérêt le bouillonnement d’idées symbolisé par la création de l’Express, vous vous sentez proche de Raymond Aron, vous nourrissez l’espérance de voir émerger une troisième force entre gaullisme et communisme. Après mai 68 – auquel votre deuxième fils participe assez activement – et le départ du Général en 1969, Georges Pompidou vous nomme au poste prestigieux, mais franchement plus calme après les tumultes de l’administration pénitentiaire, de secrétaire du Conseil supérieur de la magistrature.
Le 2 avril 1974, la mort de Georges Pompidou est un choc pour vous comme pour tous les Français. Des trois concurrents en lice pour lui succéder – Jacques Chaban-Delmas, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand –, le père de la « nouvelle société » vous apparaît comme le plus authentique réformateur. Vous vous apprêtez à voter pour lui lorsque soudain sa campagne s’enlise. Une émission de télévision où Chaban apparaît flanqué d’un Malraux éprouvé et à peine compréhensible donne le coup de grâce à ses ambitions. Au second tour, vous êtes tentée de vous abstenir. Contrairement à ce qui a été souvent colporté, après avoir hésité, vous votez pour Giscard.
C’est ici qu’apparaît un nouveau personnage, convivial et chaleureux : Jacques Chirac. Il venait de se rallier à Giscard et de lui apporter le soutien des fameux Quarante-trois venus du mouvement gaulliste. Vous étiez liée avec sa principale conseillère, magistrat comme vous, Marie-France Garaud. Un magazine féminin publie un article sur un éventuel et imaginaire gouvernement de femmes. Sur ce podium virtuel, à la surprise, il faut le dire, de beaucoup, et d’abord de vous-même, vous étiez propulsée au poste de Premier ministre.
Un soir, à un dîner chez des amis, où se fait sentir une certaine ironie à l’égard de l’improbable journalisme féminin et de ses vaticinations, le téléphone sonne. La maîtresse de maison vous fait un signe : c’est pour vous. Au bout du fil, Jacques Chirac qui vient d’être désigné comme Premier ministre par Giscard. Il vous offre d’entrer dans son gouvernement que le président Giscard d’Estaing, en novateur, souhaite aussi large que possible. Vous n’hésitez pas longtemps. Vous devenez ministre de la Santé. Vous êtes la seule femme ministre : Françoise Giroud, avec qui vous entretiendrez des relations qui ne seront pas toujours chaleureuses, est secrétaire d’État à la Condition féminine.
Il y a un homme, dont les idées politiques ne se confondent pas toujours avec les vôtres, avec qui vous allez vous entendre aussitôt : c’est le confident fidèle de Giscard, c’est le ministre de l’Intérieur, c’est le véritable Premier ministre bis de votre gouvernement : Michel Poniatowski. Il a été ministre de la Santé dans le dernier gouvernement Pompidou – qui était dirigé par Pierre Messmer dont vous venez de retracer l’héroïsme, la grandeur, les tourments et l’attachement à cette Légion étrangère qui, le matin de ses obsèques, défilera en silence, dans la cour des Invalides : il avait demandé – quelle leçon ! – qu’aucun discours ne fût prononcé.
C’est Michel Poniatowski qui vous parle le premier d’un problème urgent et grave : l’avortement clandestin. On pouvait imaginer que cette question relevât du ministère de la Justice. Mais le nouveau garde des Sceaux, Jean Lecanuet, pour désireux qu’il fût de traiter cette affaire, n’était pas convaincu de l’urgence du débat. C’est vous que le président de la République et le Premier ministre vont charger de ce dossier écrasant.
Depuis plusieurs années, la situation de l’avortement clandestin en France devenait intenable. L’avortement est toujours un drame. Avec la vieille loi de 1920 qui était encore en vigueur, il devenait une tragédie. Un film de Claude Chabrol s’était inspiré de l’exécution « pour l’exemple », sous le régime de Vichy, de Marie-Louise Giraud, blanchisseuse à Cherbourg. En 1972, une mineure violée avait été poursuivie pour avortement devant le tribunal de Bobigny. À la suite d’une audience célèbre, Gisèle Halimi avait obtenu son acquittement. En même temps, pendant que se déroulaient des histoires plus sordides et plus sinistres les unes que les autres, des trains et des cars entiers partaient régulièrement pour l’Angleterre ou pour les Pays-Bas afin de permettre à des femmes des classes aisées de se faire avorter.
À beaucoup d’hommes et de femmes, de médecins, de responsables politiques, effarés de voir les dégâts entraînés par les avortements sauvages dans les couches populaires, et à vous, cette situation paraissait intolérable. Mais les esprits étaient partagés, souvent avec violence. Chez les hommes, évidemment, plus que chez les femmes. Vous finissez par vous demander si les hommes ne sont pas, en fin de compte, plus hostiles à la contraception qu’à l’avortement. La contraception consacre la liberté des femmes et la maîtrise qu’elles ont de leur corps. Elle dépossède les hommes. L’avortement, en revanche, qui meurtrit les femmes, ne les soustrait pas à l’autorité des hommes. Une des clés de votre action, c’est que vous êtes du côté des femmes. Avec calme, mais avec résolution, vous vous affirmez féministe.
Les difficultés, souvent cruelles, auxquelles vous vous heurtez en 1974 ne se sont pas dissipées trente-cinq ans plus tard. Il y a à peine un an, une affaire dramatique secouait Recife, l’État de Pernambouc, le Brésil et le monde entier. Une fillette de neuf ans, qui mesurait un mètre trente-six et pesait trente-trois kilos, avait été violée par son beau-père depuis l’âge de six ans et attendait des jumeaux. L’avortement, au Brésil, comme dans la plupart des pays d’Amérique latine, est considéré comme un crime. La loi n’autorise que deux exceptions : viol ou danger pour la vie de la mère. Les deux cas s’appliquant, l’avortement avait été pratiqué. Aussitôt l’archevêque de Recife et Olinda, Dom José Cardoso Sobrinho, qui avait succédé à ce poste à Dom Helder Camara, porte-parole de la théologie de la libération, avait frappé d’excommunication les médecins responsables de l’avortement ainsi que la mère de la fillette. Le scandale est venu surtout de la décision de l’archevêque de ne pas étendre l’excommunication au beau-père de l’enfant sous prétexte que le viol est un crime moins grave que l’avortement.
Ce sont des réactions de cet ordre que vous affrontez en 1974. Elles ne viennent pas principalement des autorités religieuses. Les catholiques, les protestants, les juifs étaient très divisés. Les catholiques intégristes vous étaient – et vous restent – farouchement opposés. Certains luthériens étaient hostiles à votre projet alors que la majorité de l’Église réformée y était favorable. Parmi les juifs religieux, quelques-uns vous ont gardé rancune : il y a cinq ans, des rabbins intégristes de New York ont écrit au président de la République polonaise pour contester le choix de l’auteur de la loi française sur l’interruption volontaire de grossesse comme représentant des déportés au 60e anniversaire de la libération d’Auschwitz.
Une minorité de l’opinion s’est déchaînée – et se déchaîne encore – contre vous. L’extrême droite antisémite restait violente et active. Mais d’autres accusations vous touchaient peut-être plus cruellement. « Comment vous, vous disait-on, avec votre passé, avec ce que vous avez connu, pouvez-vous assumer ce rôle ? » Le mot de génocide était parfois prononcé.
L’agitation des esprits était à son comble. À l’époque, la télévision ne retransmettait pas les débats parlementaires. Au moment où s’ouvre, sous la présidence d’Edgar Faure, la discussion du projet à l’Assemblée nationale, une grève éclate à l’O.R.T.F. En dépit à la fois de la coutume et de la grève, des techniciens grévistes s’installent dans les tribunes et diffusent le débat en direct. Ce sont pour vous de grands moments d’émotion et d’épuisement. Beaucoup d’entre nous, aujourd’hui et ici, se souviennent encore de ce spectacle où la grandeur se mêlait à la sauvagerie. Je vous revois, Madame, faisant front contre l’adversité avec ce courage et cette résolution qui sont votre marque propre. Les attaques sont violentes. À certains moments, le découragement s’empare de vous. Mais vous vous reprenez toujours. Vous êtes une espèce d’Antigone qui aurait triomphé de Créon. Votre projet finit par être adopté à l’Assemblée nationale par une majorité plus large que prévu : deux cent quatre-vingt-quatre voix contre cent quatre-vingt-neuf. La totalité des voix de gauche et – c’était une chance pour le gouvernement – une courte majorité des voix de droite.
Restait l’obstacle tant redouté du Sénat, réputé plus conservateur, surtout sur ce genre de questions. Le gouvernement craignait l’obligation d’une seconde lecture à l’Assemblée nationale pour enregistrement définitif. La surprise fut l’adoption du texte par le Sénat avec une relative facilité. C’était une victoire historique. Elle inscrit à jamais votre nom au tableau d’honneur de la lutte, si ardente dans le monde contemporain, pour la dignité de la femme.
Le temps, pour vous, passe à toute allure. Pour moi aussi. Il faut aller vite. Après avoir été du côté de la liberté des hommes et de l’égalité des femmes, vous consacrez votre énergie, votre courage, votre volonté inébranlables à une cause nouvelle : la fraternité entre les peuples. Y compris la réconciliation, après l’horreur, avec l’Allemagne d’hier et de demain, celle de Bach, de Kant, de Goethe, de Hölderlin, de Schumann, d’Henri Heine, de Husserl, de Thomas Mann et celle de l’Union européenne.
Aux élections européennes de juin 1979, la liste que vous entraînez, sur proposition du président Giscard d’Estaing, en compagnie de Jean François Deniau, dont vous me permettrez de prononcer le nom avec affection, remporte une victoire éclatante : elle arrive première, assez loin devant celle du parti socialiste, plus de dix points au-dessus de la liste gaulliste. Vous voilà député à Strasbourg. Et, dès la première séance, à la mi-juillet, avec trois voix de plus que la majorité absolue, vous êtes élue, pour trente mois, à la présidence du Parlement européen.
Citoyenne de l’Europe au niveau le plus élevé, vous nouez des liens avec Helmut Schmidt, avec Margaret Thatcher, avec le roi d’Espagne, avec Ronald Reagan, avec le couple Clinton, avec le roi de Jordanie, avec Abdou Diouf, avec tant d’autres – avec deux hommes d’exception surtout, pour qui vous éprouvez une admiration particulière : Nelson Mandela et Anouar al-Sadate. Après son voyage historique à Jérusalem, vous invitez le dirigeant égyptien à prendre la parole devant le Parlement européen. C’était l’époque où l’hypothèse d’un État palestinien était pratiquement acquise. Elle n’a cessé, hélas, de s’estomper depuis lors.
Vous avez toujours été libre, véhémente et sereine. Vous le restez, tout au long de vos hautes fonctions, et au-delà. Sur plusieurs points, vous marquez votre indépendance : vous éprouvez des réserves à l’égard de l’idéologie des droits de l’homme, vous vous interrogez sur l’absence de prescription des crimes contre l’humanité. L’arrivée au pouvoir de François Mitterrand provoque chez vous des sentiments contrastés : admiration pour le discours présidentiel prononcé en 1984 devant le Bundestag, avec la fameuse formule sur les pacifistes à l’Ouest et les missiles à l’Est ; méfiance à l’égard du projet Mitterrand d’Europe confédérale qui, en 1991, à l’effroi des pays de l’Est, privilégiait outrageusement la Russie aux détriments des États-Unis. Vous ne tardez surtout pas beaucoup à mettre le doigt sur des problèmes qui, aujourd’hui encore, trente ans plus tard, pèsent sur les institutions européennes : les clivages politiques nationaux qui parasitent les débats communautaires ; l’éparpillement des instances européennes entre Bruxelles, Strasbourg et Luxembourg ; la contradiction permanente surtout entre l’aspiration à la communauté et la fidélité aux racines ancestrales – au point que votre conception de l’Europe a fini par évoluer. Vous croyez moins désormais à un édifice européen monolithique qu’à un agrégat de nations.
Le 30 mars 1993, après avoir quitté la scène européenne, vous êtes sur le point de vous envoler pour la Namibie où vous appelle la lutte contre le sida quand un coup de téléphone vous surprend une fois de plus : Édouard Balladur, le tout nouveau Premier ministre de la deuxième cohabitation vous propose de revenir au ministère de la Santé, élargi ce coup-ci aux Affaires Sociales et à la Ville, avec rang de ministre d’État.
Avec la cohabitation, le paysage a changé. Les problèmes que vous allez rencontrer dans ces fonctions nouvelles ou renouvelées sont d’une actualité brûlante : déficit de la Sécurité sociale, quartiers réputés « difficiles », montée de communautés – notamment de la communauté musulmane – trop souvent repliées sur elles-mêmes. Vous faites face jusqu’à l’élection à la présidence de la République de Jacques Chirac, suivie, deux ans plus tard, du retour de la gauche au pouvoir avec la troisième cohabitation. Vous décidez alors de vous inscrire à l’U.D.F. Mais vos relations se révèlent vite difficiles – et c’est plutôt une litote – avec son secrétaire général, François Bayrou. Vous avez une passion pour la politique, mais dès qu’elle devient politicienne, elle cesse de vous intéresser. Vous n’hésitez pas longtemps : vous renoncez à la politique.
La vie, qui a été si dure avec vous, ne cesse, cependant, comme pour s’excuser, de vous offrir des chances qui sont autant d’hommages à votre personne, à votre intégrité et à votre talent. Créé par la Constitution de 1958 pour veiller à son respect, composé de membres de droit qui sont les anciens présidents de la République et de neuf membres nommés – trois par le président de la République, trois autres par le président du Sénat, trois autres encore par le président de l’Assemblée nationale –, le Conseil constitutionnel veille à la légitimité des lois et à la régularité des élections. Vous venez à peine de quitter l’U.D.F. que René Monory, président du Sénat, vous nomme, pour neuf ans, au Conseil constitutionnel.
Vous accomplirez au sein de la haute magistrature des tâches essentielles que le temps m’empêche d’énumérer dans le détail. Disons rapidement que vous y confirmez la loi sur la bio-éthique et que vous y tranchez le débat récurrent de la primauté du droit communautaire sur la législation nationale. À aucun moment, dans ces fonctions éminentes que vous exercez avec une loyauté parfaite, vous n’abandonnez vos convictions. Le rejet par les Français, en 2005, du projet de Constitution européenne vous consterne ; vous n’êtes guère favorable au quinquennat ; l’élection du président de la République au suffrage universel direct ne répond même pas à vos vœux profonds – ce qui ne vous empêche pas, il y a près de trois ans et en dépit de vos réserves sur la dérive présidentialiste de nos institutions, de vous déclarer pour Nicolas Sarkozy ; vous êtes ardemment en faveur de la parité et de la discrimination positive. Dans une longue interview accordée à Pierre Nora pour sa revue Le Débat, vous n’hésitez pas à déplorer l’absence en France d’un véritable dialogue démocratique. Lorsqu’il y a deux ans à peine vous quittez le Conseil constitutionnel, vous avez le sentiment d’avoir été fidèle à la fois à vous-même et aux devoirs de votre charge.
Au terme de ces instants trop brefs et déjà trop longs que j’ai eu la chance et le bonheur de passer avec vous, je m’interroge sur les sentiments que vous portent les Français. Vous avez été abreuvée d’insultes par une minorité, et une large majorité voue une sorte de culte à l’icône que vous êtes devenue.
La première réponse à la question posée par une popularité si constante et si exceptionnelle est liée à votre attitude face au malheur. Vous avez dominé ce malheur avec une fermeté d’âme exemplaire. Ce que vous êtes d’abord, c’est courageuse – et les Français aiment le courage.
Vous avez des convictions, mais elles ne sont jamais partisanes. Vous les défendez avec force. Mais vous êtes loyale envers vos adversaires comme vous êtes loyale envers vos amis. Vous êtes un modèle d’indépendance. Plus d’une fois, vous trouvez le courage de vous opposer à ceux qui vous sont proches et de prendre, parce que vous pensez qu’ils n’ont pas toujours tort, le parti de ceux qui sont plus éloignés de vous. C’est aussi pour cette raison que les Français vous aiment.
Avec une rigueur à toute épreuve, vous êtes, en vérité, une éternelle rebelle. Vous êtes féministe, vous défendez la cause des femmes avec une fermeté implacable, mais vous n’adhérez pas aux thèses de celles qui, à l’image de Simone de Beauvoir, nient les différences entre les sexes. Vous êtes du côté des plus faibles, mais vous refusez toute victimisation. Quand on vous propose la Légion d’honneur au titre d’ancienne déportée, vous déclarez avec calme et avec beaucoup d’audace qu’il ne suffit pas d’avoir été malheureuse dans un camp pour mériter d’être décorée.
La clé de votre popularité, il faut peut-être la chercher, en fin de compte, dans votre capacité à emporter l’adhésion des Français. Cette adhésion ne repose pas pour vous sur je ne sais quel consensus médiocre et boiteux entre les innombrables opinions qui ne cessent de diviser notre vieux pays. Elle repose sur des principes que vous affirmez, envers et contre tous, sans jamais hausser le ton, et qui finissent par convaincre. Disons-le sans affectation : au cœur de la vie politique, vous offrez une image républicaine et morale.
Il y a en vous comme un secret : vous êtes la tradition même et la modernité incarnée. Je vous regarde, Madame : vous me faites penser à ces grandes dames d’autrefois dont la dignité et l’allure imposaient le respect. Et puis, je considère votre parcours et je vous vois comme une de ces figures de proue en avance sur l’histoire.
Oui, il y a de l’énigme en vous : une énigme claire et lumineuse jusqu’à la transparence. Elle inspire à ceux qui ont confiance en vous des sentiments qui les étonnent eux-mêmes. Vous le savez bien : ici, sous cette Coupole, nous avons un faible pour les coups d’encensoir dont se méfiait Pierre Messmer. L’admiration est très répandue parmi ceux qui se traitent eux-mêmes d’immortels. Nous nous détestons parfois, mais nous nous admirons presque toujours. Nous passons notre temps à nous asperger d’éloges plus ou moins mérités : nous sommes une société d’admiration mutuelle, que Voltaire déjà dénonçait en son temps. Cette admiration, vous la suscitez, bien sûr, vous-même. Mais, dans votre cas, quelque chose d’autre s’y mêle : du respect, de l’affection, une sorte de fascination. Beaucoup, en France et au-delà, voudraient vous avoir, selon leur âge, pour confidente, pour amie, pour mère, peut-être pour femme de leur vie. Ces rêves d’enfant, les membres de notre Compagnie les partagent à leur tour. Aussi ont-ils choisi de vous prendre à jamais comme consœur. Je baisse la voix, on pourrait nous entendre : comme l’immense majorité des Français, nous vous aimons, Madame. Soyez la bienvenue au fauteuil de Racine qui parlait si bien de l’amour.
« Les Druides ne sont pas réellement sages, au sens strict du terme » : des Occidentaux de traditions celtes, parlent bien mieux 12 mars, 2023
Posté par hiram3330 dans : Recherches & Reflexions , ajouter un commentaire« Les Druides ne sont pas réellement sages, au sens strict du terme » : des Occidentaux de traditions celtes, parlent bien mieux
Quand on aborde le(s) druidisme(s) contemporain(s), plusieurs problèmes se posent : les plus visibles ne sont pas les plus logiques – où Astérix n’est qu’une BD marquée par un gentil chauvinisme fantastique, daté des troubles enseignements de la IIIème République. Quasi-tout de la civilisation celtique semble en effet perdu en tant que tel, d’avoir été assimilé par Rome puis le folklore chrétien. Il n’y a plus qu’un substrat celtique, comme disent les chercheurs. Autant vous dire tout de suite, que la figure du druide n’est qu’une familière étrangeté.
De 2020 à 2022, parurent sous AgoraVox des entretiens-fleuves, nommés Des Druides et celtisants contemporains parlent. Ces entretiens se sont perdus, mais reparurent synthétisés et épurés, dans l’article « Je souhaite que chacun, dans son identité propre, renoue avec ses racines spirituelles » : des Occidentaux de traditions celtes, parlent. Dans l’entretien-fleuve suivant, si des Occidentaux de traditions celtes parlent bien mieux, c’est qu’ils ne parlaient pas (enfin pas tous) si bien que cela, dans le premier (même s’il fut synthétisé et épuré).
Observez qu’il y a 1° les druidistes véridiques, qui assument les savoirs et les doutes archéo/historiques quant aux Celtes… 2° les druidistes empotés, qui ne se veulent pas méchants, mais qui sont limités par leur manque de reconnaissance desdits savoirs et doutes (trop habitués à la tradition romantique, déjà tricentenaire néanmoins)… et 3° les druidistes faux (les « fake druids ») qui vendent un druidisme qui n’en a que le titre, diffusant l’image d’un pseudo-sage vert, à travers des démarches de développement personnel plus ou moins utiles ou niaises. Ces fake druids doivent leurs fallaces aux druidistes empotés, d’une part… et à leurs propres usurpations, dénis et velléités fantastiques, d’autre part (on en trouve partout en Occident, donc en France, mais ils écrasent littéralement le monde anglosaxon). À ce stade, les druidistes empotés deviennent complices en fausseté (« fakeness ») bien que sans eux les druidistes véridiques seraient moindres. Mais les savoirs et doutes archéo/historiques se répandent dans les magazines d’Histoire, et ridiculisent le milieu. Même la Gorsedd de Bretagne, est ainsi complice ! Même le fameux British Druid Order ! En passant par A Druid Fellowship et l’Order of Bards, Ovates and Druids ! Il y en a tant d’empotés et de fallacieux, qui se reposent sur leurs lauriers modernisants, en appelant une chouette un chat, et en manipulant ce pseudo-chat comme une poupée de chiffes !
Par bonheur, il existe aujourd’hui un druidisme reconstructionniste, qu’il faut naturellement ranger dans la catégorie des druidistes véridiques : ce sont grosso modo ces druidistes que vous allez lire, ci-dessous (sachant, pour rappel, qu’il y en avait quelques uns dans le premier entretien). Un label Appellation d’Origine Contrôlée et des Razzie Awards devraient être inventés dans le domaine des connaissances, afin que nos rayons d’ésotérisme/religion/développement personnel si new age, ne parviennent plus sans difficulté, à distribuer de la mouscaille pseudo- et prétendue druidisante au tout-public.
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Cernunnos et… Shiva
SEPT DRUIDISTES
Bonjour ! Pourriez-vous vous présenter pour les lecteurs, tant au plan civil que religieux ?
Druuis Auetos : Sur le plan civil, je ne suis qu’un simple agent territorial et du point de vue religieux je suis l’Odaccos [chef – ndlr] du Nemeton Renninas [Sanctuaire du Petit-Véhicule, en celte restitué] de la Celtiacon Certocredaron Credima [Croyance Celtique Juste-religieuse, en celte restitué].
Druuis Belenigenos : Bonjour, sans rentrer dans les détails, que j’ai déjà donnés dans le premier questionnaire, publié tout en bas de ces entretiens, le Druidisme est au centre de ma vie depuis l’âge de quatorze ans et mon activité est artisanale dans le monde de la reconstitution historique. M’étant également beaucoup investi dans le domaine de la protection de la nature et de l’agriculture biologique, je ne peux que constater, que les pouvoirs publics, loin de défendre l’intérêt général et les moyens d’assurer un avenir qui ne soit pas catastrophique, s’ingénient à démonter les uns après les autres, les mécanismes de protection, ont un double langage permanent et dans la réalité, trahissent fondamentalement ce pourquoi ils sont élus.
Druuis Conticannatios : Bon, je me présente. Mon nom civil est Lluís M. Gonzàlez Gibert mais mon nom religieux est Conticannatios, avec lequel j’ai été consacré au sein des Druuidiactos Rectos Uindonnos [Druidicats Rigoureux Lumineux, en celte restitué – ndlr] (anciennement Ordre des Druides Fintan [ayant le légendaire Fintan pour patron]) en tant que Druuis [druide] par l’Ollama [docteure] de l’Ordre, la Bena Druuis [femme druide] Euentia ; qui à son tour a été reconnue par les Ollamos Auetos avec la Celtiacon Certocredaron Credima en 2013. Précisons que cette reconnaissance par le biais d’un Ordre Druidique différent n’impliquait pas que notre Organisation religieuse soit devenue un Nemeton (clairière) dudit Ordre, donc nous maintenons toujours une indépendance de facto malgré notre accord évident sur une vision commune du Druidisme en tant que Religion Reconstruite. Je dois préciser que cette ligne nous éloigne pas mal des autres conceptions considérées comme new age [dominant le premier entretien – ndlr]. Je suis Druuis Gutuater [druide invocateur, en celte restitué] et actuellement le nouvel Ollamos [docteur] de l’Ordre, après la démission pour des raisons de santé de la Bena Druuis Euentia. De plus, et tant que nous pourrons garder le Teges (temple) de notre Nemeton actif, je suis son Odaccos et son serviteur… Bien que nous considérions le druidisme comme une religion, nous n’avons pas d’organisations stables qui soignent ou entretiennent leurs prêtres, comme cela se produit dans d’autres confessions. Alors évidemment je dois gagner ma vie dans le monde civil. Je travaille comme opérateur informatique contrôlant la fonctionnalité des réseaux de données, c’est-à-dire, comme vous pouvez le voir, je ne fais pas du druidisme ou d’autres conceptions spirituelles, plus ou moins liées à celui-ci, mon gagne-pain. Je n’ai pas d’écoles, ni d’académies et je ne facture à personne aucun type de formation plus ou moins liée au druidisme. C’est quelque chose que nous avons toujours combattu et considéré comme inacceptable depuis notre confession… Concernant mon implication dans le celtisme, je ne comprends pas très bien votre question. Mon implication claire est avec ma croyance, le Druidisme, dont je suis Prêtre. Je retiendrai que le Druidisme en tant que Religion et le Celtisme n’ont pas forcément (selon ma conception personnelle) de point commun. Mais bien sûr, tant qu’on se soucie de connaître la langue gauloise, les expressions artistiques, le fonctionnement social de ces gens de l’âge du fer, finalement l’expérience d’une époque, il est évident que ladite union avec ce celtisme « originel » considéré comme tribal, vous marque et vous entraîne. Or, il y a beaucoup de celtisme contemporain et pas peu, lié à des enjeux d’identité politique nationale, à des goûts musicaux ou encore à un certain goût récréationniste romantique. Je ne vais pas là-dedans. Je n’appartiens pas au celtisme de manière identitaire et je n’entends pas le critiquer, mais je suis simplement un prêtre druide. Je ne sais pas si j’ai pu m’expliquer correctement.
Bena Druuis Euentia : Je m’appelle Esther Serrano Regol, j’ai 56 ans, née à Barcelone et résidant à Vacarisses en Catalogne. Ma profession a toujours été celle de technicien administratif juridique, bien qu’il y a trois ans, j’ai été licenciée de l’entreprise où je travaillais en raison de problèmes de santé, donc pour le moment je survis avec une allocation de chômage en attendant une pension pour invalidité permanente qui sera résolue en quelques mois. Passionnée de médecine naturelle, j’ai également étudié l’Aromathérapie et les Fleurs de Bach, obtenant les diplômes d’Aromathérapeute et de Thérapeute Florale, et d’autres cours sur des sujets connexes. Au niveau religieux, ma connexion avec le druidisme dure depuis 25 ans. En 1997, j’ai commencé dans le sacerdoce druidique dans l’Ordre Druidique Sendero Verde [du Sentier Vert, en espagnol – ndlr] dont, après avoir obtenu le Druidicat et plusieurs postes au sein de cet Ordre, je suis partie parce que j’avais des visions et des objectifs très différents en termes de ligne druidique à suivre… En 2009, j’ai fondé mon propre Ordre, le Druuidiacto Rectos Uindonos (Ordre des Druides Fintan) avec les Druuis Conticannatios, étant son Ollama jusqu’à ce mois de juillet au cours duquel l’Ollamos est devenu le Druuis Conticannatios. En 2013 et après avoir découvert que l’affiliation de l’Ordre Druidique Sendero Verde, où j’avais été formée, était fausse, j’ai été reconnu comme Bena Druuis par les Druuis Auetos, Ollamos de la Celtiacon Certocredaron Credima, lors d’une cérémonie officiée dans le Nemeton Renninas, où le nom sacerdotal d’Euentia m’a été imposé et dans lequel nous avons jumelé les deux ordres… S’il est vrai que la ligne d’affiliation de la C.C.C. est celle que nous avons adoptée, nous sommes indépendants et nous ne constituons aucune clairière, groupe ou nemeton de la C.C.C., gardant notre indépendance. Pour l’instant mon rôle dans l’Ordre est celui de représentant légal au niveau administratif et celui de Bena Druuis travaillant sur le projet de la création au sein de notre Ordre d’une congrégation de prêtresses à la manière des « Gallicènes » décrites par Strabon et Pomponius Méla.
Druide Eber : Bonjour. Mon nom Druidique d’usage est Eber. Ma façon de survivre dans la république bourgeoise française actuelle est subordonnée au versement d’une retraite bien gagnée dans l’exercice de mes anciennes activités liées au monde hospitalier. Sur le celtisme, il me semble opportun de préciser que le druidisme est une voie spirituelle d’essence celte. Tandis que le celtisme désigne une forme de culture, de langue, voir de folklore qui n’est pas obligatoirement druidique. Autrement dit les Druides sont celtes mais tous les Celtes ne sont pas Druides. Sur le plan Druidique je suis Druide dans une clairière de l’Est de la France. Clairière par ailleurs membre de l’Assemblée Druidique du Chêne et du Sanglier : ADCS.
Kombalkores Fernando : Fernando González : je suis un religieux dédié depuis des décennies à mon culte et à la recherche de notre Histoire. Par exemple, à propos de la légende noire qui a fait du celtique quelque chose de résiduel et de rare en Espagne [à cause de l'exagération panceltiste sous Franco… mais aussi à cause de recherches faisant plutôt du celtisme péninsulaire, un phénomène proto-celtique issu d'une première vague d'expansion culturelle – ndlr], qui sépare la sorcellerie des cultes préchrétiens [il y a une sorcellerie rituelle et une sorcellerie magicienne] ou présente la Wicca comme une religion nouvelle et éclectique [étymologiquement, le nom réfère à plus ancien que ce qu'en fit l'émergence anglosaxonne depuis le XXème siècle ; mais c'est comme le néodruidisme depuis trois siècles, quand il ne s'aligne pas avec les connaissances archéo/historiques telles que le mégalithisme pré-celtique, ou le polythéisme]. Quant à mon métier, je suis le fondateur et Grand Prêtre de la Wicca celtibère [le Kombalkores Fernando tient à conserver, malgré les confusions, la référence à la wicca, ce qui n'est pas au goût de tout le monde comme on lira, sachant que le wiccanisme pille effectivement le celtisme]. Avec mes frères français, je pense avoir un héritage commun, mais je ne sais pas ce qui se passe aujourd’hui, comment le celtisme y est vécu, bien que je pense cela au moins avec plus d’acceptation et de respect qu’en Espagne. La France est une référence pour nous.
Druide Milésio : Salut ! Je suis Xoán Milésio, représentant de la Irmandade Druídica Galaica, ou Compagnie Druidique Pan-Galicienne, dans une traduction libre. Xoán est mon prénom et Milésio est mon nom druidique. Je suis géographe de métier, développant actuellement un certain nombre de projets professionnels liés à la gestion de la culture, aux voyages, à la langue et à la traduction.
Druuis Uindocaruos : Bonjour, sans rentrer dans les détails, puisque j’ai répondu au premier questionnaire, tout en bas de ces articles, très jeune j’ai ressenti un appel très puissant, au-delà et à travers les contes, les légendes et les récits mythologiques notamment celtiques, l’envie irrépressible de me rapprocher de Druides, ressentant au plus profond de moi, que c’est cette tradition, qui allait me permettre de m’épanouir spirituellement, je suis dans le Druidisme depuis mes treize ans… Mon parcours de vie à la fois spirituel et professionnel, m’a conduit à acquérir de profondes connaissances, tant dans les domaines ésotériques que thérapeutiques et scientifiques. Ce qui me conduit à réaliser, car on n’a jamais fini d’apprendre, les différentes facettes de connaissances qu’on attribue aux Druides de l’ancien temps. Ceci dit en toute modestie, car à côté des grands anciens, nous ne sommes que des apprentis… Concernant mon métier, je sais que dans l’époque actuelle, ce n’est plus à la mode, je suis homéopathe et thérapeute pluridisciplinaire. Il est dur, aujourd’hui dans un monde où les esprits sont influencés, dans une société où on pousse à la consommation plutôt que de préserver la source de toute vie (la terre), dans un monde où on n’apprend pas aux futures générations à avoir un rapport au monde durable et respectueux, où tout est fait pour empêcher les réflexions de fond et où les vraies connaissances sont remplacées par une cacophonie d’opinions fluctuantes (bien souvent motivées par des intérêts financiers), j’essaye modestement, dans ma pratique druidique, comme dans ma pratique professionnelle (les deux sont évidemment liées, bien que mes patients ne sachent pas que je suis Druide), d’apporter de la lumière, de la solidité, de la conscience, de la stabilité aux personnes qu’il m’est donné de rencontrer. J’aimerai que la déliquescence prévue par Ciceron (disant : « Les temps sont obscurs. Les enfants n’obéissent plus et tout le monde se croit écrivain. ») en 43 avant JC ne se produise pas, bien qu’on y soit quasiment, mais qu’au moins, soient accessibles des portes de sortie et des moyens de remonter vers une société harmonieuse.
Quelles remarques avez-vous envie de faire, au sujet de la précédente interview concernant les celtisants ?
Druuis Auetos : Aucune.
Druuis Belenigenos : Pour commencer et avant d’aborder quelques questions de fond, je soulignerai l’excellence de cette initiative, qui permet de confronter les points de vues, les démarches et dont on peut espérer qu’elle permette d’aller plus au fond des choses, même si cela aboutit à des positions avec lesquelles nous pouvons être en profond désaccord, je note quand même, qu’il y a des points communs essentiels chez la plupart d’entre nous, que ce soit les appels d’ordre spirituel, une vision critique de ce dont on dispose comme forme religieuse actuelle, du constat, du véritable crime spirituel et culturel, qu’a été la destruction de toutes les formes religieuses précédentes et la conscience, face à la situation dramatique et désastreuse du monde actuel, que renouer avec les sources vives que représentent ces anciennes formes, peut apporter des solutions pour le temps présent et pour l’avenir… Il serait beaucoup trop lourd de faire une analyse complète de toutes les interviews, cela pourrait faire l’objet d’un véritable colloque de rencontres, comme il y en a déjà eu, parfois… Je me bornerai à souligner quelques éléments, qui m’ont plus interpellés que d’autres. Par exemple cette phrase de Mervis Nocteau, qui dit : « il faut aussi des adeptes sans sacerdoce ». Cette remarque toute pleine de bon sens, souligne le défaut de nombre de mouvements où accéder au statut de Druide semble dans la logique, pour peu qu’on y passe quelques années. Cette façon de procéder, traduit le plus souvent, l’absence quasi-complète de contenu sérieux, la bonne volonté et les bonnes intentions, semblant suffire. Je ne doute pas de ces bonnes volontés mais s’engager dans la voie sacerdotale est une chose importante, sérieuse, dangereuse dont l’implication doit être totale, et de toute évidence, n’est pas à la portée ni même dans le chemin, de tout le monde. Il n’y a dans mes propos ni rejet de la démocratie, ni mépris, le moins du monde, je serai enchanté qu’il y ait de nombreux Druides, je le souhaite de tout coeur mais seulement à condition que cela corresponde à un véritable appel et engagement spirituel, à de vraies connaissances, de vraies compétences et un véritable rapport avec les puissances Divines. Cela peut être un objectif pour tous, mais pas plus à la portée de tous et même encore moins, que d’être un universitaire, un médecin, un avocat ou un artisan de haut niveau… Les textes anciens, nous donnent des descriptions claires : « Le Druide est un fondement de la science, un maître des éléments et un accès au ciel », « les Druides sont les plus justes des hommes » notamment, et il est évident que toutes personnes n’ayant pas d’une façon ou d’une autre ces objectifs, dans son chemin sacerdotal, n’y a pas sa place. Il ne s’agit pas d’élitisme mais simplement et justement de cohérence, de loyauté vis-à-vis des hommes et des Dieux, de sérieux et d’efficacité… Je partage pleinement l’avis du Druide Morgan qui écarte le terme de païen, qui est par définition un qualificatif méprisant et péjoratif de la part de nos pires adversaires passés, je ferai le parallèle avec la population indo-européenne des Kalashs au pied de l’Himalaya, dont les rites, les croyances et la culture, sont mis en danger par une hostilité active, tant du monde musulman qui les entoure, qui les qualifie de kafir, qui est l’équivalent arabe du terme paien et que les Kalash rejettent de toute leurs forces, que des sectes protestantes américaines qui veulent à toute force les « évangéliser ». Ce qui précède se retrouve assez bien dans ce que dit Yann Mab Beltan qui en résumé montre clairement que nous avons beaucoup de travail devant nous, pour atteindre le niveau de nos objectifs… Je rejoins pleinement ce que dira moios Brater (mon frère en gaulois) Druuis Uindocaruos : le Druidisme est une religion, sinon qu’est-ce qu’une prière si elle ne s’adresse à personne pour ne choquer personne ? Quand on manipule le feu, évoque-t-on l’élément ou une boîte d’allumettes, quand on se rend auprès d’une fontaine sacrée depuis des millénaires, objet de cultes depuis des millénaires, on n’évoque pas la compagnie générale des eaux, les cornes de Cernunnos ne sont-elles pas bien autres chose qu’un trophée de chasse ? A quoi bon nommer nos Dieux si on ne leur reconnaît aucune réalité profonde ? Je sais que ces confusions sont dûes à l’histoire des mouvements Druidiques, mais je pense que nous sommes à un temps où on doit pouvoir s’affranchir de ces limitations, qui empêchent tout développement de fond… La définition triptyque du Druide Lugvidion, dissociant religion, philosophie et spiritualité traduit la perte de valeur du terme religion, qui dans le sens de l’antiquité, contenait les trois. Sa remarque sur le Druide ancien, à la belle image, et l’actuel, écartant plus le manque de compétence que la convention sociale, me parait erronée dans la mesure où c’est précisément la compétence qui peut permettre de retrouver un statut social. Il souligne l’absence quasi-générale dans les mouvements de prises de positions publiques, sauf la Gorsedd qui le fait et que je soutiens pleinement dans cette démarche car il appartient au Druide de rappeler le droit, le juste, et ce qui convient au monde pour cheminer dans l’harmonie… Le Druuis ananmatos avec d’autres s’accroche au suffixe -isme, ce suffixe a un sens en français moderne qui ne mérite pas les disputes byzantines ayant pollué nombre de rassemblements, mais passons. Le détail des fonctions multiples qu’il donne est tout à fait exact et il dit avec justesse qu’il s’agit là de l’élite intellectuelle de la société celtique. Par contre, en tournant la page, j’avoue ne pas comprendre ce qui lui permet de dire que tous n’étaient pas religieux – comment des sacerdotes, sous prétexte qu’ils sont savants, ne seraient pas religieux ? La confusion sur ce terme est, là encore flagrante et totalement incompatible avec la mentalité dans l’antiquité. A titre de comparaison, on sait que les prêtres égyptiens étaient aussi de grands savants, mais il ne vient à l’idée de personne de les dissocier de la religion. Pourquoi affirmer ça chez nous ? Pourquoi ?… Plus loin, Kalon Keltagena Dea Bandrui [écartée de la version présente sous mon profil AgoraVox – ndlr] formule des remarques intéressantes sur les rituels, mais ce qui précède me conduit à souligner que le Druidisme n’est pas « entre science et sagesse », mais que ces deux choses en font partie. De même plus loin l’utilisation du mot latin pagus est aussi incongru que païen. On dirait que ce terme revêt aux yeux de beaucoup, je ne sais quel caractère authentique ou exotique charmant, qui n’a juste rien à faire dans un mouvement celto-druidique où le mot breton bro et son ancêtre celtique ancien brogi est tellement mieux venu. Je m’interroge aussi sur le « panthéon celte différent » ; je crains que d’un tel chaudron, on ait plus de mal à tirer la quinte essence qu’une étrange bouillabaisse, mais je serais ravi que ce ne soit pas le cas… Dans la deuxième série d’entretiens [rassemblée, pour les contributions les plus intéressantes, dans la version présente sous mon profil], j’apprécie et je partage l’essentiel des réponses à la question concernant la nature du Druidisme, du Druide Kadith… Je dois ajouter que dans tous ces témoignages, j’ai lu bien d’autres choses intéressantes et de valeur, que je ne commente pas, m’estimant déjà beaucoup trop long, mais, en même temps, j’espère que cela alimentera d’autres échanges constructifs pour progresser ensemble. J’ajoute que les remarques et critiques que je formule, le sont au vu de mon expérience avec 50 ans de druidisme, mais qu’elle a ses limites , personne n’a la science infuse. J’espère ne heurter personne, ma véhémence, parfois ne veut attaquer personne et n’est que l’expression de mon attachement au caractère essentiel, fondamental que revêt le Druidisme pour moi.
Druuis Conticannatios : Malheureusement je ne les ai pas lus. Les seules nouvelles que j’ai eues via Facebook étaient une série d’entretiens avec des membres de la confession religieuse Wicca Celtibera [mon troisième entretien – ndrl]. Dans cet écrit, j’ai pu voir comment certains membres se sont permis de parler de problèmes de Druidisme et de problèmes liés à notre Ordre sans le moindre fondement ou connaissance de la réalité et donc sans pouvoir porter certains jugements. Cela m’a amené à en discuter avec son Kombolcaros (Fernando González) avec qui nous entretenons une étroite amitié afin que les rectifications appropriées puissent être apportées et je crois que, d’après ce qu’il m’a dit, il vous a déjà écrit pour s’excuser du malentendu et de vous demander de corriger lesdites affirmations et inexactitudes. [Rien n'a été corrigé, les affirmations en question concernant une personne périphérique n'engageant que sa parole en vérité, et largement valables pour tous les druidismes que critiquent le Druuis Conticannatios lui-même ! – ndlr.] Personnellement, et bien que je n’aie pas lu les interviews, je pense qu’il ne faut pas mélanger les sectes et les opinions dans un totum revolutum et que chacun doit dire ce qu’il pense, principalement parce que nous ne rendons pas service aux personnes intéressées qui veulent vraiment savoir ce qu’est le Druidisme, la Wicca ou d’autres confessions religieuses et connaître leurs différences. Il y a des moments où il me semble, et c’est un constat personnel, qu’il y a une tendance à créer, face à l’opinion publique, une Macro-Religion qu’on appelle Paganisme ou l’Ancienne Religion ou comme on veut l’appeler, originaire de temps reculés et dont les différentes croyances sont considérées comme de simples Traditions détachées de cet arbre ancestral. La dernière chose est d’ajouter également à ce sac, des « traditions » personnelles ou à la carte, en leur donnant la même nature que les anciennes croyances religieuses chérissent. Pour moi, tout cela est une grave erreur dont nous souffrons. [Le premier entretien, en effet, souffre beaucoup de cela – ndlr]
Bena Druuis Euentia : J’ai lu quelques interviews, la vérité est que, pas tous, mais bien que les articles parlent de druides et de Celtes, je crois humblement que parfois ils prêtent à confusion car tous les Celtes n’exercent pas le sacerdoce druidique, car il y a des gens qui, par exemple, professent la Wicca celtique et la wicca et le druidisme ne sont pas la même chose, mais pour ceux qui ne connaissent pas (surtout pour les néophytes) il peut sembler que ce sont des traditions différentes avec le même credo et ce n’est pas le cas. D’autre part, le paganisme tend à être considéré, surtout dans la péninsule ibérique et j’imagine dans le reste de l’Europe, comme une seule religion ou spiritualité qui englobe différentes traditions, le druidisme, la wicca, l’odinisme et toutes les « spiritualités » en usage selon quelqu’un qui les invente en suivant un courant new age très éloigné de ce que représente pour moi la religion druidique. Cela signifie que le Druidisme n’est pas assez valorisé en tant que Religion, laissant la porte ouverte aux profiteurs dont le gagne pain et le business est le Druidisme, chose qui pour moi est totalement condamnable selon ma vision, on ne peut pas faire affaire avec une religion et exclure ceux qui ne peuvent pas payer pour pouvoir professer et s’engager sur la voie druidique.
Druide Eber : Elles semblent honnêtes ce qui est déjà suffisamment rare pour être souligné. Lorsqu’on aborde le druidisme il faut tenir compte que le « Druidisme » n’a pas de bible. Autrement dit pas de dogme codifié qu’il s’imposerait à lui même. Il y a un fond mythologique de référence. Commun à tous les groupes. Par ailleurs il y a une interprétation et mise en œuvre déclinée selon les sensibilités des uns ou des autres. S’il y a débat et parfois dispute c’est sur l’interprétation du mythe mais pas sur le mythe constitutif lui-même. Ce qui me fait dire que j’aime beaucoup votre phrase : « de toutes façons, les sociétés qui se veulent parfaitement unifiées sont de mauvais rêves dystopiques, jusqu’au totalitarisme ». Tout est dit ou presque et toute tentative pour fabriquer un druidisme univoque serait non seulement vaine mais contre productive. Étrangement ce qui semble être un handicap (l’absence de dogme) est aussi une chance qui nous oblige à travailler pour créer ou éveiller du sens. C’est ce travail créatif, lié à l’inspiration qu’il convoque qui est le véritable sens (selon moi) du Druidisme. Il ne faut pas pour autant oublier notre respect des ancêtres et de ce qu’ils ont pu nous transmettre. Ce sont nos racines. Pour autant chaque racine rêve de nouvelles pousses.
Kombalkores Fernando : Connaître ces opinions de première main confirme la bonne santé du celtisme, même si comme ici, il y a des voix qui remettent en question la religiosité du druidisme, même historique, qui pensent que la religion s’adapte à l’individu ou qu’en la mélangeant elle reste originale… Je pense que cela est inexact et violerait la mos maiorum [la loi, les mœurs anciennes – ndlr]. De plus, je ne sais pas dans quel culte on ne conclut pas qu’un mode de vie, une spiritualité, une philosophie caractéristiques ou leurs possessions, invalide en tant que religion.
Il est inexact, que les druides n’étaient pas avant tout des prêtres… N’est-ce pas leur condition sacerdotale qui leur donnait une telle polyvalence ? Et n’est-ce pas que nous confondons la reconstruction de la religion avec le fait qu’elle est inachevée et carente selon nos idées modernes ? Nous confondre nous ferait usurper son nom, la dénaturer, et nous ferait complices de ce qui la parasitent, tels ceux qui se revendiquent de la Wicca ! Si je passe par une salle d’opération, je préfère être opéré par un chirurgien diplômé, plutôt que quelqu’un disant qu’il se sent comme un chirurgien, que la chirurgie est libre et qu’il est ainsi devenu chirurgien… Comme Lugvidion, je pense que l’absence d’éthique et de valeurs fait que ce clergé est ignoré. Mélangeons-le, avec vivre à l’ère du « tout est permis » à moindre frais et tout de suite, et nous aurons un cocktail explosif. Les seules références directes au druidisme que j’ai sous la main : un Ordre au Portugal, trois en Espagne et une référence bretonne – je dois dire que ce sont des religions authentiques, avec des prêtres qui vivent, pensent et se sentent religieux.
Druuis Uindocaruos : Il y a tellement de remarques à faire, je pense qu’il existe plusieurs problèmes majeurs, ou du moins beaucoup de choses m’interrogent dans ces différents témoignages. Le problème majeur c’est que les Druides ne sont pas d’accord sur la définition du Druidisme et sur la définition des Druides. De voir des « celtisants » ou des Druides avec un nom de tradition nordique, de lire « c’est une philosophie ou encore une tradition », utiliser tant de termes veut-il encore dire quelque chose ?… Un jour j’ai posé une question à un Druide du Québec, je lui ai demandé : « Qu’est ce qu’un Druide pour vous ? », il m’a répondu, comme beaucoup d’autres Druides : « Un druide doit être en harmonie avec la nature, envoyer de bonnes énergies, et aimer la faune et la flore » et là je lui ai répondu : « alors mon jardinier est un excellent Druide »… J’aimerais qu’il y ait des débats de fond, que nous, Druides, puissions avancer vers une connaissance mutuelle, malheureusement beaucoup sont pris dans les tourments de l’orgueil et du confort d’une certaine visibilité. Cela nous éloigne de la fameuse citation de Strabon disant : « Les Druides sont considérés comme les plus justes des hommes »… En lisant les interviews, certains penseront qu’il peut exister des Druidismes qui sont aux antipodes les uns des autres. Ce n’est tout simplement pas possible. Il existe une vérité, qui échappe à l’homme certes, mais il existe forcément un vrai ou un faux. Il peut y avoir de nombreuses nuances, déjà du fait de la limite de nos connaissances. Mais, avec celles dont on dispose, on ne peut plus dire n’importe quoi, si l’on veut se référer au Druidisme… Le Druidisme représente pour beaucoup, un business à part entière, beaucoup de personnes mélangent occultisme mal digéré ou fantaisiste, spiritualité et développement personnel. Ce qui mène à la perte de connaissance et éloigne dangereusement d’une véritable initiation. J’accompagne des patients avec le développement personnel (sophrologie, hypnothérapie), il faut certes être équilibré mentalement lorsqu’on veut suivre un chemin sacerdotal, mais cela ne permet absolument pas de prétendre assimiler le développement personnel à une véritable initiation ; de là, à justifier que le développement personnel soit une voie occulte (ou une science cachée), cela est chaotique, trompeur et irresponsable… J’ai eu récemment à faire le triste constat que lorsqu’on propose des travaux communs, des rencontres, des vraies recherches permettant l’évolution de nos connaissances, une fraternité sans faille et une protection de notre tradition/religion/spiritualité, notamment contre le charlatanisme, et les Dieux savent que ça grandit chaque jour, derrière des mails tout le monde est motiv :, lorsqu’il faut s’appliquer tout le monde disparaît, à de trop rares exceptions… Je reviendrai sur ma définition du Druidisme et la fonction du Druide, le problème c’est que les « celtisants » sont pour les ¾ sous stress post-trauma-monothéiste lorsqu’on parle de religion et pourtant pour moi le Druidisme est une religion, elle était la religion de nos ancêtres, du latin religare signifiant « relier » ; relier en l’occurence aux Dieux, le terme religieux me convient, une religion sans dogme, vu que nous n’avons que peu d’informations écrites, à part celles retrouvées par les archéologues, les linguistes et les mythologues. La structure religieuse c’est ce qui relie à nos racines, c’est la matérialisation de notre spiritualité, pour moi, la structure religieuse est un corps inerte et la spiritualité c’est ce qui anime le corps, c’est ce qui permet d’éviter d’entendre des chants et prières égyptiennes en pleine cérémonie supposée druidique, d’éviter d’entendre des prières à Vénus, alors que le Druidisme est relié au Celtes. Il ne s’agit pas ici de critiquer d’autres formes de religions qui ont tout autant leur valeur que la nôtre, mais de souligner la confusion qui ne fait que traduire une ignorance abyssale de l’essence des choses, ça serait comme se dire mécanicien voiture, et de vouloir mettre un fer à cheval à la place d’un pneu. La religion c’est ce qui nous relie aux Dieux… Beaucoup se mordent la queue, en parlant de tradition, du latin traditio, lui-même du latin trans, à travers et du latin dare, voulant dire donner. De quelle tradition parle-t-on ? Vu que nous avons, dans l’état actuel de nos connaissances, un fossé historique. Dans ma vision, il y a donc les néo-druides qui cherchent à transmettre la connaissance des prédécesseurs du XVIIIème siècles, et ceux qui en découlent mais cherchent à retrouver la réelle définition de ce qu’est un Druide (Razzia des vaches de Cooley) : « Le Druide est un fondement de la science, un maître des éléments et un accès au ciel »… Le Druidisme recèle une philosophie, oui, ça c’est sûr. Comme toutes autres spiritualités, toute véritable religion ou spiritualité doit être animée, surtout pour les sacerdotes, par une philosophie qui veut dire : du latin philosophia, qui lui-même était un emprunt au grec philosophia. Le mot philosophia de philos, qui aime, et sophia, sagesse ; traduit qui aime la sagesse. Nous n’atteindrons peut-être pas le rang de sage dans cette vie, mais nous nous efforçons d’en approcher chaque jour.
Qu’est-ce que le celtisme et le druidisme, aujourd’hui ? D’où viennent-ils ? Comment se manifestent-t-ils ? Quelles sont leurs courants et leurs organes ? Combien de personnes mobilisent-ils ? Cherchent-ils une reconnaissance en France ?
Druuis Auetos : Toutes les réponses peuvent être trouvées dans l’ouvrage de Michel Raoult intitulé Les Druides. Les sociétés initiatiques celtiques contemporaines, aux éditions du Rocher.
Druuides Uindocaruos & Belenigenos : Le Celtisme et le Druidisme sont, après des siècles de persécution, engagés dans une renaissance, qui est aussi un âpre combat pour la survie. D’où viennent-ils ? Cela a déjà été évoqué. Sans refaire toute la litanie terrible de souffrances et de catastrophes qui ont frappé le monde celtique depuis deux millénaires, il faut constater que, non seulement aucun des pouvoirs politiques ou prétendument religieux, s’étant attaché à en exterminer toute trace, n’a réussi à le faire, mais d’improbables résurgences n’ont cessé de refleurir au long des siècles dans tout le monde celtique. Les mouvement druidiques en font partie. Il est très étrange de constater qu’alors que’on pouvait croire la reconnaissance de la civilisation celtique comme pleinement acquise, tant l’abondance des recherches dans tous les domaines et l’importance des découvertes archéologiques ont pulvérisé les poncifs éculés qui faisaient encore tâche dans l’enseignement, il n’y a pas si longtemps, voilà qu’un courant probablement idéologique, faisant grossièrement passer l’idéologie avant la science, s’applique à nier l’existence de la civilisation celtique et la notion même de celtes, au sein des académies ! Cette dérive scandaleuse et malhonnête ne peut laisser indifférent. Comme face aux charlatans et aux escrocs, la réponse qui nous appartient doit résider dans le sérieux, le travail sourcé, et la recherche inlassable de connaissances. Ce sont ces choses qui peuvent permettre un jour, plus de reconnaissance, mais cela, à notre sens, ne doit pas trop nous préoccuper, face à un état hostile ou, au mieux, indifférent. Ce qui est certain, c’est que dans la population, il existe un écho grandissant, et que beaucoup agissent pour redévelopper toutes les formes de ce qui constitue l’héritage, que l’on doit garder vivant du monde celtique. Pour nous, le Druidisme demeure aujourd’hui encore une religion, vu que nous croyons aux anciennes Divinités celtiques et que nous les invoquons lors de nos cérémonies, comme souligné plus haut, une tradition si on suit les mouvements de nos prédécesseurs et une philosophie de vie cherchant à nous mener vers la Sagesse.
Druide Eber : Cela pourrait sans doute être développé dans de nombreuses pages. Pour faire court, il y a trois paternités revendiquées par les « néo-druides » actuels : celles de Iolo Morganwg [1747-1826, initialement franc-maçon spéculatif – ndlr], celle de John Toland [1670-1722, donc prédécesseur de Iolo Morganwg, et même précurseur de la franc-maçonnerie spéculative], celle de Henry Hurle [1739-1795, inspiré par la franc-maçonnerie spéculative]. La lignée de Iolo Morganw est sans doute la plus représentée en France (pour faire chic, disons Gaule), celle de Toland lui emboîte le pas. Celle de Hurle n’est plus active en tant que telle. Sauf ignorance de ma part. Les lignées et influences sont diverses. Il existe encore un mythe guénonien qui promeut la lignée pure et certains collèges (écoles druidiques) s’en font le relais. Cette idée de lignée pure est confrontée à deux écueils. Beaucoup de collèges dont nous sommes, ont des lignées croisées. Prenons le parallèle avec la génétique : selon cette image nous serions des « sang mêlés ». En second lieu, le culte du sang pur finit lui aussi comme en génétique par souligner les tares. [Si ces groupes existent, ils composent avec ceci que René Guénon dénonça la possibilité d'une initiation druidique à travers la féodalité – ndlr]. Ne croyez pas que je sois inutilement critique envers mes Frères et Sœurs en Druidisme. Leur différences me plaisent et m’enrichissent. Chaque collège a sa propre politique de communication, rien de bien original en cela. Quelques uns écrivent des livres, d’autres veillent à une présence sur les réseaux sociaux, d’autres sont moins actifs. Rien de particulier à cela. Ceux qui communiquent mieux sont plus visibles et inversement. Le nombre de personnes touchées, en France, est très difficile à connaître. Certains groupes comptent leurs membres en centaines, d’autres en dizaines et quelques uns à l’unité. Cela étant le nombre n’est pas gage de qualité… La reconnaissance en France demanderait elle aussi un long développement. Il y a quelques années un « organe », le Druid Network, a été reconnu au Royaume uni comme suit : « Le Réseau des druides (Druid Network), une organisation réunissant les adeptes du druidisme dans le monde, a reçu le statut d’œuvre de bienfaisance, en tant qu’organisation religieuse, conféré par la Commission des organisations caritatives (Charity Commission). » Dans l’enthousiasme les collèges druidiques français se sont sentis pousser des ailes pour prétendre eux aussi à une reconnaissance. Sauf que la loi française « laïque » n’est pas la même que la loi anglaise. Il n’y a pas de reconnaissance proprement dite chez nous. Nous pouvons nous constituer en association cultuelle mais être systématiquement consultés sur des sujets religieux supposerait que nous soyons en état de nous organiser et de constituer une portion représentative des confessions citoyennes. Ce qui n’est pas encore le cas. Cela étant pour certains dont je suis, la reconnaissance est relativement accessoire par rapport aux enjeux qui sont les nôtres. Entre autres préserver une liberté d’être et de penser le druidisme en dehors de toute tentative de « normalisation ». En cela notre culture hexagonale semble en retrait par rapport au monde anglo-saxon. Sans doute pensons-nous encore avec les « patterns » monothéistes. Un Dieu, une vérité. Il faudra bien un jour que l’on pense un modèle différent. Des Dieux, des vérités. [Associations 1901 (classiquement) voire 1905 (culturelle, à partir d'un certain nombre de membres permettant de parler de communauté religieuse) – ainsi que 1908 en Alsace-Moselle, dépendant de l'ancien droit prussien – l’État français ne se mêle en fait pas de la liberté religieuse interne. Le contrôle du sectarisme, pas plus que de l'islamisme, n'est évident, quoiqu'il y ait des alertes : le positionnement « anti-système » du Druide Eber fait partie des frilosités druidiques françaises à se constituer associativement, du coup. Ajoutons qu'une forme juridique associative, n'implique pas nécessairement que les représentants de l'association doivent en être les druides : au contraire, les druides semblent s'être tenus dans les coulisses des rois ! – ndlr.]
Kombalkores Fernando : Je vois le celtisme comme un mouvement qui essaie d’apprendre, d’enquêter, de sauver, de valoriser et de diffuser les religions, les traditions et les philosophies des peuples et des cultures celtiques. Le druidisme est une religion celtique caractérisée par le nom de son clergé. Je ne comprends pas un druidisme areligieux, et je ne crois pas que Rome poursuivit un sacerdoce qui n’existait pas pour une religion qui n’était pas pratiquée. Qu’il ait fallu l’abolir pour éradiquer la cohésion qu’elle donnait au monde celtique, n’en fait pas moins une religion. Comme hier, c’est une religion dont la particularité marque son idiosyncrasie. Et en tant que religion païenne, elle a aujourd’hui besoin d’unité et d’alliances. Un exemple a été la réception donnée à Bologne (Italie), lors de la Conférence annuelle de l’Académie européenne des religions (EuARe, 2019), à la présentation donnée par le Dr García Repetto (conférencier) de l’Université Complutense de Madrid (Espagne) et moi, dans le Conseil présidé par le Dr Silvio Ferrari, sur la Plate-forme des religions ancestrales européennes (anciennement, Plate-forme pour la liberté religieuse du paganisme), composée de cultes Druidiques, Ásatruár et Wicca, dont nous faisons partie. Intéressé par l’initiative de légaliser et de nous allier à des fins communes… Le druidisme contemporain découle du reconstructionnisme [contemporain] et de la tradition, originale au moins du XVIIIème siècle. Son clergé, logiquement, sera minoritaire. Cependant, il n’est pas réaliste de calculer leur suivi en fonction du nombre de druides dont ils disposent, tout comme il n’est pas réaliste de compter le nombre de catholiques par le nombre de prêtres inscrits – en tout cas, je manque d’informations pour commenter sur le druidisme français. En Espagne, il existe trois ordres druidiques légalisés de différentes traditions reconstructionnistes et purement religieuses. Je demanderai mieux à nos frères de l’Ordre des Druides Fintan [Bena Druuis Euentia & Druuis Conticannatios] de la Tradition Gauloise. Ce n’est pas facile de mobiliser les gens, car nous manquons d’habitude, de moyens et d’infrastructures nécessaires. Il y a beaucoup de cyber-croyants, pas mal d’étrangers, d’autres ressentent de la pudeur ou de la peur, ou tout simplement leur Foi ne va pas au-delà de leur « avatar ». Cependant, dans notre cas, nous célébrons publiquement Uernisolia (Solstice d’été) depuis près de 30 ans dans une ville de Madrid (Pinto), avec la collaboration de la Mairie, qui rassemble chaque année 5 000 personnes (1, 2). En outre, nous y célèbrons publiquement Anmunbia (Samaín, Samonios), bien qu’elle n’ait pas lieu depuis longtemps et qu’elle concentre environ 400 personnes (1, 2). Au Portugal, nous célébrons chaque année une Offrande au Dieu Endouelliko, avec la collaboration des autorités, qui nous permettent de faire le sacrifice sur le site archéologique lui-même où se trouve son centre de culte (1, 2). Malheureusement, nous ne sommes pas encore présents en France, mais quand l’occasion se présentera, nous nous installerons et chercherons la reconnaissance que la législation du pays permet. Concernant la question, oui, sans aucun doute, s’ils ne l’ont pas, ils devraient demander une reconnaissance en France.
Druide Milésio : Vous pourriez obtenir une réponse différente de chaque personne à qui vous demandez, mais on pourrait voir le celtisme comme la revendication contemporaine d’une identité celtique, dont le druidisme ferait partie, puisque le druidisme traiterait de l’étude, de la reconstruction et de la pratique réelle de l’ancien. Pensée profonde et religion celtique. Cela dit, le « druidisme » (ou « druiderie » [dans le monde anglosaxon : « drudry » – ndlr]) en soi est un terme que tout le monde n’aime pas, mais nous l’utilisons en l’absence d’un meilleur mot… Les manifestations sont incroyablement diverses, allant des arts (sous toutes leurs formes) à, comme on l’a dit, la spiritualité, les études culturelles, le renouveau linguistique ou même la politique. Si l’on tient compte de tout cela, on peut compter les gens par milliers, même si le côté religieux ou spirituel attire moins. Et bien sûr, un certain nombre de groupes ont été officiellement reconnus et « légalisés » dans l’État français et ailleurs, c’est donc une note positive pour l’avenir.
Comment introduiriez-vous au Mythe Celte ? Quelles directions prend-il ?
Druuis Auetos : Dans le Livre 1, chapitre 5 et les suivants, des Lois de Manou, il est écrit : « Ce monde était plongé dans l’obscurité ; imperceptible, dépourvu de tout attribut distinctif, ne pouvant ni être découvert par le raisonnement ni être révélé, il semblait entièrement livré au sommeil. Puis, quand la durée de la dissolution fut à son terme, Tod (« Ça »), lui qui est hors de portée de nos sens, dissipa l’obscurité, produisit les eaux et y déposa un germe. Ce germe devint Ogos // Ouion (« l’Œuf-Cosmique ») aussi brillant et éclatant que l’astre aux mille rayons. Il flottait à contre-courant lié à une chaîne en or. Après avoir demeuré dans cet œuf une année, Uxellimon (« le Suprême »), par sa seule pensée, sépara cet œuf en deux parts et naquit lui-même sous la forme de Tatis (« le Père »), l’aïeul de tous les êtres. Ces deux parts formèrent le ciel et la terre au milieu desquelles se placèrent le Feu, l’Atmosphère, le Soleil et le réservoir permanent des Eaux. Au moyen de Genia (« la Mère ») aussi appelée Bena-Bna (« la Femme-Femme »), douée d’une grande énergie, Indutios (« le Non-Hostile ») forma ce périssable univers, émanation de l’impérissable source. De leur union naquit Neitos (« l’Enthousiaste ») qui, s’unissant avec Neimana (« la Terre-en-Formation »), produisit une multitude de Divinités gigantesques essentiellement agissantes, les Uomorioi (« les Géant-du-Dessous ») doués d’une grande force, ainsi qu’une troupe de Deuoi (« de Dieux »), les Nemetoi (« les Sacrés »). Frères ennemis, ces entités, qui étaient alors toutes mortelles, se firent la guerre pour la maîtrise du monde. Les Deuoi affaiblis furent vaincus et ce monde, toujours en devenir, resta sous la domination des Andeuoi (« des Non-Dieux »). Vinrent après ça trois autres générations de Titans, les Bolgoi (« les Corpulants »), les Dumannioi (« les Ténébreux ») et les Gallaicoi (« les Puissants ») ainsi que la tribu céleste des Dieux, la Touta Deuas Danunas qui, bien qu’ayant gagné une grande bataille contre les Bolgoi, n’en étaient pas moins ruinés et toujours sous le joug des Andeuoi. Ce n’est qu’avec l’assistance de Lugus [un Dieu doué] que les Deuoi, après une bataille acharnée, repoussèrent les Andeuoi au-delà de la neuvième vague. La Terre s’assagit et, ainsi, put recevoir l’humanité. Les Deuoi devinrent immortels et nourris grâce au sacrifice institué dès le commencement. » [Les termes utilisés par Auetos sont en celte restitué, largement adapté depuis le sanskrit des "Lois de Manou" pour les éléments non-attestés. Les "Lois de Manou" sont un texte important dans l'ère de civilisation indo-européenne : certainement côté hindou… et potentiellement côté celte, par comparatisme – ndlr]
Druuides Uindocaruos & Belenigenos : Ce thème est un des axes fondamentaux des recherches en cours ou à mener. La confrontation des fouilles archéologiques, la statuaire, les nombreux éléments existant dans les témoignages anciens, les textes irlandais et gallois abondés par l’excellence des travaux des comparatistes et des linguistes, peut permettre de dégager des éléments essentiels. Que l’on se réfère (sans ordre particulier dans l’énumération) aux images d’Esus, de Taranis, au thème de Hu Gadarn, au Livre des Conquêtes d’Irlande, au mythe de l’oeuf de serpent, etc. et on peut articuler ce qui équivaudra aux autres mythes de « création ».
Bena Druuis Euentia & Druuis Conticannatios : Comme vous le savez, une mythologie homogène qui envisage une vision du monde généralisée du monde celtique n’est pas connue. Il est important à mon avis que lorsqu’on essaie d’expliquer une métaphysique, on se base autant que possible sur les croyances originales, et non sur nos attentes personnelles ou sur un ensemble hétéroclite de croyances new age si en vogue. Mais bien que nous n’ayons pas de principe structuré original, nous connaissons, d’après l’épigraphie, l’exposition de la Fin du Monde. Il est important de comprendre un début pour assister à une fin. Les druides ont spéculé philosophiquement sur la composition de la matière et ses éléments de base et selon ce que raconte Strabon dans sa Géographie (IV,4,4) : « Eux (les Druides) affirment aussi, eux et d’autres, que les âmes sont indestructibles, tout comme l’Univers est indestructible, bien que le jour viendra où le Feu et l’Eau prévaudront sur tout »… Quand, comme ils le craignaient, le ciel s’effondrerait sur leur tête, le ciel et la terre se rejoindraient, annulant leur séparation, faisant prévaloir le feu et l’eau, la lumière et l’ombre, sans lieu d’échange et où générer la vie… De même, la structuration de base du Temps dans le Monde Celtique établit deux étapes. Une de ténèbres ou d’hiver et une autre de lumière ou d’été. Tous deux en mouvement cyclique perpétuel, générant la division entre Ciel et Terre et propice à la Vie. Ces étapes représentent la division la plus générale et en même temps la plus fondamentale du concept de notre métaphysique druidique. Il est considéré comme la Division Primale. Un espace gouverné par le Soleil et la Lumière et un autre par l’Eau et les Ténèbres. Sur la base de ces deux pôles générés par le mouvement de la terre elle-même, nous voyons que la présence de la lumière et de l’obscurité change, manifestant une série de synergies beaucoup plus particulières qui entraînent des sensations différentes. Sensations de chaud, de froid, d’humidité, de sécheresse, de fertilité, de prospérité, de dépérissement, de mort, de pourriture, de repousse. Mais toute obscurité a sa lumière et chaque lumière son obscurité, comme des moteurs internes qui révolutionnent le mouvement et se complètent. Ils ne sont donc pas opposés, mais complémentaires. La rotation de ces deux Temps est également assurée par la Vie et la Mort, dans l’éternité complémentaire. Cette pulsation de la Terre est la première pulsation. Lumière et ténèbres. Et c’est entre la lumière et les ténèbres que le monde débat… Nous comprenons que ce mouvement fondamental entre la lumière et l’ombre est mythologiquement représenté par les Batailles de Magh Tuireadh (selon l’orthographe moderne) et que nous appelons Magos Turatiom [en celte restitué – ndlr]. Cet écrit mythologique narre après son inauguration (Première Bataille) la Théomachie de l’affrontement des Dieux Tuatha dé Danann [des Clans de Dana], en tant que Dieux de Lumière, devant les Dieux Anciens, les Fomoires, que nous, dans notre Tradition, appelons Uomorioi selon sa traduction gauloise [comme à la C.C.C.]. Nous pensons donc que le cycle lumière/obscurité qui encadre la métaphysique druidique est un pilier de leur croyance. Nous croyons que la lumière vive (Lugus) porte en elle les ténèbres (Bres [Belaros à la C.C.C.]). Mythologiquement, les deux sont à moitié Uomoroi et à moitié Tuatha dé Danann, et cela indique déjà le besoin des deux natures et leur mouvement constant. Ainsi, l’affectation de la lumière après la victoire de MT1 [première bataille de Magos Turatiom] porte en germe une obscurité progressive (essor de Bres et soumission aux Uomorioi) qui se terminera par un règne des ténèbres (retrait des Tuatha dé Danann). Règne qui porte aussi en lui le point de lumière (arrivée de Lugus) qui va inévitablement avancer jusqu’à gagner du terrain et provoquer le nouvel avènement de la lumière (victoire de la bataille de MT2 [seconde bataille de Magos Turatiom]). Cet éternel cycle qui nous donne un signe de son éternité précisément à cause de la NON-annulation des ténèbres (pardon à Bres) après la Victoire, provoquera le maintien de ladite tache sombre qui sera le futur moteur d’un nouveau cycle… Ce pardon est important pour la Terre car précisément la Terre et ses pouvoirs, l’agriculture, le temps, les saisons… tout cela a besoin de l’échange de lumière et d’obscurité pour se produire et garantir notre bien-être, c’est-à-dire que nous avons besoin de la sagesse des Uomorioi… Nous ne savons pas si cette conception métaphysique, qui n’est pas universelle dans le mouvement druidique mais plutôt typique de notre Tradition et peut-être d’une Tradition apparentée, peut a minima répondre à votre question. Nous espérons nous être expliqués avec un minimum de clarté.
Druide Eber : Vous demandez là une cosmogonie. Cosmogonie qui est constitutive du mythe. Ce que l’on peut dire sans trahir les sources c’est que, selon les auteurs qui évoquent les croyances des Druides antiques : « au début étaient l’Eau et le Feu, et qu’à la fin des temps resteront l’Eau et le Feu ». Peu de choses. Cependant cette simple assertion nous dit qu’il y a début et fin, autrement dit que le temps existe. Ce n’est pas rien, si le temps existe au sein du chaos cela veut dire que naît une forme d’organisation au sein de ce chaos. Séparation qui génère un espace. S’il y a le Feu et l’Eau cela veut dire qu’il y a deux principes complémentaires à la base de la création. Un principe dynamique, fécondant : le Feu. Et un principe « plastique », formel : l’Eau. La création résultant de l’union de l’un et de l’autre il y a bien une polarité qui s’exprime aussi bien « en haut » qu’« en bas ». Cela peut sembler simple mais cela s’oppose aux doctrines qui prétendent que seul l’esprit existe (Feu) et que la matière, la manifestation (Eau) est négligeable, si ce n’est mauvaise. Voyons à quel point nous sommes encore conditionnés par cette pensée : esprit = bien, matière = mal ?
Kombalkores Fernando : L’origine est dans les Ténèbres, qui ont donné naissance aux formes… un début, que nous comptons tous de bien des façons et que César notait déjà en expliquant que les Gaulois prétendaient descendre d’un Dieu qu’il assimile à Dis Pater [dieu infernal – ndlr]. Ils comptaient les jours par les nuits, etc. (Bagavad-Gita VI:18). Origine, que l’on retrouve dans d’autres genèses indo-européennes et celtiques : le Chaos, les Jumeaux (Druide/Roi, Ténèbres/Lumière, Mort/Vie, etc.), les Neuf Ondes, la Mer et la Terre (écume comme sperme). L’un des meilleurs mythes qui pourrait particulièrement identifier les Celtes est le Retour. Contrairement aux religions salvifiques les plus modernes (abrahamiques), pour les Celtes, l’être humain ne « VA » pas, mais « RETOURNE » au Divin (Paradis, Terre d’Immortalité ou comme nous voulons l’appeler). D’autres, comme les Cycles Naturels, l’Immortalité ou la Métempsychose (Diodore de Sicile, V, 28, 6 ; Strabon, IV 4, 4 ; César, BG VI 4 ; Valerio Máximo, II 6, 10…) sont également indispensables pour comprendre la conception celtique de la Vie. Notre « voyage » parle alors de nous réincarner, de retourner là où nos Ancêtres et même nos Dieux habitent.
Druide Milésio : On dit souvent que nous ne savons pas grand-chose sur le mythe celtique, ou sur la mentalité celtique, etc. car peu de choses ont été préservées à ce jour. Je ne suis pas d’accord, en fait, car même s’il est vrai que nous aimerions avoir des sources plus directes et une ligne de transmission solide et continue, il est également vrai que la culture celtique, en général, a été intrinsèquement liée, ancrée, dans les traditions, le folklore, la façon de penser et même le sens de l’humour de ses descendants. Le mythe celtique, tel que nous le voyons, est ancré dans notre propre culture contemporaine, en plus des éléments formels que le milieu universitaire peut également apporter à la table… C’est en regardant ce magnifique puzzle que l’on comprend que, pour les Celtes, la Nature était (est) toute chose, et qu’en même temps la Nature est le Tout [le Druide Milésio promeut un écospiritualisme moderne : nos Ancêtres, certes pétris par la Nature, la redoutaient tout autant ; cela dit, nous comprenons peut-être aujourd'hui, y compris écospirituellement, qu'elle reste à redouter dans son genre – ndlr]. Par conséquent, rien n’est surnaturel et c’est pourquoi dans les territoires celtiques modernes – de la Galice à la Bretagne en passant par l’Irlande, le Pays de Galles ou l’Écosse – nous partageons une perception commune de la vie et de la mort, des cycles de la Nature, de notre rôle dans tout cela et comment (je mentionne à nouveau cette idée) nous pouvons traiter tout cela avec un sens de l’humour similaire, une approche très similaire [le Druide Milésio reste centré sur les territoires identifiés comme « celtiques » encore aujourd'hui, alors que le celtisme provient du Danube voilà 3000 ans, s'épanouissant ès Gaules belgiques et massives jusqu'à la Garonne, se diffusant archipéliquement dans les Îles britto-scotes ainsi que la Péninsule ibérique centrale et occidentale]. La préservation d’une même cosmovision [terme intéressant pour l’allemand Weltanshauung] est un fait qui, à mes yeux, n’a pas beaucoup changé au cours des deux derniers millénaires, et nous continuons à le préserver dans nos actes et arts quotidiens.
Comment introduiriez-vous à la sagesse qui se dégage des Celtes et leurs druides, à travers le Mythe Celte ou autres ?
Druuis Auetos : À travers nos mythes, les Druuides [pluriel de Druuis, druide – ndlr], bien que très-sachants [c’est la signification de Druuis] ne sont pas réellement sages, au sens strict du terme. Nous trouvons dans les textes des Druuides en armes n’hésitant pas à ôter le chef de l’un de leur adversaire, à satiriser contre un autre ou encore à obliger une femme à l’épouser. Comme nous le voyons la notion de sagesse est toute relative et parfois facultative. Les Druuides sont devenus de vieux sages amoureux de la nature et de leurs prochains, à cause d’un romantisme exacerbé dû à une incompréhension de ce qu’était réellement un Druuis.
Druuides Uindocaruos & Belenigenos : Se dégage-t-il de la sagesse des Celtes, en général ? Au vu de l’Histoire, nous ne pensons pas qu’il y ait ni plus ni moins de sagesse chez eux que chez n’importe quels autres peuples. Par contre, pour ce qui est des Druides, au dire des auteurs anciens, au vu de leur rôle social et spirituel, c’est certainement, dans le monde celtique, chez eux que l’on a pu trouver de la sagesse. Sans reprendre les définitions évoquées plus haut, nous pouvons ajouter le personnage de Sencha (Le festin de Bricriu et autres textes du cycle d’Ulster) décrit comme « quelqu’un qui en trois paroles, pacifierait n’importe quelle assemblée ». Si un tel homme n’est pas détenteur de sagesse, il n’y en a pas.
Bena Druuis Euentia & Druuis Conticannatios : Eh bien, en tenant compte, comme nous l’avons dit précédemment, que nous ignorerons la notion de « celtique », puisque nous ne sommes pas compétents pour établir comment le celtisme culturel affecte notre époque actuelle (bien qu’il soit évident que ses manifestations culturelles sont riches et transcendent clairement notre quotidien) nous vous parlerons de la croyance druidique. Dans un monde peuplé de Religions plus ou moins établies et même de spiritualités ou de religions à la carte (à la demande), on peut se demander ce qu’une nouvelle Religion peut apporter qui ne l’ait déjà été. Aussi, compte tenu du comportement humain et de la façon dont il a utilisé les croyances religieuses pour opprimer, anéantir, soumettre et apporter la misère au monde, quelle est la raison qui justifie pour nous la défense d’une nouvelle religion comme le Druidisme ? Ceci, bien sûr, est un point vital et qui nous a conduit à de nombreuses réflexions avant de franchir le pas de l’établissement du Druuidiacto Rectos Uindonnos (Ordre des Druides Fintan)… Alors enfin, nous considérons et apprécions que l’existence d’une religion polythéiste telle que le druidisme pourrait fournir une réponse à de nombreuses angoisses qui hantent actuellement les gens. Le Druidisme nous amène à changer de point de vue pour nous focaliser sur la Terre, sur l’Univers et in fine sur notre imbrication comme un plus dans le Tout, puisque nous sommes actuellement totalement déconnectés et perdus à cause des monothéismes égocentriques. Les Lois des brehons [fin de l'antiquité – ndlr], les Triades Celtiques [modernes, depuis quelques siècles seulement] et de nombreux mythes [généralement féodaux] enseignent des normes de comportement qui étaient importantes pour nos ancêtres celtiques et qui ne sont en aucun cas dépassées. Pour nous, ils ont valeur d’exemples de conduite. Observer cette sagesse et sa configuration pour notre usage est vital et nous avons l’obligation en tant que druides de montrer l’exemple, non seulement au sein de nos organisations, mais aussi à la communauté et, par extension, à l’ensemble de la société. L’éthique et la moralité sont essentielles à la croissance et au succès à long terme de toute organisation, c’est pour cette raison que nous accordons une telle importance à ces nobles vertus. Pour nos Ancêtres, il existait une série de Vertus Capitales qui devaient être observées par tous les croyants : Honneur, Justice, Loyauté, Vérité, Force, Courage, Générosité, Amabilité, Hospitalité, Humilité, Sagesse et Éloquence. C’est pourquoi nous pensons que ces valeurs doivent continuer à inspirer la société d’aujourd’hui. Sur la base de cette éthique, nous avons formé une série de principes ou d’engagements qui, selon nous, au-delà du druidisme lui-même pourraient inspirer l’ensemble de la société actuelle, croyante ou non. Lesdits engagements que nous appelons Neuf Engagements Druidiques, constituent un code éthique qui doit guider et inspirer nos actions et qui s’ajoutent à l’engagement fondamental envers la dévotion à nos Divinités, à la bonté de nos actions et au courage de nos résolutions, auxquelles en tant que druides nous sommes obligés : « Les druides font leurs déclarations de manière énigmatique et de sombres dictons enseignant que les dieux doivent être vénérés, ne pas faire le mal et qu’une conduite courageuse doit être maintenue. » (Diogène Laërce Vitae, Introduction, I, 5. IIIe siècle è.v.). [S'ensuivait la liste de ces Neuf Engagements Druidiques, très détaillée. Je vous invite à contacter Euentia et Conticannatios pour la découvrir, qu'ils me pardonnent – ndlr.]
Druide Eber : Bon le mot sagesse devrait être défini. La sagesse n’est pas une posture, c’est un état. Le corollaire c’est que le sage peut paraître fou pour le vulgaire qui ne voit que la posture. Le sage des uns n’est pas celui des autres. Mais avançons pour proposer une réponse à votre question. Peut-être pourrions nous citer les instructions du Roi Cormac ou les préceptes de Cuchulain ? La Sagesse serait alors perçue comme une sorte d’équilibre fait à la fois d’énergie et de bienveillance. Voici un extrait qui illustre cela : « Sois humble devant les enseignements des sages, / Souviens-toi des règles faîtes par les vieillards, / Observe les lois ancestrales, / N’aie pas le cœur froid envers tes amis, / Sois énergique contre tes ennemis, / N’aie pas une figure de querelle dans les assemblées, / Ne sois pas bavard et injurieux, / N’opprime pas, / Ne garde rien qui ne te soit un profit [c'est-à-dire utile – ndlr], / Couvre de ta réprobation ceux qui commettent des injustices, / Ne condamne pas la vérité à cause des désirs des hommes, / Ne romps pas les contrats pour ne pas être repentant… » Cela ressemble fort à la notion grecque d’hybris, démesure dont il faut s’écarter… Une autre acception du terme sagesse serait l’état de celui ou celle qui a de l’expérience. On parle de vieux sage par exemple. État qui permet de juger ou de mesurer grâce à une certaine prise de hauteur par rapport aux événements qui se déroulent devant nous et qui convoquent souvent et en priorité notre côté émotionnel.
Kombalkores Fernando : La sagesse celtique est recueillie de différentes manières. Les plus évidentes sont au nombre de trois : archéologie, Histoire et folklore, mais soumises à des contradictions poétiques… l’archéologie montre, mais ne parle pas ; l’Histoire parle, mais ne montre pas ; et le folklore montre et parle, mais sans connaître ses racines. Trois canaux, qui s’imposent et se complètent. La divulgation est fondamentale. Dans un cyberespace chargé de désinformation, il est vital d’œuvrer pour une présence solide et proactive qui rapproche l’Histoire de nos religions, avant même de parler de nos mythes et légendes, pratiques et traditions encore déformées par la propagande toxique. Pour cette raison, je pense, la première chose est de nier les canulars, et ensuite, d’expliquer ce qu’est le celtisme et de le faire autant de fois que nécessaire… et c’est très nécessaire.
Druide Milésio : À ceux d’origine celtique, je leur dirais simplement de regarder à l’intérieur d’eux-mêmes et de leur propre culture, et de voir comment cela se rapporte à la façon dont ils perçoivent le monde, individuellement et en tant que communauté. Je leur demanderais de faire des recherches sur leur propre passé en tant que peuple, tout en supprimant d’abord leurs idées préconçues et leurs préjugés. Je leur dirais aussi de tendre la main à d’autres communautés celtiques et de commencer à partager et à comparer ; ils se rendront compte que beaucoup de choses qu’ils pensaient exclusives ou uniquement liées à leur petit cercle ne le sont pas, car elles sont présentes dans ces autres endroits. Nous manquons beaucoup d’inter-communication et nous devrions vraiment travailler là-dessus, mais c’est une autre histoire et je m’éloigne du sujet [gare au romantisme – ndlr]… À ceux qui ne sont pas d’origine celtique, je leur dirais d’essayer de voir la Nature comme une réalité interconnectée qui embrasse absolument tout, y compris les choses que nous ne savons pas encore – d’où la relativité de tout ce qui pourrait arriver et le temps qui passe lui-même. Je les inviterais non seulement à lire sur les mythes, les légendes et les histoires celtiques, et à voir comment les personnages se comportent dans ceux-ci, mais aussi à essayer de traduire cela dans le monde moderne [gare au new age]… Ensuite, peut-être plus tard, les gens voudront aborder le druidisme contemporain et explorer une voie différente, mais je suis conscient que ce n’est pas la tasse de thé de tout le monde.
Quels rites existe-t-il, et à quelles dates ? Lesquels sont importants ? Et comment faut-il les célébrer ?
Druuis Auetos : Les sacrifices druidiques sont inscrits dans un calendrier luni-solaire et polaire, axé sur l’alternance du sombre et du clair. Son observance doit être rigoureuse. Fondé sur des données astronomiques, l’on attache une grande importance à certains jours des cycles solaire et lunaire, aux éclipses, au passage du soleil dans une nouvelle constellation, etc. Ces phénomènes déterminent les jours de fête et règlent les pratiques religieuses. Tout comme les deux semestres composant notre année, qui sont identiques tout en étant différents, c’est-à-dire qu’ils comportent chacun six mois, et en cela sont semblables, mais dont la division interne est différente, tout comme les mois aux quinzaines inversées (claire-sombre) par rapport aux semestres (sombre-clair), les sacrifices druidiques traditionnels subissent ce que MM. D. Laurent & M. Treguer nomment « la particulière conception druidique bipolaire inversée de la mesure du temps où les deux forces antagonistes, les ténèbres et la lumière, s’organisent autour d’un point d’équilibre et non à partir ou en direction d’un point d’amplitude maximum ». Selon notre lecture du calendrier de Coligny, seul vestige de la connaissance astronomique des druides, nous avons dénombré pas moins de 13 célébrations s’étalant tout au long de l’année. Pour faire court restons sur les quatre célébrations connues de tous. Les anciennes commémorations traditionnelles que nous appelons Oinacoi, c’est-à-dire les Trinoxtion samoni [les Trois nuits de Samain], l’Ambiuolcos [Imbolc], les Belotennia [Beltain] et la Luginaissatis [Lugnasad] fonctionnent de la même manière. Dans le premier semestre se trouvent deux fêtes fixes mais mobiles alors que dans le second semestre on rencontre deux fêtes mobiles mais fixes… Les dates fixes mais mobiles : les fêtes célébraient dans le premier semestre le m. samonos [m. = mid = mois] pour les Trinoxtion samoni et le m. anagantios pour Ambiuolcos, sont fixes puisque commémorées toujours le même jour dans le même mois, tout au long des lustres, des siècles et des cycles. Mais astronomiquement parlant sont mobiles [à cause des mois lunaires] puisque par leur « fixité » elles peuvent se retrouver soit dans le signe du Scorpion ou de la Balance pour les Trinoxtion samoni, soit dans le signe du Verseau ou du Capricorne pour Ambiuolcos… Les dates mobiles mais fixes : à l’inverse, les fêtes mobiles situées dans le deuxième semestre se retrouvent en m. simiuisonnos dans les années II, IV et V, rétrogradée en m. giamonos dans les années I et III pour Belotennia, et en m. edrinios dans les années II, IV, V, rétrogradée en m. elembiuos dans les années I et III pour Luginaissatis. Mais, par contre, sont parfaitement fixes par rapport aux signes dans lesquelles elles doivent apparaître, c’est-à-dire celle du Taureau pour Belotennia et celle du Lion pour Luginaissatis… En plus de cette intéressante observation astronomique, nous pouvons remarquer une autre particularité concernant ces fêtes. Celles-ci sont dédiées alternativement à un dieu puis à une déesse, et sont à caractère chthonienne puis lumineuse dans le premier semestre et, inversement, lumineuse puis chthonienne dans le second. Premier semestre : Trinoxtion samoni = Dis ater = chthonienne = hiver ; Ambiuolcos = Brigantia = lumineuse = printemps. Second semestre : Belotennia = Taranis = lumineuse = été ; Luginaissatis = Maria Talantio = chthonienne automne.
Druuides Uindocaruos & Belenigenos : Là aussi, c’est un axe de recherches essentiel. Là aussi, il faut confronter les textes, les découvertes archéologiques, dont le formidable calendrier de Coligny, les traces de festiaire dans les folklores des zones d’influence celtiques, comparer à d’autres festiaires indo-européens et l’on peut aboutir à plus d’une quinzaine de dates, nous sommes proches des travaux remarquables de seinos Brater (notre frère) Druuis Auetos. Il est au moins certain que toutes les dates ne sont pas fixes et que cette notion a encore beaucoup de mal à passer dans la plupart des mouvements. Chaque rite a son importance, mais le plus important est bien sûr celui des Trinox Samoni, dont il est aussi difficile à faire admettre qu’il n’est pas au début de l’année celtique, mais dix-sept jours, ou quarante sept jours, tous les cinq ans, après le début de l’année… bref, ce n’est pas si simple que la roue de l’année que l’on évoque généralement [issue du wiccanisme anglosaxon – ndlr].
Bena Druuis Euentia & Druuis Conticannatios : Dans notre Tradition, il y a 33 Cérémonies, dont 18 sont des Rites Sacerdotaux, propres à notre Ordre et à l’exercice de notre profession sacerdotale. Nous appelons ces derniers Gnotos et ils sont divisés en Rites diurnes et nocturnes, de nature privée et sans importance majeure pour la Tribu, donc, tant qu’ils ne sont que pour l’accès sacerdotal, nous considérons qu’il n’est pas pertinent que cette interview les passe en revue. Les Cérémonies typiques du Druidisme et communes à la plupart des ordres et qui sont déterminées par des notations particulières du Calendrier de Coligny, qui sert de base à l’établissement de la liturgie. [S'ensuivait un ensemble de listes que j'ai dû retrancher, car impossibles à restituer agréablement dans ce format : il faudrait pour cela un canevas. Elles évoquaient évidemment des célébrations mentionnées par d'autres intervenants. Vous êtes conviés à contacter Euentia et Conticannatios pour leurs données, qu'ils me pardonnent – ndlr.] Au sujet de la façon dont les Rituels doivent être célébrés, peu d’informations peuvent être fournies, mais pas par secret, mais simplement parce que les croyants doivent célébrer l’Oinacos [le rassemblement] dans le Teges (temple) et sous le rituel qui marque la liturgie et officie le prêtre (Druide). Nous comprenons que les rituels ne peuvent être accomplis de manière privée et originale par chaque croyant. Un croyant peut aller à l’autel de sa maison et organiser des prières et des libations. Les demandes d’aide, les prières et les offrandes ont toujours été le pouvoir de chaque croyant, car nous apprécions tous ce contact avec les divinités. Mais là le sujet s’arrête. Un croyant ne peut ritualiser car il ne peut pas « sacrifier » ou établir certains liens plus spécifiques avec les divinités. En dehors de cela, le croyant peut et doit suivre le folklore traditionnel de ces pulsations pour être en phase avec l’Oinacos et le moment terrestre qui le traverse. Vous l’aurez compris, le thème du folklore des fêtes serait excessivement lourd à développer ici et nous terminons également de le conformer à partir du Collège sacerdotal. Nous espérons pouvoir le communiquer prochainement à tous les croyants via notre Communauté créée sur Facebook.
Druide Eber : La plupart des collèges s’entendent pour célébrer huit fêtes dans l’année. Quatre fêtes solaires (solstices et équinoxes) et quatre fêtes lunaires dont la date correspond à une phase de la Lune : Samain, Imbolc, Beltane, Lugnasadh. [En fait, ces huit fêtes correspondent à la roue de l'année essentiellement promue par la wicca, nous n'avons rien concernant une célébration celte des solstices et équinoxes, généralement vendues par des ordres néo-gaélisants sous forme d'« Alban », « lumière », diversement qualifiée selon la période – ndlr.] Quelles sont les fêtes d’importance ? Il n’y a pas réellement de règle. Ma réponse spontanée serait toutes + l’articulation des unes avec les autres. Néanmoins, il existe quelques éléments qui laissent penser que les fêtes « lunaires » sont les plus importantes. En tout cas elles sont souvent plus documentées. On trouve ici et là des éléments qui laissent supposer qu’il y avait dans les conceptions anciennes un rythme pluriannuel qui mettait en avant telle ou telle fête. Plus généralement les fêtes de début de saison sont célébrées en plus grand pompe. Chez nous, les fêtes de Samain et Beltane sont l’occasion de rassemblements entre clairières. Il existe d’excellents travaux de certains Druides sur le calendrier gaulois de Coligny. Calendrier soli-lunaire qui déroule la saisonnalité des célébrations sur une période de plusieurs années… Comment faut il les célébrer ? À nouveau il peut y avoir des façons diverses selon les collèges mais la plupart s’entendent sur des fondamentaux en lien avec le moment et les divinités qui président à ces célébrations. Par exemple et en simplifiant à l’extrême : Imbolc ou Ambiuolcos est liée aux lustrations, purifications… lors de Beltane ou Belotennia nous allumerons des feux réputés pour protéger des maladies ou des accidents de la vie… Lugnasadh ou Luginaissatis sera plutôt en lien avec les récoltes, le partage, la royauté ou la souveraineté de la Terre/Mère. Ce qui est important c’est la notion de cycle. Le temps rituel n’est pas linéaire mais forme un cycle ou peut être une spirale qui se renouvelle chaque année.
Kombalkores Fernando : Incontestablement, la Roue de l’Année est le Calendrier Festif Celtique par excellence, basé sur une Période de Ténèbres et une autre de Lumière. En tant que calendrier métonique [lié à l'astrologue antique Méton d'Athènes – ndlr] il indique principalement les cycles lunaire et solaire, ainsi que les éphémérides astrales pendant l’année liturgique. Il reflète, les Phases Lunaires, les Solstinoxes (Solstices et Équinoxes) et les temps de la Demi-Saison [rappel : les solstices et équinoxes ne sont pas renseignés chez les Celtes, et sont avant tout des inventions liées à la roue de l'année wiccanne anglosaxonne ainsi qu'aux ordres néo-gaélisants, autour de la notion d'« Alban », « lumière » qualifiée selon la période – ndlr]. Il existe un large éventail de raisons rituelles, collectives et personnelles que chaque Culte sauve selon sa Tradition. Chez les Celtibères, elles touchent à des aspects tels que la naissance, le mariage, les obsèques, l’hospitalité (lat. hospitum, cib. karaka), l’initiation au Culte et la consécration sacerdotale, ainsi que les offrandes, les propitiations, les prières, les sacrifices, etc.
Druide Milésio : On observe quatre fêtes principales et quatre mineures, aux côtés de rituels « familiaux » ou « communautaires »… Les quatre célébrations principales sont ce que nous appelons Magusto (Samain) en novembre, Entroido (Imbolc) en février, Maios (Beltaine) en mai et Seitura (Lugnasad) en août [les noms sont fondés sur des traditions péninsulaires – ndlr]. Les équinoxes et les solstices constitueraient les quatre mineurs entre ces majeurs [mais non attestés – ndlr]. C’est ce que nous appelons Roda do Ano (Roue de l’année), également présent dans de nombreuses autres cultures [en fait diffusée par le wiccanisme anglosaxon]. Les rituels communautaires sont sporadiques, comme les mariages, les funérailles, etc. Bref, ceux-ci se font à la demande. Les huit dates fixes sont festives, même si Magusto (Samain) est parfois mal compris. Chacun a une approche différente, même si je dirais que l’essentiel est de les célébrer honnêtement et, si possible, avec le plus de monde possible, car les Celtes d’autrefois étaient un groupe social et grégaire. Pas étonnant que la plupart de ces célébrations se terminent ou tournent autour d’un banquet !
Parlez-nous des Dieux. Quel rôle jouent-ils dans nos vies ? Jusqu’à quel point sont-ils aimables, ou serviables ? Et quelles autres entités sont encore bienfaitrices pour l’homme ? Ce qui amène fatalement la question des phénomènes néfastes. Quels sont-ils ?… Mais y a-t-il de la naïveté, à ne penser qu’en termes de bon/mauvais ?
Druuis Auetos : Nous ne pouvons parler des Dieux (« Deuoi ») sans parler des Anti-dieux (« Andeuoi ») car, en fait, la différence entre eux n’est pas une différence de nature mais plutôt de degré. Selon la voie que nous suivons, certaines forces, certaines puissances seront des aides ou des obstacles, des Dieux ou des Démons qui, pour les uns, ferons de nous la proie de nos instincts et, pour les autres, nous aideront à nous en défaire. Les mêmes actions, les mêmes tendances peuvent donc être utiles, bonnes pour certains êtres et nuisibles, mauvaises pour d’autres. Les Andeuoi sont tout ce qui détourne l’homme de la voie de la réalisation du divin. « Il te sera d’un grand secours de te rappeler les Dieux : ce qu’ils veulent [c’est] que tous les êtres raisonnables s’efforcent de leur ressembler. » (Marc Aurèle, Pensées pour moi-même, livre 10, 8)… On ne peut donc faire une séparation nette entre les Deuoi et les Andeuoi. Dans l’évolution générale de l’homme certains Andeuoi deviennent des Deuoi et des divinités sont réduites au statut d’Andeuoi. Les mêmes principes qui sont les Deuoi dans une voie particulière sont des Andeuoi, des obstacles, dans une autre. À chaque stade les puissances cosmiques qui sont utiles, bénéfiques, seront les Deuoi, les puissances qui s’opposent au progrès, à l’illumination, qui semblent obscures, cruelles, destructrices seront les Andeuoi. Belaros, l’obstruction personnifiée, qui veut détruire le monde, s’oppose à Lugus, le dispensateur de vie. Les Andeuoi sont les aînés des Deuoi, ils sont les dieux d’un monde encore dans son enfance et tous les dieux, au fur et à mesure que nous progressons seront, un jour, pour nous, des Andeuoi. « Les Dieux et les Anti-dieux sont les deux lignées des enfants du Progéniteur (Tatis). Les Dieux sont les cadets, les Anti-dieux sont leurs aînés. Ils se combattent éternellement pour la domination du monde. » (Brihad-dranyaka Upanishad, 1, 2, 7) « La terre avec ses forêts, ses océans, ses montagnes, fut d’abord gouvernée par de puissants génies. Mais les dieux, dirigés par le Savoir (Lugus) les repoussèrent dans de grandes batailles et capturèrent les trois mondes et tous leurs habitants. » (Ramayana, 7, 11, 16-17)… Neitos, s’unissant avec Neimana, produisit une multitude de Divinités gigantesques essentiellement agissantes, les Uomorioi, doués d’une grande force, ainsi qu’une troupe de Dieux, les Nemetoi [déjà évoqué à l'introduction du mythe celte plus haut – ndlr]. Frères ennemis, ces entités, qui étaient alors toutes mortelles, se firent la guerre pour la maîtrise du monde. Les Deuoi affaiblis furent vaincus et ce monde, toujours en devenir, resta sous la domination des Andeuoi. Vinrent après ça trois autres générations de Titans : les Bolgoi, les Dumannioi et les Gallaicoi ainsi que la tribu céleste des Dieux, la Touta Deuas Danunas qui, bien qu’ayant gagné une grande bataille contre les Bolgoi, n’en étaient pas moins ruinés et toujours sous le joug des Andeuoi. Ce n’est qu’avec l’assistance de Lugus que les Deuoi, après une bataille acharnée, repoussèrent les Andeuoi au-delà de la neuvième vague. La Terre s’assagit et, ainsi, put recevoir l’humanité. Les Deuoi devinrent immortels et nourris grâce au sacrifice institué dès le commencement [déjà évoqué à l'introduction du mythe celte plus haut – ndlr]… Ainsi, les généalogies des Deuoi et des Andeuoi s’emmêlent et s’entrecroisent et nous retrouvons souvent les mêmes parents dans l’une et l’autre branche. Elatios (Andeuos), fils de Delbatios (Andeuos), fils de Neitos (Andeuos), se maria avec Etania (Deua), fille de Rinogabalos (Deuos), et devint le père de Aecuos Ollater alias le Dagodeuos (Deuos), Ogmios (Deuos), Olloudios (Deuos), Allados Adarcios (Deuos), Nectanos (Deuos) et Medros (Deuos). De même, Elatios (Andeuos) copula avec Iueria (Deua), fille d’un noble Deuos et eut Iuocatuos Breisillos (Andeuos). Itou, Iuocatuos Breisillos (Andeuos) forniqua avec Brigantia (Deua), fille du Dagodeuos (Deuos) et eut Roudianos (Andeuos). Ou encore, Cenos (Deuos), fils de Deniacacteto (Deuos), coucha avec Etiona (Andeua), fille de Belaros (Andeuos) et eut comme progéniture Lugus (Deuos) qui fut donné en adoption à Talantio (Deua), fille de Magomaros [tous ces noms sont des adaptations en celte restitué, de sources celtiques féodales, telles que le Livre des Conquêtes d’Irlande – ndlr]. Voilà pourquoi les Deuoi, ainsi que les Andeuoi, à l’instar de la Nature, peuvent aussi bien être favorables que funestes, bons que mauvais, justes que déraisonnables. De même que Belenos ou Aedis nous réchauffent mais peuvent nous brûler, que Apia nous désaltère mais peut nous noyer ou que Tira nous supporte mais peut nous ensevelir. Les Deuoi et les Andeuoi que tout semble opposer sont, en vérité, comme l’adret et l’ubac d’une même montagne, des opposés complémentaires qui sont et doivent toujours être équilibrés, et dont la mise en relation crée la tension. Ils servent à rendre compte de la dynamique à l’œuvre dans les couples en interaction. Les Deuoi et les Andeuoi, dans leur éternel combat, sont là pour nous faire comprendre que cette univers est mû par des forces contraires qui, en s’opposant, le font évoluer. Qu’ils sont les éléments d’un même tout. Que les uns ne peuvent pas vivre sans les autres car il n’y a pas de lumière sans ténèbres et qu’il est vainc de vouloir la victoire totale des uns sur les autres, comme le préconisent les monothéismes, mais plutôt de respecter l’équilibre parfait entre ces deux forces antagonistes et, répétons-le, ô combien, complémentaires… Les Deuoi sont de puissants guerriers, des Êtres appartenant au monde supérieur, doués de qualités de transcendance qui les font coexister avec des êtres de même rang et dotés d’attributs, notamment anthropomorphes, se manifestant dans leurs missions auprès des hommes, avec lesquels ils entrent en relation pour orienter leur existence ou pour satisfaire leur besoin de communication et dont ils reçoivent l’hommage cultuel. Ils vivent à côtés des hommes, les uns dans le ciel, les autres dans les profondeurs de la mer ou du sol. Entre les hommes et les Dieux, il est plus question de relations de bon voisinage que de communions, bien que celles-ci ne soient pas exclues, et donc, bien que certains humains puissent participer aux drames divins, ce sont plus des rapports contractuels qui s’établissent entre les deux partis sur une base de réciprocité : les prières et les sacrifices appelant en retour faveurs et bénédictions. « Le Progéniteur créa en même temps le rituel des sacrifices et l’homme. Il dit à l’homme : « Tu progresseras par ce rituel et tes désirs seront accomplis. Par lui, tu te rendras agréable aux Dieux et les Dieux te protégeront en retour. Ainsi vous aidant les uns les autres vous atteindrez la félicité. Contents de tes hommages, les dieux t’accorderont tous les plaisirs ». » (Bhagavad-Gitâ)
Druides Uindocaruos & Belenigenos : La notion de serviabilité des Dieux est-elle vraiment adaptée ? Quoi qu’il en soit, on peut penser, par exemple aux mères glaniques, aux nombreuses Divinités qui président aux lieux curatifs ; la plupart des noms de Divinités révélés par l’archéologie le sont dans des dédicaces de remerciements, mais chaque Divinité a différentes attributions dont toutes ne sont pas forcément positives, ce sont des puissances redoutables pour les vermisseaux que nous sommes. Une réponse détaillée à cette question équivaudrait à un traité de théologie. Peut-être faut-il se borner à faire mention de travaux incontournables en la matière que ceux de Bernard Sergent et de Philippe Jouet, entre autres… Oui, la notion sommaire et infantilisante de bon ou mauvais permet surement de maîtriser des populations, mais pas de comprendre les puissances qui agissent ce monde. Les Dieux et les Déesses font partie intégralement de notre vie, nous avons des rites quotidiens hors de nos cérémonies, le Druide est un serviteur des Dieux, un officiant, par son engagement, par sa recherche sans cesse de connaissance et d’élévation spirituelle, ce qui ne peut se faire sans un contact permanent avec les Puissances Divines, nous sommes donc Druides par engagement, par connaissance, dans notre attitude, dans nos actes, dans nos pensées, dans nos paroles et tout cela ne peut se faire sans une conscience spirituelle, sans un lien avec nos Dieux et nos Déesses.
Bena Druuis Euentia & Druuis Conticannatios : Pour comprendre nos divinités, nous devons d’abord faire un effort pour comprendre le polythéisme et abandonner des millénaires de conceptions et de pensées monothéistes. Le polythéisme est compris comme la doctrine religieuse dont les adeptes croient en l’existence de multiples Dieux ou Déesses organisés en une hiérarchie ou un panthéon. Il ne se réfère pas à une différence de nomenclature – les différents noms d’une divinité – mais à différents Dieux avec des caractéristiques individuelles clairement identifiables. Dans le polythéisme, chaque divinité peut être honorée et invoquée individuellement selon les aspects qui lui sont attribués. Une variante du polythéisme est l’hénothéisme, où une divinité occupe une place de prééminence et de vénération au-dessus des autres, mais ce n’est le cas ni dans notre Tradition ni dans la plupart des Traditions [les Hébreux commencèrent ainsi – ndlr]. Il est indéniable qu’après des millénaires de monothéisme, nous ne comprenons pas ou n’accédons pas toujours correctement aux multiples Déités. Il est courant de penser que la seule différence entre le monothéisme et le polythéisme est le nombre de Déités et que les voies d’accès à celles-ci, leurs prérogatives ou pouvoirs d’intercession sont identiques au comportement du Dieu Unique. Ce n’est pas comme ça. Dans le Monothéisme, Dieu est Omnipotent et Omniscient, rien ne bouge autour de lui sans son consentement, tout arrive parce qu’il le veut. C’est l’origine du fameux paradoxe religieux. Si Dieu est Tout Bon et Tout-Puissant, pourquoi permet-il le mal dans le monde ? Ou, pourquoi permet-il cette injustice ? Ou pourquoi ne m’aide-t-il pas si je vais bien ? Ou pourquoi cet enfant meurt-il ? et ainsi de suite à l’infini… Passer du monothéisme au polythéisme est un signe de maturation en tant qu’être humain. Nous sommes passés d’enfants mineurs d’un Père Tout-Puissant qui fait tout ce qu’il veut pour notre bien mais sans intervention humaine, à être les propriétaires et RESPONSABLES de nos décisions. Dans le Polythéisme, nous prenons les rênes de notre Vie car les Divinités ne sont pas Omnipotentes. Elles nous aident, nous conseillent et on pourrait même dire qu’elles nous conditionnent, puisque leurs différents dons (illumination, protection, etc.) sont destinés à nous renforcer dans le combat de la Vie, mais elles ne luttent pas pour nous-mêmes. C’est pourquoi nous conseillons aux croyants, que lorsqu’ils offrent aux Divinités de les honorer ou de rechercher leur médiation et leur soutien, ils doivent se rappeler que la concession de ce qui est demandé n’est pas dans leur divine main Omnipotente, et que les résultats ne sont pas atteints par leur volonté capricieuse. Il se peut que nous n’ayons pas su tirer profit de leurs dons et que nous ayons « mal combattu » dans notre bataille, ou il se peut que les Déités aient essayé de nous aider et n’aient pas été en mesure de le faire. Cette idée d’impuissance (relative) dans une Divinité est nouvelle pour beaucoup mais surtout, Divinités comprises, il y a les intrigues complexes que le Destin concocte et c’est quelque chose auquel aucune créature ne peut échapper. Alors oublions la tutelle monothéiste étouffante pour entreprendre le difficile chemin du voyage solitaire. C’est dur, mais réconfortant. Le rôle que les Déités « jouent » dans notre vie est celui que nous leur offrons. Si, pour le dire simplement, nous nous passons des Dieux, alors les Dieux se passeront de nous. Mais ce délaissement ne doit pas être compris comme une « punition » ou un oubli souhaité pour ne pas être soigné, non. C’est une vision monothéiste où Dieu existe, que nous croyions en lui ou non, et il nous punit si nous ne l’honorons pas. Les Dieux du Druidisme qui ne reçoivent pas d’offrandes, on pourrait simplement dire qu’ils ne nous voient pas… ils ne nous reconnaissent pas et évidemment n’intercèdent en aucune façon et nous laissent continuer notre vie. C’est précisément ce qui arrive aux millions de personnes qui ne croient ni au Druidisme ni à ses Dieux. Par contre, si nous sommes croyants et que nous les vénérons ou demandons leur aide ou leur intercession dans nos affaires, cela ne sera jamais généreux, comme nous en avons l’habitude dans le monothéisme, où le Père donne (s’il veut) et au-dessus de toute considération, exactement ce qu’on vous demande si vous êtes satisfait. Non. Cette pensée est également monothéiste. Les Dieux ne nous donnent rien. Ils ne peuvent pas. On gagne ou on perd des choses. Les Dieux essaient de nous aider pour que nous sachions apprécier leurs dons face au combat que nous allons mener. N’oublions pas non plus qu’il existe des Dieux plus énergiques que d’autres. Des Dieux qui aiment davantage le combat, l’intégrité, le sang, les difficultés, les coups, les chutes et LA RÉSOLUTION que nous montrons pour en venir à bout. Par conséquent, nous devons savoir qui nous prions et ce que nous demandons et quels résultats nous pouvons attendre de l’intercession divine. Nous sommes vraiment désolés si cela vous décourage, mais l’important dans le Druidisme n’est pas d’avoir sur une liste les meilleurs Dieux qui vous accordent les plus belles choses et vous facilitent la vie. Les Dieux celtiques vous enseignent que la vie est lutte et dureté et aussi beauté et récompense et bien sûr intégrité et gratitude. La chose importante à propos de cette religion n’est pas ce que vous obteniez, ni les facilités dans votre vie, ni vos récompenses dans l’au-delà. L’important est que vous appreniez à vivre pour vous dans le temps qui vous est imparti et que vous appreniez à vous délecter de chaque instant car chaque instant est unique. Bien que nos âmes soient immortelles, nos vies sont uniques. Nous ne devons pas l’oublier. Vous vous demandez s’il s’agit de Déités amicales ou favorables… eh bien oui et non. Cela dépend des jours, comme nous. Cela dépend de la façon dont nous les abordons, cela dépend du moment… mais bien sûr, l’éternuement occasionnel va vous prendre si votre esprit n’est pas centré correctement. Quant aux autres entités bienfaisantes pour l’homme, je suppose que vous voulez dire les dieux mineurs, les esprits de la nature. Eh bien, pour ce cas, vous devez appliquer un peu la même base. Ils sont là et ils peuvent nous être bénéfiques mais aussi nous nuire. Vous devez les connaître et les respecter et comme nous traitons la nature, il n’est pas surprenant qu’actuellement elles ne nous soient pas particulièrement bénéfique. En ce qui concerne le concept du Bien et du Mal que vous pointez et le dualisme strict c’est une naïveté. Eh bien, cela fait beaucoup de questions profondes auxquelles répondre rapidement. En effet, une division bien/mal est naïve, mais cela ne veut pas dire que le mal n’existe pas ou que le bien n’existe pas. Nous comprenons la naïveté en pensant que le mal doit toujours être détruit ou le bien protégé. Il y a des actions de destruction et d’ombres qui portent en même temps le germe nécessaire à l’expansion de la lumière. Nous l’avons déjà vu dans la mythopée [poésie mythique – ndlr] de Magos Turatiom. Mais évidemment, le fait que ce que nous considérons comme destructeur ait des choses constructives ou nécessaires n’implique pas qu’il cesse d’être mauvais, en particulier en comprenant les paramètres du bien/du mal sous notre appréciation humaine personnelle. On voit cette dualité existante très bien reflétée dans le cas des Uomorios (Fomoires). Nous le résumons ainsi dans nos croyances fondamentales : « Les Divinités Anciennes, les Uomorioi ou Enfants de Dumnon, résident dans le Cercle de matérialité d’Andumnon, le Non-Monde. Divinités d’un Univers à ses débuts, un monde chaotique et désordonné avant l’arrivée des Dieux de la Lumière. Ils incarnent les puissants instincts sombres et primitifs présents dans le Cercle d’Abredio depuis leur origine à Andumnon. Ils ont un pouvoir redoutable car ils sont le chaos initial, les forces brutes à la fois terrestres et aquatiques. Les Uomorioi incarnent les manifestations élémentaires des origines de l’Univers. Les forces sauvages et indomptables qui composent la naissance de la nature et l’organisation de la matière. Leur force et leur présence sont antérieures à la possibilité de l’expansion de la Vie de l’Humain et donc antérieures à la génération de son Monde. Par conséquent, les Uomorioi sont plus facilement liés dans l’Ancien Monde et leur présence y est plus vérifiable. Mais bien que les forces néfastes écrasent l’Humain, elles sont essentielles pour atteindre un juste équilibre dans l’Ordre cosmique, étant essentielles pour la vie, ainsi que la nuit pour le jour, le mal pour le bien ou la laideur pour la beauté. C’est pourquoi les Jeunes Dieux dans leurs combats ne peuvent pas les tuer. Soumettez-les ou dominez-les oui, mais ne les détruisez jamais. De plus, ils ne doivent pas être détruits car ils sont le substrat où s’enracine la Vie Consciente. » [sans source, mais probablement tiré du Druuis Auetos – ndlr.] Les Uomoroi sont parfois appelés démons, car ils peuvent intervenir (même à la demande d’un mortel) pour causer des dommages par la maladie, les accidents et toutes sortes de malheurs. Ils peuvent imprégner les lieux et les personnes de leur présence mais ils ne possèdent jamais personne au sens catholique, les forçant à des actions mauvaises ou cruelles, puisque dans leur nature ce n’est pas de faire du mal aux mortels ni de favoriser l’expansion du mal pour offenser aucun Dieu… nature comprise comme antagoniste, cette vision est typique des religions monothéistes et non du druidisme. L’action du Diable consiste simplement à poursuivre sa nature, qui est destructrice, désorganisatrice, chaotique et par nature opposée au bon cours de la vie humaine. C’est pourquoi ces actions sont également combattues par les druides lorsque le cas se présente. Puisqu’on ne veut pas s’alourdir, on n’approfondira pas le sujet puisque, comme je vous l’ai dit, vous soulevez certaines questions métaphysiques à développer largement.
Druide Eber : La notion de divinité est complexe. D’abord, il y a la notion de polythéisme qui n’est pas revendiquée comme telle par tous les groupes. Certains voient en les Dieux des émanations d’une divinité unique. D’autres y voient des archétypes, d’autres y voient des entités agissantes, d’autres n’envisagent pas les divinités sous l’angle de la foi mais comme des « unités symboliques » qui soudent la communauté. Certains ont établi des rapports plus intimes avec une ou plusieurs divinités dont ils ont fait leurs divinités tutélaires. Ce qui peut aller jusqu’à l’adombrement qui fait du Druide le vecteur de l’influence d’une divinité [notion issue de la « théosophie » anglosaxonne de Blavatsky, précurseure du new age, et désignant l’insufflation spirituelle d’un supérieur immatériel dans une personne. On peut y voir l’idée assez courue chez les néopaïens d’un « working with the gods », « travailler avec les dieux » – ndlr]… Les divinités sont, existent, agissent. Sans elles rien n’existerait. Sont-elles aimables ? Sans doute peut-il avoir un coté émotionnel dans les rapports que nous pouvons entretenir avec elles. Sont-elles serviables ? Là il y a inversion de statut. On ne se sert pas des divinités, on les sert [cela exclut, pour le Druide Eber, le « working with the gods]. Ce qui n’empêche pas de leur adresser prière et rites pour les honorer et de trouver des « accords » avec elles. Mais ceci est plutôt de l’ordre de l’harmonie, de la néguentropie, de l’ordre que du rapport maître-serviteur. Prenons un exemple. Admettons que la Vie existe. Difficile de le nier. Penser que la Vie existe n’est pas une croyance c’est un constat. Le sophiste arguera peut-être que même la Vie est réfutable. Mais peu importe. Nous constatons que la force vitale existe et nous pensons qu’elle est liée à une divinité particulière, par exemple Belenos. En honorant Belenos nous établissons des accords avec une de ses qualités qui est la Vie. Dés lors, nous pourrons en toute logique renforcer ces accords par la prière et le rite lorsque nous voulons rétablir en nous la force de Vie. Nous n’allons alors pas solliciter Belenos pour qu’il nous serve mais plutôt nous exposer à son pouvoir. Prenons une image somme toute triviale. Le Soleil existe. Nous pouvons nous exposer au Soleil ou nous tenir à l’ombre. Le Soleil quant à lui n’a pas d’attention particulière pour ceux qu’il éclaire. Il est, ce qu’il est tout naturellement. Sur la base de cette comparaison nous pourrions dire que le rituel nous expose aux divinités comme nous nous exposons au Soleil. Nous pouvons varier cette exposition de multiples façon mais le Soleil continue lui à briller. Nous allons garder cette image pour répondre à la suite de vos questions. Les divinités sont. Elles ne deviennent bonnes ou mauvaises que dans le rapport que nous établissons avec elles. Reprenons le Soleil. Si nous habitons un pays tempéré, il est possible que le Soleil soit essentiellement perçu comme bon. Il éclaire, il réchauffe, il fait croître les plantes, etc. En revanche si nous nous tenons en plein midi dans le Sahara, nous percevrons le Soleil comme dangereux, stérilisant, voir mortel. Le faste serait alors un rapport harmonique, le néfaste un dérèglement, une rupture d’harmonie, un excès ou un défaut. Malheureusement nous sommes toujours enclins à une forme d’auto-centrisme qui fait que nous disons que les choses sont mauvaises ou bonnes selon les effets qu’elles ont sur nous. Alors il y a de mauvaises herbes, des animaux méchants, de mauvais climats… Qu’il existe des forces entropiques qui mènent au chaos est un fait. Mais est ce mal ?
Kombalkores Fernando : Nous sommes polythéistes et notre concept de Divinité est similaire à celui conçu par d’autres peuples et théologies indo-européens. Cette référence et guide est essentielle pour nos vœux et notre évolution religieuse, spirituelle et théologique. Je ne comprends pas, par exemple, qu’une personne religieuse voie dans les Dieux des Entités « aidantes » ou des « ressources » mentales avec lesquelles « travailler ». À cause de leur générosité, ils prennent soin de moi et me protègent, ce qui ne veut pas dire qu’ils me « servent », je vois ça comme égoïste, irrévérencieux et blasphématoire, peut-être athée. Cette non-croyance est nuisible au développement spirituel et religieux du païen. Nos Dieux sont réels, sensibles et conscients, dont la connaissance et le pouvoir nous enrichissent et nous font évoluer vers cette Eudaimonia [l'eudémonisme et la recherche du bonheur, l'Eudaimonia en est l'aboutissement – ndlr] qui nous permet de les atteindre au terme de notre « voyage »… En plus des Dieux, le Cosmos est suffisamment multiple et étendu pour nous permettre d’interagir avec différentes Entités de différentes manières et sous différentes formes. Le type de relation que nous avons, je comprends que cela dépendra plus de nos connaissances, sentiments et motivations que de leur attitude. Ici, la question est peut-être plus importante que la réponse. Alors enfin, comme cela se produit dans le monde quotidien, beaucoup de choses auront à voir avec le fait de frapper à la bonne porte ou non.
Druide Milésio : C’est difficile à expliquer, et parfois difficile à comprendre, car nos Divinités font partie de la Nature et, par conséquent, ne sont pas surnaturelles par définition. Elles font partie intégrante de l’ensemble même si, en tant que Dieux et Déesses qu’ils sont, ils restent hors de notre vue commune. Maintenant, nous les voyons surtout comme des enseignants, tout comme les enfants ont des enseignants à l’école : tutorat, guidage, tentative de donner l’exemple. Ils aident, mais vous devez faire le travail. Et pourtant, après les cours, les enfants ont leur vie privée et les professeurs aussi ; c’est la même chose avec les Déités… Elles enseignent donc différentes choses et interagissent de différentes manières, dans le but général d’être bénéfiques même si parfois nous ne comprenons pas leurs méthodes ou leur but ultime (de la même manière que les écoliers ne comprennent pas toujours de quoi parlent leurs professeurs !)… Les « phénomènes nuisibles », comme vous le dites, sont aussi liés à l’idée qu’il n’y a pas de surnaturel. Ainsi d’autres éléments, êtres, situations, etc. vont se développer et interagir d’eux-mêmes. Et oui en effet, tout comme dans nos propres vies, les termes bon/mauvais sont simplistes dans ce cas. S’il y a même eu des nuances de gris, des comportements nuancés et ainsi de suite, c’est avec les allées et venues des êtres qui ne sont pas des Déités. Je suppose qu’il faut les traiter comme on traite avec d’autres personnes : cas par cas, situation par situation.
Dans quel courant ou organe druidisant ou celtisant, êtes-vous aujourd’hui ? Pouvez-nous le présenter ?… Comment un profane pourrait-il en faire partie ? Des profanes non-affiliés peuvent-ils assister ou participer aux cérémonies, pour les découvrir ?
Druuis Auetos : Je suis Druuis de la Celtiacon Certocredaron Credima, créée en 2005 è.v. [è.v. = ère vulgaire/chrétienne, ou vernaculaire/commune – ndlr]. Cette obédience est un surgeon de la Kredenn Geltiek (canal historique de 1936) du Uerdruuis Gobannogenos (à ne pas confondre avec l’autre K.G. fruit d’une usurpation née en 1990 è.v. après le décès du second Ri-Drevon de la K.G. Lugumarcos). Pour en savoir plus sur notre Croyance, je vous propose d’aller jeter un œil sur notre forum. Vous risquez d’être surpris car notre « druidisme » est aux antipodes de celui en vogue dans les autres groupes druidiques. Notre Assemblée est bien plus qu’un simple collège sacerdotal, elle est aussi un lieu d’hospitalité pour nos credimaroi (« croyants ») car tout le monde n’est pas enclin à devenir Druuis ou Bena-druuis. Pour être reconnu credimaros, le profane doit, dans un premier temps, contacter un de nos Druuides et assister à au moins quatre célébrations durant une année. Après quoi, si notre façon de faire correspond à sa façon de voir, il demande à prêter serment envers nos Dieux.
Druuides Uindocaruos & Belenigenos : Nous faisons partie de la Cantia Uassoi Deuion (Assemblée des Serviteurs des Dieux) représenter par le Druuis Uindocaruos qui réunit deux Nemeta [Sanctuaires – ndlr] : le Nemeton Nanto Belenos (Sanctuaire Vallée de Belen) et le Nemeton Sentu Uindogenos (Sanctuaire la Voie de Fingen). Le Nemeton Nanto Belenos est un nemeton reservé aux Druides Théologiens et Bardes, et le Nemeton Sentu Uindogenos pour les futurs Druuis Uatis (Vates, Devins). Bien sûr que toutes les personnes curieuses, attirées par les cérémonies ou la spiritualité de nos ancêtres sont les bienvenues ! Généralement nous faisons nos cérémonies et essayons d’organiser des conférences sur différents sujets traitant du Druidisme et du Celtisme.
Bena Druuis Euentia & Druuis Conticannatios : Actuellement et comme nous l’avons dit dans nos présentations, nous appartenons au Druuidiaco Rectos Uindonnos (Ordre des Druides Fintan), un Ordre Religieux dont nous sommes les fondateurs. Conticannatios y est également associé fondateur et membre du conseil d’administration en tant que secrétaire de l’association religieuse Druide Fintan et Euentia est sa présidente et représentante légale. Les Druuidiactos Rectos Uindonos (en langue gauloise) également connu sous le nom d’Ordre Druidique Fintan, sont un Ordre Religieux Reconstructionniste de Tradition Gauloise-Continentale et de racines bretonnes, voué à la formation par l’initiation des futurs Prêtres de notre Religion (Druides), au soutien des credimaroi (croyants) et la réalisation des Cérémonies établies dans notre Tradition ainsi que les tâches de Service aux Divinités et à la Communauté (Tribu) qui nous sont demandées et qui rentrent dans notre logique sacerdotale. Nous nous définissons comme profondément spirituels et religieux, avec des convictions polythéistes profondément enracinées et loin des influences chrétiennes voilées ou de l’essence du new age. Nous sommes le premier Ordre Druidique qui a été structuré de telle manière en Espagne, où il est possible pour tous les croyants de vivre leur foi et d’apprendre leur croyance (et leur spiritualité) sans avoir à devenir Prêtre Druide. Presque tous les ordres druidiques existants n’acceptent que des membres avec un seul objectif : l’initiation au sacerdoce druidique. À Fintan, nous considérons qu’à long terme cette pratique ne favorise pas une structuration cohérente de la religion druidique, puisque seuls les prêtres sont formés qui, au contraire, n’ont ni croyants à soutenir ni tribu à servir, pour lesquels lesdits ordres ont pris fin constituant une série de groupes fermés, de nature monastique et centrés sur leurs propres membres dans le seul intérêt de leur propre et particulière initiation spirituelle et évolution personnelle. C’est pourquoi tous ces croyants qui ne se voyaient pas avec la force et l’engagement nécessaires pour être druide ou qui ne voulaient tout simplement pas l’être, ont été relégués sans possibilité de vivre leur sentiment religieux polythéiste celtique de manière authentique. Pour cette raison, nous avons été les pionniers en introduisant dans l’État espagnol la figure du credimaros, un nom en gaulois qui signifie croyant et que certains ordres de la péninsule ibérique ont déjà commencé à adopter. L’Association religieuse Druida Fintan est une association religieuse légalisée par l’État espagnol grâce à sa reconnaissance et son inscription au Registre des entités religieuses du ministère de la Justice sous le numéro 014301 (ancien 2127-SG/A). Près de deux ans après la fondation de l’Ordre des Druides Fintan, nous avons obtenu la légalisation de l’Association Religieuse, ce qui impliquait la reconnaissance tacite du Druidisme dans notre pays puisqu’une entité pratiquante était formellement admise au Registre. Être la première association religieuse druidique légalisée dans l’État espagnol est très important et implique une énorme RESPONSABILITÉ puisque notre performance nous engage : elle contient la viabilité de tout le DRUIDISME présent et futur. Comme nous le faisons, nous serons jugés ainsi que ceux qui viennent. C’est pourquoi notre priorité en tant qu’Association Religieuse est le Druidisme lui-même, considéré comme Religion, l’établissement de collaborations et d’accords (dans le domaine civil) œuvrant pour la visibilité du Druidisme auprès de la société et la défense active de nos valeurs éthiques, de notre Terre, nos ancêtres et l’être humain. Notre objectif est donc très clair : que Notre Religion soit reconnue, connue et respectée. Trois étapes consécutives et fondamentales qui sont inhérentes à la redécouverte de la Spiritualité Ancienne Européenne, un héritage de nos Ancêtres et qui n’aurait jamais dû se perdre. L’Association est donc chargée d’établir autant de dialogues qu’il est jugé nécessaire avec les administrations de l’État afin de parvenir à une normalisation de nos croyances et à l’obtention et à la réalisation de nos droits religieux afin que notre religion, le druidisme, soit contemplée et respectée. au même niveau que toute autre religion existante dans l’État espagnol. En plus de ce travail, nos efforts sont également orientés vers la dénonciation de tous ces aspects de la vie civile que nous considérons comme une attaque contre notre Mère la Terre, contre nos Ancêtres et contre les principes qui constituent notre éthique druidique et les bases de notre Religion. Notre objectif principal est donc de garantir à tous les credimaroi le pouvoir de vivre et de développer leur Religion Druidique en accomplissant leurs engagements (rituels compris) et leurs dévotions. Quant à savoir si un laïc peut participer à l’une de nos organisations, la réponse est NON. Il serait totalement incohérent d’appartenir à une association religieuse ou à un ordre religieux si vous n’êtes pas religieux, vous ne pensez pas ? Dans tous les cas, les laïcs mais ayant des intérêts partagés par l’Association (par exemple dans les questions environnementales) et à travers des accords établis par elle peuvent participer et en fait participer à des projets communs. C’est la seule façon raisonnable dont un laïc peut participer à nos objectifs. C’est-à-dire d’un point de vue civil où personne n’est discriminé et encore moins pour des raisons de conscience religieuse. En effet, les non-croyants peuvent accéder aux cérémonies publiques (Oinaci) comme les croyants, s’ils le souhaitent et en font la demande, mais toujours en dehors de l’espace sacré (Nemeton). Ils pourront contempler le déroulement du Rite dans le silence et le respect mais ils n’interviendront pas pendant la Cérémonie.
Druide Eber : Je suis Druide d’Altitona qui est une clairière druidique elle même faisant partie d’une assemblée de clairières qui forment l’Assemblée Druidique du Chêne et du Sanglier. Cette Assemblée Druidique regroupe un certain nombre de clairières réparties ici et là sur les territoires français et limitrophes. Ces clairières s’entendent sur quelques fondamentaux qui leur permettent de pratiquer ensemble mais ont par ailleurs une large autonomie de gestion et d’organisation. Je ne parlerai donc que de notre clairière pour répondre à la suite de vos questions. Nous organisons de temps à autre des rencontres avec des profanes. Rencontres à thème, balades, etc. Si quelqu’un s’intéresse à nos activités, nous l’invitons à nous rencontrer pour faire le point sur sa demande et sur ce que nous faisons. Le cas échéant si les choses sont claires nous allons lui proposer de nous rendre visite lors d’un rituel. Si nos pratiques trouvent un écho chez la personne et si la personne nous semble suffisamment volontaire et respectueuse pour être intégrée au groupe nous le lui proposons. Au bout d’un an (8 célébrations) de présence en tant qu’invitée on proposera à cette personne d’intégrer le groupe en tant que membre.
Kombalkores Fernando : Ma religion est la Wicca Celtibère [qui se revendique d'une sorcellerie rituelle, non magicienne, basée sur l'étymologie du mot « wicca » et non son émergence anglosaxonne au siècle dernier, quitte à entretenir les confusions – ndlr] et les piliers de mon Culte sont : la Dévotion, la Tradition et la Transmission. Notre Tradition Celtique est la Celtibère, une religion reconstructionniste, non-prosélyte, avec une tradition animiste, polythéiste et idolâtre, qui rend le Culte aux Morts, et son passé historique part d’un panorama linéaire : Culte Mégalithique (Néolithique) —> Peuples Proto-Indo-Européens (Chalcolithique, où apparaît le terme religieux wiccan, lié à la notion de sacrifice) —> cultures et religions identifiés (ethnies celtiques, celtibères). Commençant à nous persécuter, les chrétiens ont utilisé le terme lat. païen et avec le déclin de Rome en Occident, la voix qui définit l’acte rituel et ceux qui l’accomplissent (Wicca/Wiccan) réapparaît comme archaïsme, que les Chrétiens voyaient comme un sacrifice aux Démons. À partir de là, le terme Witchcraft (art sacrificiel) et witches (sacrificateurs/prêtres) surgissent dans les langues modernes (Moyen-Âge). Aujourd’hui, nous utilisons à nouveau le terme Wicca/Wiccan, pour enraciner notre origine celtibère, fermant la boucle… Nous distinguons le croyant en tant que laïc, partenaire ou jumelé avec notre Tradition, celle-ci à travers la Karaka [hospitalité] (qui a la possibilité de participer plus activement au Culte et à l’initiation). Le laïc peut « être », le partenaire « assister » et le frère « participer » – mais pas officier – « à » des cérémonies publiques et familiales, car notre Culte est hermétique et initiatique.
Druide Milésio : Comme mentionné, je suis à l’Irmandade Druídica Galaica. L’IDG est le seul groupe religieux celtique organisé (et officiellement reconnu) dans l’ancienne terre de Gallaecia, Callaecia, Galiza, Galicia, Galice… Différents noms pour le même pays… L’IDG accueille ceux qui souhaitent observer le calendrier celtique en communauté, solliciter et participer à des services religieux, et recevoir des conseils et des informations. De même, en tant que collectif, nous visons à partager un certain nombre de valeurs et d’enseignements intemporels qui, selon nous, peuvent être utiles dans le monde d’aujourd’hui… Cela dit, l’IDG partage les grands principes du druidisme ailleurs, mais se concentre sur le propre héritage celtique galicien, car nous considérons que la Callaecia (la Galice proprement dite plus le nord du Portugal) est la patrie d’origine des Celtes de l’Atlantique… Ainsi, si quelqu’un veut se joindre à nous, il serait logique que la personne ait une sorte de lien – même s’il ne s’agit que d’un lien émotionnel – avec le lieu et la culture. De plus, la langue peut être un problème, puisque la seule langue de travail utilisée en interne est le galicien… Au-delà, tout le monde est le bienvenu. On peut simplement observer au loin (être druide, même anonymement) ou devenir membre régulier (ce qu’on appelle un Caminhante, cheminant). Les amateurs et les cheminants sont des laïcs. Les membres initiés (Ovates et Druides) suivent un chemin différent… Et nous sommes toujours ouverts aux questions et aux conversations ! Nous sommes, après tout, un groupe modeste mais public.
Comment voyez-vous le monde actuel ? Quelles places ont le celtisme et le druidisme dans votre vision des choses ?
Druuis Auetos : Le monde actuel est un monde à bout de souffle. Un monde en fin de vie, comme nous le montre le règne du feu et de l’eau. Nous nous situons au crépuscule de l’Aes Miletonos (« l’Âge de la Destruction »), une ère de désolation, de désolation et de dissolution. Dans ce monde en décrépitude, notre Croyance nous donne un message d’espoir car qui dit crépuscule dit aussi aube prochaine. Un monde meurt, un monde prend vie. Une nouvelle ère, celle d’un âge doré, est sur le point d’éclore et, de la même manière que la Touta Deuiōn vainquit les ténèbres, nous sortirons vainqueurs de notre combat.
Druuides Uindocaruos & Belenigenos : Nous voyons un monde qui ne nous plaît pas, ainsi rejoignons nous la vision de la Morrigan [évoquée par d'autres plus bas – ndlr], sauf que ce temps est le temps présent, nous retrouvons dans différentes spiritualités indo-européennes, les trois notions de piliers universels, l’équilibre, le mouvement la destruction, si le monde continue ainsi, à s’occuper de la superficialité des choses, sans entrer dans le fond, alors la destruction frappera notre civilisation. Les évènements actuels le montrent déjà. Ce qui nous rassure c’est que nous savons qu’universellement tout est en perpétuel mouvement, à nous, à vous, de faire en sorte que ce cycle ne dure pas trop longtemps. Dans cette situation dramatique, il est vital, que l’arbre dont on a voulu couper les racines, repousse, se renforce, et permette, de trouver des solutions d’avenir. Le celtisme, le Druidisme peuvent apporter une solidité, des clés de compréhension du monde, et amener l’homme vers une véritable évolution, pour lui-même et pour le monde. On ne peut que souhaiter son développement sur des bases très solides.
Druuis Conticannatios : Comment je vois le monde… question difficile et je pense que c’est une question avec autant de réponses qu’il y a d’humains à qui on la pose. Personnellement, je vois le monde vide. Avec un grand vide d’esprit. Après les outrages qu’ont causé et que causent certaines visions Religieuses liées principalement au concept monothéiste, chacun fuit le concept de Religion et se réfugie dans la Science comme si l’une était l’opposé de l’autre, et ce n’est pas le cas. Le Druidisme prête attention à la science et essaie de marcher à ses côtés puisque les valeurs qu’elle apporte sont indéniables et piliers de notre évolution. Mais bien que la science ait généré une augmentation notable des connaissances, elle nous dépasse souvent. Il n’y a pas d’accès mûri à la connaissance. Nous sommes entourés de concepts rationnels et scientifiques et l’étincelle de notre esprit s’éteint. Nous nous retrouvons terriblement seuls dans un monde auquel les religions traditionnelles ne nous ont pas préparés. Les gens manquent de but, il n’y a pas de buts qui nous emmènent au-delà de notre existence, nous nous soucions de nos vies et le concept de « tribu » a disparu ou est devenu une relique anthropologique. Je vois le monde comme ça et je crois que c’est le problème qui nous amène à des situations comme la dégradation subie par l’environnement… rien n’a d’importance, rien ne suffit, rien ne nous remplit et cette angoisse qui nous mène à une boulimie de consommation qui tente de combler notre vide, ne nous satisfait pas non plus. Nous n’y trouvons pas les réponses et nous aurions besoin d’un nouveau concept moral et éthique qui était autrefois réglementé par les religions et dont, bien qu’il nous pèse, nous nous sentons orphelins. Je ne parlerai pas du celtisme, comme je l’ai déjà dit car je ne comprends pas ce que nous entendons par celtisme. Mais je parlerai du druidisme, car c’est ma religion et c’est ce dont je peux du moins parler. Et à partir de là nous revenons à la troisième question où l’on demandait ce que le druidisme pouvait apporter aujourd’hui. Le Druidisme peut fournir un cadre religieux de RESPONSABILITÉ et de MATURITÉ à l’Humanité. Le temps est venu de mûrir ou de disparaître. On dit que l’homme ne réagit qu’à la vue du précipice. Eh bien, réagissons, car nous marchons déjà au bord du vide. Par conséquent, la place que le Druidisme occupe dans ma Vie est totale, comme je le suppose dans la vie de tout prêtre de toute croyance religieuse. Le druidisme me donne en tant que croyant une série de valeurs, une éthique à suivre ainsi que quelques engagements à respecter, parmi lesquels se détache la vieille triade gauloise : ne jamais faire le mal, la dévotion aux Dieux et Déesses, et maintenir une attitude de courage devant la Vie.
Bena Druuis Euentia : Bon, franchement, je vois très mal le monde en ce moment, comprenant le monde en deux parties, d’un côté notre Terre Mère et de l’autre les êtres humains qui l’habitent. Les progrès tant attendus nous ont conduits à une vie où le respect, les croyances, les valeurs passent au second plan au profit de l’argent, du pouvoir, de la consommation. Les nouvelles générations fuient le terme religion car elles ne peuvent l’assimiler qu’aux religions monothéistes qui, depuis des siècles, ont prouvé qu’elles prêchaient une chose et en faisant une autre. Aujourd’hui, la plupart des gens font plus confiance aux résultats empiriques de la science qu’aux croyances, indépendamment du fait que la confiance en la science est basée sur la croyance. D’autre part, dans la société d’aujourd’hui, les valeurs que nos ancêtres ont transmises de génération en génération ont disparu, la société a oublié de se souvenir de ses ancêtres, de continuer à promouvoir l’union des clans et des tribus et aujourd’hui chacun étant des vies humaines ne pensant qu’à sa vie, son bien-être, remplir son existence d’objets matériels, d’aliments superficiels, vivre la vie à la va-vite pour tenter de combler notre âme vide sans but précis et sans pouvoir combler ce vide existentiel on finit par devenir des automates, déprimés et anxieux qui, pour continuer à vivre à ce rythme, doivent être polymédiqués avec des anxiolytiques, des antidépresseurs, des analgésiques et un long « etc. » Cette façon de vivre et ce manque de valeurs est ce qui nous a conduit à un manque total de respect et de protection pour notre planète. Au nom du progrès, de l’argent, du pouvoir et d’une vie soi-disant meilleure, nous détruisons les ressources naturelles que la Terre nous avait toujours offert. Nous ne prêtons pas attention à leurs plaintes constantes sous forme de phénomènes naturels, nous n’apprécions pas chaque aliment que nous mettons dans notre bouche, nous ne sommes conscients d’aucune de nos actions et si nous continuons ainsi nous nous dirigeons vers l’extinction de l’être humain et du monde tel que nous le connaissons… Pour moi, le celtisme et le druidisme sont deux choses différentes, le celtisme englobant l’étude des peuples celtiques et en tant que mouvement reconstructionniste, nous apporte des connaissances sur ces peuples, mais être celtique ou pratiquer le celtisme n’implique pas de professer la religion druidique ou être un Prêtre druide, donc le celtisme occupe la partie qui m’aide à comprendre comment les peuples celtiques se reliaient et vivaient et la religion druidique est celle qui me donne la vision la plus intérieure de la relation entre les prêtres, les divinités et la tribu et leur manière de comprendre la vie, le monde, la terre. Évidemment du fait de mon statut sacerdotal de Bena Druuis, le druidisme fait partie de ma vie 24h/24, ma religion est totalement impliquée dans ma vision des choses et du monde et c’est par elle que je crois que l’on peut contribuer à la société d’aujourd’hui , le moyen de renouer avec nos ancêtres, avec les valeurs que nous avons perdues en cours de route, de revenir à agir de manière éthique, de savoir apprécier tout ce qui nous entoure et qui passe inaperçu devant nous par le maelström insensé de la vie que l’humanité mène aujourd’hui.
Druide Eber : Le monde actuel ressemble fort au Monde décrit dans les prophéties de la Morrigan. Citons en quelques lignes : « Je verrai un monde qui ne me plaira pas : / Été sans fleurs, / Vaches sans lait, / Femmes sans pudeur, / Hommes sans courage, / Capture sans roi, / Arbres sans fruits, / Mer sans frai, / Mauvais avis des vieillards, / Mauvais jugement des juges, / Chaque homme sera un traître. » Bref un Monde qui a oublié ses valeurs pour se livrer à l’égoïsme, la consommation, la jouissance immédiate et la pensée préfabriquée. A contrario, nous ne pensons pas non plus qu’il faille se livrer à une ascèse morbide et la repentance permanente. Tout est question d’équilibre… Le Druidisme dans tout cela ? Nous pensons que le meilleur moyen pour éviter les prophéties de malheur c’est de retrouver une forme d’harmonie, d’ordre naturel, de lucidité sur le Monde. Le Druidisme, pour peu que l’on y travaille avec sérieux, permet de répondre à ces questions. Pour autant le Druidisme n’est pas une religion qui repose sur la grâce. Pour arriver à quelque chose, il faut que chacun travaille et opère dans le cadre qui est le sien, avec les outils qu’il maîtrise.
Kombalkores Fernando : Je crois que nous sommes les pionniers d’une résurgence des Cultes préchrétiens, avec un paganisme qui peu à peu va imprégner nos sociétés, les ramenant à un statut plus naturel, harmonieux et respectueux des Traditions Ancestrales, détruisant tout ce qui est une farce (sic) [c'est le Kombalkores Fernando qui a placé « sic » – ndlr] et adhérant à notre conscience religieuse. Le druidisme en particulier et le celtisme en général, je comprends qu’ils vont jouer un rôle très important dans cet éveil … D’autre part, nous risquons d’être trop permissifs avec des « expérimentations » mêlant pratiques, religions et théologies, et finissant par créer quelque chose de nouveau sous un ancien nom. Je ne me sens ni autorisé ni justifié à le faire. Je comprends que le syncrétisme arrive naturellement dans l’Histoire : il n’est pas « conçu »… il arrive après des siècles d’expériences, de connaissances et d’adaptation. Adapter la religion au contexte n’est pas la même chose que l’adapter à chacun de nous… que se passerait-il si quelqu’un décidait ce qu’est le druidisme et être druide, quels Dieux adorer et comment le faire, et que tout était valable ? Serait-ce encore le druidisme ? Si vous voulez créer quelque chose de nouveau, eh bien, allez-y, chacun accède aux Dieux comme il le comprend le mieux, mais soyez courageux et ne vous cachez pas derrière une religion précédente pour peut-être crédibiliser VOTRE idée du transcendant.
Druide Milésio : Personnellement, je vois le monde humain principalement tel qu’il a toujours été, à cette différence que maintenant nous connaissons la joie et la misère ou les autres [sic] plus rapidement et plus largement. Cela ajoute une couche supplémentaire de stress et de désenchantement dans la vie des gens. Mais je pense aussi que la sagesse ancienne, correctement revisitée, continue d’être pertinente pour résoudre les vieux problèmes de la condition humaine… C’est là qu’interviennent le celtisme et le druidisme/la druiderie/druidité car, je crois, ils peuvent offrir une approche de la vie souvent oubliée, une vision du monde enfouie dans l’inconscient européen où l’on ne fuit pas la complexité de la réalité, tandis qu’en même temps, nous gardons notre optimisme.
Voulez-vous ajouter quelque chose librement ? Au revoir !
Druuis Auetos : Non pas.
Druuides Uindocaruos & Belenigenos : Nous sommes entièrement ouverts aux échanges, aux rencontres, aux débats, vous pouvez donc nous retrouver sur les Facebook Druuis Uindocaruos, Marc Durand et Cantia Uassoi Deuion. Vous êtes les bienvenus pour les cérémonies, se déroulant en Bretagne, nous faisons également des vidéos youtubes, des petites conférences traitant de sujets liés au Druidisme. Nous vous souhaitons, le meilleur, la bénédiction des Puissances Divines. Bien à vous.
Bena Druuis Euentia &Druuis Conticannatios : Rappelons à tous ceux qui croient en la religion druidique, quel que soit le pays où ils vivent, qu’avec l’Association religieuse des Druides Fintan, nous avons acquis l’engagement de promouvoir une communauté de croyants druidiques, qui n’aura aucune sorte de relation avec notre Association étant donc totalement indépendante et différenciée. Ladite Communauté fonctionne de manière opérationnelle à travers un groupe Facebook fermé et privé auquel un accès préalable doit être demandé. Les liens vers celui-ci se trouvent dans notre profil Orden Druida Fintan dudit réseau social. Nous essaierons que dans ce groupe, toute personne qui se sent croyant et qui a besoin d’attention, de conseils et d’un minimum de formation puisse recevoir l’aide qui lui permet de vivre sa foi avec des garanties sans avoir besoin d’adhérer à une association. Pour toute question à ce sujet ou sur d’autres sujets, vous pouvez nous trouver dans notre courriel, ou dans l’un de nos profils Facebook, à la fois l’Ordre (Orden Druida Fintan) et le staff (Conticannatios). Nous vous remercions de l’attention que vous avez eue envers nous à travers cette interview, Mervis, et nous vous souhaitons un bon voyage. Embrassades.
Kombalkores Fernando : Merci encore une fois pour le merveilleux travail que vous faîtes. Il est important de rendre visible une partie de la société et des croyances trop longtemps marginalisées. Merci.
Druide Milésio : Juste un grand merci à vous pour votre intérêt et à ceux qui lisent ces lignes pour leur patience. Vous devez comprendre que tous ces concepts et idées sont assez complexes et je n’ai offert rien de plus qu’une introduction très brève et simplifiée. J’espère que ça aide.
TROIS CELTISANTS
Bonjour ! Pourriez-vous vous présenter ou vous présenter à nouveau pour les lecteurs, tant au plan civil que religieux ?
Gérard Poitrenaud : Je m’appelle Gérard Poitrenaud, celtologue. Je suis né à Paris et j’ai suivi des études de littérature allemande que j’ai terminées par un doctorat de 3e sycle sur « la réception des classiques dans la littérature allemande de l’émigration après 1933 ». Après avoir été lecteur de français dans une université allemande et ne voyant pas de possibilité de carrière dans la Recherche, j’ai commencé une carrière de développeur et de programmeur-système à Francfort sur le Main, où j’ai habité avec ma famille franco-allemande. Ayant vécu plus de 35 ans en Allemagne, j’ai pris beaucoup de distance avec tout ce qu’on peut considérer comme franco-français et parisianisme, mais aussi avec l’élitisme et le formalisme qu’on rencontre souvent chez nous… Mon implication dans la celtologie s’est faite par hasard, mais pas tout à fait, puisqu’enfant mon père et mon oncle, tous deux de culture ouvrière et proches du parti communiste, se disputaient fréquemment à propos des Gaulois. Lorsque je me mis à m’intéresser à l’histoire familiale, les Gaulois en faisaient donc naturellement partie. Et quand mon oncle me légua sa bibliothèque celtique pour se débarrasser, celle-ci resta sans grande attention jusqu’à ce qu’un ami allemand, par ailleurs professeur à l’université et mythologue, engage la conversation sur Cernunnos, puis m’invita à présenter mes « lumières » dans son cercle mythologique à Leipzig. Je me mis à me renseigner plus sérieusement sur le sujet, et c’est ainsi que mon étude sur Cernunnos est née avec une itération d’approfondissements, une déambulation circulaire et répétée (trois fois ?) autour de ce sujet… Il est difficile pour un garçon des années cinquante et du début des années soixante de prendre un druide comme modèle : Gandalf n’était pas connu. Mes héros étaient le jeune Bonaparte, Saint-Louis (quand j’avais la foi du catéchisme) ou, si gaulois, Vercingétorix. Bien abreuvé de récits déjà mythiques de la résistance par mon père, je voulais devenir un héros, pilote de chasse ou à la rigueur pompier, et non un savant ou un sage. Prêtre que nenni ! Je chantais « auprès de ma blonde » avec une anticipation de ravissements lointains. [Vraie question : l'ancien druide se privait-il d'une blonde ? – ndlr.] Mais le druide qui sait attendre frappe à la porte des ans. Son mystère, son lien avec la magie et l’origine obscure de tout finissent par m’impressionner, même si je n’ai aucun lien avec le néodruidisme et que je n’ai pas envie de me couvrir d’un drap blanc pour aller en forêt faire mes dévotions. Mais personne ne peut oublier, il me semble, le récit de Pline sur la cueillette du gui ni questionner sa signification profonde.
Tasgos : Je me présente sous le nom de Tasgos, mot signifiant Blaireau, car il s’agit de mon animal messager. En effet, autant il est rare de l’apercevoir, autant je le vois précédant des périodes clefs. Vivant, il annonce une épreuve, mort il annonce une fin d’épreuve. Je ne sais point s’il s’agit de concours de circonstances, de superstitions ou de signes. Étant assez rationnel de nature. Et le blaireau est un très bel animal. J’aurai quarante ans l’année prochaine [2023 – ndlr], et jusqu’alors j’ai effectué divers travaux variés. Je respecte la République française et ses valeurs, mais je me sens assez indifférent à son drapeau ou à son patriotisme. J’apporte actuellement ma contribution à Pharia, une association regroupant des netjeristes (tradition égyptienne), des hellénistes (tradition grecque), des romanisants et des celtisants [hélas déchue en 2022, alors qu'était diffusée l'entretien concernant les Gréco-Romanisants].
Mervis Nocteau : Je renvoie aux précédents entretiens : en gros ? Un penseur d’action. J’ai été tenté par la hedge druidry [druiderie buissonnière, druidisme solitaire ou à distance] mais j’ai réalisé que c’était du bullshit, alors je me rapproche des lignées plus assermentées initiatiquement parlant. Je me sens tel un Diuiciacos Iberos Geaton, Divitiac l’Ibère des Goths, une fois syncrétisé tout mon passif lignager pré- et péri-chrétien.
Quelles remarques avez-vous envie de faire, au sujet de la précédente interview concernant les celtisants ?
Gérard Poitrenaud : Il y a apparemment une grande diversité chez les druides actuels, on a l’impression que chacun peut définir le druide qu’il veut être. J’ai l’impression que le druide d’aujourd’hui pourrait se faire également shaman ou moine tibétain. Sa foi est celle du pouvoir de l’esprit sur la matière, et du savoir profond hors de toute institution ou du moins autonome par rapport à celles-ci.
Tasgos : Je connais Lugvidion que j’eus plaisir à rencontrer un jour, aussi je pense avoir reconnu un Breton alsacien et un érudit reconstructionniste [Yann Mab Beltan/Gottfried Karlsshon – ndlr]. Certaines vues sont intéressantes et prêtent à réfléchir, comme Morgan remettant le terme de païen en question et le voyant comme péjoratif. Les transes de l’ADF évoqués par Odinson [écarté avec bien d'autres douteux, de la version accessible sous mon profil] pour entrer en contact avec les dieux me posent question, car je ne vois guère les divinités comme des personnages mais plutôt comme des forces de la nature, des manifestations de ce monde… Concernant les vingt années d’apprentissage druidique évoquées par Yann, et lesquels bien sûr semblent difficilement applicables à notre époque, surtout si l’on entre dans le druidisme à trente ou quarante ans, je dirais ceci : l’apprentissage des druides antiques devait sûrement commencer très tôt, à partir de l’âge de 15 ans peut être, sachant que l’espérance de vie était moindre. Aussi, l’apprentissage ne devait point se borner à des textes bardiques, fait propre aux bardes et non aux druides par ailleurs. Mais l’apprenti(e) druide devait connaître toute la législation celtique. Il ou elle devait tout savoir sur les astres et les constellations, savoir les identifier et repérer les transits, comme celui de Saturne en Taureau permettant de changer de cycle tous les trente ans. Il ou elle devait savoir interpréter les auspices. Il lui fallait savoir lire et écrire pour les tâches administratives et la magistrature. Il ou elle devait apprendre toute la médecine celtique, chaque plante, mais aussi chaque préparation médicinale comme les onguents. Tout cela nécessitait au moins vingt années, mais à trente-cinq ou quarante ans il ou elle était druide(sse) et pouvait former un(e) nouvel(le) apprenti(e) pendant les vingt ans suivants. Je partage l’avis de Domias, pour lequel, si le druidisme était reconnu, il deviendrait une institution encadré par des réglementations. Aussi la non-reconnaissance nous permet aussi d’avoir une certaine liberté, de pouvoir nous organiser et agir à notre guise [cf. la critique faite au Druide Eber en « ndlr », à la question de la recherche de reconnaissance actuelle]. J’ai eu plaisir à lire l’article traitant de la Wicca Celtibère dans lequel j’appris les termes espagnols de Brujeria [sorcellerie rituelle] et Hechiceria [sorcellerie magicienne], dont la subtilité distingue le sacré du profane. Et par ailleurs, un cercle reconstructionniste puisant dans des mémoires antérieures à l’antiquité, soit le Chalcolithique (âge du bronze) voir le néolithique, lui confère une forme singulière [la Wicca Celtibère du Kombalkores Fernando interrogé parmi les Druides ci-dessus, et qui n'est en fait pas du wiccanisme, donc, quoiqu'entretenant la confusion].
Mervis Nocteau : Adge Teutaten ! Par Teutatès ! en celte restitué. Ni plus ni moins que mon chapô d’article, à cet entretien. Je rappellerai à tous que j’ai entamé mon cheminement traditionnel en faisant confiance au Druuis Auetos, ainsi qu’au Druuis Belenertos qui n’a jamais souhaité répondre. Comment vous dire que je n’ai jamais regretté la confiance que je leur ai accordée ? Et, ce, alors que nous n’avons fait qu’échanger à distance, faute de moyens et d’envies, et que je ne suis pas entré dans la démarche druidiste. Il y eut même des quiproquos entre nous qui faillirent me coûter la participation d’Auetos ici, du fait qu’un imposteur usurpa un temps son nom sacral. Tali Auetui ! Honneur à Auetos !
Qu’est-ce que le celtisme et le druidisme, aujourd’hui ? D’où viennent-ils ? Comment se manifestent-ils ? Quels sont leurs courants et leurs organes ? Combien de personnes mobilisent-ils ? Cherchent-ils une reconnaissance en France ?
Gérard Poitrenaud : Je ne sais trop rien du druidisme actuel, je suppose que c’est un produit du romantisme, c’est-à-dire d’un mouvement littéraire et artistique, mais aussi philosophique qui s’oppose au rationalisme des Lumières et de la despotie éclairée [sic] ainsi qu’à l’Histoire biblique et gréco-romaine. Il valorise les émotions et les sentiments, la subjectivité, en même temps que le barbare, le déchaînement des éléments et un lointain passé qui rassemble tout cela. Le druide d’Ossian en est l’incarnation. [Druide poétique dont le nom est bien tiré de légendes celtes, dont les poèmes ont été imaginés par le poète anglais James Macpherson, sur la base d'éléments folkloriques certes, mais surtout homériques et bibliques – ndlr]… Je suppose également que la maçonnerie se trouve dans les mouvements druidiques comme dans d’autres groupes qui rassemblent des personnes éprises de savoir ésotérique et voulant être une élite discrète.
Tasgos : Tout d’abord, il faudrait d’une part que les mouvements druidiques sachent s’entendre en bonne intelligence. Car généralement chacun pense avoir raison sur l’autre et chacun forme son clan. Et les rapports humains semblent compliqués. D’autre part, il faudrait reconnaître les différents courants druidiques dans leurs spécificités propres. Comme sont reconnus les branches chrétiennes protestantes, orthodoxes et catholiques par exemple. Car les groupes druidiques sont différents, mais aussi honorables les uns que les autres sauf exceptions idéologiques ou mercantiles [et sans recherche de raccord antique archéo/historique – ndlr]. Si la France devrait reconnaître les ordres druidiques, il lui faudrait reconnaître chaque courants druidiques dans leurs voies distinctes. Soit, le druidisme tricentenaire de John Toland et Iolo Morgwang. comme à la Gorsedd de Bretagne, à L’Ordre des Bardes des Ovates et des Druides, ou l’Ordre Druidique des Enfants de la Terre [tous réputés, mais sans recherche sincère de raccord antique]. Le druidisme reconstructionniste, dont la branche orthodoxe d’inspirant des cultures gauloises, irlandaises et hindoues. Comme l’immense et remarquable travail du Druuis Auetos de la Celto Certocredaron Credima, reprise par la Orden Druida Fintan en Catalogne [interviewés ci-dessus parmi les druidistes]. Mais aussi les clairières comme le Groupe Druidique des Gaules à cheval entre le druidisme tricentenaire et la reconstruction des traditions anciennes des Gaules [ainsi que le travail de René Guénon, quoi que René Guénon ait nié la possibilité d'un héritage druidique]. Et peut-être, de nouveaux groupes emprunteront une voie semblable à celle que j’ai prise, mais ces groupes n’existent pas encore à ma connaissance. Reste les clairières druidiques de type new age, nombreuses, lesquelles auront, je pense, plus de mal à être reconnues en raison de la peur bien française de mouvements perçus, à raison ou à tort, comme des mouvements sectaires. Mais peut-être ne le souhaitent-elles pas non plus. [Or il y a bien des sectarismes çà et là, attention. Sans parler des influenceurs qui gâchent tout, à cause de leurs perversions. Clamant haut et dur leur pseudo-véracité, ils enthousiasment « les pauvres en esprit », sur la base du réflexe monothéiste que « le royaume des dieux leur serait à tous promis ». Ce sont de « nouveaux prédicateurs de mort » qui se dénient et se proclament même d'un sursaut : la perversion est totale. En fait, ils craignent.]
Mervis Nocteau : Le celtisme est une culture protéiforme bien sûr enracinée dans les peuples à caractère toujours celtes du littéral atlantique, mais qui doivent eux-mêmes d’être des survivances des peuples antiques venus du Danube répandus dans les Anciennes Gaules pré-romaines du Rhin à la Garonne. Restent donc l’Eire & l’Ulster (Irlande), l’Ecosse, l’Île de Man, le Pays de Galles & la Cornouaille (Grande Bretagne), la Bretagne (France), les Asturies et la Galice (Espagne) mais aussi quelque part tous ceux qui font « la découverte » plutôt que « l’ignorance » selon le mot de Tri Yann (appliqué à toute l’Europe occidentale et non seulement la Bretagne) ou bien encore ceux qui entendent « le chant des druides » dirais-je humoristiquement en citant Manau (car Manau confond toujours mégalithisme et celtisme comme Obélix !). Le druidisme eh bien, sans le celtisme, n’est crissement rien. On connaît ma propension à parler des druidistes et leurs druidismes pour nos jours, et des druides et leurs druidicats dans l’antiquité : pourquoi pas ? La druidité est déchue mais grâce au celtisme franc-maçon des Anglo-Saxons elle est toujours là, alors à nous d’en faire une vraie chance, si le public véridique veut bien la tolérer, car depuis mes tous premiers entretiens il a du mal en France, et le public français est sûrement le plus méchant !… Comme toute culture, la culture celto-druidique n’a pas d’origine ex nihilo, pure ou parfaite. Comme tout mouvement culturel, le celto-druidisme contemporain n’a pas de nature per se, pure et parfaite. Je veux dire : en dehors de la tête de ces sots d’identitaires… A contrario, il serait aussi sot d’en faire quelque chose à caractère humanitaire/éco-salutaire (ce qui revient au même que l’humanitaire, car le cosmos continuera avec ou sans notre suicide). Car dès qu’on convoque les Dieux, même de loin dans le panenthéisme (la Déité profuse tout), le panthéisme (la Déité est le Tout) ou le « psychothéisme » (les Dieux sont des archétypes transpersonnels) on quitte l’anthropocentrisme pour le théocentrisme, serait-ce pour l’altérité de l’inconscient. Or par définition, le théocentrisme convoque le surhumain parmi l’humain, et l’humain ne peut plus être « le tout » (humanitaire/éco-salutaire). Nous parlons bien de polythéismes, même si dans la culture pop’ ça se cantonne à quelques pintes à boire sans modération le jour de la saint Patrick, patron celto-chrétien d’Irlande, pourtant destructeur des Derniers Celtes (non, ni les Irlandais, ni les Ressortissants d’une autre nation dite celtique aujourd’hui, ne sont celtes : ils sont irlandais, ou ressortissants d’une autre nation dite celtique – rien d’autre – ce qui est de survivance, et encore ! la majorité ne parle même plus de langue celtique, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, cela ne fait hélas pas de différence factuelle).
Comment introduiriez-vous au Mythe Celte ? Quelles directions prend-il ?
Gérard Poitrenaud : Les mouvements druidiques tout comme les celtologues, participent du mythe celte qui reste quelque peu évanescent. Cependant, je vois ce mythe à l’œuvre dans la chasse sauvage d’un héros solaire à travers les cieux, dans les batailles eschatologiques qui mettent fin à un cycle d’existence avant d’amener le suivant et dans le personnage de Cernunnos qui manifeste par ses bois le renouvellement éternel des êtres et des chose… Je pense que le message druidique se confond avec le message celtique, en ce sens qu’il représente dans notre esprit l’antithèse de la civilisation matérialiste, de l’État omniprésent, du gel du fleuve de la vie. Nous y voyons une furtivité, une volonté d’échapper au système et aux multiples institutionnalisations qui transforment tout en béton sinon en argent « à partir de rien »… Pour ma part, je ne cherche pas les pouvoirs, ni à me distinguer de la foule. Je suis très bien avec les gueux, les fous et les ignorants, mais pas tout le temps – j’aimerais avoir le pouvoir de guérir par la vérité. Malheureusement, je fais souvent l’expérience que cette modeste exigence de vérité blesse, offusque et finalement fait de moi un solitaire parmi les gueux, les fous et les ignorants. Il y a peut-être un mouvement indépendant de notre volonté à la recherche du druide capable de faire la différence, de retourner la situation par ses fulgurances de sagesse et conduire la troupe des héros en vue de la bataille eschatologique… Celui ou celle qui étudie longtemps un sujet quelconque va constituer des liens émotionnels avec son sujet : ce à quoi on passe plus de temps prend forcément de la valeur. Ainsi il ne s’agit plus d’étudier, mais d’admirer et de vénérer. C’est de la psychologie de base, mais ça marche. Les Celtes deviennent pour moi un milieu d’habitation que j’ai du plaisir à reconnaître et qui me sert de refuge lorsque je me sens désorienté. Je vais donc être tenté de découvrir dans mon sujet ce que j’y ai mis peu à peu… La religion druidique serait une sorte de croyance païenne en opposition avec le christianisme et/ou la laïcité dans lequel nous avons grandi. Je pense qu’une telle religion est impossible, car elle ne peut pas faire que ce qui l’a émiettée, effacée peu à peu et dissolu, n’ai pas été. La religion sécularisée des Romains, le christianisme dans ses différentes variantes se succédant les une aux autres, le rationalisme et les étranges nihilismes de notre époque sont là et correspondent à la marchandisation du monde et du vivant. Les druides historiques dont nous savons si peu n’ont pas eu ce monde devant eux et n’ont pas eu ces idées à combattre (ou seulement en germes).
Tasgos : Il faut aborder ce phénomène avec prudence. D’aucuns chercheront dans les mythes indiens, partageant avec l’Europe le lien indo-européen. Soit l’Œuf Cosmique à l’origine du monde [le Druuis Auetos ci-dessus – ndlr]… D’autres, plus répandus, se calqueront complètement sur les textes médiévaux irlandais rédigés dans les monastères durant le siècle de l’âge d’or irlandais, celui qui s’étend de la création des monastères en 563, à la peste jaune en 664… Personnellement, j’ai cherché des concordances avec les mythes gréco-romains, voisins directes des celtes. Je trouve qu’il y a beaucoup de points communs entre les civilisations antiques d’Europe, et pourquoi pas les Celtes ?… Il nous fut rapporté deux mythes gaulois, celui mentionné par Diodore de Sicile, narrant l’histoire de Hercules ayant eu un fils avec une Princesse des Gaules, et lequel se nommait Galates, le premier de tous les Gaulois. Hercules ayant par ailleurs bâti la ville d’Alésia, dont on en mesure alors l’ancienneté. Nous savons aussi, par le livre de la Guerre des Gaules, que les Celtes se sentaient issus du Dis Pater, sans que l’on en connaisse réellement le nom celtique. Celui-ci étant Hadès ou Pluton chez les Romains. En effet, le Dis Pater, dieu du monde souterrain et de l’abondance, est aussi le dieu des ancêtres qui séjournent dans le monde des morts. Aussi les Celtes croyaient en une autre vie après la mort, et pouvaient alors se sentir issus du royaume des morts… Personnellement, au vu des nombreux points de similitude que nous avons entre les traditions grecques, romaines et celtes, et que j’attribue au brassage culturel de Hallstatt, je pense que le dieu céleste et le dieu du monde souterrain sont deux frères. Que le dieu céleste se lia avec la déesse terre, et que tous deux eurent une fille. Le frère du dieu céleste convoitait cette fille, l’eut enlevé, et ses parents la cherchèrent. Lorsqu’ils l’eurent trouvé, ils proposèrent au dieu du monde souterrain qu’elle puisse venir auprès de ses parents le ciel et la terre durant les six mois de l’été, et qu’elle séjourne auprès de son époux dans le monde souterrain durant les six mois de l’hiver… Ce mythe, vieux comme les premiers temps du monde indo-européen, se rapporte à l’observation des constellations du Taureau et des Pléiades, marquant la période claire et la période sombre… Pour moi, Taranis est Zeus et Iovis (Jupiter), Rosmerta est Demeter et Ceres. Aeracura est Perséphone et Proserpine… Pour le Dis Pater celtique, je lui verrais bien Cernunnos en raison de son statut chthonien (assis), son expression de richesse (torque) et d’abondance (blé), sans certitudes cependant… Et de fait, les autres dieux et déesses naquirent de ces unions. Par exemple, le soleil et la lune sont les jumeaux du dieu céleste, les dieux et déesses guérisseurs des sources et fontaines. Il y a en effet une relation entre les astres et l’eau, que Pline l’ancien décrit au livre II dans les chapitres CII, CIII et CIV, la lune féminine est le souffle vitale qui attire les eaux dans le vivant, le soleil masculin absorbe les eaux et sèche le vivant… Pour moi, Grannos est Apollon, Sirona est Hygie… Tous les autres dieux et déesses suivent cet ascendance des dieux et déesses primordiaux, le dieu céleste, la déesse terre, le dieu du monde souterrain. Nous remarquerons que cette approche des trois mondes était générale dans les différentes civilisations antiques.
Mervis Nocteau : À ne s’en tenir qu’aux faits connus, on observe que le monde pré-existe aux Dieux et à tous les êtres mythologiques et légendaires. En supposant que le Livre des Conquêtes d’Irlande vaut pour toutes les contrées celtiques et plus généralement Litauis (la Terre étendue, déifiée, en celte restitué) – l’Irlande n’étant alors qu’une métaphore pour l’ensemble – le cosmos celte semble tout à fait cohérent avec ce que l’on sait de l’astrophysique. Les Dieux sont les Grands Anciens qui continuent de vivre dans le Seidos (l’Autre-Monde, littéralement « Tertre », « Sidh » en irlandais). Donc je dirais qu’être druidiste et plus généralement celtisant, aujourd’hui, consiste à se sentir partie-prenante de cette grande filiation ancestrale, à faire preuve de piété traditionnelle… Mais la meilleure, vous ne pourrez pas la deviner comme cela : les hommes ont combattu les Dieux, pour négocier leur habitation sur Litauis et le retrait divin dans le Seidos, au même titre que les Dieux avaient combattu leurs prédécesseurs monstrueux. C’est-à-dire que la lutte des générations est éternelle et nécessaire, à condition de se reconnaître bien tous affiliés !… Le Mythe Celte est notre connaissance la plus lointaine, protohistorique, de nos racines européennes occidentales, jusqu’en Anatolie turque par le Danube. Introduire au Mythe Celte est un exercice de remembrance. Mais, avant tout, j’en passerai par un travail de l’Ombre monothéiste et tous ses réflexes conditionnés : dogmes, pensées uniques, communions, charités, empires du prétendu et autoproclamé Bien, amour moralisateur/moralisme amoureux à toutes les sauces, etc. Tout ceci participe de la même bergerie, alors que les Celtes ont un rapport beaucoup plus subtil au loup.
Comment introduiriez-vous à la sagesse qui se dégage des Celtes et leurs druides, à travers le Mythe Celte ou autres ?
Gérard Poitrenaud : Les druides sont caractérisés comme les « très savants » ou comme ceux « qui ont la sagesse de l’arbre (du monde) », ce qui ne s’exclue pas, loin de là, car on commence à connaître la tendance celtique aux jeux de mots et jeux d’esprit, à la double ou triple lecture ; ce qui revient à dire que l’univers lui-même recèle différents niveaux de compréhension et même d’être… J’ai écrit un article sur La Voie Druidique publié dans la revue Keltia n°52 qui esquisse mon point de vue, c’est-à-dire résume mes hypothèses sur la vision du monde des druides comme sur l’éthique qui s’en dégage. Le point de départ de ma réflexion est que les trois préceptes « honorer les dieux, ne pas faire le mal, exercer son courage » rapportés par Diogène Laërce sont essentiellement reliés entre eux et qu’il représentent trois aspects d’une même quête.
Tasgos : Attention, il convient de dire que le pouvoir druidique n’était pas toujours emprunt de sagesse, il était surtout l’acquisition d’une grande connaissance juridique, théologique et médicinale. Les lois celtes pouvaient être dures, et les druides étaient alors sans pitié en fonction de la gravité des faits. Et je pense qu’il faut regarder la réalité et l’accepter, plutôt que de se complaire dans un fantasme à l’image de ce que l’on aimerait voir. Je pense qu’il ne faut pas forcément voir les druides anciens comme des écologistes et des grands sages pacifistes, l’époque était écologiste par nature et par la force des choses plutôt que par la volonté humaine dirais-je. Les druides avaient des règles, se tenaient à des logiques, faisaient appliquer les lois. Le calendrier de Coligny, et les observations astronomiques, démontrent qu’ils étaient attachés à l’ordre, la rigueur. Leur pouvoir était immense, aussi en abusaient-ils sûrement, et régnaient-ils parfois par la superstition et la crainte. Mais les druides étaient aussi les piliers de la société celtiques, les gardiens de la connaissances des plantes et des étoiles. C’est, je pense, la raison pour laquelle il leur était demandé de ne point aller à la guerre selon Jules César, sauf en cas de péril général de toute la Celtie [notion moderne, prisée dans le panceltisme, rassemblée l'ère de civilisation essentiellement celte, comme une seule contrée malgré ses disparités – ndlr] selon Appien, car ce savoir vivant devait être conservé et transmis oralement. Les druides étaient des magistrats, des médecins, des enseignants, des astronomes et des théologiens, leurs fonctions étaient indispensables dans la société celtique ancienne.
Mervis Nocteau : Pour moi, ce qu’il y a de plus fascinant avec les récits celtiques dont nous disposons est le rapport à la Jouvence ou l’éternelle jeunesse, de l’Autre-Monde. Il faut évidemment y voir un symbole : à vous d’y penser un peu on ne va pas tout vous dire au premier rendez-vous !… La sagesse qui s’en dégage, est archaïque. Mais qu’est-ce que l’archaïque ? L’archaïque, c’est ce qui est au principe (du grec arkhè). Le principe (du latin princeps, premier) dirige. C’est directeur, directif, directionnel. On ne fait pas ce que l’on veut, mais ça n’est pas fait pour nous nuire. On le retrouve, peut-être, jusque dans la providence qui s’exprime de manière post-chrétienne et quasiment a-thée (sans-dieu, pour les récits les plus connus) des fantaisies de J.R.R. Tolkien, nourries au petit lait de l’Europe pré-chrétienne. Il nous faut l’archaïque, maintenant et dans le futur. Soyons archéofuturistes, dans une dynamique constructive sur les fondations, et vitale pour l’avenir.
Quels rites existe-t-il, et à quelles dates ? Lesquels sont importants ? Et comment faut-il les célébrer ?
Gérard Poitrenaud : N’étant pas druide et n’ayant pas l’intention pour le moment de le devenir, je ne peux que me réjouir de toutes les célébrations qui transfigurent et remplissent de sens « les travaux et les jours ». Noël, Samain/Samonios ou la fête du saint patron de la source sacrée près de chez moi, les fêtes familiales sont selon moi autant d’occasions de s’imbiber de sacré.
Tasgos : Il y a au moins deux rites importants, l’entrée dans la période claire et l’entrée dans la période sombre. Bien que les célébrations soient déterminés par les lunes, ce sont les manifestations naturelles des cieux et du vivant, qui annonceront ces périodes. En effet, les Pléiades, astres sacrés des peuples anciens, traversent le ciel nocturne d’Est en Ouest tout au long des six mois de l’hiver. Non seulement chez les Celtes, mais aussi pour d’autres peuples comme les Grecs et les païens anglais [les Scots précèdent les Celtes, qui pourraient bien avoir celtisé les îles tardivement, refusant l'influence romaine, étant donné qu'on retrouve en Britannia des Belgae, des Parisii, des Atrébates, des Pictons, etc. comme ès Gaules – ndlr]. Aussi cette observation astrale est-elle confirmée par l’astronome grec Ératosthène. Les Pléiades disparaissent du ciel nocturne pour traverser le ciel diurne tout au long des six mois de l’été. Accompagné de cela, les grues elles-mêmes nous annoncent les changements de saisons lorsqu’elles migrent vers le Sud-Ouest à l’approche des six mois d’hiver, et vers le Nord-Est vers les six mois de l’été. Je reste persuadé que le Taruos Tri Garanus, « le Taureau aux Trois Grues », représenté sur le pilier des Nautes, est peut-être une représentation des changements de saisons et peut-être des cycles celtiques de trente ans. Il y eut aussi les dix nuits de Grannos, à des dates attestées à la mi-juillet. Il s’agit d’une fête en l’honneur du dieu solaire Grannos durant cette période estivale, tout autant qu’il s’agit d’une fête des source et des fontaines [observons que cette date n'a rien à voir avec le solstice]. Il y a aussi une pratique celtique féminine relevée par Pline l’ancien au livre XXII chapitre II, une danse de filles et de femmes enduites de guède, une plante sacrée qu’ils nommaient glastum, et qui donnait à la peau un teint bleuté. Cette danse se situait sûrement vers mai ou juin, période de floraison de la guède ou pastel des teinturiers, et aussi parce que la température était clémente. Il faut par ailleurs mentionner les Tiocobrextio du calendrier [du clan des] Sequani de Coligny. Il s’agit de jours fixés semble-t-il à certaines pleines lunes, et dont j’interpréterais le nom comme étant « le jour royal », Tio Com Rex, ou en latin Die Cum Rege… Il est encore une autre cérémonie rendue forte célèbre par Pline l’ancien au livre VI chapitre XCV, puis au livre XXIV chapitre VI, à savoir la cueillette du gui, que les Celtes nommaient le remède universel. En effet, les baies toxiques du gui étaient utilisées en onguent sur les plaies et les tumeurs. La cérémonie se déroulait donc à la période où le gui produit ses baies, au début de l’hiver. La circumambulation est généralement la manière dont les Celtes priaient, en suivant la course du soleil. Cela n’est point différent de celle qu’enseignait Numa le premier roi romain.
Mervis Nocteau : Sans aucun doute les rites les plus importants sont ceux de Samain et de Beltain, puisqu’ils marquent l’équilibre saisonnier automne-hiver et printemps-été. Je ne saurai pas bien rentrer dans les détails rituels, venez plutôt retrouver les druidistes plutôt que vous auto-confiner chez vous, malgré votre avidité spirituelle insatiable. En tout cas il faut célébrer les rites exactement comme je disais à l’introduction du mythe celtique, c’est-à-dire dans un esprit de piété traditionnelle, parce qu’on se passera bien des ahuris modernes, hagards et hystériques, merci bien… Je ne ferai pas beaucoup mieux que tous mes prédécesseurs, en termes de dates. J’ajouterai toutefois qu’il faut sacrifier. Faire des offrandes, si cette façon de parler vous semble moins dure : c’est pourtant la même chose. Sacrifier, du latin pour faire/rendre sacré du fait, justement, de l’offrande. Pour cela, il vous faut un bon chant en l’honneur de vos Ancêtres, des Génies et des Dieux, une flamme, un récipient sacralisé, un sacrifice/une offrande, et un mental honorifique (je n’ai pas dit une extase enthousiaste et poétique : ceci est mystique peut-être, mais cela dépend, et surtout c’est trop souvent le fait d’ahuris hagards et hystériques). L’idéal est de pouvoir consumer le sacrifice, sinon de l’évacuer ultérieurement et respectueusement, dans un lieu convenable (pas une poubelle, donc)… Plus singulier, j’invite les groupes en formation, par nécessité contemporaine pour être nombreux, à se réunir lors des jours fériés disponibles : évidemment la Toussaint (1er novembre) pour Samain, mais l’Armistice du 11 novembre semble tout aussi cohérent quand on est un peu symboliste. J’ai récemment fêté Imbolc à la saint Valentin (14 février) n’ayant pas pu à la Candeleur (2 février) – mais vous me direz que ce ne sont pas des jours fériés, et les chouineurs évoqueront les Lupercalia romaines pour la saint Valentin. Le jeudi de l’Ascension (40 jours après Pâques) me semble tout indiqué pour Beltain, le Soleil ascendant, et la sainte Marie (15 août) pour Lugnasad, en tant qu’on y célèbre la mère nourricière de Lugos. Après, bien sûr, il reste assez triste de se cantonner au calendrier grégorien devenu civil, quand on a le calendrier celtique du Druuis Auetos, surtout si c’est pour ne faire ça que les 1ers de novembre, février, mai et août ! Quel manque d’inspiration !… Au reste, comme on a vu, ce n’est pas parce que j’invitais à nous débarrasser de nos réflexes conditionnés monothéistes tout à l’heure, et que je critiquerai bientôt notre époque, que je renie les Temps monothéistes et industriels, d’héritages plus ou moins récents (1, 2). Quand on est celtisant, on est d’expression polythéiste, pas d’amalgames spirituels, mais le comparatisme, donc le différentialisme, est sain. Et s’il est possible de resubvertir une fête chrétienne, après la subversion chrétienne de nos fêtes, ce n’est pas mal.
Parlez-nous des Dieux. Quel rôle jouent-ils dans nos vies ? Jusqu’à quel point sont-ils aimables, ou serviables ? Et quelles autres entités sont encore bienfaitrices pour l’homme ? Ce qui amène fatalement la question des phénomènes néfastes. Quels sont-ils ?… Mais y a-t-il de la naïveté, à ne penser qu’en termes de bon/mauvais ?
Gérard Poitrenaud : Je préfère l’idée de foi plutôt que celle de croyance. Élevé dans la culture chrétienne, je suis enclin à penser qu’il est impossible de s’en défaire, sinon pour s’élaborer une anti-religion dans laquelle les signes sont seulement inversés. Pour moi, il n’est d’ailleurs tout simplement pas possible de sortir du mythe, de la pensée magique qui sont des constantes anthropologiques. L’athéisme serait donc une religion qui ne dit pas son nom. Et il faudrait distinguer entre la religion affirmée, confessée et professée d’une part, et la religion profonde qui oriente nos idées, nos choix et nos actions sans que nous en ayons conscience ni que nous lui donnions le nom de religion d’autre part. Il y aurait donc des « choses sacrées » que nous tentons tant bien que mal de comprendre et de saisir ou de traduire selon différents registres pour en faire des dieux ou des démons. Pour résumer, je ne suis donc ni croyant, ni incroyant, ni chrétien, ni païen… Mais si la motivation d’un celtologue se développe par toutes sortes de traumata, de complexes et de conditionnements, sans oublier le contexte socioculturel et le hasard, si la condition humaine est de rester sous la cloche à fromage du mythe, comment peut-on dire quelque chose qui soit plus que sa vérité personnelle et limitée par sa personne, donc une « idiotie » ?… Or, il y a des rituels modernes, ce sont des règles du jeu gratifiantes parce qu’elles nous permettent de jongler en pensée avec les simulacres des choses et de tout l’univers. Le scientifique sérieux n’est-il pas un avatar du mythe druidique ? Si je revendique de faire de la science, je dois associer au germe de mégalomanie qui me donne des ailes, la discipline ascétique qui renonce à vouloir partout et toujours prendre ses désirs pour des réalités. Je dois mettre ces deux-là ensemble et faire en sorte qu’ils ne se neutralisent pas, mais se font mutuellement avancer : thèse, antithèse, synthèse… Je dois renoncer à changer le sens des mots suivant mon humeur et mon envie de confort, je dois vérifier les sources, et être vérifiable, je dois chercher à produire un énoncé cohérent et logique, je dois respecter des faits et faire leur prospection minutieuse et respecter leur ordonnance intrinsèque. Je dois, lorsqu’il y a plusieurs hypothèses avec un même degré de certitude, choisir celle qui est la plus économique (le rasoir d’Ockham), etc.
Tasgos : Dans les temps anciens, les Dieux répondaient à des besoins concrets. L’on priait les Dieux pour avoir de bonnes récoltes, pour gagner une guerre, pour guérir d’une maladie incurable, pour être féconde. À une époque où la survie tenait à peu de choses, la piété répondait aux catastrophes que nous ne connaissons plus guère de nos jours. La lèpre, les invasions, pillages, les récoltes gâtées par trop de pluie ou par la sécheresse. Les personnes ambitieuses comme il en a toujours été, princes et nobles, pouvaient prier pour la richesse, la victoire et la puissance de leur contrée. Tandis que de nos jours nous concentrons la spiritualité sur des valeurs mystiques, les besoins spirituels anciens se concentraient sur la protection de la tribu par sa Déesse ou son Dieu tutélaire, sur la santé, sur les moissons, sur la richesse et la protection durant les voyages. Les Divinités avaient les mêmes défauts que les humains, mais ils étaient forcément bienveillants, car à quoi bon prier des Dieux malveillants, ou de les créer ?… Néanmoins, il est des Dieux qu’il serait moins avisé de prier frivolement, comme le Dieu de la guerre ou le Dieu du royaume des morts. Cependant, les Dieux pouvaient se courroucer, et c’est la raison pour laquelle le vol d’une offrande était sévèrement puni. Les Dieux sont bienveillants à l’adresse d’une prière ou d’un vœu, et afin de rendre grâce, il leur était répondu par un ex-voto accompagné d’une seconde offrande. Mais la profanation d’un temple et le pillage des offrandes les mets fort en colère, et cette colère devait être apaisée par des moyens discutables. Nous ne pouvons guère apporter de jugements de valeur sur une époque où la maladie, les pillages, les famines, devaient trouver réponse, et où l’on s’en remettait aux Dieux faute de pouvoir s’en remettre à la vie. Car la vie de cette époque était sans cesse sur le fil. Au sujet des sacrifices, l’on sacrifiait ce que l’on pouvait avoir de plus précieux en fonction des circonstances. Et si le sacrifice humain fut rare, il eut existé et l’on doit intégrer cela dans notre Histoire. On notera par ailleurs que le sacrifice humain eut existé chez les Romains, que Pline relève au livre XXX chapitre III et au livre XXVIII chapitre III. Mais cela répondait à des circonstance graves. Le plus souvent, il s’agissait de sacrifice de bétail pour les banquets de cérémonies et les Dieux. Toutefois, l’on sacrifiait aussi le vin, le lait, le miel et le pain. Concernant les Dieux et Déesses des Gaules, je dirais ceci. Taranis était prié pour éviter la sécheresse, ou apporter le soleil sur les moissons s’il pleut trop. Rosmerta était priée pour avoir de bonnes récoltes. Sirona et Grannos étaient priés dans les sources pour guérir d’une maladie incurable par les moyens traditionnels. Teutates était le protecteur des tribus, Smertrios accompagnait les guerriers, il assurait la victoire et le butin de guerre. Aeracura était honorée durant les changements de périodes sombres et claires. Cernunnos était honoré pour les ancêtres, mais aussi pour la richesse et l’abondance.
Mervis Nocteau : Les Dieux sont les civilisateurs qui imposèrent un Ordre cosmique et territorial aux Monstres chaotiques et tyranniques, sauf que ces Monstres sont le Biotos (l’Être, l’Existence, la Vie-même, en celte restitué) à l’état brut : il ne faut donc ni les confondre avec des démons face au bon dieu, ni avec des horreurs lovecraftiennes face aux misérables humains. Les Dieux ont su apprivoiser les Monstres, et bien prétentieux ceux qui escomptent s’en remettre directement aux Monstres sans en passer par l’Ordre divin, c’est-à-dire aussi par des formes d’observances respectueuses et retenues à l’écoute des directives, car elles sont bonnes. Inversement, les Dieux peuvent être terribles quand on les bafoue ou qu’ils éprouvent des passions pour nous : il faut vraiment savoir y remédier comme il faut, et ces médiations sont dans notre attitude exemplaire et nos rites. C’est la même chose avec les Genies locaux, entre Dieux et Monstres quant à eux, à ce que j’expérimente… Il n’y a pas de mal à être naïf à condition que ce soit bien de la naïveté, toujours à l’écoute des conseils avisés, et non de la débilité ! Les choses nous semblent bonnes ou mauvaises, mais les sages apprivoisent les mauvaises comme les Dieux les Monstres… Maintenant, pour rentrer dans quelques détails : je disais tout à l’heure, que les Celtes ont un rapport subtil au loup. Ils vivaient en teutai, peuples/nations/clans, civilisés dans leur genre, contre les idées reçues, et pratiquaient l’écriture d’usage commun (même chez les Gréco-Romains, ce types d’écrit se sont infiniment perdus : qui songerait à conserver une liste de courses après ses achats ?). Ainsi, la vie celte se faisait entre meute, risque et prédation : Lugos, Dieu interceltique, est accompagné de deux loups, ce qui s’explique probablement par la ressemblance indo-européenne entre *leuks, lumière qui est peut-être la base de lug, et *lukwos, loup. Les Celtes aimaient les jeux de langage et la concision. Lugos est un Dieu pluri-compétent, à la guerre comme à la forge, en passant par la magie. Ressemblant au Germano-Scandinave Oðinn par ses deux loups, on serait tenté de le placer à la tête du panthéon celte, s’il n’y avait pas d’autres tentations… La première, c’est le Dis Pater évoqué par César, Dieu des Morts et du Monde Souterrain chez les Romains, mais il y a l’Illyrien Dius Phater et évidemment Jupiter, signifiant chacun littéralement Père Diurne : César aura peut-être mal entendu, et c’est soudain Taranis ! Dieu céleste et tempêtueux, qui semble dominer le panthéon celte. Est-il le Dieu Sucellos, Bon Frappeur, devenu le Dagda irlandais par l’attribut de son maillet ? Dagodeuos, en celte restitué, Bon Dieu, à savoir Doué, tout comme Lugos. Taranis est-il le père de Lugos ?… Mais il y a le fameux Cernunnos, le Dieu Cornu, retrouvé dans la même posture indo-européenne que Shiva, et largement interceltique comme Lugos, c’est très curieux, d’autant plus que Shiva est considéré comme le Bon… En dehors des récits insulaires féodaux (à lire impérativement) s’en sortira-t-on un jour ? Certes une reconstruction mythologique semble arbitraire sans support étranger, tel que la démarche védisante du Druuis Auetos, nous plongeant voilà 3000 ans, aux sources alors contemporaines des cultures de Hallstatt et de l’Indus. Le tort d’Auetos serait la distance géographique, si l’on ne savait pas que de grands voyages et échanges avaient déjà lieu partout sur Terre, relativement fréquents, toutes proportions gardées pour l’époque (son sous-peuplement et ses transports artisanaux). Et pourtant, certes, nous voyons bien que la culture de Hallstatt à accouché de mondes aussi différenciés que le slave et le romain, avec entre le germano-scandinave et le celte. Pour ma part, j’estime que les cultures pré- et péri-indoeuropéennes ont joué, et que les Anciens Celtes doivent leurs caractéristiques aux peuples du littoral atlantique, dont les Ibères furent alors les derniers représentants sur le continent. Les Dieux, à condition qu’on les honore conséquemment, édifient notre existence… D’héritage vasconique à caractère celtibère (cf. le roi-guerrier de Vielle-Tursan, aux tumuli Mesplède, conservé au Museum d’histoire naturelle de Mont-de-Marsan) la Déesse Tanit est importante pour moi. La main de Tanit correspond à la main d’Irulegi, proto-basque, récemment trouvée dans ma Contrée historique, de la Garonne à l’Ebro, Contrée de confluences proto-celtes et ibères, donc puniques/phéniciennes. À n’en point douter, la Mari basque est Tanit, importée là par le clan ibère des Barskunes (futurs Vascons, Gascons, Basques différenciés) se réfugiant dans leur arrière-pays le long du fleuve Ebro, lors des guerres qui opposèrent les Puniques aux Romains dans la Péninsule ibérique. Cette main de Tanit/d’Irulegi est hospitalière, mais hostile aux influences néfastes. Tanit protège parce qu’on lui a fait une telle offrande que la main. Sans l’offrande, Tanit ne ferait rien, et pourrait même être mobilisée contre soi par d’autres. Mais, mieux encore, Tanit fait de son officiant un meilleur hôte et un meilleur guerrier. À la manière des regards croisés des samouraïs, quel meilleur conflit que celui qui je règle en abîmant mon adversaire dans mes yeux dominants ? Les Ibères inaugurèrent d’ailleurs la tradition de l’ordalie féodale, par l’affrontement de deux champions pour régler une triste affaire, plutôt que d’engager deux peuples. C’est bon. (Quand les USA et la Russie enverraient-ils un chamption pour régler leurs différents ? Se satisferaient-ils vraiment de la victoire de l’un ou de l’autre ? Hahahaha !) Nous sommes là par-delà bien et mal, par-delà gentil et méchant, nous ne faisons pas de bonnes moeurs ni de morale. Est bon ce qui brave. Est mauvais ce qui craint. (Et les USA autant que la Russie, craignent.) Sans parler de tous ces conflits engagés par les faibles par bravade, pour se donner des airs, ainsi éloignés sans arme ni haine ni violence. La seule solution de ces faibles, est de prétexter le tassement de l’ego et la contrition, mais c’est une autre forme de bravade, lourde de ressentiment cette fois-ci… Il ne faut pas craindre, sinon comment ferez-vous pour vaincre les griffons d’outre-tombe ?
Dans quel courant ou organe druidisant ou celtisant, êtes-vous aujourd’hui ? Pouvez-nous le présenter ?… Comment un profane pourrait-il en faire partie ? Des profanes non-affiliés peuvent-ils assister ou participer aux cérémonies, pour les découvrir ?
Gérard Poitrenaud : Là, je dois passer, bien sûr, mais j’ai écrit un gros bouquin sur Cernunnos, et cela laisse des traces. Ce long travail d’écriture a fait que ce personnage divin s’est réveillé en moi et me « parle » comme à Nietzsche son Zarathoustra. Je n’aurais jamais imaginé que ce sujet d’étude puisse prendre tant de place dans mon esprit. Je ne cesse pas de m’interroger à son sujet. Peut-être même suis-je devenu un peu la proie consentante de mon sujet, suivant la dialectique du maître et de l’esclave [le Druide Eber aurait-il parlé d'adombrement ? – ndlr]. Par contre, je ne vois pas du tout en lui un esprit de la forêt et des forces vitales de la nature, comme on le range trop souvent… Ce qui m’intéresse chez les Celtes est avant tout l’art dans sa dimension mythologique, c’est-à-dire, comment les images peuvent se charger d’un sens sacré porté par une tradition qui affleure et qu’on ne peut que deviner. L’interprète est alors aussi un médium par lequel des esprits peuvent nous dire quelque chose qui n’est pas arbitraire et enfermé dans ma subjectivité… Plus grave, j’ai entrepris de restituer le gaulois afin de créer si possible une communauté de locuteurs, mais aussi recréer une sorte de Terre du Milieu virtuelle dans laquelle cette langue est parlée et diffuse toutes ses potentialités, car chaque langue est un univers, chaque langue est une vie. il y a donc un peu de magie à chercher à la faire renaître tout en l’inventant ou la réinventant pour moitié. Bref nos actes nous forment et nous déforment, nos créations nous recréent, et nous serons avisés de nous bien garder de ce que nous faisons… Un peu par hasard, par jeu, par présomption peut-être, par sens de responsabilité, j’en suis venu à m’occuper de l’association Amis des Études Celtiques et tente de la réactiver après le départ de son président emblématique : le professeur Venceslas Kruta. Je suis donc un peu comme le double dans le film de Kurosawa Kagemusha qui en arrive à croire dans son rôle. Il y a beaucoup de choses profanes dans mes activités de président de l’association. Mais au milieu du profane se trouve un sacré ineffable et au milieu du sacré le profane, comme dans le Ying et le Yang que les Celtes connaissaient et reproduisaient dès le début du second Âge du fer.
Tasgos : Je me situe sur une ligne indépendante, dans une recherche profonde et sincère de la culture et spiritualité ancienne celtique. Et dans le reconstructionnisme, mais d’une manière épurée. Je tente des théories, à partir de la linguistique, de l’archéologie, des textes grecs et romains, de recoupages, de rapprochements culturels et spirituels comparatifs avec d’autres civilisations antiques. J’évite le mieux possible les inventions, ou bien les interprétations gallo-irlandaises [car tardivement féodales et influencées par les Scots – ndlr] ou gallo-indiennes [car semble-t-il géographiquement distantes, quoi que propres à l'ère indo-européenne] bien qu’il soit intéressant d’appréhender les mondes irlandais et indien. Et lorsque j’ai un doute, je m’en tiens au doute. Je pense que nous n’avons encore pas tout découvert, bien des vestiges sont encore enfouis dans les sols, et autant d’épigraphes sont encore dans les placards des musées. Peut-être nous livreront-ils d’autres secrets de l’histoire. Car chaque petites dédicaces, chaque petits objets, sont un pas de plus vers une meilleure compréhension de l’ère celtique. Les rites de Pharia [hélas déchue, pour rappel] me semblent publiques et ouverts aux profanes. Je pratique aussi des rites en chantant en celtique ancien, souvent en extérieur et de préférence au pied d’un chêne car cet arbre était sacré pour les peuples antiques, pas seulement les Celtes mais aussi les Romains et les Grecs. Les chênes sacrés, temple des Romains, des Celtes et des Germains, ont été détruits par le pouvoir chrétien, en particulier sous l’autorité de saint Martin et de Boniface de Mayence. Bien entendu, de vrais temples ou « nemeton », avec Cella et Pronaos, existaient aussi pour les rites celtiques. Je le pratique seul, mais si quelqu’un veut participer, la personne est bienvenue, cela est déjà arrivé.
Mervis Nocteau : Ne restez pas auto-confiné chez vous, malgré votre avidité spirituelle insatiable : sortez découvrir les druidistes, celtisants et autres païens proches de chez vous : il y en a sûrement ! Mais restez avec eux, s’ils sont reconstructionnistes. Comment le druidisme se serait-il perpétué depuis trois siècles, s’il n’avait accueilli personne ? Je fais de mon mieux pour monter une association, en restant au contact du réseau païen. Taniten omenez ! En l’honneur de Tanit !
Comment voyez-vous le monde actuel ? Quelles places ont le celtisme et le druidisme dans votre vision des choses ?
Gérard Poitrenaud : Le monde actuel est à l’antipode du mythe celte. Mon article en dit quelque chose. Ce serait être aveugle que de le nier. Donc si le mythe des druides tel que je me le figure représente le noyau essentiel de ce mythe, ceux qui veulent ou doivent ou ne peuvent faire autrement que de vouloir l’incarner ont beaucoup à faire, peut-être d’ailleurs ce qu’aucun humain n’a jamais pu mettre à bien. Il importe selon moi non pas tant de retrouver un passé fantasmé comme une zone de confort perdue, mais d’avancer, de batailler et de s’inscrire dans l’inconnu afin que le ciel (déchiré par les vautours de la corruption) ne nous tombe pas sur la tête.
Tasgos : Comme tout ce qui est, il y a autant de positif que de négatif. Je pense que le paganisme moderne nous a aidé à repenser la société, et à nous libérer des barrières induites par une société longtemps dirigée par le pouvoir du clergé catholique. À savoir, la honte de la richesse, le puritanisme, le patriarcat, les jugements de valeur, qui ont formaté la pensé populaire. Dans l’antiquité, la richesse était une fierté, l’abondance une quête, la nudité une grâce, le féminin une valeur sacrée [gare au moderne voire sectaire (source : Miviludes) « féminin sacré » aujourd'hui – ndlr], la luxure un droit ordinaire, et nous retrouvons ces valeurs naturelles étouffées par des siècles de bûcher. Mais le retour au paganisme dans le monde moderne me parait aussi une fuite des réalités, et une création d’un monde idyllique imaginaire répondant à un fantasme populaire voir une détresse sociétale. De fait, l’on s’éloigne alors d’un retour au paganisme ancien, pour se réfugier dans un monde qui est de l’ordre du new age, ce qui n’est point mauvais en soi, mais n’est pas du paganisme. Un retour au paganisme nous ouvre aussi la voie vers des sociétés agraires, ce qui induit une spiritualité concrète portée vers la terre et le monde. Car si le monothéisme s’oriente vers le ciel, par le détachement matériel et la désacralisation de la terre, le paganisme célèbre le ciel, la terre et la vie. Le paganisme nous inclus dans un ensemble, un cosmos qui ne serait point manichéen, mais engloberait toutes les facettes du monde.
Mervis Nocteau : Le celtisme et le druidisme doivent être des religions pour enrichir ce monde bien pauvre. Le monde actuel est vide et non-sens. La dématuration est sans nom, qui nous narcissise tous en rebellocrates paranoïdes, contre un nécrorêve de Mal absolu… Dans ces conditions il est naturel, quand on a une once de valeur adulte, de se détourner avec un haussement d’épaule, et de lever le visage vers Morigana en tendant les bras – non pour qu’elle nous prenne dans ses bras comme une nanny, à la manière du Dieu qu’on prétendit unique, mais – en offrande.
Voulez-vous ajouter quelque chose librement ? Au revoir !
Gérard Poitrenaud : Je vous remercie de me donner l’occasion de cette confession et profession de foi tout en vous souhaitant une bonne continuation dans vos travaux… J’ai répondu de Labastide-en-Val, le 29 juin 2022. Qu’on n’hésite pas à me contacter.
Tasgos : Je vous remercie pour votre intérêt porté à l’égard de nos points de vue, et vous souhaite une plume journalistique longue et belle.
Mervis Nocteau : J’avais intérêt à ne plus faire passer les druidistes pour des ciboires de druides ! Mais c’es-à-dire qu’ils le faisaient tous seuls, du British Druid Order à la Gorsedd de Bretagne, en passant par A Druid Fellowship ou l’Order of Bards, Ovates and Druids. Bref : Tali suiebis uissuatis ! Honneur à vos bontés !
LES DRUUIDES UINDOCARUOS & BELENIGENOS
RÉPONDENT AU TOUT PREMIER ENTRETIEN
Bonjour ! Quel est votre nom ou surnom celtisant ?
Druuis Belenigenos : Mon nom est Belenigenos, à comprendre comme fils de ou issu de Belenos [la racine celtique « genos » désignant toujours notre « générer », commune au latin – ndlr], Divinité avec laquelle j’ai un lien particulier – mais non exclusif ! [rires]
Druuis Uindocaruos : Bonjour, dans le milieu druidique j’ai d’abord été nommé Karogwen, traduit par le Cerf blanc, nom transmis par le premier Druide que j’ai rencontré, le Druide Myrdhin. Il a choisi ce nom au vu de mon parcours spirituel. Voulant renouer avec la réalité du Druidisme antique, j’ai préféré le transformer en équivalent celtique continental, qui est Uindocaruos (Uindo = blanc / Caruos = le cerf) .
Qui êtes-vous au quotidien ?
Druuis Belenigenos : Je suis né dans une famille où la spiritualité, la passion pour les anciennes civilisations et traditions, étaient prégnantes. J’ai donc été familiarisé et passionné, à mon tour, par des notions peu fréquentes chez de jeunes enfants, et quand j’ai eu en mains des ouvrages traitant du druidisme, cela a suscité en moi un intérêt, un écho très puissant. Devançant un peu la question suivante, je peux dire que le druidisme est ma religion depuis presque cinquante ans. Je suis artisan dans le monde de la reconstitution historique, ce qui permet beaucoup d’échanges et d’expérimentations fécondes. J’ai eu aussi de nombreuses responsabilités dans les associations de protection de la nature et dans l’agriculture biologique jusqu’à un niveau national, pendant des années. J’ai toujours essayé au mieux d’être cohérent, et vu mes actions comme une extension de mon engagement dans le druidisme. Même si très peu de gens ont pu le savoir.
Druuis Uindocaruos : Je suis homéopathe et thérapeute pluridisciplinaire, ce qui me confronte à des situations de douleurs, de souffrances et de détresses dans tous les domaines possibles tant physiques, qu’émotionnels et mentaux, que je m’emploie à soulager de mon mieux. Je ne cesse d’étudier de très nombreux domaines (sciences, médecine, Droit, Histoire, religion, spiritualité et ésotérisme). Avec ce type d’expérience, en tant que citoyen, on est conduit à prendre beaucoup de recul sur la société actuelle, sur le discours politique ambiant, dont on est bien obligé de constater l’inanité générale. Tout logiquement, j’ai en permanence la tentation de l’érémitisme [vivre en ermite – ndlr].
D’où provient votre sensibilité païenne ?
Druuis Belenigenos : Je dois dire que je récuse totalement ce terme de païen, qui est un élément important – et visiblement, trop bien intégré – de la propagande hostile, dévalorisante et malveillante de l’empire romain, et plus encore du christianisme dominant ! Je sais bien que personne n’est à l’abri de contradictions, mais là, je trouve que cet effort de cohérence intellectuelle et historique serait bon pour tous ! Et pas trop difficile à faire. Je ne comprends pas que certains parasitent leurs discours aussi du mot pagus avec le sens d’authenticité, au lieu du celtique brogi ou, au moins (pour ceux qui ne « supportent » pas le celtique ancien) du breton bro. Je fais le parallèle avec le peuple himalayen des Kalashs (indo-européens) qui se voit affublé du terme dévalorisant et stigmatisant de kafir et qui le refuse énergiquement, à juste titre. Il me paraît logique de faire de même !… Dans la vie quotidienne, pour compléter ce que j’en ai dit précédemment, c’est plusieurs rythmes de vie que l’on fait coïncider tant bien que mal, entre l’aspiration mystique poussant à la méditation, à la contemplation de la vie, des rythmes cosmiques, alliés à des recherches et études toujours plus poussées et que l’on sait sans limites, mais aussi les célébrations rituelles, les diverses formes d’investissement dans la société, et l’activité professionnelle incluant aussi beaucoup de recherches qui se croisent avec les précédentes, aboutissant au fait que je me reconnais bien dans les années nombreuses d’études et les domaines variés de compétences, partageant avec d’autres l’envie de retrouver et d’essayer autant que possible, de suivre le modèle des anciens. C’est donc un engagement permanent.
Druuis Uindocaruos : À propos du terme païen, je vomis ce terme, qui n’est qu’une insulte méprisante et j’ai énormément de mal à comprendre, que l’on puisse en faire un drapeau (je préfère encore l’érémitisme [rires]), cela me paraît totalement incohérent et contradictoire. Il n’est pas nécessaire de se gargariser avec ce mot pour avoir une sensibilité. Sans rentrer dans les détails de ma vie, cette sensibilité chez moi s’est développée extrêmement précocement, vers l’âge de six ans. Mon besoin de spiritualité, s’est d’abord tourné, vers le christianisme, induit par mon entourage familial, dans un contexte de deuil proche. J’en ai instinctivement ressenti très tôt les limites, et cherché à approfondir mes connaissances, dans des domaines parallèles. À l’âge de huit ans, j’avais déjà lu la Bible, le Coran, la Torah et le Talmud, toujours en étant en recherche de la vérité en rapport avec la conscience, profonde, d’une puissance supérieure, que j’ai invoquée, priée et à laquelle je me suis adressé. J’ai compris très vite que la vérité de l’univers ne pouvait se limiter à un livre, et que le vrai livre était celui de la nature. J’ai étudié à partir de là, des sciences ésotériques, des mythes, de différentes religions anciennes, en suivant des cours très poussés au près d’enseignants très compétents. C’est pendant cette période que vers l’année de mes treize ans j’ai voulu rencontrer des Druides, ayant la conviction profonde, que c’était, par excellence, la voie de mon épanouissement spirituel. Un jeune homme en quête de vérité, en quête de connaissance et en quête de sagesse. Ne pouvant pas partager cette passion, cela m’a amené à avoir une double vie, celle d’un « ado normal » faisant du sport avec ses copains, et celle d’un étudiant acharné dans le domaine spirituel et occulte. Cette voie s’est engagée tout naturellement, sans rupture, mais étant ressentie au fond de moi comme une véritable prédestination. Il va de soi que pour un jeune, cela a représenté une charge et une pression constante que seul une flamme spirituelle très puissante a permis de supporter avec l’aide de mon entourage et de rencontres enrichissantes. Même encore aujourd’hui, je suis extrêmement discret, sur mon mode de vie, ma vision, ou même l’essence de ce que je suis. Un de mes enseignant me disait toujours : « Les vrais sont cachés, c’est le destin qui nous les envoie, si tu deviens l’homme qui se montre, c’est qu’au final, tu n’es rien. » Être Druide est une vie à part entière, malgré la modernité, je n’ai guère le temps de faire partie des Druidisants facebookiens.
Comment êtres-vous entré dans la démarche celtisante et druidisante ?
Druuis Belenigenos : Comme expliqué plus haut, je suis « tombé dedans… », etc. La découverte dans la bibliothèque de ma grand-mère de bulletins du Collège Druidique des Gaules et différents ouvrages traitant du druidisme, m’a poussé, avec mon père, à rentrer en contact avec Paul Bouchet, alors grand druide de ce collège. J’avais 13 ans, et je peux affirmer que le druidisme est ma religion depuis ce moment. Je n’ai jamais cessé d’assister puis de participer et ensuite d’officier depuis. Je précise tout de suite que nonobstant tout ce qui a pu se passer dans ce collège et toutes les critiques et contestations qui ont bien agité les esprits à l’époque, je peux témoigner que j’ai trouvé des gens sincères, savants, engagés loyalement et pleinement dans le druidisme, j’ai vu des rites prenants et efficaces, et j’ai constaté des connaissances réelles. Ce n’était, certes, pas le cas de tous, mais il est juste de le dire. Intronisé barde par Bod Koad en 1976, j’ai pu avoir de nombreux entretiens privés avec Bod Koad, ainsi qu’avec mon père. C’est au cours de ces échanges que mon père a été porté au druidicat par Bod Koad, qui l’a désigné comme co-adjuteur. Ceci s’est fait dans un contexte difficile et plein de fureur et de luttes dans le collège de l’époque. Bod Koad était affaibli et souffrant, en butte à l’agressivité de plusieurs, dont son propre fils, celui-ci ne pouvant supporter cette « concurrence ». Nous avons décidé en accord avec Bod Koad de former un groupe totalement « off » dont la mission était de ritualiser et de chercher dans la sérénité, ce que nous avons essayé de faire de notre mieux (ce « nous » ne recouvrant qu’un petit nombre de personnes). J’ai su après que cette démarche nous avait permis d’éviter d’être mêlés à de nombreuses « guéguerres », tellement éloignées de ce qu’on peut attendre de sacerdotes druidiques ! Cette période de « clandestinité » a duré une révolution de Saturne, au cours de laquelle le druidicat m’a été conféré. Ceci jusqu’à ce que je rompe le silence lors d’une conversation avec Myrdhin chez lui. Cela m’a amené à renouer, non sans plaisir puisque sans disputes, avec des groupes druidiques et à participer à des rituels avec, entre autres Myrdhin, Bran Du, Liam an Hengoun Ron Kornog, Odaccos et Divona… Je me suis investi de plus en plus dans la clairière « Kan ar Vuhez » au côté de Bran Du tout en continuant des recherches. Bran Du m’a ensuite chargé de la responsabilité de la clairière. Prenant comme objectif de se rapprocher des modèles que l’on trouve dans les textes irlandais de Cathbad « le fondement de la science, le maître des éléments, l’accès au ciel » et Sencha « en trois paroles, il pacifierait n’importe quelle assemblée » (ces deux phrases constituent à la fois une des plus belles définitions que l’on puisse donner des druides, et partant de là, définissent sans ambiguïté ce que nous devons tenter de redevenir). Bien des changements sont intervenus permis par le travail en commun avec mon Brater le Druuis Uindocaruos et la rencontre fructueuse et fraternelle avec le Druuis Auetos de la CCC [tous deux interviewés plus haut – ndlr] dont nous partageons le suivi du calendrier de Coligny, basé essentiellement sur les très gros travaux d’Auetos, et les rituels majoritairement. Pour cela aussi, les recherches continuent pour tenter d’améliorer ce qui est, quand cela semble nécessaire. La clairière est devenue le Nemeton Nanto Belenos [le Sanctuaire Vallée de Belen] et avec le Nemeton Sentu Uindogenos [le Sanctuaire Voie de Fingen], nous formons la Cantia Uassoi Deuion [le Rassemblement Serviteurs des-Dieux, « uasso » ayant donné le féodal « vassal »]. Entre autres objectifs, nous prévoyons de reconstituer un lieu de culte actif pour maintenant, et pleinement en accord avec ce que l’archéologie nous permet d’en connaître.
Druuis Uindocaruos : Je suis Druidisant depuis l’âge de treize ans, avec le Druide Myrdhin et le Druide Dwrdan, ayant, en plus, l’occasion de converser avec quelques autres notamment « Celui du pays de l’ours ». Le fait d’avoir un enseignement solide en ésotérisme par des ésotéristes compétents et d’avoir étudié et expérimenté énormément par moi-même, m’a permis d’avoir des connaissances que de toute évidence, on ne risque pas d’obtenir avec les enseignements du plus grand praticien en développement personnel et buisness man qu’est le harpiste guérisseur de l’OBOD – ou supposé tel [Ordre des Druides, Bardes et Ovates, qui cultive évidemment le "fake druidism" – ndlr]. Fort heureusement, d’autres rencontres, m’ont évité d’être définitivement déçu par le milieu druidique, car j’avais en tête le très haut niveau que l’on voit dans les textes anciens, et j’ai été extrêmement heurté, par la comparaison désastreuse que j’ai été amené à faire au vu de l’ignorance et du mauvais comportement de certaines personnes usurpant de fait, le titre ou la fonction des Druides. Quand vous lisez Strabon parlant des Druides comme « les plus justes des hommes », et que vous vous rendez compte à un jeune âge, que les personnes se disant Druides sont si décevants, voire pires que les autres représentants du domaine religieux, que vous rencontrez, l’orgueil, la volonté de domination, la manipulation et l’incompétence, la discorde, les jeux de pouvoirs (représentants d’assemblée), vous vous dîtes que ces gens-là n’auraient pas déparé dans les querelles d’évêques du début du christianisme. Histoire d’amuser le lecteur, je me suis rendu compte de tout cela, lorsque je fus ordonné moi-même Druide. J’ai eu la grande chance, heureusement, de rencontrer des Druides qui se rapprochaient beaucoup plus de l’idéal que j’avais et avec eux, j’ai pu approfondir les connaissances textuelles, mythologiques, rituéliques et apporter toutes la richesse de l’enseignement que j’avais reçu par ailleurs. Si je n’avais pas eu cette chance, et si je n’avais pas eu tellement profondément enraciné en moi, cette spiritualité et la conviction que c’était ma voie et ma religion (ce qui me reliait aux Dieux, au sens étymologique), je serai parti en courant. Aujourd’hui, je suis représentant de la Cantia Uissoi Deuion (Assemblée des Serviteurs des Dieux) comportant un nemeton [sanctuaire] celtique en cours de construction, et deux nemeta d’enseignement sacerdotal, l’un représenté par moios Brater [mon frère] Druuis Belenigenos se chargeant des futurs Druides Théologiens et Bardes, se nomme le Nemeton Nanto Belenos (Sanctuaire de la Vallée de Belen) et le second dont j’ai la charge, le Nemeton Sentu Uindogenos (Sanctuaire de la Voie de Fingen) s’occupant de l’enseignement des Druuis Uatis, des Druides Vates [Devins].
Qu’est-ce que le druidisme ? Et son image populaire ?
Druuis Belenigenos : Question entraînant des discussions à n’en plus finir : le terme de religion a été perverti et trahi par les « grandes religions » – il faut entendre celles qui ont le plus dominé par la force ! Si l’on veut bien prendre le terme dans l’acception antique, le druidisme est pleinement une religion alliant aussi la spiritualité et la philosophie. Tel que je le ressens et comprends, ces choses sont indissociables et sont le fondement de toutes les sociétés traditionnelles, remplissant la mission essentielle de la « première fonction dumézilienne » [la trifonctionnalité indo-européenne, selon Georges Dumézil, distingue 1° l'officiant/connaisseur, 2° le régnant/batailleur et 3° le manant/travailleur – ndlr]. Cela revient à dire que retrouver cette mission dans une société en pleine déliquescence, engagée dans une marche folle vers la dictature et la destruction est une nécessité vitale. Je pense que le renouveau du druidisme (comme mouvement et pas doctrine, le suffixe -isme ne pouvant préjuger du contenu) n’existerait pas s’il n’y avait pas la volonté des Divinités. Il est clair que, vu comme cela, on n’a rien à voir avec toutes les escroqueries de supposés développement personnel et que les querelles d’ego n’y ont aucune place ! Je pense que c’est assez dire qu’on a du pain sur la planche.
Druuis Uindocaruos : Je pourrai vous dire comme un confrère éloigné, Monsieur Greffet [Philippe Greffet, également druidiste – ndlr] sur FR3, que c’est une spiritualité, un travail interne à chacun et une reliance avec la nature, mais serait-ce clair pour vous ? Je pourrai vous dire que j’honore les saisons et la nature, et que Druide n’est pas un métier, mais une passion au même titre qu’un passionné de voiture de collection, mais serais-je crédible ? Ensuite, je pourrais vous dire (et là, pour le coup, c’est en partie vrai) que c’est une tradition du latin traditio, lui-même du latin trans, à travers et dare, donner. Nous sommes aujourd’hui héritiers d’une tradition retrouvée au XVIIIème siècle, se basant sur la croyance des Anciens Celtes. Je pourrais vous dire aussi : c’est une philosophie de la nature ; c’est en partie vrai au même sens étymologique, se traduisant par l’amour de la sagesse, donc, oui le druidisme est l’un des vecteurs qui j’espère, un jour, me rendra sage. Mais est-ce suffisant ? J’arrête mon sarcasme pour dire que le Druidisme est ma religion, au même titre qu’elle était la religion des Anciens Celtes. D’après le texte de la Razzia des vaches de Cooley le Druide est : « un fondement de la science, un maître des éléments et un accès au ciel ». Un fondement de la science, parce qu’il était très savant, de médecin à juge, philosophe, diplomate, enseignant et j’en passe, donc pas un homme se qualifiant juste de passionné, comme on serait un passionné de mobylette : il incarnait une fonction. Un maître des éléments donc un homme ayant une maîtrise et une profonde connaissance sur l’univers, les forces qui l’animent, les sciences occultes et ésotériques : pas un homme se basant juste sur de bonne intentions, bien qu’il le faille. Un accès au ciel, donc, un homme intermédiaire entre les Dieux et les hommes : avec une telle définition, il avait une fonction de prêtre. Je ne dis pas avoir ce niveau, loin de là, mais chaque jour, j’essaye de m’en approcher. En prière, en méditation, en pleine cérémonie, ce ne sont pas les saisons que j’honore, les saisons représentent un temps, un temps qui me relie à mes Dieux, mes Déesses ; lorsque je vois le soleil, je vois Belenos ; lorsque j’entends la foudre, je pense et me confie à Taranis ; dans l’eau lustrale, est la présence d’Apa ; lorsque je suis malade, j’appelle Diancecht/Deniacacteto [gaélique/celte restitué], je me sens en symbiose avec toutes les puissances du monde, en leur donnant le nom que mes Ancêtres Celtes leur ont donné. Une religion sans dogme, en pleine reconstruction, et incluant une philosophie de vie et une spiritualité. Aujourd’hui, le Druidisme se doit de partager les mêmes fonctions, les mêmes objectifs de lien entre les Dieux et les hommes, le maintien de l’harmonie, de défense contre toutes les forces qui mettent en danger la vie sur Terre. C’est en étant pleinement fidèle à nos lointains prédécesseurs que nous pouvons trouver les moyens d’être pleinement justifiés et efficaces dans le monde d’aujourd’hui. Vivre une cérémonie dans cet état d’esprit est quelque chose de très intense et de riche sur le plan spirituel, le plan émotionnel et sur le plan de la conscience. De ce qui précède, il n’est pas difficile de comprendre, la différence de niveau entre l’image idéale issue des Anciens qui est encore présente et je dirai même attendue, et ce que peuvent donner de désastreux, les gens que j’ai évoqués plus haut. Il y a donc le pire et le meilleur, et je m’efforce avec mon assemblée de pousser vers le meilleur. Pour finir sur l’image publique, il existe plusieurs catégories de publics et de cérémonies. Le public cherchant la distraction, et la cérémonie faite pour soulager un compte en banque, les deux sont forcément liés, voire des Druides habillés en arbre dans la forêt de Brocéliande, à 50€ par personne, histoire de vivre une aventure épique digne du Seigneur des anneaux… d’autres mélangeant spiritualité et développement personnel, d’autres qui vous offrent l’opportunité de toucher des arbres, leur parler et se faire bénir par un prêtre au Dieu cornu (je fais référence à l’ODD, bien entendu [Ordre Druidique de Dahut]) payant aussi. Ensuite, ceux qui cherchent à s’évader et vivre une passion, menant à des dérives, shamans celtiques, des chants égyptiens au milieu d’un rassemblement, des druides sans cohérence, vivant d’intention et de vide intellectuel, et ceux peu nombreux, malheureusement, et souvent trop cachés, cherchant à retrouver une réelle essence, connaissance et vie. Je regrette que la plupart des archéologues, mythologues, rejettent le néo-druidisme, mais aujourd’hui, on y trouve trop souvent une source de fantasme, une source de curiosité (bonne ou mauvaise) et une source de distraction. Mais les seuls responsables de ce néant sont les Druides actuels. Il existe heureusement, pour ne pas être trop pessimiste, des personnes curieuses, des personnes ayant un appel, des personnes rêvant encore de pratiques sérieuses et abondant de richesses intellectuelles, et hormis ma croyance, je continue aussi pour eux.
Le druidisme contient-il de sombre ou merveilleux secrets ? Est-ce naïf de demander cela ?
Druuis Belenigenos : À coup sûr, ce ne peut être l’image publique qui serait cause de quoi que ce soit. Bien des choses surprenantes peuvent arriver si les Divinités le veulent et si on est mûr pour cela, comme dans toutes les religions. On peut toujours se référer aux anciens, il y a beaucoup de leçons encore accessibles. Rien de sombre à part dans certains mouvements de l’appétit de pouvoir, des egos surdimensionnés, de l’orgueil… tout cela est très sombre, incompatible avec la fonction druidique, mais ce n’est pas secret.
Druuis Uindocaruos : On peut répondre oui en deux catégories, la première est ce qui découle de ce qu’on peut y trouver de pire, décrit dans la réponse précédente ; on peut aussi y trouver, des personnes magnifiques avec des beaux chemins et une grande richesse de coeur et spirituelle. Certains disent qu’on peut y trouver l’admiration de la beauté de la nature, cela va de soi, mais n’a rien de spécifique. À un autre niveau, ça sera la deuxième catégorie : l’engagement profond, sincère, incluant travail, connaissance, maîtrise de force et mystique impliquent effectivement de lourdes responsabilités et une certaine réalité dans des phénomènes dits occultes (ou cachés). L’épanouissement spirituel, le développement de capacités dites surnaturelles, c’est une réalité que l’on trouve dans toutes les voies spirituelles authentiques (le chemin sacerdotal apprendra aux futurs Druides à les développer et à les maîtriser) : le druidisme en est une et c’est celle du monde celtique. L’image publique découle de ce qui précède, ça peut être calamiteux ou magnifique.
Pourquoi les Français ont-ils du mal à se fédérer ?
Druuis Belenigenos : Il est presque amusant de constater que si beaucoup s’accordent à critiquer le rôle du christianisme vis-à-vis des anciennes religions, on ne peut que constater qu’un certain nombre ont dans les années passées, reproduit d’une manière affligeante les querelles féroces et aussi peu spirituelles, des débuts de la chrétienté… Peut-être pourrons-nous en tirer des leçons ? Vouloir à toutes forces s’occuper de structures et de reconnaissances officielles a sûrement été une erreur. Il y avait tellement mieux à faire. Certaines choses très positives sont restées, une charte qui reste un beau résultat de travail en commun et dont le contenu est de qualité. Mais beaucoup souffrent encore des engagements non tenus, des paroles trahies… Là aussi, il y a des leçons à tirer. Mais ce qui est certain, c’est que travailler ensemble, sans se soucier de structure ni de qui sera le chef… si il y a de la sincérité, une vraie démarche religieuse et spirituelle, sans orgueil, avec la conscience de l’énormité du travail à accomplir et du chemin à faire, et la volonté de s’entraider pour assumer le rôle que j’évoquais, pour le service des Divinités et le bien commun, est parfaitement possible ! Quand cela arrive, c’est facteur de progrès, de joie et d’accomplissement, et ce n’est pas difficile. [Cf. le « ndlr » du Druide Eber, concernant la reconnaissance – ndlr.]
Druuis Uindocaruos : Imaginons à la place du mot Druide, que l’on mette le mot architecte, imaginons un congrès où, l’un ne veut entendre parler que des fenêtres, l’autre que des portes, l’autre que des chaudières, encore un autre, contestera la pente du toit, et tous ensemble oublieront qu’il faut d’abord des fondations, tandis que d’autres voudront monter des tentes même pas accrochées au sol, en les présentant comme de solides maisons, et naturellement chaque représentant ou presque considérera qu’il doit être le maître incontesté de tous les autres (« je n’accepte de participer que si on me reconnaît comme Archidruide » – citation authentique). Je pense avoir résumé l’ensemble des tentatives d’unification, le problème n’est pas français, le problème est le mélange désastreux, de jeux de pouvoir, d’orgueil, d’autant plus exacerbé qu’il se double d’incompétence, dans ces conditions comment vous qu’on nous reconnaisse ? Dans un deuxième temps, l’hostilité de l’État français vers l’ensemble des formes religieuses surtout les plus authentiques, devrait suffire, à concentrer nos efforts sur d’autres buts. [Cf. le « ndlr » du Druide Eber, concernant la reconnaissance – ndlr.] Pour finir, nous aimons dire que les Druides sont des philosophes, sauf que la philosophie ne se borne pas à des débats d’opinions, un laxisme intellectuel, et à la dénonciation de charlatans. Nous serons reconnus lorsqu’on aura une définition de base commune sur ce qu’est le Druidisme et ce qu’est un Druide. Et surtout, lorsque les valeurs seront mises en pratique, et lorsque la division sera remplacée par l’union. Mes chers confrères et consoeurs, si nous sommes Druides et en l’occurence, des philosophes, il serait temps de le prouver. Encore une fois, je sais que beaucoup comprendront ce qu’ils ont eux-mêmes constaté et ce dont ils ont souffert, après toutes ces critiques pleinement justifiées, il ne faut pas manquer de redire qu’il y a dans les mouvements druidiques de beaux chemins, de belles personnes, de vraies connaissances, et que la renaissance du Druidisme est une clé fondamentale dans le monde actuel : elle nous ramène à des valeurs et des bases solides. Indispensable pour l’avenir de tous.
Comment voyez-vous l’avenir du druidisme, en France et dans le Monde ?
Druuis Belenigenos : Je souhaite bien évidemment que les objectifs décrits dans les réponses précédentes se réalisent, je crois que c’est vraiment une nécessité. Je souhaite la même chose pour toutes les anciennes religions qui se retrouvent dans cette même fonction ! Et chacun dans nos pays, nous ne pouvons qu’être solidaires. Il découle de cela que je ne reconnais pas cette notion de « druidisme mondial ». Autant il est logique que des expatriés dont c’est la religion la pratiquent, là où ils sont, autant cela ne doit pas se substituer aux religions de ces pays qui sont toutes aussi légitimes que nous ici ! Et dans toutes, les êtres parvenus à la plénitude se reconnaîtront fraternellement ! Les querelles religieuses ne peuvent survenir que quand une forme est rabaissée au rôle d’instrument de pouvoir – religieux et/ou politique, ou par des séides de bas niveau qui n’ont rien compris à leur propre religion. L’accomplissement et la plénitude sont tout le contraire du repli sur soi.
Druuis Uindocaruos : Dans l’état actuel, si nous ne changeons rien, je préfère fermer les yeux sur l’avenir, je vais plutôt vous dire ce dont je rêve en tant que Druide pour le Druidisme : je rêve d’un Druidisme qui ait le sérieux et la rigueur de seinos Brater [notre frère] Druuis Auetos ; je rêve d’un Druidisme emprunt de l’enthousiasme et l’abnégation du Druuis Bran Du ; je rêve d’un Druidisme luttant contre l’injustice et les atteintes à l’environnement comme le fait le Druuis Morgan ; je rêve d’un Druidisme qui ne joue pas sur les mots mais qui parle du fond comme le fait le Druuis Eber ; je rêve d’un Druidisme cherchant une vraie connaissance, une vraie pratique, une vraie mystique comme le fait moios Brater [mon frère] Druuis Belenigenos ; je rêve d’un Druidisme, ayant une profonde envie d’enseigner, d’écrire, et de rechercher au grand public comme l’a fait « Celui du pays de l’ours » ; je rêve d’un Druidisme cherchant réellement la vérité à la face du monde et qui n’utilise pas des mots pour faire simplement de beaux slogans ; je rêve d’un Druidisme uni, combattant le charlatanisme, les escrocs, les abuseurs ; je rêve d’un Druidisme avec une vraie mystique, une profondeur, pas une illusion masquée d’une longue barbe blanche ; je rêve de pouvoir dire de toutes les Druidesses et les Druides qu’ils sont mes soeurs et mes frères, en présence de toutes puissances Divines et sous les trois rayons de l’Incréé. Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive, bien d’autres Soeurs et Frères pourraient y figurer pleinement et grâce à eux tous, je garde l’espoir.
Une anecdote à nous raconter dans le milieu ?
Druuis Belenigenos : Il y en a tellement, entre beaucoup d’autres, une immense émotion éprouvée, un soir, au soleil couchant, à sonner de mon carnyx, en hommage aux Divinités, en hommage au Anciens, dans ce lieu puissant, glorieux et tragique, au sommet de Bibracte, dans le temps de Samonios (et rien qu’en l’évoquant, je l’éprouve toujours).
Druuis Uindocaruos : De très nombreuses bien sûr, mais parmi elles, une me revient, qui illustre la nécessité de sérieux et de compétence, et que faire un rituel, être en présence de puissances est dangereux, sans maîtrise et n’a rien à voir avec des animations dignes de colonies de vacances. En quelques mots, une personne attaquée par une entité participe à une cérémonie de Samain (cérémonie ou le Druide ouvre toutes les portes de l’autre monde, et se doit de savoir les fermer) dirigé par un Druide dont on attendait une vraie maîtrise, pendant la cérémonie cette entité, ressort de la porte ouverte et se cantonne à l’extérieur du cercle. Malheureusement, le Druide n’avait pas une solide connaissance et pratique du monde occulte et n’a pas terminé convenablement son rite. Favorisant ainsi, une nouvelle attaque de l’entité les jours suivants la cérémonie. Résultat : les deux animaux de compagnie de cette dame sont morts dans les deux jours, le conjoint est tombé malade et la dame retombe sous l’emprise de l’entité. Le Druide n’avait aucune mauvaise intention, étant présent, je peux dire que c’était une belle cérémonie, belle organisation, de belles invocations, de belles offrandes mais sans aucune maîtrise de « magie » (je ne parle pas de magie au sens folklorique, mais de véritable science occulte [cf. la « brujeria » et la « hechiceria » du Kombalkores Fernando, plus haut – ndlr]), certains lecteurs ou confrères préféreront prendre cela pour de la fantaisie, mais ils feraient mieux d’être conscients de leurs rôles et de leurs responsabilités, sachant que ces faits existent dans toutes les religions et spiritualités du monde.
Voulez-vous ajouter quelque chose librement ? Au revoir !
Druuis Belenigenos : Merci pour cette initiative, à parcourir ces pages, on trouve beaucoup de belles choses ! De quoi faire vivre l’espoir. J’ajouterai qu’on ne s’adresse jamais aux Divinités en vain, ni sans qu’elles se manifestent, parfois de manière saisissante.
Druuis Uindocaruos : Je tiens à remercier, Mervis Nocteau pour offrir cette remarquable occasion d’échanges, je tiens aussi à dire que les critiques exprimées n’ont pour but que l’amélioration et l’évolution dans un sens positif, personne n’a à se sentir blessé, mais chacun doit être capable de se remettre en cause. Comme dit Jacobus Tollius dans le Chemin du ciel chymique : « Bien des gens m’accuseront de témérité et de présomption, lorsqu’ils verront que j’ose entreprendre d’instruire ici de très savants hommes, en leur enseignant des choses qu’ils ont ignorées jusqu’a présent, ou leur faisant remarquer celles qu’ils ont mal entendues. Mais il m’importe peu quel jugement l’on fasse de moi pourvu que je puisse être utile au public. Si les savants trouvent ici quelque chose qui ne soit pas de leur goût, la sincérité avec laquelle j’écris doit bien moins m’attirer d’indignation, que me servir d’excuse auprès d’eux. » Je suis ouvert aux discussions de fond, j’aimerai que cette occasion soit le début d’un travail sérieux, d’une unification, et prendre conscience de l’essentiel, concernant notre religion (relier à), de notre philosophie, et de par la renaissance du Druidisme du XVIIIème siècles, notre tradition. Que les Puissances Divines nous animent, nous offrent le discernement, et nous donnent la force de continuer. Ces réponses sont faites avec fraternité. Au revoir !
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SOURCE : https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/les-druides-ne-sont-pas-reellement-247001?fbclid=IwAR0mfhDdy_CUVMg5CVWA8h2S-
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Un médecin et ancien homéopathe révèle la passion pour la franc-maçonnerie de Samuel Hahnemann, père de l’Homéopathie 12 février, 2023
Posté par hiram3330 dans : Recherches & Reflexions , ajouter un commentaireUn médecin et ancien homéopathe révèle la passion pour la franc-maçonnerie de Samuel Hahnemann, père de l’Homéopathie
De notre confrère portugais portaluz.org – Portaluz/ Dr. Emília Vlckova
Le Dr Emilia Vlcková est pédiatre. Elle-même a été pendant des années adepte de l’homéopathie, mais elle en connaissait les conséquences. Dans cet article de sa paternité, elle révèle des détails peu connus du père de l’homéopathie. « Je fais cette contribution parce que je voulais souligner l’essence spirituelle cachée de l’homéopathie. Beaucoup de médecins n’en ont aucune idée. »
Il est essentiel de connaître la personnalité et les principaux travaux du Dr Samuel Hahnemann, qui a été celui qui a découvert les principes de cette méthode. Depuis la mort de ce médecin controversé, personne n’a apporté de changements significatifs à ses méthodes de traitement.
Christian F. Samuel Hahnemann était le fils d’un peintre sur porcelaine à Meissen en 1755. Il était un élève très talentueux et eut bientôt l’opportunité d’étudier à l’école du prince Sankt Afra. En plus du français, il a également étudié l’anglais, le grec et le latin à tel point qu’il a pu plus tard gagner sa vie en traduisant (car il était l’un des étudiants les plus pauvres). À l’âge de 20 ans, il a commencé à étudier la médecine à l’Université de Leizpig. Il poursuit ensuite ses études à Vienne pendant deux ans au même endroit que le célèbre docteur Von Quarin. Il fait la connaissance du baron Samuel Von Brukenthal qui l’engage comme médecin de famille et bibliothécaire. Le franc-maçon Von Brukenthal l’a introduit dans une loge maçonnique où il a commencé à l’âge de 22 ans. Il a appris quelque chose sur le déisme (un enseignement qui dit que Dieu existe, qu’Il est la cause originelle du monde, mais qu’Il n’intervient pas dans le développement ultérieur du monde – le monde se développe selon ses propres lois – ndlr). Il termine ses études en rédigeant une thèse dans laquelle il mentionne pour la première fois le fondateur du soi-disant magnétisme animal, Anton Mesmer, personnage bien connu à cette époque. Après avoir terminé ses études, Hahnemann, déjà médecin, s’installe à Hettstedt, puis à Dassau, où il épouse Henriette Kuchler, la fille du pharmacien local. En raison d’échecs dans l’exercice de sa profession, il s’éloigne de plus en plus de la médecine. Cependant, son activité de traduction était passionnée. Lors de la traduction des articles pour Materia Medici du scientifique anglais Cullen, Hahnemann a critiqué la façon dont Cullen comprenait les effets de l’écorce de quinine. mais qu’Il n’intervient pas dans le développement ultérieur du monde – le monde se développe selon ses propres lois – ndlr). Il termine ses études en rédigeant une thèse dans laquelle il mentionne pour la première fois le fondateur du soi-disant magnétisme animal, Anton Mesmer, personnage bien connu à cette époque. Après avoir terminé ses études, Hahnemann, déjà médecin, s’installe à Hettstedt, puis à Dassau, où il épouse Henriette Kuchler, la fille du pharmacien local. En raison d’échecs dans l’exercice de sa profession, il s’éloigne de plus en plus de la médecine. Cependant, son activité de traduction était passionnée. Lors de la traduction des articles pour Materia Medici du scientifique anglais Cullen, Hahnemann a critiqué la façon dont Cullen comprenait les effets de l’écorce de quinine. mais qu’Il n’intervient pas dans le développement ultérieur du monde – le monde se développe selon ses propres lois – ndlr). Il termine ses études en rédigeant une thèse dans laquelle il mentionne pour la première fois le fondateur du soi-disant magnétisme animal, Anton Mesmer, personnage bien connu à cette époque. Après avoir terminé ses études, Hahnemann, déjà médecin, s’installe à Hettstedt, puis à Dassau, où il épouse Henriette Kuchler, la fille du pharmacien local. En raison d’échecs dans l’exercice de sa profession, il s’éloigne de plus en plus de la médecine. Cependant, son activité de traduction était passionnée. Lors de la traduction des articles pour Materia Medici du scientifique anglais Cullen, Hahnemann a critiqué la façon dont Cullen comprenait les effets de l’écorce de quinine.
Grâce à ses expériences, il est venu avec l’homéopathie. Dès lors, il a travaillé sans relâche sur des tâches de recherche pour définir les résultats du nouveau principe de guérison. En 1796, il publie son célèbre essai sur le nouveau principe de découverte des vertus curatives des substances médicinales et mentionne pour la première fois le principe homéopathique similia similibus curentur (comme guérit comme).
Immédiatement après, il y a eu une dispute entre les spécialistes de la médecine scolastique car ils ont catégoriquement rejeté cette méthode de traitement. Malgré sa grande aversion, Hahnemann fit un doctorat supérieur à l’université de Leipzig où il enseignait l’homéopathie depuis 1811. Parallèlement il était médecin généraliste et réussissait à guérir les gens de manière extraordinaire selon les témoignages de ses disciples. Dans son ouvrage “Organon thérapeutique” publié en 1810, il décrit l’origine et la manière de réaliser les principes de son traitement.

À Leipzig, Hahnemann s’est retrouvé mêlé à une discussion sur les pharmaciens en raison de l’administration indépendante de médicaments à leurs patients. Interdit de fabriquer des médicaments, il se rendit à Kothen où il put exercer ses activités de médecine alternative sous la protection du duc. Ici, il a eu une période tranquille dans sa vie qu’il a consacrée au développement de l’homéopathie. Les articles du bulletin de l’empire allemand furent un grand moyen de diffusion de l’homéopathie. L’éditeur de ce bulletin était Rat Becker, un autre franc-maçon.
Malgré son âge avancé, Hahnemann a perfectionné son art de guérir. Il a également étendu le deuxième principe de l’homéopathie au-delà de la limite du mesurable, c’est-à-dire le principe de dynamisation ou d’autonomisation. A cette époque, il recommandait aux gens de ne pas prendre de médicaments mais de “sniffer juste un peu”. Déjà veuf à 80 ans, il épouse une peintre française de 35 ans, Mélanie d’Herville, et ils s’installent à Paris. Ici, ils ont formé un groupe d’homéopathie dans un centre extra-hospitalier. Il mourut le 2 juillet 1843.
Organon de l’art de guérir
En 1810, Hahnemann publie à Leipzig l’Organon of Rational Therapeutics. Plus tard, il a été traduit sous le titre d’Organon de l’art de guérir ou d’Organon de la médecine. Dans cet ouvrage, il a laissé incarner les fondements de la philosophie et de la méthodologie du traitement homéopathique. Dans le prologue de sa sixième édition, il critique la médecine allopathique de l’époque, et propose un nouvel art de soigner – l’homéopathie – c’est-à-dire la méthode qu’il a inventée. Il l’a défini comme une méthode de traitement complètement différente des méthodes allopathiques. Il a affirmé que les maladies étaient causées simplement par un trouble de l’énergie spirituelle qui réactive le corps humain. L’utilisation du bon remède homéopathique peut provoquer un changement dynamique et spirituel et réajuster l’état du patient. Il a administré de petites doses de ses médicaments à ses patients. Il a affirmé que la vieille école, la médecine classique est à l’opposé de l’homéopathie, de la même manière que la nuit s’oppose au jour.
Hahnemann a critiqué les principes de la médecine allopathique parce qu’elle essaie de trouver les causes de la maladie et donc d’éliminer sa cause. Cependant, il a affirmé que la plupart des maladies avaient une origine spirituelle; par conséquent, sa cause ne pouvait pas être connue par les sens humains. Il a insisté sur le fait que les causes des maladies n’étaient pas de nature matérielle. Il considérait même que les observations faites par les anatomistes, les pathologistes et les psychologues étaient toutes l’œuvre de la simple imagination. Il a insisté à plusieurs reprises sur le fait que les causes des maladies n’étaient pas de nature matérielle. Il ne croyait pas au transfert matériel d’une infection, par exemple à une plaie ou à la peau. Il pensait que les opinions sur l’origine et l’essence des maladies étaient incorrectes. Il croyait que la maladie dans l’organisme humain était causée et entretenue uniquement par l’énergie dynamique spirituelle. Hahnemann faisait référence à la sagesse et au bon Créateur qui lui ont permis de découvrir cet art de soigner l’homéopathie. Il pourrait sembler qu’il était un chrétien croyant. Mais quelles sources théologiques se cachent derrière tout cela ?
Si Hahnemann professait le christianisme, alors nous pourrions chercher une justification pour ses théories spirituelles dans la Parole de Dieu, dans les Écritures. Cependant, la vérité est au contraire. Hahnemann a rejeté les bases de l’Evangile, y compris Jésus-Christ. Dans sa lettre à son disciple Stapf (Brief an Stapf, Kothen 1830), il écrit :
« Je considère le fait que nous lisons Confucius aujourd’hui comme un signe important de notre époque. Bientôt je l’embrasserai dans le royaume des âmes heureuses. J’embrasserai le bienfaiteur de l’humanité qui nous guidait sur le droit chemin vers la sagesse et vers Dieu, six siècles et demi avant le rêveur.
Según esas afirmaciones de mal gusto de Hahnemann, ese soñador fue Jesús de Nazaret quien aparentemente no llevó a Hahnemann por el camino recto de la sabiduría, y fue quién quiso luchar al lado de los pecadores y publicanos por el arduo camino del Reino de Dios en la terre. Cet homme de douleur, qui a parlé au brigand sur la croix, est inacceptable pour Hahnemann. C’est en fait une insulte pour ceux qui aiment la sagesse ésotérique (A. Fritsche, “Hahanemann – Die Idee der Homeopatie”, “VI édition, p. 264).
La passion de Hahnemann pour la franc-maçonnerie

Il y a un fait tragique et inaliénable évident : Hahnemann il a construit sa connaissance selon la religion naturelle qui était répandue à cette époque.De sa jeunesse jusqu’à sa mort, il fut un fidèle adepte du déisme susmentionné. Son travail considérable (articles et manuscrits) ainsi que son affiliation précoce à une loge maçonnique révèlent son attitude spirituelle authentique.
Quelle est l’opinion actuelle sur l’Organon ? Aujourd’hui encore, l’homéopathie est pratiquée sur les mêmes principes qu’au temps d’Hahnemann. Les adeptes de cette méthode pensent que leurs opinions sont toujours vraies. Cependant, presque tous évitent les mots métaphysiques de Hahnemann et oublient que sans les idées spirituelles de son fondateur, le fonctionnement de l’homéopathie est incompréhensible. Ils suppriment les explications originales basées sur le spirituel et les remplacent par de nouveaux termes “scientifiques”. Jusqu’à présent, près de deux cents ans plus tard, aucune preuve naturelle ou scientifique basée sur des résultats de recherche n’a été démontrée pour expliquer les principes de base de l’homéopathie.
Essais cliniques et enregistrement de médicaments homéopathiques

Aucun des essais cliniques soigneusement conçus n’a réussi à tester de manière fiable l’efficacité des médicaments homéopathiques. Dans la prestigieuse revue médicale Lancet (vol 344 – 1994), le Dr Reily, homéopathe, a présenté une étude sur l’efficacité des médicaments homéopathiques dans le traitement des rhumes allergiques. Il a affirmé que les médicaments homéopathiques étaient plus efficaces que le placebo. Cependant, dans le numéro suivant de cette revue (vol. 345 -1995), un article a été publié indiquant que cet essai comportait des erreurs importantes qui pourraient complètement fausser ses résultats.
En 2002, le British Medical Journal (vol. 324) a publié un essai clinique randomisé contrôlé en double aveugle par Lewis et al : L’utilisation des puissances ultramoléculaires des allergènes pour traiter les personnes asthmatiques allergiques aux acariens. Deux cent quarante-deux asthmatiques ayant eu une réaction positive aux acariens ont participé à l’essai. Cependant, aucune différence n’a été établie entre les résultats d’un groupe utilisant des placebos et un autre utilisant des médicaments homéopathiques.
En 2003, le British Journal Clinical Pharmacology a publié une étude de Brien, Lewith et Bryant sous le titre : L’homéopathie ultramoléculaire n’a pas d’effets cliniques observables. Il s’agit d’un essai en double aveugle, randomisé et contrôlé par placebo de Belladonna 30C. L’objectif de l’essai était d’établir si la dilution de Belladonna 30C diffère dans ses effets du placebo. Cependant, les résultats n’ont pas confirmé de différence significative entre les deux groupes examinés. Au cours de l’essai, 37 effets indésirables ont été enregistrés, dont deux graves – un mal d’oreille sévère qui pourrait être lié à l’utilisation du médicament homéopathique Belladonna.
Je tiens à souligner que les expériences ci-dessus ont été publiées dans des revues étrangères qui ne sont pas facilement accessibles aux médecins dans leur pratique habituelle. Je n’ai trouvé aucun essai clinique dans les revues médicales slovaques. Dans les travaux de Lullman Pharmacology and Toxicology (Grada 2002) on peut lire :
« Un groupe d’experts de la Commission européenne a décidé en 1996 que les médicaments homéopathiques devaient être soumis aux mêmes conditions de test que celles utilisées en médecine scientifique et que leur efficacité et leur innocuité devaient être testées dans les mêmes conditions (études cliniques contrôlées). Cependant, selon le point de vue actuel de nos autorités, le “succès” de certaines méthodes d’importance périphérique (à laquelle appartient l’homéopathie) ne peut être jugé que par le personnel exécutant la méthode respective. C’est un contre-argument qui contredit toute méthode scientifique critique.”
Par conséquent, les médicaments homéopathiques (en apparence considérés comme des médicaments) échouent dans leur attribut fondamental, c’est-à-dire leur efficacité prouvée. Dans les pays de l’Union européenne, les médicaments homéopathiques sont enregistrés même sans une telle efficacité. A l’inverse, dans les pays où l’efficacité doit être prouvée lors de la procédure d’enregistrement (par exemple la Norvège), il n’y a pas de médicaments homéopathiques enregistrés. En Slovaquie, les médicaments homéopathiques ont été enregistrés de 1991 à 1993 à l’Institut de recherche sur les médicaments et sont généralement disponibles en pharmacie. Son efficacité est jugée par l’homéopathe de service….
Point de vue des sociétés médicales professionnelles
Le conseil médical permanent de la Communauté européenne (qui regroupe les organisations médicales des pays de l’UE) classe l’hémopathie comme une méthode dont les principes ne sont pas scientifiquement justifiés. A Belgirate (Italie) en 1992, des dirigeants de sociétés pharmaceutiques européennes avaient une vision négative de l’homéopathie. Sur la base de l’analyse des principes homéopathiques et des études cliniques, de nombreux professionnels des entreprises médicales n’ont pas accepté l’homéopathie comme une méthode amateur déraisonnable. La Société homéopathique slovaque n’appartient pas aux sociétés médicales expertes. L’homéopathie en Slovaquie ne peut être pratiquée qu’en tant que « pratique de guérison ».
conclusion
Lorsque j’ai participé aux stages de formation en homéopathie, je n’étais pas tenu d’avoir un diplôme ou un diplôme de médecine. L’homéopathie n’est pas une discipline médicale d’étude et n’est donc pas couverte à l’université. Cette cure n’est pas une cure lege artis (selon les recommandations des méthodes scientifiques). Si les médecins ne tiennent pas compte des méthodes de guérison scientifiquement recommandées et prescrivent un traitement homéopathique, ils pourraient être poursuivis pour cela. La Société slovaque d’homéopathie accepte officiellement les médecins et les pharmaciens, mais uniquement pour le fait qu’elle souhaite s’établir dans le secteur médical. Mais jusqu’à présent, il n’a pas atteint son objectif (à cause de sa méthode non scientifique).
Je fais cette contribution parce que je voulais souligner l’essence spirituelle cachée de l’homéopathie. Beaucoup de médecins n’en ont aucune idée. Diverses formulations pseudoscientifiques sont utilisées dans les cours de formation : énergie vitale, information, etc. Les médecins qui étudient en profondeur l’homéopathie commencent par pratiquer la méthode EAV, la médecine chinoise, etc. Ils peuvent tomber dans les pièges de l’occulte. Leurs points de vue commencent peu à peu à changer, et il n’est pas facile de s’en affranchir…
SOURCE : https://450.fm/2023/02/07/un-medecin-et-ancien-homeopathe-revele-la-passion-de-s-hahnemann-pour-la-franc-maconnerie-du-pere-de-lhomeopathie/
LA LÉGION ÉTRANGÈRE ET LA FRANC-MAÇONNERIE 21 janvier, 2023
Posté par hiram3330 dans : Recherches & Reflexions , ajouter un commentaireL’Amicale des Anciens de la Légion Etrangère de Montpellier et Environs (AALEME) avait publié un morceau d’architecture intitulé
“LA LÉGION ÉTRANGÈRE ET LA FRANC-MAÇONNERIE”
Parler d’un corps d’armée dans un Temple Maçonnique peut paraître quelque peu incongru ! Et pourtant ! La Légion étrangère, qui inspire tout autant l’admiration que le rejet de nombreux concitoyens, qui suscite des fantasmes et souffre de préjugés et d’ignorances, porte en elle des valeurs qui transcendent les races, les religions et qui, à bien des égards, sont proches des nôtres !
La France a hérité du siècle des Lumières des valeurs qui en font un pays unique au monde. Parmi celles-ci, le sacro-saint droit d’asile qui a été qualifié comme étant le droit, pour les réfugiés persécutés, d’être accueillis sur son sol. La Légion étrangère perpétue ce droit, pratiqué à l’extrême, puisqu’on ne demande pas à celui qui veut s’y engager de justifier son passé ni ses origines. Donner à chacun une deuxième chance est un des principes « sacrés » de la Légion étrangère.
Notre Ordre est bel et bien ancré dans le monde des bâtisseurs. Qu’il s’agisse des constructeurs de temples antiques ou de bâtiments cultuels durant le moyen-âge, la Tradition a été perpétué par des Initiés. Ils se sont appelés Pharaons, Collegia, Guildes, Moines bâtisseurs,… De nos jours, les Maçons, Francs et Acceptés, ne sont plus opératifs. Mais n’existe-t-il pas, en France, des soldats bâtisseurs dont la tradition a été conservée à travers les « Pionniers » de la Légion étrangère ?
Ces hommes, à qui on offre le choix de servir un pays qui va devenir le leur, créent une part de mystère qui fait leur renommée. Créé par Louis-Philippe en 1831, ce corps d’armée, qui a eu pour vocation originelle de protéger et d’étendre l’Empire Colonial, est un brassage humain, formidable condensé d’héroïsme et de courage.
Mais alors, pourquoi parler de ces hommes dans nos Temples ? Une phrase, extraite du rite Émulation peut éclairer peut-être cette question : « En votre qualité de citoyen du monde, je dois vous recommander de vous acquitter de vos devoirs civiques d’une façon exemplaire. …Soumettez-vous franchement aux lois du gouvernement étranger qui vous donnerait provisoirement l’hospitalité ou vous accorderait sa protection… »
Quels sont donc les points communs entre ce corps d’armée et notre Ordre ? Sur quelle mythologie et sur quels rites se fondent ses traditions ? De quelles valeurs supérieures se revendique-t-il ? Telles sont les questions auxquelles ce morceau d’architecture ne prétend pas apporter des réponses mais, humblement, susciter quelques pistes de réflexion.
Un mythe fondateur
Jusqu’en 1863, la Légion étrangère a été considérée comme une armée de fortes têtes vouée à faire la sale besogne de la colonisation ! Le 30 avril 1863, lors de l’expédition française au Mexique, la bataille de Camerone va définitivement changer l’esprit de ces soldats et le regard porté sur eux.
Il s’agit d’un combat qui opposa une compagnie de soixante fantassins de la Légion étrangère, commandée par le capitaine DANJOU et deux sous-lieutenants, à une armée de deux mille mexicains. Assiégés dans une hacienda, ils résistèrent durant 11 heures, tuant 300 ennemis et en blessant 300 autres.
A dix heures du matin, alors que les Français, qui n’ont rien mangé depuis la veille, commencent à souffrir de la soif et de la chaleur, un officier mexicain leur somme de se rendre, ce à quoi le capitaine DANJOU fait répondre : « Nous avons des cartouches et ne nous rendrons pas ! ». Il fait alors jurer à ses hommes de lutter jusqu’au bout. Il tombera à la mi-journée, touché en plein cœur. Neuf heures durant, les Légionnaires vont affronter les troupes mexicaines, sans boire, étouffés par la fumée de l’incendie provoqué par l’ennemi.
En fin d’après-midi, il ne reste en état de combattre que six Légionnaires. Les mexicains somment alors les survivants de se rendre. Le caporal MAINE répond : « Nous nous rendrons si vous nous faites la promesse la plus formelle de relever et de soigner nos blessés ; si vous nous promettez de nous laisser notre fourniment et nos armes. Enfin, nous nous rendrons, si vous vous engagez à dire à qui voudra l’entendre que, jusqu’au bout, nous avons fait notre devoir », ce à quoi l’officier mexicain répond : « On ne refuse rien à des hommes comme vous ! » Les rescapés sont présentés au colonel MILAN, qui s’écrie : « Mais ce ne sont pas des hommes, ce sont des démons ! » Sur un monument commémoratif, érigé en 1892 au Mexique, figure l’inscription :
« Ils furent ici moins de soixante
Opposés à toute une armée.
Sa masse les écrasa.
La vie plutôt que le courage
Abandonna ces soldats Français
Le 30 avril 1863
A leur mémoire la Patrie éleva ce monument ».
Aujourd’hui encore, les militaires mexicains rendent hommage aux soldats français et mexicains tombés ce jour-là en présentant les armes lorsqu’ils passent devant ce monument.
Chaque 30 avril, les héros de ce combat sont honorés dans tous les régiments de la Légion ; à cette occasion est proclamé le récit du combat de Camerone. L’idée du « serment de Camerone » est là pour rappeler le courage et la détermination des Légionnaires ainsi que le respect à la parole donnée accomplie jusqu’au sacrifice suprême. Aujourd’hui, la main du capitaine DANJOU, prothèse de bois provenant d’une amputation antérieure, est conservée dans la crypte du musée de la Légion étrangère à Aubagne.
Pour fédérer tous ces hommes il fallait leur donner un passé commun, une histoire commune, quelque chose qui dépasse l’engagement de chaque individu. C’est le fait d’arme de Camerone qui tient ce rôle et constitue un acte fondateur.
Le point essentiel de cette histoire se situe à l’instant même où le capitaine DANJOU, transcendé, fait prêter serment à ses hommes. Ce serment, inattendu et exceptionnel dans de telles circonstances, a été gravé par le sang. Le mythe qui en est issu de fait, est le Légionnaire qui trouve la rédemption dans la mort. Ainsi, on plonge implicitement dans le mythe sacrificiel ; on trouve le Salut à travers le don de sa personne…
Il est important de noter que ce fait d’arme s’est déroulé dans le but de remplir une mission particulière qui consistait à protéger de l’armée mexicaine un important convoi français. Depuis lors, remplir la mission confiée et respecter la parole donnée sont devenu sacrés pour la Légion étrangère. Du reste, l’expression « faire Camerone », toujours usitée dans la Légion, signifie remplir sa mission jusqu’au bout, sans concession, s’il le faut au prix de sa vie.
Des rites
Les traditions au sein de la Légion étrangère sont nombreuses et issues directement de son histoire : du « vert et rouge » au pas lent de ses unités, en passant par les pionniers et Le Boudin (chant de marche de la Légion). Mais contrairement à une idée reçue, elles ne sont pas immuables et vivent avec l’Institution. Elles sont officiellement regroupées au sein d’un « Recueil des traditions de la Légion étrangère » édité par un Comité des Traditions.
La formation des Légionnaires est certes une suite de stages professionnels sophistiqués, mais elle est également émaillée de temps forts qui exigent beaucoup d’abnégation.
Et tout d’abord le changement de nom, pour toute nouvelle recrue, est systématique. Il symbolise la mort de l’homme ancien, permettant de « repartir » sur de nouvelles bases. C’est en quelque sorte une nouvelle naissance. La Légion est le seul lieu où l’on peut « recommencer » sa vie. Mais cette deuxième chance ne blanchit pas le Légionnaire de toute faute qu’il aurait pu commettre avant son admission. Ce n’est qu’au bout de trois ans de service, après qu’il ait prouvé sa bonne moralité et une réelle volonté de s’amender, qu’il peut recouvrer, à sa demande, sa véritable identité.
D’autre part, un des éléments fédérateurs importants dans la Légion est la langue. La majorité des candidats à la Légion ne parlent pas le français. A l’évidence, pour des raisons de sécurité et d’efficacité militaires, tout soldat doit comprendre les ordres qui lui sont donnés en français, et pouvoir communiquer avec ses compagnons. Durant leur formation initiale, chaque légionnaire apprend donc le français, ce qui le lie aux autres de manière encore plus forte puisque sa langue maternelle, si elle n’est bien entendu pas oubliée, n’est plus pratiquée dans les rangs.
Cette formation est ponctuée par une série de « rites », importants pour tout jeune Légionnaire : après un premier stage de sélection, les engagés volontaires retenus reçoivent leur premier contrat d’engagement dans le musée d’Aubagne, où un officier les informe de l’importance de leur futur statut. Ensuite, à l’issue de leur formation, et après avoir prouvé qu’ils en étaient dignes, les nouvelles recrues sont invitées à coiffer pour la première fois leur képi blanc. C’est une cérémonie solennelle durant laquelle ils récitent, en chœur, avec fierté, la tête haute, et dans un français encore hésitant, leur code d’honneur, véritable serment du Légionnaire.
Enfin, la Commémoration annuelle de CAMERONE est un temps fort de la Légion. Le centre de Commandement, situé depuis 1962 à Aubagne, près de Marseille, possède une « voie sacrée » sur laquelle est présentée, puis « élevée », la main du capitaine DANJOU, véritable relique enfermée dans une chasse. Le reste de l’année, ce trophée repose dans une crypte souterraine dans laquelle toute nouvelle recrue est tenue de se recueillir pour honorer tous les Légionnaires morts au combat.
Une mort symbolique, une renaissance sous une autre identité et une autre langue, celle du pays pour lequel on est prêt à donner son sang, une fraternité sans faille et de principe, c’est-à-dire définitive, enfin un rappel périodique et immuable du mythe de CAMERONE ; nous sommes bien en présence de rites pratiqués par des hommes unis dans une cohésion inébranlable.
Une fraternité
Soyons nets : l’Homme incline facilement au « chacun pour soi », il ne naît pas avec une conscience universelle. S’il lui arrive, dans le cours de son existence, de se sentir solidaire, c’est dans certaines situations, telles que la guerre ou toutes autres épreuves partagées, et ce sentiment disparaît généralement avec les circonstances qui l’ont fait naître.
Or, cette « fraternité de combat » ne constitue pas la véritable « Fraternité », telle que nous l’entendons, nous, et telle que l’entendent les Légionnaires. En effet, elle n’est pas « totale » et, dépendant trop des circonstances qui l’ont créée, reste surtout limitée à quelques individualités vivant ces circonstances. Ainsi des hommes, durant une guerre, peuvent fraterniser, ce rapprochement ne restant que circonstanciel et s’évanouissant souvent avec le temps.
Dans la Franc-maçonnerie, on admet la réalité de la Création par la notion même de « Fils d’un même Père ». Il est donc normal de nous concevoir « en Fraternité » avec nos semblables : c’est même, presque, une attitude réflexe. Mais alors, comment les Légionnaires déterminent-ils leurs liens entre eux et avec autrui ? Pour prendre conscience de l’importance et de la réalité de la Fraternité telle qu’ils la conçoivent, il est bon de rappeler le contenu de leur code d’honneur, appris et récité en chœur par les nouvelles recrues le jour de la remise du képi blanc :
Art. 1 – Légionnaire, tu es un volontaire, servant la France avec honneur et fidélité (devise de la Légion étrangère NDR).
Art. 2 – Chaque légionnaire est ton frère d’armes, quelles que soient sa nationalité, sa race ou ses religions. Tu lui manifestes toujours la solidarité étroite qui doit unir les membres d’une même famille.
Art. 3 – Respectueux des traditions, attaché à tes chefs, la discipline et la camaraderie sont ta force, le courage et la loyauté tes vertus.
Art. 4 – Fier de ton état de légionnaire, tu le montres dans ta tenue toujours élégante, ton comportement toujours digne mais modeste, ton casernement toujours net.
Art. 5 -Soldat d’élite, tu t’entraînes avec rigueur, tu entretiens ton arme comme ton bien le plus précieux, tu as le souci constant de ta forme physique.
Art. 6 – La mission est sacrée, tu l’exécutes jusqu’au bout et, si besoin, en opérations, au péril de ta vie.
Art. 7 – Au combat, tu agis sans passion et sans haine, tu respectes les ennemis vaincus, tu n’abandonnes jamais ni tes morts, ni tes blessés, ni tes armes.
Il faut rappeler que l’homme n’est jamais aussi isolé que face à la mort. Or c’est précisément ce dénouement qui est au centre du mythe de la Légion : « tu exécutes ta mission jusqu’au bout, …au péril de ta vie », « …tu n’abandonnes jamais ni tes morts, ni tes blessés… ». Dans le fond, ces hommes, animés du désir de changer leur vie et de protéger celle de leurs semblables, font preuve d’une générosité totale et d’un sentiment de solidarité, qu’ils nomment justement « FRATERNITÉ ». En ce sens, implicitement, leur sort est transcendant. Ils se retrouvent d’une certaine manière au cœur même du sacrifice christique.
A défaut d’une image du Dieu-Père, engageant naturellement une perspective de « filiation », c’est la Légion qui va leur donner la conscience d’appartenir à une même « famille », vivant d’elle et la faisant vivre. Du reste, à partir du moment où un homme a rempli avec satisfaction son contrat avec la Légion, celle-ci devient son « obligé ». Elle doit l’aider au moindre problème durant toute sa vie. Cette « morale laïque », morale raisonnée par opposition aux morales impératives des Religions, induit une solidarité sans faille.
Notre Ordre conçoit la Fraternité comme une constante universelle. Mais, à bien des égards, la Fraternité vécue au sein de la Légion dépasse les hommes eux-mêmes par les références existentielles et la mythologie auxquelles elle renvoie. Ainsi, ces hommes, qui recommencent une seconde vie au sein de leur nouvelle famille, famille de substitution, la Légion étrangère, s’interdisent par principe toute discussion relative à leur passé. Il existe entre eux, pour toute leur vie, ce lien invisible, discret, cet attachement indéfectible qu’ils tissent dès leur formation.
Conclusion
Le Légionnaire, porteur de tous les pêchés, nourrit l’imaginaire populaire. Par définition les premiers sur le terrain et les derniers à partir, les Pionniers, qui perpétuent la tradition du Légionnaire bâtisseur, jouissent du privilège de défiler, avec gants blancs et tablier, à la tête de la troupe. Cette tradition est à rapprocher de l’hommage particulier que rend la Légion à ses sous-officiers, ses « maréchaux » comme on a coutume de les appeler, en laissant à trois des leurs l’honneur de défiler en tête de toute la Légion. Un de leurs chants exprime ainsi leur fierté :
« On nous appelle les fortes têtes,
On a mauvaise réputation.
Mais on s’en fout comme d’une musette,
On est fier d’être à la Légion.
Et ce qu’ignore le vulgaire,
C’est que du soldat au colon,
Ils ont une âme de mousquetaire,
Les Légionnaires ! »
Malgré son apparente rigidité, il n’y a pas plus large d’esprit que la Légion étrangère, accueillant plus de 130 nationalités différentes et les fédérant dans un but unique. Elle constitue un important creuset social. Celui-ci, paradoxalement, pourrait être considéré comme un archétype de la République, au sens français du terme. C’est un lieu de brassage et d’acceptation de règles qui transcende les ethnies, les origines, les religions. Accepter ces règles, c’est devenir français, « français par le sang versé et non le sang reçu… » Une suggestion : dans la Franc-maçonnerie, ne rassemble-t-on pas ce qui est épars ?
Les mythes sur lesquels se fonde notre Ordre sont révélés et gravés dans le Volume de la Loi Sacrée. Pour la Légion, c’est un mythe construit par l’homme à l’issue d’une épopée historique : CAMERONE, véritable fait d’arme. Il n’empêche, ce mythe est transcendant en ce qu’il engage la vie même de ceux qui y adhèrent.
A la peine comme à l’honneur, le Légionnaire est représenté comme le soldat bâtisseur, celui qui ouvre les voies du progrès au milieu des ténèbres. Le mythe du Légionnaire qui trouve la rédemption dans la mort symbolise, d’une certaine façon, le mythe sacrificiel. On gagne le Salut à travers le don de sa personne…
Ces hommes, qui ont un « passé » et pas d’avenir, et qui, arrivés dans la Légion, oublient leur passé et gagnent un avenir, ne sont point dans le sacré. Pas plus que la Légion n’est un ordre initiatique. Mais un mystère les distingue radicalement de toutes les armées du monde et en font les combattants les plus redoutés de tous. Leur statut juridique demeure exceptionnel. Leur silence et leur pudeur les honorent. A bien des égards, les valeurs dont ils se revendiquent touchent à l’Universel…
Peu importe ce qui motive un homme à s’engager dans la Légion, qu’il y soit attiré par le prestige ou par un désir de changer de vie, le pli sera pris. Une Fraternité entière et une obligation de sacrifice s’imposeront à lui. Il demeurera Légionnaire toute sa vie. Dans notre Ordre également, des hommes et des femmes « s’engagent » pour des raisons diverses mais qui leur sont propres. L’état de Maçon leur sera définitivement acquis.
Je dois maintenant vous faire part d’un point de vue tout à fait personnel. Je suppute que des officiers supérieurs, Francs-Maçons, au sein du Commandement de la Légion, ont vraisemblablement dû influencer durant son histoire l’esprit de cette institution et, ainsi, favorisé la formalisation de nombre de ses rites.
Enfin, pour être franc, et après avoir étudié les valeurs indéfectibles qui sont les leurs, je me pose la question de savoir combien, parmi nous, seraient capables de risquer leur vie pour sauver un Frère ! Telles sont les réflexions que m’inspire, en tant que Franc-maçon, la Légion étrangère.
Des églises gnostiques au 21e siècle par Ŧ Héliogabale. 20 novembre, 2022
Posté par hiram3330 dans : Recherches & Reflexions , ajouter un commentaireDes églises gnostiques au 21e siècle par Ŧ Héliogabale.
« Nous ne sommes pas l’homme nouveau ou la femme nouvelle… Nous sommes des hommes & des femmes qui désirons changer & nous changer ; nous sommes des hommes & des femmes prêts à tout pour y parvenir. Nous ne vous demandons pas de voir en nous ce que vous voudriez être ou ce que vous supposez que vous devriez être ». Sub-commandante Marcos L’ Église Gnostique Chaote est née, au début des années 2000, du désir de dépouiller les ors et de revenir à une simplicité apostolique. Nous nous opposions alors aux conventicules gnostiques tombés entre les mains de simoniaques, de collectionneurs de titres et diplômes et autres « grands initiés ». Il apparaissait que la Gnose n’était plus alors qu’une arrière-loge maçonnique, martiniste ou théurgique. En soi, ce n’est pas un mal, car on retrouve — parfois — une tension vers la Gnose dans ces groupes de bourgeois ennuyés cherchant un peu de théâtre spectaculaire. Non que nous ayons quelque chose contre la démarche de ces ordres ni contre la plupart de leurs membres, mais l’oppression hiérarchique et l’aliénation de la course à l’initiation sont, pour nous, incompatibles avec la démarche gnostique. Nous voulions également nous distancier des mouvements gnosticistes aux systèmes alambiqués et, souvent, ineptes. Le gnosticisme, que l’on ne s’y trompe pas, est une source majeure de notre recherche, mais nous avons rejeté les carcans qui enferment l’individu dans un système l’opposant aux autres. Nous rêvions d’une bande de mecs un peu fous, des apôtres des temps modernes ; des gueux sans feu ni lieu allant leur chemin afin de se réintégrer à la divinité et de propager le message gnostique qui nous libérerait — enfin ! — de cette prison aux noirs barreaux de fer. Nous rêvions d’une horde d’individus libres, égaux comme des frères et sœurs, d’hommes et de femmes avec une flamme brûlante d’agapè en leur cœur ; des êtres neufs régénérés par le baptême du feu gnostique et affranchis des chaînes mondaines.
« D’eux nous héritons le rejet de toutes formes d’élitisme & de despotisme ésotérique, gnostique, ancien & accepté, politique ou social. D’eux nous héritons cette envie crapuleuse de chaleur animale du groupe, de la meute, de la horde. Nous sommes les héritiers des païens & des sans dieux, des rebouteux & de ces femmes brûlées vives pour leur savoir, nous sommes les fils de ces putes & vierges filles de la Sulamite adorée, nous sommes les enfants oubliés de l’économie & du libéralisme esclavagiste & abhorré ». Manifeste de l’E.G.C.

L’Église Gnostique Chaote s’est refusée à imposer des dogmes ou des lois ; à peine a-t-elle quelques règles simples qui lui permettent de se maintenir depuis plus de dix ans. Point de patriarche, d’archevêque ou de pape mitré pour nous diriger ; nous sommes une zone d’autonomie permanente crachant notre dédain pour les structures mortifères du passé. Nous sommes des acrates ! De même tout notre corpus a été publié et distribué gratuitement : pas de secret fétide, pas de salmigondis ineptes dont on refuserait l’accès aux « profanes ». Dans notre gnose il n’y a pas de profane, il n’y a que des « cherchants » — et nos titres de clerc, de prêtre ou d’évêque ne sont que des marqueurs sur le chemin qui nous mène tous et toutes vers le même but. L’évêque n’est pas un chef, c’est un humble serviteur assisté de prêtres et de clercs ; les offices liturgiques demandent des officiants, mais ceux-là ne sont ni plus élevés ni plus grands que les fidèles ou les gnostiques non consacrés ou ordonnés. Rien de ce qui est utile ne sera caché ou mis sous le boisseau, la lampe de la Gnose brillera au vu et au su de tous ! À nouveau nous nous rions des farandoles comiques rythmées par des formules magicomiques puériles. Nous avons un trop grand respect pour la Lettre et l’Esprit de la Lettre ! Et si nos liturgies se démarquent de celles de nos autres frères chrétiens, ce n’est pas pour faire œuvre d’innovation, mais afin de vibrer selon notre diapason mystique. Il n’y a aucun secret autre que celui du cœur et du cheminement qui est le nôtre. De même nous nous insurgeons contre les messes copyrightées : avec ceux-là qui agissent ainsi, nous devrions payer pour entendre messe le dimanche ! Ceux-là ont-ils écrit les Évangiles et les Corpus gnostiques dont ils farcissent leurs écrits pour oser mettre des signes babyloniens sur la mystique ? On ne peut servir deux maîtres ; ils choisissent Mamon et ils ne le voient pas ! Et en ce mois d’avril de l’an de grâce 2016, nous observons avec tristesse le retour des vieux archétypes humains : des églises structurées comme des PME, des règlements, des statuts, des ors, de l’argent — encore et toujours ! —, des titres et des sous-titres… Et pire encore, une association contre nature entre un maçonnisme élitiste et moribond et autre société pseudo-initiatique et la Gnose au nom de Vérité (pour antiphraser Tertulien). Comme si la Gnose pouvait être grandie par des oripeaux désuets, comme si une église était une loge, comme si la Sophia avait besoin de gardiens par trop humains voilant sa sublime nudité… On nous rétorquera maladroitement que les écoles gnostiques des temps anciens étaient élitistes et fermées au monde extérieur. Que nous importe l’exécrable manie archontique dont ces dernières pouvaient porter la tare ? Que nous importe que ceux-là aient trahi, aussi, le hurlement libérateur du Christ ? Les erreurs du passé ne sont pas les pierres d’angle d’édifices merveilleux ! Nous voyons l’avenir des églises gnostiques se profiler avec crainte. Plus sur le sujet :
- Jules Doinel, l’Éon Jésus et Rome (3)
- Histoire de l’Eglise Gnostique [1]
- Jules Doinel, l’Éon Jésus et Rome (1)
- L’Église Catholique Gnostique
Des églises gnostiques au 21e siècle par Ŧ Héliogabale, nadir de Libertalia, 10 avril 2016 A.D. Première publication sur le site de l’Eglise Gnostique Chaote.
Digression … 29 août, 2022
Posté par hiram3330 dans : Digression , ajouter un commentaireTop 10 des idées reçues sur les samouraïs, les guerriers caricaturés
Ce sont des guerriers qui nourrissent un tas de fantasmes depuis de nombreuses années, souvent caricaturés et transformés dans les films hollywoodiens ou la littérature. Mais les samouraïs n’étaient pas de simples guerriers qui défouraillaient leurs sabres à tout va pour buter tout le monde et boire du saké toute la nuit. On va donc casser quelques idées reçues tout de suite afin d’y voir un peu plus clair.
1. Les samouraïs étaient de simples soldats
Eh bien non, samouraï n’était juste un nom pour dire les soldats, c’était pas non plus un rang de l’armée japonaise. Samouraï était une classe sociale à part entière. Si le bushi (le guerrier) est bien un statut militaire, au départ le samouraï était celui qui servait la noblesse. Il s’agissait d’un statut prestigieux et respecté qui à son apogée représentait presque 10% de la population du Japon.
2. Les samouraïs étaient des nobles
Une autre idée reçue voudrait que s’ils n’étaient pas de simples soldats alors ils étaient tous nobles, ce qui est faux. Contrairement à nos chevaliers qui étaient généralement des seigneurs et ne se lavaient pas tous les jours, les samouraïs n’étaient pas forcément nobles. Le mot « samouraï » signifiant « celui qui sert » ça vous donne une indication, et s’il y avait beaucoup de nobles qui étaient samouraï ce n’était pas du tout une norme.
3. Les samouraïs étaient des mercenaires
Encore une fausse information, les samouraïs n’étaient pas des « sabres à louer » au plus offrant, ils servaient en général un maitre et lui obéissaient. Cependant certains pouvaient aussi changer de camp, ce n’étaient pas des esclaves mais des gens libres de faire des choix et ils n’étaient pas tous honorables et sympathiques.

4. Les samouraïs se battaient tous avec des katanas
L’enseignement de combat des samouraïs était extrêmement varié, et si la plupart avaient un enseignement complet qui leur apprenait à utiliser plusieurs armes, certains se « spécialisaient » avec le sabre, d’autres l’arc ou encore la lance. Il n’étaient donc pas tous des experts du katana et certains utilisaient même des armes à feu (mousquets) dans la période la moins ancienne de l’existence de la classe.
5. Les samouraïs étaient tous des hommes
Faux. Si les femmes n’étaient généralement pas des bushis au service d’un seigneur, elles pouvaient avoir un enseignement tout aussi complet que les jeunes garçons. On leur apprenait le maniement de plusieurs armes (lance, épée, arc) qui faisaient partie de l’arsenal des samouraïs masculins. Lorsque le guerrier quittait sa maison, la femme ou la fille en étaient les gardiennes.
6. Les samouraïs défendaient les opprimés
On a tendance à un peu angéliser les samouraïs mais il n’étaient pas des super héros. On peut parfois les présenter de cette manière mais comme ils représentaient presque 10% de la population pendant l’ère Sengoku du Japon vous imaginez aisément que tout ce monde là n’était pas uniquement composé de gens vertueux et honorables, d’autant qu’ils obéissaient bien souvent à leurs maitres qui n’étaient pas non plus que des gens biens.

7. Les samouraïs étaient loyaux jusqu’à la mort
Évidemment il y a des cas héroïques et honorables de samouraïs dévoués qui se faisaient seppuku (un suicide rituel) comme on vous le montrait avec les trucs à savoir sur les samouraï. C’est par exemple le cas des 47 ronins, véritables guerriers ayant vengé la mort de leur maitre et accepté de se suicider pour en payer le prix, mais tous les samouraïs n’étaient pas aussi loyaux. Plusieurs exemples historiques montrent au contraire des rébellions contre leurs maitres, comme la bataille de Sekigahara (1600) où des samouraïs ont changé de camp en plein combat pour renverser la tendance.
8. Les samouraïs n’étaient pas instruits
N’allez pas croire que les samouraïs étaient des illettrés qui ne savaient que tirer leur sabre pour se battre. Leur enseignement passait par l’apprentissage et la lecture de nombreux textes, ce qui en faisait des personnes très cultivées, raisonnées et bien éduquées. C’est par ce mode d’apprentissage qu’ils absorbaient la sagesse plutôt que la culture : il fallait vivre l’enseignement et pas seulement le lire. D’autre part certains pratiquaient des formes d’art variées, comme l’art du haïku, de la calligraphie ou de la peinture.
9. Les samouraïs n’abandonnaient jamais un combat
C’est également faux. Des preuves écrites rapportent plusieurs exemples de combats où les samouraïs battaient en retraite ou fuyaient le combat quand les choses se corsaient. Du coup oubliez les guerriers infatigables qui acceptent leur sort, ils n’étaient clairement pas tous comme ça.

10. Les samouraïs ont inventé la sauce samouraï
Absolument pas. Enfin j’ai pas vérifié mais ça me semblerait vraiment chelou que ce soit eux qui aient inventé ça, d’autant que je les vois pas trop manger des kebabs sur le champ de bataille.
Sinon je vous conseille d’aller voir les gens qui ont gagné des guerres de façon improbable.
Sources : Butouken, Togishi Dojo, Le Monde, Interesting Facts, Inside Japan.
SOURCE : https://www.topito.com/top-idees-recues-samourais
QUI ÉTAIT LA MORRIGAN DANS LA MYTHOLOGIE IRLANDAISE ? 21 août, 2022
Posté par hiram3330 dans : Contribution,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaire
QUI ÉTAIT LA MORRIGAN DANS LA MYTHOLOGIE IRLANDAISE ?
Par Viking-Celtic
En tant que déesse de la guerre, de la royauté ou de la mort, la Morrigan est peut-être l’une des déesses les plus incomprises de la mythologie irlandaise. En fait, elle n’a peut-être pas été une déesse du tout.
Dans l’imagination moderne, la Morrigan est l’un des personnages les plus durables et les plus captivants de la mythologie irlandaise. On se souvient de la déesse de la mort et de la guerre pour sa brutale application du destin.
La Morrigan est perçue comme une séductrice et une métamorphe qui a mêlé le surnaturel, la sexualité et la violence d’une manière qui ne serait pas déplacée dans un film de fantasy ou d’horreur moderne.
Cependant, la façon dont elle était réellement perçue dans l’Irlande pré-chrétienne était probablement très différente.
Dans la mythologie irlandaise, la Morrigan est plus qu’une déesse séduisante au destin violent. En fait, son rôle était si complexe qu’on la considérait souvent comme trois déesses distinctes plutôt que comme un seul être.
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LA MORRIGAN, UNE DÉESSE DE LA GUERRE
La Morrigan est le plus souvent décrite comme une déesse irlandaise de la guerre.
Dans ce rôle, elle prend souvent la forme d’un corbeau, bien qu’elle apparaisse également sous celle d’un loup ou d’une anguille.
Dans de nombreux mythes, la Morrigan semblait encourager les guerriers à accomplir de grandes actions de courage ou de force et pouvait frapper leurs ennemis pour leur accorder une victoire plus facile. Parfois, elle commençait la bataille, incitant les deux camps à la violence jusqu’à ce que les combats commencent enfin.
Dans les récits ultérieurs, la Morrigan, en particulier, était réputée prendre plaisir à se battre. Elle se délectait des effusions de sang et des souffrances et prenait un plaisir cruel à la mort des grands héros et des rois.
Dans d’autres cas, cependant, elle tentait d’aider les hommes à éviter les effusions de sang et exprimait ses regrets lorsqu’elle n’y parvenait pas. La Morrigan lui accordait parfois des faveurs ou l’annulait, mais elle était aussi un présage du destin.
La mesure dans laquelle la Morrigan a pu influencer le destin varie selon les histoires. Si elle semblait parfois servir de messagère, à d’autres moments, elle était capable de changer le cours des événements à elle seule.
Sous la forme du corbeau, ou badb, elle volait au-dessus de nos têtes comme un présage que le sang allait bientôt être versé. Dans certains récits, elle apparaissait dans une vision à ceux qui étaient sur le point de mourir, soit sous cette forme, soit en lavant leurs vêtements tachés de sang.
Cette image de la Morrigan a survécu dans les croyances populaires longtemps après que le peuple d’Irlande n’ait plus cru aux Tuatha Dé Dannan.
LE PRÉCURSEUR DES BANSHEE
Présage de mort et d’effusion de sang, la Morrigan a peut-être servi d’inspiration à l’une des créatures les plus emblématiques du folklore irlandais ultérieur.
Du vieil irlandais ben sidhe, le mot banshee peut être traduit par « femme du monticule de fées ». On dit que ces monticules, les sidhe, étaient l’endroit où les Tuatha Dé Dannan ont élu domicile après l’arrivée des rois gaéliques.
On dit qu’il y a beaucoup de banshee dans toute l’Irlande. Selon certaines légendes, chacune des vieilles familles irlandaises avait son propre signe avant-coureur de la mort.
Le banshee apparaissait avant la mort d’un membre de la famille, généralement sous la forme d’une femme courbée et vêtue d’une robe sombre. Ses gémissements et ses cris d’angoisse annonçaient une mort imminente.
De nombreux éléments indiquent que cette fée bien connue descend de la Morrigan.
Dans certains endroits, la banshee est appelée la badb, qui était à la fois le mot irlandais pour corneille et le nom alternatif de la Morrigan elle-même.
Les corbeaux peuvent être un indicateur réel de la mort car ils se nourrissent de charogne, mais il est peu probable que la comparaison avec la Morrigan et la banshee plus récente soit une pure coïncidence.
Le nom de ben sidhe pourrait également indiquer une ancienne croyance dans le personnage en tant que membre des Tuatha Dé Dannan. On dit que les anciens dieux d’Irlande ont perdu une grande partie de leur pouvoir lorsque les Milesians, le peuple gaélique, sont arrivés en Irlande.
Les Tuatha Dé Dannan se sont repliés sur leurs sidhe, les forts souterrains qui parsèment le paysage. Dans le folklore ultérieur, ceux-ci étaient considérés comme des monts de fées et les Tuatha Dé Dannan réduits à des esprits mineurs.
L’un des liens les plus révélateurs entre la Morrigan et les banshees est la façon dont la fée est représentée en Écosse, pays voisin.
Les mythologies et le folklore de l’Écosse et de l’Irlande sont étroitement liés, c’est pourquoi les Écossais ont leur propre version du banshee. Elle y est parfois connue sous le nom de « bean nighe » ou « bean nigheachain ».
La nigheachain d’Écosse apparaît comme une lavandière qui frotte les vêtements et l’armure de ceux qui sont sur le point de mourir au combat. C’est la même forme que prend la Morrigan dans l’un de ses mythes irlandais les plus connus.
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LA MORRIGAN ET CÚCHULAINN
L’une des histoires les plus célèbres de la Morrigan se déroule dans un recueil de légendes connu sous le nom de Cycle d’Ulster. Celles-ci racontent l’histoire de Cúchulainn, dit être l’un des grands héros de l’Irlande du 1er siècle.
Beaucoup de ces histoires concernent les raids de bétail effectués par les dirigeants locaux des royaumes irlandais de cette époque. Le bétail était à la fois un symbole de richesse et de pouvoir, aussi, dans l’histoire comme dans la légende, ces raids et les efforts pour protéger les troupeaux de valeur prenaient souvent la forme d’une guerre totale.
Avant un de ces raids, Cúchulainn a rencontré une femme dans la forêt qui chassait une génisse. Il l’a insultée, l’accusant de vol.
Lorsqu’elle a pris la forme d’un oiseau noir, Cúchulainn l’a reconnue comme étant la Morrigan. Il lui dit qu’il ne l’aurait pas insultée s’il avait su qui elle était, mais la déesse lui dit qu’il était trop tard pour regretter son ignorance et qu’il paierait cher pour ce geste.
La Morrigan est apparue devant Cúchulainn avant un autre raid et lui a offert son amour, mais il l’a rejetée. Insultée à nouveau, la déesse prit les formes d’une anguille, d’un loup et d’une vache, comme elle l’avait dit.
Cúchulainn l’emporte cependant et survit au raid. Il a même réussi à blesser la Morrigan une fois dans chacune des formes qu’elle a prises.
Peu après le raid, une vieille femme est apparue devant Cúchulainn, menant une vache. Elle lui offrit trois verres de lait et, épuisée par la bataille, elle la bénit pour chaque verre.
La vieille femme était de nouveau la Morrigan déguisée, et à chaque bénédiction que Cúchulainn lui donnait, une de ses blessures était guérie.
Il finit par la reconnaître et regretta ses bénédictions lorsqu’elle lui rappela qu’il avait juré une fois et trois fois qu’il ne la guérirait jamais. En réponse, Cúchulainn s’est fait l’écho de ses précédentes excuses en disant qu’il ne l’aurait jamais fait s’il avait su que c’était elle.
Avant sa dernière bataille, Cúchulainn revit la Morrigan. Elle apparaissait comme une sorcière flétrie, lavant ses vêtements ensanglantés dans la rivière alors qu’il passait par là.
À la fin de la bataille, Cúchulainn fut mortellement blessé. Il s’est attaché à une pierre debout pour pouvoir mourir debout, mais il ne mourut pas avant qu’un corbeau ne se pose sur son épaule.
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NOMS DE LA TRIPLE DÉESSE
Dans l’histoire de Cúchulainn, la Morrigan est apparue devant le héros avant trois batailles et a pris trois formes pour l’attaquer. En retour, elle fut blessée à trois reprises et reçut trois bénédictions.
Le nombre trois était important dans la religion celtique d’Irlande, et était particulièrement associé à la Morrigan.
Selon de nombreux témoignages et interprétations modernes, la Morrigan n’a jamais été une divinité individuelle. Elle était une triple déesse, bien que les trois parties individuelles qui composaient son caractère étaient souvent sujettes à débat.
Dans de nombreux cas, elle n’a été nommée que sous le nom de Morrigan. Sous ce nom, elle pouvait apparaître comme une seule déesse ou comme l’une des trois.
Dans d’autres cas, le nom de Morrigan était donné à une autre collection de trois déesses.
Les déesses nommées comme faisant partie de la Morrigan étaient incluses :
- Badb
- Nemain
- Macha
- Anand
- Fea
Il n’y avait pas de liste définitive des trois déesses qui composaient le collectif Morrigan ou Morrigna.
Parfois, ces noms pouvaient être utilisés de manière interchangeable. Par exemple, la Morrigan était parfois appelée Badb, le Corbeau, même lorsqu’elle n’était pas clairement référencée comme faisant partie d’une trinité.
La triple nature de la Morrigan était également apparente dans les trois rôles qu’elle jouait dans les légendes de l’Irlande ancienne.
Si la Morrigan est le plus souvent évoquée comme une déesse de la guerre, de la mort et du destin, elle jouait également d’autres rôles. Sa triple nature n’était pas seulement évidente dans ses différents noms, mais aussi dans sa domination sur la terre et la royauté ainsi que sur la mort.
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LA MORRIGAN, DÉESSE DE LA SOUVERAINETÉ
Les histoires de la Morrigan qui apparaissent dans des ouvrages tels que le Cycle d’Ulster et le Cycle mythologique la montrent comme étant plus qu’une déesse sanguinaire de la violence ou un présage de mort.
De nombreux historiens interprètent ces histoires comme montrant la Morrigan sous la forme d’une déesse protectrice.
Par exemple, les raids de bétail du cycle de l’Ulster étaient intrinsèquement liés à la prospérité agricole. Le bétail représentait la fertilité de la terre et sa capacité à nourrir son peuple.
Dans cette interprétation de la Morrigan, elle ne se préoccupait pas des combats pour le bétail simplement par amour du carnage que de telles batailles provoquaient. Elle s’est impliquée dans les rafles de bétail parce qu’elles étaient liées à la terre, à sa fertilité et au bien-être de son peuple.
Plus évident que son rôle de déesse de la terre était la domination de la Morrigan sur la souveraineté et la royauté.
La mythologie irlandaise contient de nombreux exemples de déesses de la souveraineté. Par leurs faveurs, y compris les mariages rituels, elles donnaient symboliquement du pouvoir aux rois de la terre.
Dans le cycle mythologique, l’un des principaux événements est la guerre entre les Tuatha Dé Dannan et les Fomoriens, les précédents dirigeants de l’Irlande.
Avant la bataille décisive, la Morrigan emmène le Dagda, le chef des Tuatha Dé Dannan, sur les rives d’une rivière. Après leur rendez-vous, elle promet de l’aiderà vaincre les Fomoriens.
Lorsque la bataille a commencé, la Morrigan ne s’est pas délectée des effusions de sang et de la destruction. Au lieu de cela, elle s’est calmement placée au front et a prononcé un poème silencieux.
Aussitôt, la bataille fut brisée et les Fomoriens furent jetés à la mer.
En interprétant la Morrigan comme une déesse de la souveraineté, il est facile de voir comment son rôle se joue dans le cycle mythologique. En consommant son union avec la Dagda, elle l’a symboliquement oint comme roi et, une fois cela fait, la victoire de son peuple était destinée.
La rencontre de la Morrigan avec Cúchulainn peut être interprétée de la même manière.
L’offense du héros ne consistait pas seulement à insulter la déesse, mais aussi à ne pas reconnaître son rôle de déesse souveraine du pays.
Cúchulainn a laissé entendre que la vache que la Morrigan menait n’était pas la sienne, bien qu’en tant que déesse souveraine et déesse de la terre, tout le bétail de l’Irlande lui appartenait et qu’elle pouvait le donner et le prendre comme elle le souhaitait. De plus, il tenta d’obtenir des réponses de son compagnon masculin et se comporta comme si une femme lui avait répondu, niant encore plus le rôle de la Morrigan en tant que véritable souveraine.
L’offre d’amour de la Morrigan à Cúchulainn, même après ces insultes, peut être interprétée comme une offre de lui donner de l’autorité plutôt que de continuer à servir sous le roi d’Ulster. En la refusant, Cúchulainn a renoncé à toute possibilité de s’élever dans la hiérarchie.
Dans cette lecture de l’histoire, Cúchulainn était destiné à mourir non pas parce qu’il avait personnellement offensé la Morrigan. Au contraire, son offense était contre la terre d’Irlande elle-même et le concept d’autorité divine.
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LES ORIGINES CONFUSES DE L’HISTOIRE DU ROI ARTHUR
Une croyance commune à l’ère moderne est que la Morrigan a survécu dans l’une des légendes les plus célèbres de Grande-Bretagne. Beaucoup pensent qu’elle est l’inspiration de Morgane le Fay, la sorcière de la légende arthurienne.
Morgane est identifiée comme le fay, un terme français à peu près analogue au mot irlandais sidhe.
Dans les premières versions des légendes arthuriennes, à commencer par la Vita Merlini de Geoffrey de Monmouth au 12e siècle, Morgane apparaît comme une reine de l’au-delà, dotée d’un pouvoir immense. Dans les contes ultérieurs, elle est devenue soit la sœur d’Arthur, soit son amant.
Dans les premières apparitions de Morgane le Fey, elle était une guérisseuse bienveillante et une conseillère du roi Arthur. Les récits ultérieurs, cependant, ont fait d’elle un personnage plus ambivalent.
Le lien supposé entre Morgane le Fey et la Morrigan est largement basé sur les œuvres d’écrivains français, qui ont développé les légendes du roi britannique et de sa cour.
Dans ces histoires, Morgane le Fey joue le rôle de la femme fatale. Elle devient une séductrice qui utilise à la fois sa féminité et ses connaissances magiques contre Arthur et ses chevaliers plutôt qu’à leur profit.
Cette représentation de Morgane le Fey est similaire aux histoires plus anciennes de la Morrigan, bien que le personnage arthurien travaille contre le roi plutôt que pour légitimer sa revendication. Comme la Morrigan, elle utilise l’amour et la magie pour imposer et changer le destin et déterminer la royauté.
Les similitudes, cependant, sont presque entièrement fortuites.
Le nom Morrigan vient de la racine indo-européenne mar, qui signifie terreur ou cauchemar. Son nom est souvent traduit par mar rignu, ou reine fantôme.
Morgan le Fay, cependant, est tiré de sources galloises. Le vieux mor gallois et breton faisait référence à la mer.
Morgan le Fay est dérivé d’une déesse galloise de la mer plutôt que de la déesse irlandaise de la guerre.
Bien qu’il y ait des similitudes entre les légendes galloises et irlandaises, les deux cultures étaient et sont encore bien distinctes. Comme leurs langues appartiennent à des branches différentes de la famille celtique, les similitudes entre les noms et les mots n’impliquent pas nécessairement une relation.
The Matter of Britain, l’ensemble des œuvres dont sont issues les légendes du roi Arthur, a été tiré de sources presque exclusivement galloises.
La plupart des ajouts ultérieurs étaient français. La sexualité de Morgan le Fay ne reflète pas le rôle de la Morrigan dans la mythologie irlandaise, mais l’attitude des Français du Moyen Âge à l’égard de la sexualité et du pouvoir féminin.
En fait, dans les légendes ultérieures, Morgane le Fey est plus fortement influencée par la sorcière grecque Médée que par la Morrigan. De nombreux récits qui mettent en scène sa trahison et sa cruauté rappellent les mythes irlandais, mais sont en fait inspirés de récits grecs plus anciens sur la femme meurtrière de Jason.
L’association entre la Morrigan et Morgane le Fey n’est peut-être pas factuelle, mais elle est restée dans l’imaginaire populaire. Bien que les personnages ne partagent pas la même racine, les récits modernes de la tradition britannique ont renforcé le lien car leurs auteurs voient des parallèles entre les personnages.
LA MORRIGAN ÉTAIT PLUS QU’UNE DÉESSE DE LA GUERRE
La Morrigan irlandaise est souvent considérée aujourd’hui comme une déesse violente et vengeresse qui a inspiré des sorcières ultérieures comme Morgane le Fay. En vérité, cependant, ces caractérisations ne sont pas tout à fait exactes.
Alors que l’imagination moderne considère généralement la Morrigan comme une déesse de la guerre violente et séduisante, son rôle réel dans la mythologie irlandaise était beaucoup plus compliqué.
La Morrigan était associée à la guerre. Elle a souvent servi de présage à la violence ou à la mort, et a inspiré le conte populaire ultérieur des banshees.
Si la Morrigan se réjouissait parfois de la violence, elle semble souvent avoir été impliquée dans un conflit dans un but bien plus large. En tant que déesse de la terre et de sa souveraineté, elle était liée à la guerre parce qu’elle était liée au destin de l’Irlande elle-même.
La sexualité de la Morrigan était une façon symbolique de légitimer le pouvoir d’un roi. Nombre des batailles auxquelles elle a participé ont été menées pour assurer le maintien de cette royauté.
En tant que déesse aux rôles multiples, la Morrigan était souvent considérée comme une collection de déesses plutôt que comme une divinité unique. La trinité des déesses qui composaient la grande Morrigan n’a jamais été fermement établie, mais les différentes divinités nommées illustrent les nombreux rôles de la Morrigan dans la mythologie irlandaise.
SOURCE : Le net …..