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Pourquoi en savons-nous si peu sur les druides ? 22 septembre, 2023

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Pourquoi en savons-nous si peu sur les druides ?

Cette puissante classe sociale celte était une menace pour l’Empire romain avant d’être englouti par le christianisme, mais leurs origines restent profondément enfouies dans les méandres du passé.

De Erin Blakemore
 
Le chef néodruide Arthur Pendragon assiste au lever de Soleil pendant les festivités du solstice d'hiver ...
Le chef néodruide Arthur Pendragon assiste au lever de Soleil pendant les festivités du solstice d’hiver de Stonehenge, en 2005. Malgré le peu de connaissances sur le druidisme ancien ayant traversé les âges, la pratique a refait surface à plusieurs reprises à l’époque contemporaine.
PHOTOGRAPHIE DE Chris Young, Pa., Ap

Les druides étaient-ils des prêtres pacifiques ou de dangereux prophètes ? Vouaient-ils un culte à la nature ou préparaient-ils une rébellion ? Nous ne savons pas grand-chose de cette ancienne classe sociale, mais ces lacunes n’ont jamais empêché les spéculations sur leur véritable nature.

Les premiers témoignages détaillés sur les druides remontent au premier siècle avant notre ère, mais il est probable que leur rôle particulier ait trouvé sa place dans les anciennes communautés de ce qui est aujourd’hui devenu la Grande-Bretagne, l’Irlande et la France bien avant cette date. Le témoignage en question provient d’une transcription latine du terme celtique désignant une classe sociale du peuple celte constituée de personnes dévouées à la prophétie et au rituel.

Étant donné que les Celtes avaient une tradition orale, tous les témoignages écrits concernant les druides provenaient de peuples tiers, notamment des Romains. Les druides « s’occupent des choses sacrées, ils dirigent les sacrifices publics et privés, et interprètent tout ce qui a trait à la religion, » écrivait par exemple Jules César en 50 avant notre ère, après avoir envahi la Gaule. L’empereur avait remarqué leur intérêt pour l’astronomie, l’éducation et la bravoure, ainsi que leur coutume de sacrifier leurs compatriotes gaulois pour s’attirer la grâce des dieux en mettant le feu à de gigantesques effigies humaines en osier où étaient enfermés des hommes vivants.

Illustration du 17e siècle représentant un Homme d'osier, une pratique celte au cours de laquelle, selon ...
Illustration du 17e siècle représentant un Homme d’osier, une pratique celte au cours de laquelle, selon Jules César, les personnes sacrifiées étaient entassées dans une effigie en osier qui était ensuite brûlée.
PHOTOGRAPHIE DE Fine Art Images, Heritage Images, Getty

D’autres auteurs romains ont également été obsédés par l’amour que vouaient les druides au sang et à la mort. Pline l’Ancien évoquait par exemple le goût des druides pour le gui et le sacrifice humain. « Le meurtre d’un homme était pour eux un acte attestant de la plus grande dévotion, » écrivait-il, « et manger sa chair signifiait s’assurer une santé bénie des dieux. »  Tacite a même fait état d’une bataille au Pays de Galle au cours de laquelle les druides « ont recouvert leurs autels du sang des captifs et consulté leurs dieux à travers des entrailles humaines. »

Ces dévots païens constituaient une menace existentielle pour les Romains, ces derniers craignaient le pouvoir exercé par les druides sur les communautés celtes conquises par Rome. Dans son livre, Jane Webster suggère que les visions apocalyptiques des druides ainsi que leurs rituels étaient perçus comme des actes de résistance par l’envahisseur romain qui s’est empressé d’éradiquer cette menace dès le commencement du règne d’Auguste, en 27 avant notre ère.

 

Les célébrations de l’équinoxe d’automne à travers le monde

À l'automne, des néo-druides et des amis arthuriens se réunissent à Stonehenge pour réaliser des rituels. ...
 
Diaporama

Au premier siècle de notre ère, le christianisme commença à se répandre en France et dans les îles Britanniques et au fil des siècles de nombreuses traditions celtes tombèrent derrière son voile. Cependant, les druides continuèrent de faire des apparitions dans la littérature médiévale, ce qui laisse entendre que ces prêtres païens sont plus tard devenus des guérisseurs ou des magiciens. Pourtant, étant donné que nous ne disposons d’aucun témoignage écrit sur les Celtes préchristianisme, il est quasiment impossible de vérifier les revendications historiques au sujet des druides. Néanmoins, les druides sont revenus plusieurs fois sur le devant de la scène au cours des millénaires avec notamment une résurgence à l’époque romantique et une réincarnation au 21e siècle sous la forme du néodruidisme.

Bien que, n’y voyant qu’une exagération de la réalité, les historiens aient fini par rejeter les allégations romaines sur les traditions religieuses prétendument brutales des druides, la controverse autour de leurs rituels macabres a refait surface en 1984. Cette année-là, un coupeur de tourbes avait déterré des restes humains dans le comté de Cheshire, en Angleterre, et sa découverte n’avait rien d’ordinaire : l’Homme de Lindow, comme il fut plus tard nommé, avait été conservé dans la tourbière depuis près de 2 000 ans. À première vue, il était devenu un « Homme des marécages » après avoir été blessé à la tête, poignardé et étranglé avant d’être laissé pour mort dans ces environs marécageux. Son estomac contenait du pollen de gui, ce qui alimenta les spéculations sur sa possible mort lors d’un sacrifice pratiqué, peut-être, par des druides, ou sur le fait qu’il était lui-même un prince druide.

Il est tentant de spéculer sur la véritable nature des druides, mais puisque la plupart des connaissances au sujet de cette ancienne caste sociale émanent de sources secondaires, il est impossible de vérifier la plupart des affirmations. Même le terme en lui-même semble avoir été utilisé pour désigner de manière générale des hommes instruits, des philosophes, des professeurs ou des hommes pieux intéressés par la nature, la justice et la magie. Et l’archéologie n’a pas plus de réponses convaincantes à offrir. « À l’heure actuelle chez les archéologues, il n’existe pas de consensus pour faire le lien entre des preuves matérielles et des druides, même au sein d’un pays donné, » écrivait Ronald Hutton pour le magazine History Today. « Quel que soit le lieu, nous n’avons jamais déterré d’artefact qui ait fait l’unanimité au sein des experts comme relevant du druidisme. » Les druides ont toujours été entourés de magie et de mystère.

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

SOURCE : https://www.nationalgeographic.fr/histoire/2019/11/pourquoi-en-savons-nous-si-peu-sur-les-druides?fbclid=IwAR1kWib9zMcT_n2UhaMVCgjiU7YEYqgpm_y9Ivf2eKWEdSCnTA4sMbw5j9U

La bible dévoilée 17 septembre, 2023

Posté par hiram3330 dans : Recherches & Reflexions , ajouter un commentaire

La bible dévoilée

 
La Rédaction

Par La Rédaction
13 septembre 2023
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D’après le livre d’Israël FINKELSTEIN et Neil Asher SILBERMAN  « La Bible dévoilée »Texte d’Henri ROUSTANdont j’ai tenté de faire un résumé qui ne peut remplacer la lecture du livre mais au contraire inciter à le lire.

Contrairement à l’opinion générale, la Bible n’est pas, dans ses premiers livres, l’histoire d’un peuple mais un mélange mythique et légendaire à des fins politico-religieuses. Certes on y trouve des données historiques cependant souvent anachroniques et transformées, la partie imaginaire y est dominante, elle a pour but de satisfaire à des fins politico-religieuses, incitant les Hébreux à reconquérir les royaumes du Nord avec l’aide assurée de Yahvé.

Le début de sa rédaction ne serait pas antérieure à la fin du VIII°S av J.C. (après – 720) et début du VII°S, au pays de Juda (du Sud), après la chute du pays d’Israël (du Nord) anéanti par les Assyriens.

Antérieurement, l’ensemble de la Palestine comprenait le royaume du Nord dit Israël, riche et opulent, installé pour la majeure partie dans les zones fertiles en « pays de Canaan » et ayant une population très développée et instruite, l’écriture y était très bien répandue. Le royaume du Sud dit de Juda était situé dans une zone peu fertile et pauvre en eau, les villages étaient épars, peu peuplés, les habitants pauvres et l’analphabétisme était très important.

Jérusalem n’était qu’une très modeste bourgade sans aucune richesse et n’avait pas les moyens de construire le temple que la Bible attribue à Salomon. Salomon et David n’étaient rien d’autre que ce que nous pourrions appeler des chefs de clan.

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A la chute du royaume du Nord (Israël) envahi par les assyriens, une partie de la population estimée entre 30.000 à 45.000 personnes fut prise et envoyée en Syrie pour y apporter leur savoir-faire, une partie demeura sur place et une autre reflua sur le royaume du Sud (Juda), les fouilles archéologiques montrent un accroissement soudain étonnant de sa population. Les habitants de Juda s’adonnèrent alors à une activité intense de purification religieuse et nationale et le temple qu’ils construisirent à Jérusalem concomitamment à la destruction ordonnée des autres sanctuaires permit, dans leur esprits, de conférer à Jérusalem une place politico-religieuse dominante.

Certes la Bible n’a pas commencé « ex nihilo », elle rassemblerait des mythes et légendes que maintenant les spécialistes affirment remonter pour les plus anciens à partir de l’an mil av J.C. Dans ce contexte, la Bible a recueilli, adapté, embelli et parfois totalement transformé un ensemble de mythes, légendes, poèmes, lois, pseudo prophéties, idées philosophiques, prescriptions religieuses, et quelques données historiques dont la chronologie n’est pas toujours exacte.

Que s’est-il réellement passé et comment ?

Les données archéologiques et les écrits retrouvés pour la plupart chez les assyriens et les égyptiens ont permis de revenir vers des données plus réelles.

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Pour les quatre premiers livres : la Genèse, l’Exode, le Lévitique et les Nombres, on y rencontre un mélange de diverses œuvres de source « jahvistes » exprimant les idées du royaume de Juda et d’autres de source « éloïstes » (Elohim – El) exprimant les idées du royaume d’Israël, ainsi que des parties afférentes au rituel dont les prêtres étaient à l’origine et s’attachant plus particulièrement aux règles de pureté formelle, de culte et celles des sacrifices.

Le cinquième livre du Pentateuque, le Deutéronome, apporte des idées plus récentes et plus indépendantes des précédents : il condamne impérativement les cultes d’autres divinités, centralise les sacrifices au Temple de Jérusalem et exprime le nouveau mouvement religieux d’une période plus tardive, il a été composé sans doute pour la majeure partie sous le roi Josias (639-609), et peut-être certaines parties lors de l’exil à Babylone (586-538). L’ensemble nécessite de se poser un certain nombre de questions.

Les patriarches.

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Les premiers questionnements viennent de savoir qui était et d’où venait Abraham ? Quelle est son histoire  et celle de Jacob et de Joseph ?

La préoccupation des divers rédacteurs bibliques n’était pas historique et ainsi la bible contient de nombreux anachronismes tels ceux-ci.

La compilation de leur vie passée a eu lieu fin VIII°S et VII°S Si l’on se fie au texte et qu’on recalcule les années en arrière, on parvient en -2000 pour l’arrivée d’Abraham dans les abords de Canaan dit la Bible d’Ur. Si l’on situe Joseph comme petit fils d’Abraham et fils de Jacob, on devrait avoir comme dates de sa vie une date très proche de -2000. Son histoire parle de chameaux transportant des caravanes, or ce n’est que fin du II° millénaire que ces animaux furent domestiqués et ce n’est qu’après 1000 qu’ils furent employés comme bêtes de somme. De plus la caravane de chameaux qui véhicule Joseph transporte aussi de la « gomme adragante, du baume et du ladanum », commerce surveillé par l’empire assyrien et en activité aux VIII° et VII°S.

Les fouilles archéologiques de Tell Jenmeh ne révèlent une augmentation spectaculaire d’ossements de chameaux qu’à partir du VII°S et ce ne sont que des ossements de bêtes adultes dont l’origine n’était pas locale.

Aucune trace d’arrivée d’un peuple extérieur n’a été retrouvée pour ces époques, on note par contre un va-et-vient entre les villes et les campagnes. Tantôt les villes se dépeuplent au bénéfice des campagnes et vice-versa, sans trace de guerre.

Abraham n’est pas venu d’Ur et le peuple juif est indigène.

Au sujet d’Isaac, le Bible dit qu’il rencontre Abimélek, roi des Philistins, dans la vallée de Gerar, or les philistins originaires de la mer Egée et d’Asie Mineure ne se sont établis à Canaan qu’à partir de 1200 a.c. La ville de Gerar n’était qu’une minuscule bourgade qui ne prit de l’importance que fin VIII°S et début VII° S ac. où elle est devenue un centre administratif assyrien fortifié et important.

Autre anachronisme historique la Bible décrit Jacob et sa famille comme des araméens errants (Dt 26-5). L’histoire du mariage de Jacob et Lea et Rachel et de sa relation avec son oncle Laban le mettant au temps des araméens lesquels ne sont mentionnés comme vivants au Proche Orient qu’à partir de l’an 1100 ac et ne seront importants dans le royaume du Nord qu’au IX°S ac.

De même l’histoire de la borne entre Aram et Israël à l’Est du Jourdain symbolise la partition territoriale entre ces peuples aux IX° S et VIII°S ac (Gn 31- 51-54)

Tous ces récits anachroniques ne font que décrire les relations entre les royaumes d’Israël et de Juda d’avec leurs autres voisins aux IX° et VIII°S ac et tendent à discréditer leur voisin les présentant comme issus d’une union incestueuse (Moab et Amom)

La plus révélatrice d’un montage politico-religieux est l’histoire des deux frères Jacob et Esaü, nés d’Isaac et Rebecca où Dieu déclare à Rebecca enceinte : « il y a deux nations en ton sein, deux peuples, issus de toi, se sépareront, un peuple Dominera un autre, l’ainé servira le cadet » (Gn 25-23). Il est dit ensuite qu’Esaü est l’ainé, Jacob le cadet, l’un géniteur d’Edom, l’autre d’Israël. Jacob (Israël) très sensible et cultivé et Esaü (Edom) un véritable rustre primitif. Ainsi la Bible utilise la parole de YHWH pour fixer les relations politiques alors que ce n’est qu’à partir du VIII°S qu’Edom acquière une identité politique et ne se révèlera un sérieux concurrent de Juda qu’à partir du commerce lucratif avec les arabes. Les preuves archéologiques le confirent. L’histoire d’Esaü est-elle mythique ou légendaire ? On ne sait pas. Que ce soit l’une ou l’autre des qualifications elles sont anachroniques et montées de toute pièce. (cf livre vers p 72 avant et après)

Ces anachronismes et bien d’autres prouvent que la rédaction de ces textes débute fin VIII°S et VII°S ac notamment pour les parties relatives aux patriarches. L’erreur a été de penser que la rédaction de l’histoire des patriarches, telle que racontée par la Bible, était historique alors qu’elle avait pour but de faire croire que le choix d’Abraham était de faire prévaloir le royaume de Juda, d’Hébron et de Shalem (Jérusalem) et ce dès le début de l’histoire d’Israël (pris au sens large du terme).

Au VII°S, le royaume de Juda espérait reconquérir un jour les territoires tombés aux mains assyriennes. Ainsi l’histoire d’Abraham qui poursuit les rois mésopotamiens qui ont capturé son neveu Lot et ce jusqu’à Damas et Dan (Gn 14 – 14-15) et libère son parent du joug mésopotamien rejetant les occupants étrangers loin des frontières Nord du royaume d’Israël sont une allégorie de la libération du royaume du Nord par celui de Juda, qui est leur rêve cher.

Le Deutéronome poursuivra en ce sens prônant l’idée que YHWH donne son soutien à la lignée de David roi de Jérusalem et sa protection au Temple de cette cité.

Qu’en est-il de l’Exode ?

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Les recherches archéologiques rendent invraisemblables les récits bibliques relatifs à l’Exode, sans compter tout le merveilleux et invraisemblable que contient ce récit. La réalité est toute autre.

Durant tous ces temps anciens, l’Egypte a été un pays très attrayant notamment pour les gens de Canaan lors des périodes de sècheresse à une époque où le delta du Nil était plus irrigué que de nos jours et comprenant cinq bras (au lieu de deux aujourd’hui). Le commerce avec l’Egypte était soutenu. Certes il y a eu des immigrations de sémites en Egypte en provenance de Canaan suivies d’une expulsion par Ahmosis (XVIII° dynastie en – 1570) qui les poursuivit jusqu’à Tell ed Daba près de Gaza dont l’archéologie constate l’abandon à cette époque de la citadelle. Ensuite Ramsès II entreprend la construction de nombreuses forteresses, notamment le long du bras Est du Nil rendant impossible la fuite d’un peuple, en contradiction complète avec le récit Biblique de la fuite du peuple juif soit disant esclave en Egypte.

Le but de cette fiction habilement inventée est très clairement dit par Boris Cyrulnik dans son livre « La psychothérapie de Dieu » page 128 : « Lors de la sortie d’Egypte, le Dieu des juifs, très en colère, a puni les égyptiens en leur envoyant les Sept Plaies sous forme de pluie de grenouilles, de nuées d’insectes, de morts des premiers-nés et finalement, de noyade de l’armée dans la mer Rouge… Le courroux vengeur de ce Dieu, en sauvant le peuple juif, a exigé pour prix de cette libération une obéissance stricte en punissant les ingrats qui ne se soumettaient pas à sa loi. »

La conquête de Canaan (pages 129 ss)

Comment une petite peuplade du désert a-t-elle pu se rendre maître des terres cananéennes riches et puissamment gardées par des forteresses garnies de guerriers professionnels bien armés et munis de chars de guerre ?

La Bible nous le narre de façon irréaliste, allant de victoire en victoire avec l’aide de YHWH qui fit notamment s’écrouler les murailles de Jéricho, le tout semant une véritable panique chez les habitants des autres cités, soumettant aussi les gabaonites pourfendant les troupes du roi de Yarmut, de Lakish et Eglôn, et là YHWH arrête le cours du soleil de façon à permettre aux armées de Josué d’exterminer ses ennemis. Puis Josué poursuit vers le Nord écrase en Galilée une armée issue d’une coalition de rois cananéens du Nord, armée « nombreuse comme le sable au bord de la mer, avec une énorme quantité de chevaux et de chars » (Jos 11 4), et ils détruisent Haçor la plus importante cité de Canaan qu’ils réduisent en cendres. (Jos 11 – 10)

L’archéologie a étudié les divers lieux de Canaan de l’époque de ladite conquête décrite par la Bible soit vers les années -1230 -1220 ac. Les tablettes retrouvées en Egypte relatives à cette époque, attestent du maintien et de la puissance des cités cananéennes alors provinces égyptiennes où les troupes égyptiennes étaient stationnées. Les puissantes fortifications des villes citées par la Bible n’étaient en ces temps là pas encore érigées, les égyptiens s’y opposant de façon de tout maitriser à partir de leurs bases armées qui défendaient seules Canaan. En ces temps-là Ramsès II était très puissant. Les sites de Beth-Shéan au sud de la mer de Galilée a révélé une véritable place forte égyptienne. Elle contenait des inscriptions hiéroglyphes datant des pharaons Seti 1° (1294 – 1279) Ramsès II (1279 -1213) Ramsès III (1184 – 1153). Megiddo proche de Beth-Shéan, bien que n’étant pas alors une place forte, contient des témoignages d’une forte influence égyptienne jusqu’à Ramsès VI (XII°S ac) c a d bien après la prétendue conquête biblique.

Jéricho ainsi que l’atteste l’archéologie n’était, en ces temps, pas fortifiée, elle n’était alors qu’une modeste et pauvre petite ville sans mur d’enceinte.

L’endroit où Josué aurait prévu son embuscade est le tertre de Khirbet-et-Tell au Nord-Est de Jérusalem, à 2 km au Sud Est de Bethel sont en accord avec la description biblique (el Tell = la ruine en arabe et Aï la ruine en hébreu). C’était une importante cité au temps du bronze ancien abandonnée avant la présumée embuscade.

Au sujet des gabaonites qui demandent la protection des israélites, les fouilles n’ont révélé aucun vestige datant du bronze récent époque de la soi-disant conquête, de même pour les différentes cités soit El-Jib, Kephna, Béérot et Quiryat-Yéarim.

Il en est de même pour les villes mentionnées dans les autres écrits de la conquête et dans la liste des rois de Canaan (Jos 12) telles Arad dans le Neguev et Heshbôn en Transjordanie.

Les spécialistes sont également unanimes pour dire que les destructions de Bethel, Lakish, Haçor et autres cités cananéennes n’étaient pas le fait d’Israélites.

A l’avènement de Josias en 639 dans le royaume de Juda, la « sanctification » et l’unité des terres où se trouvaient les israélites n’était pas réalisée si ce n’est dans la partie centrale du royaume de Juda, le reste était sous domination assyrienne. Puis le pouvoir assyrien faiblit ce qui permit d’avoir recours à Josué et d’espérer une reconquête et le retour à l’unification et la « sanctification » de l’ensemble des royaumes de Juda et d’Israël. Tout un montage littéraire va être bâti à partir de l’histoire de Josué dont la Bible en fait le successeur de Moïse (Jos 1 – 1-9) et (Jos 1 – 16-18) relié à l’Alliance par une cérémonie de renouvellement (Jos 8 – 30-35), elle en fait aussi un fidèle lecteur de la Loi (Jos 1 – 8-9) (2 R 23-25). C’est de la pure idéologie, c’est en réalité le roi Josias que l’on installe derrière le mythe ou la légende de Josué, la proclamation de l’interdit des mariages avec les femmes étrangères et l’union ou plutôt la réunion Nord-Sud.

Qui étaient les israélites ?

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Bible ancienne

Les fouilles des villages israélites primitifs, leurs poteries particulières, leurs habitats, silos à grains ont permis de connaitre leur mode de vie et leur identité. On s’est ainsi rendu compte que ces peuplades étaient indigènes de Canaan et qu’elles ont progressivement développé une identité ethnique que l’on nomme israélite.

Il n’existe aucune preuve de conquête par les enfants de Josué et ils ne formaient pas une très ancienne nation comme l’affirme la Bible. Ces populations vivaient à un niveau de richesse et d’évolution très inférieur aux autres cananéens des terres plus riches et qui commerçaient avec les autres contrées et autres pays.

Une étude très étendue géographiquement a permis de découvrir un réseau très dense de villages de montagne prouvant une transformation sociale dans la région montagneuse de Canaan vers -1200. Aucune trace d’invasion violente ni d’infiltration de groupes ethniques étrangers n’est révélée mais une évolution dans les odes de vie, on note l’implantation de 250 communautés qui se considèreront plus tard comme des israélites. Ils pratiquaient l’élevage et les cultures céréalières. Tout était rustique et rudimentaire. On n’y rencontre aucune fortification, aucune arme, aucune trace d’incendie ou d’attaque. La lutte n’était pas contre les autres mais contre la forêt, les rocailles et les rigueurs climatiques. On n’y trouve aucune trace de bâtiments administratifs ni de maisons de dignitaires.

L’étude des fouilles a permis de savoir qu’il s’agissait de nomades qui s’étaient sédentarisés.

La première occupation des hautes terres débute au bronze ancien (3500 – 2200). Vers l’an 2200 la plupart des sites ont été abandonnés.

Une deuxième vague advient au bronze moyen (vers 2000) débutant en petits hameaux épars qui s’étendent progressivement sur 200 sites. Des petites villes apparaissent et on note au total jusqu’à 40.000 habitants. Les centres importants sont Jérusalem, Hébron, Bethel Silo et Sichem.

Puis on assiste à un dépeuplement vers le XVI°S.

Une troisième vague arrive vers 1200 ac par des communautés rurales qui arrivent à atteindre progressivement 250 sites et on l’estime à 45.000 habitants. Des bourgades et des grandes et des grandes cités se développent. Au VIII°S, on dénote 600 sites qu’on estime à 60.000 habitants.

Le résultat des études par les spécialistes aboutit à la conclusion que ce qui s’y est passé est à l’opposé des affirmations bibliques. L’émergence de ce qu’on nomme le peuple d’Israël fut le résultat de l’effondrement du système politique cananéen au XII°S. Les « israélites » ne sont pas venus de l’extérieur conquérir les terres cananéennes, ils sont issus de l’intérieur c a d c’étaient des indigènes. Le pays de Canaan n’a pas été conquis par les israélites.

Si l’on trouve dans bien d’autres endroits du Proche Orient ces mêmes phénomènes, un détail les différencie : aucun ossement de porc n’y a été retrouvé. Le porc n’y était ni élevé ni consommé et ce contrairement aux phéniciens, Amorites et Moabites.

Les « grands rois » David et Salomon

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La Bible, dans le livre de Samuel, présente le sacre de David, fils de Jessé, comme roi de toutes les tribus d’Israël, son sacre scellait le processus initié par les promesses que YHWH avait faites à Abraham. Son successeur Salomon étend les territoires du royaume de l’Euphrate aux terres philistines et aux frontières de l’Egypte (1 R 4-24), fortifie Jérusalem et y construit un grand et magnifique temple. Puis il fortifie des centres régionaux qui sont Haçor, Megiddo et Gezer, il construit en entretient des écuries pour abriter 40.000 chevaux et 12.000 cavaliers ainsi que 14.000 chars.

Certes il n’y a pas de doute, David et Salomon ont bien existé mais le récit biblique ne correspond pas du tout à la réalité, elle les a transformés en puissants et légendaires rois d’un immense territoire, alors qu’ils n’ont été que des roitelets d’un petit territoire pauvre et incapable de réaliser ce que la Bible leur attribue.

Les fouilles archéologiques sont tellement contraires à ces écrits que certains ont pensé qu’ils n’avaient peut-être jamais existé. Néanmoins les fouilles ont continué et des découvertes récentes (dernières décennies du XX°S) ont trouvé quelques inscriptions faisant état de la maison de David. Elles ont révélé que la superficie de Jérusalem du X°S était très réduite et le reste du royaume de Juda était très peu peuplé ; aucune trace de temple ni de palais qui aurait pu être édifié à cette époque n’a été trouvée et les ouvrages retrouvés sont d’une époque plus récente confirmé par une inscription assyrienne du IX°S et construites par le roi Ashab roi d’Israël (Nord). Les restes du palais de Megiddo sont de période plus récente.

David et Salomon ont subi le sort des personnages légendaires et ont servi la cause de la recherche d’unification des deux peuples d’Israël et sa justification, sorte de tentative de renaissance nationale destinée à regrouper et unifier ces peuples selon le désir de YHWH.

Fin VIII°S le royaume du Nord a été anéanti, une grande partie de la population déportée en Assyrie ou dans d’autres pays, et une autre a fui vers le royaume du Sud qui s’est alors soudainement développé par l’apport de cette population plus évoluée et plus ouverte commercialement. L’ambition du royaume de Juda et du roi Josias a été de reconquérir les territoires du Nord et d’unifier l’ensemble des terres sous la houlette de Jérusalem et de YHWH à l’exclusion de tout autre et que de ce fait tant le pouvoir temporel que le culte de YHWH devait se concentrer sur Jérusalem, le tout de façon à en faire le thème de la chute irréversible des occupants des terres du Nord et le triomphe de Josias devint un thème centralisateur, la Bible peignant les états de Juda et d’Israël comme des états jumeaux mais aussi antagonistes, ce que Josias allait réduire à néant en unifiant le tout. Pour cela la Bible fait de Josias l’héritier légitime des territoires du Nord de par une promesse faite par YHWH à David. Le tout doit passer par l’épuration religieuse du Nord et la destruction des sanctuaires de Bethel afin de tout concentrer à Jérusalem.

Le Temple dit de Salomon

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D’après les tablettes du XIX°S retrouvées à Tell el Amarna en Egypte, (ancienne capitale d’Akhénaton) Les hautes terres du Sud avaient un habitat clairsemé, seule une petite citadelle royale était érigée à Jérusalem, il n’est pas mentionné de temple ; l’économie de Juda tournait autour de la production autarcique des fermes individuelles et de groupes de bergers. Jérusalem et sa région ne comptait que 1.500 habitants. Il n’y a pas d’activité littéraire et l’analphabétisme est quasi général.

Dans ces conditions il était impossible que le temple que décrit la Bible comme étant construit pas Salomon soit édifié.

D’après l’archéologie, les premières véritables constructions datent de deux siècles après Salomon c a d fin VIII°S. La pierre taillée n’apparait qu’au VII°S.

La faiblesse du royaume d’Israël était-elle réelle ?

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Une vue d’un paysage paisible de Galilée. (source Wikipedia).

Le Bible dénie ou minimise de façon surprenante les règnes des rois dits « omrides » du royaume d’Israël (de Omri son premier roi).

Qu’en est-il à cette époque ?

Les fouilles entreprises à Samarie révèlent une très importante capitale du royaume dont l’aménagement et les constructions furent entamées à partir de -800 ac.

Au centre, un immense terre-plein de 3 ha a été aménagé accueillant le palais imposant des rois et les divers bâtiments administratifs. La décoration est de style assyro-phénicien.

Megiddo fut construite dans le même style architectural que Samarie. Il y a été établi de solides murailles de fortification et un accès sous terrain à une source d’eau capable de desservir la vie en cas de siège.

De même Haçor a beaucoup de ressemblance avec Megiddo, il y a été aménagé un accès à une source souterraine pour les mêmes raisons.

La ville de Dan au Nord d’Israël près des sources du Jourdain contenaient d’importantes fortifications avec au centre un sanctuaire en belles pierres taillées.

A Jezréel, un terrassement avec murs en casemates identiques à ceux de Megiddo soutenus par un glacis de terre le rendaient plus solidement étayé. Une ancienne douve creusée dans le roc de 8 mètres de largeur et 5 mètres de profondeur offrait une protection supplémentaire.

Gaza était également un site important et fortifié.

L’importance des omrides rois d’Israël est aussi attestée de façon indirecte par une inscription monolithique qu’a fait graver Salmanasar III (858 à 824) prétendant avoir vaincu les armées coalisées de Syrie, Phénicie et Israël, malgré le nombre très important de chars et de guerriers (pour Israël 2000 chars et 10.000 guerriers).

En réalité c’est une vantardise et les armées de Salmanasar III ont du rebrousser chemin en toute hâte. Les chiffres sont-ils exacts ? Peut-être, ou peut-être pas, ce qu’il faut retenir est qu’il a dû reculer devant des armées puissantes, ce qui fait ressortir la force et la puissance des rois d’Israël omrides à ces époques.

Une stèle retrouvée à Mesha indique qu’Omri avait fortifié les villes de Atarot et Jahay en pays moabite, c’est donc qu’ils s’étaient étendus en terres étrangères.

L’étendue de cet état est le signe d’une société multi ethnique avec une population hétérogène et des écosystèmes particuliers ainsi que l’a révélé l’archéologie. Israéliens phéniciens et syriens s’y côtoyaient, un mélange démographique s’était opéré et il a été facilité par les rois omrides pour créer une symbiose dans l’état. Ce mélange a été très critiqué par les rédacteurs de la Bible.

Après la chute des omrides au IX°S ac, la population s’y est maintenue, au VIII°S on l’évalue à 350.000 habitants, ce qui est très important. Le commerce méditerranéen y a été développé, le pays s’est fortement enrichi.

L’imposante puissance militaire des omrides, les remarquables réalisations architecturales et la structuration de son administration jointes à son ouverture d’esprit tant sur la tolérance religieuse que sur les rapports commerciaux font de cette période une époque particulièrement remarquable.

L’intention des judéens du VII°S était de dénaturer ces réalités pour démontrer leur état de péché, et de misère ayant entrainé leur destruction par le courroux de YHWH. Plus les omrides avaient régenté de façon prospère leur royaume, plus la Bible les montre abjectes, malfaisants, arrogants et méprisants. Pour minimiser leur puissance militaire, a recours à un anachronisme grossier en accusant le roi omride Achab de faiblesse pour avoir épargné la vie d’un roi ennemi qu’il venait de vaincre malgré une soit disant injonction de YHWH.

Qu’en est-il de la période post omride en Israël ?

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Ces 122 années furent très mouvementées pour le royaume du Nord on y vit une profonde transformation sociale puis un désastre économique ponctué par une menace constante des pays voisins.

Une première invasion fut l’œuvre d’Hazaël roi d’Aram-Damas vers 835, invasion dévastatrice. Uns inscription trouvée à tel Dan indique que Hazaël a tué Joram fils d’Achab, roi d’Israël et Ahasyahu de la maison de David (alors que la Bible impute la mort de Joram à Jehu qu’elle dit être l’auteur d’un coup d’état, lequel se serait ensuite opposé au royaume d’Aram-Damas). Hazaël occupe alors de façon définitive Haçor, Dan et Et-Tell sur la rive Nord de la mer de Galilée, de 850 à 800.

Le royaume d’Aram-Damas, après avoir pillé une bonne partie du Nord d’Israël et les principaux centres de la riche vallée de Jezréel se contente de contrôler la haute vallée du Jourdain. Furent incendiées les cités de Tel Rehor, Beth-Shéan, Tanak et Megiddo. Beth-Shéan et Megiddo furent alors abandonnées par ses habitants pendant plusieurs décennies. De ce fait le royaume d’Israël perdit des terres très fertiles. Il construit alors une ligne de cités fortifiées tout le long de la nouvelle frontière avec Israël. Le tout jusqu’au moment où le roi assyrien Adadnirari III vient en 811, soumettre le royaume d’Aram-Damas et le roi d’Israël Joas put ainsi recouvrir les territoires antérieurement pris par Damas. Son successeur Jéroboam II agrandit encore ses terres c’est le roi d’un règne recouvrant une certaine prospérité à partir de 800. Il reprit notamment Haçor qu’il détruisit et reconstruisit aussitôt. Une nouvelle période d’expansion démographique est attestée par l’archéologie et au VIII°S la population du royaume est estimée à 350.000 personnes contre 100.000 dans le royaume de Juda.

L’alphabétisation du royaume d’Israël se développe mais Jéroboam II meurt en 747 et aussitôt des factions divisent le pays qui voit se succéder une série de rois qui parviennent au pouvoir de façon violente, une dégradation générale s’en suit dans tous les domaines.

En 737 le nouveau roi assyrien Téglat-Phalasar III envahit les divers états voisins de l’Assyrie, notamment Israël qu’il soumet et même asservit, entrainant plusieurs vagues de déportation. C’et ainsi que la capitale d’Israël qui était alors Samarie enregistre la mort de son roi Menahem puis l’assassinat de son fils par un officier Péqah qui tente de réunir une coalition contre les assyriens, ce qui provoque une réaction encore plus violente de Teglat-Phalasar III entrainant de nouvelles destructions et déportations notamment en Galilée. A sa mort en 727, le royaume d’Israël est réduit à quelques pauvres territoires.

Haçor, Dan et Beth-Shéan qui avaient recommencé à revivre furent détruites, Megiddo également sauf la partie administrative et palatiale et transformée en administration assyrienne avec l’arrivée d’une population nouvelle. Il ne reste à Israël qu’une petite portion dans le secteur de Samarie mais de courte durée car soit Salmanasar V, soit Sargon II s’en empare ainsi que de sa région, nouvelle déportation. Certains historiens pensent que ce n’est par Salmanasar V mais Sargon II qui en serait l’auteur en 722, tel que c’est relaté dans les chroniques de Sargon II.

Les deux déportations, celle de Teglat-Phalasar III et celle de Sargon II portèrent au total sur environ 45.000 personnes habitants le royaume du Nord.

Une autre partie importante de la population reflue alors vers le royaume de Juda.

Mais pourquoi le royaume de Juda ne subit-il pas le même sort que celui d’Israël ? Ce pays pauvre et arriéré n’attirait la convoitise d’aucun souverain ce qui va permettre l’afflux de cette population venant du Nord, active et plus évoluée, et ce royaume va se développer malgré des conditions moins favorables.

Le développement du royaume de Juda (pages 344ss)

Ce n’est qu’au VII°S que l’on voit apparaitre une architecture à base de pierres appareillées et de chapiteaux proto-éoliques de style omride, en même temps que des ostraca et des unités de poids en pierre, signe du développement du commerce, et la culture des olivier et de la vigne s’y développe ainsi que des exportations.

Jérusalem qui, au XIV°S ac était estimée à 1.500 habitants se développe à une allure vive et la ville atteint rapidement 75 ha et sa population est alors estimée à 15.000 ha.

L’ensemble des régions agricoles se développe, d’autres centres urbains naissent tels Lakish dans la Shefalah et le pays vient à compter jusqu’à 120.000 ha au lieu de quelques dizaines de milliers antérieurement. L’état et ses rouages se constituent.

Dans le même temps se crée une nouvelle religion nationale, rejetant les diverses déités antérieures pour ne retenir que YHWH, ainsi naquit un monothéisme juif ou plutôt un hénothéisme. En réalité c’est la reprise d’une école de pensée cristallisée fin VIII°S ac qui considérait pour la première fois comme impies les divers cultes anciens pratiqués surtout dans les campagnes.

On aboutit alors au règne du roi Ezéchias qui fortifie Jérusalem, en assure l’alimentation en eau en cas de siège, centralise l’administration du royaume, fortifie d’autres villes, telle Lakish, et prépare une révolte contre l’Assyrie et son nouveau roi Sennacherib.

D’après les écrits assyriens, Sennacherib, à la tête d’une puissante armée, assiégea 46 cités, réalisa un butin magnifique en humains, animaux divers, objets de valeur et emprisonna Ezéchias. Il fait beaucoup de destructions destinées à affaiblir pour longtemps le royaume de Juda

En 698, Manassé, fils d’Ezéchias, peu après son accès au trône, permet à nouveau les pratiques religieuses anciennes et ce en vue d’un apaisement pour les gens des campagnes.

A la mort de Manassé en 642, les deutéronomistes mécontents de sa politique d’apaisement qui redonna à Juda un certain renouveau, le présentent comme un roi cruel, le plus cruel de tous, et le pire des apostats.

Son fils Amon sera assassiné au bout de deux ans et on met son fils Josias au pouvoir, lequel trop jeune sera aux mains des deutéronomistes. Une campagne d’éradication de toutes traces de cultes anciens autre que YHWH est menée manu militari. Le Deutéronome modifie le rituel, ils disent avoir trouvé dans les ruines du Temple « Le Live de la Loi », contenant les principes fondamentaux du monothéisme, présenté comme une découverte lors de la rénovation du Temple.

Tous les sanctuaires autres que le Temple de Jérusalem sont détruits et une « chasse aux sorcières s’instaure dans tout le pays.

On réinvente alors une histoire ancienne de l’ensemble d’Israël, nait alors un sentiment fort de communauté nationale parmi a population.

Cependant les fouilles ont révélé que fin VII°S ac les autres pratiques religieuses n’ont pas été complètement éradiquées, on a retrouvé de nombreuses figurines notamment d’Ashéra debout tenant ses seins entre les mains, qui est sa position caractéristique.

En 609 le roi égyptien Noko II accède au trône, il veut asservir Juda pour des raisons encore inconnues

En 605, le nouveau roi de Babylone Nabuchodonosor envahit l’Assyrie, chasse les égyptiens et en 597 les forces égyptiennes descendent vers le royaume de Juda, pillant tout sur leur passage. Jérusalem et le royaume de Juda sont pillés et soumis, l’aristocratie et le clergé sont déportés à Babylone, et en 587 Nabuchodonosor marche à nouveau vers Juda, nouveau pilla et déportation massive. Le Temple est incendié ainsi que le palais royal et les maisons.

Les religions anciennes locales dans le royaume de Juda

1Rois 14, 22-24 nous dit que les habitants avaient construit sur des collines élevées et dans les arbres verdoyants (chose rare) des stèles et des pieux sacrés. Le 2 Rois 16, 2-4) précise que le roi Achaz a brulé son fils en offrande divine. Les spécialistes ont établi que c’était une pratique répandue sur la base d’un rituel complexe, en vue de se concilier les faveurs célestes pour la fertilité de la terre.

On a découvert de nombreuses figurines en terre cuite, encensoirs, vases de libation et présentoirs d’offrandes. Il s’agissait de pratiques variées et répandues dans tout le royaume. Les figurines étaient pour la plupart des déesses nues de la fertilité. Existaient des rituels propitiatoires pour la fertilité des terres, des bénédictions des ancêtres, des diverses sanctifications des possessions villageoises, champêtres et des pâturages.

D’après les coutumes, l’idée était qu’ils avaient reçu des anciens et de leurs divinités, leurs terres, leurs demeures et leurs tombes.

Des sacrifices étaient offerts soit dans des sanctuaires domestiques de l’enclos familial (au sens large), soit sur les tombes, soit sur des autels en pleine campagne. Un culte était certes voué à YHWH mais aussi à de nombreuses divinités.

Les prêtres brulaient de l’encens sur les hauts lieux des campagnes pour honorer le soleil, la lune et les étoiles. A Kimtillet Ajud, dans le nord est du Sinaï, on a retrouvé des inscriptions faisant référence à la déesse Ashéra épouse de YHWH et datant du début du VIII°S. De même une inscription découverte dans la Shéfalah de Juda mentionne « YHWH et son Ashéra ». L’archéologie a révélé que ce culte de YHWH associé à son Ashérah et à Baal et autres divinités, voire parfois des divinités des peuples voisins, étaient en usage à Jérusalem au VIII°S ac. A Kelosh un culte était rendu au dieu de Moab, à Milkon au dieu d’Ammon, à Astarté à la déesse de Sidon. (1 Rois 11 -5 et 2 Rois 23-13). Le livre d’Ezéchiel ch 8 décrit les « abominations » qui se pratiquaient dans le Temple de Jérusalem et notamment envers le dieu mésopotamien Tammuz. Enfin Jérémie se lamente que le nombre de déités vénérées dans Juda égalait celui des villes et que dans Jérusalem ce nombre égalait celui des rues (Jr 11 – 13)

La période exilique

Le livre de Jérémie décrit ce qui se passe alors à l’intérieur de la Judée et le livre d’Ezéchiel la vie des déportés.

Le royaume de Juda devient Yéhour (Judée) et ses habitants les Yéhoudim.

Miçpa, petite bourgade au Nord de Jérusalem en est le centre administratif. Godolias fils d’Ahikam, gouverne le pays, il tente convaincre les habitants de coopérer avec les Babyloniens mais certains d’entre eux fuient en Egypte.

Chez les exilés, la plupart vivent dans des zones pauvres proches de Babylone.

En 539, les Perses et son roi Cyrus soumettent l’empire babylonien, il permet aux juifs qui le veulent de retourner dans leur pays.

Un premier groupe de 50.000 personnes dirigé par Sheshbaççar sans doute l’un des fils du roi davidique exilé Joiakin ramène les trésors du temple pris par Nabuchodonosor. Ils posent les fondations d’un nouveau temple.

Une deuxième vague vient avec Josué et Zorobabel petit fils de Joiakin, ils construisent un autel.

Les samaritains qui désiraient participer à la construction du nouveau temple sont évincés et se plaignent à Cyrus lui demandant d’interdire sa construction mais Cyrus non seulement le permet mais autorise d’en payer le cout en puisant sur les revenus de l’état, et le temple est achevé en 516.

Le Scribe Esdras arrive avec une troisième vague d’exilés en 458, cependant Esdras constate des mariages avec des non juifs et les sermonne.

A la disparition d’Esdras, Artaxerxès confie l’administration à Néhémie pour reconstruire la ville de Jérusalem et ses remparts. Il y instaure des lois sociales et interdit l’usure. Tous imposent de suivre strictement les lois du Deutéronome réactualisé.

Les rapatriés réussissent à imposer leur autorité sur l’ensemble du royaume. Le peuple de Yéhoud fut gouverné politiquement par l’autorité perse et religieusement par les prêtres et le temple devint le symbole de l’identité du peuple.

L’avenir d’Israël biblique

Bien que le livre n’aborde pas ce sujet je rajouterai que se pose un problème : la reconquête, promise et assurée par Yahvé, n’a pas été obtenue, seules quelques modestes parties ont pu l’être. Pourtant la Bible avait promis l’aide de Yahvé lequel était plus fort que les autres dieux, Yahvé avait-il abandonné son peuple ? Pour éviter cette objection les rédacteurs de la Bible ont inventé la non-observation des principes religieux entrainant des sanctions divines. La Bible va constituer dans les siècles suivants les principes de solidarité et d’identité du peuple ainsi que l’expression cohérente de thèmes fondamentaux de la libération d’un peuple, de la résistance permanente à l’oppression, de la recherche d’égalité sociale et elle lui donne une origine, des espérances et une destinée commune nécessaire à la survie de toute la communauté par une fiction littéraire unique qu’elle est.

SOURCE  :   https://450.fm/2023/09/13/la-bible-devoilee/

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Les labyrinthes dans les églises : décryptage d’un mystère médiéval 10 septembre, 2023

Posté par hiram3330 dans : Recherches & Reflexions , ajouter un commentaire

Les labyrinthes dans les églises : décryptage d’un mystère médiéval

 
La Rédaction

Par La Rédaction
10 août 2023
Les labyrinthes dans les églises : décryptage d’un mystère médiéval dans Recherches & Reflexions labyrinthe-2-696x464

De notre confrère decoder-eglises-chateaux.fr – Par Laurent Ridel

Depuis le Moyen Âge, des labyrinthes sont figurés dans les cathédrales de Chartres, d’Amiens et d’autres églises. Leur signification reste mystérieuse. Comment ce motif, d’origine païenne, a-t-il été accepté par l’Église ?

Appelé aussi dédale ou chemin de Jérusalem, le labyrinthe est une figure géométrique complexeconçue pour désorienter celui qui y pénètre. Bien qu’il trouve ses racines dans la mythologie grecque, le christianisme s’est approprié ce motif, lui conférant de nouvelles significations.

En Europe, on dénombre une vingtaine de ces structures dans les églises, principalement en Italie, en France et dans les pays nordiques. Ce chiffre est probablement sous-estimé, une portion significative ayant probablement disparu au fil du temps.

La basilique Saint-Quentin à Saint-Quentin et son labyrinthe dallé
La basilique Saint-Quentin à Saint-Quentin et son labyrinthe dallé (Txllxt TxllxT/Wikimedia Commons)

Carrés, circulaires ou octogonaux, les labyrinthes se différencient aussi par leur support : ils peuvent être intégrés dans le pavage, peints sur les voûtes, sculptés ou même composés de mosaïques.

Leur signification fait l’objet de débats passionnés parmi les spécialistes. Je vous propose de parcourir cinq des interprétations les plus courantes, en y apportant ma propre analyse critique. Vous découvrirez que certaines des théories souvent répétées sur l’usage et la signification des labyrinthes manquent de preuves.

Aux origines antiques du labyrinthe

Je croyais chercher l’origine du labyrinthe dans la mythologie grecque. En réalité, l’historien grec Hérodote décrit un premier labyrinthe en Égypte. Les archéologues l’ont même retrouvé. Il s’agissait d’un bâtiment construit au XIIIe siècle avant J.-C., par le pharaon Amenemhat III. Son architecture consistait en une multitude de cours intérieures, de couloirs et de salles, au-dessus d’un niveau souterrain servant de tombeau. De quoi déjà s’y perdre.

Cependant, chez vous comme chez moi, le labyrinthe évoque surtout le mythe de Thésée et du Minotaure.

Minotaure et Thésée
Thésée tue le Minotaure, monstre mi-homme, mi-taureau. Mosaïque de la villa romaine Kerylos à Beaulieu-sur-Mer (Var) (Finoskov/Wikimedia Commons)

Vous vous souvenez sûrement de cette légende grecque. Le roi Minos de Crète fait construire un labyrinthe pour y enfermer le Minotaure, un monstre engendré par sa femme. Tous les neuf ans, le roi sacrifie un groupe de jeunes hommes et de vierges athéniens, qui sont envoyés dans le labyrinthe et invariablement dévorés par la bête. Ce cycle sanglant est finalement brisé par le héros de l’histoire : Thésée. Il réussit à tuer le Minotaure et à s’échapper du labyrinthe grâce au fil d’Ariane, une pelote de laine qu’il a déroulée depuis l’entrée du labyrinthe.

Ce mythe connaît une incroyable fortune dans l’Antiquité. Les œuvres classiques romaines comme l’Énéide de Virgile et les Métamorphoses d’Ovide le reprennent. Dans les villas et les bains de l’Empire romain, les sols se recouvrent parfois de mosaïques sur ce sujet.

labyrinthe villa
Labyrinthe d’une villa romaine à Rome (Carole Radato/Wikimedia Commons)

En revanche, aucun labyrinthe ne décore un temple ou un quelconque lieu du paganisme. Les chrétiens ont une autre vision…

Un recyclage par le christianisme

Au cours de son expansion, le christianisme intègre le motif du labyrinthe et lui confère une signification plus profonde, cosmique et religieuse. Tout comme le zodiaque, le labyrinthe dans les églises est une réinterprétation d’un thème antique, transformé pour se conformer à une perspective chrétienne.

La première instance de cette adoption apparaît très tôt, peu après la légalisation du christianisme par l’Empire romain. On la trouve dans un pays inattendu : l’Algérie. Mais au IVe siècle, l’Algérie faisait partie de la province romaine d’Afrique ; c’était une région en voie de christianisation et non islamisée. En 324, l’église Sainte-Réparate d’El-Asnam accueille en effet une mosaïque représentant un labyrinthe de forme carrée. En son centre, sont inscrits les mots « Sancta Eclesia ». Le chemin tortueux ne mène plus au combat du Minotaure contre Thésée, mais à la Sainte Église. 

Cependant, malgré cet exemple précoce, on ne trouve plus aucune autre occurrence de labyrinthe dans les églises pendant près de 800 ans. Cela ne signifie pas l’oubli du concept. Au contraire, le labyrinthe survit dans les manuscrits médiévaux. Des moines et intellectuels y mentionnent le mythe de Thésée et du Minotaure. Des enlumineurs peignent parfois des labyrinthes.

labyrinthe sur manuscrit
Ce manuscrit fabriqué au IXe siècle, le Liber evangeliorum d’Otfrid de Wissembourg, est une étape importante dans l’élaboration du dessin du labyrinthe : pour la première fois, il présente 11 spirales. Or, comme on va le voir, ce chiffre pourrait être symbolique (Bibliothèque nationale de Vienne)

Au XIIe siècle, les dédales entrent à nouveau dans les églises. Le phénomène s’observe principalement en France et en Italie. Les cathédrales d’Amiens, de Reims et de Chartres inscrivent le leur dans des pavages bicolores.

Significations et usages des labyrinthes

Qu’est-ce qui motive l’Église à insérer des labyrinthes à l’intérieur des lieux de culte ? Les historiens, les archéologues, les historiens de l’art, les amateurs de symboles, les passionnés d’ésotérisme, tous se sont emparés de la question sans se rallier à une explication commune.

Selon les lieux, le labyrinthe revêt, semble-t-il, des significations et usages différents. Certains sont monumentaux ; d’autres sont inférieurs à un mètre de diamètre. Certains intègrent des figures ; d’autres se contentent de montrer la géométrie parfaite de leur dessin compliqué. 

Auteur du livre The Maze and The Warrior (Le Labyrinthe et le guerrier), le musicologue Craig Wight (oui, même les musicologues s’y intéressent), tente toutefois une synthèse : dans tous les cas, le labyrinthe symbolise un défi qu’un homme — Thésée, le Christ, le pèlerin — relève en son centre et en sort victorieux.

Voici 5 hypothèses, plus ou moins solides, qui permettent de comprendre les labyrinthes.

Hypothèse 1 : la signature des bâtisseurs

Le labyrinthe correspond à une signature des architectes et des commanditaires de la cathédrale. La figuration de ces personnages à l’intérieur des labyrinthes d’Amiens et de Reims (détruit) conduit vers cette hypothèse.

Les bâtisseurs se voyaient comme les héritiers de Dédale, l’architecte grec du labyrinthe de Cnossos. À leurs yeux, la construction d’une cathédrale était comparable à la conception d’un labyrinthe. Dans les deux situations, la maîtrise de la géométrie est requise.

labyrinthe d'Amiens
L’évêque Evrard de Fouilloy et les 3 premiers architectes se partagent la pierre centrale du labyrinthe de la cathédrale d’Amiens. L’original est conservé au musée de la ville.

Un tel motif glorifiait les créateurs de ces grandes églises et rendait aussi hommage à la science de l’architecture et de la géométrie.

Mon avis : je suis favorable à cette interprétation. La localisation fréquente de ces labyrinthes dans la nef et non dans le chœur, espace des clercs, invite à donner un sens plus laïque que religieux à ces motifs. Mais l’explication ne fonctionne peut-être pas pour tous.

Hypothèse 2 : le symbole d’un monde dévoré par le péché

Dans certains labyrinthes de papier et de pierre, le centre est occupé par le Minotaure tué. Même dans un contexte chrétien, la légende grecque n’est donc pas occultée. Mais il faut la lire selon une symbolique chrétienne.

Par sa forme ronde, le labyrinthe représente le monde. Comme l’illustrent ses méandres, les tentations qui dévient le chrétien du salut y sont nombreuses. Au centre, le Minotaure est une sorte de Satan qui dévore les pécheurs. Le caractère mauvais de ce monde est renforcé par le nombre de lacets, souvent 11. Or ce chiffre, depuis saint Augustin d’Hippone, est associé à l’imperfection. Il dissone avec le 12, chiffre idéal d’un groupe (pensez aux apôtres, au zodiaque ou aux mois).

labyrinthe Chartres
La labyrinthe de la cathédrale de Chartres. Il se divise en 4 quartiers. Dans chacun le chemin dessine 11 spires.

Heureusement, le Christ, nouveau Thésée, peut sauver les hommes qui évoluent dans ce labyrinthe. Il est descendu sur Terre racheter les péchés de l’humanité et sa résurrection est une victoire sur la mort, en écho de celle du héros grec sur le Minotaure.

Mon avis : le symbolisme chrétien se fonde souvent sur des analogies, surtout quand il s’agit de recycler un thème païen. Donc, là aussi, l’explication me séduit. Elle entre en résonance avec l’hypothèse 5.

Hypothèse 3 : Un chemin de Jérusalem

En 1187, les chrétiens doivent abandonner Jérusalem aux musulmans qu’ils avaient reconquis à l’issue de la Première croisade. Les pèlerins ne peuvent plus se rendre dans la ville sainte et suivre les étapes géographiques de la Passion du Christ.

Selon l’historien Daniel K. Connolly, l’idée germe à Chartres de créer un substitut à ce pèlerinage perdu. Il prend la forme d’un labyrinthe établi dans la nef de la cathédrale. Les fidèles le parcourent à genoux en mémoire du trajet douloureux du Christ que subit le Christ de la maison de Ponce Pilate jusqu’au lieu de sa crucifixion. L’effort n’est pas négligeable puisque le parcours, aussi sinueux qu’une route de montagne, fait 261 m.

À Reims aussi, la pratique semble établie puisque le labyrinthe est qualifié de « chemin de Jérusalem ». À Amiens, l’historien de l’art Philippe Plagnieux explique : « parcouru à genoux pendant les grandes fêtes, il pouvait être le support de pratiques pénitentielles ».

Mon avis : Je me range à l’analyse de Patrick Demouy, autre historien de l’art et grand connaisseur de la cathédrale de Reims : « Ce n’est qu’à la fin de son existence, au XVIIIe siècle, que le labyrinthe de Reims, par exemple, est qualifié de chemin de Jérusalem. Et c’est surtout au XIXe siècle que s’est répandue l’idée de pieux fidèles parcourant le chemin à genoux ». Même constat à Chartres où le guide-conférencier Gilles Fresson constate qu’aucun texte ancien, antérieur au XVIIIe siècle, n’appuie cette thèse d’une dévotion pénitentielle et individuelle sur ces labyrinthes.

Enfin, la petitesse de certains labyrinthes, notamment en Italie, empêche ce genre de pratique. On ne s’abimait pas les genoux dessus.

intérieur cathédrale de Chartres
A l’intérieur de la cathédrale de Chartres, des hommes et des femmes semblent suivre les lignes du labyrinthe sans toutefois s’agenouiller. Gravure de J.-B. Rigaud, XVIIIe siècle.

Hypothèse 4 : Un chemin initiatique vers le salut

Selon ce point de vue, le labyrinthe chrétien symbolise le parcours de l’existence. « Le fidèle hésite, avance, revient en arrière, se perd pour enfin trouver le chemin », explique le professeur Michel Feuillet. L’historien de l’art Philippe Plagnieux renchérit : « il symbolise la complexité du chemin vers le salut, mais nulle bifurcation ne piège le pèlerin ». L’issue est inéluctable. Le centre serait la Jérusalem céleste promise à tous les élus.

labyrinthe reims
Reconstitution du labyrinthe disparu de Reims (sans ses effigies). Aucun risque de s’y perdre.

Mon avis : Je suis réservé sur cette explication. Oui, le chemin est tortueux et long, mais, regardez bien les labyrinthes chrétiens, ils ne conduisent nullement vers des impasses, ils ne proposent pas de fausses pistes. Autrement dit, le fidèle n’a aucune chance de s’égarer. Est-ce une métaphore de la vie ?

Hypothèse 5 : le support d’un rituel à Pâques

À Auxerre, lors de la fête de Pâques, les chanoines se livraient à une drôle de chorégraphie : autour du labyrinthe de la cathédrale, ils formaient une ronde et chantaient. À l’intérieur du cercle, leur chef, le doyen, parcourait le labyrinthe selon un pas rythmé et jetait un petit ballon jaune — une pelota — à un chanoine.

La scène peut sembler surréaliste, mais elle est décrite dans un texte liturgique de l’an 1396. Au cours du Moyen Âge, des prélats comme Eudes Rigaud ou Guillaume Durand, des prédicateurs, des conciles répètent l’interdiction des danses ou des jeux de ballon, dans les églises ou à proximité. Preuves qu’ils existent.

Que signifie cette drôle de chorégraphie dans la cathédrale d’Auxerre ? Le guide-conférencier de Chartres Gilles Fresson l’interprète ainsi :

« le Christ (Thésée) traverse les enfers (le labyrinthe) et affronte Satan (le Minotaure). Triomphant ainsi des puissances de la mort, il offre sa lumière (jaune) à tous ceux qui l’ont attendu : soit un chemin sûr (le déroulement de la pelote) vers la vie éternelle ».

À Reims, un récit décrit un autre rituel qui intégrait le labyrinthe ; les clercs formaient une ligne de la grande porte à l’entrée du chœur ; le labyrinthe se trouvait sur le parcours. Les clercs chantaient la sortie d’Égypte par les Hébreux et la Résurrection.

Le labyrinthe convient parfaitement à la symbolisation de ces deux épisodes forts de l’histoire biblique : son chemin enlacé équivaut à la longue route de l’exode des Hébreux sous la conduite de Moïse pendant que le combat gagnant de Thésée rappelle la victoire du Christ sur la mort, soit la Résurrection.

Mon avis : en tant qu’historien, je suis sensible à cet argument appuyé sur des textes d’époque. L’usage de certains labyrinthes comme support de rituel ne fait donc aucun doute. L’historien américain Daniel K. Connolly prévient cependant que ces preuves écrites sont tardives. À l’origine, les labyrinthes avaient peut-être une autre fonction. L’université Loyola de Chicago le suggère : « il est curieux que de si grands objets [les labyrinthes] ne servent qu’une fois par an ». Zut, moi qui rêvais d’avoir découvert l’explication unique.

Le labyrinthe dérange puis fascine

La mode des labyrinthes s’essouffle assez vite, dès la fin du Moyen Âge. Puis leur sens se perd. D’où nos difficultés à les comprendre aujourd’hui.

À partir du XVIIIe siècle, des églises réaménagent leur sol, retirant les pierres tombales et les pavages de labyrinthes. Les chanoines, dérangés par les distractions provoquées par ceux qui en parcourent les lacets, accélèrent les opérations. Des fidèles, notamment des enfants, s’amusent en effet à tourner et à courir sur les lignes du labyrinthe pendant les cérémonies religieuses.

En 1778, à Reims, le chanoine Jacquemart est prêt à débourser 1000 livres pour qu’on enlève le labyrinthe de la cathédrale. Ce sera chose faite.

Incompris, les labyrinthes disparaissent…

Mais très vite ils renaissent. Le labyrinthe de la cathédrale d’Amiens, retiré en 1825, est recomposé soixante-dix ans plus tard. Les cathédrales de Saint-Omer et d’Évry, la basilique Notre-Dame de Guingamp s’en dotent.

Labyrinthe d'Amiens
Le labyrinthe de la cathédrale d’Amiens, reconstitué en 1894

Ce motif vieux de plus de 2000 ans, retrouve du sens : il décore géométriquement le sol ; il devient métaphore de l’itinéraire spirituel, un chemin de vie au cours duquel le chrétien médite pour arriver à l’éveil.

En même temps, la France républicaine trouve encore matière à le recycler. Depuis 1985, le ministère de la Culture s’en sert en effet de logo pour les Monuments historiques. Les pancartes touristiques l’incorporent. Résultat, on n’a jamais vu autant de labyrinthes. Quel destin pour la prison du Minotaure !

logos monuments historiques
Le logo des Monuments historiques est une réplique en rouge du labyrinthe de Reims, à qui on a appliqué une rotation de 45° et supprimé les personnages. À droite, la version bronze désigne les sites patrimoniaux remarquables (centres-villes, quartiers ou villages).

Où trouver des labyrinthes ?

Les labyrinthes ne se limitent pas à la France. On en recense en Italie et dans quelques pays européens.

Les labyrinthes français

Ils se concentrent dans la moitié nord de la France. On peut même être plus précis : à l’exception de quelques cas, ils se rassemblent dans les archidiocèses de Sens et de Reims. Cette répartition a sûrement une signification. A mon avis, les cathédrales d’Amiens, de Chartres voire d’Auxerre, toutes sises dans ces vastes circonscriptions, ont lancé une mode que les cathédrales et églises voisines ont copiée.

Les labyrinthes français se distinguent par leur grande taille (un diamètre autour de 10 m) et par leur forme (un damier de pavés blancs et sombres).

– Cathédrale de Chartres. Édifié entre 1205 et 1210, il est sûrement le plus connu au monde. De forme circulaire, il se divise en quartiers, ébauchant la forme d’une croix. Ses dimensions sont exceptionnelles : dans ce cercle de 13 m de diamètre serpente un parcours de 261 m de long. Le site web de la cathédrale de Chartres prévient les visiteurs prêts à suivre ses lacets : il est interdit de marcher pieds nus et de s’arrêter.

Le labyrinthe de la cathédrale de Chartres
Le labyrinthe de la cathédrale de Chartres

– Cathédrale de Reims. Le labyrinthe, créé au XIIIe siècle et détruit en 1779, était composé de pierres noires incrustées dans le dallage du sol. Heureusement, son dessin est connu par un relevé au XVIe siècle qui montre une forme octogonale, complétée de bastions aux angles. À l’intérieur de ces bastions se trouvaient les figures des 4 architectes. L’octogone rappellerait la forme des fonts baptismaux, fonts dans lesquels Clovis fut baptisé.

La labyrinthe de Reims
Le dessin du labyrinthe de Reims nous est notamment connu par ce relevé du XVIe siècle par l’organiste Jacques Cellier (ms Français 9152, folio 77r, BNF)

– Cathédrale d’Amiens. Comme à Reims, il fut créé au XIIIe siècle puis détruit (en 1825). On le regretta. De la réfection du dallage au XIXe siècle, on profita pour le récréer. Les 3 premiers architectes Robert de Luzarches, Thomas de Cormont et Renaud de Cormont et l’évêque fondateur, Evrard de Fouilloy, occupent la pierre centrale, conformément à la disposition d’origine.

– Basilique de Saint-Quentin (Aisne). Son labyrinthe est posé vers 1495 dans la nef. Il est copié sur l’octogone d’Amiens. Manquent cependant les personnages.

– Cathédrale de Bayeux (Calvados). De dimension modeste, il se distingue par sa localisation dans la salle du chapitre (salle de réunion des chanoines). Il ne servait donc sûrement pas pour les pèlerins.

labyrinthe de Bayeux
Bayeux, le seul labyrinthe normand, a une forme octogonale.

– Abbatiale de Saint-Bertin à Saint-Omer (Pas-de-Calais). De forme carrée, il occupait le transept sud depuis sa création probablement au XIVe siècle. Le parcours dessine une petite croix. Il est détruit, mais une copie en dallage est visible dans le chœur de la cathédrale de Saint-Omer depuis le XIXe siècle.

 dans Recherches & Reflexions
Le labyrinthe disparu de l’abbatiale Saint-Bertin. 2401 carreaux le composaient.

– Cathédrale d’Arras. Localisé dans la nef, ce labyrinthe ressemblait à l’octogone d’Amiens. Il est détruit autour de la Révolution.

– Cathédrale d’Auxerre. Il a disparu lors du changement du sol en 1690.

– Cathédrale de Sens. Labyrinthe supposé de type chartrain, disparu au XVIIIe siècle

– Cathédrale de Poitiers. Mal daté, ce graffiti dessiné sur un mur ressemble à un arbre. Est-ce vraiment un labyrinthe ?

labyrinthe poitiers
Dessiné sur le mur nord de la nef, le labyrinthe de Poitiers ne peut pas être foulé.

– Cathédrale de Mirepoix. Au-dessus du porche septentrional est aménagée une tribune à usage de chapelle épiscopale. Cette chapelle de la première moitié du XVIe siècle est tapissée d’un carrelage en faïence. Sur un groupe de 4 carreaux, figure un labyrinthe dont le Minotaure occupe le cœur.

– Basilique de Guingamp. Son labyrinthe est créé au XIXe siècle. La pierre centrale est marquée des lettres « AVE MARIA ».

– Cathédrale d’Évry. C’est un labyrinthe moderne.

Les labyrinthes italiens

À la différence des cas français, ils sont petits. Composés de marbres ou de mosaïques, ils mettent plus en avant Thésée et le Minotaure.

– Cathédrale de Lucques. On le qualifie de « labyrinthe digital », car sa petite taille et sa position verticale obligent à le parcourir avec les doigts. Une inscription en latin dit : « C’est le labyrinthe que bâtit le crétois Dédale, duquel personne, une fois entré, ne put sortir excepté Thésée, aidé du fil d’Ariane ». Le sens païen est donc mis en avant.

labyrinthe de Lucques
Le labyrinthe de Lucques est aujourd’hui posé verticalement. On ne marche pas dessus (Myrabella/Wikimedia Commons)

– Basilique San Michele Maggiore à Pavie. Ce labyrinthe du XIIe siècle en mosaïque figurait Thésée et le Minotaure. Sur le côté, Goliath et David faisaient pendant. De style chartrain, il fait 3,3 m de diamètre. Installé dans le chœur, il est amputé. On ne voit même plus son centre. Un dessin du XVIe siècle existe heureusement.

– Abbatiale Saint-Pierre de Pontremoli. Ce labyrinthe en bas-relief ne se trouve plus à son emplacement d’origine. Une inscription curieuse en latin « Cours pour gagner » ferait allusion à un verset de la lettre de saint Paul aux Corinthiens.  

– Basilique Saint-Vital de Ravenne. Peut-être installé tardivement, dans les années 1538-1539, il reproduit un labyrinthe plus ancien. Il est relié à une autre mosaïque, l’Agneau mystique. Le labyrinthe serait alors les limbes dans lesquels le Christ serait descendu pour libérer les âmes.

– Eglise Saint-Savin de Plaisance. Consacré en 1107, ce labyrinthe aujourd’hui détruit ressemblait à celui de Pavie. Dommage il était peut-être le plus ancien du monde chrétien européen.

– Église Santa-Maria in Aquiro, Rome. Labyrinthe en marbre, détruit lors des rénovations du XIXe siècle. 

 Église Santa-Maria in Trastevere, Rome. Son identification comme labyrinthe est débattue.

Les autres labyrinthes en Europe

  • Église Saint-Séverin de Cologne (Allemagne), XIe siècle ou XIIIe siècle, détruit en 1840 lors d’un réaménagement intérieur. Sa pierre centrale conservée au musée figure Thésée tuant le Minotaure
  • Basilique Notre-Dame de Hanswijk (Belgique). Labyrinthe carré, en dallage, daté probablement du XIXe siècle.

Étrangement, l’Angleterre a boudé la mode des labyrinthes dans les églises. Par contre, les Anglais en ont dessiné sur l’herbe à proximité des églises. En 2013, la cathédrale de Wakefield a orné le sol de sa nef d’un labyrinthe circulaire. De même en 2009 le prieuré de Boxgrove.

Les pays nordiques sont la terre méconnue des labyrinthes. On en recense 10 au Danemark, tous peints, dont 6 disparus ou recouverts. Ils appartiennent au XVe siècle.

labyrinthe scandinave
À Hesselager (Danemark), le labyrinthe, peint sur la voûte, est accompagné du millésime 1445 ou 1485, d’une invocation à la Vierge et de croix-compas (Hans A. Rosbach/Wikimedia Commons

En Suède, signalons le labyrinthe de style chartrain de Grinstad (XIIIe siècle). On trouve enfin quelques exemples, associés avec des bateaux, en Finlande, à la fin du Moyen Âge.

Les labyrinthes sont vraiment un sujet international.

Prolongez la liste en commentaire, au cas, où malgré mes recherches, il m’en manque.

 

SOURCE  :    https://450.fm/2023/08/10/les-labyrinthes-dans-les-eglises-decryptage-dun-mystere-medieval/

ET SI LA FRANC-MAÇONNERIE ÉTAIT UNE PHILOSOPHIE DE L’AUTRE ? 6 septembre, 2023

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ET SI LA FRANC-MAÇONNERIE ÉTAIT UNE PHILOSOPHIE DE L’AUTRE ?

 

Tableau de Jean Beauchard Eklablog.

Tableau de Jean Beauchard Eklablog.

 

ET SI LA FRANC-MAÇONNERIE ÉTAIT UNE PHILOSOPHIE DE L’AUTRE ?

 

La Franc-maçonnerie est-elle une philosophie de l’autre et non pas une philosophie de l’être est-ce inconcevable ? Si elle était une initiation qui révèle l’autre, une épiphanie de l’autre. Après tout pourquoi pas, puisque qu’elle affirme être fondée sur la fraternité. Encore faut-il s’entendre sur la définition de la fraternité, n’est-elle qu’un mot ? Et sur l’autre, qui ne peut être un concept, en effet selon Aristote le concept est ce qui se réfère à l’essence et non au propre de l’autre. Le concept ne serait qu’objet et non sujet. Selon une définition classique le concept est la représentation abstraite d’un objet ou d’un ensemble d’objets ayant un caractère commun, une idée que se fait l’esprit humain d’un objet de pensée.

Depuis l’antiquité les philosophies sont des philosophies de l’être, elles réduisent la définition de la fraternité dans un rapport de l’être par rapport à moi, une réduction de l’autre à moi, ignorant sa différence radicale, sa singularité. Seul Levinas changera cette idée de l’autre, et deviendra la référence en terme de philosophie de l’altérité en  proposant un regard différent du visage de l’autre il concevra l’autre comme radicalement totalement définitivement absolument différent. Inaugurant une rupture par rapport au mot Frater qui considère la fraternité comme l’ensemble de l’espèce humaine illustrée par la formule : tous les hommes sont frères. Qui va même plus en envisageant un regroupement des hommes dans un au-delà suivant une autre formule mise en chanson : ce n’est qu’un au revoir mes frères, car nous nous reverrons tous… Cette fraternité prend la forme une forme communautaire, elle est même une suprématie que dénonce Levinas : un pouvoir de moi, de mon moi sur l’autre qui dès lors se transforme en objet, c’est le concept de l’autre. Qui passe de sujet unique à un objet, perdant tout ou partie de sa singularité. Autrui dans la philosophie de Levinas n’est pas moi ou une forme de moi, il est autre que moi. Sa pensée est différente de celle de Platon qui reconnaît la famille humaine comme Une, c’est aussi la pensée des religions monothéistes exprimée dans l’injonction : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Injonction que l’on retrouve dans le Lévitique (* 1) ou encore dans les Évangiles Marc(* 2), Mathieu (* 3), Luc (* 4), les Épîtres de Jacques (* 5), les Épîtres de Paul aux Romains (*6)aux Corinthiens (*7) et enfin les Épîtres de Jean. L’on trouve aussi cette injonction dans les Hadîths de l’Islam (*9) L’on peut aussi croiser cette injonction formulée différemment dans les traditions orientales comme le Bouddhisme, le Confucianisme, l’Hindouisme et en occident dans l’humanisme. Il demeure que cet amour fraternel de l’autre à une forme conditionnelle : je l’aime pourvu qu’il me soit semblable, cela ressemble bien à un repli identitaire. La fraternité devient se transforme en une sorte de complicité entre êtres semblables, une complicité avec mon prochain. Plus facile, à accepter et à réaliser, une sorte de fraternité entre-soi. C’est une fraternité atténuée, diminuée, en fait une solidarité vantée par Léon Bourgeois qui lutta sans succès pour quelle se substitue jusque dans notre devise républicaine. La fraternité, l’altérité devenant alors un rapport réciproque entre êtres semblables, un rapport symétrique de visage à visage. L’autre devenant exclusivement mon proche, mon prochain, je le reconnais comme tel, alors je lui donne l’accolade fraternelle.Nous sommes dès lors, même si ce n’est pas agréable à dire dans une catégorie de fraternité, une fraternité sélective. Qui introduit en creux une reconnaissance singulière, particulière donc non universelle, une fraternité du donnant donnant, une fraternité qui exclue la gratuité du don et qui écarte l’étranger.

Vous m’objecterez avec justesse que la Franc-maçonnerie qui puise ses valeurs et surtout ses vertus dans toutes les traditions et les philosophies est de ce fait universelle, que de plus le Franc-maçon initié ayant progressé vers les plus hautes sphères de la Connaissance spirituelle a pris conscience d’une religion universelle appelée Tradition Primordiale unique est donc aussi fraternel avec son proche, son prochain que son lointain. Est-ce aussi sûr ? Certes, il s’engage au terme de son initiation s’il en est un, à répandre dans le monde qu’il qualifie de profane les vertus et valeurs morales qu’il a reçues. Ce qui induit qu’il pense détenir de fait une suprématie sur l’autre qui ne posséderait pas ces vertus et valeurs. Il introduit donc un rapport de domination et non de responsabilité de l’autre. Le fait même qu’il soit le gardien de son frère introduit un rapport hiérarchique entre lui et l’autre. Comme le Franc-maçon sincère envisage de répandre sur toute la surface de la terre les vertus qui naissent de la charité. Il conviendrait peut-être de privilégier une formulation différente à l’injonction : tu aimeras ton prochain comme toi-même. Par tu aimeras tous les hommes, outu aimeras ton prochain et ton lointain, ou encore tu aimeras tout le vivant, ou enfin simplement tu aimeras. Ceux qui ont écrits les textes vétero et néotestamentaires ont forcément réfléchi à ce problème, c’est pourquoi peut-être ils ont fait précéder cette injonction d’une injonction plus originelle, plus créatrice tu aimeras ton Dieu. Dieu que l’on peut remplacer par Grand Architecte de l’Univers, c’est-à-dire un principe et non un concept.

Nous avons pris la mesure de la difficulté de définir l’autre, l’altérité et la fraternité ; à contrario de l’égalité et de la liberté qui peuvent êtres conçues, encadrées par des règles, parfois contestées mais il existe toujours une possibilité d’amélioration. La fraternité c’est plus difficile, d’ailleurs si l’autre est mon frère quel est notre père commun, notre origine commune ? Suis-je prêt à admettre que tous les hommes sur toute la terre sont mes frères ?

C’est là, je reviens à Levinas parce qu’il est génial ! Il rattache la fraternité à la justice qui est une conséquence de la fraternité. Pour lui la fraternité c’est autrui, c’est tous les autres et c’est la fondation de la justice. Si nous, nous arrêtons un peu en réfléchissant sur ce que nous demande la Franc-maçonnerie. Elle nous demande d’aimer les autres nos frères et de défendre la justice, de lutter contre toutes les oppressions, les tyrannies, les dictatures de toutes sortes. La philosophie de Levinas sa philosophie première est une métaphysique de l’éthique. Qui va au-delà de la morale qui régit les rapports sociaux, elle recherche de la plénitude de l’homme de sa complétude donc en analogie avec l’initiation maçonnique. La fraternité nous apparaît comme un avant ontologique et éthique, elle est originelle sans fin et sans commencement elle est. Elle fait partie de nous, elle peut surgir du tréfonds de nous-mêmes à tout moment, par exemple lors d’attentats comme Charlie Hebdo ou les Twin Towers de New-York ou un Tsunami, elle est donc espérance. Il nous faut en faire l’expérience, l’éprouver à travers un danger, elle ouvre la porte pour atteindre l’invisible, elle est le lien entre tous. Elle se manifeste lors de ces dangers, elle apparaît alors comme un lien entre tous les hommes, révèle notre humanité, notre compassion fraternelle, notre altérité diraient les bouddhistes. Elle attachée à nous-mêmes, elle est attachante, bien plus que l’égalité et la liberté qui ne peuvent se réaliser sans elle, à ce titre elle mériterait de trôner en tête de notre devise républicaine.

L’on pourrait aller jusqu’à dire qu’elle nous est consubstantielle liant cœur et raison. Hannah Arendt disait ce qui nous manque : « C’est un cœur intelligent. » Les Francs-maçons avec humilité le savent quand ils parlent de l’intelligence du cœur. Je dirais presque pour conclure qu’il nous faut savoir vivre en fraternité et au minimum être capable de partager le plus souvent possible des moments de fraternité comme l’écrivait Régis Debray. Décidément la Franc-maçonnerie qui fait une part belle à la fraternité, est sans doute proche d’une philosophie de l’autre qui présente des analogies avec celle de Levinas. Pour finir par un chant d’espérance je vous soumets ces quelques lignes du poète de l’Isle sur la Sorgues René Char : « Ensemble nous remettrons la nuit sur ses rails et nous irons tour à tour nous détestant et nous aimant jusqu’au étoiles de l’aurore. »

René Char. – Les Visages du temps- Une sérénité crispée.

 

Jean-François Guerry.

Notes et commentaires toutes les citations sont issues de la Bible de Jérusalem et les commentaires personnels.

*1- Lévitique : 19- 18 dans « Prescriptions morales et cultuelles. »

« Tu ne te vengeras pas et tu ne garderas pas de rancune envers les enfants de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Injonction qui croise celle de la genèse tu seras le gardien de ton frère. Qui fait référence à ton peuple et ton prochain semblant écartant les autres, les étrangers, les différents ceux qui ne sont ni de ton peuple et les lointains, les étrangers.

 

*2-Évangile de Marc 12- 31,32, 33 dans « Premier commandement. » « Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là (le premier était tu aimeras ton Dieu…) Le scribe lui dit : « Fort bien, Maître, tu as eu raison de dire qu’il est unique et qu’il n’y a pas d’autre que Lui, l’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence et de toute sa force, et aimer le prochain comme soi-même, vaut mieux que tous les holocaustes et tous les sacrifices. » L’on voit ici que le premier amour est celui de Dieu du principe de l’Un qui est tout l’alfa et l’oméga. Le second amour va vers le prochain et le lointain ? La conclusion fait remarquer que l’amour surpasse tous les dons ou que l’amour est le don le plus ultime jusqu’au sacrifice de soi. On remarque aussi l’alliance de la Raison et du Cœur pour parvenir à l’amour, cette union est l’intelligence du cœur.

 

*3-Évangile Mathieu : 7- 12 dans « Règle d’or. » « Ainsi, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : voilà la loi des Prophètes. » Loi des Prophètes mais aussi Loi maçonnique !

Évangile Mathieu : 22- 39 dans « Le plus grand commandement » « Le second lui est semblable (Après le premier qui est l’amour de Dieu) : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

 

*4 Évangile Luc : 10- 27 dans « Le grand commandement » « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute âme, de toute ta force et de tout ton esprit ; et ton prochain comme toi-même »

Évangile Luc : 10- 36, 37 dans « La Parabole du bon samaritain » « Lequel de ces trois, (Le prêtre, le Lévite et le Samaritain) à ton avis, s’est montré, s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands ? » Il dit Celui-là qui a exercé la miséricorde envers lui. » Cette parole semble être l’exception qui confirme la règle, c’est-à-dire que l’amour semble être universel, appliqué envers le lointain, le bon samaritain ne faisant pas de distinction entre les hommes en pratiquant la miséricorde vis-à-vis de son lointain. Reste une interrogation se sent-il responsable de son lointain ou supérieur à son lointain en lui accordant sa miséricorde ? Je dirais pour ma part qu’il pratique l’amour de son lointain en donnant ses deniers à l’aubergiste qui prend soin du blessé, parce qu’il fait ce don sans ostentation, comme doit le faire un bon Franc-maçon de manière à ne pas humilier celui qui reçoit, il ne recherche pas à obtenir un avantage pour son don.

 

*5,6,7 Épîtres de Jacques, Paul et Jean.

Épître de Jacques dans : « Le respect des pauvres ». 2- 8 « Si donc vous accomplissez la Loi royale suivant l’Écriture : Tu aimeras ton prochain comme toi-même, vous faites bien ; mais si vous considérez les personnes, vous commettez un péché et la Loi vous condamne comme transgresseurs. » Cette interprétation interroge une deuxième fois, donc il y aurait une exception supplémentaire à la règle d’amour vis-à-vis de son seul proche. Cela rejoint une fois de plus la Loi maçonnique qui impose l’amour de l’autre en général qu’il soit riche ou pauvre pourvu qu’il soit vertueux (Levinas ajouterait peut-être, même s’il n’est pas vertueux, comme un devoir absolu d’aimer l’autre.) Il s’agit là de l’amour de l’homme comme humain et non comme personne.

En 2-13 dans l’Épître de Jacques ont lit : « Car le jugement est dans la miséricorde pour qui n’a pas fait miséricorde ; mais la miséricorde se rit du jugement. »

 

Épîtres aux Romains 13- 8,9,10 dans « La charité résumé de la Loi. » « N’ayez pas de dettes envers personne, sinon celle de l’amour mutuel. Car celui qui aime autrui a de ce fait accompli la loi. En effet, le précepte : Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas, et tous les autres se résument en cette formule : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. La charité ne fait tort au prochain. La charité est donc la Loi dans sa plénitude. ». Cette Épitre s’inscrit dans un contexte des lois morales sociales qui font société, comme une réponse des croyants à des interrogations de non croyants démontrant que la Loi d’Amour s’applique dans l’humanisme également et pas seulement dans la religion.

Première Épître aux Corinthiens 13- de 1à 7. Dans « La hiérarchie des charismes. Hymne à la charité. » « Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, je ne suis plus qu’airain qui sonne ou cymbale qui retentit. Quand j’aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j’aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la charité, cela ne sert à rien. La charité est longanime ; la charité est serviable ; elle ne fanfaronne pas, ne se gonfle pas ; elle ne fait rien d’inconvenant, ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas, ne tient pas compte du mal ; elle ne se réjouit pas de l’injustice, mais elle met sa joie dans la vérité. Elle excuse tout, elle croit tout, espère tout, supporte tout. » On peut difficilement faire un hymne plus beau et bon de la charité, qui est ici totalité de la Loi universelle d’amour.

 

Première Épître de Jean 4- 7,8, 21 dans « Aux sources de la charité et de la foi » « Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour est de Dieu et quiconque aime est né de Dieu, et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu car Dieu est Amour.

Oui voilà le commandement que nous avons reçu de lui : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère.

 

SOURCE  :  Publié le 22 Juillet 2023 par Jean-François GUERRY

http://www.lafrancmaconnerieaucoeur.com/2023/07/et-si-la-franc-maconnerie-etait-une-philosophie-de-l-autre.html?utm_source=_ob_email&utm_medium=_ob_notification&utm_campaign=_ob_pushmail

L’Atlantide de Platon 9 août, 2023

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L’Atlantide de Platon

L’Atlantide de Platon dans Recherches & Reflexions ArcanaAoût 8

– De la Mythologie moderne à l’Histoire antique —

La légende de l’Atlantide :

Cela fait presque 2 400 ans que l’histoire de l’Atlantide fascine et attire de nombreux érudits et passionnés, qui se penchent sur le sujet. La question centrale concerne la réalité ou la fiction de l’île légendaire, puis dans un second temps, se pose la question de sa localisation et de la datation de l’hypothétique civilisation perdue. Pour finir, viennent ensuite les questions sur sa nature, le cataclysme de sa disparition, ainsi que l’hypothétique héritage qu’elle aurait laissé ! L’auteur de cette histoire nous livre la description d’une île fabuleuse, d’une société utopique aux multiples richesses. Une civilisation bénie des dieux, mais qui sombre dans l’arrogance et devient belliqueuse, provoquant sa propre destruction, ayant provoqué la colère des dieux.

Avant de commencer toute recherche, la chose essentielle est de considérer qu’il existe (uniquement) deux sources primaires à cette légende, soit « le Timée et le Critias » du philosophe Platon, écrits au cours du 4e siècle av. J.-C. Dans un second temps, d’autres éléments seront rattachés à la légende littéraire de l’Atlantide, mais a posteriori, et nous analyserons les principaux. Enfin, je vous proposerai une théorie « que vous pourrez retrouver de façon complète dans mon ouvrage », concernant les mystères de l’Atlantide, en me basant sur le récit platonicien, l’histoire et la mythologie antique.

Au niveau des historiens et archéologues, le consensus actuel présente l’Atlantide comme un mythe complexe, élaboré par Platon, en tant qu’allégorie politique pour ses contemporains. Il existe une autre hypothèse largement discutée, qui ferait de la civilisation minoenne (-2000 à -1200) de l’île de Crète une inspiration à la légende de l’Atlantide de Platon. Cette deuxième proposition trouve sa source dans l’éruption du volcan de Santorin (-1628 et -1600) qui aurait servi de base à Platon pour illustrer la destruction de l’Atlantide. Néanmoins, notons que la civilisation minoenne ne fut pas détruite par l’éruption de Santorin, mais va perdurer plusieurs siècles.

Dans le monde de la recherche alternative, il existe pléthore d’hypothèses sur la nature et la localisation de l’île mystérieuse, de l’Antarctique à la mer Morte en passant par les Açores, les fonds marins de l’Atlantique ou même dans les étoiles, l’Atlantide se retrouve partout ! D’ailleurs, certains chercheurs lui prêtent une nature mondiale, il s’agirait alors d’une ancienne civilisation détruite par un cataclysme (type déluge) et dont les traces se retrouveraient dans les vestiges de plusieurs civilisations antiques. La date de l’Atlantide de 9 000 ans avant Solon, dans le texte, correspond sensiblement à la montée des eaux du Dryas récent (-18 000 à -8500). De fait, on présente l’Atlantide comme une civilisation planétaire en lui associant de nombreux sites archéologiques à travers le monde, malgré le fait que ces monuments soient de datation variable et de civilisations parfois bien identifiées.

Que faire avec tout cela ?

L’Atlantide, un mythe protéiforme :

L’île légendaire de Platon n’a pas attendu le 21e siècle pour fasciner, et voici ce que les chercheurs nous ont transmis au gré des siècles de recherche. Notez bien que toutes ces données sont postérieures à Platon. Cette liste de références est non exhaustive et a simplement pour but de présenter la chronologie de la recherche et son évolution progressive, aujourd’hui très éloignée de la présentation du philosophe antique.

Les contemporains de Platon n’ont pas tous adhéré à la réalité de l’Atlantide, notamment Aristote et Ératosthène, qui n’accordent aucune validité à la légende. Il s’agissait pour eux d’un conte philosophique présentant l’utopie d’une gloire passée et incitant à son retour, le tout en ciblant les Athéniens. Diodore de Sicile (1er siècle av. J.-C.) va tenter de compléter l’œuvre de Platon en proposant une représentation géographique de l’Atlantide, grâce aux descriptions du philosophe grec, et place cette hypothétique civilisation dans la Méditerranée occidentale, entre la Sicile et Gibraltar. Dans sa bibliothèque historique, il ajoute de nouvelles légendes, notamment celle de Myrina, une princesse Amazone qui combat les Atlantes. Strabon (-60 à 20) déclare que l’histoire ne doit pas être une simple fiction et doit reposer sur une base historique. Il ne valide pas pour autant l’intégralité et suggère simplement que certains éléments historiques ont pu l’inspirer.

Par la suite, durant la fin de l’Antiquité et le Moyen Âge, la légende de l’Atlantide tombe progressivement dans l’oubli avant d’être exhumée pendant la Renaissance, suite aux traductions des textes de Platon par Marsile Ficin (1433 à 1499). L’Atlantide devient une terre de légende, siège d’un antique royaume « utopique antédiluvien » que les humanistes de l’époque vont idéaliser comme un nouveau paradis perdu. C’est également à partir de là que la description de l’Atlantide se trouve associée au mythe du déluge, ce qui n’était pas spécifiquement le cas chez Platon, comme nous le verrons par la suite. Au 17e siècle, l’auteur Francis Bacon (1561 à 1626) va amplifier le mythe avec l’écriture de « La Nouvelle Atlantide », où il propose la vision d’une société utopique dirigée par des sages. L’engouement pour l’Atlantide n’était pas près de s’arrêter, et la découverte du Nouveau Monde allait offrir de nouvelles perspectives à la légende. De fait, des auteurs comme Bacon commencent à situer l’île à divers endroits de la planète, bien loin du champ de connaissance grec de l’Antiquité. De nombreuses cartes fantaisistes circulent, plaçant l’île perdue dans l’Atlantique. De la même façon, le mythe d’Hyperborée suit le même chemin d’évolution. Il ne faudra que quelques siècles pour qu’ils se rejoignent, fusionnent ou s’opposent, suivant les auteurs.

D’autres emplacements apparaîtront progressivement au gré des découvertes, notamment en Antarctique, à l’île de Pâques, etc.

Ce qui est important de prendre en compte à ce stade, c’est que chaque nouvelle terre devient une « Atlantide potentielle » et je vous fais le pari que lorsqu’une nouvelle planète sera identifiée dans un autre système solaire, je ne donne pas une semaine pour que quelqu’un émette l’hypothèse qu’il s’agisse de la « véritable Atlantide »…

Au début du 19e siècle, c’est Goethe qui va assimiler la légende de l’Atlantide avec la mythique Hyperborée. L’île perdue de Platon devient le berceau du romantisme germanique, image d’un passé glorieux qui va lourdement inspirer le mouvement « Völkisch » du XIXe siècle et plus tristement certains dignitaires nazis, comme Heinrich Himmler. Ce dernier va créer une organisation appelée l’Ahnenerbe qui avait notamment pour mission de retrouver la trace des anciens Germains et de l’Atlantide, au Tibet, en Islande, au Groenland, à Dogger Bank, etc.

À la fin du 19e siècle, plusieurs mythes concurrents vont se construire, comme le continent perdu de Mu par Augustus Le Plongeon et popularisé par James Churchward et ses hypothétiques tablettes Naacals. C’est aussi la légende de l’Agartha ou le monde souterrain qui va apparaître, mais dans un roman de Louis Jacolliot en 1873. Par la suite, ce récit de fiction sera repris comme une réalité par de nombreux auteurs, notamment René Guénon.

Aux portes du 20e siècle, l’Atlantide n’est plus qu’un mythe antédiluvien parmi d’autres. Parfois mis en concurrence, parfois fusionnant, aboutissant à de nombreuses hypothèses. La légende de Platon va s’ouvrir de nouvelles portes grâce aux mondes du New Âge. Sous la plume du médium Edgar Cayce, l’Atlantide devient une terre magique (évhémérisme) où aurait fleuri une brillante civilisation plus avancée spirituellement et technologiquement que la nôtre. Paul La Cour crée la société Atlantis quelques années avant la Seconde Guerre mondiale afin de percer le secret des Atlantes qu’il présente comme les détenteurs de la tradition primordiale chère à René Guénon.

Après la Seconde Guerre mondiale, les hypothèses sur l’Atlantide continuent de se multiplier, se marient et se divorcent alternativement des autres mythes antédiluviens. Mais le changement principal intervient avec l’apparition du néo-évhémérisme (Théorie des anciens astronautes) par plusieurs auteurs, notamment Robert Charroux ou Erich von Däniken. L’Atlantide se trouve maintenant dans les étoiles, c’est du moins le scénario de la série Stargate, dont le créateur du film d’origine, ainsi que de 10,000, Roland Emmerich, s’est basé sur le livre de Graham Hancock, L’empreinte des dieux, qui présente l’Atlantide comme une civilisation mondiale ayant donné naissance aux grandes civilisations antiques que nous connaissons (Sumer, Égypte, Inde, etc.).

Nous arrivons alors au cœur du problème. Ce n’est plus la réalité qui inspire la fiction, mais l’œuvre de fiction qui produit les nouvelles réflexions sur l’Atlantide, et nous sommes bien loin des textes de Platon. Aux portes du 21e siècle, l’Atlantide n’est plus une « civilisation perdue », mais un « label » que l’on impose à toute anomalie archéologique ou à tout fantasme idéologique afin de légitimer ses dires. L’Atlantide en Antarctique, en Chine, en Afrique subsaharienne, au Tibet, sur Sirius ou dans une autre dimension sont autant de propositions illégitimes au vu des simples données des deux textes d’origine (le Timée et le Critias), qui ne présentent aucune technologie extraterrestre ou même démesurément avancée par rapport aux connaissances de l’Antiquité grecque. Pas plus que de machines volantes, ni de portes des étoiles, ni de bombe nucléaire. Platon ne fait pas mention de connaissance mystique supérieure ni même de pouvoir psychique.

Le label Atlantide s’impose partout, à Yonaguni, à Teotihuacan, à Carnac, à l’île de Pâques et bien d’autres. Il ne s’agit pas pour nous de nier la complexité de l’histoire des civilisations, bien au contraire, il s’agit de leur redonner de la précision et une chronologie en se basant sur les sources et les données archéologiques. Or, la légende de Platon nous présente simplement une civilisation de la haute Antiquité, qu’elle soit réelle ou imaginaire, avec des rites, des descriptions, une localisation « précise en réalité » et une suite d’événements qu’il nous semble possible de décoder. Il ne s’agit pas d’invalidé la possibilité d’un événement type déluge, d’une civilisation bien établie avant la période classiquement admise, ou même de nier qu’il ait pu exister (et c’est même probable) des civilisations non encore découvertes ou du moins identifiées. Mais ces questions ont-elles un rapport avec l’Atlantide ?

Qui est Platon, l’inventeur de l’Atlantide :

Nous allons fermer la porte de la mythologie moderne pour ouvrir celle de l’histoire antique, et la première étape consiste à reprendre la recherche à sa base, à savoir les deux textes du philosophe Platon. C’est lui qui utilise le terme « Atlantide » pour la première fois, mais avant d’analyser « le Timée et le Critias », il nous faut apprendre à connaître l’auteur, ses motivations et objectifs, ainsi que les connaissances géographiques et historiques de son époque. Platon est né en 428 av. J.-C. dans la cité d’Athènes, pendant la période classique. Il a vécu la grande époque de la démocratie athénienne, mais également la période de troubles qui a suivi la guerre du Péloponnèse (431 à 404 av. J.-C.).

Sur le plan historique, à l’époque classique, la civilisation grecque est déjà répandue sur le pourtour méditerranéen, en Sicile, en Italie, en Afrique, en Espagne, en France et bien sûr dans les Balkans et l’Asie mineure. Outre la civilisation grecque, c’est l’âge d’or de la civilisation carthaginoise en Méditerranée occidentale, le déclin des Étrusques et la naissance de Rome en Italie, et l’expansion de la culture celtique en Gaule, tous en contact commercial avec les comptoirs grecs.

La cité d’Athènes, qui a vu naître Platon, vient de subir une lourde défaite contre Sparte, et ses désirs d’hégémonie s’effondrent, du moins sur le plan militaire. La ville a du mal à se redresser et plusieurs gouvernements se succèdent, provoquant une large instabilité dans la vie sociale et les mœurs des Athéniens qui rêvent de leurs gloires passées, ce que les philosophes tels que Platon se chargeront d’illustrer.

Sur le plan des idées, de grands philosophes ont précédé Platon et l’ont inspiré, tels que Pythagore, Parménide, Héraclite, mais aussi et surtout Socrate, qui fut son maître. La jeunesse du philosophe semble le diriger vers une vie politique, et il participe un certain temps à la vie de la cité, notamment lors du règne des Trente Tyrans (404 av. J.-C.). Révolté par la violence du gouvernement, il quitte la vie politique pour se consacrer à ses études de philosophie. Platon aurait voyagé en Égypte (bien que cela reste de l’ordre de l’hypothèse, car le témoignage de Plutarque est daté du 1er siècle de notre ère) et séjourné chez les prêtres d’Héliopolis. Par la suite, il se rend à Tarente en Italie, où il perfectionne sa pensée métaphysique et ses critiques politiques. Il passe également par Syracuse en Sicile, un élément qui nous semble déterminant pour notre sujet. Il est important de noter que les influences de Platon se retrouvent chez de nombreux philosophes d’Ionie (Asie Mineure). De fait, que Platon se soit réellement rendu en Égypte ou non n’a que peu d’importance, sachant que les philosophes ioniens des 6e et 5e siècles avaient, de leur côté, de nombreux liens avec la terre des Pharaons, mais aussi la Mésopotamie.

De retour dans sa ville natale, Platon fonde l’Académie en -387, sur le modèle des écoles pythagoriciennes, ce qui atteste une nouvelle fois de son lien avec l’Ionie et la pensée mystique du philosophe. Vingt ans plus tard, Platon laisse la direction de son académie et prend une nouvelle fois la route de la Sicile. Platon enseigne toujours la philosophie, mais ses idées lui posent quelques problèmes avec les autorités, ce qui était déjà le cas dans la ville d’Athènes et ce qui pourrait expliquer son départ.

Le philosophe se retrouve en cellule pendant un an, pour avoir proposé sa vision politique au Tyran de Syracuse (Denys le Jeune, 397 à 343 av. J.-C.), sans succès. À sa libération, il rentre dans la ville d’Athènes, mais reprendra une dernière fois la route de Syracuse en 360 av. J.-C., où il composera les œuvres « le Timée et le Critias ». Platon meurt dans la ville d’Athènes vers 348 av. J.-C.

Le plus connu des philosophes antiques a écrit de nombreux textes, mais seuls deux parlent de l’Atlantide. Un troisième texte, l’Hermocrate, devait terminer la série et raconter la guerre entre les Athéniens et les Atlantes, mais Platon n’aura pas le temps de l’écrire ou bien le texte sera perdu. Ce qu’il faut retenir de Platon, dans le cadre du sujet qui nous intéresse, c’est qu’il n’était pas historien. Un génie sans aucun doute, mais également un homme habité par les passions de son temps, un philosophe politicien qui transmet par ses écrits des concepts sociaux et moraux. Une bonne part des travaux de Platon concerne en effet la métaphysique, l’immortalité de l’âme et bien d’autres sujets passionnants, mais sans rapport avec l’histoire de l’île mythique.

Platon est le premier à écrire le mot « Atlantide ». De nombreux auteurs antiques suivront, mais toujours dans une tentative d’interprétation des textes de Platon.

Le mot « Atlante », en revanche, se retrouve précédemment. Il a été employé par Hérodote (480 à 425 av. J.-C.) pour parler des habitants de l’Atlas, un peuple semi-légendaire qu’il n’avait jamais vu, mais qui se trouvait aux confins du monde connu : 

« Les habitants du pays disent que c’est une colonne du ciel. Ils ont pris de cette montagne le nom d’Atlantes » 

– Hérodote, l’enquête Livre 4 —

Dans la bouche d’Hérodote, les Atlantes sont un peuple légendaire à l’image des Hyperboréens. Il ne parle à aucun moment des peuples berbères d’Afrique du Nord qu’il nomme « Libyens » de façon générique. De la même façon, l’océan « Atlantique » a pris ce nom en référence au pays des Atlantes d’Hérodote : 

« Cette mer est une mer par elle-même, et n’a aucune communication avec l’autre; car toute la mer où naviguent les Grecs, celle qui est au-delà des colonnes d’Hercule, qu’on appelle mer Atlantique. » 

– Hérodote, l’enquête Livre 1 —

Platon est donc l’auteur du terme « Atlantide », qui pourrait se traduire par le pays des Atlantes, en référence au récit d’Hérodote, un peuple et un pays légendaires se trouvant aux confins du monde connu, sans plus de précision à ce stade.

À l’époque de l’écriture « du Timée et du Critias », Platon se trouve en Sicile et la Méditerranée occidentale est sous la domination quasi exclusive de Carthage sous la forme d’une thalassocratie. Une inspiration possible pour les descriptions de l’Atlantide ?

Pour finir le portrait de Platon, ce dernier était parfaitement au courant des connaissances historiques et géographiques du monde grec de son époque, comme nous l’avons vu, il connaît les travaux d’Hérodote (480 à 425 av. J.-C.) et ceux d’Hécatée de Milet (550 à 475 av. J.-C.). Il connaît l’existence des peuples de l’occident et de l’orient via ces auteurs (voir carte du monde d’Hérodote), mais connaît également les mythes fondateurs de la civilisation grecque, notamment celui du déluge de Deucalion qui fut raconté par Pindare (518 à 438 av. J.-C.): 

« Je dirai donc qu’à cette époque, un déluge engloutit la terre sous la profondeur de ses ondes; mais que bientôt les flots, refoulés au loin, rentrèrent dans les abîmes creusés par la puissante main de Zeus. » 

– Pindare, Olympiques IX —

Or, un premier constat, Platon n’associe pas le mythe du déluge de Deucalion avec la submersion de l’Atlantide, ni même avec le déluge d’Oxygès ! Sans plus de précision, il pourrait s’agir de deux événements ou mythes distincts. De nos jours, le rattachement du mythe du déluge n’est d’ailleurs associé à la seule Atlantide, mais à la plupart des cités mythiques.

Alors maintenant, avant d’ouvrir les textes de Platon, faisons le point sur la situation historique qui précède l’écriture « du Timée et du Critias », mais sans oublier que nous devons la regarder avec les yeux de Platon et non pas les nôtres, avec nos connaissances historiques du 21e siècle.

Au 5e siècle av. J.-C. : les Grecs ont remporté les guerres médiques contre la Perse (490 à 479 av. J.-C.), la colonisation grecque s’est étendue sur les pourtours de la mer Noire, l’Asie Mineure et la Méditerranée occidentale, notamment les Phocéens qui ont bâti Massalia (Marseille) vers l’an 600 av. J.-C. ou encore les Corinthiens qui ont fondé Syracuse au 8e siècle av. J.-C.

Les Grecs sont en contact commercial et parfois en conflit avec les Étrusques d’Italie du Nord (que les Grecs nomment les Tyrrhéniens, Étrusques étant le mot latin) et les Carthaginois qui dominent l’Afrique du Nord, l’Italie, la Sardaigne, le sud de l’Espagne et une partie de la Sicile, mais surtout, ils contrôlent le détroit de Gibraltar que les Grecs nomment les colonnes d’Héraclès (chez Pindare et Hérodote), colonne d’Hercule chez les Romains et autrefois appelées les colonnes d’Atlas du temps d’Hésiode (8e siècle av. J.-C.).

C’est ainsi que nous allons nous concentrer sur la Méditerranée occidentale, où rappelons-le, Platon a passé de nombreuses années. Atlantide faisant directement référence à l’océan Atlantique, c’est en occident qu’il faut chercher.

Les Grecs de Syracuse vont combattre à plusieurs reprises les Carthaginois, à la bataille d’Himmère en 480 av. J.-C. et les Étrusques à la bataille de Cumes en 474 av. J.-C. Ils remportent de brillantes victoires, mais de nouveaux conflits ont lieu avec Carthage entre 410 et 340 av. J.-C. (Deuxième guerre gréco-punique). N’allons pas plus loin dans la chronologie historique, car c’est dans ce terreau que Platon a écrit la légende de l’Atlantide.

L’Atlantide du Timée et du Critias :

Ouvrons les textes afin d’analyser certains des points clés de cette énigme, cela nous permettra de les confronter aux données historiques et géographiques. La taille modeste de cet article ne nous permettra pas d’explorer l’intégralité des textes de Platon, nous tenterons néanmoins de donner les éléments essentiels qui faciliteront la lecture des autres. Concentrons-nous sur les questions fondamentales de l’Atlantide de Platon : les sources de la légende, les dates et la chronologie, la localisation des Atlantes, la guerre avec Athènes et la destruction de l’Atlantide.

La source et la date : Dans ses textes, Platon nous dit que la légende de l’Atlantide est authentique et que le récit lui vient de Solon (640 à 558 av. J.-C.) via Critias (460 à 403 av. J.-C.), ce qui, vous en conviendrez, nécessite au moins un autre intermédiaire entre les deux.

Solon aurait rapporté le récit depuis l’Égypte, grâce aux prêtres d’Héliopolis, et les événements se seraient déroulés 9 000 ans avant Solon : 

« Avant tout, rappelons-nous qu’en somme il s’est écoulé neuf mille ans depuis la guerre qui, d’après les révélations des prêtres égyptiens, éclata entre les peuples qui habitaient au-dehors par-delà les colonnes d’Héraclès et tous ceux qui habitaient en deçà. »

– Critias —  

Il est important de noter que les anciens Grecs n’avaient pas une grande connaissance des civilisations qui les ont précédés, notamment en ce qui concerne la civilisation mycénienne. Celle-ci a régné en Grèce de 1600 à 1200 av. J.-C., possédait une écriture appelée le linéaire B et a laissé de nombreux vestiges. Les auteurs grecs ne connaissaient les Mycéniens que sous l’aspect légendaire de la race des héros, que l’on retrouve dans la mythologie fondatrice (Thésée, Persée, Héraclès, la guerre de Troie, etc.).

La datation de 9000 ans avant Solon est donc très fragile pour un peuple qui n’a pas d’estimation sur ses ancêtres directs. Il est à noter que l’exagération des dates et des nombres était un trait courant dans la culture grecque de l’époque, notamment chez Hérodote qui présentait de nombreuses extravagances dans ses récits (du moins largement exagérées par rapport à la réalité archéologique, notamment sur le chantier de Gizeh ou les hauteurs des murailles de Babylone, où il multipliait la réalité par dix).

La date proposée ne repose sur rien de concret et me semble être un piège qui engendre de nombreux biais méthodologiques, car pour dater, il faut avoir des repères temporels, même pour les grands philosophes que furent Solon et Platon.

Le récit nous parle ensuite d’un conflit entre les Athéniens et les Atlantes, entre ceux qui vivent des deux côtés de Gibraltar (colonne d’Hercule), comme le suggère la citation précédente, à laquelle nous pouvons ajouter celle-ci :

« Nous gardons ici par écrit beaucoup de grandes actions de votre cité (Athènes) qui provoquent l’admiration, mais il en est une qui les dépasse toutes en grandeur et en héroïsme. En effet, les monuments écrits disent que votre cité détruisit jadis une immense puissance (l’Atlantide) qui marchait insolemment sur l’Europe et l’Asie tout entières, venant d’un autre monde situé dans l’océan Atlantique. »

— Timée —

Athènes n’existait pas en 9000 av. J.-C., tout comme l’ancien empire égyptien d’ailleurs. Selon les connaissances actuelles de l’archéologie, la sédentarisation était à ses balbutiements en Anatolie, avec des sites tels que Göbekli Tepe et Çatalhöyük. Nous nous trouvons ici dans un processus philosophique visant à valoriser la cité d’Athènes.

La plupart des historiens considèrent que la guerre entre les Athéniens et les Atlantes illustre de manière allégorique le conflit avec les Perses lors des guerres médiques du début du 5e siècle av. J.-C. Cela peut sembler simpliste, mais nous y reviendrons par la suite, lors de nos propositions.

Bien qu’il soit indéniable que les textes du Timée et du Critias aient une visée avant tout politique ou utopique envers les Athéniens, cela ne signifie pas que la légende de l’Atlantide ne repose sur rien d’historique. Il est courant de transmettre des concepts philosophiques en s’appuyant sur des éléments réels, même si ces derniers peuvent être largement altérés, modifiés et exagérés. Nous tenterons d’explorer les diverses inspirations possibles utilisées par Platon et sur lesquelles il s’appuie pour créer la légende de l’Atlantide.

Pour conclure sur les sources et les datations, si le récit provient réellement d’Égypte, cela suggère que l’événement était connu de leur histoire ou du moins qu’il les a impactés. De plus, il nous faut chercher un conflit d’importance qui s’est déroulé en Méditerranée et qui s’est suffisamment éloigné dans le temps pour que les Grecs n’en gardent qu’un souvenir mythologique, soit avant la période archaïque, approximativement la période de l’introduction de l’écriture en Grèce (avant 900 av. J.-C.). Cela nous donne une fourchette temporelle assez large, entre -9000 et -900, mais nous pourrons la préciser davantage par la suite.

Le nom et la localisation : il a été donné par Platon en référence aux Atlantes d’Hérodote, mais le récit précise que ce n’est pas le véritable nom (qui devrait être en égyptien si l’on suit le texte). La première observation concernant le nom est que Platon souhaite nous donner une notion géographique. En d’autres termes, le récit du peuple légendaire se situe dans la région de l’océan Atlantique, ou du moins à la frontière occidentale du monde connu. Les récits placent l’Atlantide des deux côtés des colonnes d’Hercule (Gibraltar, comme nous l’avons vu précédemment dans les sources antiques de l’époque). Les Atlantes étendraient leur domination sur plusieurs territoires :

Or dans cette île Atlantide, des rois avaient formé une grande et admirable puissance, qui étendait sa domination sur l’île entière et sur beaucoup d’autres îles et quelques parties du continent. En outre, en deçà du détroit, de notre côté, «intérieur de la Méditerranée» ils étaient maîtres de la Libye jusqu’à l’Égypte, et de l’Europe jusqu’à la Tyrrhénie. 

– Timée — 

Ils régnaient sur beaucoup d’autres îles de l’Océan et, comme je l’ai déjà dit, ils étendaient en outre leur empire, de ce côté-ci, à l’intérieur du détroit, jusqu’à l’Égypte et à la Tyrrhénie. 

– Critias — 

Platon ne peut pas être plus clair : si l’Atlantide existe, et quel que soit son véritable nom, elle se situe aux portes de l’Atlantique et sur certains territoires de la Méditerranée et de la mer Tyrrhénienne. De plus, l’Atlantide correspond en tous points à une thalassocratie, un empire maritime. Ainsi, l’Atlantide ne se limite pas à un territoire unique, mais à une vaste zone d’influence.

Les terres méditerranéennes peuvent facilement faire référence aux îles de la mer Tyrrhénienne (Corse, Sardaigne, Sicile), aux îles Baléares, ainsi qu’au territoire d’Afrique du Nord et d’Espagne, notamment la cité disparue, mais bien réelle, de Tartessos. Plus difficile est l’interprétation de l’auteur concernant l’île principale qui se trouve dans l’Atlantique. Que veut-il dire exactement ?

D’ailleurs, quelles sont les connaissances des Grecs ou même des Égyptiens sur l’Atlantique ? Pour les Égyptiens, elles sont quasiment inexistantes. La navigation des anciens Égyptiens se limitait aux côtes orientales de la Méditerranée et de la mer Rouge. Leur connaissance des territoires au-delà de Gibraltar provient uniquement des navigateurs phéniciens et carthaginois qui, entre le 10e et le 5e siècle av. J.-C., contrôlaient Gibraltar et les voies maritimes vers l’Atlantique.

Quant aux Grecs, de meilleurs navigateurs que les Égyptiens notamment grâce à l’influence phénicienne, ils découvrent l’aventure atlantique dans la mythologie dès le 8e siècle av. J.-C., ce qui atteste d’une certaine connaissance, même limitée, du sujet. Au moment où Platon écrit, au 4e siècle av. J.-C., les navigateurs carthaginois sont les maîtres incontestés de Gibraltar, et les Grecs ont donc une connaissance modeste des terres au-delà. Les seuls éléments dont ils disposent proviennent des échanges avec les commerçants carthaginois, qui, d’ailleurs, sont bien informés des côtes atlantiques. Le commerce des Phéniciens et des Carthaginois avec les îles britanniques, notamment pour l’étain, est attesté grâce au voyage d’Himilcon au 5e siècle av. J.-C.

Il faut donc être prudent avec les éléments du texte de Platon. Quand il parle de l’île de l’Atlantide, s’agit-il réellement d’une île ou plutôt des terres espagnoles, portugaises ou éventuellement marocaines qui se trouvent dans les territoires inconnus de l’Atlantique ? Platon s’est probablement inspiré des connaissances maritimes des habitants de Syracuse, qui étaient en contact permanent avec les marins de Carthage, la seule puissance atlantique à cette époque. Il est d’ailleurs frappant de constater des similitudes entre les descriptions architecturales de l’Atlantide et le grand port de Carthage en Tunisie.

Certains avanceront que l’île principale de l’Atlantide se trouvait en pleine mer atlantique, et que les Açores n’en seraient qu’un vestige. Bien que cela ne puisse être affirmé comme inexact, il convient de souligner que la preuve est loin d’être établie. Nous sommes certains que les Carthaginois ont réussi à atteindre les Açores, mais tout le reste n’est que supposition sans preuve archéologique.

« De cette île on pouvait alors passer dans les autres îles et de celles-ci gagner tout le continent qui s’étend en face d’elles et borde cette véritable mer. Car tout ce qui est en deçà du détroit dont nous parlons ressemble à un port dont l’entrée est étroite, tandis que ce qui est au-delà forme une véritable mer et que la terre qui l’entoure a vraiment tous les titres pour être appelée continent. »

– Timée — 

Certains ont voulu voir l’Amérique dans l’Atlantide, mais cela soulève deux problèmes : les capacités de navigation et la datation des événements. À l’époque de Platon, les Grecs, ainsi que les Carthaginois et les Étrusques, utilisaient des trières, des navires performants mais principalement adaptés à la navigation côtière et non à la haute mer de l’Atlantique. Si l’on remonte quelques siècles plus tôt, les biremes phéniciennes sont moins performantes que les navires précédemment mentionnés, et le problème s’accentue si l’on remonte encore plus loin dans le temps.

Certains pourraient argumenter que l’Atlantide disposait d’une technologie bien supérieure à celle des Grecs ou des Carthaginois à l’époque de Platon. En réponse, j’attends des preuves archéologiques de navigations datables ainsi que des éléments dans les textes de Platon (Timée et Critias) attestant de l’existence de cette technologie dans la légende originelle de l’Atlantide. Nous ne pouvons donc pas rejeter logiquement la possibilité de navigation dans la zone géographique de l’Atlantide de Platon, qui s’étend du détroit de Gibraltar jusqu’à la mer Tyrrhénienne.

Quant au véritable nom de l’Atlantide, qui est né de l’invention de Platon, nous n’avons aucune certitude à ce sujet. En ce qui concerne la localisation, il est plus simple de constater que l’empire maritime qui domine le détroit de Gibraltar et les îles de la mer Tyrrhénienne, qui possède une civilisation puissante et prospère, finira par être vaincu par les Grecs après une terrible bataille. La civilisation punique répond parfaitement à tous ces critères géographiques, architecturaux et descriptifs, et la bataille d’Himère pourrait même être une analogie, car elle marque le moment où les Carthaginois sont repoussés de la mer Tyrrhénienne par les Syracusains (qui, bien qu’ils ne soient pas des Athéniens, sont néanmoins des Grecs). De plus, Platon écrit sur place à cette époque. Il ne nous manque plus que la destruction de l’Atlantide, et l’histoire serait une analogie parfaite, car Carthage était alors à son apogée et sa destruction n’interviendra que 200 ans plus tard.

Cependant, il est peu probable que l’Atlantide soit en réalité Carthage, car les deux étaient contemporains de Platon. En revanche, il semble que Carthage ait pu servir aisément de modèle sur plusieurs points, notamment en ce qui concerne les possessions territoriales et les descriptions en tant que modèle pour l’Atlantide.

La guerre de l’Atlantide : Quand et qui ? Dans le récit, Athènes rassemble une coalition sous son commandement pour affronter les Atlantes, mais quand cela se produit-il ? Athènes n’existe que depuis le 10e siècle av. J.-C. et n’était pas une cité importante avant le 7e siècle av. J.-C. L’illustration ressemble beaucoup à la grande coalition grecque contre les Perses lors de la bataille de Salamine (480 av. J.-C.). Si l’on pousse plus loin, cela ressemble également à la bataille d’Himère (480 av. J.-C.) déjà mentionnée. Ces événements auraient pu servir de modèle à Platon pour construire sa fable historique en changeant les noms, selon de nombreux historiens. Cependant, il existe une autre possibilité, plus ancienne, qui se déroule dans les temps anciens, l’âge des héros selon le point de vue d’un Grec de l’époque classique.

Aux 13e et 12e siècles av. J.-C., l’invasion des Peuples de la Mer a frappé les peuples de la Méditerranée orientale, entraînant la destruction de l’empire des Hittites, de la civilisation minoenne de Crète, de la civilisation mycénienne de Grèce continentale, et affaiblissant durablement l’empire égyptien. On appelle cette période l’effondrement de l’âge du bronze, et les origines et les causes de l’invasion font l’objet de nombreux débats au sein de la communauté scientifique, qu’il serait malheureusement trop long d’aborder dans cet article. Je vous renvoie donc au chapitre dédié à ce sujet dans mon livre, où je soutiens que les Peuples de la Mer étaient originaires de la mer Tyrrhénienne, des Baléares et des côtes espagnoles.

Lors de ces événements, Athènes n’existait pas, mais les Mycéniens si. Il s’agit de la fameuse période héroïque et mythologique des Grecs, et donc des ancêtres des Athéniens, Spartiates et autres Thébains. Platon place Athènes dans une perspective nationaliste, mais derrière ce voile, il parle probablement par analogie des ancêtres grecs de l’âge mythologique. Il est important de comprendre que la légende de l’Atlantide n’est pas une fin en soi pour Platon, mais une histoire destinée à ouvrir une réflexion intellectuelle. D’ailleurs, l’Atlantide n’occupe qu’une petite place dans les textes.

La destruction de l’Atlantide : S’il est bien une question épineuse, c’est celle-ci, et je doute que la longueur de cet article permette d’explorer l’intégralité du sujet.

Alors le dieu des dieux, Zeus, qui règne suivant les lois et qui peut discerner ces sortes de choses, s’apercevant du malheureux état d’une race qui avait été vertueuse, résolut de les châtier pour les rendre plus modérés et plus sages.  

– Critias —

« Mais dans le temps qui suivit, il y eut des tremblements de terre et des inondations extraordinaires, et, dans l’espace d’un seul jour et d’une seule nuit néfaste, tout ce que vous aviez de combattant fut englouti d’un seul coup dans la terre, et l’île Atlantide, s’étant abîmée dans la mer, disparut de même. Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, cette mer-là est impraticable et inexplorable, la navigation étant gênée par les bas-fonds vaseux que l’île a formés en s’affaissant. »

– Timée —  

« C’est cette guerre qu’il me faut maintenant raconter en détail. En deçà, c’est notre ville, dit-on, qui eut le commandement et soutint toute la guerre; au-delà, ce furent les rois de l’île Atlantide, île qui, nous l’avons dit, était autrefois plus grande que la Libye et l’Asie, mais qui, aujourd’hui, engloutie par des tremblements de terre, n’a laissé qu’un limon infranchissable, qui barre le passage à ceux qui cinglent d’ici vers la grande mer. »

– Critias —

L’association avec le mythe du déluge est une facilité, et pourtant bien hasardeuse. Platon, ayant connaissance du mythe de Deucalion, le mentionne séparément et de manière distincte du cataclysme de l’Atlantide. La connexion avec la montée des eaux du Dryas récent (-18 000 à -8500) est également évoquée. Cependant, il est important de rappeler que la montée des eaux du Dryas s’est produite sur une très longue période et n’a pas été un événement violent. L’hypothèse d’un cataclysme localisé, tel qu’un tsunami, une éruption volcanique ou un tremblement de terre, est envisageable, notamment dans la région du parc de Doñana en Andalousie, à proximité de l’antique cité de Tartessos.

Il est à noter que dans le récit de Platon, la flotte grecque « tout ce que vous aviez de combattant fut englouti » disparaît également avec l’engloutissement de l’Atlantide, ce qui nous conduit facilement vers l’idée philosophique du paradis perdu. On peut aussi faire le lien avec la gloire d’Athènes avant la guerre du Péloponnèse, qu’elle a perdue à cause de son arrogance. Alors, Athènes et l’Atlantide sont-elles différentes ? Platon joue avec ses auditeurs dans une habile fable philosophique, mais s’agit-il seulement d’une fable ?

Conclusion :

À ce stade de notre enquête, les motivations de Platon sont claires : il s’adresse à ses contemporains, véhicule l’idée d’une gloire ancienne et met en garde contre le risque de décadence d’un peuple glorieux pouvant sombrer dans l’arrogance (Atlantide/Athènes), mais aussi la possibilité de renaissance de ce même peuple, tel qu’à son âge d’or passé.

Nous pourrions aisément conclure que l’Atlantide est uniquement un conte philosophique, mais c’est toute la subtilité de l’œuvre de Platon. Plusieurs histoires se superposent et s’entremêlent, mélangeant histoire et mythe, et la difficulté réside dans leur séparation.

Au vu des différents éléments abordés, on peut distinguer plusieurs éléments historiques que Platon utilise pour créer le mythe :

  • Le souvenir et le traumatisme des guerres médiques contre les Perses, la victoire finale des Grecs lors des batailles de Salamine et de Platées, mais aussi les terribles pertes subies. Cela symbolise également l’union des Grecs contre l’empire arrogant des Achéménides (assimilés aux Atlantes dans le texte).
  • Carthage, la plus puissante thalassocratie de l’époque, qui règne de manière insolente sur les mers, tant l’Atlantique que la Méditerranée occidentale, les îles Tyrrhéniennes, l’Espagne, etc. Carthage offre la localisation et la description architecturale de l’Atlantide utilisées par Platon.
  • L’invasion des peuples de la mer, qui fut probablement une source d’inspiration en raison du traumatisme profond qu’elle a engendré. Cette invasion marque l’effondrement de l’âge du bronze récent (1200 av. J.-C.), et dans le récit de Platon, la datation de 9000 ans avant Solon permet un saut dans un passé mythique, en dehors des périodes connues des Grecs (avant l’an 900). Ainsi, le récit se place dans l’âge des héros mythologiques, tels qu’Héraclès ou Persée. C’est une façon de dire que l’Atlantide est très ancienne, mais surtout qu’Athènes l’est aussi.

Pour conclure, y a-t-il une inspiration centrale et historique derrière le mythe de l’Atlantide, cette civilisation ou cet empire de la mer, à chercher sur les terres maritimes de Carthage et à une époque associée aux invasions des peuples de la mer, soit les 13e et 12e siècles av. J.-C. ? Nous délaissons alors le nom inventé de « l’Atlantide » par Platon pour découvrir en arrière-plan la civilisation de Tartessos en Espagne, ainsi que les cultures Tyrrhéniennes de la même époque…

Ludovic Richer – Arcana 

Sources : 

Légende de la mer d’Airain 28 juillet, 2023

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Légende de la mer d’Airain

 
Jacques Fontaine

Par Jacques Fontaine
23 juillet 2023
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La mer d’airain est cette immense cuve pour les bains rituels, fondue par le maître bronzier Hiram, dont le nom varie selon les rites maçonniques. Elle est placée devant le Temple.

Une interprétation spirituelle dans un texte de 7 pages, écrit par un Daniel Beresniak halluciné, qui illumine le rituel du Conseil de Maîtres Installés du Rite Opératif de Salomon. Sont évoqués tour à tour les trois grands fondements du chemin initiatique : après l’inévitable et fondatrice Fraternité, les voies de la Souffrance ; enfin celle du Nulle part

Commençons par le texte splendide et éclatant de sous-entendus révélateurs et lumineux.

L’œuvre qui devait terminer le Temple était la « mer d’airain », une cuve colossale destinée aux sacrifices. À force de travaux et de veilles, Hiram avait achevé ses modèles et creusé avec art dans la terre l’empreinte de la « mer d’airain ». Elle devait être coulée sur place, solidement tenue par des contreforts de maçonnerie auxquels, plus tard, on devait substituer des sphinx gigantesques destinés à servir de supports. La fonte liquide envahissant plusieurs rigoles, le vide compris entre les plans devait emprisonner des barres d’or massif, rebelles à la fusion particulière au bronze et faire corps avec elles.

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            Sept fois le soleil avait fait le tour de la terre depuis que le minerai avait commencé de bouillir dans la fournaise couverte d’une haute et massive tour de briques, qui se terminait à soixante coudées du sol par un cône ouvert d’où s’échappaient des tourbillons de fumée rouge et de flammes bleues pailletées d’étincelles.

            Une excavacation, pratiquée entre les moules et la base du haut fourneau, devait servir de lit au fleuve de feu lorsque viendrait le moment d’ouvrir avec des barres de fer les entrailles du volcan.

            Pour procéder au grand œuvre du coulage des métaux, on choisit la nuit : c’est le moment où l’on peut suivre l’opération, où le bronze, lumineux et blanc, éclaire sa propre marche. Et, si le métal éclatant prépare quelque piège, il s’enfuit par une fissure ou perce une mine quelque part, il est démasqué par les ténèbres.

            Ainsi l’achèvement du Temple érigé à la gloire de l’éternel était l’épreuve solennelle qui devait immortaliser ou bien discréditer le nom d’Hiram. Jamais fondeur n’avait engagé si redoutable partie.

            Depuis treize années, Hiram avait dirigé cent mille ouvriers. Pendant ce temps, il avait réuni le bois, la pierre et les métaux pour ériger la demeure de l’Arche d’Alliance et cette demeure était digne de tous les éloges.

            Or, la construction de la « mer d’airain » devait être l’apothéose de ses efforts. S’il échouait dans cette dernière épreuve, tout serait pour lui comme si rien n’avait été. Et cet échec annulerait d’un coup la totalité de ses efforts et de ses mérites.

            Or, la fonte de la « la mer d’airain » était une œuvre gigantesque, un défi du génie à la nature et à l’opinion des experts qui, tous, avaient déclaré le succès impossible. Aussi, des gens de tout âge et tout pays, attirés par le spectacle de cette lutte, envahirent-ils de bonne heure la colline de Sion.

            Déjà l’étoile du soir s’abaissait sur la mer ; la nuit, profonde, épaissie des nuages roussis par les effets fourneau, annonçait que le moment était proche. Suivi des chefs ouvriers, Hiram, à la clarté des torches, jetait un dernier regard sur les préparatifs et, courant ça et là, s’assurait de mille détails. Sous le vaste appentis adossé à la fournaise, on entrevoyait les forgerons, coiffés de casques de cuir à larges ailes rabattues et vêtus de longues robes blanches à manches courtes, occupés à arracher de la gueule béante du four, à l’aide de longs crochets de fer, des masses d’écume à demi vitrifiées, scories qu’ils entraînaient au loin. D’autres, juchés sur des échafaudages portés par des massives charpentes, lançaient, du sommet de l’édifice, des paniers de charbon dans foyer qui rugissait au souffle impétueux des appareils de ventilation.

            De tous côtés, des ruées de Compagnons armés de pioches, de pinces, erraient, projetant derrière eux de longues traînées d’ombre.

            Une fanfare annonça d’arrivée dans la cour : Salomon parut avec la reine de Saba et fut reçu par Hiram qui le conduisit au trône improvisé pour ses nobles hôtes. L’artiste avait endossé un plastron de buffle ; un tablier de laine blanche lui descendait jusqu’aux genoux ; ses jambes nerveuses étaient garanties par des guêtres en peau de tigre et son pied était nu car il foulait impunément le métal rougi.

            « Vous m’apparaissez dans votre puissance, dit la reine de Saba au roi des ouvriers. Vous êtes comme la divinité du feu. Si votre entreprise réussit, nul ne pourra dire : plus grand que Maître Hiram ».
            Ces paroles assombrirent le visage du roi Salomon et, avant que Hiram ne pût répondre à ces propos flatteurs, il lui dit : « Maître Hiram, ne perdez pas un temps précieux et retournez à vos labeurs ».

            Salomon, roi des Hébreux, voulait, en construisant le Temple, associer sa propre gloire à celle de l’Éternel et, pour cette raison, la réputation de Hiram le gênait. « S’il accomplit sa tâche, pensait-il, il honore le Temple de l’Éternel d’un monument incomparable, mais il ajoute de l’éclat à sa renommée et celle-ci peut éclipser la mienne… ».

            En outre, il désirait passionnément la reine de » Saba et avait remarqué que celle-ci était subjuguée par l’étonnante et rayonnante personnalité d’Hiram. Aussi, la jalousie s’était installée dans son cœur et y faisant des ravages, en affaiblissant son caractère, en détruisant la noblesse de ses sentiments et en diminuant son intelligence.

            Depuis plusieurs lunes, Salomon n’était plus un grand roi… Il était devenu un petit homme nerveux et inquiet, incapable d’élever sa pensée au-delà de ce qui regardait sa personne. Et, comme il était revêtu de l’autorité royale, il commit une vilaine action : pendant les préparatifs de la coulée, il ordonna à trois Compagnons d’exécuter faussement les ordres du Maître, afin que le travail ne pût se dérouler convenablement et que, la « mer d’airain » ne pouvant être menée à terme, tout se terminât par la confusion et la honte d’Hiram.

            Et voici ce qui arriva. Sur un signe de Hiram, les manœuvres s’écartèrent et le Maître, tandis que les marteaux faisaient retentir l’airain, souleva une massue de fer, l’enfonça dans l’embouchure du fourneau bâillonnée de terre cuite, la tourna et l’arracha avec violence. A l’instant, un torrent de liquide, rapide et blanc, s’élança dans le chenal et s’avança comme un serpent d’or strié de cristal et d’argent jusqu’à un bassin creusé dans le sable, à l’issue duquel la fonte se dispersa et suivit son cours le long de plusieurs rigoles.

            Tandis que la fonte ruisselante emplissait les cavités de la « mer d’airain » – dont le vaste contour, déjà, se traçait comme un diadème d’or sur la terre assombrie – des nuées d’ouvriers portant de larges pots à feu des poches profondes emmanchées de longues tiges de fer, les plongeaient tout à coup dans le bassin de feu liquide et couraient verser le métal dans les moules destinés aux lions, aux bœufs, aux palmes, aux chérubins qui devaient supporter la « mer d’airain ». Ils faisaient boire à terre de grandes quantités de feu. Couchés sur le sol, les bas-reliefs traçaient les silhouettes claires et vermeilles des chevaux, des taureaux ailés, des cynocéphales, des chimères monstrueuses enfantés par le génie d’Hiram.

  • « Spectacle sublime ! s’écria la reine de Saba, Ô grandeur ! Ô puissance du génie d’un mortel qui soumet les éléments et dompte la nature ! ».
  • « Il n’est pas encore vainqueur, murmura Salomon avec amertume, l’Éternel seul est tout puissant ! ».

            Tout à coup, Hiram s’aperçoit que le fleuve de fonte déborde. La source béante vomit des torrents ; le sable, trop chargé, s’écroule. Il regarde la « mer d’airain » : le moule regorge et une fissure se dégage au sommet, la lave ruisselle de tous côtés.

            Il exhale un cri si terrible que l’aire en est rempli et que les échos se répètent dans les montagnes. La terre, trop chauffée, se vitrifie. Alors, Hiram saisit un tuyau flexible aboutissant à un réservoir d’eau et dirige cette colonne d’eau sur la base des contreforts ébranlés du moule de la vasque. Mais la fonte, ayant pris l’essor, dévale jusque-là : les deux liquides se combattent, une masse de métal enveloppe l’eau, l’emprisonne, l’étreint. L’eau se vaporise et fait éclater ses entraves. Une détonation retentit : la fonte rejaillit dans les airs en gerbes éclatantes à vingt coudées de hauteur ; on croit voir s’ouvrir le cratère d’un volcan furieux. Ce fracas est suivi de pleurs, de hurlements affreux ; car cette pluie d’étoiles sème en tous lieux la mort : chaque goutte de fonte est un dard ardent qui pénètre dans les corps et qui tue. La place est jonchée de mourants et, au silence, a succédé un immense cri d’épouvante. La terreur est à son comble : chacun fuit ; la crainte du feu précipite ceux que le feu pourchasse. Les campagnes illuminées, éblouissantes et empourprées, rappellent cette nuit où Gomorrhe et Sodome flamboyaient, allumées par les foudres de Jéhovah.

            Hiram, éperdu, court ça et là pour rallier les ouvriers et fermer la gueule à abîme inépuisable. Mais il n’entend que des plaintes et des malédictions, il ne rencontre que des cadavres, le reste est dispersé. Salomon, seul, est demeuré, impassible, sur le trône. La reine de Saba est restée, calme, à ses côtés. Ils font encore briller le diadème et le sceptre dans les ténèbres.

  • « Jéhovah l’a châtié ! dit Salomon à son hôtesse, et il me » punit, par la mort de mes sujets, par ma faiblesse pour ce monstre d’orgueil. Partons, reine, le vil suppôt de Baal met votre vie en péril et cela seul m’inquiète ».

            Hiram, qui passait près d’eux, l’entendit ; il s’éloigna en rugissant de douleur. Plus loin, il rencontre un groupe d’ouvriers qui l’accablent de mépris, de calomnies et de malédictions.

  • « Déshonoré… s’écria-t-il avec amertume, voilà le fruit d’une existence austère et laborieuse, vouée à la gloire d’un prince ingrat ! Il me condamne et mes frères me renient ! Cette femme a vu ma honte et son mépris que j’ai dû subir ! Seul ! je suis seul et maudit. L’avenir est fermé, Hiram, souris à ta délivrance et cherche-la dans ce feu, ton élément et ton esclave rebelle ».

            Il s’avance, calme et résolu, vers le fleuve qui coule encore son onde embrasée de métal fondu et qui, ça et là, pétille au contact humide d’un cadavre. Il s’avance et voit les tourbillons de fumée violette et fauve qui voilent le théâtre abandonné de cette lugubre aventure. Là, il s’abîme dans sa méditation et tombe, foudroyé.

            Dans les profondeurs de la terre, Hiram entendit une voix grave qui prononçait son nom… Trois fois cette voix retentit et Hiram sentit qu’il se réveillait d’un lourd sommeil.

            Alors il vit s’approcher de lui une forme humaine colossale, coiffée d’une mitre vermeille et tenant dans sa main un marteau. Ce fantôme s’avança, grandit encore en s’approchant, abaissa sur Hiram de grands yeux brillants et doux et lui dit d’une voix qui semblait arrachée des entrailles du bronze :

  • « Lève-toi, mon fils,  viens et suis-moi. J’ai vu tes maux et je t’ai pris en pitié.
  • Esprit, qui es-tu donc ? Murmura Hiram épouvanté
  • Je suis l’ombre du père et des pères, l’aïeul de ceux qui travaillent et souffrent. Viens ! Quand ma main aura glissé sur front, tu respiras des flammes . Sois sans crainte, comme tu fus sans faiblesse.
  • Où l’entraines-tu ? Quel est ton nom ?
  • Au centre de la terre… dans l’âme du monde habité, là où s’élève le palais souterrain d’Hénoch, notre père, que les peuples nomment Hermès
  • Puissances immortelles ! s’écria Hiram ? Ô mon Seigneur, vous seriez…
  • Ton aïeul, homme, artiste, ton maître et ton patron : je suis Tubalcaïn ».

            Ils s’avançaient ensemble dans la région profonde de silence et de nuit. Aux régions humides et froides avait succédé une atmosphère tiède et raréfiée ; la vie intérieure de la terre se manifestait par des secousses, par bourdonnements singuliers. Des battements sourds, réguliers, périodiques annonçaient le voisinage du cœur du monde.

            Soudain, il tressaillit. Tubalcaïn parlait :

  • « Tes pieds foulent la grande pierre d’émeraude qui sert de racine et de pivot à la Création. Tu as abordé le domaine de tes pères. Ici, l’on peut, sans périr, se nourrir des fruits de l’Arbre de la Science ».

            Hiram exhale un long et doux soupir ; il lui semblait qu’un poids accablant – qui toujours, l’avait courbé dans sa vie – venait de s’évanouir pour la première fois.

            Tubalcaïn lui sourit gentiment et lui dit :

  • « Puisqu’à présent tu es libéré de ton fardeau, je te donnerai ce maillet. Je l’ai fait pour toi. Avec lui, tu retourneras sur la surface de la terre et tu accompliras ton œuvre. Mais, avant que je ne te dise comment tu dois savoir te servir de ce maillet, écoute la voix de Caïn, notre père, et d’Adam, le père de notre père ».

            Et Hiram entendit parler Caïn :

  • « Que le sommeil et la mort soient avec toi, mon fils. Race industrieuse et opprimée, c’est par moi que tu souffres. Ève fut ma mère et Adam fut mon père. Ils me nourrirent jusqu’à ce je puisse mettre au service des hommes ignorants et débiles l’esprit des génies qui résident en moi. J’ai nourri mes nourriciers sur leurs vieux jours et j’ai bercé l’enfance d’Abel, mon frère.

            Avant d’enseigner le meurtre à la terre, j’ai connu l’ingratitude, l’injustice et les amertumes qui corrompent le cœur. J’ai arraché notre nourriture au sol avare ; j’ai inventé les charrues qui contraignent la terre à produire et, en me sacrifiant, j’ai fait renaître pour eux l’Eden qu’ils avaient perdu. Ô comble d’iniquité ! Adam ne m’aimait pas ! Il se souvenait d’avoir été banni du Paradis pour m’avoir mis au monde et son cœur était tout à son Abel… Lui, dédaigneux et choyé, me considérait comme le serviteur de tous ! Aussi, quand j’arrosais de mes sueurs la terre où il se sentait roi, lui-même oisif et insouciant, il faisait paître ses troupeaux en sommeillant sous les sycomores. Je me plains : mes parents invoquent l’équité de Dieu et nous lui offrons des sacrifices.

            Mon sacrifice : des germes de blé que j’avais fait éclore – les prémices de l’été. Le mien est rejeté avec mépris. C’est ainsi que ce dieu jaloux repousse le génie inventif et fécond et donne la puissance avec le droit d’oppression aux esprits vulgaires.

            Par jalousie, j’éteignis le flambeau d’Abel. Adam se vit renaître plus tard dans la postérité de Seth et, pour effacer mon crime, je me suis fait le bienfaiteur des enfants d’Adam. Je construisis la première ville, les premières maisons pour les abriter. C’est à moi-même et à mes enfants qu’ils doivent tous les arts, l’industrie et les sciences ».

            Et Hiram entendit parler Adam :

  • « C’est toi, Caïn, qui a enfanté le meurtre. Dieu poursuit, dans mes enfants, le sang d’Ève dont tu sors et que tu as versé. C’est à cause de toi que Jéhovah a suscité des prêtres qui ont immolé les hommes, et des rois qui ont sacrifié des prêtres et des soldats. Un jour, il fera naître des empereurs pour broyer les peuples et les prêtres eux-mêmes et la postérité des nations dira : Ce sont les fils de Caïn ».

            Des profondeurs de l’abîme, Hiram entendit gémir Caïn et Adam. Tubalcaïn dit alors :`

  • Maintenant, tu connais le mystère de la Création, contenu dans les livres du Tau enfouis dans la terre. Tu es, à ton tour un créateur, et tu porteras sur ta ceinture le Tau symbolique qui rallie les ouvriers. Prends ce maillet, mon fils. Va sur la terre et réalise ton Œuvre ! ».

            Entre le moment où Hiram, déchiré par la douleur et totalement désespéré, entra volontairement dans le fleuve de feu qu’il ne maîtrisait plus et le moment où il en ressortit, indemne et flamboyant neuf, muni du maillet et d’une ceinture sur laquelle brillait le Tau, il ne s’était écoulé, pour les hommes, qu’un instant.

            Les ouvriers se rangèrent autour de lui et la panique cessa. Il donna des ordres précis qui furent exécutés promptement et tout rentra dans l’ordre, comme par miracle. Là où les moules éclataient, il frappa de son maillet et ils se remettaient en place. Le fleuve de feu entra dans le lit qui lui avait été préparé. La volonté du Maître vainquit la fureur déchaînée des éléments.

            Enfin, la « mer d’Airain » se fit et apparut telle qu’elle avait été conçue dans la pensée du Maître.

            A l’aube, le soleil se leva et resplendit.

            Salomon, en contemplant le Temple enfin terminé se repentit et dit à Hiram :

  • Maître Hiram, mon Frère, j’implore ton pardon. Je t’ai haï à cause de tes talents. J’étais jaloux de toi et, à cause de cela, j’ai voulu empêcher l’accomplissement de ton Œuvre. Lorsque j‘aurai obtenu ton pardon, j’abandonnerai ce trône dont je suis indigne et je briserai ce sceptre, signe d’autorité, dont je suis aussi indigne.
  • Ô roi Salomon, répondit Hiram, n’agis pas ainsi ! Tu étais un homme qui voulait être roi et les sentiments vulgaires t’habitaient. Ce qui est arrivé devait arriver car tel est l’ordre des choses. L’acte que tu as commis était nécessaire parce que sans l’épreuve que j’ai vécue, je n’aurais pu apprendre ce que je sais maintenant. L’échec contient le germe de toute vraie réussite et le mal peut générer le bien si l’on connaît bien l’art.

            Roi Salomon, tu étais un homme qui voulait être roi ? Maintenant, moi, Hiram, je te fais roi véritable, car notre épreuve est commune et nous l’avons subie ensemble, chacun à notre manière.

            Ce maillet, je l’ai reçu au centre du Monde ! Il me confère un pouvoir que j’exercerai en ta personne car, désormais, nous ne formerons qu’une seule et même entité.

J’ai dit.

Mes commentaires…

            La prose de ce scénario, rutilante, lumineuse, éblouissante raconte la fonte de la mer d’airain qui se trouvait devant le Temple. Mais les paillettes étourdissantes recèlent trois niveaux de lecture : la jalousie de Salomon : nos faiblesses, la coulée elle-même : notre œuvre et le message spirituel, en trois voies.

            C’est ce dernier qui m’a bouleversé. Pourquoi ? Notre pratique maçonnique est grosse de la première voie : elle éclate d’abord. Puis elle esquisse avec gêne la deuxième. Enfin, pour certains(es), la troisième est susurrée en pleine invisibilité rituelle.

            Que chantent les trois voies : de la Mer d’airain ?

            La voie de la FRATERNITÉ – Celle qui est la bannière, le porte-étendard de l’association, partout dans le monde. Celle qui est diffusée, tambours battants, par les hauts parleurs de l’Ordre. Des dizaines de livres érudits et souvent sans grand intérêt hors l’accumulation des savoirs, paraissent chaque mois. La Maçonnerie de salon !

            La voie de la SOUFFRANCE – Nul(le) ne peut nier que les souffrances perturbent nos vies. Le meurtre d’Hiram n’évoque, en aucun cas, le mal que ressent le bâtisseur. C’est juste une resucée adroite du complexe d’Œdipe masculin. La souffrance, c’est descendre dans les tréfonds de soi et accepter les mélanges insupportables à la conscience, des pulsions de vie et des pulsions de mort qui régissent l’humanimal que nous sommes. La voie de la souffrance est surtout la confrontation avec notre mort. Elle peut mener au suicide. C’est elle que choisit Hiram quand il se précipite dans le foyer ardent. Elle sera en fait pour lui non pas un suicide mais la confrontation avec la souffrance extrême d’où il ressortira grandi.Cette voie est passage spirituel obligé selon de profonds philosophes, de Schopenhauer à Cioran. Même Voltaire a écrit :« Nous sommes des victimes condamnés toutes à la mort ; nous ressemblons aux moutons qui bêlent, qui bondissent en attendant qu’on les égorge. Leur grand avantage sur nous est qu’ils ne se doutent pas qu’ils seront égorgés, et que nous le savons ».

            Avec le risque du passage à l’acte, le suicide donc, pour certains. Citons le quatrain prémonitoire et grandiose de Gérard de Nerval :

Je suis le ténébreux, le veuf, l’inconsolé,

Le prince d’Aquitaine à la tour abolie,

Ma seule étoile est morte, et mon luth constellé

Porte le soleil noir de la mélancolie

            Gérard connut le « baiser de la reine » en se pendant à un arbre. Ressentit-il la voie suivante, celle du nulle-part ?

            La voie de la Souffrance fait mauvais ménage avec la voie de la Fraternité celle de la joie, si on ne travaille que sur elle. En Maçonnerie, nous ne travaillons pas du tout la peur et l’attrait mêlés de la mort ; d’où la dispute envenimée entre Jacques Lapersonne et Daniel Beresniak, lui qui connut, par sa famille, les atrocités nazies. La mort désirée par Hiram, en se noyant dans le brasier de la Mer d’airain, sera, en fait, l’épreuve de la souffrance ultime, l’acceptation de la fin de la vie. Mais Hiram fait partie de ceux et celles qui osent regarder la mort en face et, de ce fait, atteignent la dernière voie, le nulle-part.

            La voie du NULLE-PART, dans la sensation brumeuse – Indescriptible, d’être partout, dans l’énergie non point de l’univers mais du multivers. Rien dans les rituels sinon, de-ci de-là, des allusions. Sauf dans certains qui osent évoquer le « Un et le Tout », sorte de résumé de la dispersion quantique, parfois ressentie dans le mutisme complet. Peut-être celui que nous embrasserons après le passage de la Mort.

            Fraternité, Souffrance et Nulle part interloquent et convoquent les profondeurs du vagabondage initiatique. Ce sont les messages subliminaux. Ils sont clairs, au moins dans la doxa , faute de l’être dans le creux de son humanitude : La joie et l’être ensemble, dans le vécu plus ou moins réel ( ) des Loges. Puis, dans la voie de la Souffrance, l’intériorité et la solitude. Le cabinet de réflexion et autres endroits d’attente, pour l’élu(e) de sa future cérémonie. Mais la souffrance n’y est pas convoquée rituellement. Dans la voie du Nulle-part, toute sensation de vie ici-bas, plantes et animaux, dont nous, les humanimaux (néologisme de Daniel B.) , est abolie. Le vertige seul pour humer de nos pauvres narines, le partout et l’énergie cosmique. Certain(es), en tenue, dans des moments d’ivresses sans saccades, partiraient ainsi. Dans cet ailleurs…

            Dans le texte de la mer d’Airain, nous trouvons, éparses des expressions qui nous clignent de l’œil, vers, selon les cas, les trois voies ; donc au-delà de la doctrine maçonnique. J’en ai glané neuf. Elles montrent bien le cheminement spirituel de l’auteur ou ses espoirs qu’il sait transmettre avec tant d’étincelance ! Je laisse à chacun(e), selon sa sensibilité de rattacher ces extraits aux voies de Souffrance et de Nulle- part. La dernière, pour la Fraternité spirituelle :

  • « La fonte de la mer d’airain, un défi du génie de la nature »
  • « Ô puissance du génie d’un mortel qui soumet les éléments et dompte la nature »
  • « La place est jonchée de mourants et, au silence, a succédé un immense cri d’épouvante. La terreur est au comble ».
  • « Seul, je suis seul et maudit. L’avenir est fermé. Hiram souris à ta délivrance et cherche, dans ce feu, ton élément et ton esclave rebelle ».
  • « Il s’abîme dans sa méditation et tombe foudroyé ».
  • « Des battements sourds, réguliers, périodiques, annonçaient le voisinage du cœur du monde »
  • « Tes pieds foulent la grande pierre d’émeraude qui sert de racine et de pivot à la Création ».
  • « Sans l’épreuve que j’ai vécue, je n’aurais pu apprendre ce que je sais maintenant »
  • « Ce maillet, je l’ai reçu au centre du Monde. Il me confère un pouvoir que j’exercerai en ta personne car désormais, nous ne formerons qu’une seule et même entité ».

SOURCE  :  https://450.fm/2023/07/23/legende-de-la-mer-dairain/

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les Différents aspects du Martinisme 13 juillet, 2023

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les Différents aspects du Martinisme

 

martinisme

 

les différents aspects qu’il a présentés et qui peuvent se renfermer en quatre grandes périodes ;

1° Le Martinésisme de Martines de Pasqually ;

2° Le Willermosisme de J.-B. Willermoz ;

3° Le Martinisme de Claude de Saint-Martin ;

4° Le Martinisme contemporain.

Il est impossible de se rendre clairement compte du caractère réel du Martinisme à toute époque, si l’on n’établit pas tout d’abord la différence capitale qui sépare les sociétés d’illuminés des sociétés de francs-maçons.

La société d’illuminés est liée à l’invisible par un ou plusieurs de ses chefs. Son principe d’existence et de durée prend donc sa source dans un plan suprahumain et tout son gouvernement se fait de haut en bas, avec obligation, pour les membres de la fraternité, d’obéir aux chefs, quand ils sont entrés dans le cercle intérieur, ou de quitter ce cercle intérieur.

La société de francs-maçons n’est en rien liée à l’invisible. Son Principe d’existence et de durée prend sa source dans ses membres et rien que dans ses membres ; tout son gouvernement se fait de bas en haut avec sélections successives par élection.

Les ordres d’illuminés se réfèrent toujours au Principe invisible qui les dirige. La vie privée, les œuvres publiques et le caractère des chefs de la plupart des fraternités d’illuminés montrent que ce Principe invisible appartient au plan divin, et qu’il n’a rien à faire avec Satan ou les démons

La Fraternité d’illuminés la plus connue, antérieure à Swedenborg, et la seule dont on puisse parler au monde profane, est celle des Frères Illuminés de la Rose-Croix, dont la constitution et la clef seront données dans plusieurs années. Ce sont les membres de cette fraternité qui ont décidé la création de sociétés symboliques, chargées de conserver les rudiments de l’initiation hermétique, et qui ont ainsi donné naissance aux divers rites de la Franc-Maçonnerie. Il ne peut donc être établi aucune confusion entre l’illuminisme, ou centre supérieur d’études hermétiques, et la Maçonnerie ou centre inférieur de conservation réservé aux débutants. 

La mission de réalisation de Swedenborg, consista surtout en la constitution d’une chevalerie laïque du Christ, chargée de défendre l’idée chrétienne dans sa pureté primitive et d’atténuer, dans l’Invisible, les déplorables effets des concussions, des accaparements de fortune et de tous les procédés chers au « Prince de ce Monde », mis en œuvre par les jésuites, sous couleur de christianisme.

Swedenborg divisa son œuvre de réalisation en trois sections :

1° La section d’enseignement constituée par ses livres et le récit de ses visions ;

2° La section religieuse, constituée par l’application rituelle de ses enseignements ;

3° La section chargée de la tradition symbolique et pratique, et constituée par les grades initiatiques du Rite swedenborgien.

Cette dernière nous intéresse seule pour le moment.

Elle était partagée en trois sections secondaires : la première élémentaire et maçonnique, la seconde élevait le récipiendaire jusqu’à l’illuminisme, et la troisième active.

La première section comprenait les grades de : apprenti, compagnon, maître et maître élu.

La seconde section comprenait les grades de : apprenti Coën (ou maître élu illuminé), compagnon Coën, maître Coën.

La troisième section comprenait les grades de : 1° maître Coën délégué à la réalisation élémentaire ou apprenti Rose-Croix ; 2° chevalier Rose-Croix commandeur ; 3° Rose-Croix illuminé ou kadosch (Maître grand architecte).

 

Martines considère si bien la Franc-Maçonnerie comme une école d’instruction élémentaire et inférieure que son « Maître Coën » dit : J’ai été reçu maître Coën en passant du triangle aux cercles. Ce qui veut dire, en traduisant les symboles : « J’ai été reçu maître illuminé en passant de la Franc-Maçonnerie à la pratique de l’Illuminisme ». De même on demande à l’apprenti coën : « Quels sont les différents mots, signes et attouchements conventionnels des Élus Maçons Apocryphes ? »

Et il répond : « Pour l’apprenti Jakin, le mot de passe Tubalcaïn ; pour le compagnon Booz, le mot de passe Schiboleth, pour le Maître Makbenac, le mot de passe Giblim ».

Il fallait donc posséder non pas trois, mais au moins sept des grades de la Maçonnerie ordinaire pour devenir cohen.

 

l’œuvre capitale de Willermoz sera l’organisation des congrès maçonniques ou Convents, qui permirent aux Martinistes de démasquer, par avance, l’œuvre fatale des Templiers et qui présentèrent le Martinisme sous son caractère véritable d’Université intégrale et impartiale de la Science hermétique.

Quand Martines commença son initiation, Willermoz était vénérable régulier de la loge la Parfaite Amitié de Lyon, poste qu’il occupa de 1752 à 1763. Cette loge dépendait de la Grande Loge de France.

En 1760, une première sélection avait été opérée et tous les membres pourvus du grade de Maître avaient constitué une Grande Loge des Maîtres de Lyon avec Willermoz comme Grand Maître.

En 1765, une nouvelle sélection fut opérée par la création d’un Chapitre des Chevaliers de l’Aigle-Noir, placé sous la direction du Dr Jacques Willermoz, frère cadet du précédent.

En même temps, Jean-Baptiste Willermoz quittait la présidence de la Loge ordinaire et de la Loge des Maîtres qui était placée sous la direction de f∴ Sellonf, pour se mettre à la tête de la loge des Élus Cohens, formée avec les meilleurs éléments du Chapitre.

ce que nous pouvons affirmer dès maintenant, c’est que la spiritualité la plus grande, la soumission la plus entière aux volontés du Ciel et les prières les plus ardentes à N.-S. Jésus-Christ n’ont jamais cessé de précéder, d’accompagner et de terminer les séances présidées par Willermoz. Le Willermosisme, comme le Martinésisme et le Martinisme, a toujours été exclusivement chrétien, mais n’a jamais été clérical, et pour cause. Il rend à César ce qui est à César et au Christ ce qui est au Christ ; L’« Agent ou Philosophe Inconnu » avait dicté 166 cahiers d’instruction, desquels Claude de Saint-Martin avait pris connaissance et dont il avait copié quelques-uns de sa main. Sur ces cahiers, 80 environ furent détruits dans les premiers mois de 1790 par l’agent lui-même, qui voulait éviter de les voir tomber aux mains des envoyés de Robespierre, qui firent des efforts inouïs pour les atteindre.

En 1778, le 12 août, Willermoz annonçait la préparation du Convent des Gaules qui fut tenu à Lyon du 25 novembre au 27 décembre.

Ce convent avait pour but d’épurer le système écossais en détruisant tous les mauvais germes qu’y avaient introduits les Templiers. Pour comprendre la nécessité de cet effort vers l’union, il faut se souvenir que le monde maçonnique était en pleine anarchie.

Le Grand Orient de France était né en 1772, grâce à l’usurpation de la Grande Loge de France par Lacorne et les siens, dirigés en sous-main par les Templiers qui, après avoir établi le Chapitre de Clermont, s’étaient transformés, en 1760, en Conseil des Empereurs d’Orient et d’Occident, puis en Chevaliers d’Orient (1762), et enfin étaient entrés au Grand Orient à la suite de Lacorne.

Grâce à leur influence, le système des loges fut profondément modifié ; partout le régime parlementaire avec élections successives de tous les officiers remplaça l’ancienne unité et l’autorité hiérarchique. Toujours, jusqu’à sa mort, il a voulu établir la Maçonnerie sur des bases solides en lui donnant comme but la pratique de la vertu pour ses membres et de la charité envers les autres ; mais il a toujours tendu à faire des loges et des chapitres un centre de sélection pour les groupes d’Illuminés. La première partie de son œuvre était patente, la seconde occulte ; c’est pourquoi les personnes peu informées peuvent voir Willermoz autrement que sous son véritable caractère.

 

Si Willermoz fut surtout chargé du groupement des éléments martinistes, et de l’action en France, Claude de Saint-Martin reçut la mission de créer l’initiation individuelle et de porter son action aussi loin que possible. À cet effet, il fut admis à étudier complètement les enseignements de l’« Agent inconnu » et nous possédons, dans les archives de l’Ordre, plusieurs cahiers copiés et annotés de la main de Saint-Martin.

Ainsi que nous l’avons dit précédemment, le livre des Erreurs et de la Vérité est presque entièrement dû à cette origine invisible, et c’est là qu’il faut voir la cause de l’émotion provoquée, dans les centres d’initiation, par l’apparition de ce livre,

Outre ses études se rattachant à l’Illuminisme, commencées auprès de Martines et poursuivies avec Willermoz, Claude de Saint-Martin s’occupa activement d’hermétisme pratique et un peu d’alchimie. Il avait à Lyon un laboratoire organisé à cet effet.  C’est l’Ordre de Saint-Martin qui, ayant pénétré en Russie sous le règne de la Grande Catherine, obtint un tel succès qu’une pièce fut jouée à la cour, entièrement consacrée au Martinisme qu’on cherchait à ridiculiser. C’est à l’Ordre de Saint-Martin que se rattachent les initiations individuelles rapportées dans les mémoires de la baronne d’Oberkierch ; enfin l’auteur classique de la Franc-Maçonnerie, le positiviste Ragon, qui n’est cependant pas tendre pour les rites d’Illuminés, décrit pages 167 et 168 de son Orthodoxie maçonnique les changements opérés par Saint-Martin pour constituer le Martinisme

« La seule initiation que je prêche et que je cherche de toute l’ardeur de mon âme est celle par où nous pouvons entrer dans le cœur de Dieu et faire entrer le cœur de Dieu en nous, pour y faire un mariage indissoluble, qui nous rend l’ami, le frère, et l’épouse de notre divin Réparateur. Il n’y a pas d’autre mystère pour arriver à cette sainte initiation que de nous enfoncer de plus en plus dans les profondeurs de notre être, et de ne pas lâcher prise, que nous ne soyons parvenus à en sortir la vivante et vivifiante racine ; 

« Lorsque nous souffrons pour nos propres œuvres, fausses et infectées, le feu est corrosif et brûlant, et cependant il doit l’être moins que celui qui sert de source à ces œuvres fausses ; aussi ai-je dit, plus par sentiment que par lumière (dans l’Homme de désir), que la pénitence est plus douce que le péché. Lorsque nous souffrons pour les autres hommes, le feu est encore plus voisin de l’huile et de la lumière ; aussi, quoiqu’il nous déchire l’âme et qu’il nous inonde de pleurs, on ne passe point par ces épreuves sans en retirer de délicieuses consolations et les substances les plus nourrissantes. »

« Je crois que la parole s’est toujours communiquée directement et sans intermède depuis le commencement des choses. Elle a parlé directement à Adam, à ses enfants et successeurs, à Noé, à Abraham, à Moïse, aux prophètes, etc, jusqu’au temps de Jésus-Christ. Elle a parlé par le grand nom, et elle voulait si bien le transmettre elle-même directement, que, selon la loi lévitique, le grand prêtre s’enfermait seul dans le Saint des Saints pour le prononcer ; et que même, selon quelques traditions, il avait des sonnettes au bas de sa robe pour en couvrir la prononciation aux oreilles de ceux qui restaient dans les autres enceintes.

Autrement dit nommer les trois royaumes que l’école désignait « naturel, spirituel et divin », en naturel, astral et divin ?

De même que Martines avait adapté le Swedenborgisme au milieu dans lequel il devait agir, de même que Saint-Martin et Willermoz avaient aussi créé les adaptations indispensables, de même le Martinisme contemporain a dû s’adapter à son milieu et à son époque, mais en conservant à l’Ordre son caractère traditionnel et son esprit primitif.

L’adaptation a surtout consisté à unir étroitement l’œuvre de Saint-Martin à celle de Willermoz.

Ne demandant à ses membres ni cotisations, ni droits d’entrée dans l’Ordre, n’exigeant non plus aucun tribut régulier de ses loges au Suprême Conseil, le Martinisme est resté fidèle à son esprit et à ses origines en faisant de la pauvreté matérielle sa première règle.

Par là, il a pu éviter toutes ces irritantes questions d’argent qui ont causé tant de désastres dans certains rites maçonniques

 Le Martinisme ignore les radiations pour non-paiement de cotisations, il ignore le tronc de la veuve et ses chefs seuls sont appelés à justifier leur titre en participant, suivant leur grade, au développement général de l’Ordre. Dérivant directement de l’Illuminisme chrétien, le Martinisme devait en adopter les principes. C’est donc par les chefs du Suprême Conseil que le Martinisme se rattache à l’Illuminisme chrétien.

 

L’Ordre dans son ensemble est surtout une école de chevalerie morale, s’efforçant de développer la spiritualité de ses membres par l’étude du monde invisible et de ses lois, par l’exercice du dévouement et de l’assistance intellectuelle et par la création dans chaque esprit d’une foi d’autant plus solide qu’elle est basée sur l’observation et sur la science. Le Martinisme constitue donc une chevalerie de l’Altruisme opposée à la ligue égoïste des appétits matériels

 

SOURCE  : https://anck131.over-blog.com/2022/12/les-differents-aspects-du-martinisme.html

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 » Les quatre Eléments traditionnels : Terre, Eau, Air, Feu, dans l’Initiation maçonnique et l’Alchimie. » 8 juillet, 2023

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Aujourd’hui une chronique  sur   » Les quatre Eléments traditionnels : Terre, Eau, Air, Feu, dans l’Initiation maçonnique et l’Alchimie.« 

 

Les quatre Eléments traditionnels : Terre, Eau, Air, Feu, dans l’Initiation maçonnique et l’Alchimie.

Les quatre Eléments, Terre, Eau, Air, Feu, sont les « milieux » naturels à travers lesquels passent les Maçons dès leur Initiation, des symboles qu’ils ne cessent de re-découvrir au fil des « âges » et des Degrés quand ils « travaillent » à se re-reconnaître eux-mêmes et à s’aimer. « L’homme est l’abrégé de toute la Nature, il doit apprendre à se connaître comme le précis et le raccourci d’icelle. Par sa partie spirituelle il participe à toutes les créatures immortelles, et par sa partie matérielle, à tout ce qui est caduque dans l’Univers. » (Dom Pernety, Les Fables Egyptiennes et Grecques, 1758) Les hommes et les femmes initiés aux « mystères » de la Franc-Maçonnerie révèlent en eux-mêmes cette Nature avec l’aide et l’affection de leurs Frères et Sœurs, et « initient » un lent cheminement les conduisant au centre de leur propre labyrinthe, en un point où doivent se conjuguer harmonieusement et se féconder leurs deux natures matérielle et spirituelle.

Sur ce chemin, les quatre Eléments sont les premiers symboles et archétypes vécus de l’intérieur par les Maçons, d’abord sous la forme des chocs émotionnels et affectifs déclenchés par l’Initiation, puis en s’« attachant » par des « planches » et des « colonnes » à « remettre vingt fois sur le métier » (Boileau) leur étude et leur connaissance, cette re-connaissance conduisant à la re-naissance du « connaissant » par des « intégrations » réitérées de connaissances « en » conscience. « Ceux qui ne se rendent pas compte de la tonalité affective particulière de l’archétype ne se retrouveront qu’avec un amas de concepts mythologiques, que l’on peut sans doute assembler de façon à montrer que tout a un sens, mais aussi que rien n’en a. Les cadavres sont tous chimiquement identiques, mais les individus vivants ne le sont pas. Les archétypes ne se mettent à vivre que lorsqu’on s’efforce patiemment de découvrir pourquoi et comment ils ont un sens pour tel individu vivant. » (C.G. Jung, L’homme et ses symboles) C’est là tout le sens de l’étude des symboles et rituels maçonniques depuis le premier degré du Rite.

L’Initiation est ainsi une science du vivant, l’art de réveiller des consciences amnésiques « occultant » leur raison d’être, et dans la langue maçonnique et alchimique l’art de rendre vivants les métaux morts, ces « métaux » que les Maçons laissent au moins en partie à la porte du Temple et qu’ils travaillent patiemment à transformer à mesure qu’ils se perfectionnent eux-mêmes. Ils reçoivent la « lumière » du sens des symboles-archétypes qui leur sont transmis lors des Initiations, et travaillent dès lors à laisser ces symboles « lumineux » atteindre et réveiller les archétypes correspondants endormis en eux.

Alors ces symboles s’expriment « en » force et « en » puissance et tendent à « dé-teindre » sur l’initié(e) qui les libère et se libère lui(elle)-même de ses « ombres », à « teindre » ses pensées jusqu’à « révolutionner » l’être pensant dans ses idées et convictions les plus profondes. Les alchimistes ont l’art d’illustrer ces opérations de « teinture » par des scènes de la vie ordinaire qui n’attirent que le regard des « cherchants » et des « initiés » à leur langage. « Dé-teindre » peut se traduire par « laver » les vêtements et les idées des initiés (les « laveures alchimiques ») pour en extraire les teintures essentielles et parvenir à leur blancheur à la fin du deuxième Œuvre. Et la symbolique des couleurs fondamentales de l’Œuvre renvoie aux Eléments : la Terre noire, le Feu rouge, l’Air bleu, l’Eau en sa nature de « feu aqueux » ou d’ « eau ignée » croisant les couleurs verte et rouge.

Mais surtout ces symboles-archétypes s’animent d’une vie propre et illustrent les pensées et les sentiments des initiés qui s’en « nourrissent » spirituellement pour en absorber les vertus, espérant un jour en goûter la quinte-essence, un cinquième élément, l’Ether, plus subtil que les quatre premiers. Les alchimistes se désignaient souvent eux-mêmes comme des « abstracteurs de quintessence ». Rabelais a ainsi publié Gargantua sous le même pseudonyme que Pantagruel : Alcofribas Nasier, anagramme de François Rabelais : « Abstracteur de Quintessence ». Il appartient à chaque Maçon et Maçonne de trouver les mots et les idées justes « inspirés » par ces symboles essences-ciels, de « nature » à en « révéler » et « fixer » le sens en eux-mêmes, chacun(e) trouvant comme le poète l’inspiration pour en exalter les sens « en » secret.

L’Orient et l’Occident lancent des ponts vers le ciel,

Au point où dans les nues convergent leurs rayons,

Roues cosmique et terrestre autour de l’essentiel :

L’amour de la Sagesse, mère des Traditions.

Fils tendus d’absolu des exigences ultimes

Au-delà d’horizons pétris d’humanité,

Nourriture d’êtres avides du sublime des cimes,

Leurs sens élèvent en cœur les Frères en vérité.

Zéphir souffle au zénith sur leurs esprits à vif

Le chaud et le froid sec, Air glacial et brûlant

Suscitant des courants ascendants et actifs

De pensées dans l’esprit des quatre Eléments.

Les mots et leurs racines goûtent jusqu’au Nadir

Une langue universelle nourrie de ses terreaux,

La Terre et ses silences où vibrent les désirs

Les plus profonds des hommes en quête de héros.

Ses paroles coulent à flots, mêlent à contre-courant

Des appels qui dérangent sans mettre le chaos

Aux tourbillons des ondes aspirant au néant ;

L’Eau porte dans ses gouttes l’unité du zéro.

Un Feu pousse à la roue l’axe des destinées,

Distille des idées qui travaillent et s’affinent,

Parlent juste et s’entendent pour être devinées

Dès que l’âme s’enivre, chante sa vie divine.

Un Cinquième Elément en est l’émanation,

La mémoire liminaire délivrant les errants

Du socle imaginaire, vide en recréation,

Quintessence de l’Ether, immobile mouvement.

Les rituels des Degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepté foisonnent de ces symboles-archétypes alchimiques. Le livre « Francs-Maçons Alchimistes » de l’auteur de cette chronique, qui paraît dans quelques jours (Editeur LiberFaber http://liberfaber.com/fr/accueil.html) re-lie précisément la Franc-Maçonnerie et l’Alchimie par la « mise en regard » des rituels maçonniques du Rite Ecossais Ancien et Accepté, tels qu’ils furent rédigés à l’origine au XVIIIème  siècle, et les traités anciens des alchimistes, afin de « projeter » (terme alchimique) les Maçons et Maçonnes dans chacune des phases de l’Œuvre grâce à l’étude des rituels, et inversement de faire redécouvrir le sens des rituels à travers ce prisme alchimique. Sa centaine de figures illustrant le texte et son lexique de mille mots animent de l’intérieur ces symboles, et tend à transformer leur « vision » statique en deux dimensions en « visualisation » dynamique en conscience, jusqu’à les « voir » en trois dimensions s’animer et « illustrer » le perfectionnement et l’accomplissement spirituel de chaque Maçon et Maçonne sur le chemin de l’Initiation.

Faites « signe » comme on « fait symbole » à mon Editeur LiberFaber à l’adresse http://liberfaber.com/fr/accueil.html pour dès maintenant effectuer vos réservations et commandes !

Patrick Carré


Patrick Carré, né le 14 janvier 1953, est poète, philosophe, et Franc-Maçon français. Son œuvre littéraire et artistique comprend un nombre considérable de poèmes et de textes philosophiques principalement sur l’Initiation Traditionnelle à la vie spirituelle.

Initié à 23 ans à la Grande Loge de France, il est membre de la Juridiction du Suprême Conseil de France, de Rite Ecossais Ancien et Accepté.

Diplômé de Philosophie (Faculté de Rennes), de Gestion (IGR et Enass), d’Arts Plastiques (Institut Van der Kelen-Logelain à Bruxelles et CAP de potier tourneur).

Son site internet « Patrick Carré Poésie » http://www.patrick-carre-poesie.net/  de 1000 pages, premier site de langue française d’études et de poèmes d’un Franc-Maçon avec plus de 800.000 visiteurs, concentre ses travaux et recherches sur l’Initiation Maçonnique, en particulier tous les degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepté (REAA), symbolisant l’Œuvre alchimique de perfectionnement et de transformation intérieure des Maçons.

Livres et disque

  • Livre « Francs-Maçons Alchimistes » (2015) (Editeur LiberFaberhttp://liberfaber.com/fr/accueil.html )
  • CD « Le Flambeau » (incluant le recueil des 12 poèmes) (2013)
  • Livre « Cathédrales » (2006)
  • Livre « La Femme Chair, Cœur, Esprit » (2006)

Conférences

  • Pensée symbolique et pensée sensible, illustrées par Dürer
  • La pensée symbolique
  • La Femme et la mixité en Franc-Maçonnerie
  • La poésie en Franc-Maçonnerie
  • L’univers du potier tourneur
  • Le vitrail alchimique de la Cathédrale d’Orléans

Membre aux USA de la Masonry Poetry Society (http://www.mpoets.org/ProceedingsNo7.htm )

Lauréat France Musique Contes du jour et de la nuit (émission du 12/06/2014) (http://www.francemusique.fr/emission/contes-du-jour-et-de-la-nuit/2013-2014/selection-france-2-du-4e-appel-ecriture-patrick-carre-5-5-06-12-2014-00-00 )

 

 
 
 
 
 

Esotérisme et “Tellurisme” : Déesse Mère, Néo-Templiers, Francs-Maçons… 30 mai, 2023

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Esotérisme et “Tellurisme” : Déesse Mère, Néo-Templiers, Francs-Maçons…

 
Par La Rédaction
27 mai 2023

 

Esotérisme et “Tellurisme” : Déesse Mère, Néo-Templiers, Francs-Maçons… dans Recherches & Reflexions Palazzo-Capanna-Osimo-696x302

Palazzo Campana à Osimo (Marches), plus précisément sa zone souterraine, joue un rôle pour les francs-maçons et les néo-templiers.

De notre confrère germanique katholisches.info article 1article 2 – Par le Père Paolo M. Siano*

Au cours des derniers mois, j’ai été à Osimo in Marche, où j’ai découvert des personnes et des cercles qui, fascinés par l’ésotérisme, visitent même des lieux sacrés qui nous sont précieux, tels que des églises, des cathédrales et des sanctuaires mariaux, dans un esprit ésotérique ou gnostique et réinterprètent. Diverses études montrent que la ville d’Osimo possède un humus ésotérique profond qui se voit clairement dans les sous-sols du centre historique… Voici quelques-uns des résultats de mes recherches.

Le 9 octobre 2014, Roberto Mosca est décédé d’une leucémie à l’âge de 55 ans à l’hôpital de Pesaro . Né à Osimo en 1958, l’entrepreneur, archéologue et écrivain a conçu et fondé la section Osimo de l’ Archéoclub . Passionné par l’Hypogée d’Osimo, il fonde le groupe Osimo Sotterranea (Osimo Underground ) et œuvre pour la promotion culturelle de la ville et de ses souterrains, qu’il connaît dans le détail.

Regardons quelques-uns des livres de Mosca, l’ingénieur plasturgiste passionné d’histoire et d’archéologie, et de ses collègues chercheurs.

1. Grottes, chevaliers, loges

En 2006, la maison d’édition Osimo Edizioni publie le livre de Roberto Mosca et Angelo Renna (architecte, alors vice-président de l’association culturelle Osimo Sotterranea) : “Le Grotte , i Cavalieri, le Logge” (” Les Grottes , les Chevaliers, les Loges” ). Un thriller policier captivant. Au dos de la couverture se trouve un résumé de cette étude sur la ville d’Osimo : “Sculptures et représentations allégoriques dans un vaste labyrinthe souterrain utilisé par des personnalités influentes de la vie sociale et politique, mais qui ont été obligées de se rencontrer en secret, loin des regards et des oreilles indiscrets, dans une ville des États pontificaux qui était autrefois la ville la plus importante de Piceno et un centre de cultes orientaux, puis était un repaire des Templiers ».

À la page 5, les auteurs remercient également le professeur Fabrizio Bartoli. Nous retrouverons ce nom.

Dans l’introduction, les auteurs montrent peu de connaissance et d’appréciation de la foi catholique et de la théologie catholique : Ils voient une « contradiction » dans le fait que « les évangiles conventionnels, qui ont été écrits au moins un siècle après la mort de Jésus, ne contiennent pas la moindre référence bibliographique… » (p. 7). En fait, les Evangiles sont antérieurs et ne nécessitent pas de bibliographie puisqu’ils en sont la source première.

Osimo est l’un des anciens sites templiers d’Italie (voir p. 15). Dans la section “Osimo et les Templiers”, on lit que dans les souterrains de la vieille ville, “dans un incroyable labyrinthe de tunnels et de grottes”, se trouvent des symboles et des sculptures qui rappellent l’ancienne religiosité païenne et aussi ésotérique. Puis la petite église de San Filippo in Contrada Casenuove (Osimo) est mentionnée (cf. pp. 22-25), sur laquelle je reviendrai dans le dernier paragraphe de cet article.

Dans le chapitre “La quintessence de l’ésotérisme”, Osimo est qualifiée de “ville culte pour les amateurs d’ésotérisme” (p. 63), car il existe une sorte de “chemin mystérieux” dans les passages souterrains (Via Campana, Via Pompeiana. ..). Sous le Palazzo Simonetti, il y a aussi des symboles des Templiers. La famille Simonetti, qui tout au long de l’histoire a produit « des cardinaux, des érudits, des carbonari et une enrichetta, épouse de Cesare Gallo, membre de la Loge maçonnique Gioseffina de Milan, de rite écossais » ( p . 65) . Les auteurs écrivent, et je pense qu’ils ont raison : « La raison la plus probable de l’existence de ces allégories et symboles semble être des réunions de cercles secrets » (p. 68).

Dans le chapitre “Le tellurisme et la Vierge noire”, les auteurs établissent un lien entre le culte de Marie et le culte païen de la Grande Mère, la déesse Cybèle. Les hypogées, qui symbolisent le ventre de la mère, sont des lieux d’énergies “magiques” (cf. p. 91s). Cybèle était “la divinité tellurique par excellence, la Grande Mère de la Fertilité” (p. 92). A propos de la Fête du Covo en l’honneur de la Madone de Campocavallo (hameau d’Osimo), il est dit : « Dans cette fête on peut voir les restes de pratiques et de cultes très anciens. L’offrande de grain à la Madone évoque l’offrande de grain faite par les anciens en l’honneur de la déesse Cybèle » ( p. 93).

Mosca-Renna affirme que les armoiries de la première page du codex des statuts médiévaux d’Osimo représentent précisément la déesse Cybèle (cf. p. 93), qui était vénérée dans l’Osimo préchrétien (cf. pp. 93- 95). Les auteurs suggèrent un certain lien entre la Vierge noire de Lorette, la Grande Mère ou Isis, et la gnostique Marie-Madeleine, qui aurait transmis les vrais mystères de Jésus (cf. pp. 104-107). La « déesse universelle » porte de nombreux noms : « Cybèle , Diane, Isis » … Les Madones noires sont associées aux hypogées, qui sont des lieux d’énergies telluriques qui ont « des effets thérapeutiques et thaumaturgiques ».» aurait dû (cf. p. 107).

Pour éviter tout doute, je voudrais souligner qu’en réalité la Fête del Covo de Campocavallo a commencé en 1939, a lieu en août, a ses origines dans la dévotion chrétienne et mariale des paysans croyants et n’a absolument rien à voir avec l’ancienne Cybèle. Le culte de la Madone n’est en aucun cas une continuation des cultes matriarcaux des temps païens.

Dans le chapitre “Sociétés secrètes et les nouveaux templiers”, nous lisons qu’au XVIIe siècle la secte quiétiste du prêtre Don Giacomo Lambardi et au XIXe siècle les adhérents de la franc-maçonnerie et de la carboneria étaient actifs à Osimo (cf. pp. 112-117 ). L’hypogée du Palazzo Campana contient des représentations qui remontent aux idées alchimiques et rosicruciennes et probablement à des rites d’initiation incompatibles avec l’orthodoxie religieuse. Les auteurs rappellent que le secret était alors indispensable pour ne pas être victime de la stricte Inquisition (cf. p. 122f).

Mosca-Renna écrit que les “templiers locaux modernes” avaient leur siège “dans le centre historique” d’Osimo et utilisaient l’ancienne église templière de S. Filippo de Plano (cf. p. 124).

En février 2006, Roberto Mosca a interviewé deux Néo-Templiers : Fabrizio Bartoli d’Osimo, Chevalier du SMTHO, et Gabriele Petromilli d’Ancône, responsable de la région des Marches du SMTHO (Supremus Militaris Templi Hierosolymitani Ordo, Ordre Suprême des Chevaliers du Temple de Jérusalem) ( cf. p. 125).

2. Ceinture triple paroi

En 2008, la maison d’édition Terra Nuova à Florence a publié le livre de Roberto Mosca et Alfonso Rubino: ” La Triplelice Cinta “ (” La ceinture à triple paroi. La géométrie de la beauté dans les œuvres des maîtres de tous les temps”) . Les auteurs remercient également Fabrizio Bartoli (cf. p. 4). Mosca se dit agnostique (voir p. 5). L’agnostique est intrinsèquement quelqu’un qui affirme l’impossibilité de connaître l’existence d’un Dieu personnel. Avec l’ingénieur Rubino, qui est connu comme le ” savant de la géométrie sacrée‘ est présenté, mais Mosca croit à l’existence d’« énergies telluriques », énergies cosmiques associées aux lieux… De même, la « géobiologie » et la « divination » sont évoquées (cf. p. 5f).

Ce livre parle aussi d’Osimo, reprenant les thèmes familiers (hypogées, symboles ésotériques, rites et groupes d’initiation) mais avec une “nouveauté”, puisque le sanctuaire marial de Campocavallo, conçu par l’architecte Costantino Costantini en 1892, évoquerait aussi des idées de la « Géométrie Sacrée » (cycles solaires, etc.), un savoir que les Templiers connaissaient aussi et auraient conservé (cf. p. 7f). Tant pis!

Mosca fait référence à Fabrizio Bartoli, “un Templier de l’association OSMTH ( Ordo Supremus Militaris Templi Hierosolymitani, Ordre Suprême Chevaleresque du Temple de Jérusalem ; avait il entre-temps changé d’affiliation ?) d’Osimo” (p. 43), qui dans son vie profane ” physicien , professeur d’informatique, érudit de philosophie orientale et écologiste de toujours ” (p. 43).

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Représentation de la soi-disant “triple ceinture” dans les parties souterraines de la vieille ville d’Osimo

Rubino précise que dans les espaces sacrés construits selon la “Géométrie Sacrée”, il est possible ” d’entrer en contact avec l’intelligence cosmique” (pp. 66, 76).

Un symbole important de la « géométrie sacrée » est la « triple ceinture », semblable à un labyrinthe, dont le centre est fondamental : c’est le « centre sacré » ou « omphalos » ( cf. p. 70).

Rubino voit la ville d’Osimo comme un « symbole » du dualisme « ombre-lumière », ajoutant : « La partie souterraine est la Terre Mère, Isis. La partie surnaturelle est le Père Soleil, révélé dans le modèle par l’obélisque-Osiris (principe masculin) » (p. 79).

Rubino voit Osimo comme une cité ésotérique : les ” Osimans du passé” ont combiné la lumière et l’obscurité, l’intelligence masculine et féminine, pratique et cosmique, de sorte qu’Osimo est “un lieu sacré” (p. 92).

Le « Secret des Templiers » était le « Secret de la Triple Ceinture » : trois carrés s’emboîtant l’un dans l’autre, qui avaient un centre commun, l’omphalos, et correspondraient à l’Homme de Vitruve de Léonard de Vinci (cf. pp. 80- 83). Rubino revendique la “triple ceinture” dans l’Osimo souterrain et dans la Sainte Maison de Loreto, le célèbre sanctuaire marial à quelques kilomètres (cf. pp. 83-87).

Selon Rubino, ” l’Eucharistie naît de l’idée que l’humanité est le corps du Christ ” (p. 88) et le modèle géométrique-sacré de la triple ceinture/Homme de Vitruve ” intègre le masculin et le féminin dans le masculin et le féminin ” ( p.89 ); une telle intégration favorise « l’évolution de l’homme » (cf. p. 89).

Le 27 avril 2007, Mosca et Rubino ont visité le Sanctuaire de Campocavallo, dont ils ont publié plusieurs photos. Ils ont même reçu par courriel les plans du sanctuaire de la firme d’ingénierie chargée de la restauration (voir pp. 101-103). Selon Rubino, ce sanctuaire reflète la géométrie sacrée de l’homme de Vitruve, et dans certains détails architecturaux, Mosca pense voir des références à “l’arbre séphirotique” de la “kabbale juive” (voir p. 106).

Je me demande : est-ce une réalité scientifique ou n’est-ce pas plutôt une fantaisie gnostique et ésotérique ?

Selon les auteurs, la « Géométrie Sacrée » trouve son origine dans l’Égypte ancienne et s’est transmise en secret par « des cercles d’origine maçonnique et mystérieuse » (cf. p. 119).

Ivano (un ami de Mosca), « pionnier de la bioarchitecture », « sourcier «à succès chercheur en géobiologie » (voir p. 146) se rend au sanctuaire de Campocavallo et s’arrête au centre de l’étoile à six branches portant l’inscription ” Fidelium Impensis ” représenté sur le sol sous le dôme. Là, Ivano se sent « comme dans un condenseur de deux grandes forces opposées, l’une d’en haut, l’autre d’en bas » (p. 146).

Selon Mosca, l’architecte du Sanctuaire de Campocavallo, Costantino Costantini, a voulu dépasser le dualisme Église-Franc-Maçonnerie en proposant une architecture templière inspirée de la “Géométrie Sacrée” pour une “croissance spirituelle de l’humanité” (cf. p. 203) Mosca amène le lecteur à supposer que Costantini était un franc-maçon du Rite Écossais Ancien et Accepté (voir p. 229).

Ainsi, selon les auteurs, la « triple ceinture » est liée au « tellurisme » : « Cela signifie que là où la triple ceinture est présente, vous « sentez » une énergie plus forte. Des temples, des autels, des chapelles, des églises, des monastères, des basiliques ont souvent été érigés en ces lieux ou, selon la tradition populaire, ce sont des lieux particulièrement importants pour leur pouvoir thaumaturgique » (p. 223 ).

3. Vers la lumière dans l’ombre

En mai 2014, Mosca a publié son livre, écrit avec Alberto Mazzocchi, ” Alla luce nell’ombra” (” À la lumière dans l’ombre. Templiers dans le centre de l’Italie de 1167 à nos jours”) dans sa propre maison d’édition Spring Color à Castelfidardo, basé à Castelfidardo . Le livre reproduit les informations et les théories des deux livres mentionnés ci-dessus. Alberto Mazzocchi, un dentiste de Bergame, fait la navette entre Bergame et Osimo et est le propriétaire de l’ancienne église templière et préceptorium de San Filippo de Plano à Osimo. Le livre contient la “présentation” de Fabrizio Bartoli, qui, à partir de l’Hypogée d’Osimo, propose ” une vision holistique” qui inclut le “enseignements hérétiques distincts de la culture chrétienne catholique canonique » (cf. p. 3f).

Dans le troisième chapitre, “La Maison de Nazareth à Lorette et la Philosophie Gnostique”, Mosca-Mazzocchi relie le culte marial de Lorette et de Campocavallo au culte des anciennes déesses et “Grandes Mères” du paganisme, dont la déesse Cybèle, qui était également à Osimo et ses environs étaient vénérés (cf. pp. 52-59).

Selon Mosca-Mazzocchi, le crucifix de la cathédrale d’Osimo est aussi « gnostique » (p. 60), puisqu’il représente l’union des principes masculin et féminin » (p. 64) : à savoir, il a des « traits féminins ». », « un corps de femme », « des bras et des jambes fuselés et une poitrine bien développée » (cf. p. 66). Dans ce contexte, Mosca-Mazzocchi écrit : “Osimo était probablement le siège de philosophies hérétiques et de doctrines hétérodoxes, comme en témoignent les centaines de sculptures et de bas-reliefs qui peuplent les tunnels de la partie souterraine de la ville, […]. En ces lieux auraient pu se développer des enseignements gnostiques, qui furent d’abord répandus même au sein de l’Église, puis considérés comme hérétiques et même persécutés, comme dans le cas des Cathares […] » (p. 67) .

” C’est peut-être de cet environnement et de ces idées que l’idée du Crucifix d’Osimo est née, puisque pour les Gnostiques l’Un divin contenait à la fois le principe masculin et le principe féminin” (p. 68) .

Dans le quatrième chapitre, « Architecture gothique et géométrie sacrée », les auteurs font référence à la géobiologie, au « feng shui », à « un “sentiment” qui liait les bâtisseurs médiévaux à ceux des anciens édifices païens » (p. 70). Même les édifices gothiques, par la « sensibilité aux champs électromagnétiques, aux courants telluriques » etc., « refléteraient des protocoles codifiés avec un mélange de sagesse, d’art et de magie » ( p. 70), avec la « tâche d’unir les diverses énergies, pour équilibrer ceux qui venaient d’en bas avec les énergies “hautes”, cosmiques et spirituelles(p. 70). Les maîtres bâtisseurs et les templiers gravent les symboles de la “géométrie sacrée”, de la philosophie gnostique et de la magie dans les édifices cultuels, les églises et les cathédrales (cf. p. 71).

Le cinquième chapitre traite des ordres néo-templiers. Il est également fait mention de l’OSMTH, qui a une commanderie à Osimo dont Fabrizio Bartoli est membre (cf. p. 93, 95).

Le septième chapitre est consacré au Sanctuaire de Campocavallo (pp. 125-135) et reprend ce qui est contenu dans le livre précédent de Mosca-Rubino. Mosca-Mazzocchi dépeint à nouveau l’architecte du sanctuaire presque comme un franc-maçon ou comme un templier ésotérique : « Costantino Costantini, de quel côté était-il ? Avec la hiérarchie ecclésiastique ou avec la franc-maçonnerie ? Il n’a probablement pas pris parti, mais il a essayé d’utiliser un langage universel utilisé par les anciens maîtres de l’art et de l’architecture qui, comme lui, voulaient sortir de la logique des dualismes pour parvenir à une croissance spirituelle de l’humanité ” p.134f).

Costantini ” comme les Templiers sont allés au-delà du jeu des factions au fil des ans, tentant d’employer un langage universel utilisé sous diverses formes pour une croissance spirituelle de l’humanité par divers maîtres de l’histoire ” (p. 138) .

Une annexe est consacrée à la petite église de San Filippo de Plano dans le hameau de Casenuove à Osimo. Les Mosca-Mazzocchi estiment que cette église est située dans l’un des ” hauts lieux “, ” doués d’énergies spéciales” , “d’énergies subtiles ” capables de générer du bien-être chez ceux qui y séjournent (cf. p. 139f). Les Mosca-Mazzocchi mélangent la piété chrétienne avec des croyances de nature magique et païenne : « énergies positives » , « résonance profonde entre ciel et terre et entre âme et corps », « génie loci ».» (cf. p. 144). Enfin, ils mentionnent l’Evangile Gnostique de Philippe, qui enseigne que l’humanité était à l’origine ” androgyne “

4. A propos de Saint Philippe de’ Plano : Energies, Templiers, Tarot, Kabbale

En mai 2020, l’ Associazione Culturale S. Filippo ( Association culturelle de Saint-Philippe, Casenuove, Osimo) a publié la brochure de 49 pages « Le energie di un Luogo Alto » (« Les énergies d’un haut lieu. Hypothèses et études : Église de San Filippo de’ Plano ‘), écrit par Alberto Mazzocchi (voir chapitre précédent) et Agnese Mengarelli, ‘ journaliste environnemental ‘, ‘ ésotériste passionné ‘,  sourcier et géobiologiste ‘, ‘ expert en domothérapie , feng shui ‘, auteur du blog ‘ La Sibilla del Conero» (voir au dos de la brochure).

Mazzocchi-Mengarelli écrivent que l’Église Templière est un lieu « de grande énergie » , « d’ énergies », avec une « atmosphère magique » (cf. p. 1) ; c’est un lieu de ” courants d’énergie très forts, capables d’affecter la santé humaine ” ( p . 4). C’est le lieu des « énergies électromagnétiques et des énergies subtiles » ou « telluriques » perceptibles par les « radiesthésistes » (voir p. 15).

Les deux auteurs parlent d’ « énergies cosmiques et telluriques » , de « divination », de « radioesthésie » (cf. pp. 20-21 ), de « réseau de Hartmann », de « rayonnement » (cf. pp. 26-27 ) .

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L’église de San Filippo de’Plano, appartenant à l’ancien précepte templier

Selon Mazzocchi-Mengarelli, tous les édifices sacrés, du menhir à la cathédrale, sont « toujours érigés dans des lieux marqués par de fortes énergies cosmiques-telluriques. Les constructeurs de temples de tous âges ont affiné leurs techniques pour manipuler, diriger et canaliser les énergies à des points spécifiques. Ce rayonnement produit des effets importants chez les croyants, améliorant leurs perceptions et leurs prières et leur procurant un état général de calme et de bien-être profond que les non-croyants éprouvent également » (p. 32) .

En réalité, la prière chrétienne ne dépend pas d’énergies telluriques cosmiques supposées mystérieuses, mais de la grâce de Dieu et de la foi catholique des croyants.

Selon Mazzocchi-Mengarelli, il existe des lignes d’énergie, les « Ley Lines » : « comme de grands courants d’énergie sur lesquels les formes-pensées et les idées voyagent autour de notre planète, créant un réseau de communication entre les mondes, les étoiles et les galaxies partout où la complexité de la vie est présent ” (p .33).

Les théoriciens des lignes telluriques incluent l’occultiste anglais Dion Fortune et l’écrivain chaman Carlos Castaneda (voir p. 34).

Mazzocchi-Mengarelli émet l’hypothèse qu’une ligne tellurique relie la Sainte Maison de Loreto, le Sanctuaire de Campocavallo et l’Église de San Filippo de’ Plano (cf. pp. 36-40).

Concernant l’étoile à six branches placée sur le sol du sanctuaire de Campocavallo, juste sous le dôme, Mazzocchi-Mengarelli écrit qu’en restant quelques minutes au centre de l’étoile, « on peut percevoir une forte énergie qui, selon notre expérience certains jours, il est purifiant et soulageant, d’autres jours, il est édifiant et centré spirituellement » (p. 40).

Selon les auteurs, des expériences énergétiques plus intenses pourraient être perçues dans l’église de San Filippo de’ Plano : ” de nombreux points énergétiques “, ” une énergie élevée “, ” un chemin énergétique que l’on peut suivre en priant, en méditant ou simplement en s’écoutant “, “12 tours dans le sens inverse des aiguilles d’une montre”, ” poser les mains sur l’autel pour retrouver l’équilibre ” (cf. p. 43)… Entrer dans l’église des Templiers ” améliore énormément leur niveau d’énergie ” (p. 43 ) .

Pourquoi douze rounds pour activer le « chemin de l’énergie spirituelle » ? Les deux auteurs expliquent le nombre douze et citent comme autorités, entre autres, Oswald Wirth et René Guénon (cf. p. 46), tous deux ésotéristes et francs-maçons… Et puis ils se réfèrent à l’Arcane 12 du Tarot (Le Pendu : « Initiation passive ou mystique »), le Grand Travail Alchimique, les 7 chakras et les 5 sens (cf. p. 47), le lien entre les 22 arcanes du Tarot et les 22 lettres de l’alphabet hébreu et donc « la Kabbale » ( cf. p . 48).

Pour finir, le texte de Mazzocchi-Mengarelli regorge également de convictions ésotériques. La recherche ésotérique d’expériences ou de courants d’énergie dans les églises et les sanctuaires recèle le danger que des visites apparemment culturelles ou dévotionnelles deviennent des actes ou des rituels ésotériques, superstitieux ou même magiques. Les adhérents ou sympathisants de l’ésotérisme (chrétiens ou non-chrétiens, théistes ou agnostiques) comprennent notre foi et notre dévotion chrétiennes comme une couverture extérieure ou exotérique pour ce qui est plus important, intérieur ou ésotérique pour eux et ce que nous appelons “GNOSE”.

Dans la première partie J’ai examiné trois livres et une brochure publiés entre 2006 et 2020, à partir desquels on peut déduire la présence à Osimo et ses environs de personnes et de milieux fascinés par l’ésotérisme et le symbolisme et/ou la structure attribuent des significations ésotériques et gnostiques au sacré. lieux, églises et sanctuaires locaux. Ainsi, ceux qui visitent de tels lieux avec un esprit ésotérique et gnostique peuvent ne pas viser principalement la curiosité culturelle ou la prière dans l’esprit de la foi catholique, mais plutôt l’expérience de prétendues énergies cosmiques et telluriques. Dans ce cas, nous aurions affaire à une sorte de magie

Je tiens à préciser que lorsque je parle des Templiers et de l’ésotérisme, je ne sous-entends pas que les anciens Templiers étaient des ésotéristes et des gnostiques, je veux simplement montrer que certains Néo-Templiers modernes sont en accord culturel ou en affiliation avec le milieu maçonnique, tels sont.

5. “Le tarot de pierre du Palazzo Campana à Osimo” (1997)

Dans la bibliographie du livre de Roberto Mosca et Angelo Renna, « Le Grotte, i Cavalieri, le Logge » (« Les Grottes, les Chevaliers, les Loges », Osimo Edizioni, 2006), à la page 189, il y a aussi le livre de Franco Copparo et Fabio Filippetti, ” I Tarocchi di pietra del Palazzo Campana di Osimo. Guida ai misteri delle grotte » (« Le tarot de pierre du Palazzo Campana à Osimo. Un guide des mystères des grottes », publié en 1997 par l’ Istituto Campana per l’Istruzione Permanente – Osimo .

Au verso, vous pouvez lire que Franco Copparo, né à Osimo en 1952, est directeur administratif du service de santé publique d’Ancône, chercheur en ésotérisme et alchimie et professeur du cours «Sous le signe du mystère» au lycée populaire d’Ancône dans le année académique 1995/96. Fabio Filippetti, né à Ancône en 1958, est médecin et scientifique spécialisé en parapsychologie et ésotérisme.

Copparo-Filippetti voient les grottes, “les entrailles de la terre”, dans une tonalité “ésotérique”, comme un lieu de “regressus ad uterum”, de mort et de renaissance initiatiques (cf. p. 8), comme une “porte d’entrée vers le monde des enfers », et la descente en bas est suivie de la montée en haut (cf. p. 9)

“Dans la tradition, l’inframonde est un réservoir d’énergie matérielle salutaire, d’énergie tellurique, associée aux puissances chtoniennes, les divinités de la terre, de la mort et de la germination” (p. 9).

Les Grottes d’Osimo sont un “chemin initiatique” (p. 21) qui s’inscrit dans la “longue chaîne initiatique” (p. 22) et “transmet l’enseignement secret qui ne devait pas être révélé aux profanes sous peine de la mort” (p. 22) .

Ce qui suit est une explication des sculptures ou “pierres de tarot” à la lumière de la mythologie et de l’alchimie ésotérique. Je ne signalerai que la sculpture de “l’illuminé”, c’est-à-dire celui qui a reçu la lumière, l’illumination spirituelle. Il est le guide des initiés (le mystique de l’antiquité) qui a atteint la sagesse holistique et dont la sagesse repose sur l’arbre desséché, et il est aussi l’incarnation de la science mystique et mystérieuse des fils d’Hermès » (p. 81 ). Hermès ou Mercure est “un messager des dieux des enfers” (cf. p. 85).

À la fin du livre se trouve la postface de Renucio Boscolo (p. 96-101), lui aussi passionné d’ésotérisme. Boscolo interprète la ” descente aux enfers”» (p. 96) que le « VITRIOL » (p. 96) des alchimistes, c’est-à-dire la « visite » « à l’intérieur de la terre » pour découvrir le « ReBis, la pierre cachée » (cf. p. 97). Par conséquent, “avant de monter au ciel, il faut descendre aux enfers, passer par le Ianua Inferi, puis en sortir libéré et libéré des peurs de l’inconscient et de l’obscurité. Seuls ceux qui ont traversé cette porte de panique et de ténèbres infernales peuvent renaître […] » (p. 99). Bref, c’est une pensée gnostique, très éloignée de notre foi catholique.

6. Fabrizio Bartoli : physicien, ésotériste, OSMTH Templier, franc-maçon du Grand Est de l’Italie

Dans la première partie, j’ai jeté un coup d’œil à une figure très importante qui, en quelque sorte, unit les trois premiers textes que j’ai étudiés, en ce sens que leurs auteurs respectifs (Roberto Mosca et Angelo Renna, R. Mosca et Alfonso Rubino, R. Mosca et Alberto Mazzocchi) le mentionnent et le remercient. Il a écrit l’introduction du dernier livre de Roberto Mosca (1958-2014), co-écrit avec Alberto Mazzocchi, Alla luce nell’ombra ( À la lumière dans l’ombre», SpringColor, Castelfidardo 2014). Fabrizio Bartoli est physicien diplômé, ancien enseignant dans des lycées techniques, de 1998 à 2005, il a été directeur du Musée des sciences naturelles de la province d’Ancône «L. Paolucci”, chercheur ésotérique et auteur de plusieurs livres. Il est Grand Officier de l’ Ordre des Templiers OSMTH

À l’été 2020, Bartoli, alors adjoint au maire d’Offagna dans la province d’Ancône, a participé à un documentaire de la BBC Reel à Londres montrant les grottes des Templiers à Osimo. Dans la vidéo de cinq minutes et demie , Bartoli pointe du doigt la figure dans les grottes représentant « Hermès Trismégiste », ajoutant : « Ainsi, Hermès Trismégiste faisait partie de la culture dite gnostique, que les Templiers appréciaient naturellement » ( Min. 3:36 -3:49).

Regardons quelques livres du professeur Fabrizio Bartoli.

6.1. Sculptures mystérieuses : Templiers, Hermétisme, Alchimie, Gnose (2012)

En 2012, l’ Accademia degli Alethofili von Osimo a publié un livre de son président, Fabrizio Bartoli, intitulé ” Le sculture misteriose delle grotte del Palazzo Campana di Osimo simboli della cultura illuminista ed esoterica” ( ” Les sculptures mystérieuses dans les grottes du Palazzo Campana à Osimo , symboles des Lumières et de la culture ésotérique »). Le livre comprend une introduction par un conseiller de quartier qui espère que “cet héritage souterrain que nous avons dans notre Osimo pourra bientôt être visité par tous” (p. 3).

Bartoli illustre des sites, des symboles et des concepts ésotériques, ainsi que des phénomènes historiques et culturels, qui sont pour l’essentiel déjà évoqués dans les textes que j’ai examinés dans les sections précédentes : Grottes, Alchimie, Hermétique, Hermès Trismégiste, Templiers et Néo-Templiers, Rose-Croix , Carboneria du XIXe siècle, Franc-maçonnerie du XVIIIe siècle à nos jours.

Je ne citerai que quelques innovations ou réalisations Gnostiques et Hermétiques :

a) Le voyage initiatique (alchimico-hermétique) dans les viscères ( l’intérieur) de la terre (VITRIOL) et dans notre être intérieur est nécessaire pour découvrir en nous l’étincelle divine qui nous rend divins (cf. p. 71f) .

b) L’« initiation » mystérieuse et maçonnique est la « MORT INITIALE » (p. 75), le profane « doit laisser mourir son ego » (p. 75).

c) Concernant les « Traditions Initiatiques » et les « Confréries du Mystère et de l’Initiation » : « Trahir un ‘frère’ ou révéler les mystères, rites et cérémonies liés à la doctrine ‘réservée’ a toujours été considéré comme une grande trahison punie avec l’expulsion et plus tôt aussi avec la mort » (p. 78).

d) “Hermès – Mercure”, ou “le dieu Thot”, ou “Hermès Trismégiste” avec son bâton de caducée, maître de “sagesse” et de “lumière” (cf. pp. 89-101).

e) Les principes de la “Tradition Hermétique”, du “Corpus Hermeticum” (pp. 102-104) et leur but : retrouver son “étincelle divine” ou “essence intérieure” et “renouer avec l’harmonie cosmique”. ( p. 104).

f) Connaître/expérimenter/« conquérir » « l’unité de toutes choses » (« vision holistique », « RÉSEAU UNIVERSEL », « contexte énergétique »); dans chaque molécule réside l’omniscience et l’omniprésence de l’infini (cf. p. 111).

g) Outre l’hermétisme, la “tradition gnostique”, le christianisme “gnostique-johannéen”, la “voie gnostique” est importante (cf. pp. 121-136). Il n’est pas difficile de comprendre que Bartoli est du côté des gnostiques et de l’hermétisme et non du côté du christianisme catholique, romain et orthodoxe. Jésus est réduit à un maître spirituel, gnostique, qui nous apprend à reconnaître notre divinité intérieure, à nous sentir comme égaux à Lui (cf. pp. 124-129). L’étudiant éclairé d’Hermès et de la Gnose expérimente le “Démiurge”, le “Dieu”, le “Nous” en lui (cf. p. 103s).

h) Le Tarot ou les Arcanes Majeurs, comme figures d’initiation à l’alchimie, les Soufis et les Templiers (cf. pp. 140-144).

Dans les “Conclusions”, Bartoli explique que l’ordre néo-templier auquel il appartient, l’OSMTH, a organisé des conférences et des conférences sur la signification des symboles ésotériques et templiers dans les grottes d’Osimo (cf. p. 147). Bartoli a accompagné des “personnes importantes” dans les grottes, dont le Grand Maître de la franc-maçonnerie du Grand Orient d’Italie (GOI), Gustavo Raffi, et Sir Ian Sinclair, Grand Prieur des Templiers écossais (néo) (voir p. 147).

En première page, Bartoli remercie “Maître Raphaël” car il a appris de lui “le véritable enseignement traditionnel, qui conduit aussi à l’amour et à la sagesse” (p. 1). Raphaël est une sorte de maître néo-hindou .

6.2. Templiers gnostiques

En 2014, la maison d’édition Tipheret du groupe médiatique Bonanno ( Acireale – Rome) a publié un recueil d’études sur l’Académie des Templiers du Grand Prieuré d’Italie de l’OSMTH (Ordo Supremus Militaris Templi Hierosolymitani) : ” Les Templiers et leur Environnement. Études de l’Académie des Templiers » . Dans le post « Secretum Templi(pp. 159-168) Fabrizio Bartoli présente les Templiers comme porteurs de l’ancienne Gnose. Bartoli explique que les anciens gnostiques vénérés par Basilide, “Abraxas”, “un dieu qui intègre des contraires qui se complètent, une divinité qui transcende la dualité du bien et du mal”. Selon certains savants, la signification des deux serpents au lieu de jambes, semblables aux deux serpents du caducée, fait référence à la complémentarité des contraires » (p. 161).

Selon Bartoli, les Templiers ont assimilé la gnose juive, essénienne, néoplatonicienne et soufie (cf. p. 166). Bartoli explique que “le dieu des Gnostiques Abraxas” “terre et ciel, sacré et profane, humain et divin, positif et négatif, masculin et féminin, matière et esprit, l’évolution et l’involution rassemble l’observateur et le phénomène en lui-même” ( p. 167).

Bartoli est gnostique : « L’Esprit infini ‘ de la même substance que le Père ‘ est aussi présent en nous, de sorte que se connaître soi-même, au niveau le plus profond, c’est en même temps connaître Dieu. C’est le secret de la Gnose : l’union entre l’intérieur et l’extérieur, entre le ciel et la terre, entre le microcosme et le macrocosme. Seule la conception d’un Dieu non dualiste et impersonnel pourra « unir ce qui est épars», rassemblant les grandes philosophies et religions de l’histoire (égyptienne, hindoue, pythagoricienne-platonicienne, bouddhiste, juive, chrétienne, musulmane, etc.) ; ils pourront s’unir à cette vision holistique pour s’élever au ciel, fusionnant les uns avec les autres et unissant en une seule philosophie-religion unifiée, une seule et unique conscience universelle, une vision globale de toutes les visions partagées de Dieu. Véritable œcuménisme. C’est le grand espoir dans nos cœurs de Nouveaux Templiers » (p. 168).

En 2018, l’éditeur Nisroch de Macerata (AN) a publié le livre ” La Dea Eterna “ ( ” La Déesse Éternelle “) de Michele La Rocca avec un essai de Fabrizio Bartoli en annexe. Le livre contient une introduction de Dom Salvatore Frigerio(cf. p. 5f), un moine camaldule de Fonte Avellana. La Rocca est d’avis que l’élite des Templiers comprenait également les adorateurs de la déesse égyptienne Isis (cf. p. 87) et semble préférer Isis à la Sainte Mère des Chrétiens (cf. pp. 86-89). Selon La Rocca, Jésus ne s’est jamais qualifié de Dieu; seule l’Église de Rome le définissait comme tel (cf. p. 115)… Bartoli parle aussi de la déesse Isis, Cybèle, la Grande Mère, qui est également vénérée dans les Marches, à Sirolo, Osimo, etc. (cf. .p .158-238).

En 2021, Verlag Nisroch a publié un autre livre de Michele La Rocca et Fabrizio Bartoli, “L’ Ordine del Tempio oltre il velo. I Templari e la Gnosi » (« L’ Ordre du Temple dévoilé. Les Templiers et la Gnose“). Les auteurs louent les enseignements gnostiques et les templiers gnostiques. Dans la préface (p. 5-9), Claudio Bonvecchio fait également l’éloge du Gnosticisme et l’attribue aux anciens Templiers (cf. p. 8f). La Rocca et Bartoli pensent que l’élite templière était gnostique (voir p. 18f). Les deux auteurs résument les études sur le gnosticisme menées par Paolo Galiano, Claudio Bonvecchio et Marco Rocchi (cf. pp. 21-28). La Rocca et Bartoli croient que le sceau des Templiers était “Abraxas”, le dieu gnostique qui est au-delà du bien et du mal, au-delà de dieu et du diable, Abraxas le “dieu métaphysique” qui unit tous les contraires (cf. p. 113-133) .

6.3. Templiers et francs-maçons (GOI)

En décembre 2019, Nisroch a publié le livre La Loggia Mother Kilwinning No. 0. La Madre Loggia di Scozia » (« La Kilwinning Mother Lodge No. 0. La Mother Lodge of Scotland ») de Fabrizio Bartoli et Michele La Rocca. Le livre contient une préface (p. 3) de Paolo Nicola Corallini Garampi [OSMTH] et une préface de Claudio Bonvecchio, qui a obtenu son titre de Grand Maître Associé du Grand Orient d’Italieci-joint (page 6). À la page 55, Bartoli et La Rocca écrivent : “Lors d’un voyage en Écosse en 2002, nous avons visité la Kilwinning Mother Lodge avec d’autres frères”, et ci-dessous se trouve une photo de quatre hommes dans cette loge maçonnique, les noirs et blancs sur la photo sol en damier et posez votre main droite sur votre cœur. Parmi ces quatre figurent Paolo Corallini et Fabrizio Bartoli.

En mars 2019, Nisroch a publié le livre Templari e Liberi Muratori Antichi Confratelli (“ Templiers et francs-maçons – Vieux Frères”) de Paolo Nicola Corallini Garampi et Fabrizio Bartoli, qui se présentent ouvertement comme des dignitaires de l’Ordo Supremus Militaris Templi Hierosolymitani (OSMTH) et attribuent aux anciens templiers des croyances gnostiques, un « christianisme gnostique » (p. 95) et le culte de « Baphomet » (p. 96). Apparemment, Bartoli et Corallini ne montrent aucune aversion pour le gnosticisme.

Les auteurs insinuent que “l’alphabet énochien” de John Dee [c’est-à-dire la magie “angélique”] a alimenté le rosicrucianisme et la franc-maçonnerie du rite écossais ancien et accepté (AASR) (voir pp. 149f). Les derniers degrés du REAA, du 30e au 33e degré, sont à caractère templier (cf. p. 168).

En août 2015, le Collège de Circonscription des Maîtres du Grand Est de l’Italie Marche a tenu une session sur les Templiers. Bartoli et Corallini ont participé et dans leur livre, ils rapportent les discours de l’ancien président du Collège de circonscription des maîtres du GOI Marche, Fabrizio Illuminati, du grand orateur du GOI Claudio Bonvecchio et du grand maître du GOI Stefano Bisi (cf. pp. 172-198 ).

Au dos du livre, on lit que Corallini est Grand Prieur de l’OSMTH, Chevalier de l’Ordre Souverain de Malte – celui reconnu par le Saint-Siège – et aussi de l’Ordre des Saints Maurice et Saint Lazare.

Bartoli est membre de l’OSMTH depuis 2002, dont il est Grand Officier et Grand Maître émérite du Grand Prieuré d’Italie.

À Osimo, l’OSMTH a une mention qui s’appelle San Filippo de’ Plano, du nom de l’église templière que j’ai mentionnée dans la première partie.

Le 28 mai 2022, cette Venue a tenu son Chapitre à Filottrano (Ancône). Sur la photo prise pendant le chapitre il y a des symboles maçonniques évidents (est-ce l’intérieur d’une loge ?) : Sur le mur derrière le Commandant OSMTH d’Osimo il y a un triangle avec un œil ouvert à l’intérieur et on peut voir les Inscriptions A.-.G .-.D.-.G.-.A.-.D.-.U. voir. [En l’honneur du grand Architecte de l’Univers] et “Liberté, Egalité…”. Le troisième mot, “Fraternité”, est obscurci par le Commandant. Ce sont des écritures typiques des loges du Grand Orient d’Italie.

Dans le numéro 10/2014 de l’Académie des Templiers de l’OSMTH, nous lisons à la page 32 que Paolo Corallini Garampi est également membre de l’Ordre Royal d’Écosse .

Bartoli et La Rocca écrivent qu’auparavant il suffisait d’être Maître Maçon pendant au moins cinq ans pour appartenir à l’Ordre Royal d’Ecosse , alors qu’aujourd’hui il faut être 32ème Degré du Rite Écossais Ancien et Accepté ou Templiers de l’Ordre. York Rite (cf Bartoli – La Rocca : La Loggia Mother Kilwinning n° 0 , op.cit., p.74). Le Rite d’York et le REAA sont pratiqués par les Maîtres Maçons du Grand Est de l’Italie.

Dans Erasmus News (Newsletter du Grand Orient d’Italie), n° 15-17, du 15 et 30 septembre et du 15 octobre 2010, on peut lire que la Loge De Hominis Dignitate n° 1314 de Senigallia (Ancône) en obéissance à le Grand Orient d’Italie , a tenu une conférence le 22 mai 2010 dans la Salle du Conseil de la Municipalité de Corinaldo (Ancône) intitulée « Les principes masculins et féminins : amour et connaissance » . L’article énumère quelques-uns des francs-maçons du Grand Orient qui ont assisté à la conférence :

« Parmi les frères de la salle du conseil se trouvaient le conseiller Paolo Nicola Corallini Garampi, le juge de circonscription Fabrizio Bartoli, les vénérables maîtres Mario Massacesi de la Loge Misa ( 1313 ) à Senigallia et Alessandro Martire de la Loge Michelangelo (112) à Florence [… ] » (p. 27, c’est moi qui souligne).

Dans ce contexte, Corallini et Bartoli ne sont pas mentionnés comme Templiers de l’OSMTH, mais comme « frères » du Grand Orient.

J’ai trouvé que Michèle La Rocca (voir ci-dessus et paragraphe 6.2) est aussi un “frère” du Grand Orient. En fait, sur le site Web du GOI, vous pouvez lire qu’à l’occasion de la troisième édition des Segnalazioni Editoriali Victor Hugo 2017 , une initiative de la Loge Victor Hugo 1893 d’Urbino (GOI), le 1er décembre 2017 à Pesaro en présence de le Président du Collège des Maîtres du GOI Marken, Fabrizio Illuminati, “Frère Michele La Rocca” et “Frère Luca Guazzati, entre autres, pour la publication ” La Massoneria nella provincia di Ancona ” ( ” Franc-maçonnerie dans la Province d’Ancône ” , Éditeur Pixel, Ancône 2015 .

Eh bien, dans le livre du franc-maçon Luca Guazzati, il y a une préface du Grand Maître du Grand Orient, Stefano Bisi (p. 5f) et aussi un important essai de Fabrizio Bartoli, “OSIMO, il clima culturale alla fine del 1700 e agli inizi del 1800″ (“ OSIMO, le climat culturel à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle”, pp. 107-136), qui décrit la franc-maçonnerie et la carboneria à Osimo à cette époque.

Je me concentre plutôt sur le chapitre de Luca Guazzati sur la franc-maçonnerie à Ancône (pp. 15-44). Depuis 1870 « la franc-maçonnerie d’Ancône a eu vie, voix et espace (…) dans le journal républicain ‘Lucifero’ » (« Lucifer », p. 22). Dans le Lucifero et d’autres journaux socialistes, “l’esprit révolutionnaire et subversif” était très présent (p. 24). Au début du XXe siècle, le journal Lucifero , porte-parole d’une « culture urbaine démocratique », renforce les rédactions provinciales, dont celle d’Osimo (cf. p. 26). Il y avait « une grande symbiose » entre « le noyau maçonnique et l’équipe éditoriale de Lucifero » (cf. p. 26).

Guazzati pointe l’anti-maçonnerie de Monseigneur Rodolfo Ragnini (1865-1958), qui accusait la franc-maçonnerie d’être une « secte satanique » et de pratiquer le « satanisme » (cf. p. 29f). Mais quelle surprise quand, quelques lignes plus loin, Guazzati lui-même attribue des sympathies lucifériennes aux maîtres maçons :

« Le diable, c’est-à-dire Lucifer ou comme on voudra l’appeler, est pour les maîtres maçonniques versés dans l’ésotérisme non seulement le symbole de la lumière maçonnique, mais aussi de la rébellion contre les dogmes catholiques à la manière de l’Enfer de Dante. Mais Lucifer – et c’est là toute l’importance révolutionnaire du célèbre journal républicain d’Ancône, fondé en 1870 par un comité de rédaction plein de francs-maçons – est aussi une interprétation du principe magique nécessaire pour connaître et atteindre Dieu, la Lumière (p. 30 , c’est moi qui souligne).

Je dois noter que le passage du franc-maçon Guazzati (2015) cité ci-dessus reproduit clairement certaines phrases d’une de mes études publiées en 2007 dans la Fides Catholica n (Partie 1) » (pp. 15-82) puis (entre 2011 et 2012) repris par un certain nombre de sites Web qui ont au moins crédité l’auteur du texte. Je me demande : Guazzati a-t-il pris mon étude de Fides Catholica ou d’un site Internet, ou quelqu’un la lui a-t-il transmise sans citer la source et l’auteur ?

En 2007, j’ai écrit (les mots que j’ai soulignés sont reflétés dans l’extrait de Guazzati ci-dessus):

« Pour les Maîtres Maçons versés dans les Sciences Initiatiques Ésotériques (et ayant reçu des diplômes supérieurs, ex : REAA), Lucifer peut (est) non seulement le symbole de la Lumière Maçonnique, de la rébellion contre le dogme catholique, mais aussi de l’être esprit de lumière , […]. ‘Lucifer’ (ou le ‘Diable’) est également interprété par les Maîtres Maçons comme un principe magique nécessaire pour connaître et atteindre Dieu, la Lumière » (p. 45f). Eh bien, peu importe si “frère” Luca Guazzati ne m’a pas délibérément cité, le fait demeure important qu’en adoptant mes passages, il les a approuvés et partagés, confirmant ainsi ce que je sais depuis des années sur la “sympathie” du maître maçon.

Le Père Paolo Maria Siano appartient à l’Ordre Franciscain de l’Immaculée (FFI); le docteur en histoire de l’Église est considéré comme l’un des meilleurs experts catholiques de la franc-maçonnerie, à laquelle il a consacré plusieurs ouvrages de référence et de nombreux essais. Dans sa dernière publication, il s’attache à prouver que la franc-maçonnerie contenait dès l’origine des éléments ésotériques et gnostiques qui justifient à ce jour son incompatibilité avec la doctrine de foi de l’Église.

Traduction : Giuseppe Nardi
Image : Corrispondenza Romana

SOURCE  :  https://450.fm/2023/05/27/esoterisme-et-tellurisme-deesse-mere-neo-templiers-francs-macons/

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Cantique du Quantique pour un franc-maçon 14 mai, 2023

Posté par hiram3330 dans : Recherches & Reflexions , ajouter un commentaire

Cantique du Quantique pour un franc-maçon

 
Solange Sudarskis

Par Solange Sudarskis
9 mai 2023
Cantique du Quantique pour un franc-maçon dans Recherches & Reflexions quantique2

Un conte dialogal écrit avec le TCF Raphaël Massarelli [1].

Ellimac. Il y a peu de jours, comme je partais de ma maison, je vis un homme de la connaissance, mon ami Ithloaèdes, je l’appelais de loin et le rejoignis. Ithloaèdes ! Je te cherchais justement pour te demander ce qui s’était passé avec Kyrios le jour où vous allèrent souper à l’académie. En t’y rendant, je t’avais entendu marmonner très embarrassé, à plusieurs reprises : Vite une question,  j’ai la réponse ! Vite une question, j’ai la réponse ! On dit que toute la conversation roula sur l’origine de toute chose, et je meurs d’envie d’entendre ce qui s’était dit de part et d’autre sur ce sujet. Conte-le-moi donc, je te prie. D’ailleurs, pouvons-nous mieux employer le chemin qui nous reste d’ici à notre tenue ?

Ithloaèdes. Je te rassure sur mes prétentions. Cette histoire n’avait commencé que par une boutade ! Un jour, me promenant seul, en souvenir d’une galéjade, j’avais murmuré, en plaisantant, «Vite une question, j’ai la réponse».  Kyrios, venant derrière moi, m’entendit, me mit au défi et me donna rendez-vous à l’académie pour le lendemain où je m’y rendais et c’est ainsi qu’il me questionna.

Kyrios. Tu as la réponse ? Bien, alors dis-moi, Ithloaèdes, y a-t-il une origine à toute chose ? Comment et pourquoi le monde existe et comment ce monde a la forme qu’il a ? D’où vient l’ordre sensible des choses ? Comment a pu émerger, à partir de rien, une organisation de l’énergie, de la matière et du vivant ? Comment peut-on connaître la vérité ?

Ithloaèdes. Tu es bien généreux et libéral, mon ami : je ne demande qu’une question simple, et tu en donnes une variété ; une seule aurait suffi. Alors, disons que si ta première question est : comment comprendre la constitution d’un système complexe à partir de rien, ma réponse est : on n’est pas sûr de savoir comment cela se passe. La quête du début de toute chose, celle que les physiciens désignent par Big-bang, est une grande affaire scientifique, non encore élucidée.

C’est pour cela qu’on l’appelle théorie du Big-bang car ce n’est qu’un ensemble de notions, d’idées, de concepts abstraits, de tentatives de répliques mathématiques de l’univers qui demandent continuellement à être confirmés. De manière simpliste, certains physiciens considèrent que le Big-bang est une singularité, une chose étrange pourrait-on dire, que nous sommes résignés à tenir pour un grand mystère. En effet, sur ce qu’il y avait avant la singularité qu’est le Big Bang, pourrait commencer le débat sur l’éventualité d’un Dieu créationniste, sur un principe organisateur tel qu’on le retrouve avec le Brahman principe de toutes choses, le démiurge de Platon, le premier moteur immobile d’Aristote, le logos des stoïciens, le grand horloger de Voltaire, le dieu nature de Spinoza, et même le GADLU.

Kyrios. Je t’arrête, mon ami, laissons plutôt aux théologiens le soin de dire comment on va au ciel et aux astrologues le soin de dire comment va le ciel. Revenons sur terre et laisse-moi poser une question autrement. Comment peut-on penser l’émergence de quelque chose, à partir de composantes qui avaient au départ des propriétés totalement différentes les unes des autres ? En somme et pour exprimer cela d’une façon plus simple : on dit que le tout est davantage que la somme des parties qui le constituent, sais-tu si cela est vrai ?

Ithloaèdes. C’est tout à fait exact, c’est une manifestation des systèmes physiques connue depuis plus d’un siècle. Scientifiques et sociologues ont démontré qu’on ne peut pas se contenter de comprendre la nature à partir de chacun de ses éléments constitutifs pris individuellement. Comme un fameux physicien français (Poincaré) aimait à dire dans ses cours de Physique : «une maison est faite de briques, mais un tas de briques ne fera jamais une maison !». Cela veut dire qu’on ne peut pas se contenter de comprendre la nature à partir de la connaissance de ses éléments les plus simples, car on ne donne, ainsi, qu’une vision très approximative de la réalité du tout. En somme, c’est le contraire de la démarche réductionniste analytique qui accepte, conformément à la méthode que proposait Descartes, de réduire le tout à ses parties, pour mieux le comprendre.

Kyrios. Veux-tu dire que devrions-nous cesser d’être cartésiens ?

Ithloaèdes. Peut-être ! Pour un nombre croissant de scientifiques en tout cas, le réductionnisme est une entreprise qui risque de reposer sur une erreur de conception fondamentale. Au plan d’une vision générale sur l’Univers, le concept de l’émergence ne permet pas de comprendre immédiatement pourquoi le monde est ce qu’il est, et moins encore ce qu’il deviendra. Il permet juste de comprendre qu’aucune théorie réductionniste ne permettra jamais d’analyser et reproduire la complexité du monde.

Kyrios. Pour comprendre cela, faudrait-il, alors, revenir à la possibilité d’utiliser une vision «holistique» de la complexité du Tout. C’est-à-dire une vision d’ensemble, globale qui admet qu’il faut essayer de comprendre la totalité produite par composition de ses simples constituants ?

Ithloaèdes. Je pense que ce serait une possibilité, par exemple : si on fait un tas avec 9 briques, son poids se réduit à la somme des poids de chaque brique, il n’y a pas d’émergence. Mais prends une miche de pain, il est facile de voir que celle-ci possède des qualités qui ne peuvent être considérées comme la somme de ses ingrédients ; sa texture est totalement différente de celles de ses composants, blé, eau, sel, levure, feu… avant leur mélange. La miche est une émergence. Les propriétés émergentes du pain proviennent de l’interaction entre ses ingrédients et le pain qu’on obtient est bien plus que la somme de ses constituants essentiels. La nature du vivant ressemble plus au pain qu’au tas de briques. Si nous regardons un organisme vivant, celui-ci est, évidemment, plus que la somme de ses organes.

Un autre exemple : Prenons une molécule d’oxygène, qui compose la plupart des substances. Si nous prenons une bouteille remplie d’oxygène pur, non mélangé à une autre substance, elle semble vide, l’oxygène est invisible à l’œil nu, inodore et au poids négligeable. Il en est de même pour l’hydrogène. Cependant quand on met ces deux éléments ensemble, ils se transformeront immédiatement en liquide visible, en eau qui, elle, aura un poids.

Kyrios. Cela veut-il dire que le monde est constitué par des strates imbriquées d’émergences et pour les comprendre, il suffirait d’admettre qu’un niveau est constitué à partir d’éléments du niveau précédents lorsque ceux-ci s’organisent et s’intègrent ensemble pour donner quelque chose de nouveau, en d’autres termes pour créer quelque chose en plus d’eux-mêmes ?

S’il en est ainsi, alors on peut comprendre pourquoi la pierre qui constitue la clé d’une voûte n’est pas une pierre comme une autre car, en fermant la voûte, elle la solidarise, la constitue en un tout qui tient. Elle crée la voûte dans sa relation d’équilibre des forces avec les autres pierres en tant que structure architecturale dans laquelle il suffit d’enlever une pierre quelconque pour que l’édifice s’écroule et devienne un tas de pierres.

De même aucun élément d’un circuit ne vaut grand-chose en lui-même par sa matérialité, mais, le fait de se fermer, comme dans une chaîne d’union, de faire cercle ensemble, assure la continuité et établit, dans ce cas, la circulation d’un flux d’émotions, d’échanges entre FF  et SS.  Ce qui émerge à ce stade c’est donc la totalité comme telle, qui vaut bien plus que la somme des éléments du circuit. 

image dans Recherches & Reflexions
Le Bigbang

Ithloaèdes. Certes, toutefois, on considère qu’il y a émergence dès lors que les ensembles constitués par cette organisation complexe sont stables et qu’ils ont des propriétés propres, différentes de leurs composants antérieurs. L’émergence peut donc se définir par rapport à l’idée d’une organisation du monde selon des degrés de complexité croissante, succession qui ne peut être réduite à ses degrés élémentaires. Maintenant, il faut se représenter l’immense champ des technologies émergentes et convergentes, aujourd’hui disponibles susceptibles de fournir des briques pour la construction d’êtres artificiels, jusqu’à des populations de robots dotés de propriétés absolument inattendues et qu’on prétend qu’ils pourraient dépasser en intelligence les humains. Mais cela reste, aux yeux des scientifiques, un rêve romanesque fou et cependant non des moindres, les européens et les américains s’y investissent déjà.

Kyrios. Que le grand cric me croque et me fasse avaler ma barbe ! Comment apprécier ce monde robotisé dont tu me parles au regard du progrès humain que cela pourrait apporter.

Et maintenant,  en admettant une complexification croissante d’un niveau à un autre, je me demande ce qui se passe dans le vivant. Comme on le sait, nous sommes constitués des mêmes atomes que la terre et les étoiles, mais comment ces éléments se composent-ils pour constituer la vie ? Est-ce un résultat de la complexité ?

Ithloaèdes. On peut en effet expliquer la vie ainsi, une complexité de relations entre les atomes qui forment des molécules, qui forment des cellules, qui forment des tissus, des organes, des organismes. Et tu peux même observer ces effets de la complexité au cours de l’évolution à des niveaux surprenant comme par exemple celui de la conscience.

Il y a un exemple à ce sujet qui pourrait expliquer le vivant par un théorème qui a pris le nom de Bose -Einstein, théorème, on s’en doute très compliqué sur les fluides quantiques[2], mais sur la base duquel, certains scientifiques en déduisent que sous conditions particulières  et lorsque le nécessaire niveau de complexité est rejoint,  des éléments simples peuvent fusionner en un seul et unique élément. C’est le principe philosophique qui implique que le Tout donne le Un.

Ce concept, peut être appliqué au vivant et observé au cours de l’évolution des espèces. La plus simple forme de vie est donnée par les bactéries et les protozoaires. Ces dernières sont des cellules qui vivent comme des individus dotés de mini-consciences car elles peuvent réagir à l’environnement qui les entoure.

Au cours des millénaires, des cellules semblables aux protozoaires ont formé des colonies, puis des individus plus complexes où les cellules se sont spécialisées en des fonctions diverses. De sorte que leur ensemble, suivant le théorème de Bose-Einstein donne, à partir de nombre de cellules différentes, un seul individu qui aura une seule conscience et non plus un ensemble de mini-consciences.

Cela peut évoluer et se complexifier jusqu’à la conscience humaine, qui, sur Terre, est l’exemple le plus complexe du vivant. Ainsi, d’organismes primaires capables de réactions élémentaires,  on arrive à des organismes qui peuvent écrire et déclamer l’Iliade ou le Mahâbhârata.

Voici comment une conscience peut émerger d’un ensemble d’atomes.

De même, les robots, que j’ai évoqués plus haut, modifieront probablement l’homme lui-même ; ils pourraient donner lieu à des prothèses dont certaines sont déjà utilisées en chirurgie réparatrice, voire dégager une certaine autonomie. L’émergence renvoie à un monde qui n’est pas figé, un monde en évolution dans lequel de nouvelles formes d’existence peuvent apparaître.

Kyrios. Si je comprends correctement ton raisonnement sur l’émergence de la conscience, j’aurais envie de dire que l’existence même de l’homme pourrait avoir modifié tous les niveaux antécédents. Il y a, par émergence, formation d’une hiérarchie de niveaux d’organisation, mais  l’ensemble ne forme pas un monde stratifié. Il s’agit plutôt d’une imbrication, car les niveaux ne sont pas disjoints et empilés, mais comme internes les uns aux autres et interactifs entre eux. Par exemple, la nature, au sens large, qui a permis l’émergence de l’homme s’en est trouvée profondément modifiée par lui. Alors, en cascade, on remonterait à la modification du niveau primordial du Big Bang et en allant encore au-delà, le GADLU lui-même serait potentiellement modifiable par nous en le faisant évoluer à notre image ! D’ailleurs, la kabbale, me semble-t-il,  explique que le Nom de Dieu lui-même est abimé chaque fois que le mal est fait volontairement.

Mais dis-moi, Ithloaèdes, tous ces nouveaux concepts dont tu viens de me parler, s’approchent-ils de la notion de réel, nous découvrent-ils un autre côté du visible ?

Ithloaèdes. Des changements ont bien eu lieu en ce sens, ils concernent l’extraordinaire avancée technologique que nous sommes en train de vivre. Ils sont essentiellement dus à une série de découvertes faites en physique il y a un siècle, d’abord par Einstein avec sa théorie de la Relativité, puis par plusieurs physiciens qui ont développé ce qu’on a appelé la mécanique quantique et puis la physique quantique.

Celle-ci décrit, dans le temps et l’espace, la structure et l’évolution des phénomènes physiques à l’échelle de l’atome et même en-dessous, à l’échelle subatomique. Je te rappelle qu’il y a autant d’atomes dans un verre d’eau qu’il y a de verres d’eau dans l’océan. La partie la plus petite de l’existant serait, par convention, un quantum, un quelque chose. À l’observation, si on la grossissait à l’échelle du système solaire, elle aurait la taille d’un arbre.  Ce monde quantique ne peut pas être décrit dans les termes de temps et d’espace de la physique de Newton, celle de la mécanique, du mouvement, de la masse, de la force, de l’énergie, etc.

Au niveau de l’atome nous savons qu’il y a un monde qu’on a considéré depuis le départ comme bizarre et applicable seulement à l’infiniment petit, avant que l’on ne se rende compte, dans les années 1970, qu’on pouvait l’appliquer aussi à l’infiniment grand, à l’étude de l’origine de l’univers.

Dans cette physique, les objets quantiques sont comme des fenêtres ouvertes sur quelque chose dont on ne peut rien dire en termes littéraires. Je te donne un exemple avec le principe de superposition quantique. Ce principe énonce qu’une composante élémentaire d’un atome, appelons-la particule, peut être localisée à deux, et même plusieurs, endroits en même temps. On dit que la particule est à la fois ici et là-bas, on utilise aussi le terme plus explicite d’intrication

Pire encore, une telle particule quantique se présente sous deux états simultanément. Elle est particule, c’est-à-dire elle a une masse, un poids, et au même temps elle est une onde, c’est-à-dire de l’énergie. Elle est en somme dans un état qu’on a aussi défini de superposition.

On appelle cette onde-particule, ondicule. Elle peut rester sous cette forme indéfiniment, tant qu’elle n’est pas observée. Il suffit, en d’autres termes que quelqu’un l’observe pour qu’elle devienne soit exclusivement onde, soit exclusivement particule. Une onde est comme une vague qui se déplace, qui transporte de l’énergie, sans transporter de matière avec une fréquence vibratoire.

 

Kyrios. Puisque notre corps biologique ne nous permet d’accéder qu’à une gamme limitée de fréquences vibratoires, veux-tu dire que les observateurs créent un réel qui ne serait qu’une vérité partielle ?

Ithloaèdes. Oui, mais… Au début de la physique quantique, on pensait que l’observation devait être humaine et donc représenter le résultat d’une conscience. Mais plus récemment on s’est rendu compte que l’observateur ne doit pas nécessairement être un humain. Il semblerait en effet qu’il suffit qu’une autre particule ou une onde «observe» une autre ondicule pour que celle-ci devienne onde ou particule… Cela semble démontrer que les ondicules ont une certaine propriété que l’on pourrait définir de miroir de conscience.

Kyrios. Mille millions de tonnerres de Brest ! Ce que tu me dis est incroyable !  Explique-moi en quoi ce monde quantique peut-il exister car je ne le vois pas, comment pouvons-nous dire que cette table que je regarde est faite comme tu me dis ? Il y a là quand même un grand mystère qui tiendrait à la nature énigmatique des ondicules avant que l’on ne les observe ; ton électron, par exemple, qui est une ondicule, avant qu’on ne l’observe, peut devenir particule à l’observation, c’est-à-dire de la matière ?

Ithloaèdes. Oui, c’est bien ainsi et vice-versa une ondicule peut devenir une onde. Cela est effectivement mystérieux. Et pourtant même Einstein, qui défendait l’existence d’une réalité indépendante de l’observation, a fini par admettre que l’ondicule est selon ses termes un «champ fantôme», son existence n’est pas réelle au sens où nous l’entendons. Ce serait ce que l’on a appelé un champ de force.

Kyrios. Tu veux dire que la réalité s’actualise seulement sous l’effet de l’observation d’une conscience ? La conscience de chaque individu serait alors responsable de sa propre réalité et chacun la construirait comme un tunnel à travers ce mystérieux monde d’interactions quantiques.

Ithloaèdes. Et oui, c’est ce qui faisait dire à Eisenberg, l’un des fondateurs de la mécanique quantique : «Ce que l’on observe n’est pas la nature en soi, mais la nature telle que l’expose notre méthode pour interroger» et il ajoutait «que l’interaction entre l’observateur et l’objet provoque des changements conséquents et incontrôlables qui modifient le système observé». En d’autres termes ce qui importe ce ne sont pas «sujet et objet», mais la relation qui s’établit entre eux.

 

Kyrios. J’imagine combien cette théorie peut paraître absurde. Elle l’était, en tout cas, pour Einstein qui posait cette question, avec un pincement d’ironie : «La lune existerait-elle quand même, si personne ne l’observait ?» Il ne savait pas le grand physicien que même un photon est doté de connaissance et que….. mais oui, mais c’est bien sûr ! L’univers entier est conscient et il s’observe en permanence ! C’est pour cela que les diamants existent au plus profond de la terre avant d’être découverts, que les poèmes ou la peinture ou la musique existent de tout temps dans l’attente de leurs auteurs. Si je comprends bien, c’est par cette observation, ou permets-moi de dire cette conscience universelle, à laquelle appartiennent la lune, les diamants, toi, moi aussi, qu’est extraite la totalité de notre réel de tout ce qu’il aurait pu être.

Mais continue, je t’en prie, dis-moi autre chose sur la nature de ce monde quantique.

Ithloaèdes. Premièrement, c’est un monde peuplé à 99,9% de vide ! Dans les atomes, entre le noyau et les électrons qui lui tournent autour il y a tellement d’espace que l’on peut affirmer que les atomes sont essentiellement formés de vide. Cela d’ailleurs se reproduit à bien plus large échelle dans l’espace cosmologique. De plus, la matière n’est en réalité qu’une forme d’énergie, il y en a même tellement que certains scientifiques affirment qu’il y a plus d’énergie dans 1 cm3 d’espace vide qu’il n’y en a dans toute celle que nous appelons matière de l’Univers !

Kyrios. Génial ! Une partie de cette énergie pourrait donc devenir une énergie utilisable. Elle constituerait alors une source d’énergie propre et renouvelable, comme celle du vent ou du soleil.

Ithloaèdes.  Des recherches très sérieuses sont faites en ce sens, on parle d’énergie libre. Mais poursuivons avec le quantique.

Deuxièmement, une ondicule est à la fois présente en tout point et nulle part, son existence est alors définie en termes de «champs de probabilité». On entre alors dans un monde de quasi science-fiction, puisque cette onde est présente jusqu’à dans des milliers d’endroits en même temps !

On dit que l’onde est dans un état superposé, à la fois ici et là-bas. Toutefois l’observation va arrêter cette dispersion. Seulement des consciences peuvent être des observateurs. Sans cette conscience, il y aurait cette superposition de possibilités en expansion. Chaque conscience crée ce que tu appelles son tunnel de réalité, parmi tous ceux probables, mais ce n’est pas la Vérité. C’est dire qu’une observation, ce qui revient à mettre de l’information sur quelque chose, extrait cette chose de toutes ses probabilités d’être pour la rendre matériellement existante dans le monde macroscopique, à savoir le nôtre.

Troisièmement, contrairement à la théorie d’Einstein selon laquelle rien ne peut se déplacer plus rapidement que la lumière, on sait aujourd’hui que l’espace dans lequel est contenu notre univers s’épande à une vitesse supérieure à celle de la lumière.

Quatrièmement, prenons deux particules créées en même temps. Selon le principe d’intrication dont je t’ai parlé, si on en expédie une extrêmement loin de l’autre et si on lui fait quelque chose, c’est-à-dire si on l’observe ou qu’on la manipule, l’autre réagira à l’instant même en se présentant dans le même état résultant. On peut en conclure que, soit l’information peut voyager à une vitesse instantanée, ce qui est considéré en l’état de la science comme impossible, soit les deux particules sont toujours connectées. La conclusion est que tout reste très probablement en contact.

Kyrios.

 Ce qui m’intrigue, c’est qu’il n’y a donc pas d’évolution dans le monde quantique puisqu’il exclut le temps ; on pourrait dire qu’il n’est, n’a été et ne sera toujours qu’en termes de potentialités réalisées ou pas. Dans ce monde quantique, alors, paradoxalement, il ne peut y avoir d’émergence puisqu’il n’y a pas d’avant, ni d’après, seulement une actualisation de la création par des consciences qui ne sont pas qu’humaines ?

Ithloaèdes. Si, il y a un avant et un après, puisque il y a eu, selon la théorie, un moment zéro ! On est arrivé à connaître l’âge de l’Univers à un millionième de milliardième de seconde après le Big Bang. Donc il devrait y avoir eu un avant et un après.

Kyrios. En définitive il faut jongler avec deux mondes, celui d’Einstein qui régit les objets massifs (mondes, étoiles et galaxies) et où le temps peut changer comme changent  les trois autres dimensions, et celui de l’infiniment petit (immédiatement après le Big Bang) où il y a eu une soupe quantique, dont on ne sait rien sauf que tout était et n’était pas ; un monde incompréhensible.

Ithloaèdes. La science n’a pas résolu la compréhension de ce passage. Mais surtout les particules de la matière originale qui a émergé du Big Bang, bien que dispersées dans l’accroissement de l’univers, sont restées en contact, ce qui voudrait dire que les particules qui nous composent, nous les humains, sont toujours connectées à toutes les autres particules de l’univers, que tout n’est que UN.

Kyrios. Cela me semble déranger les lois, les observations et les philosophies. Ces différents mondes emboités n’existeraient pas indépendamment les uns des autres, de manière inséparable. Et si je comprends bien,  les divers niveaux de la matière, de la vie, de l’homme et de la société interagissent sans cesse entre eux. C’est pourquoi Max Planck a pu dire : «Il n’y a pas de matière comme telle. Toute la matière est originaire et n’existe que par la vertu d’une force qui entraîne les particules d’un atome à vibrer et qui soutient tout ce système atomique ensemble. Nous devons supposer derrière cette force l’existence d’un esprit conscient et intelligent. Cet esprit est la matrice de toute matière».

 Est-ce bien ce que cela implique ?

Ithloaèdes. Oui, d’ailleurs, depuis fort longtemps pour la philosophie orientale, la nature est un continuum, il n’y a pas de différence entre matière et énergie. Dans cette approche intellectuelle les opposés ne se détruisent pas mais essaient de s’accorder, de se compléter et de ne faire qu’Un. Le Taoïsme enseignait déjà que le deux devient trois, en ne considérant que le rapport qui existe entre les opposés. L’ensemble est ce que l’on nomme le «Un», le Tao. Enfin et pour éclaircir cela, le dialogue qui s’installe entre les opposés, le Yin et le Yang par exemple, ne peuvent se révéler que par leurs échanges. D’où la conclusion philosophique que les opposés existent et n’existent pas, qu’ils sont dans des états superposés au sens quantique.

La pensée occidentale, quant à elle, raisonne trop souvent en termes de dualités, par exemple  le bien et le mal, la lumière et l’obscurité, le blanc et le noir, l’être et le non-être, et cætera. Elle est, ainsi, incapable de comprendre que le deux forment le Un.

Relation, trame, tissu voilà comme on peut voir le monde, un ensemble intriqué de fils formant un tissu multidimensionnel au dessin d’une extraordinaire complexité. Et cela est le tout et en même temps le Un.

Kyrios. Donc, si je comprends bien cet Univers, ce monde dans lequel nous vivons représente le Un ?

Ithloaèdes. Pas tout à fait, car il est arrivé un instant après le début du Big Bang, on peut donc se poser la question qu’y avait-il avant le Big Bang ?

D’un point de vue philosophique, le Un doit inclure tout ce qui existe dans notre espace-temps comme dans les autres univers que certains imaginent  et dans ce qui les contient, car il doit bien exister un contenant. Il suffit d’imaginer que, si la théorie du Big Bang est correcte, au départ, au temps zéro de la vie de l’univers, celui-ci, sa masse et son énergie étaient contenues dans un point dont la masse était énorme et la dimension équivalente, peut-être à celle d’un petit pois. Puis l’explosion et l’inflation qui suivirent formèrent l’univers que nous connaissons. L’unité forma le tout. Cela veut aussi dire que nous sommes en contact encore avec ce tout car tel que nous le voyons l’univers est Un, c’est la science et la philosophie qui nous le disent. Le Un est avant le zéro cosmique.

Mais laissons de côté maintenant cet étrange ballet entre philosophie et physique, car j’ai envie, à mon tour, de te poser une question : Est-ce que le temple maçonnique, en tant que représentation du cosmos, offre des symboles qui nous mettraient sur la voie d’une telle analyse ?

Kyrios. Bien sûr, tout le temple lui-même et, dans le temple, tous les symboles de la dualité et ceux du ternaire montrent, à l’évidence, une vision de la complémentarité des contraires et de leur coïncidence dans l’unité.

C’est l’enseignement majeur de la formation de l’apprenti. Le monde ne peut nous apparaître que sous une forme duale, mais son unité est à rechercher avec le 3. Prenons l’exemple du pavé mosaïque : il est la réconciliation des deux extrêmes que l’ont peut nommer ténèbres et lumière, bien et mal, blanc et noir, Dieu et Diable, infini négatif et infini positif, et, même, masculin et féminin.  Toutefois, parmi les nombres présents dans le Temple qui se donnent à voir, à entendre ou à pratiquer, le nombre 3 paraît le plus utilisé de tous, il est représenté par une multitude de symboles : les trois grandes lumières, les trois piliers lorsqu’ils sont présents, les trois pas de l’apprenti, les coups de maillets, les rythmes d’acclamations, etc. Ce trois est un nombre d’énumération. Cependant, seul le 3 en tant que ternaire, rétablit ce que le 2 a troublé en tant que dualisme, en tant qu’opposition, pas le 3 en tant que dénombrement. En fait, seul le ternaire fait davantage : le passage du 2 au 3 permet de dominer le dualisme, de l’effacer même, non en le niant, mais en le ramenant à l’unité préexistante dans un mouvement ascensionnel ; ses formes symboliques seraient ce qui se présente comme opposé avec, par exemple le pavé mosaïque, comme complémentaire avec les 2 colonnes, la lune et le soleil et, bien sûr, comme triangulaire avec le Delta lumineux.

Ithloaèdes. Alors le delta lumineux pourrait également évoquer le quantique, dans ce cas l’œil serait l’idée de l’observation ?

Kyrios. Pourquoi pas puisque le triangle, pointe en haut, est ce que l’on appelle une triade, c’est-à-dire l’unité qui se donne à voir dans sa manifestation duale et les échanges entre tous ses composants, en somme le Un et le Tout, son émergence. Le point unique du haut du triangle est l’unité d’où tout procède ; tout est de la même essence que lui. Le sommet serait le Un, non pas le nombre mais le principe, qui précède et contient le zéro cosmique du big bang. Déjà pour Pythagore, le sommet d’un tel triangle est dit  le père, le côté gauche est la duade, la mère, le côté droit représente le fils que l’on retrouve comme époux de la mère dans beaucoup de cosmogonies. La base est l’univers réalisé en ce que l’on peut imaginaliser en père-mère-fils dans le monde phénoménal et, en même temps, unifié dans le monde primordial de l’unité. Par la perception symbolique d’une unique origine qui ne se différencie que dans la perception humaine, le franc-maçon peut s’attacher à voir plus loin qu’avec le seul regard manichéen du profane, cessant de se soumettre à toute affirmation moraliste ou dogmatique.

Ithloaèdes. Le triangle pointe en bas, est aussi un ternaire, son symbolisme diffère-t-il ?

Kyrios. Le triangle pointe en bas peut être interprété, dans une visée mystique, comme un retour à l’unité, le chemin pour s’unir au créateur. Mais c’est aussi deux termes préalables qui génèrent un troisième terme, une sorte d’émergence comme dans le ternaire «thèse, antithèse, synthèse». Le troisième terme généré est une affaire d’interprétation personnelle. Je dirai que ce sont des tunnels de réalité (au sens où on les a définis) alors que le triangle pointe en haut est un universel.

Ithloaèdes. Alors, l’origine verbale du mot «symboliser», «reconnaitre, mettre ensemble, assembler»  se situe dans le contexte du ternaire ? Car, n’est-ce pas une façon de retrouver l’unité sous-jacente avec ce qui est épars ? Par exemple, la réalisation de ce que nous appelons l’égrégore ne fait-elle pas émerger une structure d’unanimité, quelque chose comme un essaim ? L’égrégore, perçu du point de vue quantique,  pourrait très bien n’être que la manifestation spirituelle de l’intrication de nos particules avec celles des FFø et SSø mais aussi avec celles de tout l’univers, cela est montré visiblement par l’entrelacement de la chaîne d’union, en tout cas c’est une hypothèse.

Kyrios.  Si tous les êtres ne cessent jamais d’actualiser l’Unité, par contre, ils perdent de vue ce rattachement. Le symbole nous permet de comprendre que, quel que soit le sens du mouvement, à l’ensemble, préside l’Unité ou le retour à elle. Leur  connaissance s’est obscurcie, d’où par exemple la souffrance et les erreurs sur la prétendue «autonomie» de l’individu. Ce qui est appelé «mental», c’est le monde mouvant, intermédiaire entre le corps terrestre et l’esprit de nature universelle : il est fait des échanges de nos émotions, de nos imaginaires, de nos pensées que nous avons avec l’univers et avec nous-mêmes, il est appelé aux métamorphoses et aux transformations. J’ai l’impression que Platon avait dit la même chose dans son Théétète, dans ce passage où il montre que la perception que nous procurent nos cinq sens ne peut accéder à ce qui est.  Il écrivait : «C’est dans leurs approches mutuelles que toutes choses naissent du mouvement sous des formes de toutes sortes, car il est  impossible de concevoir fermement l’élément actif et l’élément passif comme existant séparément, parce qu’il n’y a pas d’élément actif, avant qu’il soit uni à l’élément passif… Il résulte de tout cela que rien n’est un en soi, qu’une chose devient toujours pour une autre et qu’il faut retirer de partout le mot être… Il faut dire, en accord avec la nature, qu’elle est en train de devenir, de se faire, de se détruire, de s’altérer». Le mental fluctuant du monde sensible et dual ne peut donc pas approcher le Un universel et, de ce fait, nous ne pouvons pas atteindre ce niveau d’unité par le seul mental. Cette conception est dans la philosophie orientale qui conclut : «ce n’est pas par la pensée que l’on atteint la Voie». Après tout, si l’Énergie est la seule vie, et la Raison  la borne de l’encerclement de l’Énergie, à chacun de choisir d’être au cœur des choses ou à leur périphérie ; ce n’est pas trop de toute une vie pour confronter, l’un par l’autre, ce monde où nous sommes et ce monde qui est en nous.

Ithloaèdes. Voilà, Ellimac, ce que fut, pour l’essentiel, notre entrevue avec Kyrios. Mais je vais te résumer en quelques mots ce que nous sommes parvenus à comprendre. Tout est Un, le Un est avant le Zéro Cosmique,  tout n’est que mouvement que nous appelons énergie, les choses ne nous sont perceptibles que parce que le mouvement donne l’illusion de la matière, nous n’existons que parce que nos cellules communiquent entre elles, nous sommes cet échange, cette animation. C’est pourquoi il n’est peut-être pas suffisant de se penser en termes de «qui suis-je» mais qu’il faut aussi s’interroger en ces termes : «que suis-je» ? Quelle est mon essence ? Quelle interférence de tunnels de réalité me fait exister ? Quelles sont les consciences, y compris la mienne et mon inconscient, qui objectivent ma vie ? Ne suis-je sujet actif, créateur de réel que lorsque je mets une information sur ce qui m’entoure ?  Si je me vois comme je suis, ne suis-je pas aussi comme tu me vois ?

Et maintenant que nous sommes presque arrivés à Garibaldi, Ellimac, permets-moi une question : pour  harmoniser ce qu’est la vie, ne suffit-il pas de générer la plus rayonnante des connexions avec ce qui nous entoure ?

Ellimac. Comme le dit le Tao te Qing, «parler beaucoup épuise sans cesse ; mieux vaut garder le milieu»; alors de tout ce que tu m’as rapporté, j’ai juste un mot à te proposer pour te répondre : rien que de le prononcer, il irradie, comme une lumière primordiale, des myriades d’émergences, il est l’essentiel du mot animer, c’est le verbe «Aimer».


[1] Planche présentée en 2015 (ce qui explique que du seul point de vue scientifique les propos sont dépassés) avec le TCF Raphaël Massarelli, Docteur d’État ès Sciences, Professeur Emérite des Universités, Trophée d’Or de l’Ordre des Physiothérapeutes au Liban, participant à de nombreuses sociétés savantes, responsable des Conventions Internationales, auteur et coauteur de centaines d’articles et d’ouvrages spécialisés internationaux, Chevalier des Palmes Académiques, … Un CV de savant de dizaines de pages dont l’importance est impossible à reproduire ici.

[2]Le gaz parfait de bosons devait subir à basse température une transition de phase, dite condensation de Bose-Einstein, amenant un nombre macroscopique de particules dans leur état fondamental. Le condensat obtenu est un fluide quantique car cette transition se produit lorsque les effets de statistique quantique commencent à se manifester, autrement dit lorsque la distance inter-atomique devient de l’ordre de la longueur de cohérence des ondes de matière.”

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Graphique 3D montrant 3 états successifs : les atomes sont de plus en plus denses (de la gauche vers la droite)

 Source : https://450.fm/2023/05/09/cantique-du-quantique-pour-un-franc-macon/?fbclid=IwAR3Ob6b_Q_uoEGt3dmkIc1EYjR6HoBQtk0EfS9W19H3Zlhq4z06w7w0HCMg

 

Solange Sudarskis
Solange Sudarskis

Maître de conférences honoraire, chevalier des Palmes académiques. Initiée au Droit Humain en 1977. Auteur de plusieurs livres maçonniques dont le « Dictionnaire vagabond de la pensée maçonnique », prix littéraire de l’Institut Maçonnique de France 2017, catégorie « Essais et Symbolisme ».
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