Fraternité Libertaire 3 janvier, 2009
Posté par hiram3330 dans : Bleu,Chaine d'union,Contribution,Recherches & Reflexions , 1 commentaireFraternité Libertaire
Maçon et Libertaire ?
Vaste sujet car traité maintes fois. Alors que pourrai-je apporter de plus? Bien sûr je pourrai remonter aux sources, relire les bons auteurs (comme on dit). Mais ils sont si nombreux. Lequel prendre et auquel adhérer sans me mettre en danger, risquer que ma pensée adopte une ligne de conduite toute faite ?
Pourquoi tel ou tel théoricien de la pensée libertaire serait-il le meilleur et digne de devenir un guide pour celui qui pense être de cette sensibilité ? Suivre un guide sans le soumettre à son esprit critique n’est-ce pas déjà accepter de ne plus être SOI?
Il me semble qu’être libertaire est le résultat d’une ascèse intellectuelle tournée vers le SOI tout en étant disponible pour l’AUTRE ; non pas l’ÉTRANGER, mais le SEMBLABLE. C’est se construire, faire de soi un HOMME, LIBRE dans ses pensées et ses actes.
C’est aussi être TOLÉRANT. Attitude positive vers tout ce qui aide et installe une reconnaissance de l’HOMME RESPONSABLE de ses actes.
Mon parcours professionnel m’avait déjà amené à pratiquer des formes d’actions peu courantes qui m’avaient mis parfois en porte-à-faux par rapport à mon Institution. La base des désaccords portait le plus souvent sur un non respect de règles. Règles ne me permettant pas d’œuvrer au mieux de ceux qui attendaient une réponse du système en place.
C’est ainsi que j’ai installé dans mes lieux d’affectation, la transparence des décisions, des orientations et des « comptes » et pratiqué la co-gestion, voir l’auto-gestion. Ne pouvant changer à moi seul un système, j’ai préféré agir en montrant que certaines formes d’actions pouvaient tout à fait venir battre en brèche l’existant et soi-disant impensable à changer. J’ai parfois été raillé mais aussi suivi et les réalisations de nouvelles formes pédagogiques centrées sur l’individu ont bel et bien vu le jour. De même dans la gestion des équipes administratives qui très vite ont été responsabilisées et libres de décisions dès lors que celles-ci allaient dans l’intérêt de l’INDIVIDU.
J’ai rejoins la Franc-maçonnerie par idéal HUMANISTE, parce que le besoin se faisait sentir d’approfondir une réflexion sur ce que j’étais. Je voulais confronter mes « utopies », acquérir une méthode progressive permettant de dégager l’HOMME de sa gangue.
Aujourd’hui j’entrevois quelques réponses mais elles demandent encore à être soumises à critique. Je ne suis pas gêné dans mes pensées car comme le disait Léo Campion « la vocation libertaire de la Maçonnerie est indéniable (…) elle est la seule association à laquelle puisse adhérer celui qui n’adhère à rien ». Je prends bien sur « adhère à rien » dans le sens où une adhésion serait un renoncement à des idées personnelles par rapport à des dogmes, quels qu’ils soient.
Je trouve dans ma Loge une vraie Fraternité. Mes voyages me font connaître des Frères d’autres obédiences … et certains par leur comportement et leurs idées m’ont amené à une réflexion plus pointue sur les miennes. Ainsi être de sensibilité libertaire et être Franc-maçon ne serait pas incompatible ?
J’ai entrepris d’observer ma Loge pour voir si ses modes de fonctionnement cadraient avec ce que je mettais dans un comportement libertaire.
«Un maçon libre dans une loge libre». Je reconnais que cela se pratique dans ma Loge. Tout est fait pour que la liberté de chacun soit respectée et que le foisonnement des différences n’entraîne pas – comme on pourrait s’y attendre – le chaos. Chacun s’exprime très naturellement quel que soit le sujet. La parole est forte et entendue car chaque Frère est considéré comme responsable.
Étudions comment se passent la plupart des réunions-débats, des prises de paroles, des discussions de groupe. Souvent ce ne sont qu’attitudes convenues, interruptions, monopole de la parole, … autant d’outils qui entretiennent les dominations. En Loge, pas de cela. Nous nous sommes donné des règles pour débattre, pour favoriser l’écoute, la prise en compte des diverses opinions… Les dialogues sont exclus, la parole demandée est adressée à tous les membres présents. La parole s’autorégule. Elle n’en a donc que plus de valeur et de poids. On ne la conteste pas, on l’enrichit par des nouveaux apports, la critique est toujours positive. A chacun de suivre une démarche personnelle pour prendre en compte les multiples facettes d’un problème et se forger une ligne d’action. Cette ligne, résultat d’un apport collectif, ne peut qu’être un liant et en aucun cas une « Vérité révélée » à accepter comme telle.
De là découle cette nouvelle vision : ce n’est pas parce que les hommes sont égaux qu’ils ont les mêmes droits, c’est parce qu’ils ont les mêmes droits qu’ils sont égaux. Chacun devient responsable et contribue à la base de sa dignité. C’est pour cela que les Maçons cultivent l’amour fraternel, valeur universelle qui interdit la négation de l’autre, son exploitation et fait indiscutablement partie de la construction du Temple. Chacun de nous est donc à la fois responsable et tributaire de cette équité, base de notre dignité. L’équité entre Frères vise le «juste». Elle impose un travail intérieur, une recherche de l’absolu et une soif de justice.
Les règles de notre rituel apportent à notre formule «Liberté, Égalité, Fraternité» une force encore plus grande car ces mots deviennent des facteurs nécessaires et favorables au progrès humain et j’adhère aux paroles de René Valfort: « Un milieu comme la Franc-maçonnerie, dont les principes fondamentaux sont : la tolérance, la fraternité, la liberté de pensée, le respect de la personne humaine, dont l’objet principal est l’éducation des individus et la formation d’une élite, ne peut pas être inutile au progrès de l’Humanité. Et de cela les anarchistes, moins que quiconque, ne doivent douter, vu l’importance qu’ils attachent à l’éducation ».
C’est pourquoi je ne vois pas d’incompatibilité entre Franc-maçonnerie et attitude libertaire. Les deux sensibilités concourent au même but. Certes leurs formes d’actions sont différentes mais les idées sont les mêmes et la phrase « un maçon libre dans une loge libre » prend tout son sens : aucun dogme, aucun système d’autorité ne peut asservir l’Homme. Comment l’un et l’autre, le Maçon et le Libertaire, frères en Humanité ne pourraient-ils pas s’asseoir et œuvrer ensemble au sein d’une Loge. Pour eux le dénominateur commun est l’Homme.
Prenons encore les fonctions occupées au sein d’une Loge. Tous les ans il y a élection des Officiers. L’un d’entre eux est Le Vénérable Maître, qui en fait n’est que l’administrateur de la Loge. Ils ne sont donc « élus », « reconnus » par les Frères que pour un an.
Ces officiers ne sont pas des « gouvernants », des « mandataires », des « représentants » mais des pairs qui, conformément au mandat impératif, révocable et « tournant » qui les a désignés doivent rendre compte, ont la charge de tenir certains offices, et exécuter certaines « missions » dans l’intérêt de la Loge.
Leurs charges ne sont attribuées que pour favoriser un harmonieux travail de l’Atelier et leur actes « d’autorité » ne sont en fait que le respect des règles fixées en commun. A l’issue d’une charge chacun retourne sur les colonnes.
Si on lit le Règlement de l’Obédience on y voit tout un « système » pourvu de tous les attributs habituellement image de pouvoir ou au sens large d’autorité. Mais il y a une très grande différence : tout Maçon peut s’il le veut, quitter, librement, sa Loge. Même dans ce cas extrême il y a respect de son acte.
On est bien là dans une affirmation qui s’inscrit dans l’Humanisme, lequel est né avec la premier humain ayant pris conscience de ce qu’on pouvait naître à son humanité si on en faisait librement le choix. Choix de s’engager mais aussi de se désengager. L’engagement maçonnique est scellé par la Liberté : la liberté du choix de l’individu d’abord, puis Liberté ensuite, avec un grand « L », constitutive d’une condition humaine.
De plus, regardons nos rituels. Ils ont évolué au cours des siècles. Mais une Loge peut aussi se donner un rituel. Toutes les règles élaborées pour servir les besoins humains doivent être par nature adaptées aux circonstances et ne doivent jamais pouvoir « s’institutionnaliser ».
C’est pour cela que je me sens bien en Maçonnerie. Si mes aspirations libertaires sont, comme je le crois, installées et vécues elles ne gênent en rien mon engagement et à la pensée de Léo Campion j’ajouterai encore celle-ci: « Tu dis que tu as choisi une idée parce qu’elle est bonne, sache qu’en réalité tu dis qu’elle est bonne parce que tu l’as choisie. » afin d’être toujours en veille
Enfin, pour terminer une définition que j’adopte volontiers : « L’Anarchisme est la passion de la Liberté mise en théories. Et aussi en pratique lorsque faire se peut ». (Dictionnaire Universel de la Franc-maçonnerie).
Jean Rich:.
http://www.motiflibertaire.net
Danse et Initiation 1 janvier, 2009
Posté par hiram3330 dans : Bleu,Chaine d'union,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaireDanse et Initiation
La danse dit Xénophon n’est pas de ces sujets faciles et accessibles à tous, elle touche aux régions les plus élevées de toutes sciences rythmiques, géométrie, philosophie surtout, physique et morale puisqu’elle traduit les caractères et les passions. Elle est encore moins étrangère à la peinture et à la plastique : les actes de l’homme intéressent parfois le corps, parfois l’intelligence, tandis que la danse occupe l’un et l’autre : elle affine l’esprit, exerce les membres, instruit et charme les yeux, l’oreille et l’âme …»
Cette difficulté qu’évoque le philosophe grec m’est apparue comme une vibrante réalité dans l’étude de ce sujet. En effet, sa complexité, due à la multiplicité de ses manifestations s’étendant sur plusieurs millénaires, diverses ethnies et civilisations, la grande diversité de ses implantations géographiques ainsi que la richesse de ses traditions offrent à notre investigation, notre réflexion et nos méditations, une immensité et une plénitude digne des plus grandes oeuvres de l’humanité.
La Mythologie nous rapporte que Terpsichore entraînait le cortège des Muses … Cette vision poétique nous suggère, peut-être, une reconnaissance de l’antériorité de la danse par rapport aux autres formes d’expression de l’Art, son universalité et, pourquoi pas, sa supériorité ! … Cette conception confirmerait la thèse de tous les grands spécialistes : ethnologues, archéologues ou historiens de l’Antiquité, scientifiques, chercheurs et exégètes des textes anciens, qui affirment que les origines de la danse remontent aux sources les plus anciennes.
«Avec la création de l’Univers, disait le poète Lucien, naquit à son tour la danse qui symbolise l’union des éléments : la ronde des étoiles, les constellations des planètes reliées aux autres astres fixes, l’ordre et l’harmonie de tous les éléments, reflètent la danse originelle du temps de la création». On trouve les traces de la danse dès les premiers âges de l’Histoire, et, bien sûr, de la Préhistoire, mais ici n’est pas le propos d’entrer dans le détail de tous les vestiges qui témoignent de son existence, de sa pratique et de sa pérennité.
La constante préoccupation de l’homme a toujours été de concilier la faveur des forces mystérieuses dont il soupçonnait le pouvoir dans l’au-delà avec la réalité concrète. Il se rendit bien vite à l’évidence qu’il était soumis à des forces supérieures à la sienne et indépendantes de sa volonté : le soleil l’éclairait, le chauffait, le feu le brûlait, le tonnerre l’effrayait, l’eau le suffoquait, etc … Tous ces éléments exerçant sur lui une action puissante et irrésistible. Et nous trouvons là, les premiers gestes instinctifs, essentiels et primordiaux de la vie courante. Le geste, langage muet, inscrit dans l’espace, étant l’une des premières manifestations de l’homme, où se termine le geste et où commence la danse ?
Je pense que la danse née de l’élan naturel, instinctif et raisonné d’exprimer les divers sentiments et sensations de l’homme, commence réellement à partir du moment où le geste est ordonné : elle est donc, au départ, une manifestation de la volonté, elle nécessite, par conséquent, une participation de l’Esprit.«Un mouvement du corps est donc une conséquence d’un mouvement de l’Ame».
C’est l’esprit qui commande la matière. Platon disait à peu près la même chose : «Le mouvement est l’essence et l’idée même de l’Ame».
La danse, expression individuelle ou collective d’un état affectif, se manifeste par des gestes du corps ordonnés, unissant le son, le rythme, et le mouvement. Elle s’exprime dans le désir instinctif de libérer les tensions psychologiques dans le jeu des jambes qui produit les mouvements rythmiques, dans les battements de mains, les claquements de cuisses et les piétinements ; aux premiers âges de la danse, le corps humain était lui-même l’instrument de production des sons.
Tout, pour ces hommes, était occasion de danser : Joie, chagrin, amour, terreur, aube, mort, naissance, etc … le mouvement de la danse leur apportait un approfondissement d’expérience. Dans cette danse, l’imitation des sons et des mouvements observés autour d’eux, et, notamment, l’expression involontaire du mouvement par le son et le geste, précédait toute combinaison consciente et articulée de son et de danse.
Avant que la danse ne s’épanouisse en un rite religieux délibéré, elle est une libération rythmique d’énergie, un acte d’extase, mais aussi, le moyen naturel pour l’homme de se mettre au diapason des puissances du Cosmos. Ce n’est que très progressivement, sous l’influence des cultes officiels, que la danse, d’abord expression spontanée du mouvement, se transformera en un système fixe de pas et d’attitudes. Et, pourtant, sous quelque forme qu’elle se présente, le but de la danse est toujours d’approcher la divinité.
En tant qu’acte de sacrifice, par quoi l’homme s’en remet à Dieu, la danse est abandon total de soi. Ainsi le corps, à travers tout l’éventail de ses expériences, est l’instrument de la puissance transcendante ; et cette puissance, la danse la saisit directement, instantanément et sans intermédiaire.
Le corps est ressenti, dans sa dimension spirituelle, comme le canal par où s’opère la descente du Tout-Puissant. L’émancipation de l’homme par rapport à son Dieu s’opère par l’imitation de celui-ci : «L’homme, s’identifiant aux Dieux devient à son tour Créateur …»
LE SYMBOLISME DU CORPS HUMAIN
La danse est chose sérieuse, et, par certains aspects, chose très vénérable, selon Paul Valéry. Toute époque qui a compris le corps humain ou qui a éprouvé, du moins, le sentiment du mystère de cette organisation, de ses ressources, de ses limites, des combinaisons d’énergie et de sensibilité qu’il contient, a cultivé, vénéré la danse. C’est pourquoi il ne serait pas concevable d’évoquer quelque geste qui soit, sans approfondir le symbolisme de l’organisme dont il est l’émanation : Le corps Humain dans sa dualité : matière-Esprit.
Et là, nous sommes encore dans le domaine du concret et du plus mystérieux à la fois, du plus lié dans une fondamentale unité ; ce merveilleux instrument, certainement la plus belle création du Grand Architecte de l’Univers, autour duquel gravitent tous les efforts de pensée des savants, des philosophes et des théologiens depuis toujours, pour tenter d’en percer le mystère.
Le corps humain, disait Léonard de Vinci, comme tous ceux qui ne se bornent pas à ne considérer que l’extérieur des choses, est construit aussi rythmiquement que l’est un monde … Ceci est d’autant plus vrai que le rythme est dans tous les mouvements. Lamennais, dans son livre sur «L’Art et le Beau», affirme que la danse est le mouvement rythmique du corps ; Lamartine parlait d’harmonie. «A travers le rythme, il y a le nombre, qui est l’expression intérieure du rythme et c’est justement parce que le rythme est partie intégrante de la création et lui a donné sa formule au sortir des mains de celui qui est, lui-même, le Nombre et l’Harmonie, que tous les Grands Initiés, et plus particulièrement Pythagore, ont étudié dans le Nombre tous les secrets du Monde, aussi bien intérieur qu’extérieur».
Parmi les nombreuses interprétations symboliques du corps humain, il est certain que le dessin de l’Arbre des Séphiroths est celui qui nous révèle le mieux la structure spirituellement la plus élevée de l’être humain, chaque partie du corps correspondant aux dix énergies divines qui nous sont révélées par le livre du Zohar. Devant une voie aussi difficile, je me contenterai simplement d’évoquer les grandes lignes du schéma traditionnel que l’on retrouve un peu partout, à savoir : la verticalité et l’horizontalité, ces deux oppositions complémentaires.
L’axe vertical est la voie par où monte et descend la puissance transcendante, l’axe horizontal représente les forces créées à travers lesquelles elle se manifeste. C’est la croix statique, point d’interaction du microcosme et du macrocosme. L’anatomie humaine, avec sa sextuple orientation dans l’espace, possède en son centre, un septième point situé à l’intersection des deux axes : c’est la «caverne du cœur».
La subdivision de cette croix statique produit la croix dynamique, ou roue du mouvement, qui symbolise le pouvoir que possède l’homme de s’orienter et de se mouvoir dans l’espace, le mouvement cyclique étant rendu possible par l’interaction des contraires.
L’homme, étant appelé à s’insérer et à agir dans les dimensions de l’espace et du temps, a de nombreuses combinaisons possibles dans les positions du pied, du bras, de la tête et du corps, à l’intérieur de ses coordonnées spatiales. Cependant, malgré la multitude des potentialités, il s’avère que le nombre de figures utilisées depuis le début de l’humanité, est relativement restreint. En effet, en étudiant l’évolution de la danse et de son esthétique à travers les âges, j’ai remarqué, entre autres exemples, une analogie incroyable entre deux documents distants de plusieurs millénaires : Ci-dessous, une fresque égyptienne de la Sixième Dynastie (vers 2 400 ans avant J.-Christ), représentant une danse extatique en l’honneur de la déesse Hathor, et, le croirait-on, un tableau de Seurat du début de notre siècle, illustrant des danseuses de Cancan ! …( L’attitude de leur lancer de jambe, pratiquement identique ayant pourtant une signification et une connotation diamétralement opposée : la première étant une représentation rituelle et sacrée les ethnologues assurent que le lancer de jambe en l’air est l’antique figure d’un rite de fertilité accompli par les femmes et qu’ont pratiqué maintes races), la seconde, totalement profane, émanation d’une source de plaisir. Ceci prouve que l’usage, en réalité, n’a retenu qu’un petit nombre de figures, parmi toutes celles proposées. L’on pourrait aussi comparer un piétinement pesant et obstiné de certaines danses Primitives à la démarche des danses d’Asie, d’un sourcil mobile à une hanche flexible, d’une main éloquente à un orteil nu, chaque partie du corps est vivante …
LES PREMIERS GESTES ET PAS : DÉPLACEMENT-GIRATION-SALTATION LA MARCHE EN ROND (SYMBOLE DU CERCLE)
Une des particularités de l’homme, par rapport à l’espèce animale, réside en sa verticalité. Ses premières aspirations dans le domaine du mouvement, furent le déplacement, la saltation et la giration. Le principe essentiel du déplacement est contenu dans la marche : nous la retrouvons partout et à toutes les époques et civilisations qu’elles soient primitives ou évoluées, profanes ou rituelles.
Huit mille ans avant J.-C., une scène gravée dans la grotte d’Addaura, près de Palerme, représente la plus ancienne figuration de danse en groupe : La marche de sept personnages autour de deux centraux, formait une ronde allant de la gauche vers la droite comme celle des astres : le Soleil et la Lune. Faut-il y voir une danse cosmique ? C’est, en tous cas, une préfiguration de celle qu’exécutaient les prêtres en Egypte, quatre millénaires plus tard. «Au moment où la nuit commençait à pâlir et que s’éteignaient les astres dont la danse céleste était l’image même de la nature, à l’aube, les Prêtres rangés autour de l’Autel, dansaient majestueusement, et leur ronde simulait le Cercle du Zodiaque. «Alors commençait la danse de l’Etoile du matin, et ce ballet symbolique, contemporain de la naissance de l’astronomie, enseignait aux enfants de l’homme, par le mouvement figuré des planètes, les lois qui régissent le cycle harmonieux des jours et des saisons» …
Cette danse astronomique, faisant partie de l’initiation aux Mystères d’Isis, n’était pas la seule pratiquée par les Egyptiens : les prêtres de Memphis et de Thèbes dansaient aussi autour du Boeuf Apis. L’on trouve bien d’autres manifestations de danse en cercle, à des époques bien différentes. Citons, par exemple : la danse Mystique des Druides, qu’ils interprétaient en nombre impair, glorifiant les astres. Et puis, il y a toutes les marches en forme de procession, avec des parties chorégraphiques : telles, les pleureuses, sorte de coryphées, qui accompagnaient les funérailles, ou celles que les bas-reliefs des temples nous retracent, comme à Louxor, où des danseurs à massue ou à boomerang figuraient le cortège de la visite qu’accomplissait le Dieu Amon, venant de Karnac, ou ces prêtres-danseurs, dits «Mouou» que l’on voit depuis l’Ancien Empire, IIIème millénaire avant notre Ere, relayer les danseurs de cortèges funèbres pour aider les morts dans leur initiation à la vie intemporelle. Plus près de nous, les marches traditionnelles des pèlerins étaient considérées, par certains, comme des danses : Il suffit d’observer le chemin en forme de labyrinthe comme il en existe dans certaines cathédrales, pour s’apercevoir, comme à Chartres, qu’en suivant son tracé, avec ses angles droits et ses formes géométriques, l’on obtient réellement des pas.
LA GIRATION : LE TOURNOIEMENT = L’EXTASE
Après avoir évoqué la marche comme premier élément du mouvement collectif, son déplacement et sa signification à travers quelques exemples, son prolongement et le symbolisme du sens giratoire, ceci nous amenant directement à explorer la giration, en tant que technique particulière, amenant à l’extase. Saint Ambroise, Evêque de Milan au IVème Siècle, s’exprimait ainsi : «Et tout comme l’acte physique de la danse dans le tournoiement éperdu des membres, donne au danseur le droit de prendre part à la ronde sacrée, de même, le croyant qui s’abandonne à l’extase de la danse Spirituelle, acquiert le droit d’entrer dans la ronde universelle de la création».
Dans la grotte dite des «Trois Frères», une figure gravée et peinte de l’époque néolithique, situe la première manifestation d’un homme, indiscutablement en action de danse, dont l’abbé Breuil, qui l’a découverte, a relevé les particularités suivantes : La position de cet homme prouve qu’il exécute un mouvement de giration sur lui-même, réalisé par un piétinement de plain-pied, or, la constitution anatomique des hommes de cette époque étant, selon les spécialistes, analogue à la nôtre, les effets psychosomatiques de ce tournoiement sont ceux que chacun peut expérimenter : la perte du sens de la localisation dans l’espace, le vertige, une sorte de dépossession de soi-même, une extase au sens étymologique du mot.
Il faut remarquer, comme une analogie éloquente, que partout dans le monde et à toute époque, y compris la nôtre, les danses sacrées par lesquelles les exécutants veulent se mettre dans un état «second» où ils se croient en communion directe avec un esprit, se font par tournoiement.
Les chamans, les lamas, les derviches tourneurs, les exorcistes musulmans, les sorciers africains, tournent sur eux-mêmes dans leurs exercices religieux qui les mènent à un état de transe provoquée par la danse comme «tournoie», le danseur des Trois Frères.
LE CHAMANISME
Pour le chaman, c’est par une technique archaïque de l’extase pratique, c’est-à-dire voulue, qu’il entre en transe, et c’est seulement à ce moment-là qu’il peut entrer en communication avec les esprits et entreprendre son voyage cosmique. Il ne le fait pas par souci métaphysique, ni par désir personnel ou par amour de Dieu, mais par la volonté d’obtenir des résultats concrets, par exemple : la guérison d’uchaman (à la fois chef, sorcier, médecin et premier danseur), est la communion avec les forces qui animent la nature.
Le premier élément de la danse chamanique (le chamanisme n’étant pas une religion), est un tournoiement autour d’un centre. Ce tournoiement permet de s’identifier ou de s’intégrer au Cosmos et de reproduire le mouvement des corps célestes.
Les circumambulations rituelles veulent imiter le cours apparent du soleil. Il ne fait pas de doute que ces mouvements circulaires sont cosmiques, leur nombre d’abord le prouverait : 3-7-9, chiffres sacrés chez les Altaïques se rapportent aux 3-7-9 planètes et aux 3-7-9 étapes de l’Univers du Ciel.
L’ISLAM : LES DERVICHES TOURNEURS ET LE SOUFISME
Quant aux derviches tourneurs, nous retrouvons les mêmes principes évoqués précédemment. Pénétrant plus profondément dans l’étude du Soufisme, nous découvrons qu’il existe de nombreuses analogies avec notre Ordre : Si l’on regarde attentivement le plan schématique d’un Sama-Khana, c’est-à-dire le lieu où se réunissent les Derviches, il y a bien des affinités avec nos Temples, chaque officiant ayant une place bien déterminée et orientée, sous l’œil vigilant du Cheikh, leurs déplacements étant réglés d’une façon très précise. Nous retrouvons les termes de Vénérable Maître, de daître, de Frères, etc …, il y a plusieurs étapes dans la vie du Derviche, avant et après son noviciat, il y a aussi plusieurs degrés dans la pratique du Samâ. Le Samâ est interdit aux hommes qui sont dominés par les passions de leur âme et c’est par l’ascèse qu’ils parviendront à les maîtriser.
Pour le derviche, le fait de tourner indique l’adhésion de l’esprit à Dieu par son mystère et son être. Le mouvement circulaire de son regard et de sa pensée, ainsi que la pénétration par lui des degrés existants, sont autant d’éléments qui constituent l’état d’un «Chercheur de Vérité». Ces sauts du derviche indiquent qu’il est attiré du degré humain vers le degré unique et que les Etres acquièrent de lui des effets spirituels et des appuis lumineux. Lorsque son esprit a dépassé les voiles et atteint les degrés de la rectitude, il découvre sa tête. Quant il est séparé de ce qui n’est pas Dieu et est arrivé à Dieu Très-Haut, il retire une partie de ses vêtements …
Il est absolument impossible de traiter toutes les danses ayant un caractère sacré, symbolique ou rituélique qui enrichissent l’histoire des peuples et il faut comprendre que je fus obligé de faire un choix. Cependant, il est intéressant de constater qu’il existe toujours, à la base de la recherche de ceux qui les pratiquent, malgré une origine très différente et souvent fort éloignée, les mêmes aspirations : le détachement des contingences humaines et matérielles vers la spiritualité, l’évasion de la Terre pour le Cosmos, la recherche du Divin, de l’Identité Suprême, l’Unité … rejoignant ainsi en haut de la Pyramide tout ce que nous apprenons en Maçonnerie au fil de notre évolution dans le chemin de la Connaissance.
LES DANSES SACRÉES ORIENTALES : CAMBODGE ET CHINE
Les danses orientales, en ce sens, sont très significatives, ayant toujours à la base un caractère sacré. C’est pourquoi, parallèlement, il faudrait étudier aussi leurs religions, tellement ces deux entités sont indissociables. Que ce soit en Chine, au Japon, à Bali, à Java, en Birmanie ou au Cambodge, elles sont, pour nous européens, très hermétiques, et nous ne pouvons en saisir le véritable sens.
Leur particularité, par rapport aux normes occidentales, réside en leur caractère statique, dont les positions, à l’opposé des nôtres, sont concentriques, c’est-à-dire repliées vers l’intérieur. Notons que, si les rondes évoquées précédemment étaient toutes, en Occident, orientées dans le sens des astres, allant de gauche à droite – comme c’est le cas en loge bleue, lorsque le Vénérable Maître et les deux Surveillants procèdent à l’allumage des Trois Colonnes, lors de l’ouverture des travaux, en Orient, elles tournent dans le sens contraire. Statiques, mais pas figées, ces danses ont tout de même un mouvement, bien qu’il se manifeste d’une manière inhabituelle pour notre oeil.
La danseuse animée d’une sorte de frisson dans le repos, semble craindre de «déplacer les lignes» pour parler comme Baudelaire. Elle se déplace par modulations discrètes, ces mouvements n’étant que des transitions pour passer d’une pose à une autre. Je ne parle évidemment pas des danses de combat qui sont des exceptions.
Si nos danses sont, par essence, exécutées par les pieds et avec les jambes, chez l’Asiatique, au contraire, les pieds n’assument pas un rôle prépondérant, étant d’ordinaire nus et collés au sol. Par contre, les bras, les mains, la tête, le buste entier, toujours en mouvement, même dans la station de repos, prennent, ici, une part immense. La flexibilité des bras, des poignets et des doigts, avec leurs multiples combinaisons, compose un aspect frappant du système asiatique, dans un langage minutieusement fixé et codifié. Ce langage, sans perdre son sens symbolique, devenant simplement messager d’une beauté décorative pour le non-initié.
Ayant eu l’occasion de voir le Ballet Royal Cambodgien, je fus frappé par la concentration de ces danseuses Khmères : Presque immobiles, telles des fresques des Temples d’Angkor, expressives en des gestes savants, doigts retroussés, genoux ployés, taille et cou doucement infléchis, l’extrême lenteur du déroulement, l’extrême hiératisme des gestes, laissaient présumer un symbolisme profond, totalement inconnu pour le profane que j’étais.
Pour arriver à ce degré de perfection, ces jeunes filles, choisies parmi l’aristocratie, passaient par plusieurs phases d’évolution allant de l’apprentissage jusqu’au jour de l’ultime cérémonie où elles subissaient une véritable initiation. Présentées toutes jeunes aux monitrices, les petites filles poudrées et fardées, munies de bouquets de fleurs tressées, étaient soumises d’abord à l’approbation du Souverain, faisant devant lui le Salut Ancien, l’Anjali Indien, les mains jointes à la hauteur du visage.
C’est un jeudi que commencera l’apprentissage, jour faste, placé sous la protection du Génie de la danse. Dès lors, pendant des années, de longues séances scandées par la baguette de rotin seront consacrées à des exercices d’hypertension des bras, des mains et des jambes, dont la signification dépasse de beaucoup la volonté d’assouplissement.
La désarticulation permet seule à la danseuse de s’évader des gestes humains et d’accomplir des évolutions mythiques : coudes en dehors, mains retournées, jambes dans la position de «l’envol», ce n’est pas acrobatie gratuite, mais imitation des êtres surnaturels. Lorsque les monitrices jugent que leurs élèves ont acquis l’habileté désirée, elles les préparent à l’importante cérémonie qui feront d’elles de vraies «Lokhon», danseuses consacrées, danseuses professionnelles.
Je passerai sur certains détails, pour aller vers l’essentiel.
D’abord par groupes restreints, elles dansent sous des masques. Chaque geste ayant une signification codifiée, stéréotypée. Attitudes presque immobiles, maintenues en suspens, équilibres difficiles, ici statique et dynamique s’opposent, mesures, silences et points d’orgues s’enchaînent. Rien de plus savant, de plus concerté que cette expression de la danse. Rien de plus conventionnel que ce langage, quintessence du langage par le geste, et pour cause : C’est la pantomime de l’Irréel et rien n’y doit être exprimé selon les normes humaines …
L’INDE : LE BARAT-NATHYAM – CIVA ET KRISHNA
L’origine de la danse hindoue se perd dans la nuit des temps, mais elle était toujours, depuis ses débuts, une forme de culte, un moyen de communiquer avec l’Esprit Suprême, de s’unir à lui.
Que ce soit dans le Barat-Nathyam ou à travers les Dieux danseurs Civa ou Krishna, dans toutes les danses de l’Inde, s’inscrit en filigrane l’idée que le Manifesté n’est que le symbole du Non-Manifesté ; tout ce qui arrive dans le temps a son équivalent dans l’éternel et l’initié seul peut distinguer ce qui les joint l’un à l’autre.
Pour le profane, les mouvements du danseur peuvent être beaux et stylisés, mais pour celui qui saisit la signification des «Mudras» et les secrets de l’Abhinaya», les doigts effilés du danseur racontent l’histoire de la création : Les battements du tambour brisent le mur qui sépare le tangible du mystère et le danseur devient réellement un «dévadàsa», un esclave de Dieu qui révèle à chacun l’Ultime Réalité.
En Inde, lorsque la Fête est dédiée aux Dieux, la danse est prière. Pour les Hindous «le corps qui danse est visité par Dieu», car, pour eux, «l’âme n’est pas à distinguer du corps». Dans l’expression de l’unité organique de l’homme et de la nature, l’Inde a fait de la danse de Civa, l’image la plus claire de l’activité de Dieu. Rodin, voyant un jour une image du Nataraja la déclara la plus haute conception sculpturale du corps en mouvement.
Pour délivrer les âmes humaines de l’illusion, la danse de Civa a lieu au Centre du Monde, c’est-à-dire, le cœur de l’homme.
Civa, le Grand Yogi, le Seigneur du Monde est aussi Nataraja, le Roi de la danse. La danse de Civa a pour thème l’activité cosmique qui crée et détruit l’Univers.
LES HÉBREUX
Ayant analysé, trop succinctement, bien sûr, le symbolisme et le rituel des danses sacrées orientales et extrême-orientales, il convient d’aborder maintenant les danses des peuples qui sont à la source des origines liturgiques et culturelles de notre monde occidental.
Pour nous, imprégnés de civilisation judéo-chrétienne, ce sont les Hébreux qui, par les textes bibliques, nous transmettent les premières informations sur leurs rites et leur gestuelle : accompagnement de la prière, adoration, louanges, etc …
Contrairement aux civilisations environnantes où les représentations iconographiques, par les fresques, les vases, et la statuaire, nous apportent la preuve exacte des figures et mouvements utilisés dans leurs danses, nous n’avons, en ce qui concerne les Hébreux, aucune attestation archéologique, la loi religieuse hébraïque interdisant formellement toute représentation imagée. Ce sont donc, par les écrits que nous pouvons nous faire une idée sur les danses qui étaient pratiquées et dont il est souvent fait allusion dans la Bible :
Dans le livre de l’Exode (chapitre 15) relatant le passage de la Mer Rouge avec les danses en files conduites par Myriam la Prophétesse ; au chapitre 32, les rondes sont évoquées lorsque Moïse descend du Sinaï trouvant le peuple en train de danser devant le Veau d’Or, et, surtout, la fameuse danse de David, quasi-nu, devant l’Arche d’Alliance (Samuel chapitre 6- verset 5). L’on trouve aussi des indications sur ce sujet dans les premiers livres de la littérature rabbinique et dans le Talmud en particulier.
LA GRECE
Les Grecs ont toujours tenu la danse en grande estime puisqu’ils lui donnèrent le nom de «Nomos» (règle, loi du corps, ou règle des mouvements du corps), et qu’ils la qualifiaient d’Art Divin. De sa naissance à sa mort, la civilisation grecque fut toute imprégnée de danse. A Athènes, à Sparte, à Lacédémone, elle était regardée comme la science de tous les gestes, de tous les mouvements, faisant partie intégrante de l’éducation. Les récits légendaires des Grecs placent tous l’origine de leurs Danses et de leur art lyrique en Crète.
C’est dans «L’Ile Montueuse», selon le qualificatif homérique, que les Dieux ont enseigné la danse aux mortels, et c’est là que furent réunis les premiers «Thiases», groupes de célébrants en l’honneur de Dyonisos. Citons au passage que le geste symbolique revêt en Crète une signification particulièrement importante : en général, on représente la danseuse tendant le bras horizontalement, cassant l’avant-bras au coude, en opposition, l’un vers le haut, l’autre vers le bas ; dans le premier cas, la paume est ouverte vers le ciel, dans l’autre, vers la terre.
Toujours cette relation Terre-Ciel, que l’on a remarqué chez les Egyptiens, que l’on retrouvera chez les danseurs dionysiaques, puis chez les Etrusques. Précisons que le langage des gestes, la chironomie des Grecs était des mouvements bien codifiés qui n’employaient pas que les mains, mais aussi tout le corps et qu’il fallait toute une étude pour les déchiffrer. Les plus grands auteurs ont écrit ou parlé sur la danse : Xénophon, Socrate et Platon, en particulier. Pour les Grecs, la danse était principalement d’essence religieuse et spirituelle, don des Immortels et moyen de communication.
LA DANSE DANS LA LITURGIE CHRÉTIENNE
Dans la liturgie chrétienne et plus particulièrement dans les cérémonies pontificales de l’Eglise Catholique, toute inspiration des rituels pour les costumes et les mouvements du clergé découle du Temple de Jérusalem. Les processions de l’introït, l’aspersion des fidèles, l’encensement de l’autel, entre autres, sont réglés comme des chorégraphies.
A cet effet, nous pourrions rappeler que la prostration, lors de l’ordination sacerdotale qui permet aux futurs impétrants de «dépouiller le vieil homme», selon l’expression consacrée, pour renaître à l’homme nouveau, n’est pas sans évoquer la mort initiatique. Mais il ne s’agit là que d’une interprétation des gestes symboliques et non de danses réelles.
Pourtant, elles ne manquent pas de s’illustrer tout au long de la chrétienté, malgré l’interdiction du clergé condamnant, à de nombreuses reprises, les Danses et les Caroles dans les églises : Par le Concile de Vannes en 465, puis de Tolède en 587, par la Décrétale du Pape Zacharie, puis à Avignon en 1209, à la Sorbonne en 1444, enfin le Concile de Trente en 1562, lors de la grande remise en ordre de l’Eglise.
Toutefois, les Pères de l’Eglise Primitive ne semblaient pas, au départ, hostiles à la danse, considérant même qu’elle existait au début du christianisme comme faisant partie des rites. Citons : la Chronique de Saint-Martial de Limoges, indiquant l’organisation d’une «Choréa» en 1205, puis une autre pour le départ des Croisés. Carole encore à Sens, le soir de Pâques, autour du puits du cloître : archevêque en tête, les dignitaires du Chapitre dansaient intercalés avec les enfants du chœur, etc….
Dans une optique un peu différente, évoquons aussi les danses des brandons, qui avaient lieu le premier dimanche de Carême, autour de bûches enflammées et celles de la Saint-Jean, nous concernant davantage, où les fidèles décrivaient de grandes rondes autour des feux allumés en l’honneur de l’Apôtre ; ces deux manifestations ayant une origine commune : Les Palilies romaines, fêtes purificatoires et le même symbole : celui du feu. Danse du feu, encore, que relate le Père de Charlevoix dans le journal de son voyage en Amérique Septentrionale, interprétée par cinq ou six femmes, côte à côte sur la même ligne, se tenant fort serrées, les bras pendants, qui dansaient et chantaient jusqu’à l’extinction du feu.
Dans certains pays, et notamment l’Espagne, on danse encore dans les églises et surtout autour d’elles, à l’occasion des fêtes traditionnelles. Qui n’a pas entendu parler des Pénitents Blancs de Séville, des Confréries de Burgos ou de Saragosse, dont les grandes exhibitions ont lieu au cours des processions de la Semaine Sainte. Il y avait aussi la danse en chaîne ouverte, et celle en chaîne fermée.
Autre survivance, l’étrange procession d’Echternach au Luxembourg, qui a lieu le mardi de Pentecôte. Païenne à son origine, cette Fête fut transformée par les Bénédictins qui lui assignèrent un but précis : l’imploration de Saint-Willibrod pour la guérison des épileptiques et des malades atteints de la danse de Saint-Guy ! ..
C’est à partir du XIIème Siècle que la danse fut bannie de la liturgie ; elle ne survivra que dans les Danses Macabres, danse de la Mort contre la mort, à une époque de hantise de la famine, de la guerre et de la peste. Au temps de la Peste Noire (1349), se multiplieront, avec des danses convulsives, les phénomènes de transe et de possession, en dehors de quoi, ne se développeront que des danses profanes.
LE MOYEN-AGE
Au Moyen-Age, la danse est présente à tout moment : les moresques et momeries, les mascarades, carnavals et défilés, le danseur y apparaissant sous diverses formes : en saltimbanque, jongleur, et même montreur d’animaux savants, comme un simple exécutant profane.
En fait, si l’on étudie plus profondément leurs mouvements et le contexte dans lequel ils les exécutaient, l’on s’aperçoit que ces «gens du voyage», tels les Compagnons Opératifs, étaient en possession d’un véritable savoir ésotérique et initiatique. Ils se reconnaissaient par des signes, véritables mots de passe. Cette gestuelle acquise de longue date était transmise par les Maîtres dans la plus pure tradition orale, dans le même esprit que dans la Maçonnerie où le cheminement initiatique est ponctué par des gestes rituels et symboliques propres à chaque grade.
Quant aux danses compagnonniques, elles relèvent des mêmes principes.
LE BAROQUE
Parti de l’Italie sous la Renaissance, le centre d’intérêt de la danse se déploiera petit à petit vers la France, sous l’impulsion de Marie de Médicis. Le baroque italien et français renferme une foule de détails qu’il serait intéressant d’analyser, mais cela nous entraînerait trop loin.
Le premier chorégraphe de l’histoire du ballet, Balthazar de Beaujoyeux, réalisa en 1581 le «Ballet Comique de la Reine», point de départ des ballets de cour. Il définissait le ballet comme une combinaison géométrique de plusieurs personnes dansant ensemble, dont le dessin des mouvements au sol, vu du haut des balcons, loggias ou estrades, représentant cercles, carrés, losanges, rectangles ou triangles. Ce symbolisme des formes et figures géométriques, allait donner naissance, un peu plus tard, au système classique.
LE SYSTEME CLASSIQUE
Le Système Classique, appelé également Système Occidental, en opposition avec l’Oriental, vit le jour au XVIIème Siècle, sous le règne de Louis XIV.
C’est aux alentours de 1660 que furent codifiées les cinq positions fondamentales et les pas de base de la danse classique, par Charles-Louis Pierre de Beauchamp, Premier Maître à Danser du Roi, et compositeur des Ballets de sa Majesté. La particularité de la danse classique, réside principalement dans son principe d’en dehors, dont le grand théoricien Noverre disait qu’il avait été dicté fondamentalement pour des raisons d’esthétique.
Une autre interprétation, plus intéressante, fait remarquer que Terpsichore a son beau visage tourné vers l’extérieur, comme les cinq positions de pieds du danseur académique. Ces positions forment l’élément de base de la grammaire chorégraphique, point de départ et d’arrivée de n’importe quel pas ou mouvement. Ainsi, le danseur doit se mouvoir et s’exprimer physiquement et techniquement au rebours du commun des mortels.
L’élévation, but essentiel du système, se manifeste partout ; combinée avec l’amplitude et le parcours, c’est l’âme de la danse classique.
Ce dessein de fuite, d’envol, tout le proclame à nos yeux. Non seulement les grands temps en l’air, mais aussi les pas vifs et légers de la danse à terre. En fait, c’est tout le psychisme qui est orienté vers le haut : l’immobilité même fugitive, à la vérité, des positions de repos, parle un langage identique : la noblesse, le lyrisme des lignes déployées. L’élévation de la danseuse sur la pointe (au XIXième Siècle, en plein Romantisme), qui hausse l’interprète vers le ciel, la fluidité des ports de bras donnant l’impression de gestes allant vers l’infini, sont autant d’images évoquant la même aspiration.
Abstraite combinaison de formes mouvantes, géométrie dans l’espace, architecture animée, caractérisent ce système autonome et «parfait», qui, peu à peu, s’est acquis une extrême précision, condition de sa beauté. Moins encore que les autres arts, il n’admet la médiocrité, ni l’à-peu-près, car, la moindre déviation ou bavure compromet immédiatement l’harmonieux ensemble.
Nous l’avons remarqué, la Nature a fourni à la danse et à l’homme les Positions, l’expérience lui a donné les règles. Goethe n’a-t-il pas dit «Personne n’ose danser à la légère sans avoir appris selon les règles».
Cette description idéalisée, peut-être, prouve tout de même que cet art, devenu par son évolution dépouillée de tout artifice inutile, monte vers l’abstraction la plus pure et atteint l’esthétique parfaite de la Beauté, retrouvant l’Univers de la Spiritualité et des forces qui dominent la Matière. Mais on ne peut y parvenir qu’avec rigueur, méthode et connaissance, dont les exercices dans leur langage codifié mais hermétique, forment un rituel que l’on ne cesse de répéter quotidiennement
Après ce long parcours, retraçant les diverses interprétations du symbolisme «des Pas et des Gestes Rituels à la danse» dans l’histoire de l’humanité, il est temps de conclure.
Définie par les philosophes comme étant «L’Art des Gestes» par excellence, la danse est, selon Jean-Clarence Lambert :
«L’incorporation de la volonté de participer toujours plus activement à la Vie de l’Univers et de la nostalgie de dépasser la condition humaine dans l’accomplissement d’une métamorphose glorieuse …»
- Moyen de communication et de communion entre les Hommes,
- Présence de l’esprit dans la chair et manifestation spirituelle,
- Expression spontanée des émotions et des langages humains,
- La danse est éternelle !
Gilbert MAYER
RITE ANCIEN ET PRIMITIF DE MEMPHlS ET MISRAïM SOUVERAIN SANCTUAIRE ITALIEN 19 novembre, 2008
Posté par hiram3330 dans : Chaine d'union,Recherches & Reflexions , 5 commentaires
RITE ANCIEN ET PRIMITIF
DE MEMPHlS ET MISRAïM
SOUVERAIN SANCTUAIRE ITALIEN
Rite Primitif des Philadelphes (Narbonne 1779)
Rite de Misraïm (Venice 1788)
Rite de Memphis (Montauban 1815)
Rites Unis de Memphis et Misraïm (1881)
FRANC MACONNERIE UNIVERSELLE
GRAND ORIENT D’ITALIE
NOTES HISTORIQUES
ET ACTIVITES EN ITALIE
Giancarlo Seri
INDEX
Avant propos: La maçonnerie Opérative dans l’Ancien et Primitif Rite de Memphis et Misraïm
Notes Historiques sur l’Ancien et Primitif Rite de Memphis et Misraïm
Origine du Rite de Misraïm ou Egyptien (jusqu’à l’unification avec le Rite Oriental de Memphis en 1881)
Origine du Rite de Memphis ou Oriental (jusqu’à l’unification avec le Rite de Misraïm en 1881)
Les grades dits « Administratifs »
Docétîque initiatique de l’Ancien et Primitif Rite de Memphis et Misraïm
Structure Opérative actuelle de l’Ancien et Primitif Rite de Memphis et Misraïm
Titres usuels dans l’Ancien et Primitif Rite de Memphis et Misraïm.
Réouverture des Travaux de l’Ancien et Primitif Rite de Memphis et Misraïm au sein de la Communion Maçonnique du Grand Orient d’italie . Actes et Successions
Nous avons élaboré ce fascicule dans le but de présenter et éclairer les objectifs, les activités et le développement ( en perspective ) de l’Ancien Rite Primitif de Memphis et Misraïm, au sein de la Communion Maçonnique laquelle, à compter du 14 Avril 1879, a assumé le nom historique de Grand Orient d’Italie.
Par ce travail, nous chercherons, pour autant que possible, de fournir des indications utiles aux Frères Maîtres, soit pour un premier contact avec les thématiques développées dans les Chambres Rituelles qui constituent l’Echelle Philosophique que propose notre Vénérable Rite, soit pour montrer – dans les grandes lignes – les points de référence nécessaires à ceux qui veulent approfondir la recherches sous l’aspect hîstorio-graphique.
Durant ces quinze dernière années, le Rite Ancien et Primitif de Memphis et Misraïm, a été indiscutablement un phénomène de grand intérêt dans le panorama maçonnique. En effet si d’une part il a suscité de grands enthousiasmes parmi les Frères Maîtres, il a par ailleurs, nous devons, hélas, le souligner, soulevé des réactions incentestablement peu fraternelles.
Cependant, nous souhaitons que la lecture de cet opuscule, permette aux Frères Maîtres de comprendre quels sont les éléments traditionnels essentiels qui distinguent le Rite Ancien et Primitif de Memphis et Misraïm des autres Corps Rituels Maçonniques confrères, soit dans la forme que dans la substance. Nous allons tenter de définir, en synthèse, quelles propositions, quels instruments et quelles activités Opératives notre vénérable Rite compte présenter aux Frères Maîtres, afin de développer et accroître – avec toujours plus de vigueur – toutes les qualités et vertus spirituelles nécessaires à chaque Maître Maçon pour réaliser – en lui-même et par lui-meme – le véritable et authentique » status intereriore » de l’Adepte.
Nous sommes conscients que le » CHEMIN « est difficile et hérissé d’obstacles, mais avec l’aide du Très Haut, de la Charité et de la Solidarité fraternelle, il sera possible de distinguer et comprendre quelles sont les » colonnes portantes » du PROJET MACONNIQUE UNIVERSEL. A ce stade il est nécessaire de souligner que « spéculation » et » operativité » maçonnique basent leur enseignement sur l’observation attentive et profonde de la NATURE. Mère et Maîtresse, ELLE nous montre depuis toujours, la Voie qui conduit à la découverte et a la compréhension du Secret des Secrets, inné et casché dans la mystérieuse pulsation de la vie que la tradition alchimico-hermétique nous indique, avec une simplicité lapidaire, au travers de la devise:
SOLVE ET COAGULA
Observons comment naît une fleur et comment l’arbre génère un fruit, réfléchissons sur la perpétuelle alternance des saisons alors petit à petit, dans l’esprit de celui qui cherche la vérité avec une âme honnête, sincère et humble, se fera jour, de façon toujours plus concrète, la connaissance et la participation au » noumène » qui gouverne le » phénomène naturel « . L’objectif de l’Adepte est donc la possession et la connaissance des dynamiques occultes de la LOI UNIVERSELLE et ETERNELLE de CAUSE à EFFET. Que dire de plus à ceux qui s’approchent de Notre Vénérable Rite?
Il ne nous reste quâ leur souhaiter que la Lumière de la Force, de la Beauté et de la Sagesse devienne substance de la propre substance et que la Couronne d’Osiris se pose sur leur tête.
Le Souverain Grand Maître
Grand Commandeur
Grand Hiérophante Général
Giancarlo Seri 33:. 90:. 97:.
L’OPERATIVITE’ MACONNIQUE
DANS LE RITE ANCIEN ET PRIMITIF DE MEMPHIS ET MISRAÏM
Il est nécassaire d’éclaircir un malentendu historique, selon nous typiquement italien, sur la signification correcte de l’expression » operativité maçonnique « .
Selon nos expériences et en l’observance des enseignements reçus, nous sommes d’un avis diffèrent par rapport aux opinions courantes dans la Communauté Maçonnique Italienne sur la signification du terme » operativité « .
D’après les entendements de certains, » opérer » signifie intervenir indu ment et improprement au nom de l’Institution Maçonnique, dans les structures sociales profanes, dans les partis politiques et dans les Instituitions.
Nous au contraire, nous définissons ce comportement comme la » grande tentation « , ou, mieux encore, la » force déviante » du comportement correct maçonnique. Personne ne peut nier que ces » déviations » ont depuis toujours, provoqué, avec une cadence périodique constante, des dommages incalculables à la saine diffusion de Ja véritable Tradition Maçonnique.
Dans un passé assez récent nous avons eu les désastreuses sanctions des lois fascistes envers des FF.-. en particulier et contre l’institution Maçonnique en général. Plus récomment, l’affaire – bien trop connue – de l’irrégulière et anti~nitiatique loge » Propaganda 2 » ( mieux connue sous le sigle » P2 » ), a mis la F.-. M.-. dans une situation certes pas du tout confortable aux yeux du monde profane. Il n’est pas difficile de comprendre, en réfléchissant sur la signification du titre distinctif de cet atelier, que les fondateurs et les animateurs de ce groupe pseudo – maçonnique, étaient inspirés.par des idéaux qui, toujours à notre avis, n’ont rien de maçonnique et encore moins d’initiatique. En effet la Tradition n’enseigne pas a ses adeptes des théories anticonformistes, des délires exaltant l’ordre social et moral (de quelle morale?) ou des préceptes de nature nettement cléricale et puritaine.
Donc, en revenant a notre concept d’operativité, nous disons que l’ceuvre Maçonnique est de nature essentiellement intérieure et spirituelle. Elle s’exprime seulement au travers de dynamiques qui tendent à la découverte et â l’étude de ce » profond » qui existe au cantre de la conscience de chaque être intelligent, c’est à dire de cet univers composite et complexe qui attend de se révéler àl’observateur attentif et discret.
Seulement au travers d’une observation attentive et silencieuse, on peut réintégrer son propre être dans l’Harmonie Eternelle et Universelle. Le Maître Maçon Libre, par un travail de rectification constant et équilibré, met sa propre individualité au service de I’ évolution humaine et universelle. Il passe ainsi d’un travail essentiellement personnel, à un travail trans-personnel, d’un petit et égocentrique » moi » à un » SOIT » vibrant et resplendissant dans le glorieux et éternel travail de Ammon-Ra, source de vie, Père de toutes choses.
Ce que nous venons d’exposer peut sembler difficile et hors d’atteinte, mais aux FF.-. Maîtres nous disons: il suffit de commencer, le reste vient après.
SUR L’ANCIEN ET PRIMITIF RITE DE MEMPHIS ET MISRAÏM
Le Rite Ancien et Primitif de Memphis et Misraïm est un double système maçonnique -illuministique qui renferme en soit le grand système initiatique occidental. Il part de la base ell~même, la maçonnerie » bleue « , pour atteindre les cimes rosicruciennes de la Gnose, y compris les systêmes hermétiques, philosophiques et ésotériques des anciens Hiérophantes égyptiens et des prêtres de Mitra.
Notre Vénérable Rite, à cause de sa référence à Misraïm (ce mot dérive de » mizr » qui dans l’ancienne langue hébraïque faisait allusion à l’Egypte) est appelé aussi Rite Egyptien, ce qui génère une confusion erronée avec le Rite Egyptien – ou Maçonnerie Egyptienne de Cagliostro – lequel, tout en se reliant à I’A.R. P.M.M. dans l’étude des pratiques mystiques et théurgiques, – est profondément différent.
Les deux Rites unis, de Memphis et de Misraïm, forment dans leur complexe un authentique Ordre et non pas un simple Rite, dans le sens que l’on attribue généralement à ce mot. Ils furent conçus dans le but de rassembler en un organisme unique, qui mette en commun dans ses grades toute la sagesse, la connaissance et le désir de croissance intérieure des initiés épars dans les innombrables Corps Rituels Maçonniques supérieurs et dans les Ordres Illuministiques et chevaleresques, qui opéraient au débuts du 18ème siècle.
Donc l’Ancien et Primitif Rite de Memphis et Misraïm assuma la caractéristique d’un Ordre Universel dont la mission, rédimensionnée dans le temps, fut ceIle d’assumer la direction suprême de tous ces Ordres et Rites de véritable et traditionnel caractère initiatique, en réunissant dans une collaboration fraternelle, sous un seul corps, les Maçonneries et les Ordres Illuministiques du monde entier. Il y eut ainsi une prodigieuse synthèse des écoles orientales et occidentales.
A partir de 1881, par la volonté du Souverain Grand Maître, Grand Commandeur, Grand Hiérophante Général F.~. Giuseppe Garibaldi, fut opérée la fusion des deux Rites de Memphis et de Misraïm, dans un climat d’intime et harmonieuse intégration. Pour les besoins de la présentation, même Si très schématisée, de l’Ancien et Primitif Rite de Memphis et Misraïm, nous mentionnons ci-dessous une brève description de chacun des Rites.
ORIGINE DU RITE DE MISRAÏM ou EGYPTIEN
(jusqu’à l’unification avec le Rite Oriental de Memphis en 1881)
Plusieurs auteurs sont d’accord sur ses origines, sur sa diffusion à Venise et dans l’Italie du Sud.
Tory précise.:
» – - – en 1815 il était très répandus à Venise et dans les îles Ioniques avant même la révolution française de 1789. On trouvait beaucoup de Chapitres dans les Abbruzzes et dans le Pouilles. «
Levesque en 1821 dit que:
» . – - depuis cinq ou six ans ce Rite s’est établis à Paris. provient du Sud et il jouit d’une certaine considération dans les îles Ioniques et sur les bords de l’Adriatique. Il est né en Egypte. «
Il est clair, a ce point, que ce Rite eut ses origines en Italie, vu les affirmations de ces auteurs et d’autres encore.
Donc, en partant des obscurités « des débuts, il est possible d’affirmer, selon les théories les plus acceptables et dignes de foi, que le Rite de Misraïm naquit à Naples et, quand la Maçonnerie abandonna ses contenus ésotériques pour s’ouvrir au courant révolutionnaire, plusieurs FF.-. émigrèrent de Naples vers leurs propriétés dans l’Adriatique en emmenant avec eux leurs certitudes historiques de là partit sa diffusion.
Selon les affirmations de Gastone Ventura, ce fut le » Filalete » Abraham en 1801 qui reconstruit àVenise la L.-. du Rite de Misraïm mise en sommeil après l’occupation Autrichienne; cette L.-. aurait existé depuis 1796. Le F.-. Abraham ne serait autre que le Baron Tassoni de Modene. Au contraire, selon d’autres savants, comme Robert Ambelain et Robert Cools, ce fut Cagliostro qui porta le Misraïm à Venise.
De toute façon en résumant, brièvement et succinctement, la succession des événements historiques qui favorisèrent l’apparition de ce Rite, il nous paraît utile de mentionner que, fondamentalement, les historiens nôus reportent à deux différentes versions sur la naissance de ce Rite.
Pour ce qui nous concerne, l’examen attentif des différentes versions qui nous sont fournies par l’historiographie contemporaine, et forts de l’expérience initiatique proposée par Notre Vénérable Rite, nous avons la ferme conviction que, en y apportant les corrections qui s’imposent, les deux hypothèses sur les origines du Rite de Misraïm puissent êtres considérées véridiques.
1ère Version
Le Rite aurait été introduit dans la République vénitienne aux débuts du XVIII0 siècle puis, àtravers différentes vicissitudes, depuis les îles ioniques et très précisément de la L.~. égyptienne Zante (de la quelle faisait partie Ugo Foscolo) aboutit en 1782 à Venise. Immédiatement après, un groupe de FF.-. maçons (appartenant à la communauté protestante anti – trinitaire de Socino), membres de la susdite L:. égyptienne, reçurent de Cagliostro ( qui à cette époque séjournait à Trento ) une autre initiation maçonnique.
Peu après soit Gad Bedarride soit son fils Marc reçurent, justement par ces LL:. égyptiennes, les relatives initiations qu’ils intégrèrent dans la même période avec d’autres filiations, toujours originaires de l’ancienne terre d’Egypte.
2ème Version
Elle nous est fournie directement par Marc Bedarride dans son livre » LOrdre Maçonnique de Misraïm » publié à Paris en 1845 par Bernard et Comp. , dans lequel est détaillée toute la généalogie, laquelle, à rebours, remonte jusque à Adam
De la confrontation entre ces différentes sources et versions il apparaît sommairement:
1747, d’Egypte et de Malte, au travers de l’ceuvre initiatique d’illustres personnages – parmi lesquels émerge l’ceuvre du Prince de San Severo, Raimondo de Sangro – conflue à Naples une intense activité de recherche et d’étude de la Science Maçonnique de tradition égyptienne.
1782, de puis la L:.. égyptienne de Zante, se propage à Venise et dans les régions limitrophes un système initiatique maçonnique ayant de très évidentes caractéristiques rituelles égyptiennes. Au cours de cette même année, Marc Bedarride, affirme que son père Gad eut la visite d’un Initié égyptien qui se nommait Ananiah le Sage, duquel il eut la filiation et les pouvoirs de transmission d’une Tradition maçonnique de provenance égyptienne.
1788/1801 naissance à Venise, grâce aux synergies des très actives LL .-. maçonniques égyptiennes, en partie promues par Cagliostro et en partie par Ananiah le Sage et par Abraham (le Baron Tassoni de Modena), de l’ORDRE EGYPTIEN DE MISRAÏM.
1804/1805, le Rite Ancien et Primitif Egyptien de Misraïm commence, depuis Venise, à se diffuser en Lombardie. En 1805 le F.: Le Changeur fonde à Milan le Suprême Conseil du Rite ayant iuridiction sur les 90 grades.
1810/1813, selon les hypothèses les plus dignes de foi, en 1813, les FF~. Bedarride, JoIy, Gaborria et Garcia reçoivent à Naples le pouvoir de diffuser le Rite de Misraïm.
1856, le Rite de Misraïm, directement gouverné par Marc Bedarride, après de nombreuses vicissitudes, est définitivement absorbé par le Rite de Memphis. Entre 1856 et 1870 restent, toujours actives, certaines obédiences nationales de ce rite (voir la filiation de Mallinger en Belgique) lesquelles constituent le dépôt initiatique dénommé » ARCANA ARCANORUM » Une grande partie de ces obèdiences, toujours actives, vinrent ensuite unifiées en un Rite unique par Giuseppe Garibaldi.
1881, le F.. Giuseppe Garibaldi déjà Grand Maître du Rite de Misraïm en 1860, élus Grand Hiérophante Général en 1881, en vertu de ses pouvoirs souverains unifie les deux Rites de Misraïm et Memphis lesquels, sur le plan formel, étaient restés séparés jusqu’à cette date.
Ici se termine notre très brève et succincte description des faits sur l’histoire de ce Rite. Ceux qui voudraient apprfondir ce type de recherche peuvent demander les cahiers que le Grand Secrétariat de l’A.P.R.M.M. pourras fournir à ceux qui lui en formulerons la demande.
Pour ce qui, au contraire, concerne l’organisation de l’Echelle Philosophique que le Rite de Misraïm en contemple 90, distribués en 4 series
Série SYMBOLIQUE du 1° au 33° grade
Série PHILOSOPHIQUE du 34° au 66° grade
Série MYSTIQUE du 67° au 77° grade
Série CABALISTIQUE du 78° au 90° grade
ORIGINES DU RITE DE MEMPHIS OU ORIENTAL
(Jusqu’à l’unification avec le Rite de Misraïm en 1881)
De nombreuses légendes existent sur les origines de ce Rite qui se perdent dans la nuit des temps. Son propre fondateur, Jean Etienne Marconis, raconte que son père, Gabriel, officier italien de l’armée napoléonienne, fut initié pendant la campagne d’Egypte à la L.-. égyptienne » Isis » et que, à son retour en Italie en 1798, il fonda avec ses compagnons d’armes et FF.-., une L.-. avec de très fortes caractéristiques rituelles égyptiennes, dont le titre distinctif était:
» Les Disciples de Memphis « . Sur cette L.-. affluèrent et s’intégrèrent très tôt des FF.-. lesquels, dans les années précédant 1798, ceuvraient déjà en France avec des Rituels toujours d’origine égyptienne.
Successivement J.E. Marnons, en se basant sur les dires de son père Gabriel et des FF.-. de sa L.-. reconstruit le profil, la substance et l’histoire (peut-ètre légendaire) d’un Rite qui devait réunir en un « corps » rituel, les nombreux rituels, de la tradItion initiatique égyptienne, présents dans la multiplicité des Rites qui étaient utilisés à cette époque.
Pour donner tout de suite une idée du message initiatique que le Rite de Memphis devait offrir aux Fran~Maçons de tous les temps, nous emploierons les mêmes mots que Marconis utilisa, dans son livre « Le Sanctuaire de Memphis » ( Paris 1849, aux éditions Bruyer ), pour tracer les principes fondamentaux qui devaient constituer la structure docétique du Rite de Memphis. « Le Rite maçonnique de Memphis est l’héritier des Mystères de l’antiquité « .
- il éduque les hommes à rendre hommage à la divinité
- ses dogmes reposent sur tes principes de l’humanité;
- sa mission est la conquête de la sagesse qui sert à discerner la vérité;
- elle est l’aurore bénéfique du développement de la raison et de l’intelligence;
- elle est le culte de la qualité du cceur humain et la condamnation de ses vices;
- enfin, elle est l’écho de la tolérance religieuse, l’union de toutes les croyances, le liens entre tous les hommes, le symbole des suaves illusions de l’espérance qui prêche la foi en Dieu qui sauve et la charité qui fait bénir.
Donc Etienne Marconis, en utilisant d’autres enseignements et filiations initiatiques d’origine égyptienne, élabora en 1839 un ultérieur système Maçonnique dénommé » Rite de Memphis ou Oriental « . En un premier temps il s’articulait en 90 grades qui furent ensuite portés, pour les besoins du travail initiatique, à 95. Ce Rite eut un très vif succès à Milan et en France.
Les 95 grades furent divisés en trois séries:
1° série: du ler au 35ème grade
Elle englobait, à son tour, trois classes: LOGES, CHAPITRES, AREOPAGES où l’on enseignait la morale, la signification des symboles, des emblèmes et la première partie de l’histoire de I’ Ordre, outre l’exercice de la philanthropie.
2° série: du 36ème au 68ème grade
Elle comprenait deux classes: SENATS et CONSISTOIRES, où l’on apprenait les sciences naturelles et la deuxième partie de l’histoire de l’Ordre. Etaient fournis aux » étudiants » les matériaux d’étude sur l’organisation et sur la doctrine de tous les Rites pratiqués dans la Maçonnerie Universelle. On y étudiait en outre le sens occulte de la mythologie poétique.
3° série: du 69ème au 95ème grade
Elle comportait une seule classe: le CONSEIL. Dans cas chambres Rituelles on prenait connaissance du complément de l’histoire de l’Ordre, on y développait la partie mystique et transcendantale de la Maçonnerie Universelle, on y cultivait les spéculations théosophiques les plus hardies et les plus sublimes. On étudiait de façon particulière la philosophie des religions de toutes les disciplines qui, dans leur ensemble, constituaient la SCIENCE SECRETE mieux définies comme ART ROYAL.
Les dates les plus significatives de I’ histoire de I’ Ancien Rite Oriental de Memphis sont:
1773 le Fr.. Savalette de Lange, avec de nombreux autres FF.~. Maîtres Maçons, après avoir créée à Paris, le 23 Avril 177, la L.~. » Les Amis Réunis » fonde I’ Ordre Maçonnique des » FILALETES « .
1779 en prenant modèle et en s’inspirant de l’Ordre des » Filalêtes « , le RITE des « FILALETES » voit le jour à Narbonne.
1789 le F:. Samuel Honis devient Grand Maître de la Grande L… des Filalètes.
1798 de nombreux officiers de l’armée napoléonienne, appartenant déjà au Rite des Philadelphes, entrent en contact, pendant la campagne d’Egypte, avec des FF… de la Grande L… d’Egypte ( descendant de R+C de la période constantinienne ) qui est organisée en 70 grades rituels. De récentes découvertes, comme nous l’avons déjà dit, confirment qu’en cette même période Napoléon a été initié dans la L… » ISIS « , présidée par le Général Kleber.
1814 de retour en France, plusieurs officiers, rescapés de la campagne napoléonienne d’ Egypte, fondent à Montauban la L… » Les Disciples de Memphis » laquelle, immédiatement après deviendra la L.-. Mère de l’Ancien Rite Oriental de Memphis. Parmi les membres fondateurs de cet extraordinaire Atelier, on trouve l’Officier d’origine Italienne, Gabriel Mathieu Marconis de Negre (son fils deviendra ensuite l’héritier de la Tradition Maçonnique que le Rite de Mémphîs avait ramené d’Egypte).
25 Mai 1815 de l’intense et productive activité maçonnique développée par la L… » Les Disciples de Memphis », est issu l’Ancien et Primitif Rite Oriental de Memphis. Le F… Samuel Honis est proclamé Grand Maître de la Grande L.-. de ce Rite.
21 Janvier 1816 au F:. Honis, succède, en qualité de Grand Maître, le F:. Gabriel M. Marconis de Negre grâce auquel le Rite acquiert un échelle rituelle de 95 grades.
1816/1837 durant cette période le Rite, en passant par phases alternées, qui vont d’une intense activité maçonnique à des moment de profonde stagnation, réussit malgré tout à survivre.
23 Mars 1838 Jean Etienne Marconis de Negre, ayant hérité de son père Gabriel, la succession de la Grande Maîtrise du Rite de Memphis, réveille et réactive ca Rite en France et en Belgique.
DE 1838 A 1863:
1849 le Rite ouvre ses travaux en Roumanie.
1851 16 Juillet, le Rite ouvre ses travaux en Angleterre où le F.-. Beryeau est nommé Grand Maître. les travaux du Rite de Memphis sont ouverts en Australie. La même année est constitué à Alexandrie d’Egypte un Sublime Conseil du Rite de Memphis dont le Grand Maître sera Giuseppe Beauregard. Le 19 Novembre est fondé à New York un Souverain Conseil du 94ème grade dont le Grand Maître sera le F.-. Donald Mac Lellan.
1856 les travaux du Rite de Memphis sont ouverts en Australie. La mème année est constitué à Alexandrie d’Egypte un Sublime Conseil du Rite de Memphis dont le Grand Maître sera Giuseppe Beauregard. Le 19 Novembre est fondé à New York un Souverain Conseil du 94ème Grade dont le Grand Maître sera le F.-. Donald Mac Lellan.
1860 Giuseppe Garibaldi et certains de ses officiers sont initiés, à Palerme, dans une L:. du Rite de Memphis.
1862 le F:. Harry Seymur est nommé Grand Maître du Souverain Conseil pour les U.S.A.
1863 le Grand Hiérophante J.E. Marconis de Negre 97°Grade, délivre la Patente N° 2005 pour l’institution à Alexandrie d’Egypte d’un Temple Mystique et du Suprême Grand Conseil des Princes Patriarches Grand Conservateurs, 95° et demier grade du Rite. La patente a été libellée au nom du F:. L. Reginald de la Grèce, Marquis de Beauregard et lui défère le titre de Grand Maître.
26 Août 1865 le F… Guseppe Garibaldi et le F… Francesco de Luca, grand Maître du Grand Orient d’italie, sont élus membres honoraires du Suprême Conseil d’Alexandrie.
21 Novembre 1868 le Grand Hiérophante J.E. Marconis de Negre passe à l’Orient Eternel.
21 Mars 1873 le F… Salvatore A. Zola est nommé Grand Maître effectif du Grand Orient NationaI d’Egypte et du Souverain Sanctuaire du Rite de Memphis.
19 Mai 1875 le F:. Giuseppe Garibaldi est proclamé Grand Maître Honoraire ad vitam du Grand Sanctuaire du Rite de Memphis et reçois les 95° et 96° Grades.
11 Janvier 1876 le F… Salvatore A. Zola est élu Grand Hiérophante 97° Grade du Rite de Memphis.
1881 le F:. Giuseppe Garibaldi, devenu Grand Hiérophante, unifie les deux Rites de Memphis et Misraïm, en un seul et unique Corps Rituel.
En une réelaboration définitive, les deux Rites furent groupées en un seul organisme sous la dénomination de: ORDRE MACONNIQUE ORIENTAL DU RITE ANCIEN ET PRIMITIF DE MEMPHIS ET MISRAÏM ( par la volonté du F.~. Giuseppe Garibaldi ) et, aux 95 Grades déjà existants, en furent ajoutés deux autres de caractère administratif: le 96° et le 97°. Le premier réservé aux Grands Maîtres Nationaux et le deuxième au Souverain Grand Maître, Grand Commandeur, Grand Hiérophante Général, Sublime Maître de la Lumière.
Plusieurs savants de la Franc Maçonnerie Supérieure ont essayé d’établir une comparaison des Grades de l’A.P.R.M.M. à ceux des autres Corps Rituels Maçonniques. Bien entendu, faire des comparaisons est toujours très difficile, surtout dans ce domaine. Cependant nous essayerons de donner certaines indications pour une orientation plus aisée de l’étude de ce problème. En résumant par points, nous pouvons dire:
- La docétique de l’A.P.R.M.M. commence déjà au premier grade de la Maçonnerie Bleue, alors que les Corps Rituels Maçonniques, généralement, commencant leur docétique seulement après le 3ème grade.
- On ne peut pas dire, par exemple, que le 95ème grade de l’A.P.R.M.M. puisse correspondre au 33ème grade du Rite Ecossais Ancien et .Accepté, même Si dans certaines réalités maçonniques dans d’autres pays, pour des raisons qui ne nous regardent pas, ces correspondances on étés, et peut-être sont-elles encore, adoptées de façon erronée. Pour ce qui nous concerne il n’existe pas d’équivalences possible entre notre Vénérable Rite et le R.E.A.A. et, par conséquence, il ne pourra jamais exister une reconnaissance réciproque et, encore moins, des correspondances entre les grades.
- L’A.P.R.M.M. est un Corps Rituel Maçonnique chevaleresque et illuministique à caractère fortement rosicrucien et hermétique, avec des fonctions cabalistiques particulières qui ne peut, dans ses hauts grades, avoir de correspondance avec les grades pratiqués dans les autres Corps Rituels Maçonniques.
Toutefois, Si certains FF.~. voulaient faire des vérifications et des comparaisons utiles, il leur est fortement conseillé la pratique et l’expérimentation soit de la Rituelle de notre Vénérable Rite, soit de celIe relative à d’autres Corps Rituels opérant dans Notre Communion.
LES GRADES DIT » ADMINISTRATIFS «
Le 96ème grade appartient aux Souverains Grands Maîtres, Grands Commandeurs des Obédiences Nationales. La charge est décerné » ad vitam » elle est transmise à un successeur, par droit d’investiture.
Le 97ème grade appartient au Souverain Grand Maître, Grand Commandeur, Grand Hiérophante Général, Sublime Maître de la Lumière. Il s’agit d’une prérogative indélébile du Grand Magistère Sacerdotal Egyptien et d’une investiture » ad vitam « . Elle est transmise à un successeur toujours par droit d’investiture.
DE L’ANCIEN ET PRIMITIF RITE DE MEMPHIS ET MISRAÏM
Les 95 grades de notre Vénérable Rite, doivent être considérés comme un déambulatoire, ou mieux, comme un projet de voyage dans les profondeurs de son propre être, lequel, prévoyant d’innombrables possibilités de parcours, conduit toujours et de toute façon, à une seule approche: l’accomplissement du Grand Oeuvre.
Le Corpus rituel de l’A.P.R.M.M. doit être considéré, dans sa complexe unité structurale, comme un dépôt des grades maçonniques qui, par suite d’événements singuliers, ne sont plus pratiqués. Se serait se fourvoyer que de vouloir attribuer une échelle de valeurs aux divers grades. Une telle attitude mentale occasionnerait à l’initié une perte d’orientation, ou, pour le moins, la perte d’une précieuse et considérable partie de son temps. Même Si l’homme est, parmi les êtres vivants, un de ceux à la durée de vie la plus longue, il n’est certainement pas utile pour son évolution de se perdre derrière des buts éphémères et illusoires.
Pour se maintenir sur le plan de la sincérité, comme nous l’avons toujours fait, et comme nous le ferons aussi dans le futur, il est opportun de préciser que la rituelle de l’A.P.R.M.M. est seulement une précieuse opportunité d’étude et d’approfondissement de tous les courants d’orientation spirituelle qui ont transité à l’intérieur de la Maçonnerie Universelle, depuis sa naissance à nos jours. Simultanément, pour ceux qui réussissent à écouter la voix de leur propre » essence intérieure », elle représente aussi une extraordinaire et concrète possibilité de comprendre3 de réaliser et posséder la science du SECRET ROYAL.
Autre caractéristique fondamentale de Notre Vénérable Rite: son intime nature fermement déiste et spiritualiste. Il s’agit, en fait, de l’acceptation du principe fondamental de l’éternité de l’esprit et de l’immortalité de l’âme ou d’une survîvance certaine de cette dernière après la mort du corps. Ici s’arrête le dogmatisme de l’A.P.R.M.M. – En effet il n’est pas lié et ne dépend d’aucune religion particulière et laisse à chacun de ses membres la pleine et totale liberté d’opinion et de pensée.
Aux FF:.qui auraient l’intention de travailler et de perfectionner leur maîtrise de nos Chambres rituelles, nous signalons, ultérieurement, qu’un des objectif de I’A.P.R.M.M. est de fournir les éléments nécessaires à la compréhension pour ce qui concerne la TRADITION GNOSTIQUE CLASSIQUE, étant donné que de tels enseignements sont peu diffusés et traités superficiellement pendant les travaux qui se déroulent au sein des rituels de la Maçonnerie Bleue Universelle.
Pour être plus clairs, précisons que lorsque nous parlons de GNOSE CLASSIQUE nous entendons:
- Préexistence des âmes;
- Descente dans leurs formes charnelles;
- abandon du PLEROMA ( monde supérieur et suprasensible ) pour le KENOMA ( monde inférieur de la forme ) et, ensuite, la possibilité de la remontée vers ce même PLEROMA
- Etude des arcanes d’une existence posthume, évoquée dans le symbolisme rituel maçonnique par l’expression: » ORIENT ETERNEL « .
L’étude des ces arcanes, qui suivent les trois premiers grades de la Maçonnerie Bleue, sera traité par d’opportuns rituels contenant symboles et éléments provenant d’ancienne disciplines traditionnelles ( comme, par exemple, la Gnose Alexandrine et la Kabbale hébraïque ) et caractérises par une gestuelle (signes, marches, mots de passe) que l’on peut rattacher aux anciennes traditions orientales ( comme le taoïsme et le bouddhisme tibétain ). Nous ne nous attardons pas sur les nombreuses références du symbolisme, utilisé dans les Chambres rituelles, relatif aux sciencas appelées » occultes » telles que l’Alchimie, l’Astrologie et la Théurgie.
DE L’ANCIEN ET PRIMITIF RITE DE MEMPHIS ET MISRAÏM
La structure rituelle opérative que Notre Vénérable Rite pratique actuellement, se développe en 4 sections: Section Symbolique, Section Philosophique, Section Gnostic~Hermétique, Section Hermétique.
A son tour, chaques section, outre le fait d’avoir une caractéristique bien précise et une fonction bien particulière, est composée par un ou plusieurs Corps Rituels qui sont en partie pratiqués rituellement et en partie étudiés et conférés par communication.
SECTION SYMBOLIQUE
Elle est composée des Corps Rituels dénommés Loges. Le but de cette section est l’étude et la pratique des trois premiers grades de la Maçonnerie Universelle: Apprenti, Compagnon et Maître. Actuellement notre Rite pratique la section symbolique, à la suite d’un protocole d’entente, au sein de la Communion Maçonnique du Grand Orient d’italie.
SECTION PHILOSOPHICO-CABALISTIQUE
Cette section est composée de 30 Chambres Rituelles desquelles 7 sont rituellement pratiquées, alors que les autres grades viennent conférés par communication ( sur l’épée ). Les 7 Chambres pratiquées sont:
4èmeGrade: Collège des MAîTRES DISCRETS
7ème Grade: Chapitre des MAîTRES SUBLIMES, GRANDS ELUS, CHEVALIER DE LA VOUTE DE PERFECTION.
11ème Grade: Sénat de CHEVALIERS DE L’AIGLE ET DU PELICAN, PRINCES ROSE + CROIX.
16ème Grade: Sénat des CHEVALIERS DU SOLEIL, SAGES DE LA VERITE’, PRINCES. ADEPTES.
21ème Grade: Sénat des SUPREMES COMMANDEURS DES ASTRES.
30ème Grade: Sénat des CHEVALIERS DE L’AIGLE BLANC ET NOIR CHEVALIERS KADOSH.
33ème Grade: Suprême Conseil des SOUVERAINS GRANDS INSPECTEURS.
SECTION GNOSTICO – HERMETIQUE
Elle est composée de 38 Chambres Rituelles. De cette section, seul le 66ème grade est pratiqué, celui des Patriarches Grands Consacrateur. Sa docétique fonde son étude et sa recherche sur la GNOSE CLASSIQUE et sur ces dérivations.
66ème Grade: Grand Consistoire des PATRIARCHES GRANDS CONSACRATEURS.
SECTION HERMETIQUE
La section hermétique représente la conclusion de l’iter initiatique que les FF.~. Maîtres ont accomplis – en tant qu’ouvriers de l’Art Royal – dans les déambulatoires traditionnels, dépôt immémorial et mystérieux, que l’Ancien et Primitif Rite de Memphis et Mîsraïm possède depuis toujours. Dans cette section, composée de 24 Grades Rituels, on pratique rituellement:
90ème Grade: Grands Conseils des SOUVERAINS PRINCIPES, SUBLIMES PATRIARCHES, MAîTRES DU GRAND OEUVRE.
91ème Grade: Grand Tribunal des SOUVERAINS PRINCIPES, GRANDS DEFENSEURS DE L’ORDRE ET DU RITE.
94ème Grade: Grand Temple Mystique des SUBLIME PATRIARCHES PRINCES DE MEMPHIS.
95ème Grade: Souverain Sanctuaire des SUBLIMES PATRIARCHES GRANDS CONSERVATEURS DE L’ORDRE.
GRANDE MAîTRISE DU SOUVERAIN SANCTUAIRE ITALIEN
97ème Grade: SOUVERAIN GRAND MAÎTRE, GRAND COMMANDEUR, GRAND HIEROPHANTE GENERAL DE L’ANCIEN ET PRIMITIF RITE DE MEMPHIS ET MISRAÏM.
DANS L’ANCIEN ET PRIMITIF RlTÈ DE MEMPHIS ET MISRAÏM
Il nous paraît utile de donner certaines indications quant à l’usage des titres qui traditionnellement reviennent aux FF:.. Maîtres, et que la traditions leur reconnaît. Un examen très attentif nous montre de façon évidente que ces titres ne sont point destinés à satisfaire la vanité humaine mais à souligner et à rappeler les » facultés occultes » que les grades correspondants confèrent réellement – à travers de l’initiation – à qui est en mesure de les vivres.
Il faut se souvenir, en outre, que le SECRET ROYAL , ou pour mieux nous comprendre, le SECRET MACONNIQUE, (le vrai), est lié à l’action posthume de qui le détient véritablement. C’est àdire que les Maîtres qui le possèdent sont obligés, depuis leurs DHARMA, de continuer leur » action occulte » en faveur des finalités ultimes de la FRANC MACONNERIE UNIVERSELLE, même lorsqu’ils seront passés au delà du seuil de leur existence terrienne et humaine, c’est à dire à L’ORIENT ETERNEL.
Ces FF:. constituent la chaîne invisible des vrais Philosophes Inconnus qui soutient et protège l’éternel devenir humain, au travers de leur continuelle, vigilante et constante » action mystérieuse « . En vertu de ce que nous venons d’exposer, nous pouvons affirmer que les titres qui sont reconnus, aux différents grades, aux FF:. Maîtres, sont des attributs sacrés qui ne doivent pas êtres considérés comme les coquilles vides d’éphémères et impuissantes vanités humaines.
Les titres en question sont: Respectable, Vénérable, Puissant, Illustre, Parfait, Sublime et Sérénissime, auxquels traditionnellement nous attribuons les significations suivantes:
RESPECTABLE
Celui qui assume ce titre est conscient que le » respect » (du latin » respectus » qui définit tout regard jeté en arrière ) est la reconnaissance de sa propre dignité et de calle des autres. Il en découle que chaque parole et action de celui qui est » respectable » est basée sur cette reconnaissance. Démocrite fonda le principe de l’éthique, justement sur le respect en soutenant:
» Tu ne dois pas avoir de respect pour les autres hommes plus que pour toimême, ni agir mal sans que personne ne le sache, plus que quand tous lesavent; mais tu dois avoir pour toi même le maximum de respect et imposerà ton âme cette loi: NE PAS FAIRE CE QUI NE DOIT PAS ETRE FAIT. »
Alors que dans le discours avec lequel Protagore expose, dans le dialogue homonyme de Platon, l’origine de la société humaine il est dit que:
» Zeus, craignant que la totalité de notre lignée ne s’éteigne, envoya Hermès apporter parmi les hommes le respect réciproque et la justice afin qu’ils fussent ordonnateurs des cités et qu’ils créassent entre les citoyens des liens de bienveillance « .
Donc le Maître qui devient » respectable » comprend bien, en le mettant en pratique, que le respect réciproque et la justice, sont les deux ingrédients fondamentaux de I’ ART POLITIQUE, c’est à dire l’Art de vivre ensemble.
VENERABLE
Personne ou chose digne de vénération, parce que symbole de « . valeur » incontestablement et universellement acceptable comme modèle idéal de vie ou de pensée. VENERABLE est le titre qui est assumé par le Maître Maçon qui préside l’Atelier maçonnique, en ce sens qu’il représente la Lumière de la Sagesse que la Tradition maçonnique lui confère dans I’exercice de ses fonctions.
PUISSANT
Celui qui possède la force et la capacité d’accomplir une transformation quelconque en soi même et par soi même.
ILLUSTRE
Du latin » illustri « , signifie que la personne ou la chose illustre porte avec soi la lumière et la irradie, en illuminant à son tour, les autres corps encore plongés dans l’obscurité.
PARFAIT
Du latin » perfectus « , signifie terminé, accompli.
SUBLIME
Sublimation est un terme qui a aussi une valeur scientifique signifiant le passage de l’état solide directement à l’état gazeux sans passer par la phase intermédiaire, le liquide. Par conséquent, par sublime, on entend indiquer celui qui possède la faculté de passer, sans traumatisme, du plan humain et quatemaire de l’existence, au plan divin et spirituel, et vice versa.
SERENISSIME
Du latin » serenus « , ou mieux, » serum « , qui a pour lointaine racine » serenum « , signifiant » sec « , exempt d’humidité. Il indique le statut mental de l’initié qui, devenu Adepte, parcourt, dans son devenir, la Voie sèche, la Voie du sentier de gauche, la Voie rapide mais extrêmement néfaste à ceux qui sont insuffisamment préparés. C’est la Voie de I’Audace.
De ce qui a été dit, même sommairement, nous souhaitons que les FF:. Maîtres puissent comprendre que l’Ancien et Primitif Rite de Memphis et Misraïm s’adresse seulement à ces initiés qui, en suivant patiemment les multiples occasions de méditation inspirée, réussissent à découvrir les canaux de force qui permettent de se mettre en parfaite résonance avec les plans d’existence supérieure et avec la transmutation personnelle de l’être.
La fonction de Notre Vénérable Rite est de constituer un fil invisible, mais réellement présent, qui lie le bas avec le haut. Il offre la clef des arcanes à tous les hommes de bonne volonté, afin que ces mêmes arcanes puissent être révélés et pratiqués.
Ils nous semble opportun souligner ce que nous venons d’exposer par la citation des affirmations reportées dans l’introduction des Statuts et Réglements Généraux de l’Ancien et Primitif Rite de Memphis et Misraïm:
HOMME TU AS DEUX OREILLES POUR ENTENDRE LE MEME SON, DEUX YEUX POUR PERCEVOIR LE MEME OBJET DEUX MAINS POUR EXECUTER LE MEME ACTE.DE MEME LA SCIENCE MACONNIQUE,
SCIENCE PAR EXCELLENCE,EST ESOTERIQUE ET EXOTERIQUE.L’ESOTERISME CONSTITUE LA PENSEE, L’EXOTERISME L’ACTE.L’EXOTERISME S’APPREND, S’ENSEIGNE, SE DONNE;L’ESOTERISME NE S’APPREND PAS, NE S’ENSEIGNE PAS, NE SE DONNE PAS,
IL VIENT D’EN HAUT
La tradition Maçonnique classique fait partir sa chronologie sacrée de la Création du Monde qui, selon la Genèse et les supputations judéo-chrétiennes, remonte à 4000 ans précédents ceux de notre ère. Par exemple pour dater l’année 1987, selon l’usage courant dans le système maçonnique contemporain, il existe deux systèmes de datation:
1èr système
on fait suivre 1987 des lettres » E:. V:. » qui signifient » Ere Vulgaire » (du latin ‘vulgaris’ ou’ vulgo’ qui signifie » public » – « commun à tout le monde » -, c’est à dire aux initiés et aux profanes ).
2ème système
on ajoute au chiffre 1987 le nombre 4000 (qui indique les années précédant notre ère) en rejoignant ainsi le total de 5987, indiquant le temps écoulé » depuis la création du monde ».
La tradition maçonnique de l’A.P.R.M.M., désireuse de montrer, si non l’éternité de l’Univers, au moins l’Eternité de l’activité divine, dans le courant de laquelle les univers se succèdent aux univers et les Créations aux créations, utilise elle aussi deux systèmes de datation:
1er système
à la date du temps profane on antépose I ‘inscription » en l’Année 000.000.000. de la vraie lumière et 1° Janvier 1987 E:.V:. « , les neuf zéro précédant la date ordinaire, sont le symbole, mathématiquement représenté, de la LUMIERE ETERNELLE, puisque le zéro est le symbole qui permet à tous les nombres de se multiplier à l’infini.
2ème système
Actuellement la documentation officielle de l’A.P.R.M.M. respecte sa propre tradition en faisant débuter sa chronologie de l’an 1292 avant Jésus Christ, date de l’avènement au trône de Ramses lI~, premier grand Roi de la vingtième dynastie et dernier des grands Pharaons, créateur des fameux Temples d’ Abu Simbel. Par exemple pour dater 1° Janvier 1987 on procède de la façon suivante: on ajoute à 1987 le nombre sacré 1292 et l’année 1987 devient l’an Sacré 3279, alors que le jour et le mois deviennent, selon le Calendrier Egyptien: le sixième jour du mois de Tybi.
Pour calculer le jour et le mois correspondants au calendrier égyptien, il faut tenir compte du tableau des saisons ci-dessous qui était en vigueur dans l’Ancien Egypte:
SAISON DE SCHA’ : l’Automne
Premier mois: débute le 29 Août – calendrier égyptien: THOT
Deuxième mois: débute le 29 Septembre – calendrier égyptien: PAOPHI
Troisième mois: débute le 28 Octobre – calendrier égyptien: ATHYR
Quatrième mois: débute le 27 Novembre – calendrier égyptien: KHAOIAK
SAISON DE PRE’: L’Hiver
Cinquième mois: débute le 27 Décembre – calendrier égyptien: TYBI
Sixième mois: débute le 26 Janvier – calendrier égyptien: MEKHEIN
Septième mois: débute le 25 Février – calendrier égyptien: PHAMENOTH
Huitième mois: débute le 27 Mars – calendrier égyptien: PHARMOUTHI
SAISON DE SCHEMON : le Printemps
Neuvième mois: débute le 26 Avril – calendrier égyptien : PAKHOUS
Dixième mois: débute le 26 Mai – calendrier égyptien : PSYRIE
Onzième mois: débute le 25 Juin – calendrier égyptien : EPIPHI
Douzième mois: débute le 25 Juillet – calendrier égyptien : MESORI
LES JOURS EPAGOMENES
Dans le calendrier égyptien existent les JOURS EPAGOMENES. Ils célèbrent le temps sacré dans lesquels naissent les Divinités Egyptiennes, qui coïncident avec le premier jour de notre zodiaque de la Vierge céleste. Ces jours sont à considérer en dehors du temps chronologique et réservés à de très particulières et profondes méditations sur la création du monde. Durant cette période aucun travail rituel n’est effectué.
Ces jours sont les suivants:
24 Août – Premier jour épagomène : Naissance d’OSIRIS
25 Août – Deuxième jour épagomène : Naissance d’HORUS
26 Août – Troisième jour épagomène : Naissance de SETH
27 Août – Quatrième jour épagomène : Naissance de NEFITIS
DE L’ANCIEN ET PRIMITIF RITE DE MEMPHIS ET MISRAïM
AU SEIN DE LA COMMUNION MACONNIQUE
DU GRAND ORIENT D’ITALIE
ACTES ET SUCCESSIONS
Nous n’avons pas la certitude absolue que la tabulation chronologique des actes et des successions, réportée ci-dessous, soit parfaitement répondante aux exigences rigides d’une complète recherche historique. Toutefois Si l’on considère la rareté des documents qui nous sont parvenus, directement ou indirectement, il nous semble déjà important de pouvoir compter sur la quantité, même limitée, des données qu’il a été possible d’en récupérer.
En effet, le poids que les deux derniers conflits mondiaux et les vingt années de clandestinité (de 1925 à 1945 sous le régime fasciste) ont eu non seulement au sein même de l’institution mais au regard de toute la documentation qui a été dispersée et, hélas, en grande partie détruite, n’est pas du tout négligeable.
Il est évident, donc, qu’une ultérieure documentation, qu’à ce jour nous ne possédons pas, aurait témoigné avec beaucoup plus de validité l’exactitude et la véridicité de ces événements qui aujourd’hui apparaissent, à tort, comme de fumeuses légendes.
Pour corroborer çe que nous avons précisé dans le tableau récapitulatif sur la genèse de l’A.P.R.M.M., nous détaillerons, ci dessous, la tabulation chronologique des événements et des actes les plus significatifs qui ont amené notre Vénérable Rite à l’actuelle configuration structurelle.
14 Novembre 1973: le F:. F. Brunelli est investi des pouvoirs Souverains par le F.. Robert Ambelain, héritier de la filiation française de l’Ancien et Primitif Rite de Memphis et.
22 Novembre 1973: Les FF:. de la Respectable Loge » Les Fils d’Horus » N° 742 à l’Orient de Perugia et à l’Obédience du Grand Orient d’Italie, par décision unanime, adoptent officiellement le Rituel de l’A.P.R.M.M. aux trois premiers grades.
15 Dècembre 1973 Le F:.. F. Brunelli, en vertu des pouvoirs magistraux reçus et en sa qualité de Grand Maître pour l’Italie, ranime au sein du Grand Orient d’italie, l’A.P.R.M.M en conférant les premiers grades à 15 FF.-. Maîtres, tous appartenant régulièrement au G.O.l.
1973/1978: L’activité du Rite en cette période est très limitée, mais malgré tout suffisante pour représenter significativement, dans la réalité maçonnique italienne, un incisif et réel témoignage de la tradition maçonnique d’origine italique et méditerranéenne.
29 Septembre 1979: Un traité d’amitié est stipulé entre le Rite Symbolique Italien et l’Ancien et Primitif Rite de Memphis et Misraïm. Il est souscrit, pour R.S.I., par les FF.-. Stefano Lombardi, Grand Maître et Antonio de Stefano Grand Secrétaire, et pour l’A:.P:.R:.M:.M:. par les FF:. Francesco Brunelli Souverain Grand Maître et Giancarlo Seri Grand Secrétaire Chancelier.
1° Février 1982 Le Grand Maître du Grand Orient d’Italie le F:. Ennio Battelli, confirme, (par un document écrit ) l’autorisation accordée à I’A:.P:.R:.M:.M:., depuis le début de son mandat magistral, la possibilité d’utiliser le Rituel de notre Vénérable Rite aux trois premiers grades de la maçonnerie bleue et, toujours dans le même document, il réitère:
« dans les réunions à l’occasion de visites à caractère officiel, les Loges doivent travailler selon le Rituel en usage dans la Communauté «
28 Mars 1982: Le F:. Francesco Brunelli désigne le F:. Giancarlo Seri comme son propre successeur et le l’installe rituellement en qualité de Substitut Grand Maître.
2 Avril 1982: Le F:. Francesco Brunelli, à cause de très graves problèmes de santé, transfère ses pouvoirs et les insignes de la Souveraineté Magistrale de l’Ancien et Primitif Rite de Memphis et Misraïm, au F:. Giancarlo Seri.
19 Août 1982-.Assisté par les FF:., le très cher et regretté F:. Francesco Brunelli, passe à l’Orient Etemel.
14 Novembre 1982: A Paris en présence des autres Grands Maîtres des obédiences nationales européennes, le F.-. Robert Ambelain, Souverain Grand Maître de la filiation française de I’A:.P:.R:.M:.M:. reconnaît, la légitimité et la régularité initiatique de la succession du F:. Francesco Brunelli par le F:. Giancarlo Seri
26 Septembre 1983: L’A.P.R.M.M., après de longs pourparlers avec le G.O.l. ( presque 10 ans ), réaffirme et confirme (comme déjà l’avait fait en 1973 le F:. Francesco Brunelli, lorsqu’il rouvrit les travaux de Notre Vénérable Rite au sein du G.O.I. ) de ne pas pratiquer de façon autonome les trois premiers grades de la Maçonnerie Bleue, mais d’accepter intégralement la Constitution et les Règlements du G.O.l., au travers de la seule pratique des grades relatifs à l’Echelle Philosophique que l’A.P.R.M.M. propose, àpartir du 4ème grade, et de les conférer exclusivement au Maîtres Maçons, actifs et cotisants, appartenant au G.O.I.
La Commission du G.O.I. , en la personne du Grand Maître, le F:. Armando Corona, en prenant acte de la volonté, déjà éprouvée par le Souverain Sanduaire Italien de l’A.P.R.M.M., publie la » Balaustra » N° 5/AC, 26 Septembre 1983, où il est dit:
…Le Grand Orient d’Italie entretient des rapports de courtoisie et de réciproque collaboration avec les Corps Rituels Suivants
- Suprême Conseil du Rite Ecossais Ancien et Accepté Souverain Grand Commandeur le très estimé F.-. Manlio Virgilio Gaito.
- Rite de York composé des Corps Rituels ci dessous:
a) Grand Concile des Maçons de l’Arc Royal en Italie, -Prêtre Suprême l’Ecc.mo F.-. Franco Raffaele Rizzi.
b) Grand Concile des Maçons Cryptique d’italie – Grand Maître l’Ecc.mo F.-. Franco Raffaele Rizzi.
c) Commanderie des Chevaliers Templiers;
- Souverain Sanctuaire Italien de l’Ancien et Primitif Rite de Memphis et Misraïm – Grand Hiérophante et Très Puissant F.-.Giancarlo Seri.
Les FF.-. peuvent adhérer aux Corps Rituels sus mentionnés et fréquenter leurs réunions.
30 Mars 1985: Le F:. Giancarlo Seri est reçu, pour la première fois, en qualité de Souverain Grand Maîtré de l’A:.P:.R:.M:.M:. aux travaux de la Grande Loge du G.O.I.
14 Février 1986: Un Protocole d’Entente est stipulé entre le G.O.l et l’A.P.R.M.M.
06 Février 1988: Un deuxième Protocole d’Entente est stipulé entre le G.O.I. et l’A.P.R.M.M.
02 Juin 1988: Le Protocole d’Entente entre le G.O.I. et l’A.P.R.M.M. souscrit par chacune des parties le 06 Février 1988, nous est restitué contresigné et accepté par le G.O.I. le 02 Juin 1988.
Nous n’avons pas la certitude que, en quelques pages, nous ayons réussi à expliquer clairement et définitivement l’histoires et les entrelace des ces événements qui, dans leur ensemble, constituent la mémoire et les racines de notre Vénérable Rite. Cependant, nous sommes convaincus d’avoir fourni aux FF.-. Maîtres qui bénévolement nous suivent et nous estiment, des instruments de connaissance valables, qui leurs seront certainement utiles pour avoir une idée d’ensemble sur le rôle et l’activité de l’A. P.R.M.M. dans l’actuelle réalité maçonnique.
Notre ceuvre de divulgation et de recherche ne fini pas, évidemment, avec la publication de cet opuscule, mais ouvre la voie à toute une série de recherches et publications qui seront mises à la disposition de ceux qui veulent approfondir ce genre de connaissances.
A tous ceux qui recherchent le bien, la justice et la vérité. nous souhaitons Santé, Prospérité et Fraternité.
DE L’ ETERNEL RENOUVEAU 30 octobre, 2008
Posté par hiram3330 dans : Chaine d'union,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaireDE L’ ETERNEL RENOUVEAU
LA FRANC-MACONNERIE SOCIETE INITIATIQUE AU SERVICE DE LA LIBERTE
Je me suis souvent interrogé, comme tout le monde, sur les voies de la connaissance, sur celles du bonheur et de la liberté. J’ai lu, autant qu’on peut le faire.
Je me trouve aujourd’hui, comme hier, devant le mystère des origines et des fins, mais j’ai le sentiment d’avoir progressé dans le sens d’une meilleure compréhension de la condition humaine.
Ce progrès, je le dois me semble-t-il à la possibilité qui m’a été donnée de prendre un certain recul, de saisir les relations humaines sous une forme explicite, et peut-être objective, enfin, aux enseignements d’une sagesse traditionnelle.
Certes, nous ne sommes pas plus qu’hier, capables de résoudre la grande énigme. Les lumières de nos néons nous dissimulent sans doute les mystères de la nuit. Mais ces mystères subsistent.
Ce ne serait pas grave d’ailleurs, si dans notre aventure nous n’avions pas la sensation d’une dépendance sourde, entre ce qui nous échappe, et nous-mêmes.
Nous succombons au besoin de conforter continuellement notre sécurité, mais nous rêvons en même temps que d’une certitude, d’une disponibilité qui serait entière.
En somme, les hommes d’aujourd’hui vivent comme s’ils avaient été frustrés. Une promesse qui nous aurait été faite, et qui n’aurait pas été tenue.
Les meilleurs d’entre nous ont la conviction qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. D’autres plus faibles ou mieux inspirés, cherchent sous mille visages, dans mille directions l’image rassurante, le père tout puissant, le chef libérateur, la raison agissante, la Vérité!
Sans doute la difficulté d’être, naît-elle de la coexistence de deux sentiments:
-celui de notre appartenance à un ensemble, qui nous enveloppe, nous pénètre et nous dépasse.
-celui de la manifestation en nous d’une individualité, d’une modalité d’existence irréductible à tout autre.
Réels ou illusoires, ces sentiments nous partagent. NOUS rêvons d’une vie qui ignore ces déchirements. D’un monde où les contradictions s’évanouiraient.
Il nous faut de nombreuses épreuves pour découvrir que ces contradictions ne se présentent à nous que parce qu’elles ne peuvent se résoudre que par notre existence.
Vivre c’est précisément chercher son unité au delà de ces contradictions de l’être. Et j’imagine assez bien le cœur déchiré de chacun de nous, pris entre ce qu’il doit au monde, et ce qu’il se doit à lui-même, partagé entre l’exigence quotidienne, et la soif d’un ailleurs paisible.
Cette quête, la plupart des hommes consciemment ou non la poursuivent. Avec la conviction, sans doute plus ou moins assurée qu’ils atteindront un état particulier, bonheur, salut, pouvoir, puissance, qui les place au-delà des événements, dans un univers où ils trouveront la plénitude de l’être et le sentiment de l’immortalité.
Mais cette quête, c’est déjà un signe. Celui de la rupture de l’ordre intérieur, c’est l’amorce d’un cheminement qui conduit vers les certitudes, et les solitudes. Orgueilleux de ses efforts, l’homme finit toujours par découvrir qu’il s’est engagé au-delà de ses forces.
Quoi qu’il trouve, il se demande s’il est enfin affranchi des épreuves, s’il est libéré de la roue des choses, s’il a rejoint le sein de Dieu, s’il est sauvé enfin. Il se le demande, et demain lui répond qu’il faut recommencer.
En fait, je suis bien obligé de constater que tous les témoignages concordent pour souligner ces deux exigences de la condition humaine: besoin de sécurité et d’ordre, besoin aussi de liberté et de dépassement.
Disons, pour parler un langage direct, qu’aujourd’hui comme hier, nous sommes pris entre la peur et l’ennui.
Peur de l’avenir et de ses exigences
Ennui d’une routine sans attrait et sans but.
Ce qui est surprenant, c’est que nous pensons volontiers, nous, les hommes du vingtième siècle, que nous nous trouvons devant des problèmes nouveaux. Nous avons tendance à croire que ce qui nous arrive, arrive à l’homme pour la première fois. Et qu’il nous faut improviser des solutions.
Nous cherchons les clés de la cité future, mais peut-être les cherchons-nous sans conviction !
Peut-être les cherchons-nous alors que nous les possédons.
Je me suis demandé en tout cas si l’expérience des hommes du passé était aussi dérisoire que ce que nous avions tendance à le croire SOUS l’effet de l’orgueil progressiste d’une société en mal de justification.
J’ai voulu examiner, du moins dans la mesure de mes informations, les solutions qui avaient été apportées aux problèmes de l’être et de sa destinée.
Entre le mirage d’une révélation, dont les enseignements seraient entièrement ou partiellement perdus, et le mythe d’une vérité dont les approches sont toujours plus difficiles, j’ai voulu parcourir des cheminements moins incertains. J’ai cherché à dessiner les constantes qui apparaissaient en filigrane de l’histoire.
Que s’est-il passé en Europe, par exemple, à partir du moment où la dissolution de l’Empire Romain a coïncidé avec l’avènement d’une religion nouvelle.
Et pourquoi, par exemple, la haute morale stoïcienne n’a pas réussi à maintenir l’ ordre de l’empire.
Deux faits sont à mes yeux significatifs.
L’accroissement considérable d’éléments non assimilés, et sans doute non assimilables. Nourris d’une autre culture et d’une autre tradition.
La découverte aussi d’espaces illimités, qui mettaient en question la primauté de Rome, son caractère de centre de l ‘univers.
Avec l’Empire Romain décadent, nous avons le tableau de la décomposition, typique d’une société traditionnelle. C’est à la fois la dispersion des valeurs, et la dispersion des pouvoirs.
Jusqu’à nos jours, je crois, nous n’avons vécu en Europe qu’en fonction de cet événement, et je ne sais pas en quelle mesure, nous ne continuons pas à vivre selon le mythe de l’unité romaine.
Ce qui me parait clair, c’est que l’on peut faire l’histoire de l’Europe dans la perspective suivante: une succession de tentatives avortées pour reconstituer l’unité perdue, traverser des crises provoquées par la double dynamique du temps et de l’espace, d’une part, par l’avènement d’un pouvoir, le pouvoir technique; enfin, par le sentiment dominant malgré tout, les esprits, d’une réalité cosmique où les rythmes saisonniers, les variations climatiques et les mystères du renouveau, de la maladie et de la mort, ont pesé sur l’homme.
La crise romaine est à mes yeux exemplaire, dans la mesure où l’on assiste à trois tentatives successives de résolution, selon les données traditionnelles, et aux trois plans de l’initiation dite des pouvoirs.
La première réponse à la rupture de l’unité traditionnelle fut le christianisme.
Pourquoi le christianisme, et non pas la religion de Mithra ? Certainement parce que la volonté d’exotérisme de Paul, et surtout de Pierre répondit à un besoin. La transformation des mœurs, des modes d’exploitation des conditions d’échange posaient le problème de l’Esclave.
Il fut exploité. La prédication et le prosélytisme suivirent.
La reconstitution de l ‘unité traditionnelle, c’est à dire sous le principe unique, dans le cadre de l’ecclésia devenait nécessaire.
Enfin, le caractère semi-clandestin, et pour ainsi dire, anti-élitaire d’une doctrine qui pouvait toucher le grand nombre, sans troubler les autorités.
Lorsque le christianisme fut assez répandu pour pouvoir s’affirmer comme une communauté structurée, cohérente et spirituellement assurée, l’ordre traditionnel de l’Empire cédait. Non sans retour, certes, comme la tentative de Julien en témoigne, mais, dans l’ensemble, comme si l’ordre traditionnel avait trouvé les voies de la réincarnation, ou du moins du renouveau.
Esclaves et barbares devenaient dignes de partager le festin des dieux. Plus simplement, ils étaient intégrés.
De plus, la conception christique affirmant l’alliance du ciel et de l’homme apportait aux esprits l’espoir et la possibilité d’un ordre humain, quoique dans l’au delà.
Le christianisme répondait aux difficultés du moment: l’existence de l’autre – l’étranger – l’esclave, le barbare – l’espace et l’exigence de centrer l’univers (problème résolu par l’individualisme du salut, et l’universalisme du christianisme) enfin le problème de l’ordre temporel, dans !a mesure où le spirituel investit et légitime le temporel. Un nouvel équilibre s’esquissait.
Mais la société occidentale eut à faire face à !’irruption dans son univers clos de forces nouvelles,
les rythmes solaires, les variations climatiques sont sans doute à l’origine des renouvellements collectifs.
La chrétienté, cherchant à élaborer un nouvel ordre traditionnel, capable de rassembler dans une même unité principale les trois pouvoirs, celui qui vient de l’esprit, celui qui vient du cœur, et celui qui vient du savoir, autrement dit, le pouvoir spirituel qui justifie, le pouvoir temporel qui ordonne, le pouvoir technique qui pourvoit, la chrétienté se trouvait à nouveau face à des éléments difficilement réductibles: d’autres hommes, d’autres espaces, d’autres sollicitations cosmiques.
Les invasions normandes, le commerce avec l’orient, l’existence d’un autre univers clos, élaboré à partir de principes plus épurés, en marge d’un sacerdoce mais selon des sources communes: l’Islam.
Il a sans doute manqué en ces temps une source initiatique assez puissante, assez géniale pour trouver une voie nouvelle. Nous avons encore de nos jours le sentiment que quelque chose aurait pu se passer qui ne s’est pas passé alors. Les ordres monastiques essayèrent sans doute d’élaborer un ordre nouveau. Leur dernier échec fut celui des Templiers.
L’ordre spirituel se rompait sous l’effet de l’utilisation des techniques de l’énergie animale, des sciences arabes après avoir subi les coups des invasions normandes et musulmanes.
Ce qui est tragique, c’est que l’Église fut incapable de se défendre par la foi, mais qu’elle choisit le glaive. Les Normands détournés vers l’Angleterre et la Sicile, les Musulmans contenus ou refoulés, la caste sacerdotale dut céder de plus en plus à la Caste militaire, le Chevalier prenait le pas sur le clerc, le Roi sur le Pape.
Les Croisades furent une crise de conscience. Elles débouchèrent sur l’ordre temporel, le pouvoir royal, le nationalisme. St Louis partant aux croisades est un anachronisme.
C’est à cette époque que l’on perçoit mieux l’existence du troisième pouvoir, le pouvoir technique. Les métiers commencent de compter. Paris a pour devise, celle des nautoniers. Les bouchers sont puissants. Etienne Marcel un moment, joue un rôle, à partir de Philippe le Bel, et voilà pourquoi l’ordre du Temple a un rôle symbolique dans l’histoire, à partir de Philippe le Bel se développe une entreprise de rassemblement sous l’autorité du pouvoir royal.
Deux facteurs sont mis en jeu: l’un spirituel, l’autre hérité des pratiques romaines: l’un le sentiment d’allégeance à la foi, qui devait se muer en sentiment national, l’autre l’organisation administrative et législative.
Les luttes entre le religieux et le politique furent longues Pendant longtemps le religieux conserva une sorte de prééminence sur le temporel, bras séculier. Onction des princes, chevalerie, université.
Mais l’échec des Templiers marquait la brisure du monde. L’union au plus haut niveau, celui de la spiritualité et de la connaissance devenait impossible.
Philippe le Bel comprend nettement la situation, en roi. Il brise les Templiers, et se dresse contre la papauté, se servant de l’une contre les autres.
La conquête du pouvoir, la mission unificatrice délibérée ou empirique de la caste militaire et chevaleresque n’aurait pas connu un si rapide succès sans la crise spirituelle causée par la découverte de l’Amérique, les techniques de navigations et de diffusions.
On a voulu dire que la Réforme était un événement capital. Je crois plutôt qu’il est symbolique. St Thomas ne croyait pas à l’Immaculée conception.
Mais que chaque nation ait son roi et sa foi, voilà qui marquait l’échec définitif de l’unité religieuse du monde chrétien. Après l’échec rencontré devant l’existence du monde musulman.
A partir de ce moment là, l’université, l’administration échappent peu à peu à la clergie
Pendant trois siècles, de 1600 à 1900, les guerres dites religieuses n’ont vraiment de signification que sur le plan du pouvoir politique.
On assistait à une mutation considérable: l’ordre fondé sur l’intercession du Christ, sur la possibilité du salut, sur la fraternité en Dieu devenait un ordre où l’autorité était le Droit, où le sentiment national justifiait l’unité, où le civisme devenait la voie de la liberté.
La Révolution française ne fut pas une révolution, mais un accomplissement. Elle consacrait le fait, le pouvoir fondé sur la légitimité et le consentement n’avait plus à chercher ses sources en Dieu, mais dans le peuple. Renversement, si l’on veut, mais aussi continuité.
Le consentement populaire est d’ordre tout aussi mystique que l’onction divine, c’est certain, mais ce n’est pas en lui que parait la nouveauté. Sous le roi, comme sous l’empereur, l’administration assure la légalité, l’université prépare à l’administration, et le droit et la loi sont la sauvegarde du citoyen.
Les nations, puis les états ont réalisé une unité certes fractionnelle, mais qui tend par le patriotisme à reconstituer l’unité première.
L’individualisme, puis l’humanisme, ou sur un autre plan le collectivisme seront des réponses à une situation inconfortable. Seule, un temps, la franc-maçonnerie essaiera de réduire la tendance à la dispersion. L’Europe des lumières fut un espoir. Et un échec.
L’alliance du spirituel et du temporel n’est possible que sur le plan des principes. Dans le fait, les libéraux sont les jouets des autocrates. Despotisme éclaire, sans doute, mais despotisme. Les états nouveaux libérés du colonialisme nous donnent l’image de ce fut cette période.
En fait, nous assistons, sous prétexte de démocratisation à l’élaboration d’un ordre administratif, à un exercice du pouvoir étatique, morcelé, agressif, ayant à compter avec les passions populaires et jouant à les soulever ou à les apaiser.
Si la religion usurpait le pouvoir spirituel, l’ordre politique utilisait les valeurs sentimentales. Mais il n’y a pas plus d’unité pour le pur esprit que pour le cœur livré à lui-même.
Les valeurs suprêmes n’étaient plus Dieu, ni même le Dieu homme, mais l’homme, et bientôt le surhomme.
Regardez le vingtième siècle et demandez si le pouvoir n’y fut pas symbolisé par l’Homme, fatal ou providentiel selon les lieux et l’humeur, mais l’homme élevé au-dessus des autres. Faute d’une spiritualité assez haute, l’humanité se dispersait et s’avilissait.
Au nom de la Foi, de l’Espérance et de la Charité, on avait brûlé, opprimé, pressuré.
Au nom de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité, on allait conquérir, exploiter, convertir.
L’apparition des métiers s’était déjà manifestée. Transports, échanges, fabriques imposaient leurs exigences. Le règne de l’argent comme signe du pouvoir commençait. La royauté de tradition méprisait l’argent. Mais le pouvoir politique eut bientôt à compter avec lui. Et n’a pas fini de faire ses comptes.
Un troisième pouvoir, aussi dégénéré de l’unité première que les deux autres, et aussi incapable sans doute de rassembler les hommes, de reconstituer l’unité spirituelle et affective de l’humanité entrait en jeu.
Ce qu’il en sera de cette nouvelle entreprise de rassemblement, tout aussi empirique dans ses aspirations, que formelle dans ses prétentions, je n’en sais rien.
Ce que je constate c’est qu’elle triomphe, sous l’aspect d’une certitude abstraite et mécanique au moment où sans doute en relation avec ses effets, l’humanité traverse une crise notable.
Crise de la conscience religieuse face à la découverte, au niveau de l’opinion, de l’unité du monde animal des théories de l’évolution et de l’impossibilité de maintenir l’image de l’homme au centre de l’univers, face aux inégalités et aux injustices réelles ou imaginaires, mais inconciliables avec l’image d’une divinité universelle telle que la conçoivent les occidentaux.
Crise de conscience civique, crise de l’ordre et de la communauté, face à la découverte de la volonté de puissance des entreprises, de la colonisation des États par les banques, face à la vanité des distinctions entre les peuples, entre les nations, entre les races, quand il s’agit de les exploiter politiquement.
Crise de la conscience morale, devant l’incapacité de concevoir un ordre sensé, une valeur justificatrice un espoir légitimant la conduite et orientant la vie.
Certes, les hommes qui représentent l’ordre nouveau répondent:ce qui justifie notre confiance en l’avenir c’est la méthode scientifique, son ascèse, et l’efficacité de nos actes. Nous sommes sur les voies qui conduisent à la connaissance. Ces voies passent par l’organisation de la vie, par la primauté de l’économique sur le politique, par la nécessité pour réaliser l’unité souhaitée de soumettre notre comportement aux exigences de l’ordre mécanique.
S’agit-il de salut ? Non, mais de jouissance.
S’agit-il de liberté et de responsabilité ? Non, mais de confort. Et quant à la solidarité, elle n’est plus qu’un ordre de fait. Organisation, efficacité, collectivité.
Certes, il y a dans l’analyse que je présente bien des considérations rapides, bien des interprétations sans doute contestables. Pourtant, j’ai le sentiment d’avoir mis l’accent sur une évolution assez caractéristique de la communauté sociale.
Elle est assurée par des contraintes, elle se perpétue par des rites et des institutions, elle se dépasse par le caractère des valeurs qu’elle reconnaît mais elle se ferme lentement sur soi, jusqu’au moment où des éléments étrangers à son horizon, à ses normes, à ses certitudes, viennent tout remettre en question.
J’aurai pu rapporter ce que les ethnologues disent des sociétés fermées, dont les rites et l’initiation assurent la cohérence, et qui se trouvent bouleversées par l’irruption des enquêteurs, qui ne résistent pas en tout cas à un quelconque envahisseur , mais j’ai le sentiment que nous mettons trop complaisamment des distances entre ces sociétés restreintes et les nôtres.
Je crois, en- fait, que toute société à vocation à se fermer sur elle-même. L’idéal totalitaire qui de nos jours comme toujours se manifeste, le goût des solutions immédiates et tranchées, la soif de certitude et d’ordre, le refus des responsabilités personnelles, autant d’éléments d’une disposition constante et qui peut se retrouver partout.
Pourtant on peut schématiser l’économie des grandes orientations de la manière suivante: Société religieuse, organisation ecclésiale, salut. Société nationale, État, Liberté individuelle. Société administrative, organisation économique, bonheur.
Mais, ce qui est sensible, d’après ce que nous savons de l’histoire des hommes, c’est que, en dépit des désordres, et des incohérences, ils n’ont jamais cessé de rêver à une société ordonnée, où chacun à sa place trouverait à la fois le sens de sa fonction et les voies de son accomplissement.
Et il est non moins vrai que rares sont les époques où les hommes n’ont pas eu le sentiment d’un échec, d’une impuissance radicale, et d’une exigence de dépassement.
Faudra-t-il considérer l’étape actuelle comme la dernière ?
L’humanité arrive-t-elle au bout de sa course comme le prétendent certains sociologues, dressant les courbes asymptotes des menaces, accumulation d’énergie, de population, d’engins mécaniques ?
Il est indiscutable que la complexité des communautés, l’insuffisance des responsables – et c’est là sans doute que les fortes marques de l’initiation primitive font défaut – la masse même des forces en jeu – ne permettent pas d’autres expériences que celles que nous connaissons dans notre société européenne.
Cela ne veut pas dire que dans d’autres continents des solutions ne seront pas trouvées.
Cela signifie cependant clairement que nous sommes dans l’alternative suivante: ou notre société va disparaître parce qu’elle a atteint le degré de formulation le plus avancé, ou bien, l’éternel renouveau des manifestations de la vie va apporter de nouvelles espérances.
Or, je me refuse à croire que l’ordre de demain se fera sans moi, je veux dire, sans le consentement, sans l’accord, sans l’espérance des hommes. Je me refuse d’accepter de marcher solitaire, vers l’inconnu que l’on me prépare.
Certes, cette situation est terriblement banale. Mais je voudrais comprendre. Sommes-nous des objets que l’on manipule ? Utilise ? Et, qui décide en l’absence de Dieu?
Comment puis-je avoir foi dans une connaissance toujours partielle et fragmentaire, si je suis isolé, compté, recensé, sans qu’une part soit laissée à ma liberté?
Quelle communion est possible hors de la liberté?
Est-ce que l’on peut avoir encore un espoir de faire son salut , quelle que soit d’ailleurs la signification que l’on donne à cette démarche intérieure?
Le monde marche, c’est vrai, il marche selon deux rythmes évidents: le premier celui d’un élargissement continu des relations perçues, le second selon la dispersion des efforts et des pensées !
Où chercher, comment chercher l’unité organique dont nous sentons le besoin ?
Le Dieu homme, l’homme Dieu dont l’intercession fut l’espérance de beaucoup, quel est son visage aujourd’hui aux dimensions de l’espace, devant les lois de la matière et les mystères de la Vie ?
L’absolu, nous le cherchons au-delà de l’objet, à travers la décomposition de la matière. Mais ne nous fuit-il pas aujourd’hui comme hier ?
Dans notre quête, que nous reste-t-il sinon le sentiment de la communauté, celui de l’espoir et la foi dans l’action et l’amour des hommes pour affronter l’inconnu ?
René Huyghe, recevant Roger Caillois, à l’Académie française lui confirmait qu’il avait comme lui perçu « l’incontestable et troublante unité qui englobe les créations de l’Homme et celle de la Nature ».
Nous sommes aujourd’hui, à l’évidence, devant une impasse. « Le risque s’accroît sans cesse que chaque ouvrier ne finisse par creuser son secteur en taupe aveugle et obstiné » dirai-je, en citant cette fois Roger Caillois.
Mais cette inefficacité du travail et de la recherche est doublement dangereuse, d’abord parce qu’elle ruine l’espoir, et encore plus peut-être parce qu’elle plonge les peuples dans les convulsions de l’histoire.
Or, au-delà de l’histoire, au-dessus de toutes les théories de toutes les doctrines, l’homme a toujours perçu la voie de la délivrance.
Je citerai à nouveau Huyghe:
« Pourquoi l’humanité, armée de l’esprit, n’atteindrait-elle pas à cette unité organique que vous n’avez pas cessé de percevoir jusque dans la matière aveugle ? «
dit-il à Roger Caillois.
Disons autrement, pourquoi l’humanité ne retrouverait-elle pas le chemin de la communion essentielle, qui fit sa force première.
Je suis convaincu, pour ma part, qu’en dépit des erreurs tragiques et de l’incompréhension, les efforts désespérés de tous les hommes de bonne volonté visent à reconstituer, sur des bases élargies, à un niveau plus haut de conscience et d’amour, par des voies inexplorées encore sans doute, mais sûres, un ordre traditionnel, c’est à dire où l’homme prenne sa place, entre le ciel et la terre, et où il lui soit possible d’accéder à la plénitude de son être.
L’avènement d’une société au sens communautaire, et l’élaboration d’un statut de l’homme, la mise en place d’un support spirituel qui permette à chacun de trouver le sens de sa propre existence, voilà notre tâche précise.
Valéry disait : « La plus haute intelligence est et ne peut être que dans les relations saisies entre les choses dont nous échappe la loi de continuité!’
Ces relations, entre l’homme et l’univers, entre l’homme et son semblable, entre l’homme et lui-même, il importe que nous les redécouvrions, et nous y parviendrons. C’est la certitude de l’Éternel renouveau.
Il se peut que le renouveau de l’ordre humain doive passer par l’épreuve actuelle, et par les voies de l’organisation formelle. L’unité s’y trouve réalisée sur un ordre inspiré suggéré par la diffusion systématique des idées et des informations convenables, par la puissance des moyens de contrainte mis en œuvre, par la systématisation et la mécanisation de l’administration.
Mais, comment sauver la qualité de la vie, c’est à dire la conscience que nous avons de notre place, de notre rôle, de la noblesse du sacrifice et de la grandeur de l’homme ?
Le pouvoir politique fondait son autorité sur la légitimité, sur le droit, et sur la Loi.
Le pouvoir technique assurera le sien sur la compétence ,la nécessité et l’efficacité. Mais l’humanité est trop vieille pour être réduite sans un cataclysme à l’unité formelle et organisée.
Les ordres religieux, et les pouvoirs politiques n’abandonneront pas leurs exigences
Le sacerdoce cherche à justifier son intervention par l’ordre rituel et le sens de la justice.
Mais, qui croit de nos jours que le salut et la justice soient entre les mains des seuls religieux ? Sinon précisément ceux qui conçoivent l’avenir, comme lié aux perfections d’un appareil – technico-politique -? Le communisme, c’est le socialisme plus l’électricité disait Lénine. Mais, le salut, la paix intérieure, comment y parvient-on ? N’y a-t-il d’autre moyen que la drogue ?
Les Pouvoirs politiques justifient leur autorité par le consentement populaire. C’est gribouille. Car il n’y a pratiquement plus aucune décision qui ne soit imposée de l’extérieur, en fonction d’impératifs techniques. La machine est en marche, on l’appelle le progrès. Mais ce n’est pas vrai qu’elle le soit car elle se détruit elle-même. Elle est seulement une force dévoratrice à laquelle l’humanité est sur le point de sacrifier son âme, parce qu’elle se justifie en fonction d’un ordre futur, que personne ne conçoit clairement.
J’ai toutefois la conviction profonde qu’au dessus des tentatives empiriques, des expédients pragmatiques, des tâtonnements de la politique, il existe un art royal qui enseigne l’ordre des rapports entre les hommes, entre les hommes et les choses, entre les hommes et l’univers.
Cette conviction, est-elle une sorte de foi ? C’est possible. Ce qui est sûr, c’est qu’elle ne m’interdit nullement de chercher au-delà d’elle-même, et dans la mesure où elle éclaire l’expérience de ma vie, je ne peux que la tenir pour un facteur lumineux.
J’ai compris qu’il y avait au centre de tout la conscience éclairante, et le jugement.
J’ai appris, par une douloureuse épreuve, qui nous est commune à tous, que l’on ne se trouvait, que l’on ne se retrouvait vraiment qu’au-delà du sacrifice et que la rose généreuse ne fleurissait que dans les cœurs écartelés.
Ce qui m’est apparu à la réflexion, et à la suite d’un certain nombre de tentatives pour trouver la foi qui me manquait, c’est que finalement il n’y avait que deux exigences à maintenir pour vivre en homme: le respect des lois de la cité, et le jugement libre.
Le respect des lois répondant aux exigences de la nécessité. L’intelligence des situations répondant elles aux impératifs de la liberté.
Obéir, et acquérir la maîtrise de soi dans le jugement et dans l’action.
C’est ce que les enseignements initiatiques ne cessent de répéter. Mais c’est ce que chacun de nous doit redécouvrir pour son compte.
Pourquoi les sociétés initiatiques ?
Parce qu’elles jouissent de ce curieux privilège dans nos sociétés sur – conditionnées, d’être devenues des sociétés purement symboliques.
Si la société initiatique est au commencement de la vie communautaire, elle y est l’effet d’une dure contrainte, la manifestation d’un impératif de survie.
Tandis que dans nos sociétés, elles ne représentent plus que l’aspect symbolique de ces mêmes exigences.
La société initiatique, détachée de ses charges immédiates devient un lieu de réflexion, une chambre d’analyse, un temple où les hommes peuvent juger avec recul et sans passion ces mêmes nécessités que la vie quotidienne leur impose, ces mêmes fonctions que l’exercice leur dissimule.
Si la liberté passe par le jugement et non par l’engagement alors j’ai vraiment compris le rôle des sociétés initiatiques contemporaines. Qu’est-ce à dire ?
Et bien, simplement ceci, perdu entre le ciel et la terre, avançant vers l’horizon inconnu ouvert devant lui, ignorant le sens de la marche et le rôle qui lui prescrit, l’homme ne peut se fortifier sans le secours d’une sagesse et d’une expérience éprouvées.
J’ai découvert, dans l’expérience traditionnelle une vertu qui venait des sources même de la vie, et qui convenait, en cet âge qui est le mien, et dans le cadre de notre vie, aux exigences fondamentales de l’être.
L’homme ne peut se libérer vraiment que s’il a successivement répondu à l’appel de sa nature propre dans la communauté à laquelle il appartient, et aux exigences du milieu physique qui le définissent.
Tant de tentatives successives d’apporter une réponse aux besoins des hommes et aux interrogations du monde sont restées vaines ! Mais pourquoi ? C’est que rien n’est définitif, et que toute réponse qui se veut la dernière est une réponse dérisoire.
Je me suis dit que si les hommes d’aujourd’hui semblent avoir perdu le sens de leur vie, c’est peut-être que nul ne songe plus qu’il implique une direction reconnue, une perspective annoncée, et une recherche continue.
Nul ne peut dire, ici s’arrête la quête des hommes, et c’est cela le véritable sens du net progrès. Mais bien sûr, il ne s’agit pas d’exclure de notre quête les conditions mêmes de notre liberté.
La fonction de sociétés initiatiques m’apparaît donc clairement de ce point de vue.
Ne serait-elle pas précisément, et d’ailleurs à toutes les époques sans doute, dans toutes les civilisations et sous tous les climats, de communiquer, de génération en génération le sentiment fondamental d’une continuité dans l’être, et d’une exigence incoercible de dépassement.
Dans le cadre universel d’une cohérence élaborée, d’une harmonie supposée, voulue, et construite, de la possibilité d’une connaissance, respectueuse de l’unité, de la communion profonde de tout ce qui est et doit être.
Certes, cette reconnaissance de l’interdépendance de toute chose marque les limites de notre science, de notre puissance, et même de notre bonheur. Mais quoi ? Que nous a-t-on promis ?
C’est sans doute pour ne pas vouloir admettre ces limites que nous nous précipitons dans les expériences , les plus orgueilleusement folles.
Pourrons-nous retrouver l’âge d’or ?
L’âge d’or, c’est sans doute celui de l’enfance innocente, inconsciente en somme. C’est celui de la société communiant dans un même élan, coordonnée par les rites et les mythes reconnus.
Mais l’âge d’or, les hommes l’ont-ils jamais vécu ? Je crois bien qu’ils en ont seulement rêvé.
Il n’y a pas de paradis sur terre, pas plus que de vérité achevé. Le but est toujours plus loin.
Oui, les hommes ont souffert de mesurer la fragilité de l’ordre humain. ils ont souffert de la relative impuissance de leurs efforts.
Ils ont cherché, les meilleurs d’entre eux ont cherché , je veux dire, ceux qui ont été placés dans les conditions où la recherche était non seulement nécessaire mais possible. Les autres ont suivi. Pourquoi pas ?
Ce dont je suis sûr cependant, c’est que l’exigence symbolique de dépassement dont la société maçonnique est la plus fervente mise en œuvre, qu’on appelle, cette exigence, progrès ou recherche, ou liberté, ou salut, c’est la loi de l’homme. Et c’est pourquoi je suis reconnaissant à l’Ordre auquel j’appartiens de me l’avoir enseignée.
Jean MOURGUES
LA LEGENDE D’HIRAM 17 octobre, 2008
Posté par hiram3330 dans : Chaine d'union,Recherches & Reflexions , 1 commentaireLA LEGENDE D’HIRAM
Chaque mois de juillet, le « Tour de France » ressuscite la grande fête du vélo. Il peut être vu comme un carnaval moderne où un univers, centré sur le profit, laisse une place à l’expression mouvante et rituelle des rêves populaires. Mais le « Tour de France » exprime un rapport capital avec le temps, le changement et l’avenir.
Dans ce moment de la vie, une nouvelle classe d’âge succède à la précédente. Le temps détrône l’ancien monde et couronne le nouveau.
Naissance et mort y sont intimement liées. L’épreuve est une fête, un temps joyeux, qui interdit à l’ancien temps de se perpétuer et qui engendre le temps nouveau. Dans cette alternance temporelle qui donne vie et mort, la naissance et la mort ne sont pas coupées l’une de l’autre. Les deux pôles du devenir sont englobés dans leur unité contradictoire. Chaque étape est un nouveau commencement qui est porteur d’une virtualité future.
Les champions qui dominent la course cherchent à acquérir une « maîtrise » de la vie, une forme de perfection humaine où l’imitation des aînés joue un grand rôle. Cette recherche de la perfection pourrait se définir par trois maximes : « L’apprentissage, long et difficile, doit être méthodique », « Les chefs-d’œuvre sont marqués par le temps », « La mort vient toujours à son heure ». Mais, dans le « Tour de France », on parle de la mort en faisant la fête. Dans les cris de la foule, de nouveaux champions, pleins de force et d’espoir, viennent pour perpétuer la tradition.
Le maillot jaune est un symbole qui fait entrer son détenteur dans la catégorie des hommes-dieux qui meurent. Comme dans le cycle du « Rameau d’Or » décrit par James Frazer, « Il faut tuer l’homme-dieu, dès qu’apparaissent les signes de son déclin et transmettre son âme à un successeur vigoureux ».
Ainsi, de maillot jaune en maillot jaune, la course cycliste du « Tour de France » forme une longue chaîne de meurtres rituels. Héros solaire, le vainqueur conquiert la « Toison d’Or » après une longue lutte et par un acte de rupture : la mise à mort rituelle et symbolique de son prédécesseur, exécutée au nom de la pérennité des valeurs. Cette mise à mort est réalisée dans un moment de fête, d’une grande sacralité. L’ordre du monde se restaure et le nouvel élu symbolise l’éternelle jeunesse du monde nouveau.
Je vous ai parlé du « Tour de France » car il n’est pas sans analogie avec le Compagnonnage. Mais j’aurais pu vous entretenir tout aussi bien du « Mundial », des « Jeux Olympiques » ou de la « Corrida ».
Parce que j’ai la certitude que la démarche maçonnique ne consiste pas à « s’envoler » ou à « se réfugier » dans les « nuages théologiques » des rituels et des symboles. Et que j’ai l’intime, mais absolue, conviction qu’elle doit, au contraire, enraciner tout ce qui constitue sa substance, dans les traditions populaires, mythologiques et religieuses, afin d’y chercher tout ce qui peut y révéler le sens de la destinée de l’homme et la signification de l’aventure humaine.
Les origines de la légende
L’étude des origines d’une institution a pour préliminaire la distinction entre la légende et la vérité historique, entre les récits abondants et variés issus de l’imagination populaire et les données authentiques, dont on peut déduire, à défaut d’une certitude, une conjecture raisonnable. Cette distinction, entre la fable et la réalité, s’impose particulièrement en ce qui concerne la légende d’Hiram, dont les origines sont à la fois obscures et méconnues. Si l’on ajoute foi à des contes dont l’antiquité n’est pas douteuse, le problème sera vite résolu.
Il suffira d’interroger un maître, de préférence un ancien, un de ceux qui ont conservé intacte la foi des anciens âges et d’écouter… Il dira les origines bibliques de la légende, les étapes de la construction du Temple de Salomon, les péripéties de la vie d’Hiram et son assassinat final par trois mauvais compagnons. Il citera des noms, des faits, des dates. Aucune question ne l’embarrassera, car la relation traditionnelle, dont il sera l’interprète, est des plus précises. Inutile d’ajouter que ses dires, dont la sincérité sera absolue, ne seront appuyés par aucune preuve, qu’il resteront peu vraisemblables et que le travail de l’historien, loin d’être terminé après cette audition, commencera seulement avec elle.
Martin Saint-Léon, dans son livre sur le Compagnonnage, paru en 1901, expose les légendes que possèdent les fédérations qui administrent les trois Rites du Compagnonnage : « Les Compagnons du Devoir et de Liberté », « Les Enfants de Maître Jacques », « Les Enfants du Père Soubise ». Chacun des trois Ritespossède sa légende propre et prétend se rattacher à l’un de ces trois fondateurs : Salomon, Maître Jacques, Soubise. Et chaque légende possède elle-même des variantes, voire des versions différentes.
Selon Perdiguier, dans son livre sur le Compagnonnage, Maître Jacques aurait étél’un des premiers maîtres-artisans de Salomon et compagnon d’Hiram. Il travailla à la construction du Temple de Salomon et fut nommé Maître des Tailleurs de Pierre, des Maçons et des Menuisiers.
Le Temple achevé, il quitta la Judée, en compagnie d’un autre Maître, Soubise, avec lequel il se brouilla. Soubise débarqua à Bordeaux et Maître Jacques à Marseille, avec ses disciples. C’est alors qu’il dut se défendre contre ceux de Soubise qui décidèrent un jour de jeter Maître Jacques dans un marais, afin de le faire disparaître.
La fin de l’histoire de Maître Jacques semble calquée sur le récit de la passion du Christ. Alors qu’il était en prière, l’un de ses disciples vint lui donner un baiser de paix. C’était le signal convenu pour cinq assassins qui le tuèrent de cinq coups de poignard.
Sa dépouille mortelle fut rituellement ensevelie par ses Compagnons près de Saint Maximin et le traître eut la même fin que Judas.
Soubise fut accusé d’avoir été l’instigateur de ce meurtre, ce qui fut longtemps la cause de la désunion entre les Compagnons des deux Rites. Mais cette accusation fut finalement estimée injuste et un autre récit raconte que Soubise versa des larmes amères sur la tombe de son ancien ami et qu’il flétrit son assassinat
Mais une autre version de la légende, veut, qu’au lieu d’avoir été un artisan contemporain de Salomon, Maître Jacques ait été tout simplement le même personnage que Jacques de Molay, dernier Grand Maître des Templiers, brûlé sur ordre de Philippe le Bel. Jacques de Molay a très bien pu, dans le cadre des nombreuses constructions édifiées par les templiers, initiés et grands constructeurs, donner une règle aux ouvriers Maçons, Tailleurs de Pierre et Charpentiers qui travaillaient pour « Le Temple » et constituer des sociétés de Compagnons. Cette version, à première vue moins invraisemblable que la précédente, ne repose toutefois sur aucun fondement historique.
Car si l’existence d’une filiation entre les Templiers et les confréries ouvrières, d’où est issu le Compagnonnage, n’est pas impossible, force est de considérer que, même probable, elle demeure purement conjecturale.
La légende de Soubise est implicitement contenue dans la précédente.
Soubise, architecte du Temple de Salomon, comme Maître Jacques, ami de celui-ci, serait devenu l’instigateur de son assassinat. Le fait est toutefois contesté.
Mais d’après un autre récit, Soubise aurait été un moine bénédictin qui aurait vécu à la fin du XIIIème siècle. C’est sous le costume des moines bénédictins, qu’il est généralement représenté dans les Cayennes. Soubise aurait participé, avec Jacques de Molay, à la construction de la cathédrale d’Orléans. Le Compagnonnage aurait été fondé à cette époque et Soubise aurait survécu quelques années au grand Maître des Templiers. Cette version, qui n’est pas impossible, reste également purement conjecturale.
Les Compagnons du « Devoir et de Liberté », Enfants de Salomon, prétendent eux,que leur fondateur est le roi Salomon lui-même. Et ils se réfèrent à une légende qui a pour point de départ un passage de La Bible (Premier Livre des Rois, Chapitre 5, paragraphes 13 à 18 – 26 à 31 – dans l’édition de La Pléiade) :
« Salomon leva une corvée dans tout Israël et la corvée comprenait 30.000 hommes. Il les envoya au Liban, 10.000 par mois, par relèves.
Adoniram était préposé à la corvée. Salomon avait aussi 70.000 porteurs et90.000 carriers dans la montagne, sans compter les officiers nommés par les préfets et qui étaient préposés au travail, soit 3.300 qui avaient autorité sur les gens qui exécutaient le travail. Le roi ordonna d’extraire de grandes pierres, des pierres de prix, pour poser, en pierres de taille, les fondations de la Maison.
Puis les maçons ainsi que les Giblites, taillèrent et préparèrent les bois et les pierres pour bâtir la Maison… Le roi Salomon envoya quérir Hiram de Tyr. C’était le fils d’une veuve de la tribu de Nephtali, mais son père était un Tyrien, artisan en airain. Il était rempli de sagesse, d’intelligence, de science, pour faire toute œuvre en airain. Il vint donc chez le roi Salomon et fit ses ouvrages (Premier Livre des Rois, Chapitre 7, paragraphes 13 à 15).
Rien, dans ce texte, ne permet de conclure à l’existence d’une association telle que le Compagnonnage au temps de Salomon… Mais la légende continue le récit biblique. Suivant la version d’Agricol Perdiguier, dans son livre sur le compagnonnage, les travaux étaient exécutés sous la direction d’un maître habile, nommé Hiram. Hiram travaillait le bronze et il était rempli de sagesse, d’intelligence et de science. Pour payer les ouvriers, en éliminant les intrus et les oisifs qui se mêlaient à eux, Hiram donna à chacun des ouvriers un nouveau mot de passe pour se faire reconnaître. Ainsi, chacun était payé selon son mérite et recevait, le moment venu, les assignations et les mots de passe qui lui permettaient de se faire reconnaître. Le Compagnonnage de Liberté était fondé.
Une seconde légende se superpose à la première. Trois compagnons, Holem ou Hoben, Sterkin ou Skelem, et Hoterfut, furieux de s’être vus refuser la maîtrise, décidèrent de contraindre Hiram à leur donner le « Mot » de maître ou de l’assassiner. C’est cette version qui constitue la trame du rituel que nous venons de vivre ensemble.
La signification de la légende
A quelque mythologie qu’elle se rattache, la légende peut être belle en elle-même. Elle peut même satisfaire l’esprit pendant des années, sans qu’il y décèle l’ouverture d’un chemin vers la philosophie. Puis un jour, mûr pour cette expérience, il perçoit d’instinct l’appel qui incite au mouvement. Double invitation au voyage. Mais invitation patiente et renouvelée dans le silence, car chacun partira s’il le veut et quand il le voudra… Pilate tue l’Esprit, mais au lieu de le mettre en croix, il met une croix dessus. Et c’est toujours la même opération, toujours à refaire. Mais on n’a pas assez de croix. Le Christ est mort, Pilate est né. Et tout irait parfaitement bien, comme Pilate l’entend, si l’on pouvait être sûr d’avoir tué l’Esprit.
Mais les esprits reviennent, comme on dit.
C’est pourquoi il faut avoir le courage de regarder jusqu’au fond du tombeau pour savoir qu’il est bien vide et que c’est ailleurs qu’il faut le chercher. Le suprême malheur, pour le sanctuaire, serait de devenir le tombeau scellé, devant lequel on monte la garde. Et on ne le ferait que parce qu’il y aurait là un cadavre. C’est pourquoi le suprême courage est de proclamer que le tombeau, tous les tombeaux, sont vides : celui de Persée, immortalisé dans les étoiles, celui du Christ, au matin de Pâques, celui d’Hiram, qui revit en chacun de nous.
Alors, comment aborder la légende d’Hiram, avec un regard résolument tourné vers le futur ? Peut-être en se demandant pourquoi il est impossible d’éviter de réfléchir son propre portrait dans le miroir qu’est par définition une légende. Car il n’existe aucun maçon sérieux qui n’ait trouvé dans ce récit autre chose que sa propre image. Voilà qui place la légende au cœur du véritable étonnement philosophique, au chapitre des miroirs… Et l’on peut se demander si la question du miroir n’est pas précisément la question fondamentale de l’initiation. Car le piège dans lequel la légende prend tout maçon, est qu’elle ne nous permet pas d’échapper à l’auto-portrait, du moins après avoir tenté de jeter un regard vers le miroir qui nous regarde. Car en fait, la véritable question est bien de savoir comment sont montés une légende, un mythe, un temple ou un rituel, en forme de miroirs. Et l’on essayera donc d’observer comment le miroir est construit, en tant que lieu spéculaire des métamorphoses de notre propre moi symbolique. Ainsi la légende d’Hiram engendre-t-elle ses propres lecteurs, car il n’y a pas plus de lecteur universel d’une légende ou d’un mythe qu’il n’y a
d’auditeur universel de la cinquième symphonie.
La légende d’Hiram, c’est donc d’abord un recours à soi-même, où chacun est invité à trouver sa propre vérité. Et c’est sans doute bien là que se trouve le sens alchimique de la légende, si l’on veut bien voir dans l’alchimie la tentative de chaque individu pour découvrir sa propre vérité, son propre secret, pour trouver la connaissance suprême réservée à chaque itinéraire humain. Car qu’est- ce donc que l’Initiation, sinon la traversée des épreuves, à travers lesquelles l’être humain met à nu, lentement, cette étincelle qui est en lui et qui, une fois révélée, éclaire l’univers et lui donne un sens. Il ne me semble donc pas que je ne vous parlerai que partiellement de la légende, car le pire serait de croire que la quête s’achève, que l’Initiation se termine et que l’on pourrait y mettre le point final d’une dissertation.
Ce sont des mots prononcés au hasard, qui m’ont peu à peu tout révélé. Les sonnets de Gérard de Nerval éveillèrent tout d’abord mon attention, puis mon intérêt. Et l’auteur de ces vers avait effectué un « Voyage en Orient » dont je compris qu’il ne serait pas sans intérêt de lire le récit qu’il en avait rapporté. Et c’est ainsi que je découvris « l’histoire de la Reine du Matin et de Soliman, Prince des génies ». Au fil des douze chapitres, d’« Adoniram », le premier, à « Macbenah », le dernier, la égende m’apparaissait plus symbolique. Les trois mauvais compagnons symbolisaient l’ignorance, l’hypocrisie et le fanatisme. La recherche et la découverte du corps d’Hiram exaltaient les trois vertus opposées, mais aussi la liberté et la fidélité, l’une portant l’autre, et qui sont les vertus de l’esprit. La fidélité est la lumière de l’esprit. Dès qu’on change ses idées d’après l’événement, l’intelligence n’est plus qu’une fille.
Et je retrouvais la légende au portail Nord de la cathédrale de Chartres, où figurent David ainsi que Salomon et la Reine de Saba.
Voici que de symbole, la légende devenait histoire… Salomon, constructeur, il y a trois mille ans, du « premier temple », détruit en l’an 600 avant notre ère par Nabuchodonodor II. Tout près, se trouve Zorobabel, architecte du « second temple », embelli par Hérode et détruit par les romains, en l’an 66 de notre ère. Eséchiel, l’inventeur du « troisième temple », a disparu du portail à la Révolution, mais Saint Jean-Baptiste présente « au passant » l’emblème de « la Cité qui n’a besoin ni du soleil, ni de la lune pour l’éclairer, car l’agneau est son flambeau ». Ainsi, n’y avait-il pas qu’un seul temple… Et peut-être pourrait-il s’agir ici de celui dont il est écrit : « Détruisez ce temple et je le rebâtirai en trois jours »…
La légende d’Hiram pose en fait la vraie question : crucifixion, résurrection, mort et renaissance, là est le vrai problème… La mort à soi-même que prônent les morales, les philosophies, les religions et la franc-maçonnerie elle-même, qui n’est pas une religion, ne peut être considérée comme l’écrasement devant l’autre ou encore comme la soumission à un sur-moi légaliste et culpabilisant. La signification en est toute autre… Mourir à soi-même, c’est perdre le narcissisme primitif qui rend l’homme inapte à toute vraie vie, à tout échange profond avec autrui. C’est passer du stade objet, soumis à des interdits et à des tabous, au stade sujet, autonome, responsable, capable de s’aimer profondément et d’aimer profondément l’autre.
C’est là sans doute le véritable sens de la résurrection ou de la re- naissance qui font de nous des êtres libres.
« Ici, tout est symbole », cette affirmation, répétée au cours de la cérémonie d’initiation est chargée de sens, parce qu’elle annonce la valeur de la démarche et la méthode de travail : la recherche du sens, au delà de l’apparence. Après son apprentissage et son compagnonnage, le franc-maçon médite sur la passion d’Hiram. Et il apprend alors que les maîtres disposent pour se reconnaître d’un mot substitué à la « parole » qui a été perdue. La « parole » est perdue pour ceux qui croient avoir tout vu, tout dit et qui disent « qu’il n’y a rien à voir… ». La parole est effectivement perdue lorsqu’on n’est plus à même de produire une pensée nouvelle à propos des symboles. Car le symbole est le langage du sens et il peut nous permettre d’accéder à la signification. Ainsi la « parole perdue » est-elle toujours à retrouver et sa quête exige une remise en question permanente de toutes nos certitudes antérieures.
Muni du mot substitué, le Maître Maçon explore les paysages proposés par les rites. Mais le voyage initiatique ne peut être accompli par celui qui se contente du mot substitué. La Maîtrise véritable exige l’essentiel. Encore faut-il garder un esprit critique et conserver un certain humour, afin de ne pas devenir un dévot béat qui attend une « révélation » de la part de ses maîtres.
Ainsi, au départ, dès le commencement de la quête, il faut savoir que la « parole » ne pourra se dire. Elle sera montrée, sortie d’une boite, sous l’égide de la Rose, sous forme d’initiales, qui resteront le symbole du « mot » et non le « mot » lui-même, enfin retrouvé… Connaître, ce n’est point démontrer ni participer. Et c’est un rude apprentissage. C’est pourquoi on cherche toujours « des hommes de bonne volonté ». Et voici l’évangile nouveau : « La Paix se fera, si les hommes la font. La Justice sera, si les hommes la font. Nul destin, ni favorable, ni contraire, n’est écrit. Les choses ne veulent rien du tout. Nul dieu dans les nuages… Mais le héros seul sur sa petite planète, seul avec les dieux de son cœur, Foi, Espérance, Charité. »… C’est pourquoi il faut avoir le courage de proclamer que le tombeau est vide et que l’acacia refleurira .
La suite de la légende
Jules Boucher donne, en complément de son livre sur « la symbolique maçonnique », la belle légende maçonnique, kabbalistique et profondément ésotérique « des trois Mages qui ont visité la grande voûte et qui ont découvert le centre de l’idée » (page 355).
« Longtemps après la mort d’Hiram et de Salomon, après que les armées de Nabuchodonosor eurent détruit le royaume de Juda, rasé la ville de Jérusalem et détruit le Temple, trois voyageurs arrivèrent au pas lent de leurs chameaux. C’étaient des Mages, des initiés de Babylone, qui venaient en pèlerinage et en exploration sur les ruines de l’ancien sanctuaire.
Après un repas frugal, en parcourant l’enceinte ravagée, ils découvrirent une excavation. C’était un puits, situé à l’angle sud- est du Temple. Le plus âgé des Mages, qui semblait être le chef, se couch à plat ventre sur le bord et regarda dans l’intérieur du puits. Un objet brillant frappa ses yeux et il appela ses compagnons.
Il y avait là un objet digne d’attention, sans doute un bijou sacré.
Ce bijou était un Delta d’une palme de côté, fait du plus pur métal, sur lequel Hiram avait gravé le nom ineffable et qu’il portait sur lui, le revers uni exposé aux regards.
Le Mage, descendu au fond du puits, ramassa le bijou, constata avec émotion qu’il portait le nom ineffable. Il regarda autour de lui et distingua dans la muraille une ouverture fermée par une porte d bronze. En remontant, il dit à ses compagnons ce qu’il avait vu et leur parla de la porte de bronze. Ils pensèrent qu’il devait y avoir là un mystère et résolurent de partir ensemble à sa découverte.
Chacun des Mages, tenant une torche, se laissa glisser jusqu’au fond du puits. Puis, sous la conduite de leur chef, ils s’enfoncèrent tous les trois dans le couloir menant à la porte de bronze… »
Il y a une définition du secret maçonnique qui prétend que : « dire quelque chose à quelqu’un, c’est l’appauvrir, parce que c’est l’empêcher de le découvrir seul ». Je vous laisserai donc partir seuls à la recherche de cette légende en vous souhaitant d’avoir un jour le bonheur de la vivre vous-mêmes en maçonnerie.
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20. Juin 6005
L’ÉGLISE & la FRANC-MACONNERIE 28 septembre, 2008
Posté par hiram3330 dans : Chaine d'union,Recherches & Reflexions , 1 commentaireL’ÉGLISE & la FRANC-MAÇONNERIE
Durant les années 1960-1980 les autorités catholiques ont cherché à approcher des milieux maçonniques. La question que l’on pouvait se poser concernant cette approche peut maintenant recevoir sa réponse. Il s’agissait pour les autorités religieuses catholiques de formuler une opinion objective sur les incompatibilités entre Église et Franc-maçonnerie. Ces incompatibilités pouvaient avoir cessé d’imposer une rigueur ou une hostilité justifiant l’excommunication des francs-maçons. Ou l’attitude maçonnique pouvait avoir changée au point de réduire le nombre de ces incompatibilités. Voire, les avoir réduites à néant.
De toute façon, il fallait étayer le jugement le plus modéré et le plus éclaire pour se prononcer . La passion, dans les relations entre Eglise catholique et Franc-maçonnerie ayant obscurci les approches réciproques.
L’on pouvait admettre que l’hostilité était de circonstance. Ou encore due à une incompréhension, en raison de la singularité ou de l’originalité de la démarche maçonnique.
On pouvait supposer que le temps adoucissant les passions permettrait aux hommes de s’approcher, de s’estimer et de se comprendre.
On pouvait admettre que la puissance ayant condamné (l’Église ayant excommunié les francs-maçons dès l’origine de l’institution) avait des raisons de faire cesser une hostilité que ne justifiaient plus les attaques dont elle était l’objet.
On pouvait également se demander si les catholiques pouvaient entrer sans se renoncer dans l’Ordre maçonnique. Et également, si des francs-maçons pouvaient demeurer catholiques.
Toutes ces attitudes paraissent, sans commentaire, étrangères à la façon dont le problème se trouve posé en définitive.
Les conclusions tirées par les autorités catholiques, du moins jusqu’à ce jour sont formelles: il est exclu que l’on puisse appartenir en même temps à l’Église catholique et à la franc-maçonnerie.
Et cela, même si l’institution maçonnique à laquelle on désire appartenir n’est pas hostile à l’Église, et cela, même si l’institution maçonnique n’interdit nullement à un catholique de faire partie de l’une ou de l’autre de ses loges, fut-elle favorable à l’Église catholique.
L’Église catholique affirme l’incompatibilité radicale entre l’appartenance conjointe aux deux institutions, et la qualité de catholique.
Il est encore certain que l’institution maçonnique, admet, elle, la compatibilité entre les deux allégeances.
Ce qui apparaît d’évidence, c’est que l’attitude des autorités catholiques est fondée sur la croyance aux enseignements de l’Eglise, et l’attitude maçonnique, sur la libre détermination des consciences.
La Franc-maçonnerie est la seule institution, semble-t-il, qui ait réussi à proposer un rapprochement entre les hommes sans considération de croyances, de race, ni de profession. Cette prétention est symbolique, c’est à dire qu’elle n’est jamais qu’un idéal.
Cette prétention est liée à une méthodologie: la sélection des membres, la pratique d’une discipline corporelle et rituelle dont le formalisme et la diversité permettent la libération spirituelle.
Et d’une espérance: que les individus ainsi soumis à une épreuve consciemment assumée soient assez détachés de leurs intérêts matériels, de leurs passions, ou de leurs croyances pour se conduire avec leurs égaux de façon fraternelle, et avec les humains en général de façon généreuse.
L’engagement maçonnique implique deux attitudes: la considération des êtres sans tenir compte, positivement ou négativement, de leur conditionnement social, culturel ou héréditaire. Le respect d’une solidarité librement assumée entre les êtres qui se vouent librement à cette exigence.
Le franc-maçon sait parfaitement que les êtres sont liés par leur passé, par leur milieu, par leurs obligations sociales contractuelles ou formelles, par leurs passions ou leurs recherches à une condition apparente qui les condamne à l’isolement individuel ou collectif.
Les humains sont d’autre part la proie des incertitudes, des inquiétudes qui les poussent à chercher des conditions d’équilibre qu’ils nomment salut ou liberté selon les milieux, ou encore, se vouent à des causes qui les justifient à leurs yeux ou à ceux du monde.
L’institution maçonnique entreprend d’indiquer à ces êtres la voie d’une relative sérénité. Et sans doute le catholique trouve une réponse dans sa soumission à la volonté de Dieu.
- Mais le franc-maçon pour autant peut chercher sa réponse en lui-même, sans que l’affection qu’il voue à son frère croyant en soit altérée.
Or, précisément, c’est cette relativisation de la croyance que le Catholicisme condamne. Il ne souffre aucune complaisance à l’égard de la notion de vérité.
Et il est vrai que pour le franc-maçon, toutes les religions sont respectables, et tout autant qu’elles apportent aux humains une voie de paix intérieure et de générosité, une solution et une promesse suffisante à leur attente, il n’a aucune objection à faire. Son opposition commence lorsqu’au nom du salut on opprime et écrase les êtres sans ménager leur souffrance et sans respecter leur liberté intérieure.
La relativité de toute vérité constitue la base de la franc-maçonnerie. Voilà ce qu’affirme le document, et, au fond, ce que reconnaissent bien volontiers les francs-maçons.
Ils disent, ces constructeurs de la cité terrestre que la solidarité n’est pas une affaire de croyance, mais de reconnaissance mutuelle. Ils disent que la volonté de construire pour l’homme une cité terrestre n’est pas sacrilège, même si certains pensent que la seule durable est la cite céleste. Ils constatent que les croyances sont diverses, et que la diversité de ces croyances n’est pas un élément sur lequel se fonde l’ordre vivant, mais au contraire, que l’ordre humain s’autorise de la diversité des croyances pour justifier les conflits.
Dans la mesure où les conflits sont permanents entre les hommes, ils témoignent que les croyances ne sont que des prétextes pour justifier les oppositions.
Qu’il importe moins de justifier les oppositions que de concevoir une voie d’accès à la compréhension de notre condition, et à l a maîtrise des passions qui nous emportent hors de nous-mêmes.
Le franc-maçon a conscience de la nécessité d’une ascèse intérieure qui conduise l’individu de la dépendance originale et subie, à la collaboration consentie et lucide.
Le franc-maçon entend assumer sa vocation d’être libre, même si cette liberté est relative, même si elle est fonctionnelle même si elle est difficile, parce que la conscience qu’il a de lui-même lui confère un sentiment de dignité auquel il est attaché.
Il n’est pas en lui de renoncer à cet appel vers la lucidité et vers la disponibilité de soi. Si le catholique veut affirmer que cette aspiration à se dépasser est l’effet de la nature divine en l’homme, libre à lui catholique de le dire. Mais en quoi peut-il s’opposer à ce que les individus qui aspirent à cette reconnaissance d’eux-mêmes se considèrent comme frères ? -
Ce que les catholiques croient, c’est que l’homme est en marche vers Dieu. C’est que l’humanité est ouverte sur le royaume de l’au-delà.
On peut discuter sur la valeur transcendante des concepts. On peut être indiffèrent à la figuration imagée et symbolique pour adopter la signification formelle. Il n’en demeure pas moins que rien n’interdit à des humains de considérer la « diversité des créatures » (Kipling) et de tenir leur qualité humaine pour dénominateur commun de leur démarche terrestre. L’Église catholique affirme devoir s’identifier à l’humanité, et sans doute y aspire-t-elle. Reste à savoir si elle réduira cette humanité au plus petit commun diviseur ou au plus grand commun multiple.
Les catholiques ont une façon définitive de juger des hommes d’après la façon dont ils croient en Dieu.
Il ne vient pas à l’idée des catholiques que leur interprétation du divin a pu varier aux cours des siècles, ni que les formules les plus précises dans le domaine de la transcendance ou de l’immanence ne sont que des façons de dissimuler l’ignorance où sont les hommes de leur destin passé et futur en tant que porteurs d’esprits.
Il y a en particulier un procès fait à l’invocation du Grand Architecte de l’Univers qui révèle, tant chez les catholiques que chez certains francs-maçons, une attitude déiste antithétique. Le Grand Architecte, comme symbole, signifie seulement qu’il y a un ordre dans l’apparence de ce monde. Que cet ordre soit l’esprit humain qui se reconnaît dans l’Univers, ou une volonté, le franc-maçon n’en a cure, il n’exprime aucune opinion sur les conceptions métaphysiques, persuadé qu’il n’y a dans ce domaine aucune possibilité de trancher par la preuve et par la raison.
Mais, pour ce qui est de la révélation, telle que les catholiques la conçoivent, on pourrait curieusement se demander si le procès n’est pas délibérément truqué.
Qu’est-ce que la Révélation ? Si c’est Dieu qui parle dans un livre on peut se demander si tout ce qui est dit et écrit n’est pas aussi un témoignage.
Si la révélation c’est la prise de conscience méthodique ou non de la réalité des choses, si c’est la conquête progressive d’une vérité qui se fait en nous par la manifestation de l’être, alors, on peut se dire que c’est une affaire d’interprétation.
Mais, est-ce suffisant pour refuser la qualité de frère à un homme qui ne conçoit pas la relation de l’homme avec l’inconnu de façon conforme à celle que nous retenons pour notre propre usage ? C’est ce que je me refuse à croire.
Il est vrai que ce qui choque le plus les catholiques chez les francs-maçons, c’est la notion de tolérance.
Il faut admettre toutes les idées disent les francs-maçons et se montrer prudent quant aux hommes en raison de l’usage qu’ils peuvent en faire. C’est évidemment une forme de relativisme.
Mais, de quel droit décider des bonnes idées et des mauvaises sinon par un à priori révélateur d’une volonté de puissance.
L’Eglise catholique entend assumer l’ordre spirituel par l’information et l’autorité. Mais répugne à admettre les mises en questions systématiques, et là-dessus, la démarche du franc-maçon est rigoureusement différente.
Il conseille la recherche prudente, discrète, secrète même mais librement conduite, et assurée en fonction de l’expérience probatoire.
Dans le fond, l’Eglise assure un ordre social ancré sur le sacré et le franc-maçon un ordre humain, fondé sur l’intelligence et la fraternité,
La question des sacrements et celle des rites est intéressante dans la mesure où elle permet de faire la distinction du sacré et du formel.
Lorsque le prêtre confère un sacrement, il établit une participation du divin dans l’ordre de l’humain. On peut discuter de la façon dont cette participation est efficace, ou effective, on ne peut nier que le prêtre serve d’intercesseur, même si le sujet du sacrement aspire à la participation au divin.
Dans le rite, le problème est purement physiologique et rationnel. Le rite est une forme qui s’impose à une autre forme, le corps. Le rite est un signifiant, qui s’offre à l’intelligence. Le rite conjugue la pédagogie active et le besoin de comprendre ce qui est figuré. Il est éminemment efficace dans la limite de l’organique et du spirituel, mais ne concerne pas le divin , l’effet de la grâce, ou l’intervention divine étant l’affaire de considérations personnelles. En pratique, les rituels sont composés pour orienter les actes et les pensées vers des considérations fructueuses, mais non ordonnés en fonction d’une détermination extérieure à celui qui y participe. Les rites sont des figurations animées, des tableaux suggestifs, non des envoûtements ou des sacrements. Il est vrai que ces rites évoquent certaines attitudes et des considérations morales. Mais ce sont des propositions, ce sont des évocations, ce sont des prescriptions, et non des contraintes. Le perfectionnement moral, lié aux pratiques visant à la maîtrise du corps et à la réflexion, c’est à dire à la maîtrise de l’esprit, définit l’idéal maçonnique.
Il ne se justifie pas par une participation au divin, mais par une prise en considération de l’humain.
Il y a toutefois, dans l’homme une dimension particulière, qui confine au mystère (le domaine de l’intuition, les conduites irrationnelles et les déterminations affectives). C’est pourquoi, les enseignements maçonniques ne se limitent pas à la mesure et à la règle. Ils ouvrent les voies de l’esprit sur l’infini.
Est-ce que parce que le franc-maçon ne relie pas les vertus morales aux enseignements divins sa moralité est méprisable, ou inconsistante ? Il y a longtemps que l’on a reconnu que l’on peut être saint sans Dieu, du moins est-ce une perspective qui s’offre clairement à qui considère les actes humains.
Le rapport entre Dieu et la Vertu est un faux rapport dans la mesure où les enseignements divins peuvent être réduits à la tradition sociale et aux nécessités communautaires. Voire, aux besoins organiques et affectifs.
L’homme est-il perfectible et comment ? Qu’est-ce d’ailleurs pour l’homme que la perfection ?
Affaire d’opinion, affaire de croyance, révélation ?
Il y a une réponse facile à donner, et les catholiques y répugnent. En réalité, l’acte est toujours mystérieux dans ses suites, mais toujours clair dans sa nécessité immédiate. Fais ce que dois, advienne que pourra.
La réponse du franc-maçon, contrairement à ce que croit l’Église de l’engagement maçonnique, n’est pas telle ou telle démarche, telle ou telle fidélité, telle ou telle servitude. La réponse du franc-maçon est la libre disposition de soi.
L ‘adhésion totale que réclame, d’après les catholiques l’Ordre des francs-maçons à ses membres est, comme toutes choses dans le temple le symbole de la condition humaine.
Le maçon n’adhère pas à l’Ordre en tant qu’instrument d’une idéologie, ou d’une action temporelle, il adhère à l’Ordre en tant que vecteur d’une conquête de soi et d’une liberté intérieure pour chacun et par chacun de ses membres.
Faute de certitude le maçon en adopte une: être ce que l’on est, c’est à dire accepter d’être
pleinement ce que l’on découvre en soi de puissance, et d’amour, de force et de beauté, de grâce et de candeur
Le maçon n’est engagé qu’à une chose, accéder à l’autonomie, parvenir à la pleine disponibilité de soi. Et s’il n’est pas possible d’y parvenir sans s’affranchir du conditionnement maçonnique parce que l’institution et les hommes qui la composent sont une entrave à cette liberté, il faut accepter de s’en affranchir. .
En réalité, l’homme libre est au-dessus des conditionnements temporels, et l’on n’a plus rien à rejeter quand on est parvenu à la conquête de soi-même.
Mais, ce que l’Eglise catholique appelle une « exigence de totalité » n’est en fait qu’une exigence de « viduité ».
Le franc-maçon ne concède à aucune croyance le droit de le déterminer au-delà de sa libre volonté.
Le maçon n’accepte ni de se soumettre à la peur, ni de se compromettre par faiblesse, ni de se résigner par prudence. Il est certainement très exceptionnel de devenir vraiment maçon. D’où les compromis et les indulgences dont personne ne peut se passer en ce monde, sauf les saints, qui, même dans leur Église, ne sont pas toujours bienvenus.
Faut-il souligner que la prétention est étrangère au Saint ? Comme elle l’est au franc-maçon ? Je veux dire que s’il est des Saints ou des Francs-maçons, ce n’est pas eux qui le savent.
Les rapports entre les francs-maçons et les Eglises chrétiennes semblent plus aisés qu’entre eux et l’Église catholique. Mais, en somme, il s’agit toujours pour les Eglises de considérer la franc-maçonnerie comme une Église rivale avec laquelle composent les Eglises évangélistes, avec laquelle l’Église catholique ne compose pas.
En réalité, les discussions sur les rites, et sur les croyances, sur les secrets ou sur les engagements ne sont que des prétextes à définir des contradictions dont la responsabilité n’appartient nullement aux francs-maçons.
Cela pour une raison bien claire: ce ne sont pas les francs-maçons qui ont commencé à condamner les esprits libres. En ce sens, on peut bien dire, comme le font les chrétiens, que la liberté de conscience est diabolique, qu’elle est l’arme du diable.
Mais, en réalité, la liberté d’esprit ne condamne que ceux qui font de la croyance et d’une croyance définie le lien social, le ciment de la communauté, l’instrument de l’Ordre politique.
Ce qu’il faut comprendre en profondeur c’est que l’Église, qui se fonde sur une croyance, ou qui s’ordonne autour d’une mythologie, ou d’ailleurs qui s’appuie sur des prétentions à la Vérité scientifique ou autre, n’est ni plus ni moins qu’une manifestation de la société, en tant que corps constitué, et administré.
La vie s’élabore autour d’un appareil que justifie un certain nombre de croyances et de contraintes, et non de volontés libres.
En somme, il y a deux façons de considérer l’Ordre social: ou bien il est établi, et établi autour d’une conception universelle de la relation de l’homme avec le cosmos, au nom duquel les individus sont maintenus dans la norme, et tenus au respect des rites et des croyances. Ou bien l’ordre social est contractuel, et consenti par l’adhésion libre et déterminée d’hommes libres.
Dans le premier cas on a une société de fait qui s’élève au-dessus du fait pour justifier sa cohérence, sa durée, et son avenir.
Dans le second cas on a une société de droit, qui s’affirme par le consentement et la volonté de vie communautaire.
Il est vrai que les sociétés naturelles sont des sociétés de fait, que les croyances composant l’opinion commune justifient. Il est évident que la société maçonnique est une société volontaire et n’a nullement besoin de s’ordonner autour d’une conception unitaire de la relation entre l’homme et le cosmos.
On voit l’incompatibilité entre les deux. Seulement, la première forme de société connaît des ruptures, comme la seconde est éprouvée par les faiblesses humaines. D’où leur complémentarité nécessaire.
Il est clairement affirmé dans les milieux catholiques qu’il y a incompatibilité entre l’appartenance a l’Eglise et l’engagement dans l’ordre des francs-maçons.
L’excommunication sera sans doute atténuée, où la rigueur était de règle. Mais il n’est pas certain que tous les clergés soient indulgents à l’égard des maçons.
En fait, il est établi qu’il y a une universalité sélective que refuse l’église. Parce qu’elle est l’expression de la totalité, tant sociale que cosmique (voire divine).
Ceci étant, les francs-maçons recevront tout homme libre et de bonnes moeurs qui postulera sa reconnaissance par ses semblables sans condition de croyance, de race, ni de profession.
Nous constatons la multiplicité des croyances, la multiplicité des Eglises dans le monde. La diversité des créatures. Peut-on penser que la fraternité sera reconnue au-delà des singularités nationales et religieuses ? C’est en tout cas ce que symboliquement essaie de démontrer la franc-maçonnerie.
Les déviations possibles sont toujours redoutables. Il importe en effet que les Loges de francs-maçons soient ouvertes à ceux qui postulent, et que ses membres soient connus de chacun d’entre eux. Il importe que la solidarité entre maçon ne s’établisse que sur la volonté commune de se libérer des passions et de renoncer aux pouvoirs temporels pour l’Ordre.
Il est souhaitable que l’engagement maçonnique apparaisse comme une religion sans contrainte que la libre volonté de ses membres, en dehors de toute formulation dogmatique et de toute détermination doctrinale.
Et, en définitive, si la communauté volontaire, si la communauté d’hommes libres que constituent l’Ordre peut apporter à chacun de ses membres le secours nécessaire à sa libération, elle aura assumé sa vocation.
Pour cela, elle aura employé les exercices gestuels, les méditations et les démarches spirituelles, ouvert les esprits à la connaissance des autres et du monde, et présenté l’universalisme comme la reconnaissance de la diversité. Telle la lumière composée des couleurs du prisme, la franc-maçonnerie compose l’humanité de la diversité de ses adhérents.
Puissent les Eglises lui permettrent de sauver la liberté de l’extérieur. Puissent les francs-maçons accepter de vivre leur liberté dans la discrétion et l’humilité.
Puisse la sagesse de tous, laisser à chacun la voie qui lui permettra de connaître la pleine disposition de soi selon son âme et conscience.
CONCLUSION
Il y avait deux façons pour le clergé de connaître la franc-maçonnerie.
La première c’était de permettre à un certain nombre d’ecclésiastiques de faire une expérience loyale à l’intérieur de l’Ordre maçonnique. Il faut croire que cela n’a pas été jugé possible.
Est-ce les francs-maçons qui auraient refusé l’expérience ? J’en doute fort, personnellement. Du moins, on peut croire que certaines loges se seraient fait un devoir et un mérite de démontrer que le sectarisme n’est pas le fait de la maçonnerie.
La deuxième, c’était d’essayer de connaître la franc-maçonnerie de l’extérieur. Ce pouvait être une approche honnête. Ce ne devait jamais être une méthode satisfaisante parce que la franc-maçonnerie est une aventure spirituelle et affective, et comme toute aventure de cette nature, elle ne peut qu’être vécue.
Quoi qu’il en soit, les pratiques des peuples Chinois ou Hindous prouvent que l’on peut fonder un ordre social sans Dieu.
La nature même des sociétés cosmopolites modernes impose de dépasser la manichéisme sectaire, tant religieux que partisan.
Il est noble pour certains hommes d’imaginer que leur reconnaissance mutuelle passe au-dessus des conditionnements sociaux raciaux et politiques.
Il est vrai que cette noblesse implique des risques assumés, ceux de paraître à toute communauté assurée par sa croyance, ou son action, comme des dissidents ou des traîtres.
La discrétion de l’engagement maçonnique est sans doute une nécessité en Occident. L’est-elle en Orient ? Peut-être ! Mais de toute façon, l’engagement n’implique nulle action temporelle mais seulement une libération des membres de l’ordre tant sur le plan moral que sur le plan spirituel.
Ceux qui n’ont aucune disposition à vivre hypocritement au sein d’une religion, et parmi les membres d’une église dont ils ne peuvent accepter les croyances et les habitudes doivent pouvoir trouver une société qui les relève de leurs solitudes et de leur situation d’hérétiques, ou de traîtres.
De toutes façons les églises ont échoué à maintenir leur emprise sur la totalité des humains. Il est donc inévitable qu’une société se forme de tous ceux qui font passer la liberté de conscience avant la croyance, et la fraternité de l’homme avant la soumission à une doctrine ou à une ambition temporelle.
Au-delà des opinions, des croyances, des fidélités affectives, au-delà des conditionnements culturels et politiques, la franc-maçonnerie constitue la fraternité des hommes libres dont les certitudes ne l’emportent pas sur le respect humain.
Jean Mourgues
TRADITION HERMÉTIQUE ET FRANC-MAÇONNERIE 6 septembre, 2008
Posté par hiram3330 dans : Chaine d'union,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaireTRADITION HERMÉTIQUE ET FRANC-MAÇONNERIE | |
Dans l’ancien manuscrit maçonnique Cooke (circa 1400) de la Bibliothèque Britannique, l’on peut lire aux paragraphes 281-326 que toute la sagesse antédiluvienne était écrite sur deux grandes colonnes. Après le déluge de Noé, l’une d’elles fut découverte par Pythagore et l’autre par Hermès le Philosophe, qui se consacrèrent à enseigner les textes qui y étaient gravés. Le manuscrit concorde parfaitement avec ce dont témoigne une légende égyptienne, déjà rapportée par Manéthon, et que le Cooke lui-même rattache aussi à Hermès.
Il est évident que ces colonnes, ou ces obélisques, assimilées aux piliers J. et B., sont celles qui soutiennent le temple maçonnique tout en permettant d’y accéder, et qu’elles constituent les deux grands affluents sapientiels qui nourriront l’Ordre : l’hermétisme qui assurera la protection du dieu à travers la Philosophie, c’est-à-dire la Connaissance, et le pythagorisme qui donnera les éléments arithmétiques et géométriques nécessaires, réclamés par le symbolisme constructif ; il faut considérer que ces deux courants sont, directement ou indirectement, d’origine égyptienne. Notons également que ces deux colonnes sont les jambes de la Loge Mère, entre lesquelles naît le Néophyte, c’est-à-dire par la sagesse d’Hermès, le grand Initiateur, et par Pythagore, l’instructeur gnostique.
En fait, dans la plus ancienne Constitution Maçonnique éditée, celle de Roberts, publiée en Angleterre en 1722 (et donc antérieure à celle d’Anderson), mais qui n’est que la codification d’anciens us et coutumes opératifs qui viennent du Moyen Âge, et qui seront développés par la suite dans la Maçonnerie spéculative, il est spécifiquement fait mention d’Hermès, dans la partie intitulée « Histoire des Francs-maçons ». En effet, il apparaît là dans la généalogie maçonnique sous ce nom, ainsi que sous celui de Grand Hermarines, fils de Sem et petit-fils de Noé, qui trouva après le déluge les colonnes de pierre déjà citées où se trouvait inscrite la sagesse antédiluvienne (atlantique) et lut (déchiffra) sur l’une d’elles ce qu’il enseignerait plus tard aux hommes. L’autre pilier fut, comme nous l’avons dit, interprété par Pythagore en tant que père de l’Arithmétique et de la Géométrie, éléments essentiels dans la structure de la loge, et par conséquent ces deux personnages constituent l’alma mater de l’Ordre, en particulier dans son aspect opératif, lié aux Arts Libéraux.
Dans le manuscrit Grand Lodge nº1 (1583), seule subsiste la colonne d’Hermès, retrouvée par « le Grand Hermarines » (qui est fait descendant de Sem) « qui fut plus tard appelé Hermès, le père de la sagesse ». Notons que Pythagore ne figure plus en tant qu’interprète de l’autre colonne. Dans le manuscrit Dumfries nº 4 (1710) il apparaît également, comme « le grand Hermorian », « qui fut appelé ‘le père de la sagesse’ », mais dans ce cas, l’on a rectifié son origine d’après le texte biblique qui le fait descendre de Cham et non de Sem, par l’intermédiaire de Cusch ; comme le dit J,-F. Var dans
C’est également ce que met en avant le manuscrit qui a été nommé Regius, découvert par Haliwell au Musée Britannique en 1840 et que reproduit J. G. Findel dans l’Histoire Générale de la Franc-Maçonnerie (1861), dans son ample première partie qui traite des origines jusqu’en 1717, bien que ce n’y soit pas Pythagore l’herméneute qui, avec Hermès, déchiffre les mystères dont hériteront les maçons, sinon Euclide, qui est fait fils d’Abraham ; à ce sujet, rappelons que le théorème du triangle rectangle de Pythagore fut énoncé dans la quarante-septième proposition d’Euclide.
Findel lui-même, se référant à la quantité d’éléments gnostiques et opératifs qui constituent la Maçonnerie, et s’occupant concrètement des carriers allemands, affirme : « Si la conformité qui résulte entre l’organisme social, les usages et les enseignements de la Franc-Maçonnerie et ceux des compagnies de maçons du Moyen Âge indique déjà l’existence de relations historiques entres ces diverses institutions, les résultats des investigations menées dans les arcanes de l’histoire et le concours d’une multitude de circonstances irrécusables établissent de façon positive que la Société des Francs-maçons descend, directement et immédiatement, de ces compagnies de maçons du Moyen Âge. » Et il ajoute : « L’histoire de la Franc-Maçonnerie et de la Société des Maçons est ainsi intimement liée à celle des corporations de maçons et à l’histoire de l’art de construire au Moyen Âge ; il est donc indispensable de jeter un bref coup d’œil à cette histoire pour arriver à celle qui nous occupe. »
Ce qui est intéressant dans ces références venues d’Allemagne, c’est que son Histoire Générale est considérée comme la première histoire (au sens moderne du terme) de la Maçonnerie, et dès le commencement l’auteur établit que : « L’histoire de la Franc-Maçonnerie, de même que l’histoire du monde, est fondée sur la tradition ».1 Il apparaît donc comme évident que les Anciens Us et Coutumes, les symboles et les rites et les secrets du métier, se sont transmis sans solution de continuité depuis des temps reculés et, bien sûr, dans les corporations médiévales, et le passage d’opératif à spéculatif n’a été que l’adaptation de vérités transcendantales à de nouvelles circonstances cycliques, en observant que le terme opératif ne se réfère pas seulement au travail physique ou de construction, de projection ou de programmation matériel et professionnel des travaux, mais aussi à la possibilité donnée à la Maçonnerie d’opérer la Connaissance chez l’initié, au moyen des outils que donne la Science Sacrée, ses symboles et ses rites. C’est précisément là ce qu’offre la Maçonnerie en tant qu’Organisation Initiatique, et se trouve confirmé par la continuité du passage traditionnel qui permet que l’on puisse trouver également dans la Maçonnerie spéculative, de manière réflexe, la vertu opérative et la communication avec la Loge Céleste, c’est-à-dire la réception de ses effluves qui sont les garants de toute véritable initiation, à plus forte raison lorsque les enseignements émanent du dieu Hermès et du sage Pythagore.2 De toutes façons, aussi bien l’une que l’autre sont des branches d’un tronc commun qui prend les Old Charges (Les Anciens Devoirs) comme modèle ; de ces derniers, ont été trouvés de très nombreux fragments et manuscrits sous forme de rouleaux, depuis le XIVe siècle, dans diverses bibliothèques.3
Quant à Hermès, non mentionné dans les constitutions d’Anderson, en particulier l’Hermès Trismégiste grec (le Thot égyptien), c’est une figure aussi familière à la Maçonnerie des plus divers rites et obédiences qu’elle pourrait l’être pour les alchimistes, forgerons de l’immense littérature placée sous leur égide. Non seulement l’Hermétisme est le thème d’abondantes planches et livres maçonniques, et d’innombrables loges s’appellent Hermès, sinon qu’il existe des rites et des grades qui portent son nom. Il y a ainsi un Rite appelé Les Disciples d’Hermès ; un autre le Rite Hermétique de la loge Mère Écossaise d’Avignon (qui n’est pas celle de Dom Pernety), Philosophe d’Hermès est le titre d’un Grade dont le catéchisme se trouve dans les archives de la « loge des amis réunis de Saint Louis », Hermès Trismégiste est un autre grade archaïque que nous rapporte Ragon, Chevalier Hermétique est un niveau hiérarchique contenu dans un manuscrit attribué au frère Peuvret dans lequel l’on parle aussi d’un autre appelé Trésor Hermétique, qui correspond au grade 148 de la nomenclature dite de l’Université, où il en existe d’autres comme Philosophe Apprenti Hermétique, Interprète Hermétique, Grand Chancelier Hermétique, Grand Théosophe Hermétique (correspondant au grade 140), Le Grand Hermès, etc. Dans le Rite de Memphis également, le grade 40 de la série Philosophique s’appelle Sublime Philosophe Hermétique, et le grade 77 (9ème série) du Chapitre Métropolitain est nommé Maçon Hermétique.
Dans l’actualité, les revues et dictionnaires maçonniques ne manquent pas non plus de références directes à la Philosophie Hermétique et au Corpus Hermeticum,4 auquel celle-ci se trouve liée, mais se retrouvent également des analogies avec la terminologie alchimique ; en voici un seul exemple, extrait du Dictionnaire de la Franc-Maçonnerie de D. Ligou (p. 571) : « Nous citerons une interprétation hermétique de quelques termes utilisés dans le vocabulaire maçonnique : Soufre (Vénérable), Mercure (1er Surveillant), Sel (2ème Surveillant), Feu (Orateur), Air (Secrétaire), Eau (Hospitalier), Terre (Trésorier). L’on trouve ici les trois principes et les quatre éléments des alchimistes. »
Ce qui fait qu’Hermès et l’Hermétisme sont une référence habituelle dans la Maçonnerie, comme l’est aussi Pythagore et la géométrie. D’autre part, ces deux courants historiques de pensée viennent, à travers la Grèce, Rome et Alexandrie, de l’Égypte la plus lointaine, et par son intermédiaire, de l’Atlantide et de l’Hyperborée, comme c’est en fin de compte le cas de toute Organisation Initiatique, capable de relier l’homme à son Origine. Et il va de soi que cette impressionnante généalogie qui compte les dieux, les sages (les prêtres) et les rois (aussi bien de Tyr et d’Israël que d’Écosse : la royauté ne dédaignait pas la construction et le roi était un maître opérateur de plus) constitue un domaine sacré, un espace intérieur construit de silence, lieu où deviennent effectives toutes les virtualités, et où l’Être Universel peut ainsi se refléter de façon spéculative. La loge maçonnique, comme on le sait, est une image visible de la loge Invisible, tout comme le Logos est le déploiement de la Tri-unité des Principes.
L’influence du dieu Hermès et les idées du sage Pythagore n’ont pas totalement disparu de ce monde crépusculaire que nous habitons, elles sont en fait tout ce qu’il en reste y n’oublions pas que les alchimistes assimilent Jésus au Mercure Solaire, au moins en Occident. D’autre part, sans elles le monde ne pourrait pas même exister, aussi bien dans le domaine des énergies perpétuellement régénératrices attribuées à Hermès et à sa Philosophie, que dans celui des idées-force pythagoriciennes, dont l’ordre numérique (et géométrique) est aujourd’hui indispensable à la plus simple des opérations.
La déité est immanente en tout être, et les Enfants de la Veuve, les fils de la lumière, la reconnaissent au sein de leur propre loge, faite à l’image du Cosmos. La racine H. R. M. est commune aux noms Hermès et Hiram, ce dernier formant avec Salomon un parèdre où se conjuguent la sagesse et la possibilité (la doctrine et la méthode), la Tradition (Kabbale) hébraïque, qui vît naître Jésus, se signalant comme le vecteur de cette révélation sapientielle, royale et artistique (artisanale) que constitue la Science Sacrée, apprise et enseignée dans la loge par les symboles et les rites, « livre » codé que les Maîtres déchiffrent aujourd’hui, ainsi que le firent leurs ancêtres dans les temps mythiques, puisque la Maçonnerie n’octroie pas la Connaissance en soi sinon qu’elle montre les symboles et indique les voies pour y accéder, avec la bénédiction des rites ancestraux, qui agissent comme les transmetteurs médiatiques de cette Connaissance.5
Autrement dit que l’actualisation de la possibilité, c’est-à-dire l’Être, l’assurance que tout est vivant, que le Présent est éternel, la simultanéité du Temps, la notion de Tri-unité du Seul et Unique, constituent une Connaissance que les francs-maçons atteignent par l’expérience que procure un apprentissage graduel et hiérarchisé.
Le Maître Constructeur emporte partout sa loge intérieure, c’est ce qu’il est lui-même, un Cosmos en miniature, conçu par le Grand Architecte de l’Univers. Mais l’œuvre est inachevée, sa pierre brute doit encore être polie (par la Science et l’Art) de même que le Créateur a ciselé son Œuvre. Les nombres et les figures géométriques symbolisent des concepts métaphysiques et ontologiques qui représentent également des réalités humaines concrètes et immédiates, aussi nécessaires que les activités physiologiques, et à partir de là toutes les autres. Le nombre établit la notion d’échelle, de proportion et de rapport, ainsi que de rythme, de mesure et d’harmonie, car ce sont les canaux percés par l’Unité vers l’indéfinité numérique, vers les quatre points de l’horizon mathématique et la multiplicité. Il est évident que Pythagore et Thalès de Milet n’ont rien « inventé », mais qu’ils ont reconnu, dans la série décimale qui retourne à son Origine (10 = 1 + 0 = 1), une échelle naturelle, une ascèse qui permettrait à l’être humain de compléter l’Œuvre et d’opérer ainsi la transmutation en Homme Véritable, paradigme de tout Initié, situé dans la Chambre du Milieu, entre l’équerre et le compas.6 Il n’y a pas eu de Tradition qui n’ait développé un système numéral qui lui serve de méthode de connaissance, en parfait accord avec les règles de la création. Rappelons que le toit de la loge est décoré par les astres, les Régents, qui gouvernent les sphères célestes et établissent les intervalles et les mesures de l’Harmonie Universelle.
Les maçons n’ont cependant jamais cessé de reconnaître la phrase évangélique : « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père » (Saint Jean 14, 2), car s’ils savent que devant eux s’ouvre un sentier qui les conduira à leur Père, il ne rejettent pas d’autres chemins ni s’opposent à aucune voie, car ils croient que les structures invisibles sont les mêmes, prototypes valables pour tout temps et tout lieu, malgré la constante adaptation de formes distinctes aptes à différentes individualités, la plupart du temps déterminées par les cycles temporels dont tout être vivant pourrait donner l’exemple, comme l’être humain et ses modifications et adaptations au cours des années, cycles auxquels la Maçonnerie n’échappe pas non plus, comme cela peut se vérifier dans sa lente transformation qui se concrétise finalement au XVIIIe siècle. Et c’est par la même compréhension de ses possibilités métaphysiques et initiatiques que la Franc-Maçonnerie reconnaît d’autres Traditions, et laisse également la porte ouverte à la pratique de n’importe quelle croyance religieuse, ou pseudo religieuse, à ses membres, beaucoup desquels concilient leur processus de Connaissance lire Initiation avec la pratique de préceptes et cérémonies religieuses exotériques et légales qu’ils croient pouvoir enrichir leur passage et celui des autres dans ce monde. Il n’y a donc pas de conflit entre Maçonnerie et Religion, à condition de ne pas tenter d’en mêler les concepts ni de prétendre, comme cela est déjà arrivé, que certains fondamentalistes (religieux ou non) essaient d’accaparer les loges à leur profit personnel. De fait, de nombreux hermétistes, pythagoriciens et maçons ont été, et sont, des chrétiens accomplis, ou bien de grands kabbalistes, et tous ont considéré les symboles comme leurs maîtres. L’Église Catholique n’a jamais condamné l’Hermétisme ni Euclide, héritier de la science géométrique pythagoricienne et maître des francs-maçons, mais elle a en revanche eu des problèmes avec la Maçonnerie depuis le XVIIIe siècle, au point de la condamner et d’excommunier ses membres. Il s’est produit néanmoins ces derniers temps un rapprochement progressif entre les deux institutions, éclaboussé ici et là d’incompréhensions et d’interférences, souvent intéressées. Selon José A. Ferrer Benimelli, S.J., la revue La Civilittà Cattolica de Rome, publiée dès 1852 et qui a suivi le thème de la Franc-Maçonnerie jusqu’à nos jours, révèle dans sa propre évolution ce processus de rapprochement, ou au moins de respect mutuel. En effet, les premiers articles sont violents et condamnatoires, suit une période de transition, et ceux des dernières années sont assez conciliatoires et ouverts au dialogue.7
Nombreux sont les maçons catholiques, beaucoup d’entre eux français, qui ont tenté depuis des années de concilier les deux institutions et de lever l’excommunication ; il y a cependant bien d’autres auteurs maçonniques qui intègrent complètement la Tradition Hermétique dans leur Ordre sans avoir besoin d’exotérisme religieux. Tel est le cas d’Oswald Wirth, directeur pendant de nombreuses années de la revue Le Symbolisme et maçon reconnu, qui a écrit sur les Symboles de la Tradition Hermétique et les symboles maçonniques :
Hermès, à qui est attribué l’enseignement de toutes les sciences, a joui d’un grand prestige au cours de diverses périodes de l’histoire de la culture d’occident. Cela a été le cas parmi les alchimistes et lesdits philosophes hermétiques, et les mêmes notions se sont manifestées dans l’Ordre des Frères Rose-croix, influences toutes recueillies par la Maçonnerie à tel point que l’on peut la considérer comme le dépôt de la sagesse pythagoricienne et responsable de sa transmission au cours des derniers siècles, ainsi que comme la réceptrice des Principes Alchimiques, tout comme des idées Rosicruciennes,9 ce qui est une évidence lorsque l’on peut vérifier facilement que l’un des plus hauts grades du Rite Écossais Ancien et Accepté, le 18, s’appelle précisément Prince Rosecroix. Des analogies et des connexions avec les Ordres de Chevalerie sont également réclamées par certains maçons, concrètement avec l’Ordre du Temple. Il existe de nombreux indices historiques qui prouveraient ces germes, ainsi que des rites et des traditions, en particulier l’un des mots de passage au grade 33, mais qui s’affaiblissent assez lorsque l’on se souvient que les templiers étaient à la fois moines et soldats (quoique grands constructeurs médiévaux), ce qui n’a aucun rapport apparent avec la Maçonnerie, dans laquelle l’on observe par ailleurs une très nette influence hébraïque que nous avons déjà signalée au sujet de Salomon et de la Construction du Temple, et qui se voit confirmée en vérifiant simplement que presque tous les mots de passage et de grade, secrets sacrés, sont prononcés en hébreu.10
Dans le Dictionnaire Encyclopédique de la Maçonnerie (Ed. del Valle de México, Mexico D.F.), qui est peut-être le plus connu en langue espagnole, nous trouvons sous le titre « Hermès » l’entrée correspondante, dans laquelle l’on peut observer l’importance attribuée au Corpus Hermeticum qui, dans certaines loges sud-américaines, occupe la place de la Bible en tant que livre sacré. Le rapport entre Hermès et le silence est bien connu, et l’on qualifie d’hermétique se qui se trouve parfaitement clos, ou scellé. Le silence est également une caractéristique de la Franc-Maçonnerie ainsi que des pythagoriciens qui passaient cinq ans à le cultiver.
Élias Ashmole est aussi un digne point de confluence entre l’Hermétisme et la Maçonnerie. Cet extraordinaire personnage, né à Lichfield, Angleterre, en 1617, semble avoir joué un rôle important dans la transition entre l’ancienne Maçonnerie, antérieure à Anderson-Désaguliers, et son ultérieure projection historique, en voie de récupérer la majeure partie du message spirituel-intellectuel, c’est-à-dire gnostique (au sens étymologique du terme), des authentiques organisations initiatiques, parmi lesquelles la Franc-Maçonnerie et l’Ordre de la Jarretière. Il fut reçu dans la loge de Warrington le 16 octobre 1646 bien que, d’après son journal, il n’assista que plusieurs années plus tard à sa seconde tenue. Il ne faut cependant pas s’étonné de ce comportement chez une personnalité comme la sienne, produit de l’ambiance de l’époque, où le culte du secret et du mystère était habituel pour des raisons évidentes de sécurité et de prudence. En 1650, il publia son Fasciculus Chemicus sous le nom anagrammatique de James Hasolle ; il s’agit de la traduction de textes d’Alchimie en latin (dont certains de Jean d’Espagnet) avec sa préface. En 1652, il édita le Theatrum Chemicum Britannicum, une collection de textes alchimiques anglais en vers, qui réunit beaucoup des pièces les plus importantes de celles produites dans ce pays, et, six ans plus tard, The Way to Bliss, tout en travaillant à des recherches documentaires littéraires en tant qu’historien et développant son activité d’antiquaire en réunissant dans un musée toute sorte de « curiosités » et « raretés » se rapportant à l’archéologie et l’ethnologie, ainsi que des collections d’Histoire Naturelle, comprenant des espèces minérales, botaniques et zoologiques en tout genre. En réalité, ce fut là l’objectif scientifique du musée (où l’on a même réalisé les premières expériences scientifiques d’Angleterre), dont l’on visite aujourd’hui les magnifiques installations d’Oxford davantage comme musée artistique que comme institution précurseur de la science et auxiliaire de l’Université. La vie d’Ashmole a été très liée à celle d’Oxford, et les fonds de ses donations d’objets et de manuscrits à l’institution qui porte son nom (où se trouvent également les volumes de son journal, rédigés dans un système chiffré et qui contiennent de nombreuses notes sur la Maçonnerie)11 ont été d’une immense importance pour cette ville en raison de son prestige universitaire. Ashmole joua un rôle considérable à Oxford ainsi qu’à Londres : produit de son époque, il s’est consacré à la science naturelle et expérimentale comme une forme de magie des transmutations, tout comme de nombreux philosophes hermétiques. Il a ainsi été en rapport avec des Astrologues, des Alchimistes, des Mathématiciens et toute sorte de savants et de dignitaires de l’époque, avec lesquels il formera la Royal Society de Londres et la Philosophical Society d’Oxford. Ses nombreux amis et compagnons de toute une vie portent des noms illustres, beaucoup desquels étaient liés à la Maçonnerie aux plus hauts grades, comme Christopher Wren, ou aux recherches et exercices sur les Arts Libéraux et la Science Sacrée, et constituaient un ensemble de personnalités qui jouèrent un rôle fondamental en leur temps, en particulier en ce qui concerne la diffusion et la pratique de la Tradition Hermétique et ses liens avec la Franc-Maçonnerie. Ainsi que le disait René Guénon au sujet du rôle d’Ashmole : « Nous pensons même que l’on chercha au XVIIe siècle à reconstituer à ce sujet une tradition qui s’était en grande partie perdue ». Le nom de E. Ashmole brille sur cet extraordinaire travail à deux aspects : comme l’un des reconstructeurs de la Maçonnerie quant à son rapport avec les ordres de Chevalerie et les corporations de constructeurs, ainsi que comme confluent avec la Tradition Hermétique. Ashmole se donnait lui-même le nom de fils de Mercure (Mercuriophilus Anglicus), et son œuvre la plus importante, que nous avons déjà citée, The Way to Bliss, 1658, recueille ses travaux sur la Philosophie Hermétique, ainsi qu’il l’indique lui-même au lecteur dans son introduction.
Il faut également signaler que certains auteurs s’interrogent au sujet du catholicisme et du protestantisme dans le processus de passage de la Maçonnerie opérative à la Maçonnerie spéculative. Le propos est généralement simplifié en déclarant que les corporations opératives étaient catholiques et les spéculatives qui suivirent, protestantes. Il est évident que du point de vue historique, ces faits peuvent s’avérer plus ou moins « réels » puisque l’Ordre, comme toute institution, est sujet à certains va-et-vient cycliques qui se manifestent dans les sphères sociales, politiques, économiques, etc. Mais du point de vue de la Franc-Maçonnerie en tant qu’organisation initiatique, elle n’est pas assujettie au devenir, raison pour laquelle elle subsistera jusqu’à la fin du cycle.12 En réalité, la Tradition Hermétique (et Hermès lui-même) a subi d’innombrables adaptations au cours du temps, bien que n’ayant jamais cessé de s’exprimer, et il est évident que cette Tradition, tout comme les fondements de la Maçonnerie, elle-même identifiée comme la Science de Construire, est antérieure au Christianisme tout en ayant coexisté avec durant vingt siècles et que l’on ait même vu des hermétistes chrétiens et des chrétiens hermétiques (parmi lesquels de très hauts dignitaires, y compris des papes), ce qui n’empêche pas cette Tradition d’avoir des antécédents nettement païens, liés aux écoles de mystères ou, comme on les appelle aujourd’hui, les religions mystériques ; l’on pourrait donc affirmer que l’hermétisme possède un versant païen et un autre chrétien. Il faut à ce sujet préciser que le mot païen prend à nos oreilles, accoutumées aux aspects les plus superficiels des religions abrahamiques, la connotation de maudit, illégal, bâtard, ou au minimum de péché nébuleux. Ou encore d’ignorance attribuée au retard de peuples méconnus et qui n’intéressent même pas. L’on conçoit généralement le paganisme comme antagonique d’une opinion civilisée, souverainement primitif ou allant à l’encontre du christianisme ou de la religion, et par conséquent étranger à toute sorte d’ordre. Le paganisme est en somme éliminé d’avance par une censure intérieure, comme quelque chose d’un peu répugnant, avant que nous ne nous rendions compte qu’en réalité il ne s’agit que de la sagesse d’innombrables peuples traditionnels ayant habité ce monde avant et pendant les seulement vingt siècles qui caractérisent ce que l’on nomme la Civilisation contemporaine.13
Nous supposons que de ce dernier point de vue, presque officiellement œcuménique, il n’y a pas d’injure à partager la pensée païenne, ainsi que l’ont vu des Pères de l’Église et de nombreux sages, prêtres et pasteurs contemporains.14
En réalité, pour l’Hermétisme, historiquement antérieur au Christianisme, il existe une Cosmogonie Pérenne, qui se manifeste par sa philosophie et ses écrits de la même façon que pour le maçon, religieux ou non, elle le fait par ses symboles et ses rites.
Quant à la relation entre les Francs-maçons et les corporations de constructeurs et artisans, il existe trois grands témoignages souvent cités en tant que sources documentaires sur la pratique de la construction au Moyen Âge.15 Nicholas Coldstream les recueille dans son livre sur la pratique de la construction au Moyen Âge,16 où il rejette la notion de filiation « fantomatique » de la Franc-Maçonnerie avec les constructeurs et les artisans médiévaux, (sa thèse, simple, est que les maçons étaient des ouvriers et non pas des hommes de cabinet) malgré que, paradoxalement, son étude le confirme de plusieurs manières ; ainsi, il nous dit à ce sujet : « Il s’agit du document, rédigé par l’abbé Suger, qui relate la construction du nouveau chœur de l’abbaye de Saint-Denis ; du manuscrit daté circa 1200, du moine Gervais de Canterbury, sur l’incendie et la réparation de la cathédrale de Canterbury, et de l’Album de Villard de Honnecourt, ensemble de dessins et de plans d’édifices, de moulures et de tours élévateurs. Des trois, le texte de Suger nous renseigne davantage sur l’homme et la décoration de son église que sur l’édifice, bien qu’il y ait, au passage, quelques précieuses allusions à sa construction. L’examen attentif de l’Album de Villard de Honnecourt nous permet de douter sérieusement que celui-ci ait construit quelque fois des églises et qu’il ait eu quelque connaissance en matière d’architecture ; quant à ses dessins, s’ils sont intéressants, ce ne serait cependant pas ceux d’un architecte ou d’un atelier de maçon. Le texte de Gervais, au contraire, est l’unique document médiéval qui décrive une équipe de maçons au travail ; il fournit de nombreuses informations sur la pratique des maçons et sur quelques méthodes de construction. »
La référence à l’Album de Villard de Honnecourt nous intéresse tout spécialement. En effet, ce n’est pas la première fois que l’on signale certaines caractéristiques quant au fait que ce cahier n’est pas un manuel de technologie appliquée, sinon tout à fait autre chose, beaucoup plus en rapport avec les notions de la Philosophie Hermétique notées à l’usage des maîtres d’œuvre.17 Et le fait qu’il existe un document de ce type (document de cabinet plus qu’autre chose) est une preuve que la spéculation sur le symbolisme et le langage hermétique dans sa version chrétienne avait déjà des adeptes au début du XIIIe siècle, qui vit naître, entre autres, les cathédrales de Chartres et de Reims.
L’on a beaucoup écrit sur ce thème et le débat demeure ouvert ; l’investigateur en tirera ses propres conclusions, mais ne pourra ignorer la Tradition Orale et sa filiation universelle avec le Symbolisme Constructif, qui peut se manifester aussi bien en Extrême-Orient qu’en Égypte ou en Méso-Amérique ; dans les « collegia fabrorum » romains, ou chez les corporations médiévales, que l’on considère généralement, faisant abstraction de toute référence initiatique ou ayant un rapport avec les Francs-maçons, comme fermées et en même temps dépositaires de connaissances relatives à « l’office », qui se transmettaient par le biais des symboles et des termes d’un langage chiffré.
Il faut néanmoins tenir compte du fait que l’influence de la Philosophie Hermétique, d’une part, et celle des corporations de constructeurs chrétiens d’autre part (ainsi que d’autres déjà mentionnées, comme l’Ordre du Temple), n’est pas la même dans les différents Rites où, sur une base commune, l’on peut observer quelques filiations penchant vers l’un ou l’autre de ces aspects. Nous ne pouvons traiter ici le sujet vaste et complexe de la diversité des Rites maçonniques, mais nous pouvons en revanche signaler leur existence, ainsi que celle de différents aspects de la Science Sacrée qui inspirent à certains plus ou moins de sympathie. Puisque la Maçonnerie est une et seule, comme est une et seule la Construction Cosmique, et donc le Symbolisme Constructif, les interpénétrations d’influences diverses, leurs oppositions et conjonctions, forment part de l’ensemble de déséquilibres et d’adaptations auxquels doit faire face l’héritage maçonnique, véhiculé par la civilisation judéo-chrétienne. Cela a déjà eu lieu par le passé et explique le passage de la Maçonnerie opérative à la spéculative comme nous l’avons déjà dit, franchissement graduel qui fit que certaines loges « opératives » (antérieures à 1717) possédaient des éléments « spéculatifs » et que de nombreuses loges « spéculatives » (actuelles) sont en fait opératives. Il existe même des documents témoignant de la coexistence de toutes deux, thème que divers auteurs ont appelé Maçonnerie de transition.18 En effet, après la publication des Constitutions d’Anderson, un groupe de nombreux maçons écossais, irlandais et d’autres lieux d’Angleterre décident de se séparer de la Grande Loge fondée à Londres (et qui débuta avec quatre loges seulement), leurs différences portant en partie sur certaines altérations de signification, voire rituelles, auxquelles ne sont pas étrangères les distinctions religieuses, et créent même une espèce de Fédération de l’Ancienne Maçonnerie qui ne renouerait ses relations avec les Anglais qu’après plusieurs dizaines d’années, mais en conservant ses points de vue traditionnels plus en rapport avec le mode opératif ou initiatique qu’avec le spéculatif ou allégorique ; il faut ajouter à cela les problèmes de succession au trône d’Angleterre auquel prétendait Jacques, écossais et catholique, qui avait de nombreux partisans, non seulement dans les îles mais aussi sur tout le continent.19 Quoiqu’il en soit, cette situation de diversité de Rites se retrouve dans les différents degrés, qui varient en nombre, appellation et condition, selon les différentes formes maçonniques. Ce sujet est intéressant mais il nous semble prioritaire de rappeler que ces grades (qu’ils soient au nombre de trois, sept, neuf ou davantage) représentent des étapes dans le Processus de Connaissance, ou d’Initiation, et que ces passages ou états sont synthétisés et désignés dans la Franc-Maçonnerie par les noms d’Apprenti, Compagnon et Maître, correspondant aux trois mondes : physique, psychique et spirituel. Ces trois grands degrés contiennent en synthèse tous les autres grades, dont la plupart n’en sont parfois que des spécifications ou des prolongations. Mais il est clair que la division est hiérarchique et qu’elle s’effectue au sein d’un ordre rituel qui correspond symboliquement à ces étapes de l’Initiation ou Voie de la Connaissance. Mais il n’y a pas non plus de pouvoir central regroupant toute la Maçonnerie, bien qu’il existe des Grandes Loges extrêmement puissantes avec tout un passé traditionnel, et les différentes Obédiences et Rites conservent une attitude de respect mutuel, puisque tous descendent d’un tronc commun.
Cette espèce d’indépendance, si l’on peut la nommer ainsi, est également très nette au sein de chaque loge, où les symboles sont ou non opératifs, où les rites prescrits sont ou non pratiqués. L’Unité maçonnique se produit fondamentalement dans l’Atelier, projection du Cosmos, quelle que soit l’Obédience à laquelle il appartient.
Il nous reste à mentionner que ces trois degrés constituent ce que l’on appelle la Maçonnerie Bleue ou Symbolique. Au-dessus se trouvent les Hauts Grades, système de hiérarchies qui n’est pas pris en considération dans certaines Obédiences ni accepté par certains Rites. Il faut également savoir que le passage d’un grade à l’autre signifie que l’on commence à s’initier au grade obtenu ; ainsi, si un Compagnon reçoit le grade de Maître, c’est qu’il débute son initiation à ce degré. De même, les grades sont permanents et l’on ne perd jamais ceux que l’on a acquis au cours d’une carrière maçonnique normale.
Nous devons à présent mentionner un peu plus l’Alchimie en tant qu’influence présente dans l’Ordre Maçonnique. Nous avons déjà signalé que Soufre, Mercure et Sel, les principes alchimiques, se trouve directement incorporés dès les premiers degrés.
L’Alchimie a en commun avec la Maçonnerie le développement intérieur, tendant vers la Perfection, que les alchimistes considéraient comme l’objet de leurs efforts (puisque la Nature n’avait pas achevé son Œuvre, que l’Artiste ou Adepte devait compléter), tout comme les Maçons les buts ultimes de la Franc-Maçonnerie, qui comprennent la mort et sa conséquence régénération à un autre niveau ou état de conscience.
D’un autre côté, les amis de la Philosophie Hermético-Alchimique ont l’habitude de dire entre eux que le dernier grand Alchimiste (et écrivain en la matière) fut Irénée Philalèthe, au XVIIe siècle. Cela est assez vrai dans un sens, sauf que l’on n’observe pas très clairement que, dès lors et jusqu’à présent, cette Tradition ne s’interrompt pas, sinon qu’elle se transforme, et énormément de ses enseignements et symboles passent à la Maçonnerie à titre de transmetteur de l’Art Réel et de la Science Sacrée, aussi bien dans les trois degrés de base que dans la hiérarchie des hauts grades. D’après René Guénon, ces hauts grades sont une prolongation de l’étude et de la méditation sur les symboles et rituels (certains d’entre eux sont appelés philosophiques)20, nés de l’intérêt de nombreux maçons à développer et rendre effectives les possibilités qu’offre l’Initiation ; pour cette raison, l’utilité pratique de ces grades est indubitable et ils constituent la hiérarchie couronnant le processus de la Connaissance, toujours en fonction du caractère initiatique de l’organisation, comme nous le fait observer l’auteur, qui nous met aussi en garde contre le danger existant que ces grades se consacrent à des problèmes sociaux ou politiques, mutables par nature et donc distants des fondations du Temple maçonnique, construit en pierre. (Voir « René Guénon » : article
Tout comme dans le symbolisme Alchimique, le soleil et la lune jouent dans le symbolisme maçonnique un rôle fondamental et on les retrouve en des endroits aussi essentiels que les tableaux et la décoration des loges (placés à l’Orient). Il s’agit bien sûr des principes actif et passif correspondant également aux colonnes Jakin et Boaz, qui signalent ainsi l’opposition de ces énergies en même temps que leur conjonction en un axe invisible d’où est tendu le fil à plomb du Grand Architecte de l’Univers. Sans laisser de côté la primauté de cette signification générale, il faut aussi tenir compte de la réalité de ces astres, car il existe un calendrier maçonnique dont les deux extrêmes représentent, comme presque toutes les Traditions, les solstices d’été et d’hiver, fêtes des deux Saint Jean, qui marquent les limites du parcours du soleil, signalant aussi les points intermédiaires correspondant aux équinoxes sur la roue du temps, et nous introduisent dans la doctrine des rythmes et des cycles. Il existe par ailleurs une prééminence entre ces deux luminaires, puisque la lune brille grâce à la lumière du soleil, notion qui n’est pas étrangère à la Tradition Hermétique et à la Kabbale, tous deux étant utilisés d’une façon générale pour désigner des degrés de Connaissance, ou des étapes du parcours initiatique. Jean Tourniac, dans le prologue du célèbre Tuileur de Vuillaume21 note, en faisant référence aux cycles, l’assimilation du parèdre lune-soleil à celui des symbolismes solaire et polaire. Cette association, qui possède d’infinies voies de développement, pourrait également se rapporter à deux aspects de la maçonnerie incarnés dans les figures mythiques de Salomon (solaire) et de Pythagore (polaire), lesquels auraient à leur tour, et cela Tourniac ne le dit pas, une certaine analogie avec les grades symboliques (Maçonnerie Bleue) et les Hauts Grades, ou c’est en tout cas ce que fut prétendu par ceux qui instaurèrent ces derniers.
La littérature sur la Maçonnerie ou les investigations historiques portant sur l’Ordre comprennent généralement les auteurs, les milieux et les écrits antimaçonniques, le panorama au sujet de ses origines et ses buts étant si confus qu’il s’est créé une suite de « légendes » parallèles, faisant que certains investigateurs aient du mal à traverser une espèce de frontière « maudite » et invisible qui répond aux « légendes obscures » au sujet de la Franc-Maçonnerie, comme celles divulguées en France par Léo Taxil, beaucoup ayant leur origine dans le catholicisme. Un autre genre de critiques, ne se référant pas à son contenu spirituel, est fondé sur les agissements politiques et économiques de certaines loges qui, utilisant la structure maçonnique et s’abritant derrière l’indépendance des Ateliers, ont ainsi profité de l’Ordre et du public, projetant une image déformée de la Maçonnerie. Il faut bien reconnaître que cela a été le cas à plusieurs occasions, bien qu’en même temps cela arrive depuis des années à toutes les institutions, dont la décomposition est évidente. Dans quelques sociétés, l’Ordre jouit encore du prestige qu’il avait par le passé et, dans certains pays, sa force spirituelle, gestionnaire de grandes entreprises, a laissé des traces visibles qui sont suivies aujourd’hui. Il y a parfois des maçons qui ne connaissent pas encore la Maçonnerie, ou qui croient qu’il s’agit d’autre chose, de plus concret et plus matériel, mais tous assument leur devise : Liberté, Égalité, Fraternité, et accomplissent leur Rite en accord avec leurs Anciens Us et Coutumes. Si ce n’est pour la cohérence et le contenu spirituel-intellectuel que les symboles et les rites manifestent, la Maçonnerie serait une absurdité de plus, et ne serait en tout cas pas parvenue jusqu’à nos jours.
Une autre chose qu’il faudrait remarquer, c’est la curiosité de savoir quel est le grade réel de Connaissance que possède tel ou tel maçon ou, plus généralement, tel ou tel Initié ; mais qui cela intéresse-t-il ? Cela a-t-il de l’importance et à qui cela importe-t-il ?
Logiquement, cette question n’entre pas dans les limites d’une investigation basée sur la documentation et il est donc très difficile d’établir des origines claires et des séquences logiques sur un sujet qui ne l’est pas, en dépit des efforts pour le faire. L’un de ces investigateurs, que nous avons déjà cité, J. A. Ferrer Benimelli, qui a publié plus de vingt ouvrages d’intérêt sur la Maçonnerie et ignore systématiquement Hermès, nous informe : « Bernardin, dans son ouvrage Notes pour Servir à l’Histoire de la Franc-Maçonnerie à Nancy jusqu’en 1805, après avoir compulsé deux cent six œuvres portant sur les origines de la Maçonnerie, trouva trente-neuf opinions diverses, certaines aussi originales que celles qui font descendre la Maçonnerie des premiers chrétiens voire de Jésus Christ lui-même, de Zoroastre, des Rois Mages ou des Jésuites, pour ne pas citer les théories plus connues dites « classiques », qui font remonter la Franc-Maçonnerie aux Templiers, aux Rose-Croix ou aux juifs » et il ajoute en note : « De ces trente-neuf auteurs, vingt-huit ont attribué les origines de la F.-M. aux maçons constructeurs de la période gothique ; vingt auteurs se perdent dans la plus lointaine antiquité ; dix-huit les situent en Égypte ; quinze remontent à la Création, mentionnant l’existence d’une loge maçonnique au Paradis Terrestre ; douze, aux Templiers ; onze, à l’Angleterre ; dix, aux premiers chrétiens ou à Jésus Christ lui-même ; neuf, à la Rome antique ; sept, aux Rose-Croix primitifs ; six, à l’Écosse ; six autres, aux juifs, ou à l’Inde ; cinq, aux partisans des Stuart ; cinq autres, aux jésuites ; quatre, aux druides ; trois, à la France ; le même nombre les attribuent : aux scandinaves, aux constructeurs du temple de Salomon, et aux survivants du déluge ; deux, à la société « Nouvelle Atlantide », de Bacon et à la prétendue Tour de Wilwinning [Kilwinning]. Finalement, à la Suède, à la Chine, au Japon, à Vienne, à Venise, aux Rois Mages, à la Chaldée, à l’ordre des Esséniens, aux Manichéens, à ceux qui travaillèrent à la Tour de Babel et, pour finir, un qui affirme que la F.-M. existait avant la création du monde. »22
Une confusion des origines analogue échoit à la Tradition Hermétique, avec le mythe d’Hermès et Hermès Trismégiste, avec tout mythe et origine et, bien sûr, avec le Corpus Hermeticum, livres qui, comme nous l’avons vu auparavant,23 condensent et rappellent le savoir de cette Tradition. En effet, Jean-Pierre Mahé, spécialiste qui, avec P.-J.-A. Festugière, a consacré sa vie à l’étude de ces textes, croit que les fragments en arménien de cette littérature viennent du premier siècle avant notre ère, et que les versions postérieures ayant été conservées, en grec, latin et copte, dérivent de ceux-ci, de par leur contenu nettement païen, dégagé des influences gnostiques et chrétiennes qui lui ont été attribuées avec une certaine liberté. Il est intéressant d’observer de quelle façon ce spécialiste, au cours de son plus important travail à ce sujet, Hermès en Haute-Égypte24, où il confronte différentes versions du Corpus entre elles, à d’autres manuscrits trouvés à Nag-Hammadi et avec des auteurs antiques, etc., arrive à la conclusion qu’ils sont tous apparentés, qu’ils émanent d’une source unique, et qu’ils ont même un ton, un air, un esprit commun qui se manifeste aussi dans leur style, opinion que nous partageons. Mais ce savoir, propre au Corpus,25 que Mahé juge solennel, répétitif, contradictoire et sentencieux, comme de la mauvaise littérature, en somme (qu’est-ce qu’une bonne littérature et qui est capacité pour la définir, et par rapport à quoi ?), nous semble difficile à appréhender avec des paramètres logiques, quel que soit l’effort et le travail employés et malgré l’inappréciable contribution que représente l’établissement de ces textes, leur traduction et les commentaires, même vus de façon réitérée dans une perspective totalement étrangère à celle qu’ils possèdent. D’où le danger d’aborder les choses d’un ordre déterminé avec des moyens qui ne sont par nature pas ceux qui conviennent, puisqu’ils sont eux-mêmes constitués de séries de conditionnements appartenant au monde profane, que même une éblouissante érudition ne peut dissimuler, car ils apparaissent ici et là dans la littéralité des propos, l’infantilisme des conceptions, la disproportion vertigineuse entre le sens sapientiel-émotionnel du texte et la lecture « universitaire », c’est-à-dire profane, que l’on en fait.26 Il ne faut pas traiter une société initiatique exclusivement d’après ses actions humanitaires ou altruistes, car l’on court le risque de dénaturer son authentique raison d’exister. Un autre thème plus ou moins utilisé à titre de critique, aussi bien de la Maçonnerie que de l’Hermétisme, est leur caractère prétendument syncrétique. En premier lieu, l’abus de ce mot, qui équivaut pour certains à une disqualification, nous semble condamnable. Le Christianisme, l’Islam, le Bouddhisme, l’Antiquité Gréco-romaine, d’innombrables Traditions archaïques, et même la Civilisation Égyptienne et la Chinoise, pourraient aujourd’hui être jugées « syncrétiques » à la lumière des documents les plus anciens et sans mentionner la notion de Tradition Unanime, au-delà de telle ou telle forme. En effet, le terme était en vogue à une époque où l’investigation anthropologique et l’Histoire des Religions en étaient à leurs balbutiements, et l’on croyait à la « pureté », atout de certaines cultures et concept extrêmement dangereux, pouvant de plus dériver sur l’erreur de prendre les races comme des religions. Le terme est malheureusement resté en usage, et certains l’utilisent comme une arme brandie pour condamner ce qu’ils croient ne pas leur convenir, ou qui échappe à leurs simplifications élémentaires. L’Histoire de l’Église est encore bien proche avec ses Conciles, la formation de ses Dogmes, sa Théologie, l’Histoire de ses Papes, etc., pour que la Chrétienté puisse reprocher à la Tradition Hermétique et à la Franc-Maçonnerie une chose allant dans ce sens, et cela pourrait être étendu à d’autres religions ou influences spirituelles qui composent la Culture d’occident. D’innombrables courants ont formé cette Civilisation, la plupart desquels coexistent avec nous d’une façon ou d’une autre, et nous devons rendre grâces à Dieu, au nom de notre culture, car ces interrelations naturelles qui se déversent avec les migrations humaines d’un peuple, et sa langue, à un autre, ont existé depuis toujours, en dépit de l’acide accusation de syncrétisme émanant de soi-disant autorités se basant sur des structures imaginaires et caduques. En définitive, les diverses composantes de la Franc-Maçonnerie ne sont pas un obstacle pour que cette adaptation de la Science Sacrée et de la Philosophie Pérenne soit totalement Traditionnelle, sinon qu’elles démontrent le contraire dès lors que l’on en considère les doctrines, c’est-à-dire, en soi.
Frédérico Gonzalez |
NOTES | |
1 |
C’est Findel, dans l’Annexe de son Histoire, qui a publié le premier document dont nous disposons, daté de 1419, sur les carriers allemands. |
2 |
« Il nous paraît incontestable que les deux aspects opératif et spéculatif ont toujours été réunis dans les corporations du Moyen Âge, qui employaient d’ailleurs des expressions aussi nettement hermétiques que celle de « Grand Œuvre », avec des applications diverses, mais toujours analogiquement correspondantes entre elles. » R. Guénon, Études sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage, tome II, chapitre |
3 |
Encyclopédie Britannique. Article « Freemasonry », édition 1947 |
4 |
Voir Claude Tannery, « le Corpus Hermeticum (Introduction, pour des développements ultérieurs, à l’hermétisme et la maçonnerie) » ; revue Villard de Honnecourt nº 12, Paris 1986. Les références à Hermès et à la Tradition hermético-alchimique dans la littérature maçonnique sont extrêmement abondantes, comme nous l’avons déjà signalé ; pour ne pas parler de Pythagore, sujet traité dans une autre étude du même numéro de Villard de Honnecourt : Thomas Efthymiou, « Pythagore et sa présence dans la Franc-Maçonnerie ». |
5 |
Voir E. Mazet, « Éléments de mystique juive et chrétienne dans la Franc-Maçonnerie de transition (VIe-VIIe s.) » ; également de la revue Travaux de la loge nationale de recherches Villard de Honnecourt, nº 16, 2de série. L’auteur a publié dans cette revue, qui édite les travaux de la loge d’études du même nom, affiliée à la Grande Loge Nationale Française, d’autres collaborations tout aussi intéressantes sur des aspects documentaires de la Maçonnerie. Cette revue est réellement, avec la Ars Quatuor Coronatorum, également organe diffuseur d’une loge d’études homonyme (Quatuor Coronati lodge) qui a publié plus de 80 volumes en Angleterre depuis 1886, l’une des meilleures sources que l’on puisse trouver pour l’étude intégrale de la Maçonnerie. |
6 |
L’importance de la Tetraktys pythagoricienne dans n’importe quel type de connaissance métaphysique et cosmogonique est bien connue. D’autre part, le rapport des harmonies musicales avec les nombres, en particulier avec l’échelle des sept premiers, est également un thème pythagoricien que la Maçonnerie et le Corpus Hermeticum reprennent sous forme de degrés et touches de reconnaissance liés aux sphères planétaires et aux Régents qui les gouvernent. Il faudrait y ajouter les différents théorèmes pythagoriciens, sachant l’importance que l’art et la science de construire ont pour la Maçonnerie ; parmi eux, il suffirait de signaler celui du triangle rectangle, ultérieurement énoncé par Euclides, un autre ancêtre maçonnique, comme nous l’avons déjà mentionné. En 1570, John Dee, célèbre magicien élisabéthain et remarquable mathématicien, qui jouera un rôle si important dans l’Hermétisme anglais et dans l’européen, publia un fameux prologue aux Éléments de Géométrie d’Euclides. Comme on le sait, les enseignements de Dee furent repris par Robert Fludd, qui édita en 1619 son Utriusque Cosmi Historia, et à travers lui, par voie de conséquence, les futurs intégrants de la maçonnerie spéculative. |
7 |
J. A Ferrer Benimelli, Bibliografía de la Masonería. Fundación Universitaria Española. Madrid 1978, page 112. Ce prêtre jésuite, qui a donné une telle impulsion aux études maçonniques en langue castillane que certains auteurs sur la Maçonnerie, comme J. A. Vaca de Osma (La Masonería y el Poder), en sont venus à se demander s’il n’était pas réellement membre de l’Ordre, n’en a cependant qu’une idée assez sommaire, la prenant pour une société philanthropique et spiritualiste et ne lui accordant aucune catégorie initiatique, terme qu’il n’utilise jamais et dont il semble même ignorer la véritable dimension. |
8 |
La Symbolique au Grade d’Apprenti, La Symbolique au Grade de Compagnon, La Symbolique au grade de Maître, Edimaf, Paris 1986, id., et 1990 ; La Symbolique des Nombres, id. 1984. Nous voulons aussi remarquer ici les livres, amplement connus en espagnol, signés par Magister (Aldo Lavagnini) ; Manuel de l’Apprenti, du Compagnon, du Maître, du Grand Élu, etc. De fait, tous les manuels maçonniques possèdent des mentions arithmético-géométriques. |
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Thomas de Quincey soulignait depuis 1824, dans un journal londonien, la conjonction de la Maçonnerie avec la Rose-Croix comme étant un sujet connu. |
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La généalogie maçonnique est aussi biblique, bien qu’elle se combine également avec l’Égyptienne. Rappelons les relations d’Israël avec l’Égypte à l’époque de Moïse, voire même le symbolisme de l’Égypte dans les évangiles chrétiens. D’après le livre I des Rois, 3-1, il existe une filiation directe entre le Roi Salomon et l’Égypte, puisqu’il était gendre de Pharaon, son voisin. |
11 |
« The few notes on his conexion with Freemasonry which Ashmole has left are landmarks in the sparsely documented history of the craft in the seventeenth century ». C. H. Josten, Elias Ashmole. Ashmolean Museum and Museum of The History of Sciences, Oxford 1985. Ces journaux ont été publiés sous le titre : Elias Ashmole, His Autobiographical and Historical Notes, his Correspondence and other Contemporary Sources relating to his life and Work. Introd. C. H. Josten, 5 vol. Deny, 1967. |
12 |
En accord avec les changements que demandent les cycles et les rythmes, auxquels ne peut être soustraite aucune Tradition ou Organisation, toute Initiatique qu’elle soit, et qui marque les phases et les formes distinctes d’expression de la Cosmogonie Pérenne, et signalent donc également les adaptations historiques à celle-ci. |
13 |
Selon Joffrey de Monmouth, dans l’Histoire des Rois de Bretagne (1135-39), l’une des premières chroniques écrites sur l’histoire d’Angleterre, les insulaires viennent des Troyens qui arrivèrent sur leurs côtes, en passant par la France et en provenance de Grèce, où demeurent les descendants de ceux qui réchappèrent de la célèbre guerre. |
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Quelque chose d’analogue quant à soupçons d’hérésie, de défaut, de fausseté, arrive avec les systèmes ou les religions d’orient. Sauf que ces derniers jouissent en général dans les milieux occidentaux d’un plus grand prestige, même s’ils n’évitent pas toujours le mépris ou la phobie du fait d’être polythéistes, encore un terme qui semblerait une insulte dans la bouche de certains. |
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La croissance de la Maçonnerie est évidente avec la naissance des bourgeois et la culture de la ville, qui a toujours eu besoin de constructeurs pour être effective, ce qui fait qu’il ne soit pas difficile d’en déduire que toute ville plus ou moins importante d’Europe, ainsi que la construction de châteaux, fortifications, couvents et palais, furent réalisées par architectes, maîtres d’œuvre et ouvriers maçons, sans compter menuisiers et ébénistes, vitriers, sculpteurs et peintres, tous initiés aux secrets de leur office. Cela peut aussi être clairement observé à l’époque moderne (et a aussi quelque chose à voir avec le passage du mode opératif au mode spéculatif), en ce qui concerne l’incendie qui détruisit la ville de Londres y compris la Cathédrale Saint Paul, qui dut être complètement reconstruite par des spécialistes dirigés par l’architecte Christopher Wren, maçon haut placé dans la hiérarchie de l’Ordre et de réputation reconnue, qui dut effectuer ce labeur gigantesque dans le moins de temps possible. L’incendie de Londres est un thème fondamental dans l’histoire d’Angleterre et dans la Maçonnerie en général. Sa reconstruction, menée à bien par des maçons, est un symbole cyclique lié à la pérennité de la Science Sacrée qui, se manifestant en tout lieu, s’est exprimée dans une ville aussi magique que l’est la capital anglaise. |
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Medieval Craftsmen, Masons and Sculptors. British Museum, 1991. |
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Cf. Villard de Honnecourt, Cahier, XIIIe siècle. Présenté et commenté par Alain Erlande-Brandenburg, Régine Pernoud, Jean Gimpel, Roland Bechman. Ed. Akal, Madrid 1991. |
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Il est important de faire constater, dès les commencements, la présence de militaires dans toutes les loges. Cela est arrivé à être si vrai que certaines de ces loges étaient exclusivement militaires, aussi bien celles qui s’organisèrent dans les bases que celle qui fonctionnaient sur les navires, que ce soit en haute mer ou dans les ports. |
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Comme on le sait, un courant nombreux de maçons se relie plus spécialement à l’Origine Templière, Écossaise et Jacobite de l’Ordre, ce pour quoi ils exhibent de nombreux témoignages et faits, par ailleurs probables. Cela ne lui fait pas renier l’héritage Pythagoricien, Hermétique et Platonicien, pas plus que celui des corporations de constructeurs, les rosicruciens et l’influence juive représentée par le mythe d’Hiram et la construction du Temple de Salomon. Michael Baigent et Richard Leigh, dans leur ouvrage The Temple and the Lodge (Londres 1989), soutiennent la validité de cette origine qu’ils développent dans leur livre du Moyen Âge au XVIIIe siècle et affirment, page 187 : « Elle [la Maçonnerie] avait ses racines dans des familles et des associations liées par l’ancien serment de fidélité aux Stuart et à la monarchie Stuart. […] Jacques I, un roi écossais qui était maçon lui-même. » Dans l’œuvre de Robert Kirk, The Secret CommonWealth, (La Comunidad Secreta, Siruela, Madrid 1993) écrite en 1692 au sujet de « Les coutumes les plus notables du Peuple d’Écosse », cette érudit historien du plus ancien « folklore » écossais et de la culture celte, note dans le paragraphe « Singularités de l’Écosse » et comme caractéristique de ce royaume : « Le mot maçonnique, dont, bien qu’il y en ait certains qui en fasse mystère, je ne cèlerai pas le peu que je sait. C’est comme une tradition rabbinique, en guise de commentaire au sujet de Jakin et Boaz, les deux colonnes érigées du Temple de Salomon, à laquelle vient s’ajouter quelque signe secret, qui passe de main en main, grâce auquel ils se reconnaissent et se familiarisent entre eux. » |
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Les autres se considèrent, dans le Rite Écossais Ancien et Accepté : « de perfection », « capitulaires », et « administratifs ». |
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Vuillaume, |
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José A. Ferrer Benimelli, la Masonería Española en el siglo XVIII. Siglo XXI de España Editores, Madrid 1986. |
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Les Presses de l’Université Laval, Québec 1978-1982. 2 vol. |
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Et qui est commun au reste de la littérature hermétique, y compris l’Alchimie. |
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Le discours du Corpus est effectivement réitératif et certains axiomes et maximes se répètent sur un ton qui comporte certaine solennité, un « style » pour être identifié parmi d’autres styles, et aussi pour la cadence musicale qu’on lui imprime qui, tout en fixant la mémoire, est un agent « invocateur ».
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Le GRAND ARCHITECTE et les Francs-maçons 3 septembre, 2008
Posté par hiram3330 dans : Bleu,Chaine d'union,Recherches & Reflexions , ajouter un commentaire
Le GRAND ARCHITECTE et les Francs-maçons
Les hommes se plaignent sans cesse, rien ne va, selon eux, le monde est plongé dans le chaos. L’histoire est vite oubliée, les bureaux de pauvreté du dix-huitième siècle correspondent aux bureaux des A N P E du vingtième siècle. Les guerres menées au vingtième siècle n’ont rien à envier à celles des siècles précédents.
Des maçons oublient que la beauté d’un édifice n’apparaît qu’après le retrait des échafaudages qui ont permis sa construction. Alors ils s’aperçoivent qu’ils se sont intéressés à des systèmes contradictoires, des systèmes qui ne sont que les reflets de mentalités illusoires.
Sans cesse resurgit cette manie de vouloir guérir les autres des maladies que nous avons nous-mêmes. Apprendre à se connaître c’est aussi découvrir ses propres limites, ne rien mépriser et tout utiliser pour nos travaux.
Ceux qui dorment ne peuvent qu’être éveillés doucement.
L’homme des ténèbres est un dormeur, affirme l’apôtre Paul dans sa lettre aux Ephésiens 5,14: « Relève-toi, ô toi qui dors, et ressuscite d’entre les morts, et sur toi luira le Christ ».
La religion du devoir est un choix personnel et volontaire. Nos propres faiblesses excusent celles de nos semblables.
La Franc-maçonnerie se prétend héritière d’une tradition. Cette prétention est justifiée. C’est aussi en nous, par nous, que les vérités pourraient être étudiées. Laissons parler l’apprenti de ce qu’il vit, avant de le jeter dans le dédale des traditions.
Ils sont légion ceux qui perturbent l’Homme en marchant dans la voie de la tradition. Ceux-là sont semblables aux rats qui s’introduisent dans les temples, boivent l’huile des lampes et détruisent ainsi la lumière.
Respectons la tradition, et sachons la remettre en questions, non pour la détruire mais pour en découvrir la source.
Le domaine métaphysique est rejeté par l’Homme qui se croit maître de son destin lorsqu’il affirme que seuls entrent en jeu la force de la volonté et l’intellect; rejeté par l’homme qui croit développer des possibilités humaines en n’utilisant que la raison, ou l’expérimentation. En loge, les frères répètent que le Maçon n’est pas ennemi de la foi, qu’il n’admet aucun dogme; la loge oublie que la dogmatique est une science qui permet de créer des rituels.
Une Maçonnerie « afin de mieux rassembler ce qui est épars? » renonce à un être suprême, en faveur d’un gouverneur matérialiste de l’univers appelé GRAND ARCHITECTE DE L’UNIVERS.
Certes le croyant peut voir dans ce GRAND ARCHITECTE DE L’UNIVERS un avatar du Grand Architecte, un délégué, un vieillard barbu ceint d’un tablier qui a délaissé les nuages pour se promener sur les chantiers économico-sociologico-politico Maçonniques.
Certes le physicien peut voir un avatar des dernières théories quantiques, une source où E = M C², une image de l’impondérable photon, ou du chercheur plongé dans les bacs de décantation ou dans les labyrinthes de l’univers.
Entre de telles conceptions et le Grand Architecte, il n’y a que des artifices destinés à satisfaire l’Esprit humain.
Souvent le dogmatisme règne dans les loges, il règne parce que les symboles sont interprétés de façon restrictive, parce que des hommes imposent leur point de vue aux autres: on entend des phrases comme « commence par connaître ton rituel, tu n’as pas besoin de connaître les rituels des autres ».
Le symbole parle à l’individu personnellement.
Fréquemment, les colonnes des loges se laissent envahir par une forme de terrorisme intellectuel qui règne sur les symboles et qui vient de ceux qui ont médité avant nous sur les symboles.
Au lieu de vous aider à voir clair en vous, ces ouvrages vous renvoient sur les bancs d’une classe où, pour être admis au cours supérieur, il faut avoir ingurgité les manuels et savoir par cœur quelques maximes.
Ainsi vous n’êtes plus en possession de la liberté de votre conscience et vous profanez le temple.
Le Maçon apprend à penser par lui-même, la pensée des autres Maçons peut lui révéler quelques aspects du chemin initiatique. Elle n’est pas la lumière, ni même le chemin vers la lumière. Les valeurs découvertes en loge rendent la maçonnerie vivante lorsque l’action menée est coordonnée avec celles des profanes.
Le symbole me parle, dès qu’il ne me parle plus je me tais et j’écoute.
Le danger est grand, dans nos loges comme à l’extérieur, quand pour enserrer l’esprit de l’homme dans le présent, on lui fait rechercher un bonheur dans le futur. Parce que les francs maçons sont des hommes libres, la connaissance chemine par des voies multiples; elle ne dépend plus, à partir d’un certain grade, d’un enseignement et demeure incommunicable.
Si nous souhaitons des temps meilleurs, le présent doit nous convenir; si nous avons soif de justice, acceptons de vivre dans notre temps.
Quelles sont les causes de relations faussées entre l’homme et le Grand Architecte?
La peur d’être puni ou de ne pas être récompensé; la surexcitation physique tenue en échec ou poussée à des paroxysmes non maîtrisés des idées sur le bonheur terrestre ou dans un paradis; la recherche de satisfactions destinées à compenser les besoins profonds de notre véritable nature; une incapacité à gérer les difficultés de la vie; une inaptitude au bonheur; l’acceptation passive d’une idéologie; un besoin de consolation, de soutien, d’appui; la peur de l’apport sexuel.
Nous utilisons le Grand Architecte pour assouvir des fins humaines; notre conception anthropomorphique du Grand Architecte bloque toute relation; les conceptions pseudo-scientifiques créent les mêmes difficultés.
La croyance en la valeur absolue de la science est une croyance; la science est un outil, parmi d’autres outils.
La franc-maçonnerie est-elle une voie d’éveil? 30 août, 2008
Posté par hiram3330 dans : Bleu,Chaine d'union,Recherches & Reflexions , 3 commentairesLa franc-maçonnerie est-elle une voie d’éveil?
«le bouddhisme… ne contient ni n’autorise aucune promesse. Il propose simplement la nécessité fondamentale de travailler avec soi-même. Essentiellement, très simplement, de façon très ordinaire. C’est très sensé. On ne se plaint pas en fin de parcours. C’est très précis comme voyage.»
A la fin du colloque précédent, il me semble qu’une interrogation persistait : si la franc-maçonnerie est une voie spirituelle complète, quels compléments de nombreux maçons peuvent-ils bien aller chercher dans d’autres traditions spirituelles et notamment dans le bouddhisme ?
C’est à cela que j’ai souhaité réfléchir à partir de ce que j’ai expérimenté au sein du R.E.A.A.
Franc-maçon depuis 30 ans, sympathisante bouddhiste depuis une vingtaine d’année, bouddhiste active depuis l’an dernier… Au fil du temps et des lectures, de multiples convergences me sont apparues. Je me sens en terrain connu dans ce que je comprends et découvre en pratique du Dharma alors que la voie concrète que j’ai suivie avec persistance et permanence pendant la moitié de ma vie est celle de la franc-maçonnerie.
En restant dans les limites de ce qui est accessible à tous dans les ouvrages maçonniques (pas de bigoterie maçonnique !), dans un premier temps, je présenterai quelques convergences. Puis je montrerai que la franc-maçonnerie est un chemin méthodologique ouvert sur une certaine qualité de lumière. Enfin, j’indiquerai comment, pour moi, la franc-maçonnerie a eu pour la fonction d’une propédeutique qui s’est, à un endroit précis, branchée sur le Dharma, voie d’éveil.
Une affirmation de Chôgyam Troungpa m’a fourni un point de départ.
Il écrit, dans Mandala, que « le bouddhisme… ne contient ni n’autorise aucune promesse. Il propose simplement la nécessité fondamentale de travailler avec soi-même. Essentiellement, très simplement, de façon très ordinaire. C’est très sensé. On ne se plaint pas en fin de parcours. C’est très précis comme voyage. »
Cela s’applique aussi bien à la franc-maçonnerie qu’au bouddhisme.
La franc-maçonnerie, comme le bouddhisme, ne fait aucune promesse. Les voyages dont il est question, et il est constamment question de voyages en maçonnerie, sont des voyages sur place. Ce qui est offert, c’est un cadre concret de travail sur soi avec pour horizon un symbole, le delta radieux. Ce symbole est suffisamment fort pour entraîner l’adhésion et pour déclencher un élan vers quelque chose d’indéfinissable… quelque chose qui dépasse la condition humaine et qui peut-être la contient en germe.
Les franc-maçons sont, par définition, Fils de la Lumière. Les membres du Sangha, comme tous les humains, ont en eux la nature de Bouddha, terrain d’éveil.
Lumière, éveil… Ces mots, loin d’évoquer un objectif de clarté ultime extérieur à l’humain, terme d’une sorte de quête du Graal par définition impossible à atteindre, ces mots désignent une réalité d’illumination interne, une réalité qu’il convient de dévoiler au moyen d’un travail sur soi.
Tous les francs-maçons gardent claire l’image de la porte du temple qui, lors de l’initiation maçonnique, s’ouvre sur le delta radieux. Cette porte s’ouvre au candidat qui « est dans les ténèbres et cherche la lumière »… Ce symbole concret de la connaissance peut être aussi perçu comme un indice d’éveil désignant la découverte de la réalité ultime, cachée sous l’apparence trompeuse des phénomènes. Lumière, éveil… cela semble très proche.
Certaines convergences m’ont permis de relier, dans mon cheminent, sentier maçonnique et voie du Bouddha. Tout d’abord, et c’est ce que je considère comme fondamental, l’exposé des Quatre Nobles Vérités me paraît une grille applicable à la démarche maçonnique.
Le premier point, c’est la constatation de la souffrance.
Ce qui apparaît d’emblée dans les motivations de la grande majorité des profanes qui frappent à la porte du temple, c’est l’expérience de la nature douloureuse de l’existence. En 30 ans, je n’ai pas rencontré de gens vraiment, totalement heureux, qui fassent cette démarche. Il y a au minimum, dans toute demande, une insatisfaction, un appel à la force quasi mythique de la franc-maçonnerie pour fournir un point d’appui où placer son levier pour être plus efficace. Je ne parle pas, bien sûr, des curieux plus ou moins inconscients qui passent là comme des touristes, ni des arrivistes qui n’auront jamais de maçons que le nom.
On a pu dire que la franc-maçonnerie était un gigantesque hôpital psychiatrique. Cet excès de langage ironique recouvre une réalité dont le sens, loin d’être péjoratif, est au contraire très signifiant. Les personnes qui se préoccupent d’initiation sont souvent celles qui s’approprient avec une intensité inquiétante les questions perturbatrices fondamentales : Qu’est-ce que je fais là ? Qu’est-ce que cette condition humaine ? Quelle est sa destinée ? Pourquoi tant de mal ? Pourquoi la mort ? Que peut-on faire ? N’est-il pas plus efficace de joindre ses efforts à ceux d’autres personnes qui ont les mêmes préoccupations ? etc.
Il me semble que le gens pleinement heureux ne se posent pas de telles questions. Surtout lorsque la soif de trouver une réponse est ardente et tenace. L’urgence vitale que ce questionnement est susceptible de prendre peut paraître pathologique.
Le deuxième point, c’est la situation concrète de rupture avec tout attachement.
Le profane passe par le cabinet de réflexion où il rédige son testament philosophique. Il est dépouillé de son argent et de ses bijoux, ses yeux sont bandés et il se confie entièrement à un inconnu qui le guide. Il va prêter un serment dont il ignore le contenu avant de s’engager. Il sait simplement que d’autres personnes qu’il connaît et apprécie, ont prêté ce serment.
Détaché de tout ce qui est essentiel dans sa vie, c’est symboliquement un homme mort, qui entre dans un espace et un temps désignés comme sacrés. L’évocation de la loi du silence renforce encore cela : il n’aura pas le droit de parler de ce qui se passe en loge, pas le droit de désigner à l’extérieur ses frères et ses soeurs comme franc-maçons, etc.
Cet engagement va lui être considérablement exigeant et, peu à peu, va même changer profondément sa vie, mais il n’aura pas la compensation narcissique de s’en prévaloir dans son entourage. S’il prend au sérieux, par exemple, les titres quelque peu folkloriques et ronflants qu’il recevra, il ne pourra jamais en faire état dans le monde profane…
Le troisième point, c’est l’existence du cheminement initiatique.
La loge n’est pas un refuge et encore moins une tanière où l’on peut venir lécher ses plaies. C’est un lieu fraternel mais impitoyable, un lieu de possible transformation, à condition de se joindre au chantier commun. C’est un lieu actif d’où émerge la prise de conscience progressive de la possibilité de dépasser ce qui est expérimenté comme douloureux.
Le quatrième point, c’est la méthodologie elle-même.
Les moyens de cette méthodologie sont les outils concrets, conceptuels et mythiques, l’importance de l’ici et maintenant et le cadre fraternel.
Je disais au tout début que la franc-maçonnerie est une voie efficace pour la recherche d’une certaine lumière. Cette recherche de lumière est recherche de connaissance, entendue en loge bleue comme développement des possibilités cognitives et acquisition des compétences au métier symbolique de maçon. Cette lumière ne se confond pas, à ce stade, avec l’éveil, tout en ne lui étant pas vraiment étrangère.
Lorsque le bandeau tombe, lorsque la lumière est donnée au néophyte, il est à l’entrée du temple, entre les colonnes et il est convié à contempler le delta radieux qui brille à l’Orient. La voie à parcourir s’étend devant lui. Elle se perd dans ce point de lumière. Dans certaines loges, cette voie est même parfois matérialisée par deux traits lumineux.
Ce Delta est l’emblème de la connaissance humaine d’abord, celle qui résulte du travail. C’est là, le programme réaliste de base. On peut en rester là. On peut ne jamais se préoccuper de spiritualité et être néanmoins un bon maçon. J’ai souvent vérifié que la franc-maçonnerie est le lieu où peut se vivre le souhait de Voltaire : « Que chacun, dans sa voie, cherche en paix la Lumière ! »
Mais il est possible aussi d’approfondir et de voir ce symbole comme une véritable icône qui clame à qui peut l’entendre que l’objectif ultime est spirituel sans que cette spiritualité se confonde forcément avec celle des religions. On peut faire l’hypothèse que ce delta, entre soleil et lune, comme Tchenrézi sur les tangkas, soit le lieu de transformation où peut se faire, selon l’expression de Lama Denys, le passage de la condition de sapiens-sapiens qui nous place au sommet actuel de l’évolution de notre espèce, à la condition de sapiens-sapiens-sapiens qui résulterait d’un changement qualitatif. Là pourrait se produire l’éveil, au sens du Dharma. L’homo sapiens-sapiens-sapiens, Lama
Denys le voit comme celui qui a réalisé le coeur-esprit éveillé, celui qui a l’intelligence de la connaissance.
Dans ce delta radieux, la connaissance cognitive peut se transmuter et devenir spirituelle. Pas de dogme relatif à cette transmutation. Chacun continue à suivre la voie qui est la sienne. Ce changement qualitatif me paraît ouvert à celui qui croit au ciel, à celui qui n’y croit pas comme à celui que le ciel ne concerne pas. Néanmoins, la franc-maçonnerie ne fait aucune suggestion. Elle n’offre pas d’outil méthodologique spécifique pour réaliser cette transmutation. Elle n’interdit pas non plus d’en importer. La solitude règne sur cette partie du chemin initiatique !
Revenons au delta radieux. Recevoir la lumière, c’est y être confronté. Le néophyte retrouve à ce moment l’usage de la vue. La chute du bandeau noir provoque un éblouissement dans le temple brillamment éclairé… Néanmoins, la désignation solennelle du symbole, le geste d’arrêt, de respect et de contemplation qu’on l’invite à effectuer ne le mettent pas en contact avec la révélation fulgurante qui était, peut-être, le contenu implicite de sa demande ! Du coeur de l’émotion spécifique qui l’envahit, le néophyte est rappelé à la réalité. On lui signifie que son action sera concrète : il reçoit un maillet et un ciseau et on l’invite à faire un premier travail opératif sur une pierre brute. . . La voie qui lui désignée est bien celle de l’homo sapiens-sapiens qu’il est déjà certes mais dont il va devoir davantage actualiser et accroître les potentialités par la méthode maçonnique. Ces potentialités sont celles qui caractérisent tout humain, celles de la vie qui l’anime, cette vie qui est une situation tout à fait exceptionnelle. Dans le Dharma, n’est-il pas question de « la précieuse existence humaine libre et qualifiée » ?
Tout le travail en loge bleue, et même après, consiste à faire tomber les nombreux voiles qui obscurcissent la lumière de la vie. Il s’agit donc d’abord d’un travail mental. Le propos est la pleine participation à la qualité de sapiens-sapiens.
La dernière décennie a vu fleurir les méthodes cognitives de développement et/ou de remédiation. La méthode maçonnique s’y apparente, encore faut-il la percevoir comme telle, dans le corpus des rituels et consignes de fonctionnement. La percevoir et la pratiquer… si possible sans mauvaise foi !
Le chantier auquel le néophyte est intégré est donc avant tout un chantier cognitif. Dans un monde où l’on n’apprend plus véritablement à penser de façon juste, où l’on fait n’importe quoi au gré de ses fantasmes sous prétexte de créativité, la première étape de la méthode maçonnique vers la lumière,c’est de former la pensée, de la rendre juste, à l’équerre.
Les hommes et les femmes qui composent la Loge ont beau être des adultes développés intellectuellement, ils n’en sont pas moins aussi bénéficiaires de conditionnements sociaux déformateurs, ces fameux voiles qu’il s’agit de faire tomber. De même qu’au temps de la construction des cathédrales, la première formation portait sur le maniement des outils matériels, le premier objectif des loges bleues utilisant le symbolisme des outils des bâtisseurs est un entraînement précis à l’utilisation juste des outils mentaux.
La loge procure un environnement suffisamment chaleureux pour utiliser l’outil qu’est la déstabilisation. On sait que, sur le plan des apprentissages cognitifs, la déstabilisation est un moyen de progrès par la surprise provoquée et les possibilités de ré-équilibration majorantes qui en découlent. Cela peut advenir à tout moment du rituel ou des planches et déboucher sur des échanges très riches. Les sujets abordés sont divers. En relation avec les symboles maçonniques ou les questions sociales du moment, les thèmes des planches relèvent avant tout des préoccupations de leurs auteurs dont elles sont évidemment la projection. Même lorsque le sujet est imposé, l’équation personnelle du plancheur est toujours largement présente. L’écoute est totale. La loge est sans doute l’un des lieux où l’on n’interrompt pas celui qui parle même si l’on en a bien envie. Que la planche soit ennuyeuse, absconse, ronronnante ou franchement extraordinaire et passionnante, c’est le même accueil silencieux, la même écoute. La situation est celle d’une présence telle qu’elle. Lorsque le sujet n’est pas intéressant, le plancheur l’est toujours. Quant au débat qui suit, si l’on ignore le thème, si l’on n’a rien préparé, c’est trop tard, il n’y a plus possibilité de faire appel à des documents ou à des banques de données. Il ne reste plus qu’à écouter puis à réfléchir le plus logiquement possible si l’on veut apporter sa pierre.
On constate alors souvent que, malgré l’image positive qu’on peut avoir de soi et de son propre savoir, on ne peut avancer. On est littéralement au pied du mur : il s’agit de s’évaluer soi-même à l’équerre, au niveau et au fil à plomb. Et de mieux faire la prochaine fois ! C’est un des intérêts de la loge en tant que groupe durable.
La situation est celle de l’ici-et-maintenant, autrement dit, il s’agit d’être dans la présence. L’écoute, théoriquement favorisée par une posture non avachie sur sa chaise et par la disposition spécifique de la loge, n’est en général pas appuyée sur une prise de notes. « On ne grave pas en loge », disent certains puristes. L’objectif, jamais formulé ouvertement, semble le développement de la mémorisation et de l’attention. Les interventions que chacun fait librement doivent être sobres et correctes, entre l’équerre et le compas, l’équerre désignant l’adéquation de l’intervention au sujet traité et le compas, la latitude d’élargissement liée aux compétences et à l’imaginaire de chacun.
Elles bénéficieront aussi de l’usage du levier, la référence à cet outil soulignant le souci de donner de la rigueur et de la puissance à ce qui est dit. Je ne multiplierai pas les exemples d’application cognitive des outils des bâtisseurs. Normalement, ce va-et-vient est omniprésent et structure les échanges, à condition bien sûr que les anciens maçons chargés de l’acculturation des néophytes, aient fait leur travail. Cette acculturation est d’ailleurs prévue et presque codifiée.
La force de la transmission orale dans l’apprentissage est complétée par la présentation en fin d’exposé d’une synthèse entre le thème de la planche et les interventions. C’est là un travail assez redoutable mais extrêmement formateur pour qui en est chargé. Le résumé de tout cela sera présenté au début des travaux suivants, ce qui a pour effet de renforcer la mémorisation, si l’on est pas passif.
La force et l’unité pédagogique de ce fonctionnement placent le sapiens-sapiens privé de ses béquilles d’enregistrement et de prises de notes en situation d’exercer et d’affûter ses capacités mentales avec le rappel actif des outils omniprésents. A condition, bien sûr, qu’il renonce à se conduire en consommateur passif de spectacles et devienne partie prenante de son évolution, c’est-à-dire qu’il soit dans l’ici-et-maintenant, dans la présence.
On a parfois l’impression, en lisant les titres des travaux en loge, que les francs-maçons sont étranges. Certains sujets de planches peuvent paraître déconnectés, hors du temps, et même surréalistes. J’y vois un indice de sérieux du travail spécifique sur les invariants du fonctionnement de la pensée et des grands thèmes. Cela peut faire penser à ce que Jean-Claude Guillebaud appelle une « micro-société de clercs retranchés, loin du vacarme, soucieux de rigueur, capables de prendre en charge la complexité ». Or, prendre en charge la complexité, c’est, selon Edgard Morin, ce qui protège de la pensée unique, donc de la tyrannie. Les francs-maçons sont des hommes et des femmes libres. Chacun travaille, sans complexe, au niveau qui lui convient. Ni blâme, ni louange, seulement la reconnaissance pour qui fait l’offrande de son travail.
La situation d’ici et maintenant se complète par l’environnement fraternel. Sur le chantier commun, le propos est d’expérimenter qu’autrui est aussi important que soi. Avant de franchir, un jour, l’étape où cet autrui pourra être considéré comme plus important que soi !
Les loges sont des groupes qui, certes, évoluent et se transforment, mais qui ont une durée. Et cette durée est un élément important. Cette durée entraîne une structure institutionnelle et, qu’on le veuille ou non, l’intervention de l’institutionnel dans un groupe, même s’il s’agit d’un cadre visant à faciliter la transmission initiatique, est génératrice d’émotions et de conflits. Des oppositions, des incompréhensions apparaissent notamment lors des promotions dans les hauts-grades et sont souvent l’occasion de réactions émotionnelles très éprouvantes.
Il apparaît alors, bien que cela soit rarement dit de façon explicite, que la méthode maçonnique utilise les conflits pour provoquer le progrès initiatique. J’ai souvent été tentée de penser que les règles traditionnelles de fonctionnement ne sont qu’en apparence anodines et de bon ton. En réalité, elles fournissent un cadre qui potentialise l’agressivité feutrée des échanges. Car les affrontements existent, mêmes s’ils sont verbaux et cadrés par le rituel. Parfois, il y a même souffrance profonde issue des incompréhensions. Mais le statut de groupe durable permet des solutions qui débouchent sur le progrès des individus. On s’est donné beaucoup de coups de maillet sur les doigts mais, finalement, ce qu’on a créé en commun en valait la peine. Là aussi, ceux qui apparaissent un instant comme les ennemis sont nos meilleurs maîtres.
Ce qui caractérise les affrontements en loge, c’est l’apprentissage au fil des années d’une vérité essentielle : ce sont les idées qui doivent s’affronter, jamais les individus. Comprendre cela, le vivre effectivement, est un indice de progrès considérable sur une voie spirituelle humaniste. En réalité, on travaille avec et sur les émotions avec et sur l’agressivité comme énergie du développement cognitif. Agir ainsi revient bien à dégonfler les boursouflures de l’ego qui accordent une importance exagérée à ce qui n’est qu’accessoire. Parfois, du fond de sa colère spontanée et silencieuse, réussir à déceler et à prendre en compte la demande et l’éventuelle souffrance de son frère ou de sa soeur et faire passer cela avant son désir propre, est signe d’avancement sur la voie initiatique. S’ouvrir à l’autre, le considérer comme plus important que soi, c’est souvent travailler correctement ses émotions. Et c’est essentiel dans le cheminement vers la lumière.
La mise en garde contre les effets nocifs de la parole existe dans le Dharma et en franc-maçonnerie. Sur les dix actes négatifs que tout bouddhiste doit s’efforcer de ne pas commettre, quatre sont relatifs à la parole : ce sont les mensonges, les paroles de mésentente, les paroles blessantes et les commérages. Ne pas nuire à autrui par la parole. S’abstenir d’abaisser sa tension ou son angoisse personnelle en colportant des rumeurs et en disant du mal d’autrui sous prétexte d’informer. et je ne m’étendrai pas sur le serment de silence que le maçon prête, main dégantée, c’est-à-dire solennellement, en fin de tenue.
Le maçon qui a passé de nombreuses années en Loge avance vers le delta radieux. Cette progression est balisée par des grades successifs. Peu à peu, il se rapproche de ce symbole qu’il avait aperçu bien loin, à la chute du bandeau, au soir de son initiation.
Lui qui cherche la lumière, depuis le début, il a commencé par expérimenter cette lumière sous forme intellectuelle, fraternelle, morale et éventuellement sociale. Sa spiritualité peut être exclusivement humaniste. Ses efforts, son opiniâtreté, font qu’il est dans la lumière, en latin lumen, et qu’il accroîtra celle-ci jusqu’à la fin de sa vie.
Si je me tourne vers le latin, c’est que cette langue offre deux mots pour signifier la lumière : lumen et lux. Lumen concerne la lumière physique, perceptible, celle du soleil, et, par extension, celle de la connaissance. Lux renvoie à la lumière incréée, à la lumière qui échappe à toute conception, à toute désignation. C’est le « fiat lux » de la tradition judéo-chrétienne et peut-être la « claire lumière » de la tradition bouddhiste. La voie initiatique de la maçonnerie se déroule dans l’espace de lumen. Elle peut s’ouvrir sur lux. Le delta radieux en est bien l’indication essentielle : lorsque la lumière est donnée, on ne sait ce qu’il est. On est fasciné par sa lumière et c’est tout.
Il arrive un moment où on peut le voir comme une sorte de compas. Comme le dit Jean-Pierre Pilorge, les branches du compas s’écartent, le centre reste jusqu’à ce que les lignes aient tellement rempli leur fonction de rayons générateurs du cercle que ce cercle du sacré puisse être tracé puis jusqu’à ce que la notion même de cercle disparaisse dans ce qui est peut-être transformation de lumen en lux.
Cette notion de centration est fondamentale dans tout le symbolisme maçonnique :
*. centration d’abord sur soi par le connais-toi-toi-même, découvert dans le cabinet de réflexion ;
* centration autour de la préoccupation de tailler sa propre pierre brute au coeur du groupe du chantier d’apprentis ;
* centration dans l’espace même de la loge autour du symbole de l’axe du monde ;
* enfin cercle, cette marque fondamentale des hauts grades, depuis le système du 4e jusqu’à la place où, au terme de la voie, il signe le centre ultime de la structure de l’ordre.
On peut considérer toutes ces centrations successives comme des échafaudages qui permettent la construction et devront ensuite disparaître pour faire place à l’oeuvre. Ce sont les éléments d’une propédeutique qui implante des repères solides à partir desquels il sera possible de se décentrer pour ce changement qualitatif qui débouche peut-être sur l’éveil.
Eblouissant à l’arrivée, le delta radieux prend de plus en plus d’importance au fil des années. Et cela d’autant plus qu’on continue à travailler en loge bleue en même temps qu’on suit le chemin dit des hauts grades. Degré après degré, on s’achemine vers toujours plus de lumière, une lumière au-delà du blanc ; la lumière irréelle de l’aube, la lumière d’or du petit matin et, qui sait, la lumière qu’on peut rêver être celle de l’illumination ?
Alors, ce delta radieux devient une fenêtre. La voie maçonnique avec ses outils, ses concepts et ses traditions, a construit cette fenêtre qui ouvre sur la lumière sans forme. Et c’est lorsque cette fenêtre est solidement posée, construite, qu’elle devient icône. L’initié peut la franchir et, par là même, la dissoudre. Le coeur de la bienheureuse prajnaparamita indique qu’il n’est pas de voie, pas de connaissance primordiale… Alors, il n’est pas de fenêtre !
Sur le chemin maçonnique, il arrive un moment où le maçon a terminé sa propédeutique. Il a assuré son organisation mentale, il sait raisonner juste, il a affiné son fonctionnement émotionnel et appris à transformer les conflits en énergie pour un progrès initiatique. A ce moment, il peut souhaiter franchir la fenêtre qu’est le delta radieux. Il peut souhaiter trouver une voie d’éveil !
La propédeutique maçonnique m’a ainsi permls une grande partie du chemin. Ceux qui connaissent la représentation du Rite Ecossais Ancien et Accepté qu’on découvre au 32e, savent que trois oiseaux y marquent un envol (pas de bigoterie maçonnique, je ne dévoile rien : cette représentation se trouve dans le Vuillaume et dans le Bongrand, en vente libre, à tout profane).
Là, je n’ai plus trouvé d’instructions dans le cadre maçonnique… seulement l’obsédante interrogation du symbole … seulement cinq rayons qui convergent vers un cercle vide.
Alors, ce cercle vide ? Le détachement, selon la vision de Maître Eckhart ? Le vide du tao ? La vacuité ? Le cheminement maçonnique peut conduire jusque là. Après ? La voie est libre. Elle dépend de la sensibilité et du cadre de référence de chacun. « Que chacun, dans sa voie, cherche en paix la lumière. »
Lux au-delà de lumen. A ce point, les trois oiseaux, les cinq rayons et le cercle vide m’ont dirigée vers le Dharma. Ce n’est pas une autre voie, ce n’est pas une conversion, c’est la constance de la fidélité. C’est mon expérience. Cela n’exclut aucune autre expérience. La confrontation nous enrichit de nos différences.
La franc-maçonnerie ne m’avait rien promis. Elle m’a beaucoup donné. Elle m’a notamment appris à trouver des ponts entre des univers apparament étrangers et à lancer des arches quand il n’y en avait pas !
Questions-réponses
Un intervenant
La vision cognitive de la franc-maçonnerie qui vise à maîtriser ses pensées me semble opposée et contradictoire avec les traditions spirituelles parmi lesquelles le bouddhisme s’inscrit.
Cela ne laisse pas de place non plus à la tradition symbolique du rite Emulation et aux autres traditions kabbalistes chrétiennes.
Je suis franc-maçon et je m’oppose fortement à cette vision spéculative de la maçonnerie.
Anne-Françoise Rey
Mais tu as le droit, mon frère, c’est ta voie et j’ai la mienne. Pour moi, les outils cognitifs existent et je les ai traduits comme cela. Notre originalité en tant que maçonnes et maçons que nous sommes est que les opinions opposées ne peuvent en rester là, tout le travail sera, peut-être, de nous retrouver, un jour, dans un troisième colloque.
« Votre méconnaissance des autres rites. » Il existe d’autres rites, mais j’ai cherché des ponts entre la franc-maçonnerie et le bouddhisme à partir de mon expérience. Méconnaissance, ignorance, je veux bien, en tant que franc-maçonne et en tant que bouddhiste, je ne me fie pas à ce que l’on me raconte mais j’essaye de tirer partie de ce que j’expérimente, très modestement, peut-être malgré mes affirmations un peu passionnées
Je ne dis pas que ce rite est préférable ou meilleur à un autre. Ce rite consiste à apprendre par cœur, à restituer le rituel par coeur en étant totalement observateur de ce que l’on fait en même temps que l’on est acteur. Il consiste à respecter le geste juste, la parole juste et à invoquer le Grand architecte de l’Univers en permanence.
Et en ce sens, et c’est pour cela que je voulais intervenir, parce que ce rite n’était pas évoqué ici, et nous pourrions en discuter, est très proche d’une voie, sinon bouddhiste du moins orientale, puisqu’elle est fondée sur le karma, c’est à dire l’action juste, le geste juste en action.
La maçonnerie n’est pas qu’une voie spéculative au sens ou tu le disais, ma soeur. Il y a aussi d’autres rites plus opératifs.
Anne-Françoise Rey
Je te répondrai très rapidement que, si nous avions présenté des planches seulement sur le rite Emulation, eh bien, le cadre de référence que j’évoquais aurait été regretté par d’autres intervenants, alors c’est un choix. Je ne peux parler qu’à partir de ce que j’ai expérimenté.
Jean-Pierre Schnetzler
L’intérêt de cette journée est de permettre l’expression de témoignage divers, fondés en plusieurs rites. La spécificité du rite Emulation, resté proche des opératifs, est de contraindre à pratiquer l’art de mémoire et d’habiter le rituel par coeur et par le coeur.
Cette expérience transformatrice peut être étendue à d’autres rites, si les frères et/ou les soeurs de la loge sont bien conscients des motivations de cet effort et de ses résultats.
Un intervenant
La franc-maçonnerie est-elle une voie d’éveil ? La réponse n’est-elle pas dans le rituel du troisième degré ? La connaissance sommeille à l’ombre de l’acacia. Ne faut-il pas la réveiller ? La question est alors : comment ?
Anne-Françoise Rey
Je me posais la même question et c’est pour ça que je considère la franc-maçonnerie comme une propédeutique très avancée pour ce que j’en ai expérimenté. Je n’y ai pas trouvé de méthodologie spécifique avoisinant ce que je crois avoir compris et que le Dharma désigne par éveil.
Lama Denys
Je trouve dommage que l’on mette la parole dans la salle en question fichée. C’est-à-dire empêcher une parole incarnée chez un sujet singulier avec sa tonalité et sa vibration particulière.
Jean-Pierre Schnetzler
Eh bien ! Notre frère vient de nous donner la preuve que cela n’est pas le cas. Nous avons eu droit à son exposé que, personnellement, en tant que membre du rite Emulation, j’ai pu apprécier.
Un intervenant
Ne trouvez-vous pas que l’on parle plus facilement du dogmatisme religieux que du dogmatisme maçonnique ?
Jean-Pierre Schnetzler
Ca, c’est une bonne question, parce qu’il y a un dogmatisme de l’antidogmatisme qui fleurit parfois en franc-maçonnerie. C’est d’ailleurs ce que nous disions au repas, ce midi.
Un intervenant
L’avancée sur la voie initiatique degré par degré permet l’éveil et l’élargissement de la conscience. De ce fait, elle engendre la souffrance, car elle nous met de plus en plus en position d’observateur de nos imperfections et de nos insuffisances. N’est-ce pas contraire à la recherche de la paix intérieure ?
Jean-Pierre Schnetzler
Oui, c’est parfaitement vrai à court terme. La méditation en est un exemple flagrant, surtout quand on pratique celle de la vision pénétrante -vipashyana- qui est justement l’observation seconde après seconde de ce qui est, donc de notre propre stupidité spontanée. Il est vrai que c’est un spectacle affligeant. Si on recherche la paix intérieure tout de suite, on a l’impression de lui tourner le dos. Pourtant, c’est la seule façon d’arriver à nettoyer les écuries d’Augias intérieures afin d’avoir une maison à peu près propre et agréable à habiter. Mais ce n’est pas tout à fait vrai si l’on pratique la concentration, une autre forme de méditation qui fournit immédiatement, de façon temporaire, un état de stabilité, de calme et de paix.
La concentration, c’est la carotte qui fait avancer l’âne porteur des reliques dont nous parlions tout à l’heure. La concentration est agréable. Elle encourage à la pratique méditative, qui est une voie ardue et souvent douloureuse, mais toute voie initiatique est douloureuse. Si vous voulez changer, il faut en payer le prix.
Lama Denys
Je peux ajouter un petit mot. Il y a effectivement la recherche de paix intérieure pour ce qui est de la pratique profonde de la méditation et de la carotte qui fait avancer l’âne qui porte je ne sais quoi. Mais la tentative de produire une paix intérieure ou un calme mental est un gros écueil dans la pratique méditative. Il y a bien, comme le suggérait cette question, une démarche d’ouverture, de désengagement, de désinvestissement dans lequel on est confronté à ce qui est en soi, pensées, émotions, toutes sortes d’événements qui sont susceptibles d’émerger.
Dans la pratique, samatha-vipashyana, consiste en la capacité à vivre cette émergence dans une position d’observateur non engagé, neutre. La politique qui consiste à vouloir faire la paix intérieure est, au mieux, une étape préparatoire, mais trop souvent une voie de garage. C’est comme mettre une chape pour éviter d’être confronté à ce qui est là, alors qu’il est nécessaire que les imprégnations, l’attente dans la psyché, dans la conscience profonde puissent se libérer dans une expression dégagée, en une opération de purification, de catharsis et donc de confrontation à son karma, à son ombre, à ses imprégnations, à tout cela, à sa névrose.
C’est un passage dont on ne peut faire l’économie et il y a quelque chose d’ardent et de pénible dans cette expérience. Je pense aussi qu’il faut souligner le danger qu’il peut y avoir à pratiquer la méditation dans une certaine attitude. Je crois que tout ce qui peut guérir peut aggraver la maladie, la maladie de l’ego, l’égalgie aiguë peut s’aggraver avec des exercices de concentration et de méditation. Ce n’est pas si simple.
La première difficulté, en dehors du fait de rester immobile dans une posture parfois douloureuse pour nous Occidentaux, c’est le lâcher-prise, c’est-à-dire de pratiquer la méditation pour rien, sans intention de profit, sans rien vouloir saisir, rien vouloir fuir, ce qui nous est extrêmement difficile.
Parce que le maître mot de la modernité consommante, le moteur de l’économie triomphante dénoncée par Albert Jacquart, c’est, bien sûr, toujours le mot motivation. On s’intéresse à la méditation parce qu’on se dit : comme cela, je vais avoir une meilleure santé, je vais devenir quelqu’un exceptionnel, devenir un grand maître du bouddhisme zen, du Vajrayana. Il y a là une attitude dont il faut très rapidement se débarrasser. Je crois que cette attitude de non-profit est vraie et juste pour toutes les voies. C’est vrai aussi bien sûr pour les voies maçonniques et c’est vrai très largement pour la pratique de la méditation assise sous toutes ses formes avec ses différentes méthodes avec ses différents moyens. Ramana Maharshi, ce sage décédé en 1950 et qui habitait le sud de l’Inde, avait cette formule terrible : « Il médite, il pense qu’il médite, il est satisfait du fait qu’il médite, mais à quoi cela le mène-t-il si ce n’est qu’à l’épaississement de son ego ? » Donc, danger également à propos de la méditation.
Un intervenant
Le risque de tout rite n’est-il pas de scléroser ? Je prends pour témoin le rappel conditionnant de préceptes, si beaux soient-ils, que certains vont même jusqu’à les rappeler pendant le troisième voyage.
Anne-Françoise Rey
Le risque de tout rite n’est-il pas de scléroser ? Je dirais oui, si pratiquer un rite devient mécanique, si on fait n’importe quoi. Alors, à ce moment-là on se sclérose. Mais à partir du moment où il y a enrichissement du contenu symbolique, où il a référence symbolique, ce n’est pas possible, cela reste vivant.
Un intervenant
La place de la femme en maçonnerie est récente. Au cours de mes quelques lectures sur le bouddhisme, je n’ai guère vu la place de celle-ci. Qu’en est-il ? Comment se situe-t-elle ? Votre intervention me montre qu’elle a sa place.
Anne-Françoise Rey
Maria Deraime a été initiée, il y a un peu plus d’un siècle. Nous la considérons comme la première
femme initiée mais, paraît-il, il y en aurait eu avant. Moi, je le crois, parce que la première loge mixte était Adam et Eve au paradis (rires)… Je ne sais pas qui fut vraiment la première femme initiée mais la femme à sa place en maçonnerie.
Il existe des ordres mixtes, une maçonnerie féminine en pleine expansion. Beaucoup de femmes deviennent franc-maçonnes. Elles sont peut-être très discrètes, trop discrètes, mais enfin, cela, c’est la caractéristique ou peut-être le défaut de la femme !
Notre soeur Jeanine Auger abordera ce sujet demain.
Un intervenant
Quelle place pour le rire et la convivialité dans le chemin maçonnique ?
Anne-Françoise Rey
Alors là, je dirais que, pendant la première décennie où j’y étais, je ne les ai pas trouvés. Ca me paraissait, quelquefois, ennuyeux. Et puis, depuis quelques années, je crois que l’on aime bien rire. Il y a des planches qui touchent quelquefois le comique. Je connais aussi des rituels qui sont, disons, des déformations, des parodies. Il y a aussi tout l’éventail très large des lapsus faits en loge et il y en a. Je peux vous dire qu’une fois, dans la chaîne d’union, au lieu de dire « bien au dessus des soucis de la vie matérielle », j’ai déclaré avec un énorme sérieux « bien au dessus de la vie maternelle ». Je vous assure que, ce jour-là, la loge était pliée en quatre. Il y a beaucoup d’autres occasions de rire. Et il y a aussi les agapes, sans qu’elles soient forcément orgiaques… Il y a aussi les sorties, les balades quand on s’entasse à plusieurs dans une voiture pour aller à l’autre bout de la France pour un colloque, je vous assure que l’on rit bien.
Alors, je crois que le rire et la convivialité ont leur place en maçonnerie, et puis, on ne se prend pas au sérieux en général. . .
On m’informe que la première Grande Maîtresse était la Duchesse de Norfolk. Elle était écossaise et c’était en 1646.
Pour terminer, on me passe un billet où il est écrit en réponse aux guerres de clocher : « On ne voit bien qu’avec le cœur. » Cela me rappelle la phrase d’un soufi, El Halai, qui dit : « J’ai interrogé mon seigneur avec le regard du cœur. Je lui ai demandé : qui es-tu ? Il m’a répondu : toi. »
Alain Lorand
On ne voit bien donc qu’avec le cœur, comme disait Saint-Exupéry, on retombe sur les concordances.
On n’a pas pu répondre à toutes les questions, mais aux principales. Lama Denys va donc aborder
maintenant ce qu’est l’éveil. Lourde question…
Octobre 1997
Anne-Françoise Rey
Extrait de : http://www.buddhaline.net
La Maçonnerie de Prince Hall aux Etats Unis. 19 juillet, 2008
Posté par hiram3330 dans : Bleu,Chaine d'union,Recherches & Reflexions , 5 commentairesLa Maçonnerie de Prince Hall aux Etats Unis.
Problèmes et perspectives.
Roger Dachez 1992
Préambule: Cet article, écrit en 1992, fait état de la situation des Loges de Prince Hall jusqu’à cette date. Les choses ont sensiblement évolué depuis, notamment en ce qui concerne la « reconnaissance » des Loges de Prince Hall par les Grandes Loges blanches anglo-saxonnes. Dans la plupart des états Américains, une « inter-reconnaissnce » mutuelle Grande Loge « blanche » / Grande Loge Prince Hall « noire » est désormais établie. Certaines Grande Loges « blanches » des états du sud continuent malgré tout à refuser de « reconnaître » les Grande Loges de Prince Hall « noires ». La Grande Loge Unie d’Angleterre, après une période de flottement, a suivi le mouvement en reconnaissant à son tour les Grandes Loges de Prince Hall au fur et à mesure ou elles en faisaient la demande. La Grande Loge Unie d’Angleterre a donc été obligée de contrevenir à sa règle « d’une seule Grand Loge par état ». Un événement pour le moins intéressant qui souligne à nouveau, de facto, qu’une Grande Loge peut être « régulière » sans être « reconnue » …
1) Présentation générale.
Il existe aux Etats-Unis une maçonnerie extrêmement développée qui s’appelle « Prince Hall Masonry ». C’est une maçonnerie qui ne reçoit que des noirs, par opposition à ce qu’il est convenu d’appeler « les G.L. caucasiennes » c’est à dire les G.L. blanches. Depuis les origines aux Etats-Unis, et sauf exception, les noirs et les blancs sont reçus dans des loges séparées. (* Les choses sont souvent plus complexes qu’il n’y paraît: la G.L. d’Afrique du Sud reçoit depuis de très nombreuses années les noirs à égalité avec les blancs bien que l’on y trouve depuis toujours l’ »establishment » politique du pays).
Ces grandes Loges de Prince Hall sont organisées de la même façon que la maçonnerie blanche. Il y des G.L. dans chaque état, des organisations pour l’Arc Royal, pour le rite d’York, les Knights Templars. Il y a aussi des organisations para-maçonniques comme les « Shrines ». C’est vraiment un décalque parfait de la maçonnerie blanche et il n’y a aucune divergence de caractère doctrinal ou idéologique entre les deux. Ce sont deux maçonneries côte à côte.
Cela crée un certain nombre de problèmes. On peut porter contre les G.L. américaines l’accusation de racisme. Sans être totalement dépourvue de fondements, nous allons voir que la séparation de ces deux maçonneries a aussi d’autres causes. C’est ainsi que la G.L.U.A. (qui se présente comme puissance régulatrice de la tradition maçonnique mondiale ou plus exactement de la régularité, ce qui est différent) ne reconnaît pas les G.L. de Prince Hall pour une raison totalement distincte de toute considération raciale. Du reste, dans toutes les loges qui dépendent de la G.L.U.A., aucun critère racial n’est jamais opposé à qui que ce soit.
Mais si ce refus de reconnaissance a des fondements historiques, il a aussi des répercussions actuelles et cela pose finalement un problème fondamental relatif à la tradition maçonnique.
2) Histoire de Prince HALL.
Elle commence à Boston en 1767. Boston est une ville importante dans l’histoire américaine puisque c’est là qu’a eu lieu la fameuse « Tea Party » (* En 1773, pour aider la Compagnie des Indes orientales, le gouvernement anglais avantagea le thé qu’elle vendait. Contre cette concurrence déloyale, la Nouvelle-Angleterre s’unit aux autres grands ports. A Boston, un groupe déguisé en Indiens se glissa la nuit sur les bateaux chargés de thé et jetèrent à la mer la précieuse cargaison. La réaction de Londres fut très violente). La « Tea Party » a été un des moments essentiels de la rébellion et de l’indépendance américaine. Boston rassemblait 15000 habitants, ce qui était beaucoup pour l’époque, dont 750 noirs. Il y avait des loges maçonniques. C’est en 1733 qu’avait été fondée la première loge américaine à Boston et la maçonnerie y prospérait. En 1772, on avait créé une G.L. provinciale de Boston dans le futur Massachusetts. Elle dépendait de la G.L. des Modernes. Il y avait déjà des organismes de l’Arc Royal, des Knights Templar qui fonctionnaient.
C’est dans ce contexte qu’apparaît Prince Hall, énigmatique personnage fondateur de la maçonnerie noire aux Etats-Unis. On ne sait pas exactement quand et où il est né. La légende que ses proches ont propagée dit qu’il serait né en 1735 ou en 1738 ou en 1748 à Bridgetown
3) La maçonnerie de Prince Hall.
Indépendamment des questions purement sociales, il n’y avait pas à cette époque de noirs dans les loges américaines parce que l’une des prescriptions fondamentales de la maçonnerie pour y entrer est qu’il faut être né libre. La grande majorité des noirs étaient des esclaves mais même les affranchis avaient des difficultés à être admis. Il finit cependant par y avoir quelques exceptions.
La légende voudrait que Prince Hall et 14 autres noirs aient été initiés en mars 1775 par une loge militaire britannique, peut-être irlandaise, qui stationnait près de Boston. C’était le début de la Guerre d’Indépendance. Il y avait des régiments britanniques et des loges militaires qui, là comme ailleurs, étaient un puissant moyen de répandre la maçonnerie. Prince Hall et ses compagnons auraient été reçus aux 3 grades de 1775 à 1778. On ne sait si le V.M. agissait régulièrement avec une autorisation de sa loge ou de son propre chef et on ne connaît pas non plus les circonstances exactes de ces réceptions. Toujours est-il que dès septembre 1778, les maçons de race noire de Boston se constituent en une loge appelée « African Lodge n°1″ qui était indépendante de l’autorité de la G.L. provinciale du Massachusetts.
En septembre 1783 le traité de Versailles reconnaît officiellement l’indépendance des Etats-Unis. A l’indépendance politique va correspondre l’indépendance maçonnique. Jusque là les loges américaines dépendaient soit de la G.L. des Anciens soit des Modernes c’est à dire de l’Angleterre. Bien que ce soit maintenant des G.L. indépendantes qui se constituent, la G.L. des Anciens va continuer pendant quelques années à créer des loges aux Etats-Unis.
En juin 1784, Prince Hall et ses amis adressent à Londres une demande de patente à la G.L. des Modernes qui répond favorablement en leur décernant une patente officielle et le numéro 459 sur leur registre. Pour des raisons inconnues, les droits afférant à cette patente n’ont été acquittés à Londres qu’en 1787 et c’est en avril 1787 que la patente a été reçue à Boston et que l’ »African lodge n°459″ a été officiellement installée.
En 1791, mais cette date a été allèguée beaucoup plus tard, l’ »African lodge » aurait pris son indépendance en constituant une prétendue G.L. des maçons noirs indépendants. Aucun document ne confirme cette affirmation. On touche ici un point essentiel: on ne connaît actuellement aucune minute, aucun procès-verbal de l’ »African Lodge » de 1787 à 1807, date de la mort de Prince Hall.
4) Position de la maçonnerie de Prince Hall.
En 1792 se produit un événement très important dans le Massachusetts. Les loges américaines dépendantes des deux grandes loges rivales anglaises font leur unité considérant que les querelles anglaises ne les concernaient pas. (* l’unité maçonnique anglaise ne date que de 1813).
C’est alors que le drame se noue. En effet, la G.L. des Modernes avait pour habitude, tout au long du XVIIIème siècle de renuméroter régulièrement ces loges. Au fil du temps des loges cessaient leurs activités. On éliminait alors toutes celles qui n’existaient plus et on remontait les numéros. Les loges changeaient ainsi de numéro. En 1792, la G.L. des Modernes procède à un renumérotage et l’ »African lodge n°459″ devient n°370. Mais bien que figurant toujours sur le registre de la G.L. des Modernes, il faut supposer que les relations avec Londres étaient interrompues puisque les FF. de l’ »African Lodge » n’en ont apparemment jamais rien su. En 1807 ils se qualifiaient encore d’ « African Lodge n°459″. Le problème se pose une dernière fois lors de l’union de 1813 où l’on procède à un renumérotage définitif. On en profite pour se délester des loges qui ne donnaient plus de leurs nouvelles. A cette époque, il y avait 641 loges sur le registre des Modernes et 359 sur celui des Anciens (en tout 1000). On n’en a conservé que 636 (385 pour les Modernes et 251 pour les Anciens). Ainsi ce sont 400 loges environ qui ont été éliminées et parmi celles-ci, l’ »African Lodge »: non seulement elle n’avait plus de relations directes avec Londres (bien qu’elle devait probablement continuer d’exister) mais surtout elle n’avait plus payé de droits depuis 1797! C’est ainsi que l’ »African Lodge n°370″ n’a pas figuré dans le registre de la G.L.U.A. en 1813. Et c’est pour cette seule raison que depuis lors les Anglais se refusent à reconnaître la maçonnerie de Prince Hall, arguant qu’elle n’était plus régulièrement en activité en 1813.
Or en 1827, les maçons de Prince Hall se réveillent et adressent une nouvelle demande de patente à Londres en leur rappelant qu’ils avaient déjà été constitués par eux en 1787 et en leur expliquant leurs difficultés depuis lors. Mais les Anglais ont répondu que c’était impossible, que depuis 1792 il existe dans le Massachusetts une G.L. d’état, que cette G.L. est reconnue par eux-mêmes et que par conséquent ils ne peuvent pas reconnaître une autre puissance maçonnique en vertu du principe de juridiction territoriale exclusive. C’est un des grands principes sur lequel la maçonnerie anglaise fonde aujourd’hui encore toute sa politique internationale, jusqu’à devenir un des critères de ce que l’on appelle la régularité d’une obédience.
5) Le principe de Juridiction territoriale exclusive.
En réalité, ce principe, qui permet aux Anglais de se libérer d’un problème délicat en ayant une raison administrative parfaitement honorable, et de repousser ainsi toute accusation de racisme, n’a jamais existé en Angleterre. C’est une invention américaine.
Rappelons d’abord que les Etats-Unis, reconnus officiellement en 1783, ne sont pas un état unitaire mais une fédération d’états autonomes. L’organisation de la maçonnerie américaine s’est calquée sur l’organisation politique du pays. C’est dire qu’il n’y a pas de G.L. américaine mais une G.L. par état (* d’autant que les états se sont agrégés successivement).
En 1783, une G.L. avait été instituée dans l’état de New-York à partir de loges issues des Modernes. Or cette G.L. connut très vite des difficultés, parce qu’à la différence de ce qui se passait dans le Massachusetts, les relations avec les Anciens étaient très mauvaises. Pour essayer d’asseoir son autorité d’abord vis-à-vis des Anciens puis sur l’ensemble de l’état de New-York dont les frontières n’étaient pas encore bien établies, la G.L. a édicté un texte proclamant qu’ « aucune loge ne pourra exister dans cet état si ce n’est sous la juridiction de la G.L. » C’est le principe de la Juridiction territoriale exclusive.
Ainsi, édicté en 1787 pour régler un problème particulier, ce principe jugé commode et pratique a été repris par les autres G.L. d’états américains puisqu’il leur permettait de délimiter leur domaine d’action et de se protéger des G.L. des états voisins et il s’est progressivement répandu dans les dernières années du XVIIIème siècle aux Etats-Unis.
6) Principe de reconnaissance des G.L.
A cette époque, il n’ avait jamais été question de ce principe en Angleterre. D’ailleurs il y a eu jusqu’à 6 G.L. au XVIIIème siècle dont les deux principales s’entre-déchiraient! Pourtant lorsque la G.L.U.A. se constitue en 1813 et qu’il lui a fallu définir ces relations avec les autres obédiences, elle a pris conscience de tout l’intérêt pratique du principe de juridiction territoriale exclusive et elle a fini par l’adopter comme une loi maçonnique. Mais du point de vue traditionnel et même historique ceci est totalement indéfendable. Progressivement, la G.L.U.A. s’est donc mise à appliquer ce principe pour ne reconnaître dans chaque pays qu’un seule obédience. Et c’est en 1929 seulement qu’elle l’a officiellement intégré dans une déclaration intitulée: « Principes de reconnaissance des G.L. » Bien qu’elle l’appliquât depuis de nombreuses années, cela représentait tout de même une sorte de pétrification, de rigidité, de raideur qui est finalement à l’origine de grands malheurs en substituant à la notion de régularité traditionnelle et initiatique la notion de régularité administrative et territoriale, alors que ce sont évidemment deux problèmes complètement distincts.
7) Actualité du problème.
Aujourd’hui, l’Angleterre est victime de sa propre rigueur. La G.L.U.A avait adopté une attitude tout à fait différente à l’égard de la France au XIXème siècle. De 1877 à 1913, lorsqu’ un maçon français voulait visiter une loge en Angleterre, il n’était pas rejeté sous prétexte qu’il appartenait au G.O.D.F., au Suprême Conseil ou à la G.L.D.F. On lui demandait simplement des preuves de régularité personnelle, c’est à dire qu’on lui exposait les principes sur lesquels repose la Franc-Maçonnerie anglaise et on lui demandait d’affirmer solennellement et librement qu’il y adhérait. En cas de réponse positive on le laissait entrer. Ce n’est qu’à partir de 1913, lorsque la G.L.U.A a reconnu la Grande Loge Indépendante et Régulière pour la France et les colonies Françaises (la future G.L.N.F.) que, prise à son propre piège, elle s’est interdite d’avoir des relations avec les autres obédiences en France comme dans d’autres pays.
En Suisse, quand la G.L. Alpina a décidé officiellement de régler sa politique comme elle l’entendait avec les autres obédiences, la G.L.U.A. a essayé de retirer sa reconnaissance mais comme cela posait beaucoup de problèmes (Genève est une place financière importante pour la cité de Londres…) on a redonné rapidement la reconnaissance sans qu’Alpina ait modifié en quoi que ce soit ses positions.
Plus récemment, une affaire du même genre s’est produite en Allemagne; son règlement semble avoir été plus favorable aux Anglais.
Mais c’est surtout depuis quelques mois que la situation relative à la question de Prince Hall évolue considérablement aux Etats-Unis . En effet, un très grand nombre de maçons américains contestent absolument la position de la G.L.U.A. Dans la revue d’érudition maçonnique américaine » Les Philalèthes » en août 1991, le F. Allan Roberts écrit:
» C’est le moment d’être soucieux. Aujourd’hui sept Grandes Loges: Connecticut, Wisconsin, Washington, Nebraska, Colorado, North Dakota et Minnesota, ont reconnu la Maçonnerie de Prince Hall comme une égale. Chacun poursuit son existence de son côté, mais est libre de se rencontrer et de travailler avec l’autre. Alors pourquoi être soucieux? La Grande Loge Unie d’Angleterre interdit à ses membres de visiter les Loges des Grandes Loges qui ont reconnu la Maçonnerie de Prince Hall. Les menaces ne serviront de rien. Elles ne seront jamais prises en considération. Il faut que les idéaux et les principes de la Franc-Maçonnerie nous rapprochent. Même si cela doit mettre longtemps à se réaliser. »
Sous la plume d’un maçon américain autorisé et respecté, ce sont des propos véritablement révolutionnaires. En octobre 1991 dans la même revue il revient sur ce sujet:
« Le samedi 8 juin 1991, presque un siècle après qu’il ait persuadé sa Grande Loge de reconnaître la Maçonnerie de Prince Hall, une stèle funéraire, ornée de symboles maçonniques, a été placée sur la tombe de William Upton. Plus de 400 maçons, noirs et blancs, étaient présents au cimetière Montainview à Walla Walla, Washington, pour cette circonstance historique. Ils rendaient hommage à la volonté de William Upton sur son lit de mort. En 1898, il avait convaincu la grande Loge de Washington de reconnaître la régularité de la Maçonnerie de Prince Hall. L’année suivante, sa Grande Loge revint sur sa décision pour calmer l’indignation qui s’était élevée dans tout le pays. Upton demanda qu’aucune stèle ne soit placée sur sa tombe tant que ses Frères, de quelque couleur qu’ils soient, ne pourraient marcher côte à côte.
En 1990, la Grande Loge de Washington et la Grande Loge de Prince Hall conclurent un accord de reconnaissance fraternelle. De cette « Demeure qui n’a pas été faite de mains humaines », Upton dut sourire de plaisir. Comme le dit la Sainte Bible, « qu’il est bon et agréable pour des frères de vivre ensemble dans l’union ».
Mais les choses vont encore plus loin.
Dans une lettre au Grand Secrétaire de la Grande Loge Unie d’Angleterre, Kenneth W. Aldridge, Grand Secrétaire de la Grande Loge du Québec, met en cause la sagesse de la décision de la G.L.U.A interdisant à ses membres de visiter les Grandes Loges qui reconnaissent la Maçonnerie de Prince Hall comme régulière. Il souligne:
« Il n’y aucune règle unique de reconnaissance maçonnique dans le monde et même il n’y a pas une seule Grande Loge en Amérique du Nord dont on puisse dire qu’elle reconnaît toutes les Grandes Loges reconnues par une autre Grande Loge et avec laquelle elle est en relation fraternelle.
Pour être correct, votre comité aurait dû étendre sa décision à toutes les Grandes Loges d’Amérique du Nord parce que toutes reconnaissent beaucoup de Grandes Loges qui ne sont pas reconnues par la Grande Loge Unie d’Angleterre.
Cette décision de la G.L.U.A ne peut invoquer le partage d’un territoire parce que votre Grande Loge a des Loges en beaucoup de parties du monde où existe déjà une puissance maçonnique reconnue. Le Québec est l’un de ses territoires.
De toutes façons la notion de territorialité exclusive est une doctrine américaine qui ne devrait avoir aucune influence sur une décision de la G.L.U.A. »
Aldridge termine sa lettre, qui a été envoyée à toutes les Grandes Loges canadiennes, et à un certain nombre d’autres, par cette vérité qui devrait demeurer sous les yeux de tous les gens qui essaient de penser correctement:
« Les Maçons doivent faire ce qui est juste parce que cela est juste et ne pas se laisser influencer par ceux qui ont de moins nobles programmes. »
En octobre 1991, Kenneth W. Aldridge n’avait encore reçu aucune réponse de la Grande Loge Unie d’Angleterre.
(Cf R.T . n°87-88 « A propos de la Maçonnerie de Prince Hall » par René Désaguliers)
Conclusion.
C’est en arguant du principe de juridiction territoriale exclusive que la G.L.U.A refuse de reconnaître la Maçonnerie de Prince Hall. Ce principe, d’origine américaine, a été étendu à l’ensemble des puissances maçonniques mondiales mais par un curieux retour des choses il est aujourd’hui contesté à l’endroit même où il a pris naissance. La G.L.U.A, de son côté, est prise à son propre piège car elle est amenée parfois à entretenir des relations avec des obédiences avec lesquelles elle n’est guère en sympathie.
Aujourd’hui les Maçons américains et d’autres en Europe notamment, pensent qu’il faut substituer à la notion de reconnaissance territoriale et administrative la notion de régularité traditionnelle et initiatique, c’est à dire limiter le problème de la reconnaissance à des questions purement maçonniques. Autrement dit ces Maçons ne voient pas pourquoi il n’y aurait pas plusieurs organisations maçonniques régulières et reconnues dans un certain nombre de pays.
Il faut remarquer que, jusqu’à un passé récent, ce problème de la régularité était totalement bloqué et qu’il y a donc là de la part des Maçons américains, et même s’ils ont de très bonne relations avec Londres, une volonté de régler un passé historique difficile en posant un problème traditionnel fondamental.
9) Discussion.
- Est-ce que la Maçonnerie américaine a des contacts avec les obédiences maçonniques qui ne dépendent pas de Londres?
- Le V.M.: Les Américains ont de bonnes relations avec les Anglais mais ils ont toujours voulu entretenir aussi de bonnes relations avec des Maçonneries continentales dites non reconnues en particulier la G.L.D.F. et d’autres obédiences européennes. Cela provoque à chaque fois des remous en Angleterre, ce dont les Américains ne se sont guère émus. Il ne faut pas oublier que les Américains se veulent indépendants vis-à-vis des Anglais et qu’ils souhaitent entretenir des relations avec des Maçonneries sérieuses c’est à dire des Maçonneries qui partagent leurs conceptions sans tenir compte de l’étiquette administrative. L’affaire de Prince Hall montre qu’ils peuvent s’affranchir de l’autorisation anglaise. On peut même se demander si cette affaire n’aurait pas été réglée depuis longtemps par les Américains si l’Angleterre ne s’y était opposée de tout son poids.
- Charles J.: Certaines Grandes Loges d’Etat américaines, toutes reconnues par Londres, entretiennent des relations directes avec des Grandes Loges d’Amérique du Sud non reconnues. C’est le cas au Brésil notamment.
La Grande Loge de France, qui a des relations au sein de la conférence maçonnique inter-américaine, constate que les G.L. des états américains établissent leurs relations maçonniques comme elles l’entendent et Londres a de plus en plus de difficultés à faire admettre sa volonté.
Au Canada la situation est un peu différente. L’influence anglaise semble s’établir plus fermement au niveau des hiérarchies. Notre F. l’a constaté lui même à l’occasion de visites qu’il a pu faire ou ne pas faire en fonction des situations locales.
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William Preston
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