Aujourd’hui une chronique sur » Les quatre Eléments traditionnels : Terre, Eau, Air, Feu, dans l’Initiation maçonnique et l’Alchimie.«
Les quatre Eléments traditionnels : Terre, Eau, Air, Feu, dans l’Initiation maçonnique et l’Alchimie.
Les quatre Eléments, Terre, Eau, Air, Feu, sont les « milieux » naturels à travers lesquels passent les Maçons dès leur Initiation, des symboles qu’ils ne cessent de re-découvrir au fil des « âges » et des Degrés quand ils « travaillent » à se re-reconnaître eux-mêmes et à s’aimer. « L’homme est l’abrégé de toute la Nature, il doit apprendre à se connaître comme le précis et le raccourci d’icelle. Par sa partie spirituelle il participe à toutes les créatures immortelles, et par sa partie matérielle, à tout ce qui est caduque dans l’Univers. » (Dom Pernety, Les Fables Egyptiennes et Grecques, 1758) Les hommes et les femmes initiés aux « mystères » de la Franc-Maçonnerie révèlent en eux-mêmes cette Nature avec l’aide et l’affection de leurs Frères et Sœurs, et « initient » un lent cheminement les conduisant au centre de leur propre labyrinthe, en un point où doivent se conjuguer harmonieusement et se féconder leurs deux natures matérielle et spirituelle.
Sur ce chemin, les quatre Eléments sont les premiers symboles et archétypes vécus de l’intérieur par les Maçons, d’abord sous la forme des chocs émotionnels et affectifs déclenchés par l’Initiation, puis en s’« attachant » par des « planches » et des « colonnes » à « remettre vingt fois sur le métier » (Boileau) leur étude et leur connaissance, cette re-connaissance conduisant à la re-naissance du « connaissant » par des « intégrations » réitérées de connaissances « en » conscience. « Ceux qui ne se rendent pas compte de la tonalité affective particulière de l’archétype ne se retrouveront qu’avec un amas de concepts mythologiques, que l’on peut sans doute assembler de façon à montrer que tout a un sens, mais aussi que rien n’en a. Les cadavres sont tous chimiquement identiques, mais les individus vivants ne le sont pas. Les archétypes ne se mettent à vivre que lorsqu’on s’efforce patiemment de découvrir pourquoi et comment ils ont un sens pour tel individu vivant. » (C.G. Jung, L’homme et ses symboles) C’est là tout le sens de l’étude des symboles et rituels maçonniques depuis le premier degré du Rite.
L’Initiation est ainsi une science du vivant, l’art de réveiller des consciences amnésiques « occultant » leur raison d’être, et dans la langue maçonnique et alchimique l’art de rendre vivants les métaux morts, ces « métaux » que les Maçons laissent au moins en partie à la porte du Temple et qu’ils travaillent patiemment à transformer à mesure qu’ils se perfectionnent eux-mêmes. Ils reçoivent la « lumière » du sens des symboles-archétypes qui leur sont transmis lors des Initiations, et travaillent dès lors à laisser ces symboles « lumineux » atteindre et réveiller les archétypes correspondants endormis en eux.
Alors ces symboles s’expriment « en » force et « en » puissance et tendent à « dé-teindre » sur l’initié(e) qui les libère et se libère lui(elle)-même de ses « ombres », à « teindre » ses pensées jusqu’à « révolutionner » l’être pensant dans ses idées et convictions les plus profondes. Les alchimistes ont l’art d’illustrer ces opérations de « teinture » par des scènes de la vie ordinaire qui n’attirent que le regard des « cherchants » et des « initiés » à leur langage. « Dé-teindre » peut se traduire par « laver » les vêtements et les idées des initiés (les « laveures alchimiques ») pour en extraire les teintures essentielles et parvenir à leur blancheur à la fin du deuxième Œuvre. Et la symbolique des couleurs fondamentales de l’Œuvre renvoie aux Eléments : la Terre noire, le Feu rouge, l’Air bleu, l’Eau en sa nature de « feu aqueux » ou d’ « eau ignée » croisant les couleurs verte et rouge.
Mais surtout ces symboles-archétypes s’animent d’une vie propre et illustrent les pensées et les sentiments des initiés qui s’en « nourrissent » spirituellement pour en absorber les vertus, espérant un jour en goûter la quinte-essence, un cinquième élément, l’Ether, plus subtil que les quatre premiers. Les alchimistes se désignaient souvent eux-mêmes comme des « abstracteurs de quintessence ». Rabelais a ainsi publié Gargantua sous le même pseudonyme que Pantagruel : Alcofribas Nasier, anagramme de François Rabelais : « Abstracteur de Quintessence ». Il appartient à chaque Maçon et Maçonne de trouver les mots et les idées justes « inspirés » par ces symboles essences-ciels, de « nature » à en « révéler » et « fixer » le sens en eux-mêmes, chacun(e) trouvant comme le poète l’inspiration pour en exalter les sens « en » secret.
L’Orient et l’Occident lancent des ponts vers le ciel,
Au point où dans les nues convergent leurs rayons,
Roues cosmique et terrestre autour de l’essentiel :
L’amour de la Sagesse, mère des Traditions.
Fils tendus d’absolu des exigences ultimes
Au-delà d’horizons pétris d’humanité,
Nourriture d’êtres avides du sublime des cimes,
Leurs sens élèvent en cœur les Frères en vérité.
Zéphir souffle au zénith sur leurs esprits à vif
Le chaud et le froid sec, Air glacial et brûlant
Suscitant des courants ascendants et actifs
De pensées dans l’esprit des quatre Eléments.
Les mots et leurs racines goûtent jusqu’au Nadir
Une langue universelle nourrie de ses terreaux,
La Terre et ses silences où vibrent les désirs
Les plus profonds des hommes en quête de héros.
Ses paroles coulent à flots, mêlent à contre-courant
Des appels qui dérangent sans mettre le chaos
Aux tourbillons des ondes aspirant au néant ;
L’Eau porte dans ses gouttes l’unité du zéro.
Un Feu pousse à la roue l’axe des destinées,
Distille des idées qui travaillent et s’affinent,
Parlent juste et s’entendent pour être devinées
Dès que l’âme s’enivre, chante sa vie divine.
Un Cinquième Elément en est l’émanation,
La mémoire liminaire délivrant les errants
Du socle imaginaire, vide en recréation,
Quintessence de l’Ether, immobile mouvement.
Les rituels des Degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepté foisonnent de ces symboles-archétypes alchimiques. Le livre « Francs-Maçons Alchimistes » de l’auteur de cette chronique, qui paraît dans quelques jours (Editeur LiberFaber http://liberfaber.com/fr/accueil.html) re-lie précisément la Franc-Maçonnerie et l’Alchimie par la « mise en regard » des rituels maçonniques du Rite Ecossais Ancien et Accepté, tels qu’ils furent rédigés à l’origine au XVIIIème siècle, et les traités anciens des alchimistes, afin de « projeter » (terme alchimique) les Maçons et Maçonnes dans chacune des phases de l’Œuvre grâce à l’étude des rituels, et inversement de faire redécouvrir le sens des rituels à travers ce prisme alchimique. Sa centaine de figures illustrant le texte et son lexique de mille mots animent de l’intérieur ces symboles, et tend à transformer leur « vision » statique en deux dimensions en « visualisation » dynamique en conscience, jusqu’à les « voir » en trois dimensions s’animer et « illustrer » le perfectionnement et l’accomplissement spirituel de chaque Maçon et Maçonne sur le chemin de l’Initiation.
Faites « signe » comme on « fait symbole » à mon Editeur LiberFaber à l’adresse http://liberfaber.com/fr/accueil.html pour dès maintenant effectuer vos réservations et commandes !
Patrick Carré
Patrick Carré, né le 14 janvier 1953, est poète, philosophe, et Franc-Maçon français. Son œuvre littéraire et artistique comprend un nombre considérable de poèmes et de textes philosophiques principalement sur l’Initiation Traditionnelle à la vie spirituelle.
Initié à 23 ans à la Grande Loge de France, il est membre de la Juridiction du Suprême Conseil de France, de Rite Ecossais Ancien et Accepté.
Diplômé de Philosophie (Faculté de Rennes), de Gestion (IGR et Enass), d’Arts Plastiques (Institut Van der Kelen-Logelain à Bruxelles et CAP de potier tourneur).
Son site internet « Patrick Carré Poésie » http://www.patrick-carre-poesie.net/ de 1000 pages, premier site de langue française d’études et de poèmes d’un Franc-Maçon avec plus de 800.000 visiteurs, concentre ses travaux et recherches sur l’Initiation Maçonnique, en particulier tous les degrés du Rite Ecossais Ancien et Accepté (REAA), symbolisant l’Œuvre alchimique de perfectionnement et de transformation intérieure des Maçons.
Le rituel, c’est d’abord un livre qui contient les rites et puis c’est devenu un synonyme du rite, de sorte qu’aujourd’hui les mots s’interchangent.
Les francs-maçonnes et les francs-maçons lorsqu’ils se réunissent utilisent un des rituels maçonniques existant. C’est grâce à lui, quand il joue pleinement son rôle, que les participants conservent généralement en souvenir une forte émotion de ce qui s’est passé lors d’une tenue.
Cette manière de faire n’est pourtant pas spécifique à la franc-maçonnerie.
Depuis l’antiquité, les êtres humains utilisent des rituels.
Les rituels sont utilisés soit dans le cadre de réunions soit de façon personnelle.
Tous les modes de réunion peuvent être concernés ; on décrit par exemple des rituels funéraires pour les enterrements, des rituels d’exorcisme ou des rituels d’initiation ; c’est ainsi qu’il y a des milliers de rituels possibles.
Le rituel peut être très simplifié, comme une manière de se dire bonjour, ou très complexe avec différents temps et des participants plus ou moins nombreux !
Le rituel n’est pas réservé aux rencontres ésotériques ; on le retrouve dans toutes les activités humaines ; par exemple dans le sport, le repas, la danse, etc.
On peut pratiquer un rituel seul ou en groupe !
Le rituel peut être associé à la Paix ou à la Guerre, à l’amour ou à la haine !
Toutes les sociétés humaines fonctionnent avec des rituels, quel que soit le pays, la culture, riche ou pauvre, homme ou femme !
Nombreux sont aussi les rituels utilisés par des personnes à titre personnel ; l’exemple le plus connu est le rite du lavage des mains mais il y en a une multitude. A un stade pathologique cela devient une obsession.
Le rituel aide, apporte et constitue un espace-temps ! Comme il est connu par le groupe qui le pratique, chacun connaît les codes qu’il utilise ainsi que les accessoires qu’en franc-maçonnerie on appelle les symboles ! Le rituel rassure celles et ceux qui l’utilisent.
Cinq questions méritent des réponses :
Peut-on s’en passer ?
Le contenu du rituel joue-t-il un rôle ?
Comment agit-il ?
Les rituels maçonniques ont-ils une particularité ?
Comment permettre au rituel de jouer son rôle ?
Peut-on s’en passer ?
Claude-Marie Dupin dans un article de la revue « Actualités en analyse transactionnelle » y répond indirectement :
« Il y a plus de 30 ans, j’ai eu la chance de rencontrer Margaret Mead, la psychologue et anthropologue américaine, qui, dans ses études de diverses civilisations (civilisations d’Océanie dites « traditionnelles »), s’est particulièrement intéressée à l’importance des rituels dans la construction de l’identité, comme apportant le contexte culturel indispensable à l’existence signifiante de l’homme. Le rite et les rituels constituent le ciment des groupes humains ; ils donnent le cadre qui va permettre de marquer d’une façon stable les passages importants de la vie avec leur entrée et leur sortie. Ils vont manifester les racines du groupe et l’appartenance de chacun à ses racines. »
Pascal nous offre une autre réponse :
En vérité, il est toujours possible de s’en passer mais c’est le plus souvent pour y revenir ; l’exemple typique en sont les funérailles non religieuses : la fadeur, le manque de solennité et le peu d’émotion aboutissent généralement à réinventer un rituel qui accompagnera un nouvel événement.
Le contenu du rituel joue-t-il un rôle ?
On pourrait le croire tant, pour une même fonction, les rituels sont nombreux.
Mais l’expérience montre qu’en réalité le contenu n’a qu’un rôle accessoire ; pour illustrer ce propos on peut citer l’exemple de la messe en latin pour les catholiques ; en introduisant la messe dans les langues nationales, l’église catholique a cru que cela améliorerait la connaissance de la liturgie ; en fait cela a entraîné une importante déception chez des fidèles qui bien que ne connaissant pas le latin s’étaient appropriés les différents temps du rituel.
Sigmund Freud remarque à ce sujet que « L’homme pieux exerce généralement le cérémonial religieux sans s’interroger sur la signification de celui-ci, même s’il est vrai que le prêtre et le chercheur peuvent être au fait du sens du rite, la plupart du temps symbolique. »
Dans ce chapitre, se pose la question de la réflexivité du rituel ! (voir schéma ci-dessous)
Il est de coutume d’expliquer la fonction du rituel à partir de quatre éléments :
la très grande régularité d’un fonctionnement qui accompagne une socialisation;
la répétitivité des gestes, des paroles, des codes mis en place qui favorisent un apprentissage ;
l’identité formelle des situations dont les enjeux ne varient pas et qui constituent des repères sûrs, même si les contenus évoluent ;
les contraintes claires, des règles bien posées et respectées par tous.
Les rituels jusque dans l’entreprise
Makeba Chamry, co-autrice du livre « Les Rituels en entreprise », explique dans une interview au journal « Les Echos » :
« C’est encore une discipline expérimentale qui émerge partout dans le monde. J’ai travaillé avec des chercheurs de l’université de Stanford sur le sujet. Quatre familles de rituel répondant aux problématiques des travailleurs ont été identifiées : la célébration, la cohésion, la création et les rituels de passage. Il s’agit d’accompagner les transitions pour éviter l’accumulation et le burn-out. L’objectif d’achever un projet, tirer un bilan et faire de la place pour ce qui va arriver. »
Des rituels pour valoriser la réussite :
« Show your stuff » : dégager un sens à une production ;
« Utalk » : rituel de partage d’une réussite.
« University » : organiser des ateliers d’apprenants.
N’est-il pas surprenant de voir que dans certaines obédiences on se crêpe le chignon pour savoir si les tenues doivent être symboliques ou sociales alors que dans l’entreprise, les gestionnaires se voient proposer des rituels fondées sur la mise en valeur d’un contenu symbolique ?
Les rituels maçonniques ont-ils une particularité ?
La spécificité des rituels maçonniques est liée à leurs objets ; ils correspondent à un espace temps symbolique particulier : il y aura des rituels pour l’initiation, d’autres pour des réunions correspondant à un changement de degré (ou grade) ou par exemple un rituel particulier pour une tenue funèbre.
Si on devait leur trouver une particularité, on pourrait la trouver dans le caractère institutionnel du rituel dans la dynamique maçonnique considérée comme une activité non religieuse.
Si on analyse l’ensemble des rites maçonniques, on pourrait, en considérant les plus importants d’entre eux, les classer dans la catégorie des rites funéraires. Tout se passe comme si l’initiation maçonnique offrait à l’âme du défunt (symbolisé par Maître Hiram) une réincarnation dans le nouvel initié. A la réception du profane, on l’évoque pas, mais tout prend ce sens avec l’élévation à la maîtrise. Naturellement, les “side degrees” ont voulu “effacer” ce sens !
L’intérêt du rituel n’est accessible que si certaines conditions sont réunies :
La connaissance du rituel par les officiants : l’idéal c’est de le connaître par cœur comme au rite Emulation ; voir des officiants lire leur « partition » sur un bout de carton ne fait pas très sérieux ! La connaissance sur “le bout des doigts” permet aussi aux officiants de donner une tonalité à la diction ;cela facilite aussi la régularité et la répétition dont on a vu qu’elles jouaient un rôle très important.
L’appropriation du rituel par les participants ; même si les participants ne jouent pas un rôle actif dans la réalisation du rituel, le suivi qu’ils apportent est un élément important; un rituel qui n’est suivi que par une partie des membres de l’assemblée perd beaucoup d’influence dans sa fonction ! Il ne joue plus son rôle. C’est une constatation très fréquente.
Un contenu adapté à la fonction associée ; le contenu concerne à la fois la gestuelle et le commentaire qui y est associé. Dans le cas des rituels maçonniques, les contenus et la gestuelle ont su traverser les siècles malgré les évolutions sociétales.
Et surtout bien veiller à ce que chaque rituel ait un sens ! La question se pose pour la tenue sans ordre du jour particulier ; les rituels utilisés concernent l’ouverture et la fermeture des travaux. Bien souvent, c’est devenu une routine sans odeur ni saveur ! Redonner un sens à ces deux temps nécessite un peu d’imagination ; c’est indispensable !
En conclusion
Il est clair que le rituel est ambivalent ; d’un côté il donne une dynamique au groupe et d’une autre manière il peut susciter un rejet voire une réaction pulsionnelle agressive.
En loge, nous avons la chance de posséder un merveilleux outil mais en réalité parfois, tout se passe comme s’il n’était plus adapté à un vécu et qu’il devenait un repoussoir !
Alors que le monde de l’entreprise le redécouvre, nous, nous avons parfois tendance à ne plus le comprendre !
En réalité, le rituel est un outil symbolique, une sorte de levier qui peut nous propulser, comme une énergie, et nous aider à vivre, à inventer et à créer !
A chacun de comprendre comment se le réapproprier dans son parcours initiatique.
C’est aussi une garantie de cohésion de la loge lorsqu’il est bien utilisé !
« Et puisqu’un dieu me fait parler, j’obéirai religieusement à ce dieu qui dicte mes paroles ; j’étalerai au grand jour les secrets de ce Delphes qui est en moi, ceux du ciel même, et je dévoilerai les oracles de l’ultime sagesse. Je proclamerai les grands mystères que le génie de nul homme avant nous ne put pénétrer, et qui restèrent longtemps cachés. »(Les Métamorphoses, Livre XV, Vers 131-167)
Vers le 6ème siècle avant J.-C., en Égypte ancienne, les nombres ne codaient encore que les impôts, le commerce, les salaires. L’évaluation, par les harpédonaptes (fonctionnaires royaux, arpenteurs géomètres), de la surface des champs cultivables dont la crue du Nil a effacé les bornes limitatives, ne géométrise pas, mais ne cherche qu’à clore les contentieux entre voisins par la force de l’État. Avec le droit de propriété, voici du droit civil et privé. Mais aussi, en délimitant les bornes, le cadastre royal fixe l’assiette de l’impôt. Voilà du droit public et fiscal. Les nombres ne disent, ainsi, que les relations humaines.
Et puis un jour… De la gigantesque masse de pierres, du mausolée du pharaon Kéops va naître la géométrie sur le sable ensoleillé maquillé par son ombre. En rapportant l’ombre du tombeau à celle d’un poteau de référence, ou à la mesure de son corps, selon la légende, Thalès énonce l’invariance d’une forme malgré la variation de sa taille. En effet, son théorème montre la progression ou la régression infinie de la dimension, dans la conservation d’un même rapport, du colossal, la pyramide, au plus médiocre bâton planté dans le sol. Quel effacement de toute hiérarchie dans le semblable, puisque chaque stade, du plus grand au plus petit, conserve le même rapport.
Thalès nous fait découvrir [1] ainsi un monde hors des sociétés où les choses sont en rapport avec elles-mêmes. «La proportion parle, sans bouche humaine, montre un ordre qui ne connaît pas la loi sociale, qui échappe à la toute-puissance. Une liberté, une égalité sans pareilles ! Pharaon meurt une seconde fois quand Thalès, en mesurant la pyramide, la réduit à un simple polyèdre dans l’homothétie de son ombre de géomètre [2].
La proportion analogique, voici la grande conceptualisation grecque, pas celle du rapport simple a/b, mais celle qui intéresse en tant que médiété [3], celle qui va d’un rapport à un autre, tel a/b = c/d et par substitution peut passer de celui-ci à un troisième rapport et ainsi de suite. Il ne s’agit point de couper quelque chose en part, donc de partager ou de prélever, ce que chacun, généreux ou léonin, sait faire depuis les commencements, mais de construire, pas à pas, une chaîne, donc de trouver ce qui, sous-jacent, stable et glissant, transite le long de son enchaînement. Les Grecs appelleront ce rapport d’analogie «logos». Comme Platon et Aristote, les Stoïciens penseront que le logos pur est parole, intelligence, un accès direct et véritable aux choses, ce que les nombres et leurs rapports peuvent enfin faire.
En ce temps-là, vers le 6ème siècle avant J.-C. vivaient aussi Zarathoustra, Lao-Tseu, Bouddha, Confucius, dans les ailleurs de la Perse, de la Chine, de l’Inde.
Ici, en Grèce, vers 530 av. J.-C., à Crotone, justement revenu d’Égypte mais aussi de Perse, d’Inde, de Chaldée, de Thrace, un homme né 40 ans plus tôt à Samos, ramène avec lui des savoirs ancestraux, une sagesse du monde que ses voyages, ses probables rencontres avec ces personnages suscités, ses initiations reçues ont sans aucun doute forgés. Il est probable qu’il fut initié aux mystères, ceux de Thèbes, ceux des Mages chaldéens, aux pratiques orphiques ; il aurait reçu le baptême dans l’Euphrate, aurait été enseigné par le fameux Thalès et purifié par Zoroaste et Bouddha eux-mêmes. De cette appréhension particulière et métissée du monde d’Asie et d’Asie mineure, Pythagore, car c’est de lui qu’il s’agit, le «premier maître universel» comme l’appelait Hegel, en fera une philosophie.. Comme le rapporte Cicéron, c’est Pythagore qui aurait forgé le mot philosophe pour se définir ainsi devant le tyran Léon de Phlionte qui lui demandait qui il était, et comme il l’expliqua, le philosophe est celui qui cherche à découvrir les secrets de la nature de façon désintéressée. Il aurait participé alors à faire basculer la Grèce d’un mode de pensée religieux à un mode de pensée rationnel.
Comme on le comprend, aux conditionnels employés pour évoquer le parcours de Pythagore, il est difficile de démêler, dans la personnalité du philosophe, ce qui relève de la légende merveilleuse de ce que fut sa vie, car nous n’avons de lui aucun ouvrage, mais seulement quelques fragments d’un de ses disciples appelé Philolaos. Même les fameux vers dorés, qui lui sont attribués, sont douteux quant à leur origine. Il nous est même impossible de distinguer l’enseignement du Maître des théories des disciples. Nous ne pouvons parler que du pythagorisme, sans prétendre savoir ce qu’a pensé Pythagore. De plus, la plupart des renseignements qui nous ont été conservés, épars dans un grand nombre d’ouvrages, ne méritent que peu de confiance. Le mot Pythagore ne désignerait même pas un homme, mais une science.
Nous lisons dans le dictionnaire Welsh, d’Owen Pughes :
Pythagoras : explication de l’Univers, Cosmogonie.
Pythagori : expliquer le système de l’Univers (mot composé de pyt, période de temps ; agori, découvrir).
Python : système de l’Univers.
Pythone : une cosmogoniste, une pythonisse.
Pythoni : traité de cosmogonie.
Pythonydd : celui qui systématise le monde.
Pythagore (VIe siècle av .J.C.) dont le nom est la réduction de l’expression «Pitouï Chel Guer» (גר של פיטוי), «la séduction du converti», se serait converti au judaïsme, son nom serait issu de l’araméen.
Pour Céline Renooz, la célèbre misandre belge, les fables inventées sur la prétendue vie d’un homme appelé Pythagore n’ont aucune réalité. Son opinion sera corroborée par Ernest Havet qui disait : «rien de plus connu que ce nom, rien de moins connu que l’homme lui-même» et de rajouter plus loin : «Je ne considère Thalès, Pythagore, que comme des noms représentatifs d’un système scientifique». Ce qui n’empêchera pas des auteurs classiques de faire de Pythagore un personnage historique et ils lui inventeront une biographie. «Est-il rien de plus vrai que la vérité» demande Nikos Kazantzakis et de répondre : «la légende. C’est elle qui donne une immortalité à l’éphémère vérité.»
Pythagore est donc devenu de bonne heure un personnage légendaire. Laissons donc son histoire aux textes de ses disciples, à toute la littérature très abondante que cet extraordinaire personnage ne manqua pas d’inspirer, aux doxographies, ces compilations des textes grecs du début de l’ère chrétienne. Sur ce sujet, on peut citer les vies de Pythagore écrites, une par Diogène Laerce, une autre par Porphyre, la plus connue par Jamblique, vers le IIe siècle. Citons Diogène Laërce à propos de Pythagore : Comme il était jeune et studieux, il quitta sa patrie et fut initié à tous les mystères grecs et barbares. Il gagna donc l’Égypte, quand Polycrate l’eut recommandé par lettre à Amasis, et il apprit la langue du pays. Il alla aussi chez les Chaldéens et les mages. Étant en Crète, il descendit avec Épiménide dans l’antre de l’Ida. Tout comme en Égypte il était allé dans les sanctuaires, il y apprit les secrets concernant les dieux.
Ce qui paraît intéressant de rapporter ici, c’est ce en quoi son savoir, ses connaissances, ses enseignements, qui lui sont attribués, auraient pu influencer la Franc-maçonnerie.
Il y a deux choses à distinguer dans le pythagorisme : une philosophie, c’est-à-dire une explication de l’univers, et une doctrine morale. On retiendra ces deux aspects avec la philosophie des nombres d’une part , l’éthique pythagoricienne d’autre part.
1- La philosophie des nombres
C’est autour de la souveraineté des nombres que l’on peut penser l’apport de Pythagore à la connaissance universelle et le considérer comme une des sources importantes de la Franc-maçonnerie.
Tout d’abord, ce rapprochement paraît licite car, dans l’ancien Manuscrit Cooke conservé à la Bibliothèque Britannique, on peut lire aux paragraphes 281-326 que toute la sagesse antédiluvienne était écrite sur deux grandes colonnes. Après le déluge de Noé, l’une d’elles fut découverte par Pythagore et l’autre par Hermès le Philosophe, qui se consacrèrent à enseigner les textes qui y étaient gravés. Sur le frontispice des Constitutions d’Anderson on retrouve le «théorème de Pythagore» concernant les triangles rectangles, le reconnaissant sans doute comme le père de la géométrie.
Les bâtisseurs médiévaux, quant à eux, transmettront une géométrie sacrée qui remonterait à Pythagore, qui resta vivace jusqu’au XVIe siècle et dont on connaît l’influence dans la Tradition maçonnique.
Qu’en est-il de cette élaboration philosophique d’objets mathématiques et géométriques permettant la contemplation des formes intelligibles, de ces réalités invisibles qui modèlent l’Univers ?
Pour les pythagoriciens, les choses sont nombres, les nombres se trouvent dans les choses, les nombres sont la cause et les principes des choses ou encore les choses sont constituées par les nombres, comme l’exprime Aristote. Les pythagoriciens furent sans doute les premiers à penser que le nombre est la structure d’accueil pour recevoir, analyser et chercher à comprendre l’incompréhensible et que le nombre, à travers l’intelligence, parle, en symbole, pour découvrir la réalité ontologique. C’est donc la dimension symbolique, analogique, nous dirions métaphorique des nombres, qui nous interpelle. Pythagore aurait été, ainsi, à l’origine, entre autres, de :
La symbolique des pairs et impairs
– l’impair, limité, Un, droite, mâle, en repos, rectiligne, lumière, bien, carré, domine, équilibrant, avec une partie médiane, l’unité, deux parties symétriques. Dans le monde, l’impair sera donc le principe de la totalité puisqu’il comporte un commencement, un milieu et une fin.
– Le pair apparaît, par opposition dans le principe de la dualité de l’existant, illimité, multiple, gauche, femelle, en mouvement, courbe, obscurité, mauvais, oblong.
On peut dire que notre premier grade s’appuie aussi sur ce symbolisme de la dualité pythagoricienne.
La fameuse Tétraktys
Bien sûr sa forme triangulaire montre à l’évidence le 3, la réconciliation de la dualité dans son principe qui est l’unité, l’harmonie universelle. La triade est le nombre du tout, comme le reconnaît Aristote, «c’est le nombre 3 qui définit tout et toutes choses puisque ce sont les constituants du commencement, milieu et fin». C’est pour cela que 3 fut choisi comme base numéraire. Est-ce Zoroastre qui inspira Pythagore dont la doctrine était exposée dans ses Oracles, «le ternaire partout brille dans l’Univers et la Monade est son principe» et, selon Servius, les pythagoriciens assignèrent au Dieu suprême le trois qui est parfait, car il a un commencement, un milieu et une fin. Les pythagoriciens choisirent, naturellement, le triangle pour représenter le nombre 3.
Voici bien un des premiers symboles maçonniques.
Cette forme, mise en exergue dans le temple par sa position géographique, comme point focal, dans l’est des commencements de la lumière, delta lumineux, daleth hébraïque est donc la porte d’un ailleurs. Elle est une épure de toutes les tétrades pythagoriciennes, un plérome, une forme imaginale de la progression dynamique des illimités et des limitants. Selon Philolaos, qui à l’époque de Socrate transcrivait la mémoire du maître, «les illimités et les limitant, en s’harmonisant, constituent, au sein du monde, la nature, ainsi que la totalité du monde et ce qu’il contient». En somme, la triangulation, c’est l’enveloppe qui montre les mystères de la nature.
Les pythagoriciens distinguaient, en fait, 11 tétrades exprimant la pensée analogique et gnostique que Pythagore synthétisa, sans doute, à partir de ce qu’il avait appris ou conçu et qu’il enseigna. Chaque tétrade est, non une collection, un inventaire, mais une progression arithmétique, harmonique, géométrique, physique ou biologique qui conduit du point au volume, de l’homme à la cité, de la naissance au déclin. Chaque élément engendre et limite le suivant comme le point est l’origine et la limite de la ligne, la ligne celle de la surface, la surface celle du solide. La tétrade est un métalangage, une forme pour dire comment le monde de la réalité est issu de l’unité primordiale à travers les principes exprimés par les nombres. Aristote reconnaissait aux pythagoriciens le mérite d’avoir été les premiers à poser la question de l’essence et à avoir tenté de la définir.
1 – La première tétrade est le triangle enchâssant le nombre parfait 10, représenté par 10 points répartis en triangle sur 4 lignes. Il s’agit de la tétrade originelle qui est l’addition des 4 premiers nombres et conduisant progressivement au principe du nombre 10, en même temps qu’elle engendre les 4 consonances de la gamme (première, quarte, quinte, octave). Selon la tradition, Pythagore, par l’observation et l’expérience, avait découvert que les rapports entre la longueur des 4 cordes du tétracorde par rapport à la première étaient exprimés par les rapports numériques 4/3, 3/2, 2/1. La tétraktys donnait la clef des mystères de l’acoustique et les pythagoriciens étendirent à tous les domaines de la physique les conclusions de cette découverte. La formule du serment pythagoricien, transmises par différents auteurs et que l’on trouve dans les vers dorés sacralise la tétraktys : «Je le jure par celui qui a transmis à notre âme la tétraktys en qui se trouvent la source et la racine de l’éternelle Nature».
Certains font l’hypothèse que Pythagore rapporta, de son séjour de près de 20 ans en Égypte, la compréhension du mystère des pyramides : la pyramide de Khéops, qui semble n’avoir jamais recelé aucune momie de pharaon, ne serait-elle pas une forme sanctifiée du divin ? Ses dimensions représentant la compréhension du divin se déployant, et cette incarnation de l’intelligence divine aurait été reformulée par la tétraktys ? Qu’est-ce que Dieu, demandait saint Bernard ; il est longueur, largeur, hauteur, profondeur. La pyramide serait le symbole de toute la création, une représentation mathématique du fonctionnement de l’Univers. Dans ses dimensions se trouveraient encodées les vérités fondamentales de notre monde. Dans ce conservatoire des nombres est exprimée l’actualisation de la possibilité, c’est-à-dire l’Être, l’assurance que tout est vivant, que le Présent est éternel, la simultanéité du Temps, la notion de Tri-unité du Seul et Unique. Cela est une Connaissance que les francs-maçons atteignent par l’expérience que procure un apprentissage graduel et hiérarchisé.
Un nombre n’est pas une valeur abstraite, c’est une «vertu intrinsèque et active de l’Un suprême, de Dieu, source de l’harmonie universelle» nous rappelle Édouard Schuré, dans Les grands initiés.
2 – 3 la deuxième et troisième tétrade embrassent, dans une double progression géométrique de raison 2 et 3, la nature de toutes les grandeurs : le point, la ligne droite, la ligne circulaire, la surface plane, la surface courbe, le solide à surfaces courbes, le solide à surfaces planes.
4 – La quatrième tétrade est physique avec 1 = le feu, 2 = l’air, 3 = l’eau, 4 = la terre qui sont nos purifications lors des voyages de l’initiation.
5 – La cinquième, celles des figures géométriques associant les 4 premiers polyèdres aux 4 éléments.
6 – La sixième, celle des choses engendrées à laquelle Aristote accorde la génération du vivant à partir de la semence et son augmentation dans les trois directions, largeur, longueur, hauteur.
7 – La septième concerne le développement de la société : homme, famille, bourg, cité.
8 – La huitième présente les facultés cognitives qui assurent la connaissance des tétrades précédentes : pensée, science, opinion, sensation.
9 – La neuvième distingue les quatre dimensions de l’être animé : âme raisonnable, âme irascible, âme concupiscible, corps.
10 – La dixième celle du temps avec ses 4 saisons : printemps, été, automne, hiver.
11 – La dernière celle des âges de la vie : enfance, adolescence, maturité, vieillesse.
Ainsi les tétrades dévoilent l’Unité génétique de toutes choses en train d’accomplir leur achèvement comme les séphiroth dans l’arbre de vie.
Le delta lumineux serait donc, aussi, une tétrade, un plérome, une représentation systématique nous répondant à la question d’où vient le monde et comment il se déploie.
L’importance de la Tétraktys pythagoricienne dans n’importe quel type de connaissance métaphysique et cosmogonique est évidente. Le rapport des harmonies musicales avec les nombres est également un thème pythagoricien que la Maçonnerie et le Corpus Hermeticum reprennent sous forme de degrés et touches de reconnaissance liés aux sphères planétaires et aux Régents qui les gouvernent.
Il faudrait y ajouter les différents théorèmes pythagoriciens, sachant l’importance que l’art et la science de construire ont pour la Maçonnerie. Parmi eux, il suffirait de signaler celui du triangle rectangle, qui formé avec les nombres de la triade «3, 4, 5» est dit égyptien avec son hypoténuse (corde tendue entre les opposés) ressemblant si grandement à la corde des harpédonaptes marquée par des nœuds en 3, 4, 5. Et si chacun sait que la somme des carrés des côtés est égale au carré de l’hypoténuse, il est amusant de souligner les propriétés suivantes : dans un triangle rectangle de nombres entiers premiers entre eux on a toujours : -un côté pair et deux côtés impairs -l’hypoténuse est toujours la somme d’un carré pair et d’un carré impair -l’hypoténuse n’est jamais un multiple de 3 -le côté pair est toujours un multiple de 4 -Un des côtés est toujours un multiple de 5 -le périmètre est pair et la surface multiple de 6
Le nombre d’or.
Cette proportion d’harmonie, dite aussi dorée, est dérivée du rapport d’analogie a/b = c/d quand on réduit les quatre termes à deux en conservant le même rapport, soit a/b = a+b/a. Nous devrions dire les nombres d’or, que Pythagore et sa femme bien-aimée Théano déclinèrent dans tous les sens possibles, sous toutes leurs formes possibles de rectangle, de pentacle, d’étoile ou de pentagone, les traquant et mettant ainsi en valeur les théorèmes de Thalès. Dans cette irrationalité mathématique, de Pi et de Phi, qui ne se mesure pas mais se montre dans les lois de la diagonale et du cercle, dans l’infini de leur décimales, ils virent sans doute cette part inachevée du monde en train de s’actualiser dans le temps et la forme ; cela paraît être la beauté divine des nombres eux-mêmes.
La physionomie des nombres
Les nombres ont une physionomie et, selon celle-ci, ils sont nommés parfaits (somme des diviseurs du nombre redonne le nombre (par exemple les 3 seuls nombres parfaits compris entre 1 et 1000 soit 6, 28, 486), amicaux (la somme de diviseurs de l’un donne l’autre, 220 et 284), impairs ou pairs, triangulaires (3, 6, 10, 15), carrés (1, 4, 9,16), cubiques (1, 8, 27), rationnels, irrationnels, incommensurables. Quel vertige, quelle source pour la guématrie des cabalistes et, par là même, pour nous francs-maçons.
L’alphabet secret
Selon Oswald Wirth, inspiré des pythagoriciens, tel que l’a formulé Théon de Smyrne (IIe siècle av. J.-C.), l’alphabet secret élaboré par Pythagore serait la source de notre table à tracer appelée aussi table tripartite avec 2 parallèles verticales et 2 parallèles horizontales délimitant 9 cases dont les limites symbolisent les lettres qui leur sont affectées[4]. Elle indique aux francs-maçons que leurs constructions doivent se baser sur les propriétés des nombres ou de la géométrie et, symboliquement, que les travaux maçonniques doivent être exécutés en tenant compte des propriétés des nombres sacrés.
Ne sera pas évoqué ici ce en quoi le regard et l’écoute du ciel par Pythagore, à travers l’harmonique des rapports mathématiques, nous permet d’entendre les planètes bruire les notes de la gamme en tournant sur elles-mêmes autour du soleil.
L’art géométrique de la Franc-maçonnerie découle de la géométrie et de l’arithmétique pythagoriciennes parce que d’après les attestations de Proclus «à part quelques propriétés géométriques attribuées, sans doute à tort, à Thalès, les pythagoriciens ont été les premiers à étudier la géométrie et les nombres». La compréhension des nombres pythagoriciens facilite la compréhension des nombres sacrés maçonniques.
En conclusion sur cette première partie : même si Pythagore n’a rien «inventé», il a reconnu, dans la série décimale qui retourne à son Origine (10 = 1 + 0 = 1), une échelle naturelle, une lumière sur les mystères qui permettrait à l’être humain de compléter l’œuvre et d’opérer ainsi la transmutation en Homme Véritable, paradigme de tout initié, situé entre l’équerre et le compas.
2 – L’enseignement éthique
Mais, c’est sur cette autre part de son enseignement, l’éthique, que Pythagore va aussi inspirer les sources maçonniques.
Selon Céline Renooz, dans son livre Ère de vérité, histoire de la pensée humaine et de l’évolution morale de l’humanité à travers les âges et chez tous les peuples, «au milieu des luttes religieuses, le VIe siècle vit se produire une réaction contre le nouvel Hellénisme, c’est-à-dire contre le désordre moral des nouveaux cultes ; il y eut un retour momentané aux grandes idées du passé. Une école se fonda dans laquelle on enseignait les lois de la Nature telles qu’elles avaient été formulées dans la brillante époque de la primitive religion pélasgique [les ancêtres étrusques]. C’est l’école pythagoricienne, dans laquelle on donnait l’enseignement de la science aux prêtresses grecques, les Pythies» (p.437).
Selon la légende, c’est à Crotone, en Italie du Sud (qui faisait à l’époque partie de la Grèce), que Pythagore, trouvant refuge, reçut le soutien de l’homme le plus riche de la ville, Milon, dont il épousa la fille Théano (à laquelle Renooz attribue la réalité de la création de l’école en tant que prêtresse de la Pythie[5]). Toujours est-il que, dans cette volonté de masculinisation, l’Histoire retiendra que c’est Pythagore, avec sa femme toutefois, qui fonda l’école mixte pythagoricienne, connue aussi sous le nom de Fraternité pythagoricienne. Les femmes purent partager l’enseignement, elles furent environ 15% des initiés. Cela est un des signes de la très grande tolérance exigée dans le comportement des initiés de l’école pythagoricienne.
On y enseignait de nombreuses disciplines, comme les mathématiques ou la philosophie. On pourrait dire que c’était une sorte d’institut, un genre de monastère qui n’est pas sans rappeler la Castalie du Jeu des perles de verre d’Hermann Hesse, une association scientifique, philosophique, politique et religieuse avec règles de vie et d’éthique.
L’École pythagoricienne était une véritable école initiatique et le savoir mathématique soumis au secret. Le recrutement des membres de l’ordre était fait avec un soin scrupuleux. Pythagore, dit-on, étudiait sévèrement la vocation des jeunes gens qui se présentaient à lui, avant de les admettre aux premières initiations de cette vie nouvelle ; il cherchait à lire sur leur visage, à deviner dans leur démarche, dans leurs attitudes, dans toutes les habitudes de leur personne, les penchants de leur âme, le fond vrai de leur caractère, les aptitudes propres de leur esprit. Voici le principe des enquêtes maçonniques, n’est-ce pas ?
Les membres de l’École étaient séparés en deux groupes. Un rideau était tiré au milieu de la salle où Pythagore professait. Les élèves devaient écouter. Ils n’avaient pas le droit de parler durant les cours. Le silence de l’apprenti est comme celui de l’élève. Les exotériques se tenaient de l’autre côté du rideau et pouvaient seulement l’entendre. Les ésotériques se trouvaient du même côté que Pythagore. Cela avait une extrême importance dans la vie de l’École. Pythagore voulait savoir si les membres étaient capables de se taire et de garder secret ce qu’ils avaient entendu. Après cinq ans, un exotérique était autorisé à traverser le rideau. Cela marquait une étape importante dans la vie de l’École. Appellerions-nous cela une augmentation de salaire ?
Les textes des pythagoriciens étaient eux aussi soumis au secret. Rédigés dans un langage à double sens, ils jouaient sur deux niveaux d’interprétation ; l’un compris par tout le monde, l’autre réservé aux seuls initiés. Les pythagoriciens parlaient de sumbola et d’ainigmata.
Pour eux aussi, tout était symbole.
La plupart des connaissances se transmettaient de bouche à oreille. Cela donna lieu à une seconde séparation. Il y avait les acousmatiques (les auditeurs) à qui l’on transmettait les résultats mais pas les démonstrations pour y parvenir, et les mathématiciens (les apprenants) qui avaient le droit à ces dernières. Tout cela n’est pas sans rappeler notre organisation où, à chaque degré, des mystères sont dévoilés avec progression, ce qui fait de la Franc-maçonnerie une société initiatique et progressive.
Tous les membres de l’École devaient exercer leur mémoire. Chaque matin, ils devaient se remémorer ce qu’ils avaient fait, ce qu’ils avaient vu, ce qu’ils avaient entendu, ce qu’ils avaient dit la veille. En se présentant à l’École, chaque prétendant devait remettre tous ses biens à la communauté. Le dépouillement des métaux ne serait-il pas une reprise symbolique de cette règle ? Celui qui était renvoyé, cependant, recevait à son départ le double des biens qu’il avait déposés. On lui donnait en argent ce qu’il n’avait pas su prendre en savoir. L’expression «recevoir son salaire» correspond aussi en Franc-maçonnerie à une valeur-savoir. Mais, dès que son exclusion était prononcée, on lui creusait un tombeau. Il s’agissait d’une mort symbolique.
Pythagore disait sa théorie et laissait ses élèves le contredire. Cela lui permettait de savoir si ses élèves étaient capables de réfléchir par eux-mêmes et les conviait à quitter l’école s’ils n’étaient pas satisfaisants, refusant un savoir de perroquet. La Maçonnerie n’est pas une science mais un art, celui d’éveiller les consciences, cet effort est au départ individuel. C’était surtout, offrir une grande liberté individuelle de penser et même de conscience. «Il faut avoir une religion, garde ta foi jurée». Il y a ici, dans ce vers doré, une relation entre l’universel et le particulier, une exigence de tolérance. Toutes nos constitutions évoquent, comme un impératif primordial la liberté de conscience de chacun. Les vers dorés sont une des premières tentatives de corpus moral théorique et pratique, philosophique, spirituel et œcuménique.
Vouloir rendre compte de Pythagore revient en fait à essayer de reprendre les fouilles des traces textuelles laissées par ses disciples ou par les historiens de cette époque, à narrer chacun des instants de sa vie exemplaire parce que sa parole était fraternelle et son vécu conforme à son enseignement. Les biographies de Pythagore, rédigées par Porphyre et Jamblique, fixèrent définitivement les traits caractéristiques du sage idéal, modèle de vertu, de piété et de sagesse, que tout adepte d’un platonisme mâtiné de pythagorisme devait imiter pour se revendiquer de cette famille spirituelle qui inspira, probablement, les premiers textes maçonniques. La Maçonnerie est aussi la médiation entre la théorie et la pratique par le biais de l’instruction, non d’un savoir désincarné, mais de l’exemple. Le franc-maçon pratique l’éthique qui est bien ce qui se produit librement, sans contrainte externe, par un sentiment d’obligation morale interne.
Ce qui est incontestable, c’est que Pythagore s’était proposé un but moral et religieux. Il avait voulu, dit l’historien Zeller, fonder une école de piété, de bonnes mœurs, de tempérance, de courage, d’ordre, d’obéissance à la loi, de fidélité dans l’amitié. Il y a trop de similitudes avec l’esprit des premiers textes maçonniques pour que ce ne soit qu’un hasard, l’influence semble indéniable. Le lien entre la Franc-maçonnerie et l’Ordre pythagoricien, sans qu’il s’agisse d’une dérivation historique ininterrompue, seulement d’une filiation spirituelle, est certain et manifeste.
Pour plagier Saint Thomas qui disait que «le mot est comme un miroir dans lequel on voit la chose», ne pourrions-nous dire que le franc-maçon est comme un miroir dans lequel on voit Pythagore ?
[2] À lire l’article de Michel Serres, Gnomon:les débuts de la géométrie en Grèce, condensé du chapitre De la pyramide au tétraèdre,dans son éblouissant ouvrage Les origines de la géométrie (p.195 à 270).
[3] Sur ce sujet, consulter l’article de Paul-Henri Michel, Les médiétés.
[4] Pour Arturo Reghini, dans son opus Les nombres sacrés dans la Tradition Pythagoricienne maçonnique, il semble hors de doute que l’origine de la table à tracer remonte à la table de Théon.
[5] Théano était une Prêtresse qui avait gardé le dépôt sacré de la tradition scientifique et qui voulut en faire un enseignement régulier. Les historiens masculins diront, dans leur langage symbolique, qu’elle livra le Palladium aux Grecs, c’est-à-dire qu’elle enseigna la science cachée, quoique son École constituât une société fermée comme les ordres secrets, un Collège d’initiés, une sorte de congrégation sacrée (p.439 de l’ouvrage cité).
Le fameux triangle de Pythagore
Ce théorème stipule que, sous son aspect mathématique et dans un univers euclidien, le carré de la longueur de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des longueurs des deux autres côtés.
Le théorème de Pythagore a eu différents noms : théorème de la mariée chez les Grecs, chaise de la mariée chez les Hindous, figure de l’épousée chez les Perses pour la réciproque, maître de la mathématique au Moyen âge, pont aux ânes pour les collégiens du XIXe siècle.
Giamblicus, le biographe de Pythagore, nous conte l’anecdote suivante : quand le Maître s’est rendu compte du sens caché du théorème , il fut tellement frappé par la profondeur du mystère entrevu qu’il crut avoir eu une révélation divine. La légende, qui dit que Pythagore aurait sacrifié 100 bœufs lorsqu’il eut trouvé le théorème de l’hypoténuse, est un non-sens car les seules offrandes acceptées dans le pythagorisme étaient des offrandes végétales préparées.
Pythagore n’en a pas fait de démonstration, aussi, à son époque on devait parler de la règle de Pythagore et non de théorème. En effet, les démonstrations les plus anciennes qui nous soient parvenues lui sont postérieures, celles d’Euclide en particulier[2] avec le théorème 33 dans la 47ème proposition du Livre I et le théorème 21 de sa 31ème proposition du Livre VI qui généralise les rapports des surfaces des figures. Ces propositions ont un aspect géométrique exprimant une égalité de surfaces et non de calcul : «Dans les triangles rectangles, la figure construite sur le côté qui sous-tend l’angle droit, est égale aux figures semblables et semblablement décrites sur les côtés qui comprennent l’angle droit.» Euclide affirme donc la primauté de la matérialité sur l’abstraction numérique. Cependant le résultat semblait déjà connu, en Mésopotamie, plus de mille ans avant Pythagore[1].
Les valeurs des carrés ne sont pas un ensemble de nombres, mais une nouvelle entité élevée sur elle-même, qui contient en synthèse les propriétés et les qualités des nombres qui l’ont produite. Le carré du nombre de l’homme caractérise le passage d’un état naturel à un état spirituel, soit l’exhaussement de l’esprit en l’homme, à l’exemple du sommet de la pierre cubique à pointe.
Le théorème chinois de Guogu[3], reconstitué d’après les commentaires du mathématicien chinois Liu Hui utilise le principe du puzzle : deux surfaces égales après découpage et recomposition ont même aire.
Dans un article analysant la signification ésotérique du triangle de Pythagore, Antonietta Francini cite Plutarque, qui décrit et explique la signification égyptienne antique de ce triangle, où le côté droit est assimilé au mâle (Osiris), la base à la femelle (Isis), et l’hypoténuse au résultat de leur union (Horus). Plutarque écrit: «Trois est le premier nombre impair parfait; quatre est un carré dont le côté est le nombre pair deux; mais cinq est en quelque sorte semblable à son père, et en quelque sorte semblable à sa mère, étant composé de trois et deux.
Ce théorème de Pythagore est inscrit, sous forme géométrique, entre les deux personnages principaux du frontispice de la première édition des Constitutions d’Anderson de 1723. On peut lire le mot écrit en grec ευρηχα (Eurèka) sous la figure. Selon Vitruve, c’est Archimède qui aurait prononcé cette expression, en attestant, par ses expériences, la composition en or de la couronne du roi Hiéron par la mesure de la masse volumique d’eau déplacé par celle-ci. C’est une expression jubilatoire d’avoir découvert une solution scientifique aux mystères du monde.
On en retrouve sa symbolique dans l’équerre du bijou porté par le passé Vénérable maître, faisant souvent apparaître la démonstration d’Euclide, témoignant pour la géométrie de son importance centrale dans la pensée maçonnique.
Le triangle de Képler associe le théorème de Pythagore et le nombre d’or par la figure construite à partir du rectangle d’or (parfois appeléle visage de Dieu), où les dimensions respectives des côtés du triangle sont : Φ, racine de Φ et 1.
Pour marier les côtés : Dans un triangle rectangle de nombres entiers premiers entre eux, on a toujours un côté pair et deux côtés impairs, l’hypoténuse est toujours la somme d’un carré de pair et d’un carré d’impair, le périmètre est pair, la surface est paire car multiple de 6.
Vous retrouverez d’autres usages du théorème dans mon ouvrage «Tracés maçonniques», éditions Numérilivre, prévu pour septembre 2022
[1] On établit que Pythagore serait né vers la fin du VIe av J.-C.
Voici un article de Bruno Etienne paru dans le Monde daté du samedi 9 septembre 2000 intitulé « Une franc-maçonnerie ravagée par la démagogie profane » qui nous laissera sans aucun doute songeur…
Bruno Étienne est un sociologue et politologue français né le 6 novembre 1937 à La Tronche (Isère) et mort à Aix-en-Provence le 4 mars 2009. Il était spécialiste de l’Algérie, de l’islam et de l’anthropologie du fait religieux. Il était membre du Grand Orient de France.
La franc-maçonnerie est une bien curieuse institution. Elle présente en effet un certain nombre de caractéristiques qui expliquent, en partie, les fantasmes et les interrogations qu’elle suscite depuis sa création en Angleterre entre 1717 et 1723, par des huguenots français émigrés, admirateurs de Newton et manipulés par la Royal Society. Elle se présente comme une société de pensée caractéristique du XVIIIe siècle ébloui par la « scienza nuova ».
Mais elle est plus une communauté pneumatique qu’un club parce qu’elle prétend également assumer la transmission d’une double tradition : celle des maçons « francs » et donc du « mestier », tradition fondée sur l’interprétation du mythe d’Hiram, le constructeur du Temple de Salomon, couplée à l’autre versant du mythe fondateur, la chevalerie templière. L’histoire et l’évolution de cette double fonction permettent de comprendre la crise qu’elle traverse actuellement, surtout en France et plus particulièrement dans le cas du Grand Orient de France (GODF).
Comment a-t-elle pu surmonter toutes les excommunications, condamnations et accusations justifiées ou pas ? Comment a-t-elle pu survivre par-delà ses errements et ses erreurs, ses nombreux avatars et multiples sectes, à tous les régimes politiques, y compris ceux qui l’ont martyrisée ? Certainement pas par ses prises de positions contingentes mais parce qu’elle a d’archétypal et de paradigmatique, c’est-à-dire en l’occurrence ses rites, ses mythes et surtout son système initiatique.
Elle est en effet une des rares sociétés initiatiques qui proposent, en Occident, une voie pour vaincre la mort. Cette méthode particulière est fondée sur le symbolisme et le raisonnement par analogie. Ce sont là ses vraies valeurs universelles qui la rattachent à ce que Jacquart appelle « l’humanitude ».
En France, elle a produit deux maçonneries qui cohabitent, volens nolens, depuis trois siècles mais qui semblent sur le point d’éclater aujourd’hui. La première a pour slogan « liberté, égalité fraternité » et entend participer activement à la construction de la société idéale. La seconde a pour devise « force, sagesse, beauté » et préfère travailler à la construction du Temple de l’Humanité à partir de la construction du temple intérieur par la maîtrise de l’ego.
L’une est extravertie, progressiste, mondaine ; l’autre est tournée vers l’intérieur, progressive, mystique. Certains ont cru pouvoir, sans schizophrénie excessive, appartenir aux deux tendances. Aujourd’hui, cela ne me paraît plus possible au Grand Orient de France.
En effet, celui-ci, en s’appropriant le monopole de l’interprétation républicaine, en s’identifiant à la seule République moniste, en se déclarant le dernier rempart contre la barbarie pluraliste, est devenu un profane qui ne fait que parodier les clivages de la société française. Comme celle-ci, il se raidit dans son incapacité à gérer le nouveau pluralisme culturel et religieux.
On trouve donc au sein du GODF des enragés de la République, des intégristes de la laïcité, des « athées stupides », selon la formule d’Anderson, le rédacteur de la première Charte maçonnique, des souverainistes et des fédéralistes minoritaires et même des spiritualistes plus discrets que les haut-parleurs médiatiques.
En ce sens, le GODF est un bon baromètre de l’état dans lequel se trouve la société française. Il est donc lui aussi à la croisée d’un cheminement et doit prendre des résolutions drastiques. Soit devenir un club politique comme les autres avec peu de chance de concurrencer ceux qui sont déjà en place si j’en juge par la médiocrité insigne de ses productions publiques. Soit proposer au contraire une réforme radicale qui permette à la franc-maçonnerie de répondre à un certain nombre d’angoisses de nos contemporains sur le plan de la spiritualité par la voie initiatique. L’importance des travaux de recherche des loges, surtout provinciales, qui ne viennent jamais à la surface, me convainc de cette possibilité. Dans ce dessein, il faut renoncer à un certain nombre de pratiques qui ont conduit les obédiences maçonniques à devenir des machineries administratives gérées par des professionnels dont la maîtrise est inversement proportionnelle à leur ego. Le GODF a étalé sur la place publique ses dissensions autour de six « Grands Maîtres » en moins de dix ans. Cela fait un peu désordre pour une « société secrète ».
Mais comment gérer neuf cents loges autrement ? Ce ne sont pas des conventions annuelles, manipulées par des professionnels, qui peuvent prendre des décisions aussi difficiles. Il nous faut donc nous retirer du système.
Tout simplement revenir aux Constitutions d’Anderson, à la loge libre (le GODF est une fédération de loges et des rites, pas une institution magistérielle centralisée), en reprenant nos travaux discrets, en étant dans la société civile et non dans l’Audimat, en acceptant la progressivité du parcours pour ensuite, forts des vérités acquises à l’intérieur, les proposer au monde, qui d’ailleurs n’en demande pas tant.
Les temps sont sans doute venus de repenser les structures qui ne produisent que de l’entropie et de la gratification de l’ego pour ceux qui veulent être califes à la place du calife. Ce sont d’ailleurs les apparatchiks élus selon un système complexe à plusieurs niveaux qui parlent le plus de « transparence démocratique ». Les temps sont venus parce que, dans le cadre européen, nous ne pourrons plus garder des obédiences nationales. Il faut donc imaginer et constituer d’autres ensembles, par le bas, par affinité, par localisation, par choix réfléchi.
Il faut commencer par dissocier la gestion du Grand Orient de France comme association de la loi de 1901 et celle de la progression initiatique. En ces temps de Jubilé où l’on met tout à plat, le GODF pourrait distribuer un patrimoine immobilier excessif aux démunis et permettre ainsi aux frères de revenir à plus de discrétion : nous n’avons pas à nous étaler sur la voie publique, ni à avoir pignon sur rue.
Mais les temps sont venus, surtout, de relire notre rituel sur la mort du maître Hiram. Le GODF a atteint ce degré de putréfaction où « la chair quitte les os » et donc pour que « l’acacia refleurisse » et que l’Ordre maçonnique survive, il nous faut renoncer aux structures des obédiences centralisées. Il nous faut renoncer à agir à tout prix pourvu qu’on agisse. Il nous faut renoncer aux déclarations publiques, intempestives, sans effet réel. Il nous faut renoncer à suivre la démagogie profane et audimatiste. Il nous faut reprendre le chemin de notre propre initiation, car seul le progrès individuel de chacun d’entre nous peut contribuer à l’amélioration de la société qui nous héberge.
Autrement dit, il nous faut remettre la charrue derrière les bœufs et nous remettre au travail par ascèse et herméneutique. Vivat ! Vivat ! Semper vivat.
La rencontre d’un mot ou d’une idée est toujours essentielle dans un poème ou une planche. Ils sortent soudain de l’anonymat du langage « courant » pour embraser le vocabulaire et donnent à vivre au poète ou au Maçon l’expérience saisissante de « marcher à son pas » dans le temps subtil de l’inspiration, loin du temps linéaire des discours sans relief du quotidien.
On entre ainsi en Poésie comme en Maçonnerie par des mots d’esprit qui jaillissent en nous de sources profondes, gonflent le flot d’autres mots et idées jusqu’aux grands Deltas des Loges. Je vis personnellement comme des rencontres ces inspirations, jusqu’à me souvenir souvent des moments où elles surgissent dans mon imaginaire, tel « Etre Ici et Maintenant » traduisant l’état d’esprit de ceux et celles qui travaillent sur eux-mêmes pour sortir de la douce errance de la pensée et s’ancrer dans le présent, les sens et le mental grands ouverts à ce qu’ils perçoivent dans l’immédiat.
Avec ce poème, je découvrais la légèreté des vers octosyllabiques et les compositions par multiples de quatre vers, particulièrement adaptés aux poèmes-chansons et à l’écriture symbolique. Le nombre « quatre » symbolisant la stabilité matérielle, et le « huit » la totalité et la cohérence de la création en mouvement, les compositions artistiques qui portent leur marque gagnent en équilibre et en régularité, et peuvent illustrer pour des êtres en quête de sens un projet de vie intérieure, concentrant en quelques verbes :
être, rechercher, voir, savoir, une spiritualité en devenir et en action. « Se voir voyant sans être sage » s’inspire aussi des célèbres mots d’Anderson « Ni athée stupide, ni libertin irreligieux », extraits de la Constitution de 1723, charte de la Franc-Maçonnerie moderne, pratiquant la « double dénégation », ou l’art de conjuguer des formules contradictoires.
Or des travaux en sciences cognitives tendent à démontrer qu’ils formulent un modèle de pensée et de la cognition centré sur la fuite du déplaisir, renouvelant les racines émotionnelles premières de l’acte de connaissance, au fondement de l’initiation maçonnique.
La poésie en Maçonnerie embrasse un champ très large d’expressions, exaltant souvent la chaleur des échanges fraternels et de la vie en Loge, et donnant surtout à penser « en liberté », et comme le soleil et la lune à l’Orient des Loges, à rayonner et « réfléchir » les mots et les idées éclairant les consciences et les cœurs.
Chacun peut se projeter sur les quelques mots mis en forme dans un poème, s’y « réfléchir » sans effort et dans ce cadre où tout est mesure se remettre soi-même « en forme ». Dans une société où l’apparence et le paraître sont reine et roi, un poème partagé en fraternité touche autant l’être que le paraître, autant l’esprit que le corps, et les sourires qui fleurissent ici ou là dans l’assemblée disent en silence combien les cœurs s’en réjouissent.
Le poète Maçon est aux premières « loges » de la pratique du symbolisme et de l’analogie entre une idée abstraite et l’image chargée de l’exprimer, et s’inspire de la démarche des poètes symbolistes pour qui le monde ne saurait se limiter à une apparence concrète réductible à la connaissance rationnelle. Il est un mystère à déchiffrer dans les correspondances qui frappent d’inanité le cloisonnement des sens, car les sons, les couleurs, les visions participent d’une même intuition qui fait du poète une sorte de mage.
Le poète symboliste oscille ainsi entre des formes capables à la fois d’évoquer une réalité supérieure et d’inviter son lecteur à un véritable déchiffrement, mettant en œuvre par l’écriture la transcription du sens et la transmission, au fondement de l’initiation maçonnique.
L’écriture elle-même est initiatique, le poète semblant répondre « régulièrement » à la question d’un Frère : « Allez-vous plus loin ? » pour construire son poème, tout en apprenant de lui-même à savoir par lui-même « jusqu’où ne pas aller trop loin ».
La Maçonnerie traduit pareillement ces deux voies complémentaires d’accès à la connaissance et à la conscience par la structure en degrés des Rites, en particulier du Rite Ecossais Ancien et Accepté, où les trois premiers degrés sont dédiés aux Loges dites « symboliques », et les degrés ultérieurs à des Loges dites de Perfection, où montent en charge les Frères et les Sœurs prêts à élargir par eux-mêmes, dans un esprit de responsabilité, le cercle intérieur de leur accomplissement spirituel. Baudelaire, initiateur de l’école symboliste, a illustré magistralement ces deux cheminements par deux sonnets : « Correspondances » et « La Vie Antérieure ».
En méditant sur la Nature dans « Correspondances », écrit en 1857, Baudelaire ouvre une nouvelle voie de connaissance combinant la théorie et la pratique tout en utilisant habilement la structure du sonnet, poème composé de deux quatrains et de deux tercets, le temps de la méditation théorique des quatrains précédant le temps pratique de l’expérimentation des tercets.
Le premier quatrain est bâti sur la métaphore du temple et de la forêt, où alternent l’ombre et la lumière comme dans les temples maçonniques où la sensibilité aux mystères des Apprentis s’éveille peu à peu sous le regard bienveillant de Frères et Sœurs plus « éveillés ».
Dans le second quatrain, le poète établit des correspondances entre la vue, l’odorat et l’ouïe, comme pourrait le faire le Compagnon, pour non seulement écouter mais entendre les « confuses paroles » évoquées dans la première strophe, dont le mystère se laisse seulement approcher et non contempler.
Dans les deux tercets s’établissent des analogies de sens et des équivalences entre la mesure sensible et l’ordre psychologique ou moral, le Maître en fixant les limites tout en risquant la démesure.
Dans « La Vie Antérieure », écrit en 1857 et extrait aussi du recueil « Les Fleurs du Mal », un exotisme exacerbé amplifie le sentiment de perfection liée à l’agencement symétrique des éléments du décor.
Mais pour tendre vers l’ordre et l’harmonie, le poète et le Maçon doivent passer par l’état d’âme chaotique du « spleen », mot d’origine anglaise désignant un état mélancolique sans cause définie. Le secret préservé de la vie des Loges au travail se convertit dans les degrés dits de Perfection en un secret qui « fait languir ».
On entre dans le « vif du sujet », dans l’espace et le temps de l’Artiste et du Maçon à l’œuvre, et le poète dit « je », « j’ai longtemps habité », « j’ai vécu », s’impliquant entièrement dans l’aventure intérieure de sa propre re-connaissance.
La concorde parfaite des éléments de leur re-création n’est possible que s’ils respectent un bon équilibre entre la clarté et l’obscurité, les phases de lumière et d’ombre, de félicité et de doute qui, bien que foncièrement différentes, se complètent.
La parité « régulière » en noir et blanc fait place à des contrastes saisissants de couleurs et le travail prend une autre dimension dans l’accomplissement d’une œuvre.
Le plus ancien manuscrit maçonnique connu, le poème Régius daté de 1390, compte 794 vers octosyllabes et découle sans doute de la transmission orale d’une réglementation coutumière de Métier, assurant ainsi à la fois la transcription et la transmission des « Old Charges », les Anciens Devoirs. Ces « Old Charges », opératives et anglaises, servaient une fois par an lors de l’assemblée annuelle pour recevoir les nouveaux Apprentis et Compagnons.
Destiné aux bâtisseurs opératifs du Moyen-âge, le Régius présente une histoire, ou plutôt une légende de l’art de la construction émanant du Métier lui-même. Sans être réellement de la poésie au sens romantique du terme, le texte du Régius est assez cadencé pour être retenu en mémoire, et être ensuite récité facilement, la cadence, l’assonance et l’allitération, c’est à dire le rythme dans la répétition des sons de voyelles et de consonnes, facilitant cet apprentissage.
Comme les textes destinés à être retenus et transmis, il utilise des phrases sans verbe et de nombreuses répétitions, une construction dite « archaïque » renvoyant à un passé indéterminé et confirmant l’autorité et la sagesse des temps anciens par un « éloge des sept arts « libéraux ».
Les sept arts libéraux désignent les disciplines intellectuelles fondamentales dont la connaissance depuis l’Antiquité hellénistique et romaine était réputée indispensable à l’acquisition de la haute culture. Ils se divisent en deux degrés : le Trivium qui concerne le « pouvoir de la langue » et se divise en Grammaire, Dialectique et Rhétorique, et le Quadrivium qui se rapporte au « pouvoir des nombres » et se compose de l’Arithmétique, de la Musique, de la Géométrie et de l’Astronomie. Loin d’être obsolètes, les arts libéraux restent actuels et indispensables à la progression initiatique et ne peuvent être remplacés par aucune modernité ni virtualité numérique. Ils font partie du corpus que doit connaître le Compagnon, dont le cinquième art, la Géométrie, est aussi le premier dans le Métier.
La Géométrie crée le lien entre opératif et spéculatif, entre la matière et l’esprit. Première porte d’accès à la métaphysique pour un bâtisseur du moyen-âge, la Géométrie exhale et libère le cœur de la matière.
La Rhétorique contribue à préparer cette libération qui s’accomplit dans les proportions harmonieuses du Temple. L’harmonie des formes fait écho aux harmonies musicales et à la sonorité du lieu sacré.
« Le poème, cette hésitation prolongée entre le son et le sens » (Paul Valery, 1871-1945) darde « à fleuret moucheté » toutes les attentions, tous ces reflets du cœur et de l’âme qui se couvrent de mots pour mieux refléter l’Autre. Dédiés d’abord à nos muses, ils ne s’offrent qu’une fois et ne vivent que « ce que vivent les roses, l’espace d’un matin » (François de Malherbe, XVIème siècle), lorsqu’ils se découvrent et « se » disent.
L’écriture perpétue leur mémoire avec plus ou moins de bonheur, dévoilant aux yeux de tous ce qui ne se destinait qu’à une seule, mais délivrant de la cage dorée du poème des mots volant déjà de leurs propres ailes dans l’esprit libre du poète et de ses semblables. Ainsi l’acrostiche du prénom d’une Maçonne, Françoise, peut-il refléter ses Sœurs tout en restant fidèle au secret qui les relie toutes.
Le poète peut aussi aspirer à dire l’indicible, l’inspiration première soufflant à son oreille l’idée et ses mots clés, ses « mots de passe » et ses « mots sacrés », car « Les œuvres de l’esprit, poèmes ou autres, ne se rapportent qu’à « ce qui fait naître ce qui les fit naître elles-mêmes », et absolument à rien d’autre.
Sans doute, des divergences peuvent se manifester entre les interprétations poétiques d’un poème, entre les impressions et les significations ou plutôt entre les résonances que provoquent, chez l’un ou chez l’autre, l’action de l’ouvrage. » (Paul Valery) Mais ces résonances qui se démultiplient dans le flot des idées masquent leur source empreinte de mystère et de silence. Aussi le poète croise-t-il « régulièrement » ceux qui n’ayant fait qu’une partie du chemin, restent enfermés dans le silence de l’autisme, jusqu’à s’engager auprès de ceux qui accompagnent les autistes, symboles vivants d’une société en souffrance.
L’écriture d’un poème est une expérience enivrante éveillant « continuellement en nous une soif et une source. En récompense de ce que nous lui cédons de notre liberté, elle nous donne l’amour de la captivité qu’elle nous impose et le sentiment d’une sorte délicieuse de connaissance immédiate, (de sorte) que la sensation de l’effort se fait elle-même enivrante, et que nous nous sentons possesseurs pour être magnifiquement possédés. Alors plus nous donnons, plus voulons-nous donner, tout en croyant de recevoir.
L’illusion d’agir, d’exprimer, de découvrir, de comprendre, de résoudre, de vaincre, nous anime. » (Paul Valery) Le cœur du poète est le captif consentant des règles de ses mots d’esprit, et comme le Maçon au Travail, semble d’autant plus inspiré qu’il accepte et intègre les règles du poème, rimes et autres, conférant une « tenue » à son œuvre.
Dans le poème, la musique du vers qui dépend de l’harmonie entre les sonorités et le sens, est soulignée par la rime, l’identité entre deux ou plusieurs mots, situés en principe en fin de vers, de leur voyelle finale accentuée.
La rime a un rôle de structuration aussi bien du vers que du poème entier. Elle souligne la structure sémantique du poème par des répétitions fondées sur des signifiants, les mots, rapprochant des signifiés, les idées, qui autrement seraient restés étrangers l’un à l’autre. Ce rôle de la rime rappelle celui des règles fondatrices de la Franc-Maçonnerie défini par Anderson dans la Constitution de 1722 : « … Ces règles traditionnelles sont notre ciment et notre lien…
Elles permettent à la Franc-Maçonnerie de constituer ce vrai centre d’union où se rencontrent fraternellement des hommes qui, sans elles, seraient demeurés perpétuellement étrangers les uns aux autres. » Les idées des poètes circulent et se fixent dans les mots et les silences des poèmes comme la parole circule en Loge entre les colonnes, ordonnancée par le rituel et le respect du règlement des travaux.
Mais la rime ne saurait se contenter de sonorités banales passant inaperçues, sans trahir sa mission qui est de se faire entendre, de ponctuer le vers soit en frappant, soit en charmant l’oreille. Lors de la composition de son poème, la rime a l’immense mérite de contraindre le poète à penser par séries associatives sonores. Chercher une rime, c’est faire passer dans son esprit tout un cortège de sonorités sœurs, de sorte qu’il s’établit dans la pensée des familles de mots unies par une magie musicale. Très tôt s’est posée la question des rimes dites féminines et masculines, l’« e » atone final, fréquent dans les mots féminins, ne constituant pas un appel phonique suffisant, et l’alternance des rimes masculine et féminine s’est imposé dans les poésies lyriques provençales et françaises.
Mais il s’agit d’un mélange dont le dosage est laissé au goût du poète. Et pour grossir ce trait d’esprit jusqu’à la caricature, je prends un malin plaisir à glisser des acrostiches de prénoms féminins alternant les rimes masculines et féminines, tel « Françoise », dans des planches destinées à des auditoires mixtes.
Cet acrostiche comme tout poème active aussi de manière plaisante les ressorts de la langue, les phonèmes imprimant leurs sons et couleurs et se reliant dans les mots aux autres syllabes pour composer des bouquets harmonieux de vers. Car le poète joue d’abord avec les sons pour accompagner et soutenir le sens de son propos. Quand on parle de sens en poésie, il s’agit plutôt de sentiments, d’impressions, d’expérience à partager. Les sons aident souvent à créer ce climat particulier à chaque poète, à évoquer l’implicite ou l’indicible, cette « sorcellerie évocatoire » appelée de tous ses vœux par Baudelaire, « cette musique avant toute chose » réclamée par Verlaine.
L’harmonie résulte donc du choix et de la combinaison des syllabes pour obtenir les sonorités désirées.
Aussi le choix des mots est-il le premier souci du poète. Selon les traditions poétiques françaises, certains sons correspondent à des effets précis.
L’impression laissée par une syllabe dépend de sa longueur et de sa sonorité. Les syllabes brèves conviennent pour exprimer l’extériorité et la rapidité, les syllabes longues évoquant plutôt l’intériorité et la profondeur. Dans l’acrostiche « Françoise », seuls deux sons, « anche » et « eur », se reproduisent alternativement du premier au dernier vers. « anche » composé de la voyelle nasale « an », à l’effet voilé, atténué et lent, de la consonne « ch », dite « sourde » et « continue », au son prolongé, atténuant encore l’effet de la voyelle précédente, et d’un « e » muet final apportant une longueur et une touche supplémentaire de douceur, se renouvelle dans l’autre rime en « eur », composée de la voyelle nasale « eu » et de la consonne coulante et « ronronnante » « r ».
La rime doit tout à la fois satisfaire l’œil, l’oreille et l’esprit. Scandant la fin des vers, elle crée une accoutumance et une attente chez le lecteur/auditeur, jouant le rôle d’une balise dans les énoncés de mots successifs. Elle constitue donc un endroit privilégié pour le sens car le mot placé à la fin du vers est le mieux mémorisé. Et le sens des rimes ne dépend pas seulement de la forme, mais du sens des mots. Dans le cas présent, « blanche, s’épanche, branches, avalanches, hanches », élargit par le mouvement et l’élan du cœur le champ lexical affectif des mots « intérieur, valeurs, chaleur, Sœurs ».
Avant même l’écriture de la première lettre du poème, l’inspiration du poète passe par le prisme des règles poétiques qu’il s’assigne, les matrices convenant le mieux à l’expression de ses idées et de ses sentiments, et plus globalement à sa personnalité et à ses modèles d’écriture en cours. S’il a potentiellement le choix entre un grand nombre de modèles pour organiser horizontalement ses vers par une structure interne : mètre, césure, coupes, récurrences phoniques, et dérouler son poème selon un rythme vertical par une structure externe : rimes, strophes …, ou s’affranchir des règles précédentes dans le vers libre, le poète sait qu’il n’échappe pas à ses propres règles, et qu’il choisit celles auxquelles il s’attache, auxquelles il s’est déjà lié.
C’est dans le même état d’esprit que les Maçons s’attachent au rite et aux règles de leur Loge et Obédience pour tendre vers l’expression régulée de leurs idées, chacun trouvant son identité dans le modèle commun en apprenant à la fois à écouter et parler aux Frères et Sœurs de la Loge, tendre à « se dire » et « s’écouter » soi-même pour à la fois « s’entendre » avec les autres et « s’entendre » soi-même intérieurement.
C’est dès l’instant de sa conception que le poème « se dit » et « s’écoute », l’auteur et l’auditeur se découvrant autour du poème pour « s’entendre », et réaliser en quelques mots l’expérience de plus en plus intime de l’écoute de l’autre. Roland Barthes distingue ainsi trois niveaux d’audition : une « première écoute alerte » tendue vers la « capture d’un indice » qui, chez l’homme et l’animal, a une fonction « défensive et prédatrice », une « seconde écoute », exclusivement humaine, qui est un « déchiffrement » voué à la lecture des « signes », tendu non plus vers « la proie », mais comme en Franc-Maçonnerie vers « le secret », le « dessous du sens », et « le sacré », l’« écoute religieuse » à vocation de liaison entre le sujet écouteur et le « monde caché des dieux », et une « troisième écoute », redevable à l’écoute psychanalytique s’exerçant « d’inconscient à inconscient », tendant vers « les origines », à qui on demande non d’être « appliquée » mais de « laisser surgir », dans la lignée de « l’écoute panique » des Grecs. Accéder à une « meilleure » écoute, pour le lecteur de poésie, c’est alors intérioriser chacune des strates de l’audition jusqu’à parvenir au point ultime où « l’écoute parle ».
Enfin, pour Roland Barthes, être « meilleur auditeur » de poésie, c’est surtout substituer à une écoute passive et ensorcelée, fondée sur l’identification, une participation active à l’expérience unique de la genèse de l’œuvre.
Ces trois « niveaux » d’écoute rappellent les degrés d’Apprenti, Compagnon et Maître, ternaire structurant l’initiation maçonnique et la quête de sens qui la sous-tend. Comme tous les symboles, ces degrés qui se succèdent dans une suite progressive et linéaire peuvent aussi constituer un triangle, chacun de ses points étant relié aux deux autres. Et si chaque point est essentiel pour équilibrer le triangle commun, lui-même est un symbole rattaché au symbolisme du nombre« 3 ». Les points se relient ainsi par groupes de deux, trois, quatre, cinq, six, sept points et plus, traçant autant de figures symboliques que de grilles de lectures, vecteurs de sens. Si l’inspiration du poète et du Maçon ne diffèrent en rien à la source, ces grilles peuvent « orienter » la pensée par des séries régulées d’analogies et d’associations d’idées.
Par sa symbolique du mouvement, l’étoile à cinq branches reliant la matérialité du carré à la spiritualité du triangle, illustre la circulation des idées au sein de la Loge au travail entre les cinq Officiers qui l’éclairent, sans respecter leur ordre hiérarchique (Vénérable Maître, Premier puis Second Surveillant, Orateur, Secrétaire), mais en suivant le tracé de l’Etoile Flamboyante qui les relie (Vénérable Maître, Second Surveillant, Secrétaire, Orateur, Premier Surveillant, et à nouveau Vénérable Maître, …).
L’ordonnancement de la Loge incite les Maçons à cheminer en pensée en prenant des « chemins de traverse », à transformer intérieurement leur réflexion tout en respectant dans la Loge la fonction symbolique des Officiers qui l’encadrent. Ils peuvent « à loisir » pratiquer l’hermétisme, c’est-à-dire dé-couvrir un uni-vers sous-jacent aux apparences, et s’inspirer de la poésie symboliste de Stéphane Mallarmé et Paul Valéry, qui ne se veut pas descriptive, mais plutôt suggestive et musicale pour atteindre, au-delà des apparences, le mystère des choses.
Les poètes Maçons convertissent pareillement leurs symboles, et notamment l’étoile flamboyante, en clés d’accès à ces mystères.
La tension établie « dans les règles » entre les pointes de cette étoile à cinq branches, comme entre les strophes, les vers et les mots d’un poème, ouvre au centre de l’étoile un espace dégagé au sein duquel rien n’obstrue le cheminement des Maçons en quête de centre, inversant par la même les phases de tracé du cercle dans cette géométrie de l’esprit, la périphérie précédant le centre.
En outre, les branches de l’étoile se croisent en constituant deux segments dont le rapport des longueurs donne le nombre d’or « 1,618 », nombre de l’harmonie vénéré par Pythagore. Ce nombre omniprésent dans la Nature, l’Art et l’architecture sacrée, devient aussi le nombre de l’homme quand il ouvre les bras et s’inscrit lui-même comme ses créations dans cette étoile flamboyante. Léonard de Vinci le représente bras et jambes écartés, générant en lui-même et par lui-même cette harmonie éclairant le cheminement intérieur des êtres en quête de Sagesse, de Force et de Beauté.
Les « Vers dorés de Pythagore », texte grec de soixante et onze vers attribués par les anciens à Pythagore, publiés en 1813, traduits et commentés par Antoine Fabre d’Olivet, philologue et occultiste français, rappellent les principes guidant les Maçons dès leurs premiers pas d’initiés.
« Les anciens avaient l’habitude de comparer à l’or tout ce qu’ils trouvaient sans défaut et beau par excellence : ainsi, par l’« Age d’or » ils entendaient l’âge des vertus et du bonheur ; et par les « Vers dorés », les vers où la doctrine la plus pure étaient renfermée.
Après la mort de Pythagore, et la terrible persécution qui coûta la vie à un si grand nombre de Pythagoriciens, écrasés sous les débris de leur école incendiée, ou contraints de mourir de faim dans le temple des Muses, Lysis, le disciple transcripteur de ces vers, voulant répandre la secte de Pythagore dont on s’attachait à calomnier les principes, crut nécessaire de dresser une sorte de formulaire qui contînt les bases de la morale et les principales règles de conduite données par cet homme célèbre. »
« Ce vers renfermait adroitement un double sens. Par le premier, il recommandait la tolérance et la réserve aux Pythagoriciens, et à l’exemple des prêtres d’Egypte, établissait deux doctrines, l’une ostensible et vulgaire, conforme à la loi (du pays où ils vivaient) ; l’autre mystérieuse et secrète, analogue à la foi. Il rassurait ainsi les peuples ombrageux de la Grèce, qui, d’après les calomnies qui courraient, auraient pu craindre que les Pythagoriciens n’eussent voulu porter atteinte à la sainteté de leurs Dieux.
Les Pythagoriciens voyaient ainsi (sans en parler) dans les Dieux des nations les attributs de l’Etre ineffable qu’il ne leur était pas permis de nommer, leur rendant le culte consacré par la loi, et les ramenaient tous en secret à l’Unité qui était l’objet de leur foi. »
« Pythagore considérait l’Univers comme un Tout animé dont les Intelligences divines, rangées chacune selon ses perfections dans sa sphère propre, étaient les membres. Ce fut lui qui désigna le premier ce Tout par le mot grec « Kosmos », pour exprimer la beauté, l’ordre et la régularité qui y règnent. C’est de l’Unité considérée comme principe du monde que dérive le nom d’Univers que nous lui donnons.
Pythagore posait l’Unité comme principe de toutes choses, et disait que de cette Unité était sortie une « Duité » infinie. L’essence de cette Unité et la manière dont cette Duité qui en émanait y était enfin ramenée, étaient les mystères les plus profonds de sa doctrine, les objets sacrés de la foi de ses disciples, les points fondamentaux qu’il leur était défendu de révéler. Jamais on n’en confiait l’explication à l’écriture : on se contentait de les enseigner oralement à ceux qui paraissaient dignes de les apprendre. Lorsqu’on était forcé par l’enchaînement des idées d’en faire mention dans les livres, on se servait de symboles et de chiffres, on employait la langue des Nombres ; et ces livres, tout obscurs qu’ils étaient, on les cachait encore avec le plus grand soin ; on évitait par toutes sortes de moyens qu’ils ne tombassent dans les mains de profanes. »
« Le premier précepte que Pythagore donnait à ses disciples entrant dans la route de la perfection, tendait à les replier en eux-mêmes, à les porter à s’interroger sur leurs actions, sur leurs pensées, sur leurs discours, à s’en demander les motifs, enfin à réfléchir sur leurs mouvements extérieurs et intérieurs, et à chercher ainsi à se connaître. La connaissance de soi-même était la première de toutes les connaissances, celle qui devait les conduire à toutes les autres. La morale de Socrate et la philosophie de Platon n’en étaient que le développement, et une inscription dans le premier temple de la Grèce, dans celui de Delphes, la recommandait après celle du juste milieu, comme l’enseignement même du Dieu qu’on y venait adorer : « Rien de trop » et « Connais-toi toi-même » renfermaient en quelques mots la doctrine des sages, et présentaient à leur méditation les principes sur lesquels reposent la vertu, et la sagesse qui en est la suite. »
« L’homme est un composé d’esprit, d’âme et de corps, (dont les modifications) se manifestent par la sensation, le sentiment et l’assentiment, développant les facultés principales de l’instinct, de l’entendement et de l’intelligence. L’instinct est le siège du sens commun ; l’entendement, celui de la raison ; et l’intelligence, celui de la sagacité, ou de la sagesse. L’homme ne peut jamais acquérir aucune science, aucune connaissance véritables, si, à la faveur de l’intelligence qui élit le principe et le pose avec sagacité, l’assentiment ne se détermine ; car on ne sait, on ne connaît jamais véritablement que ce que l’intelligence a consenti. »
« Les préceptes de Pythagore étaient symboliques, c’est-à-dire renfermaient, au figuré, un sens très différent de celui qu’ils paraissaient offrir au sens propre. C’était l’usage des prêtres égyptiens, chez lesquels il les avait puisés, de cacher leur doctrine sous l’écorce des paraboles et des allégories. Le Monde était à leurs yeux une grande énigme, dont les mystères, revêtus d’un style également énigmatique, ne devaient jamais être ouvertement divulgués.
Ces prêtres avaient trois sortes de caractères, et trois manières d’exprimer et de peindre leurs pensées.
La première manière d’écrire et de parler, était claire et simple ; la seconde, figurée ; et la troisième, symbolique.
Ils se servaient, dans la première, de caractères usités par tout le monde, et prenaient les mots dans leur sens propre ; dans la seconde, ils employaient des caractères hiéroglyphiques, et prenaient les mots dans un sens détourné et métaphorique ; enfin ils faisaient usage, dans la dernière, de phrases à double sens, de fables historiques, astronomiques, ou de simples allégories.
Le chef d’œuvre de l’art sacerdotal était de réunir ces trois manières, et de renfermer, sous l’apparence d’un style simple et clair, le sens vulgaire, le figuré et le symbolique. »
Les idées des préceptes comprises rationnellement par les initiés, constituant autant de points de connaissances, doivent encore être reliées entre elles et constituer des réseaux où elles peuvent entrer en rapports harmonieux les unes avec les autres, leurs champs d’influence rappelant les deux segments des branches de l’étoile à cinq branches, dont le rapport des longueurs donne le « nombre d’or » irrationnel, 1,618. Les nombres irrationnels, dont le symbolisme complète celui des nombres entiers dans l’initiation maçonnique, possèdent un nombre infini de chiffres décimaux, et dans cette suite infinie, aucune périodicité ne peut être trouvée permettant d’imaginer les chiffres qui viendront à partir de l’analyse des chiffres qui sont déjà venus.
Mais les nombres irrationnels étant « incommensurables », leur découverte implique celle d’une dimension supra humaine ouvrant l’esprit au sacré, ce que soulignent encore les proportions dites « d’extrême et de moyenne raison » des branches de l’étoile, c’est-à-dire l’identité de proportion entre, d’une part, ses deux parties, et, d’autre part, sa grande partie et le tout. Autrement dit dès que l’harmonie règne entre les parties du microcosme de l’homme, elle couronne pareillement ses relations avec le macrocosme.
Remontons plus avant, aux premiers âges de la Grèce, quand « la Poésie, consacrée au service des autels, ne sortait de l’enceinte des temples que pour l’instruction des peuples : elle était comme une langue sacrée dans laquelle les prêtres, chargés de présider aux mystères de la religion, traduisaient les volontés des Dieux. Les oracles, les dogmes, les préceptes moraux, les lois religieuses et civiles, les enseignements de toutes sortes sur les travaux du corps, sur les opérations de l’esprit, tout enfin ce qu’on regardait comme une émanation, un ordre ou un bienfait de la Divinité, tout était écrit en vers. On donnait à cette langue sacrée le nom de « Poésie », c’est-à-dire « Langue des Dieux » ; nom symbolique qui lui convenait parfaitement, puisqu’il exprimait à la fois son origine et son usage. On disait qu’elle était venue de « Thrace », et on appelait « Olen » celui qui, l’ayant inventée, en avait fait entendre les premiers accents.
Or ce sont encore deux noms symboliques, parfaitement adaptés à l’idée qu’on avait de cette science divine : elle était descendue de Thrace, c’est-à-dire de l’Espace éthéré ; c’est Olen qui l’avait inventée, c’est-à-dire l’Etre universel…
« Un homme né au sein de la Thrace, mais porté dès son enfance en Egypte par le désir de s’instruire, repassa dans sa patrie avec l’une des colonies égyptiennes, pour y propager de nouvelles lumières. Il était initié dans tous les mystères de la religion et de la science : il surpassait tous ceux qui l’avaient précédé, par la beauté de ses vers, la sublimité de ses chants, la profondeur de ses connaissances dans l’art de guérir les maladies et d’apaiser les Dieux.
C’était Orphée : il prit ce nom de celui de sa doctrine qui tendait à guérir, à sauver par les lumières. La tradition mythologique a consacré dans une brillante allégorie, les efforts qu’il fit pour rendre aux hommes la vérité qu’ils avaient perdue. Son amour pour Eurydice, tant chanté par les poètes, n’est que le symbole de l’amour dont il brûlait pour la science divine. Le nom de cette épouse mystérieuse, qu’il voulut en vain rendre à la lumière, ne signifie que la doctrine de la vraie science, l’enseignement de ce qui est beau et véritable, dont il essaya d’enrichir la terre. Mais l’homme ne peut point envisager la vérité, avant d’être parvenu à la lumière intellectuelle, sans la perdre ; s’il ose la contempler dans les ténèbres de sa raison, elle s’évanouit.
Voilà ce que signifie la fable que chacun connaît, d’Eurydice retrouvée et perdue…
« Orphée qui sentit, par sa propre expérience peut-être, le grand inconvénient qu’il y avait de présenter la vérité aux hommes avant qu’ils fussent en état de la recevoir, institua les mystères divins ; école admirable où l’initié, conduit de degré en degré, lentement étudié et éprouvé, recevait la dose de lumière proportionnelle à la force de son intelligence, et doucement éclairé sans risquer d’être ébloui, parvenait à la vertu, à la sagesse, à la vérité…
Les degrés principaux de l’initiation étaient au nombre de trois, comme sont encore aujourd’hui les grades d’Apprenti, de Compagnon et de Maître dans la Franc-Maçonnerie. On ajoutait quelquefois trois degrés secondaires aux trois principaux, et on les terminait par une révélation extraordinaire, qui, en élevant l’initié au rang d’« Epopte », ou de voyant par excellence, lui donnait la véritable signification des degrés qu’il avait déjà parcourus, lui montrait la nature sans voile, et l’admettait à la contemplation des lumières divines.
C’était pour l’Epopte seul que tombait le dernier voile, et qu’on écartait le vêtement sacré qui couvrait la statue de la Déesse. Cette manifestation, appelée « Epiphanie », faisait succéder l’éclat le plus brillant aux ténèbres qui, jusqu’alors, avaient entouré l’Initié. Le grade d’Elu a remplacé, parmi les Francs-Maçons, celui d’Epopte. »
Les chants d’Orphée comme les vers de Pythagore, au fondement de l’initiation aux Mystères, vibrent encore à chaque étape de l’initiation maçonnique, tendent à rendre synchrones les règles morales et la conscience mentale de leurs adeptes, et constituent en eux-mêmes un couple équilibré de forces destiné à relier harmonieusement sur l’axe vertical de la Perpendiculaire de l’Apprenti, les « niveaux » de la connaissance temporelle et de la conscience spirituelle.
L’inspiration de l’idée ou du mot juste espéré par le poète s’appuie sur l’équilibre ou le déséquilibre de ces forces, et « il semble qu’il y ait dans cet ordre des choses mentales, quelques relations très mystérieuses entre le désir et l’événement. Je ne veux pas dire que le désir de l’esprit crée une sorte de champ, bien plus complexe qu’un champ magnétique, et qui eût le pouvoir d’appeler ce qui nous convient (le mot ou l’idée). Mais, quelles que soient la netteté, l’évidence, la force, la beauté de l’événement spirituel (les mots-idées des points de l’étoile) qui termine notre attente, qui achève notre pensée ou lève notre doute, rien n’est encore irrévocable.
Ici, l’instant suivant a pouvoir absolu sur le produit de l’instant précédent.
C’est que l’esprit réduit à sa seule substance ne dispose pas du fini, et qu’il ne peut absolument pas se lier lui-même. » (Paul Valery) Cet instant de l’inspiration qui semble « régulièrement » suspendu et résorbé lors de la clôture des travaux, semble se réactiver dans les mailles de l’étoile de la Loge au travail, où les Frères et les Sœurs participant à sa dynamique depuis les colonnes, tendent à se transformer eux aussi en poètes inspirés. Car le poète, la poétesse, géomètre de l’âme, demeure pour exercer son Art entre l’écriture et la géométrie, cette zone médiane où le Verbe s’agrège aux mots d’esprit pour ensemencer l’écriture de structures géométriques foisonnant d’idées et de traits d’esprit, exaltant autant les tracés, les plans de l’architecte que le Travail du Compagnon qui les met en œuvre.
« La Muse, dit Platon dans ses Dialogues, inspire immédiatement les poètes, et ceux-ci communiquant à d’autres leur enthousiasme, il s’en forme une chaîne d’hommes inspirés. C’est par le moyen de cette chaîne que la Divinité attire l’âme des hommes, et l’émeut à son gré, en faisant passer sa vertu de chaînon en chaînon, depuis le premier Poète inspiré jusqu’au dernier de ses lecteurs ou de ses rapsodes. »
Car une chaîne humaine vaut plus, ou mieux, que l’addition de ses maillons. Les Maçons peuvent ressentir le delta de cette différence dans la chaîne qui les relie tous, physiquement, mentalement et spirituellement, lors de la clôture des travaux de Loge, et sur les ailes de ce delta, se laisser porter vers un autre Delta à l’Orient, laissant « en plan » l’horizon immanent des contingences, et dans la chaleur fraternelle, aspirer à la dimension transcendante de l’Etre.
Cet esprit inspire les poètes Maçons européens de langue germanique depuis la naissance de la Franc-Maçonnerie moderne, tels Goethe et Schiller, au XVIIIème siècle. « Le franc-maçon est cet homme qui a le courage de croire en la lumière au plus profond de la nuit » dit Goethe (1749-1832). Son poème « Loge de Maçon » illustre les convulsions de l’âme du Maçon en devenir, et la vie qu’il se forge par ses choix. Le Maçon embrasse sa destinée quand il ose tendre vers sa « fin », et renaître à lui-même par les mots « Meurs et Deviens » de son poème « Nostalgie bienheureuse » Ses derniers mots furent « Plus de lumière ! ».
Schiller (1759-1805), le « poète de la liberté », ami de Goethe, incarne l’idéal humaniste de l’homme. Beethoven, leur contemporain, a composé sa neuvième symphonie inspiré par le poème de Schiller « Ode à la joie ». « Elevez-vous, dit-il, d’une aile hardie, au-dessus du cours de votre temps. Que déjà, dans votre miroir, commence à poindre le siècle futur. » Dans sa « Lettre sur l’éducation esthétique de l’homme », en son siècle plus préoccupé par les besoins pratiques et l’utilité que par l’art, Schiller choisit la beauté car il estime que c’est par l’esthétique que le problème politique sera résolu. C’est par la beauté que l’homme sera conduit à la liberté. Dans ce monde gouverné par les idées, l’homme ne serait plus un « loup pour l’homme », mais le maillon heureux d’une chaîne universelle, capable de contribuer à l’élévation et à l’ennoblissement de l’espèce humaine. Il clame « Honorez les femmes ! »
Dans les pays de langue anglaise les poètes Maçons sont prolifiques, leurs poèmes exaltant particulièrement la fraternité, l’entraide et l’émulation des chaînes d’union dans des pays où les Temples sont souvent imposants, à l’instar de leurs nombreuses actions caritatives.
Leurs nombreux poètes sont aujourd’hui référencés sur des sites internet de poésie maçonnique, tel « Masonic Poets Society » où figurent sous forme bilingue quelques uns de mes poèmes. « Si » écrit par Rudyard Kipling en 1910, est un des poèmes maçonniques les plus connus dans le monde. Sa traduction habituelle en français, où le fond sacrifie l’essentiel à une forme convenue, s’écartant sensiblement de la version anglaise, le revoici fidèle au texte d’origine, modèle d’une transmission d’homme à homme.
Les poètes Maçons pensent-ils en musique ? On serait tenté de le croire, tant depuis la lyre d’Orphée l’inspiration musicale accompagne l’écriture pour illustrer le cheminement initiatique. Comme le musicien, le poète compose et reçoit son inspiration en un lieu subtil en lui, à l’articulation entre le son et le sens, en ces moments où les sons des mots mettent en musique le silence de la pensée. L’inspiration silencieuse de l’idée s’exprime dans chacun des phonèmes du mot, jusqu’à s’agréger par ensembles limités de mots et de phrases.
A peine émise, l’idée limite son expression, cherche et trouve son « terme », son dernier son en fin de mot, son dernier mot en fin de phrase et dans le poème en fin de vers. Le poème est cette suite de limites régulièrement dépassées et renouvelées, cette succession d’aspirations aux idées et d’expirations de mots résonnant les uns par les autres, cette respiration inspirée de la parole composant des mélodies de sens.
Mais alors ce lieu subtil où se croisent et se fécondent le mot et le sens, rappelant l’Equerre et le Compas croisés sur l’Autel des Serments et régulés par la Règle ou le Livre de la Loi sacrée, n’est-il pas un passage, un pont jeté par le poète au faîte de son inspiration entre la matière et l’esprit ?
Il évoque ce « pontife » résidant sur une montagne sacrée, chargé dans la Grèce antique de l’entretien d’un pont reliant le monde des hommes au monde des dieux. Du haut de cette montagne se répandaient les oracles divins, les lois et les enseignements que les pontifes composaient en vers.
Et dès l’origine une sorte de schisme se produisit entre deux cultes, celui des Thraces consacré à Dionysos l’esprit divin et Déméter la terre-mère, et celui des Grecs proprement dits, consacré au soleil et à la lune, rendu sur le mont Parnasse et à Delphes à Apollon et à Diane. Les Rites maçonniques, et en particulier le Rite Ecossais Ancien et Accepté, garde et même entretient la marque de cette séparation par une différence de sens entre les degrés symboliques et les degrés dits de Perfection.
En Franc-Maçonnerie, dans les Loges et l’esprit des Maçons, les Thraces et les Grecs, Dionysos et Apollon, Déméter et Diane, ont vocation à se rencontrer. « C’est en liant Dionysos et Apollon que la religion grecque a atteint sa hauteur la plus sublime. Cela ne saurait être un simple hasard qu’ils soient venus l’un à l’autre. Ils se sont attirés et cherchés, parce que leurs règnes, malgré le contraste le plus brutal, sont malgré tout, sur le fond, rattachés par un lien éternel.
La lumière et l’esprit d’en haut doivent toujours avoir connu au-dessous de soi le nocturne et la profondeur maternelle, sur lesquels tout être est fondé. A la religion olympienne, qui ne devait pas être une religion de la soumission et du cœur indigent, mais celle de l’esprit clairvoyant, il fut réservé, là où d’autres séparent et maudissent, de reconnaître et d’honorer l’union des contraires, celle que montre l’arc et la lyre. » ( Walter F. Otto, L’esprit de la religion grecque ancienne : Theophania) Dans la Loge Victor Hugo deux fois née comme Dionysos, d’abord au Grand Orient de France, puis il y a onze ans à la Grande Loge de France, l’arc et la flèche du sens tendu entre les mots d’un poète a fécondé la lyre d’un musicien, Gérard Berliner, engendrant « Le Flambeau ».
L’amour fraternel qui sublime ce lien établi dans les Loges maçonniques entre le son et le sens, la lyre et la flèche, rappelle Cupidon, le dieu romain de l’Amour, portant avec son arc une torche allumée. Le feu de l’amour réchauffe le lien entre le son et le sens, et en retour ce lien éclaire l’amour, chaleur et lumière touchant au cœur les Sœurs et les Frères du foyer qu’est la Loge. Il se concentre symboliquement dans la flamme de l’étoile allumée sur le plateau du Vénérable, et se transmet aux deux colonnes lors de l’ouverture de ses travaux. « Que la lumière nous éclaire ! » dit le Vénérable. « Et que l’amour nous allume ! » rajouterait volontiers le poète.
Suspendu à l’inspiration, le poète Maçon se balance entre l’espérance collective de ses Frères et Sœurs et ses propres aspirations. Entre « Espérons ! » et « J’aspire ! » s’écrivent les vers de ses poèmes, s’entendent les sons et les sens, les mots et les idées, et les mélopées silencieuses de leurs chants secrets. Il ouvre la grande ronde des poètes à ceux et celles qui goûtent leur langue, savourent son esprit, ses accents, et quand d’autres disent « Je vous écoute », disent en souriant « Je t’entends », couvrent leurs Muses de présents, de paroles aimantant le temps, et pour étirer le présent, s’invitent au Banquet de Platon et partagent des agapes fraternelles.
Quand on aborde le(s) druidisme(s) contemporain(s), plusieurs problèmes se posent : les plus visibles ne sont pas les plus logiques – où Astérix n’est qu’une BD marquée par un gentil chauvinisme fantastique, daté des troubles enseignements de la IIIème République. Quasi-tout de la civilisation celtique semble en effet perdu en tant que tel, d’avoir été assimilé par Rome puis le folklore chrétien. Il n’y a plus qu’un substrat celtique, comme disent les chercheurs. Autant vous dire tout de suite, que la figure du druide n’est qu’une familière étrangeté.
De 2020 à 2022, parurent sous AgoraVox des entretiens-fleuves, nommés Des Druides et celtisants contemporains parlent. Ces entretiens se sont perdus, mais reparurent synthétisés et épurés, dans l’article « Je souhaite que chacun, dans son identité propre, renoue avec ses racines spirituelles » : des Occidentaux de traditions celtes, parlent. Dans l’entretien-fleuve suivant, si des Occidentaux de traditions celtes parlent bien mieux, c’est qu’ils ne parlaient pas (enfin pas tous) si bien que cela, dans le premier (même s’il fut synthétisé et épuré).
Observez qu’il y a 1° les druidistes véridiques, qui assument les savoirs et les doutes archéo/historiques quant aux Celtes… 2° les druidistes empotés, qui ne se veulent pas méchants, mais qui sont limités par leur manque de reconnaissance desdits savoirs et doutes (trop habitués à la tradition romantique, déjà tricentenaire néanmoins)… et 3° les druidistes faux (les « fake druids ») qui vendent un druidisme qui n’en a que le titre, diffusant l’image d’un pseudo-sage vert, à travers des démarches de développement personnel plus ou moins utiles ou niaises. Ces fake druids doivent leurs fallaces aux druidistes empotés, d’une part… et à leurs propres usurpations, dénis et velléités fantastiques, d’autre part (on en trouve partout en Occident, donc en France, mais ils écrasent littéralement le monde anglosaxon). À ce stade, les druidistes empotés deviennent complices en fausseté (« fakeness ») bien que sans eux les druidistes véridiques seraient moindres. Mais les savoirs et doutes archéo/historiques se répandent dans les magazines d’Histoire, et ridiculisent le milieu. Même la Gorsedd de Bretagne, est ainsi complice ! Même le fameux British Druid Order ! En passant par A Druid Fellowship et l’Order of Bards, Ovates and Druids ! Il y en a tant d’empotés et de fallacieux, qui se reposent sur leurs lauriers modernisants, en appelant une chouette un chat, et en manipulant ce pseudo-chat comme une poupée de chiffes !
Par bonheur, il existe aujourd’hui un druidisme reconstructionniste, qu’il faut naturellement ranger dans la catégorie des druidistes véridiques : ce sont grosso modo ces druidistes que vous allez lire, ci-dessous (sachant, pour rappel, qu’il y en avait quelques uns dans le premier entretien). Un label Appellation d’Origine Contrôlée et des Razzie Awards devraient être inventés dans le domaine des connaissances, afin que nos rayons d’ésotérisme/religion/développement personnel si new age, ne parviennent plus sans difficulté, à distribuer de la mouscaille pseudo- et prétendue druidisante au tout-public.
Bonjour ! Pourriez-vous vous présenter pour les lecteurs, tant au plan civil que religieux ? Druuis Auetos : Sur le plan civil, je ne suis qu’un simple agent territorial et du point de vue religieux je suis l’Odaccos [chef – ndlr] du Nemeton Renninas [Sanctuaire du Petit-Véhicule, en celte restitué] de la Celtiacon Certocredaron Credima [Croyance Celtique Juste-religieuse, en celte restitué]. Druuis Belenigenos : Bonjour, sans rentrer dans les détails, que j’ai déjà donnés dans le premier questionnaire, publié tout en bas de ces entretiens, le Druidisme est au centre de ma vie depuis l’âge de quatorze ans et mon activité est artisanale dans le monde de la reconstitution historique. M’étant également beaucoup investi dans le domaine de la protection de la nature et de l’agriculture biologique, je ne peux que constater, que les pouvoirs publics, loin de défendre l’intérêt général et les moyens d’assurer un avenir qui ne soit pas catastrophique, s’ingénient à démonter les uns après les autres, les mécanismes de protection, ont un double langage permanent et dans la réalité, trahissent fondamentalement ce pourquoi ils sont élus. Druuis Conticannatios : Bon, je me présente. Mon nom civil est Lluís M. Gonzàlez Gibert mais mon nom religieux est Conticannatios, avec lequel j’ai été consacré au sein des Druuidiactos Rectos Uindonnos [Druidicats Rigoureux Lumineux, en celte restitué – ndlr] (anciennement Ordre des Druides Fintan [ayant le légendaire Fintan pour patron]) en tant que Druuis [druide] par l’Ollama [docteure] de l’Ordre, la Bena Druuis [femme druide] Euentia ; qui à son tour a été reconnue par les Ollamos Auetos avec la Celtiacon Certocredaron Credima en 2013. Précisons que cette reconnaissance par le biais d’un Ordre Druidique différent n’impliquait pas que notre Organisation religieuse soit devenue un Nemeton (clairière) dudit Ordre, donc nous maintenons toujours une indépendance de facto malgré notre accord évident sur une vision commune du Druidisme en tant que Religion Reconstruite. Je dois préciser que cette ligne nous éloigne pas mal des autres conceptions considérées comme new age [dominant le premier entretien – ndlr]. Je suis Druuis Gutuater [druide invocateur, en celte restitué] et actuellement le nouvel Ollamos [docteur] de l’Ordre, après la démission pour des raisons de santé de la Bena DruuisEuentia. De plus, et tant que nous pourrons garder le Teges (temple) de notre Nemeton actif, je suis son Odaccos et son serviteur… Bien que nous considérions le druidisme comme une religion, nous n’avons pas d’organisations stables qui soignent ou entretiennent leurs prêtres, comme cela se produit dans d’autres confessions. Alors évidemment je dois gagner ma vie dans le monde civil. Je travaille comme opérateur informatique contrôlant la fonctionnalité des réseaux de données, c’est-à-dire, comme vous pouvez le voir, je ne fais pas du druidisme ou d’autres conceptions spirituelles, plus ou moins liées à celui-ci, mon gagne-pain. Je n’ai pas d’écoles, ni d’académies et je ne facture à personne aucun type de formation plus ou moins liée au druidisme. C’est quelque chose que nous avons toujours combattu et considéré comme inacceptable depuis notre confession… Concernant mon implication dans le celtisme, je ne comprends pas très bien votre question. Mon implication claire est avec ma croyance, le Druidisme, dont je suis Prêtre. Je retiendrai que le Druidisme en tant que Religion et le Celtisme n’ont pas forcément (selon ma conception personnelle) de point commun. Mais bien sûr, tant qu’on se soucie de connaître la langue gauloise, les expressions artistiques, le fonctionnement social de ces gens de l’âge du fer, finalement l’expérience d’une époque, il est évident que ladite union avec ce celtisme « originel » considéré comme tribal, vous marque et vous entraîne. Or, il y a beaucoup de celtisme contemporain et pas peu, lié à des enjeux d’identité politique nationale, à des goûts musicaux ou encore à un certain goût récréationniste romantique. Je ne vais pas là-dedans. Je n’appartiens pas au celtisme de manière identitaire et je n’entends pas le critiquer, mais je suis simplement un prêtre druide. Je ne sais pas si j’ai pu m’expliquer correctement. Bena Druuis Euentia : Je m’appelle Esther Serrano Regol, j’ai 56 ans, née à Barcelone et résidant à Vacarisses en Catalogne. Ma profession a toujours été celle de technicien administratif juridique, bien qu’il y a trois ans, j’ai été licenciée de l’entreprise où je travaillais en raison de problèmes de santé, donc pour le moment je survis avec une allocation de chômage en attendant une pension pour invalidité permanente qui sera résolue en quelques mois. Passionnée de médecine naturelle, j’ai également étudié l’Aromathérapie et les Fleurs de Bach, obtenant les diplômes d’Aromathérapeute et de Thérapeute Florale, et d’autres cours sur des sujets connexes. Au niveau religieux, ma connexion avec le druidisme dure depuis 25 ans. En 1997, j’ai commencé dans le sacerdoce druidique dans l’Ordre Druidique Sendero Verde [du Sentier Vert, en espagnol – ndlr] dont, après avoir obtenu le Druidicat et plusieurs postes au sein de cet Ordre, je suis partie parce que j’avais des visions et des objectifs très différents en termes de ligne druidique à suivre… En 2009, j’ai fondé mon propre Ordre, le Druuidiacto Rectos Uindonos (Ordre des Druides Fintan) avec les Druuis Conticannatios, étant son Ollama jusqu’à ce mois de juillet au cours duquel l’Ollamos est devenu le Druuis Conticannatios. En 2013 et après avoir découvert que l’affiliation de l’Ordre Druidique Sendero Verde, où j’avais été formée, était fausse, j’ai été reconnu comme Bena Druuis par les Druuis Auetos, Ollamos de la Celtiacon Certocredaron Credima, lors d’une cérémonie officiée dans le Nemeton Renninas, où le nom sacerdotal d’Euentia m’a été imposé et dans lequel nous avons jumelé les deux ordres… S’il est vrai que la ligne d’affiliation de la C.C.C. est celle que nous avons adoptée, nous sommes indépendants et nous ne constituons aucune clairière, groupe ou nemeton de la C.C.C., gardant notre indépendance. Pour l’instant mon rôle dans l’Ordre est celui de représentant légal au niveau administratif et celui de Bena Druuis travaillant sur le projet de la création au sein de notre Ordre d’une congrégation de prêtresses à la manière des « Gallicènes » décrites par Strabon et Pomponius Méla. Druide Eber : Bonjour. Mon nom Druidique d’usage est Eber. Ma façon de survivre dans la république bourgeoise française actuelle est subordonnée au versement d’une retraite bien gagnée dans l’exercice de mes anciennes activités liées au monde hospitalier. Sur le celtisme, il me semble opportun de préciser que le druidisme est une voie spirituelle d’essence celte. Tandis que le celtisme désigne une forme de culture, de langue, voir de folklore qui n’est pas obligatoirement druidique. Autrement dit les Druides sont celtes mais tous les Celtes ne sont pas Druides. Sur le plan Druidique je suis Druide dans une clairière de l’Est de la France. Clairière par ailleurs membre de l’Assemblée Druidique du Chêne et du Sanglier : ADCS. Kombalkores Fernando :Fernando González : je suis un religieux dédié depuis des décennies à mon culte et à la recherche de notre Histoire. Par exemple, à propos de la légende noire qui a fait du celtique quelque chose de résiduel et de rare en Espagne [à cause de l'exagération panceltiste sous Franco… mais aussi à cause de recherches faisant plutôt du celtisme péninsulaire, un phénomène proto-celtique issu d'une première vague d'expansion culturelle – ndlr], qui sépare la sorcellerie des cultes préchrétiens [il y a une sorcellerie rituelle et une sorcellerie magicienne] ou présente la Wicca comme une religion nouvelle et éclectique [étymologiquement, le nom réfère à plus ancien que ce qu'en fit l'émergence anglosaxonne depuis le XXème siècle ; mais c'est comme le néodruidisme depuis trois siècles, quand il ne s'aligne pas avec les connaissances archéo/historiques telles que le mégalithisme pré-celtique, ou le polythéisme]. Quant à mon métier, je suis le fondateur et Grand Prêtre de la Wicca celtibère [le Kombalkores Fernando tient à conserver, malgré les confusions, la référence à la wicca, ce qui n'est pas au goût de tout le monde comme on lira, sachant que le wiccanisme pille effectivement le celtisme]. Avec mes frères français, je pense avoir un héritage commun, mais je ne sais pas ce qui se passe aujourd’hui, comment le celtisme y est vécu, bien que je pense cela au moins avec plus d’acceptation et de respect qu’en Espagne. La France est une référence pour nous. Druide Milésio : Salut ! Je suis Xoán Milésio, représentant de la Irmandade Druídica Galaica, ou Compagnie Druidique Pan-Galicienne, dans une traduction libre. Xoán est mon prénom et Milésio est mon nom druidique. Je suis géographe de métier, développant actuellement un certain nombre de projets professionnels liés à la gestion de la culture, aux voyages, à la langue et à la traduction. Druuis Uindocaruos : Bonjour, sans rentrer dans les détails, puisque j’ai répondu au premier questionnaire, tout en bas de ces articles, très jeune j’ai ressenti un appel très puissant, au-delà et à travers les contes, les légendes et les récits mythologiques notamment celtiques, l’envie irrépressible de me rapprocher de Druides, ressentant au plus profond de moi, que c’est cette tradition, qui allait me permettre de m’épanouir spirituellement, je suis dans le Druidisme depuis mes treize ans… Mon parcours de vie à la fois spirituel et professionnel, m’a conduit à acquérir de profondes connaissances, tant dans les domaines ésotériques que thérapeutiques et scientifiques. Ce qui me conduit à réaliser, car on n’a jamais fini d’apprendre, les différentes facettes de connaissances qu’on attribue aux Druides de l’ancien temps. Ceci dit en toute modestie, car à côté des grands anciens, nous ne sommes que des apprentis… Concernant mon métier, je sais que dans l’époque actuelle, ce n’est plus à la mode, je suis homéopathe et thérapeute pluridisciplinaire. Il est dur, aujourd’hui dans un monde où les esprits sont influencés, dans une société où on pousse à la consommation plutôt que de préserver la source de toute vie (la terre), dans un monde où on n’apprend pas aux futures générations à avoir un rapport au monde durable et respectueux, où tout est fait pour empêcher les réflexions de fond et où les vraies connaissances sont remplacées par une cacophonie d’opinions fluctuantes (bien souvent motivées par des intérêts financiers), j’essaye modestement, dans ma pratique druidique, comme dans ma pratique professionnelle (les deux sont évidemment liées, bien que mes patients ne sachent pas que je suis Druide), d’apporter de la lumière, de la solidité, de la conscience, de la stabilité aux personnes qu’il m’est donné de rencontrer. J’aimerai que la déliquescence prévue par Ciceron (disant : « Les temps sont obscurs. Les enfants n’obéissent plus et tout le monde se croit écrivain. ») en 43 avant JC ne se produise pas, bien qu’on y soit quasiment, mais qu’au moins, soient accessibles des portes de sortie et des moyens de remonter vers une société harmonieuse.
Quelles remarques avez-vous envie de faire, au sujet de la précédente interview concernant les celtisants ? Druuis Auetos : Aucune. Druuis Belenigenos : Pour commencer et avant d’aborder quelques questions de fond, je soulignerai l’excellence de cette initiative, qui permet de confronter les points de vues, les démarches et dont on peut espérer qu’elle permette d’aller plus au fond des choses, même si cela aboutit à des positions avec lesquelles nous pouvons être en profond désaccord, je note quand même, qu’il y a des points communs essentiels chez la plupart d’entre nous, que ce soit les appels d’ordre spirituel, une vision critique de ce dont on dispose comme forme religieuse actuelle, du constat, du véritable crime spirituel et culturel, qu’a été la destruction de toutes les formes religieuses précédentes et la conscience, face à la situation dramatique et désastreuse du monde actuel, que renouer avec les sources vives que représentent ces anciennes formes, peut apporter des solutions pour le temps présent et pour l’avenir… Il serait beaucoup trop lourd de faire une analyse complète de toutes les interviews, cela pourrait faire l’objet d’un véritable colloque de rencontres, comme il y en a déjà eu, parfois… Je me bornerai à souligner quelques éléments, qui m’ont plus interpellés que d’autres. Par exemple cette phrase de Mervis Nocteau, qui dit : « il faut aussi des adeptes sans sacerdoce ». Cette remarque toute pleine de bon sens, souligne le défaut de nombre de mouvements où accéder au statut de Druide semble dans la logique, pour peu qu’on y passe quelques années. Cette façon de procéder, traduit le plus souvent, l’absence quasi-complète de contenu sérieux, la bonne volonté et les bonnes intentions, semblant suffire. Je ne doute pas de ces bonnes volontés mais s’engager dans la voie sacerdotale est une chose importante, sérieuse, dangereuse dont l’implication doit être totale, et de toute évidence, n’est pas à la portée ni même dans le chemin, de tout le monde. Il n’y a dans mes propos ni rejet de la démocratie, ni mépris, le moins du monde, je serai enchanté qu’il y ait de nombreux Druides, je le souhaite de tout coeur mais seulement à condition que cela corresponde à un véritable appel et engagement spirituel, à de vraies connaissances, de vraies compétences et un véritable rapport avec les puissances Divines. Cela peut être un objectif pour tous, mais pas plus à la portée de tous et même encore moins, que d’être un universitaire, un médecin, un avocat ou un artisan de haut niveau… Les textes anciens, nous donnent des descriptions claires : « Le Druide est un fondement de la science, un maître des éléments et un accès au ciel », « les Druides sont les plus justes des hommes » notamment, et il est évident que toutes personnes n’ayant pas d’une façon ou d’une autre ces objectifs, dans son chemin sacerdotal, n’y a pas sa place. Il ne s’agit pas d’élitisme mais simplement et justement de cohérence, de loyauté vis-à-vis des hommes et des Dieux, de sérieux et d’efficacité… Je partage pleinement l’avis du Druide Morgan qui écarte le terme de païen, qui est par définition un qualificatif méprisant et péjoratif de la part de nos pires adversaires passés, je ferai le parallèle avec la population indo-européenne des Kalashs au pied de l’Himalaya, dont les rites, les croyances et la culture, sont mis en danger par une hostilité active, tant du monde musulman qui les entoure, qui les qualifie de kafir, qui est l’équivalent arabe du terme paien et que les Kalash rejettent de toute leurs forces, que des sectes protestantes américaines qui veulent à toute force les « évangéliser ». Ce qui précède se retrouve assez bien dans ce que dit Yann Mab Beltan qui en résumé montre clairement que nous avons beaucoup de travail devant nous, pour atteindre le niveau de nos objectifs… Je rejoins pleinement ce que dira moios Brater (mon frère en gaulois) Druuis Uindocaruos : le Druidisme est une religion, sinon qu’est-ce qu’une prière si elle ne s’adresse à personne pour ne choquer personne ? Quand on manipule le feu, évoque-t-on l’élément ou une boîte d’allumettes, quand on se rend auprès d’une fontaine sacrée depuis des millénaires, objet de cultes depuis des millénaires, on n’évoque pas la compagnie générale des eaux, les cornes de Cernunnos ne sont-elles pas bien autres chose qu’un trophée de chasse ? A quoi bon nommer nos Dieux si on ne leur reconnaît aucune réalité profonde ? Je sais que ces confusions sont dûes à l’histoire des mouvements Druidiques, mais je pense que nous sommes à un temps où on doit pouvoir s’affranchir de ces limitations, qui empêchent tout développement de fond… La définition triptyque du Druide Lugvidion, dissociant religion, philosophie et spiritualité traduit la perte de valeur du terme religion, qui dans le sens de l’antiquité, contenait les trois. Sa remarque sur le Druide ancien, à la belle image, et l’actuel, écartant plus le manque de compétence que la convention sociale, me parait erronée dans la mesure où c’est précisément la compétence qui peut permettre de retrouver un statut social. Il souligne l’absence quasi-générale dans les mouvements de prises de positions publiques, sauf la Gorsedd qui le fait et que je soutiens pleinement dans cette démarche car il appartient au Druide de rappeler le droit, le juste, et ce qui convient au monde pour cheminer dans l’harmonie… Le Druuis ananmatos avec d’autres s’accroche au suffixe -isme, ce suffixe a un sens en français moderne qui ne mérite pas les disputes byzantines ayant pollué nombre de rassemblements, mais passons. Le détail des fonctions multiples qu’il donne est tout à fait exact et il dit avec justesse qu’il s’agit là de l’élite intellectuelle de la société celtique. Par contre, en tournant la page, j’avoue ne pas comprendre ce qui lui permet de dire que tous n’étaient pas religieux – comment des sacerdotes, sous prétexte qu’ils sont savants, ne seraient pas religieux ? La confusion sur ce terme est, là encore flagrante et totalement incompatible avec la mentalité dans l’antiquité. A titre de comparaison, on sait que les prêtres égyptiens étaient aussi de grands savants, mais il ne vient à l’idée de personne de les dissocier de la religion. Pourquoi affirmer ça chez nous ? Pourquoi ?… Plus loin, Kalon Keltagena Dea Bandrui [écartée de la version présente sous mon profil AgoraVox – ndlr] formule des remarques intéressantes sur les rituels, mais ce qui précède me conduit à souligner que le Druidisme n’est pas « entre science et sagesse », mais que ces deux choses en font partie. De même plus loin l’utilisation du mot latin pagus est aussi incongru que païen. On dirait que ce terme revêt aux yeux de beaucoup, je ne sais quel caractère authentique ou exotique charmant, qui n’a juste rien à faire dans un mouvement celto-druidique où le mot breton bro et son ancêtre celtique ancien brogi est tellement mieux venu. Je m’interroge aussi sur le « panthéon celte différent » ; je crains que d’un tel chaudron, on ait plus de mal à tirer la quinte essence qu’une étrange bouillabaisse, mais je serais ravi que ce ne soit pas le cas… Dans la deuxième série d’entretiens [rassemblée, pour les contributions les plus intéressantes, dans la version présente sous mon profil], j’apprécie et je partage l’essentiel des réponses à la question concernant la nature du Druidisme, du Druide Kadith… Je dois ajouter que dans tous ces témoignages, j’ai lu bien d’autres choses intéressantes et de valeur, que je ne commente pas, m’estimant déjà beaucoup trop long, mais, en même temps, j’espère que cela alimentera d’autres échanges constructifs pour progresser ensemble. J’ajoute que les remarques et critiques que je formule, le sont au vu de mon expérience avec 50 ans de druidisme, mais qu’elle a ses limites , personne n’a la science infuse. J’espère ne heurter personne, ma véhémence, parfois ne veut attaquer personne et n’est que l’expression de mon attachement au caractère essentiel, fondamental que revêt le Druidisme pour moi. Druuis Conticannatios : Malheureusement je ne les ai pas lus. Les seules nouvelles que j’ai eues via Facebook étaient une série d’entretiens avec des membres de la confession religieuse Wicca Celtibera [mon troisième entretien – ndrl]. Dans cet écrit, j’ai pu voir comment certains membres se sont permis de parler de problèmes de Druidisme et de problèmes liés à notre Ordre sans le moindre fondement ou connaissance de la réalité et donc sans pouvoir porter certains jugements. Cela m’a amené à en discuter avec son Kombolcaros (Fernando González) avec qui nous entretenons une étroite amitié afin que les rectifications appropriées puissent être apportées et je crois que, d’après ce qu’il m’a dit, il vous a déjà écrit pour s’excuser du malentendu et de vous demander de corriger lesdites affirmations et inexactitudes. [Rien n'a été corrigé, les affirmations en question concernant une personne périphérique n'engageant que sa parole en vérité, et largement valables pour tous les druidismes que critiquent le Druuis Conticannatios lui-même ! – ndlr.] Personnellement, et bien que je n’aie pas lu les interviews, je pense qu’il ne faut pas mélanger les sectes et les opinions dans un totum revolutum et que chacun doit dire ce qu’il pense, principalement parce que nous ne rendons pas service aux personnes intéressées qui veulent vraiment savoir ce qu’est le Druidisme, la Wicca ou d’autres confessions religieuses et connaître leurs différences. Il y a des moments où il me semble, et c’est un constat personnel, qu’il y a une tendance à créer, face à l’opinion publique, une Macro-Religion qu’on appelle Paganisme ou l’Ancienne Religion ou comme on veut l’appeler, originaire de temps reculés et dont les différentes croyances sont considérées comme de simples Traditions détachées de cet arbre ancestral. La dernière chose est d’ajouter également à ce sac, des « traditions » personnelles ou à la carte, en leur donnant la même nature que les anciennes croyances religieuses chérissent. Pour moi, tout cela est une grave erreur dont nous souffrons. [Le premier entretien, en effet, souffre beaucoup de cela – ndlr] Bena Druuis Euentia : J’ai lu quelques interviews, la vérité est que, pas tous, mais bien que les articles parlent de druides et de Celtes, je crois humblement que parfois ils prêtent à confusion car tous les Celtes n’exercent pas le sacerdoce druidique, car il y a des gens qui, par exemple, professent la Wicca celtique et la wicca et le druidisme ne sont pas la même chose, mais pour ceux qui ne connaissent pas (surtout pour les néophytes) il peut sembler que ce sont des traditions différentes avec le même credo et ce n’est pas le cas. D’autre part, le paganisme tend à être considéré, surtout dans la péninsule ibérique et j’imagine dans le reste de l’Europe, comme une seule religion ou spiritualité qui englobe différentes traditions, le druidisme, la wicca, l’odinisme et toutes les « spiritualités » en usage selon quelqu’un qui les invente en suivant un courant new age très éloigné de ce que représente pour moi la religion druidique. Cela signifie que le Druidisme n’est pas assez valorisé en tant que Religion, laissant la porte ouverte aux profiteurs dont le gagne pain et le business est le Druidisme, chose qui pour moi est totalement condamnable selon ma vision, on ne peut pas faire affaire avec une religion et exclure ceux qui ne peuvent pas payer pour pouvoir professer et s’engager sur la voie druidique. Druide Eber : Elles semblent honnêtes ce qui est déjà suffisamment rare pour être souligné. Lorsqu’on aborde le druidisme il faut tenir compte que le « Druidisme » n’a pas de bible. Autrement dit pas de dogme codifié qu’il s’imposerait à lui même. Il y a un fond mythologique de référence. Commun à tous les groupes. Par ailleurs il y a une interprétation et mise en œuvre déclinée selon les sensibilités des uns ou des autres. S’il y a débat et parfois dispute c’est sur l’interprétation du mythe mais pas sur le mythe constitutif lui-même. Ce qui me fait dire que j’aime beaucoup votre phrase : « de toutes façons, les sociétés qui se veulent parfaitement unifiées sont de mauvais rêves dystopiques, jusqu’au totalitarisme ». Tout est dit ou presque et toute tentative pour fabriquer un druidisme univoque serait non seulement vaine mais contre productive. Étrangement ce qui semble être un handicap (l’absence de dogme) est aussi une chance qui nous oblige à travailler pour créer ou éveiller du sens. C’est ce travail créatif, lié à l’inspiration qu’il convoque qui est le véritable sens (selon moi) du Druidisme. Il ne faut pas pour autant oublier notre respect des ancêtres et de ce qu’ils ont pu nous transmettre. Ce sont nos racines. Pour autant chaque racine rêve de nouvelles pousses. Kombalkores Fernando : Connaître ces opinions de première main confirme la bonne santé du celtisme, même si comme ici, il y a des voix qui remettent en question la religiosité du druidisme, même historique, qui pensent que la religion s’adapte à l’individu ou qu’en la mélangeant elle reste originale… Je pense que cela est inexact et violerait la mos maiorum [la loi, les mœurs anciennes – ndlr]. De plus, je ne sais pas dans quel culte on ne conclut pas qu’un mode de vie, une spiritualité, une philosophie caractéristiques ou leurs possessions, invalide en tant que religion. Il est inexact, que les druides n’étaient pas avant tout des prêtres… N’est-ce pas leur condition sacerdotale qui leur donnait une telle polyvalence ? Et n’est-ce pas que nous confondons la reconstruction de la religion avec le fait qu’elle est inachevée et carente selon nos idées modernes ? Nous confondre nous ferait usurper son nom, la dénaturer, et nous ferait complices de ce qui la parasitent, tels ceux qui se revendiquent de la Wicca ! Si je passe par une salle d’opération, je préfère être opéré par un chirurgien diplômé, plutôt que quelqu’un disant qu’il se sent comme un chirurgien, que la chirurgie est libre et qu’il est ainsi devenu chirurgien… Comme Lugvidion, je pense que l’absence d’éthique et de valeurs fait que ce clergé est ignoré. Mélangeons-le, avec vivre à l’ère du « tout est permis » à moindre frais et tout de suite, et nous aurons un cocktail explosif. Les seules références directes au druidisme que j’ai sous la main : un Ordre au Portugal, trois en Espagne et une référence bretonne – je dois dire que ce sont des religions authentiques, avec des prêtres qui vivent, pensent et se sentent religieux. Druuis Uindocaruos : Il y a tellement de remarques à faire, je pense qu’il existe plusieurs problèmes majeurs, ou du moins beaucoup de choses m’interrogent dans ces différents témoignages. Le problème majeur c’est que les Druides ne sont pas d’accord sur la définition du Druidisme et sur la définition des Druides. De voir des « celtisants » ou des Druides avec un nom de tradition nordique, de lire « c’est une philosophie ou encore une tradition », utiliser tant de termes veut-il encore dire quelque chose ?… Un jour j’ai posé une question à un Druide du Québec, je lui ai demandé : « Qu’est ce qu’un Druide pour vous ? », il m’a répondu, comme beaucoup d’autres Druides : « Un druide doit être en harmonie avec la nature, envoyer de bonnes énergies, et aimer la faune et la flore » et là je lui ai répondu : « alors mon jardinier est un excellent Druide »… J’aimerais qu’il y ait des débats de fond, que nous, Druides, puissions avancer vers une connaissance mutuelle, malheureusement beaucoup sont pris dans les tourments de l’orgueil et du confort d’une certaine visibilité. Cela nous éloigne de la fameuse citation de Strabon disant : « Les Druides sont considérés comme les plus justes des hommes »… En lisant les interviews, certains penseront qu’il peut exister des Druidismes qui sont aux antipodes les uns des autres. Ce n’est tout simplement pas possible. Il existe une vérité, qui échappe à l’homme certes, mais il existe forcément un vrai ou un faux. Il peut y avoir de nombreuses nuances, déjà du fait de la limite de nos connaissances. Mais, avec celles dont on dispose, on ne peut plus dire n’importe quoi, si l’on veut se référer au Druidisme… Le Druidisme représente pour beaucoup, un business à part entière, beaucoup de personnes mélangent occultisme mal digéré ou fantaisiste, spiritualité et développement personnel. Ce qui mène à la perte de connaissance et éloigne dangereusement d’une véritable initiation. J’accompagne des patients avec le développement personnel (sophrologie, hypnothérapie), il faut certes être équilibré mentalement lorsqu’on veut suivre un chemin sacerdotal, mais cela ne permet absolument pas de prétendre assimiler le développement personnel à une véritable initiation ; de là, à justifier que le développement personnel soit une voie occulte (ou une science cachée), cela est chaotique, trompeur et irresponsable… J’ai eu récemment à faire le triste constat que lorsqu’on propose des travaux communs, des rencontres, des vraies recherches permettant l’évolution de nos connaissances, une fraternité sans faille et une protection de notre tradition/religion/spiritualité, notamment contre le charlatanisme, et les Dieux savent que ça grandit chaque jour, derrière des mails tout le monde est motiv :, lorsqu’il faut s’appliquer tout le monde disparaît, à de trop rares exceptions… Je reviendrai sur ma définition du Druidisme et la fonction du Druide, le problème c’est que les « celtisants » sont pour les ¾ sous stress post-trauma-monothéiste lorsqu’on parle de religion et pourtant pour moi le Druidisme est une religion, elle était la religion de nos ancêtres, du latin religare signifiant « relier » ; relier en l’occurence aux Dieux, le terme religieux me convient, une religion sans dogme, vu que nous n’avons que peu d’informations écrites, à part celles retrouvées par les archéologues, les linguistes et les mythologues. La structure religieuse c’est ce qui relie à nos racines, c’est la matérialisation de notre spiritualité, pour moi, la structure religieuse est un corps inerte et la spiritualité c’est ce qui anime le corps, c’est ce qui permet d’éviter d’entendre des chants et prières égyptiennes en pleine cérémonie supposée druidique, d’éviter d’entendre des prières à Vénus, alors que le Druidisme est relié au Celtes. Il ne s’agit pas ici de critiquer d’autres formes de religions qui ont tout autant leur valeur que la nôtre, mais de souligner la confusion qui ne fait que traduire une ignorance abyssale de l’essence des choses, ça serait comme se dire mécanicien voiture, et de vouloir mettre un fer à cheval à la place d’un pneu. La religion c’est ce qui nous relie aux Dieux… Beaucoup se mordent la queue, en parlant de tradition, du latin traditio, lui-même du latin trans, à travers et du latin dare, voulant dire donner. De quelle tradition parle-t-on ? Vu que nous avons, dans l’état actuel de nos connaissances, un fossé historique. Dans ma vision, il y a donc les néo-druides qui cherchent à transmettre la connaissance des prédécesseurs du XVIIIème siècles, et ceux qui en découlent mais cherchent à retrouver la réelle définition de ce qu’est un Druide (Razzia des vaches de Cooley) : « Le Druide est un fondement de la science, un maître des éléments et un accès au ciel »… Le Druidisme recèle une philosophie, oui, ça c’est sûr. Comme toutes autres spiritualités, toute véritable religion ou spiritualité doit être animée, surtout pour les sacerdotes, par une philosophie qui veut dire : du latin philosophia, qui lui-même était un emprunt au grec philosophia. Le mot philosophia de philos, qui aime, et sophia, sagesse ; traduit qui aime la sagesse. Nous n’atteindrons peut-être pas le rang de sage dans cette vie, mais nous nous efforçons d’en approcher chaque jour.
Qu’est-ce que le celtisme et le druidisme, aujourd’hui ? D’où viennent-ils ? Comment se manifestent-t-ils ? Quelles sont leurs courants et leurs organes ? Combien de personnes mobilisent-ils ? Cherchent-ils une reconnaissance en France ? Druuis Auetos : Toutes les réponses peuvent être trouvées dans l’ouvrage de Michel Raoult intitulé Les Druides. Les sociétés initiatiques celtiques contemporaines, aux éditions du Rocher. Druuides Uindocaruos & Belenigenos : Le Celtisme et le Druidisme sont, après des siècles de persécution, engagés dans une renaissance, qui est aussi un âpre combat pour la survie. D’où viennent-ils ? Cela a déjà été évoqué. Sans refaire toute la litanie terrible de souffrances et de catastrophes qui ont frappé le monde celtique depuis deux millénaires, il faut constater que, non seulement aucun des pouvoirs politiques ou prétendument religieux, s’étant attaché à en exterminer toute trace, n’a réussi à le faire, mais d’improbables résurgences n’ont cessé de refleurir au long des siècles dans tout le monde celtique. Les mouvement druidiques en font partie. Il est très étrange de constater qu’alors que’on pouvait croire la reconnaissance de la civilisation celtique comme pleinement acquise, tant l’abondance des recherches dans tous les domaines et l’importance des découvertes archéologiques ont pulvérisé les poncifs éculés qui faisaient encore tâche dans l’enseignement, il n’y a pas si longtemps, voilà qu’un courant probablement idéologique, faisant grossièrement passer l’idéologie avant la science, s’applique à nier l’existence de la civilisation celtique et la notion même de celtes, au sein des académies ! Cette dérive scandaleuse et malhonnête ne peut laisser indifférent. Comme face aux charlatans et aux escrocs, la réponse qui nous appartient doit résider dans le sérieux, le travail sourcé, et la recherche inlassable de connaissances. Ce sont ces choses qui peuvent permettre un jour, plus de reconnaissance, mais cela, à notre sens, ne doit pas trop nous préoccuper, face à un état hostile ou, au mieux, indifférent. Ce qui est certain, c’est que dans la population, il existe un écho grandissant, et que beaucoup agissent pour redévelopper toutes les formes de ce qui constitue l’héritage, que l’on doit garder vivant du monde celtique. Pour nous, le Druidisme demeure aujourd’hui encore une religion, vu que nous croyons aux anciennes Divinités celtiques et que nous les invoquons lors de nos cérémonies, comme souligné plus haut, une tradition si on suit les mouvements de nos prédécesseurs et une philosophie de vie cherchant à nous mener vers la Sagesse. Druide Eber : Cela pourrait sans doute être développé dans de nombreuses pages. Pour faire court, il y a trois paternités revendiquées par les « néo-druides » actuels : celles de Iolo Morganwg [1747-1826, initialement franc-maçon spéculatif – ndlr], celle de John Toland [1670-1722, donc prédécesseur de Iolo Morganwg, et même précurseur de la franc-maçonnerie spéculative], celle de Henry Hurle [1739-1795, inspiré par la franc-maçonnerie spéculative]. La lignée de Iolo Morganw est sans doute la plus représentée en France (pour faire chic, disons Gaule), celle de Toland lui emboîte le pas. Celle de Hurle n’est plus active en tant que telle. Sauf ignorance de ma part. Les lignées et influences sont diverses. Il existe encore un mythe guénonien qui promeut la lignée pure et certains collèges (écoles druidiques) s’en font le relais. Cette idée de lignée pure est confrontée à deux écueils. Beaucoup de collèges dont nous sommes, ont des lignées croisées. Prenons le parallèle avec la génétique : selon cette image nous serions des « sang mêlés ». En second lieu, le culte du sang pur finit lui aussi comme en génétique par souligner les tares. [Si ces groupes existent, ils composent avec ceci que René Guénon dénonça la possibilité d'une initiation druidique à travers la féodalité – ndlr]. Ne croyez pas que je sois inutilement critique envers mes Frères et Sœurs en Druidisme. Leur différences me plaisent et m’enrichissent. Chaque collège a sa propre politique de communication, rien de bien original en cela. Quelques uns écrivent des livres, d’autres veillent à une présence sur les réseaux sociaux, d’autres sont moins actifs. Rien de particulier à cela. Ceux qui communiquent mieux sont plus visibles et inversement. Le nombre de personnes touchées, en France, est très difficile à connaître. Certains groupes comptent leurs membres en centaines, d’autres en dizaines et quelques uns à l’unité. Cela étant le nombre n’est pas gage de qualité… La reconnaissance en France demanderait elle aussi un long développement. Il y a quelques années un « organe », le Druid Network, a été reconnu au Royaume uni comme suit : « Le Réseau des druides (Druid Network), une organisation réunissant les adeptes du druidisme dans le monde, a reçu le statut d’œuvre de bienfaisance, en tant qu’organisation religieuse, conféré par la Commission des organisations caritatives (Charity Commission). » Dans l’enthousiasme les collèges druidiques français se sont sentis pousser des ailes pour prétendre eux aussi à une reconnaissance. Sauf que la loi française « laïque » n’est pas la même que la loi anglaise. Il n’y a pas de reconnaissance proprement dite chez nous. Nous pouvons nous constituer en association cultuelle mais être systématiquement consultés sur des sujets religieux supposerait que nous soyons en état de nous organiser et de constituer une portion représentative des confessions citoyennes. Ce qui n’est pas encore le cas. Cela étant pour certains dont je suis, la reconnaissance est relativement accessoire par rapport aux enjeux qui sont les nôtres. Entre autres préserver une liberté d’être et de penser le druidisme en dehors de toute tentative de « normalisation ». En cela notre culture hexagonale semble en retrait par rapport au monde anglo-saxon. Sans doute pensons-nous encore avec les « patterns » monothéistes. Un Dieu, une vérité. Il faudra bien un jour que l’on pense un modèle différent. Des Dieux, des vérités. [Associations 1901 (classiquement) voire 1905 (culturelle, à partir d'un certain nombre de membres permettant de parler de communauté religieuse) – ainsi que 1908 en Alsace-Moselle, dépendant de l'ancien droit prussien – l’État français ne se mêle en fait pas de la liberté religieuse interne. Le contrôle du sectarisme, pas plus que de l'islamisme, n'est évident, quoiqu'il y ait des alertes : le positionnement « anti-système » du Druide Eber fait partie des frilosités druidiques françaises à se constituer associativement, du coup. Ajoutons qu'une forme juridique associative, n'implique pas nécessairement que les représentants de l'association doivent en être les druides : au contraire, les druides semblent s'être tenus dans les coulisses des rois ! – ndlr.] Kombalkores Fernando : Je vois le celtisme comme un mouvement qui essaie d’apprendre, d’enquêter, de sauver, de valoriser et de diffuser les religions, les traditions et les philosophies des peuples et des cultures celtiques. Le druidisme est une religion celtique caractérisée par le nom de son clergé. Je ne comprends pas un druidisme areligieux, et je ne crois pas que Rome poursuivit un sacerdoce qui n’existait pas pour une religion qui n’était pas pratiquée. Qu’il ait fallu l’abolir pour éradiquer la cohésion qu’elle donnait au monde celtique, n’en fait pas moins une religion. Comme hier, c’est une religion dont la particularité marque son idiosyncrasie. Et en tant que religion païenne, elle a aujourd’hui besoin d’unité et d’alliances. Un exemple a été la réception donnée à Bologne (Italie), lors de la Conférence annuelle de l’Académie européenne des religions (EuARe, 2019), à la présentation donnée par le Dr García Repetto (conférencier) de l’Université Complutense de Madrid (Espagne) et moi, dans le Conseil présidé par le Dr Silvio Ferrari, sur la Plate-forme des religions ancestrales européennes (anciennement, Plate-forme pour la liberté religieuse du paganisme), composée de cultes Druidiques, Ásatruár et Wicca, dont nous faisons partie. Intéressé par l’initiative de légaliser et de nous allier à des fins communes… Le druidisme contemporain découle du reconstructionnisme [contemporain] et de la tradition, originale au moins du XVIIIème siècle. Son clergé, logiquement, sera minoritaire. Cependant, il n’est pas réaliste de calculer leur suivi en fonction du nombre de druides dont ils disposent, tout comme il n’est pas réaliste de compter le nombre de catholiques par le nombre de prêtres inscrits – en tout cas, je manque d’informations pour commenter sur le druidisme français. En Espagne, il existe trois ordres druidiques légalisés de différentes traditions reconstructionnistes et purement religieuses. Je demanderai mieux à nos frères de l’Ordre des Druides Fintan [Bena Druuis Euentia & Druuis Conticannatios] de la Tradition Gauloise. Ce n’est pas facile de mobiliser les gens, car nous manquons d’habitude, de moyens et d’infrastructures nécessaires. Il y a beaucoup de cyber-croyants, pas mal d’étrangers, d’autres ressentent de la pudeur ou de la peur, ou tout simplement leur Foi ne va pas au-delà de leur « avatar ». Cependant, dans notre cas, nous célébrons publiquement Uernisolia (Solstice d’été) depuis près de 30 ans dans une ville de Madrid (Pinto), avec la collaboration de la Mairie, qui rassemble chaque année 5 000 personnes (1, 2). En outre, nous y célèbrons publiquement Anmunbia (Samaín, Samonios), bien qu’elle n’ait pas lieu depuis longtemps et qu’elle concentre environ 400 personnes (1, 2). Au Portugal, nous célébrons chaque année une Offrande au Dieu Endouelliko, avec la collaboration des autorités, qui nous permettent de faire le sacrifice sur le site archéologique lui-même où se trouve son centre de culte (1, 2). Malheureusement, nous ne sommes pas encore présents en France, mais quand l’occasion se présentera, nous nous installerons et chercherons la reconnaissance que la législation du pays permet. Concernant la question, oui, sans aucun doute, s’ils ne l’ont pas, ils devraient demander une reconnaissance en France. Druide Milésio : Vous pourriez obtenir une réponse différente de chaque personne à qui vous demandez, mais on pourrait voir le celtisme comme la revendication contemporaine d’une identité celtique, dont le druidisme ferait partie, puisque le druidisme traiterait de l’étude, de la reconstruction et de la pratique réelle de l’ancien. Pensée profonde et religion celtique. Cela dit, le « druidisme » (ou « druiderie »[dans le monde anglosaxon : « drudry » – ndlr]) en soi est un terme que tout le monde n’aime pas, mais nous l’utilisons en l’absence d’un meilleur mot… Les manifestations sont incroyablement diverses, allant des arts (sous toutes leurs formes) à, comme on l’a dit, la spiritualité, les études culturelles, le renouveau linguistique ou même la politique. Si l’on tient compte de tout cela, on peut compter les gens par milliers, même si le côté religieux ou spirituel attire moins. Et bien sûr, un certain nombre de groupes ont été officiellement reconnus et « légalisés » dans l’État français et ailleurs, c’est donc une note positive pour l’avenir.
Comment introduiriez-vous au Mythe Celte ? Quelles directions prend-il ? Druuis Auetos : Dans le Livre 1, chapitre 5 et les suivants, des Lois de Manou, il est écrit : « Ce monde était plongé dans l’obscurité ; imperceptible, dépourvu de tout attribut distinctif, ne pouvant ni être découvert par le raisonnement ni être révélé, il semblait entièrement livré au sommeil. Puis, quand la durée de la dissolution fut à son terme, Tod (« Ça »), lui qui est hors de portée de nos sens, dissipa l’obscurité, produisit les eaux et y déposa un germe. Ce germe devint Ogos // Ouion (« l’Œuf-Cosmique ») aussi brillant et éclatant que l’astre aux mille rayons. Il flottait à contre-courant lié à une chaîne en or. Après avoir demeuré dans cet œuf une année, Uxellimon (« le Suprême »), par sa seule pensée, sépara cet œuf en deux parts et naquit lui-même sous la forme de Tatis (« le Père »), l’aïeul de tous les êtres. Ces deux parts formèrent le ciel et la terre au milieu desquelles se placèrent le Feu, l’Atmosphère, le Soleil et le réservoir permanent des Eaux. Au moyen de Genia (« la Mère ») aussi appelée Bena-Bna (« la Femme-Femme »), douée d’une grande énergie, Indutios (« le Non-Hostile ») forma ce périssable univers, émanation de l’impérissable source. De leur union naquit Neitos (« l’Enthousiaste ») qui, s’unissant avec Neimana (« la Terre-en-Formation »), produisit une multitude de Divinités gigantesques essentiellement agissantes, les Uomorioi (« les Géant-du-Dessous ») doués d’une grande force, ainsi qu’une troupe de Deuoi (« de Dieux »), les Nemetoi (« les Sacrés »). Frères ennemis, ces entités, qui étaient alors toutes mortelles, se firent la guerre pour la maîtrise du monde. Les Deuoi affaiblis furent vaincus et ce monde, toujours en devenir, resta sous la domination des Andeuoi (« des Non-Dieux »). Vinrent après ça trois autres générations de Titans, les Bolgoi (« les Corpulants »), les Dumannioi (« les Ténébreux ») et les Gallaicoi (« les Puissants ») ainsi que la tribu céleste des Dieux, la Touta Deuas Danunas qui, bien qu’ayant gagné une grande bataille contre les Bolgoi, n’en étaient pas moins ruinés et toujours sous le joug des Andeuoi. Ce n’est qu’avec l’assistance de Lugus [un Dieu doué] que les Deuoi, après une bataille acharnée, repoussèrent les Andeuoi au-delà de la neuvième vague. La Terre s’assagit et, ainsi, put recevoir l’humanité. Les Deuoi devinrent immortels et nourris grâce au sacrifice institué dès le commencement. »[Les termes utilisés par Auetos sont en celte restitué, largement adapté depuis le sanskrit des "Lois de Manou" pour les éléments non-attestés. Les "Lois de Manou" sont un texte important dans l'ère de civilisation indo-européenne : certainement côté hindou… et potentiellement côté celte, par comparatisme – ndlr] Druuides Uindocaruos & Belenigenos : Ce thème est un des axes fondamentaux des recherches en cours ou à mener. La confrontation des fouilles archéologiques, la statuaire, les nombreux éléments existant dans les témoignages anciens, les textes irlandais et gallois abondés par l’excellence des travaux des comparatistes et des linguistes, peut permettre de dégager des éléments essentiels. Que l’on se réfère (sans ordre particulier dans l’énumération) aux images d’Esus, de Taranis, au thème de Hu Gadarn, au Livre des Conquêtes d’Irlande, au mythe de l’oeuf de serpent, etc. et on peut articuler ce qui équivaudra aux autres mythes de « création ». Bena Druuis Euentia & Druuis Conticannatios : Comme vous le savez, une mythologie homogène qui envisage une vision du monde généralisée du monde celtique n’est pas connue. Il est important à mon avis que lorsqu’on essaie d’expliquer une métaphysique, on se base autant que possible sur les croyances originales, et non sur nos attentes personnelles ou sur un ensemble hétéroclite de croyances new age si en vogue. Mais bien que nous n’ayons pas de principe structuré original, nous connaissons, d’après l’épigraphie, l’exposition de la Fin du Monde. Il est important de comprendre un début pour assister à une fin. Les druides ont spéculé philosophiquement sur la composition de la matière et ses éléments de base et selon ce que raconte Strabon dans sa Géographie (IV,4,4) : « Eux (les Druides) affirment aussi, eux et d’autres, que les âmes sont indestructibles, tout comme l’Univers est indestructible, bien que le jour viendra où le Feu et l’Eau prévaudront sur tout »… Quand, comme ils le craignaient, le ciel s’effondrerait sur leur tête, le ciel et la terre se rejoindraient, annulant leur séparation, faisant prévaloir le feu et l’eau, la lumière et l’ombre, sans lieu d’échange et où générer la vie… De même, la structuration de base du Temps dans le Monde Celtique établit deux étapes. Une de ténèbres ou d’hiver et une autre de lumière ou d’été. Tous deux en mouvement cyclique perpétuel, générant la division entre Ciel et Terre et propice à la Vie. Ces étapes représentent la division la plus générale et en même temps la plus fondamentale du concept de notre métaphysique druidique. Il est considéré comme la Division Primale. Un espace gouverné par le Soleil et la Lumière et un autre par l’Eau et les Ténèbres. Sur la base de ces deux pôles générés par le mouvement de la terre elle-même, nous voyons que la présence de la lumière et de l’obscurité change, manifestant une série de synergies beaucoup plus particulières qui entraînent des sensations différentes. Sensations de chaud, de froid, d’humidité, de sécheresse, de fertilité, de prospérité, de dépérissement, de mort, de pourriture, de repousse. Mais toute obscurité a sa lumière et chaque lumière son obscurité, comme des moteurs internes qui révolutionnent le mouvement et se complètent. Ils ne sont donc pas opposés, mais complémentaires. La rotation de ces deux Temps est également assurée par la Vie et la Mort, dans l’éternité complémentaire. Cette pulsation de la Terre est la première pulsation. Lumière et ténèbres. Et c’est entre la lumière et les ténèbres que le monde débat… Nous comprenons que ce mouvement fondamental entre la lumière et l’ombre est mythologiquement représenté par lesBatailles de Magh Tuireadh (selon l’orthographe moderne) et que nous appelons Magos Turatiom [en celte restitué – ndlr]. Cet écrit mythologique narre après son inauguration (Première Bataille) la Théomachie de l’affrontement des Dieux Tuatha dé Danann [des Clans de Dana], en tant que Dieux de Lumière, devant les Dieux Anciens, les Fomoires, que nous, dans notre Tradition, appelons Uomorioi selon sa traduction gauloise [comme à la C.C.C.]. Nous pensons donc que le cycle lumière/obscurité qui encadre la métaphysique druidique est un pilier de leur croyance. Nous croyons que la lumière vive (Lugus) porte en elle les ténèbres (Bres [Belaros à la C.C.C.]). Mythologiquement, les deux sont à moitié Uomoroi et à moitié Tuatha dé Danann, et cela indique déjà le besoin des deux natures et leur mouvement constant. Ainsi, l’affectation de la lumière après la victoire de MT1 [première bataille de Magos Turatiom] porte en germe une obscurité progressive (essor de Bres et soumission aux Uomorioi) qui se terminera par un règne des ténèbres (retrait des Tuatha dé Danann). Règne qui porte aussi en lui le point de lumière (arrivée de Lugus) qui va inévitablement avancer jusqu’à gagner du terrain et provoquer le nouvel avènement de la lumière (victoire de la bataille de MT2 [seconde bataille de Magos Turatiom]). Cet éternel cycle qui nous donne un signe de son éternité précisément à cause de la NON-annulation des ténèbres (pardon à Bres) après la Victoire, provoquera le maintien de ladite tache sombre qui sera le futur moteur d’un nouveau cycle… Ce pardon est important pour la Terre car précisément la Terre et ses pouvoirs, l’agriculture, le temps, les saisons… tout cela a besoin de l’échange de lumière et d’obscurité pour se produire et garantir notre bien-être, c’est-à-dire que nous avons besoin de la sagesse des Uomorioi… Nous ne savons pas si cette conception métaphysique, qui n’est pas universelle dans le mouvement druidique mais plutôt typique de notre Tradition et peut-être d’une Tradition apparentée, peut a minima répondre à votre question. Nous espérons nous être expliqués avec un minimum de clarté. Druide Eber : Vous demandez là une cosmogonie. Cosmogonie qui est constitutive du mythe. Ce que l’on peut dire sans trahir les sources c’est que, selon les auteurs qui évoquent les croyances des Druides antiques : « au début étaient l’Eau et le Feu, et qu’à la fin des temps resteront l’Eau et le Feu ». Peu de choses. Cependant cette simple assertion nous dit qu’il y a début et fin, autrement dit que le temps existe. Ce n’est pas rien, si le temps existe au sein du chaos cela veut dire que naît une forme d’organisation au sein de ce chaos. Séparation qui génère un espace. S’il y a le Feu et l’Eau cela veut dire qu’il y a deux principes complémentaires à la base de la création. Un principe dynamique, fécondant : le Feu. Et un principe « plastique », formel : l’Eau. La création résultant de l’union de l’un et de l’autre il y a bien une polarité qui s’exprime aussi bien « en haut » qu’« en bas ». Cela peut sembler simple mais cela s’oppose aux doctrines qui prétendent que seul l’esprit existe (Feu) et que la matière, la manifestation (Eau) est négligeable, si ce n’est mauvaise. Voyons à quel point nous sommes encore conditionnés par cette pensée : esprit = bien, matière = mal ? Kombalkores Fernando : L’origine est dans les Ténèbres, qui ont donné naissance aux formes… un début, que nous comptons tous de bien des façons et que César notait déjà en expliquant que les Gaulois prétendaient descendre d’un Dieu qu’il assimile à Dis Pater [dieu infernal – ndlr]. Ils comptaient les jours par les nuits, etc. (Bagavad-Gita VI:18). Origine, que l’on retrouve dans d’autres genèses indo-européennes et celtiques : le Chaos, les Jumeaux (Druide/Roi, Ténèbres/Lumière, Mort/Vie, etc.), les Neuf Ondes, la Mer et la Terre (écume comme sperme). L’un des meilleurs mythes qui pourrait particulièrement identifier les Celtes est le Retour. Contrairement aux religions salvifiques les plus modernes (abrahamiques), pour les Celtes, l’être humain ne « VA » pas, mais « RETOURNE » au Divin (Paradis, Terre d’Immortalité ou comme nous voulons l’appeler). D’autres, comme les Cycles Naturels, l’Immortalité ou la Métempsychose (Diodore de Sicile, V, 28, 6 ; Strabon, IV 4, 4 ; César, BG VI 4 ; Valerio Máximo, II 6, 10…) sont également indispensables pour comprendre la conception celtique de la Vie. Notre « voyage » parle alors de nous réincarner, de retourner là où nos Ancêtres et même nos Dieux habitent. Druide Milésio : On dit souvent que nous ne savons pas grand-chose sur le mythe celtique, ou sur la mentalité celtique, etc. car peu de choses ont été préservées à ce jour. Je ne suis pas d’accord, en fait, car même s’il est vrai que nous aimerions avoir des sources plus directes et une ligne de transmission solide et continue, il est également vrai que la culture celtique, en général, a été intrinsèquement liée, ancrée, dans les traditions, le folklore, la façon de penser et même le sens de l’humour de ses descendants. Le mythe celtique, tel que nous le voyons, est ancré dans notre propre culture contemporaine, en plus des éléments formels que le milieu universitaire peut également apporter à la table… C’est en regardant ce magnifique puzzle que l’on comprend que, pour les Celtes, la Nature était (est) toute chose, et qu’en même temps la Nature est le Tout [le Druide Milésio promeut un écospiritualisme moderne : nos Ancêtres, certes pétris par la Nature, la redoutaient tout autant ; cela dit, nous comprenons peut-être aujourd'hui, y compris écospirituellement, qu'elle reste à redouter dans son genre – ndlr]. Par conséquent, rien n’est surnaturel et c’est pourquoi dans les territoires celtiques modernes – de la Galice à la Bretagne en passant par l’Irlande, le Pays de Galles ou l’Écosse – nous partageons une perception commune de la vie et de la mort, des cycles de la Nature, de notre rôle dans tout cela et comment (je mentionne à nouveau cette idée) nous pouvons traiter tout cela avec un sens de l’humour similaire, une approche très similaire [le Druide Milésio reste centré sur les territoires identifiés comme « celtiques » encore aujourd'hui, alors que le celtisme provient du Danube voilà 3000 ans, s'épanouissant ès Gaules belgiques et massives jusqu'à la Garonne, se diffusant archipéliquement dans les Îles britto-scotes ainsi que la Péninsule ibérique centrale et occidentale]. La préservation d’une même cosmovision [terme intéressant pour l’allemand Weltanshauung] est un fait qui, à mes yeux, n’a pas beaucoup changé au cours des deux derniers millénaires, et nous continuons à le préserver dans nos actes et arts quotidiens.
Comment introduiriez-vous à la sagesse qui se dégage des Celtes et leurs druides, à travers le Mythe Celte ou autres ? Druuis Auetos : À travers nos mythes, les Druuides [pluriel de Druuis, druide – ndlr], bien que très-sachants [c’est la signification de Druuis] ne sont pas réellement sages, au sens strict du terme. Nous trouvons dans les textes des Druuides en armes n’hésitant pas à ôter le chef de l’un de leur adversaire, à satiriser contre un autre ou encore à obliger une femme à l’épouser. Comme nous le voyons la notion de sagesse est toute relative et parfois facultative. Les Druuides sont devenus de vieux sages amoureux de la nature et de leurs prochains, à cause d’un romantisme exacerbé dû à une incompréhension de ce qu’était réellement un Druuis. Druuides Uindocaruos & Belenigenos : Se dégage-t-il de la sagesse des Celtes, en général ? Au vu de l’Histoire, nous ne pensons pas qu’il y ait ni plus ni moins de sagesse chez eux que chez n’importe quels autres peuples. Par contre, pour ce qui est des Druides, au dire des auteurs anciens, au vu de leur rôle social et spirituel, c’est certainement, dans le monde celtique, chez eux que l’on a pu trouver de la sagesse. Sans reprendre les définitions évoquées plus haut, nous pouvons ajouter le personnage de Sencha (Le festin de Bricriu et autres textes du cycle d’Ulster) décrit comme « quelqu’un qui en trois paroles, pacifierait n’importe quelle assemblée ». Si un tel homme n’est pas détenteur de sagesse, il n’y en a pas. Bena Druuis Euentia & Druuis Conticannatios : Eh bien, en tenant compte, comme nous l’avons dit précédemment, que nous ignorerons la notion de « celtique », puisque nous ne sommes pas compétents pour établir comment le celtisme culturel affecte notre époque actuelle (bien qu’il soit évident que ses manifestations culturelles sont riches et transcendent clairement notre quotidien) nous vous parlerons de la croyance druidique. Dans un monde peuplé de Religions plus ou moins établies et même de spiritualités ou de religions à la carte (à la demande), on peut se demander ce qu’une nouvelle Religion peut apporter qui ne l’ait déjà été. Aussi, compte tenu du comportement humain et de la façon dont il a utilisé les croyances religieuses pour opprimer, anéantir, soumettre et apporter la misère au monde, quelle est la raison qui justifie pour nous la défense d’une nouvelle religion comme le Druidisme ? Ceci, bien sûr, est un point vital et qui nous a conduit à de nombreuses réflexions avant de franchir le pas de l’établissement du Druuidiacto Rectos Uindonnos (Ordre des Druides Fintan)… Alors enfin, nous considérons et apprécions que l’existence d’une religion polythéiste telle que le druidisme pourrait fournir une réponse à de nombreuses angoisses qui hantent actuellement les gens. Le Druidisme nous amène à changer de point de vue pour nous focaliser sur la Terre, sur l’Univers et in fine sur notre imbrication comme un plus dans le Tout, puisque nous sommes actuellement totalement déconnectés et perdus à cause des monothéismes égocentriques. Les Lois des brehons [fin de l'antiquité – ndlr], les Triades Celtiques [modernes, depuis quelques siècles seulement] et de nombreux mythes [généralement féodaux] enseignent des normes de comportement qui étaient importantes pour nos ancêtres celtiques et qui ne sont en aucun cas dépassées. Pour nous, ils ont valeur d’exemples de conduite. Observer cette sagesse et sa configuration pour notre usage est vital et nous avons l’obligation en tant que druides de montrer l’exemple, non seulement au sein de nos organisations, mais aussi à la communauté et, par extension, à l’ensemble de la société. L’éthique et la moralité sont essentielles à la croissance et au succès à long terme de toute organisation, c’est pour cette raison que nous accordons une telle importance à ces nobles vertus. Pour nos Ancêtres, il existait une série de Vertus Capitales qui devaient être observées par tous les croyants : Honneur, Justice, Loyauté, Vérité, Force, Courage, Générosité, Amabilité, Hospitalité, Humilité, Sagesse et Éloquence. C’est pourquoi nous pensons que ces valeurs doivent continuer à inspirer la société d’aujourd’hui. Sur la base de cette éthique, nous avons formé une série de principes ou d’engagements qui, selon nous, au-delà du druidisme lui-même pourraient inspirer l’ensemble de la société actuelle, croyante ou non. Lesdits engagements que nous appelons Neuf Engagements Druidiques, constituent un code éthique qui doit guider et inspirer nos actions et qui s’ajoutent à l’engagement fondamental envers la dévotion à nos Divinités, à la bonté de nos actions et au courage de nos résolutions, auxquelles en tant que druides nous sommes obligés : « Les druides font leurs déclarations de manière énigmatique et de sombres dictons enseignant que les dieux doivent être vénérés, ne pas faire le mal et qu’une conduite courageuse doit être maintenue. » (Diogène Laërce Vitae, Introduction, I, 5. IIIe siècle è.v.). [S'ensuivait la liste de ces Neuf Engagements Druidiques, très détaillée. Je vous invite à contacter Euentia et Conticannatios pour la découvrir, qu'ils me pardonnent – ndlr.] Druide Eber : Bon le mot sagesse devrait être défini. La sagesse n’est pas une posture, c’est un état. Le corollaire c’est que le sage peut paraître fou pour le vulgaire qui ne voit que la posture. Le sage des uns n’est pas celui des autres. Mais avançons pour proposer une réponse à votre question. Peut-être pourrions nous citer les instructions du Roi Cormac ou les préceptes de Cuchulain ? La Sagesse serait alors perçue comme une sorte d’équilibre fait à la fois d’énergie et de bienveillance. Voici un extrait qui illustre cela : « Sois humble devant les enseignements des sages, / Souviens-toi des règles faîtes par les vieillards, / Observe les lois ancestrales, / N’aie pas le cœur froid envers tes amis, / Sois énergique contre tes ennemis, / N’aie pas une figure de querelle dans les assemblées, / Ne sois pas bavard et injurieux, / N’opprime pas, / Ne garde rien qui ne te soit un profit [c'est-à-dire utile – ndlr], / Couvre de ta réprobation ceux qui commettent des injustices, / Ne condamne pas la vérité à cause des désirs des hommes, / Ne romps pas les contrats pour ne pas être repentant… » Cela ressemble fort à la notion grecque d’hybris, démesure dont il faut s’écarter… Une autre acception du terme sagesse serait l’état de celui ou celle qui a de l’expérience. On parle de vieux sage par exemple. État qui permet de juger ou de mesurer grâce à une certaine prise de hauteur par rapport aux événements qui se déroulent devant nous et qui convoquent souvent et en priorité notre côté émotionnel. Kombalkores Fernando : La sagesse celtique est recueillie de différentes manières. Les plus évidentes sont au nombre de trois : archéologie, Histoire et folklore, mais soumises à des contradictions poétiques… l’archéologie montre, mais ne parle pas ; l’Histoire parle, mais ne montre pas ; et le folklore montre et parle, mais sans connaître ses racines. Trois canaux, qui s’imposent et se complètent. La divulgation est fondamentale. Dans un cyberespace chargé de désinformation, il est vital d’œuvrer pour une présence solide et proactive qui rapproche l’Histoire de nos religions, avant même de parler de nos mythes et légendes, pratiques et traditions encore déformées par la propagande toxique. Pour cette raison, je pense, la première chose est de nier les canulars, et ensuite, d’expliquer ce qu’est le celtisme et de le faire autant de fois que nécessaire… et c’est très nécessaire. Druide Milésio : À ceux d’origine celtique, je leur dirais simplement de regarder à l’intérieur d’eux-mêmes et de leur propre culture, et de voir comment cela se rapporte à la façon dont ils perçoivent le monde, individuellement et en tant que communauté. Je leur demanderais de faire des recherches sur leur propre passé en tant que peuple, tout en supprimant d’abord leurs idées préconçues et leurs préjugés. Je leur dirais aussi de tendre la main à d’autres communautés celtiques et de commencer à partager et à comparer ; ils se rendront compte que beaucoup de choses qu’ils pensaient exclusives ou uniquement liées à leur petit cercle ne le sont pas, car elles sont présentes dans ces autres endroits. Nous manquons beaucoup d’inter-communication et nous devrions vraiment travailler là-dessus, mais c’est une autre histoire et je m’éloigne du sujet [gare au romantisme – ndlr]… À ceux qui ne sont pas d’origine celtique, je leur dirais d’essayer de voir la Nature comme une réalité interconnectée qui embrasse absolument tout, y compris les choses que nous ne savons pas encore – d’où la relativité de tout ce qui pourrait arriver et le temps qui passe lui-même. Je les inviterais non seulement à lire sur les mythes, les légendes et les histoires celtiques, et à voir comment les personnages se comportent dans ceux-ci, mais aussi à essayer de traduire cela dans le monde moderne [gare au new age]… Ensuite, peut-être plus tard, les gens voudront aborder le druidisme contemporain et explorer une voie différente, mais je suis conscient que ce n’est pas la tasse de thé de tout le monde.
Quels rites existe-t-il, et à quelles dates ? Lesquels sont importants ? Et comment faut-il les célébrer ? Druuis Auetos : Les sacrifices druidiques sont inscrits dans un calendrier luni-solaire et polaire, axé sur l’alternance du sombre et du clair. Son observance doit être rigoureuse. Fondé sur des données astronomiques, l’on attache une grande importance à certains jours des cycles solaire et lunaire, aux éclipses, au passage du soleil dans une nouvelle constellation, etc. Ces phénomènes déterminent les jours de fête et règlent les pratiques religieuses. Tout comme les deux semestres composant notre année, qui sont identiques tout en étant différents, c’est-à-dire qu’ils comportent chacun six mois, et en cela sont semblables, mais dont la division interne est différente, tout comme les mois aux quinzaines inversées (claire-sombre) par rapport aux semestres (sombre-clair), les sacrifices druidiques traditionnels subissent ce que MM. D. Laurent & M. Treguer nomment « la particulière conception druidique bipolaire inversée de la mesure du temps où les deux forces antagonistes, les ténèbres et la lumière, s’organisent autour d’un point d’équilibre et non à partir ou en direction d’un point d’amplitude maximum ». Selon notre lecture du calendrier de Coligny, seul vestige de la connaissance astronomique des druides, nous avons dénombré pas moins de 13 célébrations s’étalant tout au long de l’année. Pour faire court restons sur les quatre célébrations connues de tous. Les anciennes commémorations traditionnelles que nous appelons Oinacoi, c’est-à-dire les Trinoxtion samoni [les Trois nuits de Samain], l’Ambiuolcos [Imbolc], les Belotennia [Beltain] et la Luginaissatis [Lugnasad] fonctionnent de la même manière. Dans le premier semestre se trouvent deux fêtes fixes mais mobiles alors que dans le second semestre on rencontre deux fêtes mobiles mais fixes… Les dates fixes mais mobiles : les fêtes célébraient dans le premier semestre le m. samonos [m. = mid = mois]pour les Trinoxtion samoni et le m. anagantiospour Ambiuolcos, sont fixes puisque commémorées toujours le même jour dans le même mois, tout au long des lustres, des siècles et des cycles. Mais astronomiquement parlant sont mobiles [à cause des mois lunaires] puisque par leur « fixité » elles peuvent se retrouver soit dans le signe du Scorpion ou de la Balance pour les Trinoxtion samoni, soit dans le signe du Verseau ou du Capricorne pour Ambiuolcos… Les dates mobiles mais fixes : à l’inverse, les fêtes mobiles situées dans le deuxième semestre se retrouvent en m. simiuisonnos dans les années II, IV et V, rétrogradée en m. giamonos dans les années I et III pour Belotennia, et en m. edrinios dans les années II, IV, V, rétrogradée en m. elembiuos dans les années I et III pour Luginaissatis. Mais, par contre, sont parfaitement fixes par rapport aux signes dans lesquelles elles doivent apparaître, c’est-à-dire celle du Taureau pour Belotennia et celle du Lion pour Luginaissatis… En plus de cette intéressante observation astronomique, nous pouvons remarquer une autre particularité concernant ces fêtes. Celles-ci sont dédiées alternativement à un dieu puis à une déesse, et sont à caractère chthonienne puis lumineuse dans le premier semestre et, inversement, lumineuse puis chthonienne dans le second. Premier semestre : Trinoxtion samoni = Dis ater = chthonienne = hiver ; Ambiuolcos = Brigantia = lumineuse = printemps. Second semestre : Belotennia = Taranis = lumineuse = été ; Luginaissatis = Maria Talantio = chthonienne automne. Druuides Uindocaruos & Belenigenos : Là aussi, c’est un axe de recherches essentiel. Là aussi, il faut confronter les textes, les découvertes archéologiques, dont le formidable calendrier de Coligny, les traces de festiaire dans les folklores des zones d’influence celtiques, comparer à d’autres festiaires indo-européens et l’on peut aboutir à plus d’une quinzaine de dates, nous sommes proches des travaux remarquables de seinos Brater (notre frère) Druuis Auetos. Il est au moins certain que toutes les dates ne sont pas fixes et que cette notion a encore beaucoup de mal à passer dans la plupart des mouvements. Chaque rite a son importance, mais le plus important est bien sûr celui des Trinox Samoni, dont il est aussi difficile à faire admettre qu’il n’est pas au début de l’année celtique, mais dix-sept jours, ou quarante sept jours, tous les cinq ans, après le début de l’année… bref, ce n’est pas si simple que la roue de l’année que l’on évoque généralement [issue du wiccanisme anglosaxon – ndlr]. Bena Druuis Euentia & Druuis Conticannatios : Dans notre Tradition, il y a 33 Cérémonies, dont 18 sont des Rites Sacerdotaux, propres à notre Ordre et à l’exercice de notre profession sacerdotale. Nous appelons ces derniers Gnotos et ils sont divisés en Rites diurnes et nocturnes, de nature privée et sans importance majeure pour la Tribu, donc, tant qu’ils ne sont que pour l’accès sacerdotal, nous considérons qu’il n’est pas pertinent que cette interview les passe en revue. Les Cérémonies typiques du Druidisme et communes à la plupart des ordres et qui sont déterminées par des notations particulières du Calendrier de Coligny, qui sert de base à l’établissement de la liturgie. [S'ensuivait un ensemble de listes que j'ai dû retrancher, car impossibles à restituer agréablement dans ce format : il faudrait pour cela un canevas. Elles évoquaient évidemment des célébrations mentionnées par d'autres intervenants. Vous êtes conviés à contacter Euentia et Conticannatios pour leurs données, qu'ils me pardonnent – ndlr.] Au sujet de la façon dont les Rituels doivent être célébrés, peu d’informations peuvent être fournies, mais pas par secret, mais simplement parce que les croyants doivent célébrer l’Oinacos [le rassemblement] dans le Teges (temple) et sous le rituel qui marque la liturgie et officie le prêtre (Druide). Nous comprenons que les rituels ne peuvent être accomplis de manière privée et originale par chaque croyant. Un croyant peut aller à l’autel de sa maison et organiser des prières et des libations. Les demandes d’aide, les prières et les offrandes ont toujours été le pouvoir de chaque croyant, car nous apprécions tous ce contact avec les divinités. Mais là le sujet s’arrête. Un croyant ne peut ritualiser car il ne peut pas « sacrifier » ou établir certains liens plus spécifiques avec les divinités. En dehors de cela, le croyant peut et doit suivre le folklore traditionnel de ces pulsations pour être en phase avec l’Oinacos et le moment terrestre qui le traverse. Vous l’aurez compris, le thème du folklore des fêtes serait excessivement lourd à développer ici et nous terminons également de le conformer à partir du Collège sacerdotal. Nous espérons pouvoir le communiquer prochainement à tous les croyants via notre Communauté créée sur Facebook. Druide Eber : La plupart des collèges s’entendent pour célébrer huit fêtes dans l’année. Quatre fêtes solaires (solstices et équinoxes) et quatre fêtes lunaires dont la date correspond à une phase de la Lune : Samain, Imbolc, Beltane, Lugnasadh. [En fait, ces huit fêtes correspondent à la roue de l'année essentiellement promue par la wicca, nous n'avons rien concernant une célébration celte des solstices et équinoxes, généralement vendues par des ordres néo-gaélisants sous forme d'« Alban », « lumière », diversement qualifiée selon la période – ndlr.] Quelles sont les fêtes d’importance ? Il n’y a pas réellement de règle. Ma réponse spontanée serait toutes + l’articulation des unes avec les autres. Néanmoins, il existe quelques éléments qui laissent penser que les fêtes « lunaires » sont les plus importantes. En tout cas elles sont souvent plus documentées. On trouve ici et là des éléments qui laissent supposer qu’il y avait dans les conceptions anciennes un rythme pluriannuel qui mettait en avant telle ou telle fête. Plus généralement les fêtes de début de saison sont célébrées en plus grand pompe. Chez nous, les fêtes de Samain et Beltane sont l’occasion de rassemblements entre clairières. Il existe d’excellents travaux de certains Druides sur le calendrier gaulois de Coligny. Calendrier soli-lunaire qui déroule la saisonnalité des célébrations sur une période de plusieurs années… Comment faut il les célébrer ? À nouveau il peut y avoir des façons diverses selon les collèges mais la plupart s’entendent sur des fondamentaux en lien avec le moment et les divinités qui président à ces célébrations. Par exemple et en simplifiant à l’extrême : Imbolc ou Ambiuolcos est liée aux lustrations, purifications… lors de Beltane ou Belotennia nous allumerons des feux réputés pour protéger des maladies ou des accidents de la vie… Lugnasadh ou Luginaissatis sera plutôt en lien avec les récoltes, le partage, la royauté ou la souveraineté de la Terre/Mère. Ce qui est important c’est la notion de cycle. Le temps rituel n’est pas linéaire mais forme un cycle ou peut être une spirale qui se renouvelle chaque année. Kombalkores Fernando : Incontestablement, la Roue de l’Année est le Calendrier Festif Celtique par excellence, basé sur une Période de Ténèbres et une autre de Lumière. En tant que calendrier métonique [lié à l'astrologue antique Méton d'Athènes – ndlr] il indique principalement les cycles lunaire et solaire, ainsi que les éphémérides astrales pendant l’année liturgique. Il reflète, les Phases Lunaires, les Solstinoxes (Solstices et Équinoxes) et les temps de la Demi-Saison [rappel : les solstices et équinoxes ne sont pas renseignés chez les Celtes, et sont avant tout des inventions liées à la roue de l'année wiccanne anglosaxonne ainsi qu'aux ordres néo-gaélisants, autour de la notion d'« Alban », « lumière » qualifiée selon la période – ndlr]. Il existe un large éventail de raisons rituelles, collectives et personnelles que chaque Culte sauve selon sa Tradition. Chez les Celtibères, elles touchent à des aspects tels que la naissance, le mariage, les obsèques, l’hospitalité (lat. hospitum, cib. karaka), l’initiation au Culte et la consécration sacerdotale, ainsi que les offrandes, les propitiations, les prières, les sacrifices, etc. Druide Milésio : On observe quatre fêtes principales et quatre mineures, aux côtés de rituels « familiaux » ou « communautaires »… Les quatre célébrations principales sont ce que nous appelons Magusto (Samain) en novembre, Entroido (Imbolc) en février, Maios (Beltaine) en mai et Seitura (Lugnasad) en août [les noms sont fondés sur des traditions péninsulaires – ndlr]. Les équinoxes et les solstices constitueraient les quatre mineurs entre ces majeurs [mais non attestés – ndlr]. C’est ce que nous appelons Roda do Ano (Roue de l’année), également présent dans de nombreuses autres cultures [en fait diffusée par le wiccanisme anglosaxon]. Les rituels communautaires sont sporadiques, comme les mariages, les funérailles, etc. Bref, ceux-ci se font à la demande. Les huit dates fixes sont festives, même si Magusto (Samain) est parfois mal compris. Chacun a une approche différente, même si je dirais que l’essentiel est de les célébrer honnêtement et, si possible, avec le plus de monde possible, car les Celtes d’autrefois étaient un groupe social et grégaire. Pas étonnant que la plupart de ces célébrations se terminent ou tournent autour d’un banquet !
Parlez-nous des Dieux. Quel rôle jouent-ils dans nos vies ? Jusqu’à quel point sont-ils aimables, ou serviables ? Et quelles autres entités sont encore bienfaitrices pour l’homme ? Ce qui amène fatalement la question des phénomènes néfastes. Quels sont-ils ?… Mais y a-t-il de la naïveté, à ne penser qu’en termes de bon/mauvais ? Druuis Auetos : Nous ne pouvons parler des Dieux (« Deuoi ») sans parler des Anti-dieux (« Andeuoi ») car, en fait, la différence entre eux n’est pas une différence de nature mais plutôt de degré. Selon la voie que nous suivons, certaines forces, certaines puissances seront des aides ou des obstacles, des Dieux ou des Démons qui, pour les uns, ferons de nous la proie de nos instincts et, pour les autres, nous aideront à nous en défaire. Les mêmes actions, les mêmes tendances peuvent donc être utiles, bonnes pour certains êtres et nuisibles, mauvaises pour d’autres. Les Andeuoi sont tout ce qui détourne l’homme de la voie de la réalisation du divin. « Il te sera d’un grand secours de te rappeler les Dieux : ce qu’ils veulent [c’est] que tous les êtres raisonnables s’efforcent de leur ressembler. » (Marc Aurèle, Pensées pour moi-même, livre 10, 8)… On ne peut donc faire une séparation nette entre les Deuoi et les Andeuoi. Dans l’évolution générale de l’homme certains Andeuoi deviennent des Deuoi et des divinités sont réduites au statut d’Andeuoi. Les mêmes principes qui sont les Deuoi dans une voie particulière sont des Andeuoi, des obstacles, dans une autre. À chaque stade les puissances cosmiques qui sont utiles, bénéfiques, seront les Deuoi, les puissances qui s’opposent au progrès, à l’illumination, qui semblent obscures, cruelles, destructrices seront les Andeuoi. Belaros, l’obstruction personnifiée, qui veut détruire le monde, s’oppose à Lugus, le dispensateur de vie. Les Andeuoi sont les aînés des Deuoi, ils sont les dieux d’un monde encore dans son enfance et tous les dieux, au fur et à mesure que nous progressons seront, un jour, pour nous, des Andeuoi. « Les Dieux et les Anti-dieux sont les deux lignées des enfants du Progéniteur (Tatis). Les Dieux sont les cadets, les Anti-dieux sont leurs aînés. Ils se combattent éternellement pour la domination du monde. » (Brihad-dranyaka Upanishad, 1, 2, 7) « La terre avec ses forêts, ses océans, ses montagnes, fut d’abord gouvernée par de puissants génies. Mais les dieux, dirigés par le Savoir (Lugus) les repoussèrent dans de grandes batailles et capturèrent les trois mondes et tous leurs habitants. » (Ramayana, 7, 11, 16-17)… Neitos, s’unissant avec Neimana, produisit une multitude de Divinités gigantesques essentiellement agissantes, les Uomorioi, doués d’une grande force, ainsi qu’une troupe de Dieux, les Nemetoi [déjà évoqué à l'introduction du mythe celte plus haut – ndlr]. Frères ennemis, ces entités, qui étaient alors toutes mortelles, se firent la guerre pour la maîtrise du monde. Les Deuoi affaiblis furent vaincus et ce monde, toujours en devenir, resta sous la domination des Andeuoi. Vinrent après ça trois autres générations de Titans : les Bolgoi, les Dumannioi et les Gallaicoi ainsi que la tribu céleste des Dieux, la Touta Deuas Danunas qui, bien qu’ayant gagné une grande bataille contre les Bolgoi, n’en étaient pas moins ruinés et toujours sous le joug des Andeuoi. Ce n’est qu’avec l’assistance de Lugus que les Deuoi, après une bataille acharnée, repoussèrent les Andeuoi au-delà de la neuvième vague. La Terre s’assagit et, ainsi, put recevoir l’humanité. Les Deuoi devinrent immortels et nourris grâce au sacrifice institué dès le commencement [déjà évoqué à l'introduction du mythe celte plus haut – ndlr]… Ainsi, les généalogies des Deuoi et des Andeuoi s’emmêlent et s’entrecroisent et nous retrouvons souvent les mêmes parents dans l’une et l’autre branche. Elatios (Andeuos), fils de Delbatios (Andeuos), fils de Neitos (Andeuos), se maria avec Etania (Deua), fille de Rinogabalos (Deuos), et devint le père de Aecuos Ollater alias le Dagodeuos (Deuos), Ogmios (Deuos), Olloudios (Deuos), Allados Adarcios (Deuos), Nectanos (Deuos) et Medros (Deuos). De même, Elatios (Andeuos) copula avec Iueria (Deua), fille d’un noble Deuos et eut Iuocatuos Breisillos (Andeuos). Itou, Iuocatuos Breisillos (Andeuos) forniqua avec Brigantia (Deua), fille du Dagodeuos (Deuos) et eut Roudianos (Andeuos). Ou encore, Cenos (Deuos), fils de Deniacacteto (Deuos), coucha avec Etiona (Andeua), fille de Belaros (Andeuos) et eut comme progéniture Lugus (Deuos) qui fut donné en adoption à Talantio (Deua), fille de Magomaros [tous ces noms sont des adaptations en celte restitué, de sources celtiques féodales, telles que le Livre des Conquêtes d’Irlande – ndlr]. Voilà pourquoi les Deuoi, ainsi que les Andeuoi, à l’instar de la Nature, peuvent aussi bien être favorables que funestes, bons que mauvais, justes que déraisonnables. De même que Belenos ou Aedis nous réchauffent mais peuvent nous brûler, que Apia nous désaltère mais peut nous noyer ou que Tira nous supporte mais peut nous ensevelir. Les Deuoi et les Andeuoi que tout semble opposer sont, en vérité, comme l’adret et l’ubac d’une même montagne, des opposés complémentaires qui sont et doivent toujours être équilibrés, et dont la mise en relation crée la tension. Ils servent à rendre compte de la dynamique à l’œuvre dans les couples en interaction. Les Deuoi et les Andeuoi, dans leur éternel combat, sont là pour nous faire comprendre que cette univers est mû par des forces contraires qui, en s’opposant, le font évoluer. Qu’ils sont les éléments d’un même tout. Que les uns ne peuvent pas vivre sans les autres car il n’y a pas de lumière sans ténèbres et qu’il est vainc de vouloir la victoire totale des uns sur les autres, comme le préconisent les monothéismes, mais plutôt de respecter l’équilibre parfait entre ces deux forces antagonistes et, répétons-le, ô combien, complémentaires… Les Deuoi sont de puissants guerriers, des Êtres appartenant au monde supérieur, doués de qualités de transcendance qui les font coexister avec des êtres de même rang et dotés d’attributs, notamment anthropomorphes, se manifestant dans leurs missions auprès des hommes, avec lesquels ils entrent en relation pour orienter leur existence ou pour satisfaire leur besoin de communication et dont ils reçoivent l’hommage cultuel. Ils vivent à côtés des hommes, les uns dans le ciel, les autres dans les profondeurs de la mer ou du sol. Entre les hommes et les Dieux, il est plus question de relations de bon voisinage que de communions, bien que celles-ci ne soient pas exclues, et donc, bien que certains humains puissent participer aux drames divins, ce sont plus des rapports contractuels qui s’établissent entre les deux partis sur une base de réciprocité : les prières et les sacrifices appelant en retour faveurs et bénédictions. « Le Progéniteur créa en même temps le rituel des sacrifices et l’homme. Il dit à l’homme : « Tu progresseras par ce rituel et tes désirs seront accomplis. Par lui, tu te rendras agréable aux Dieux et les Dieux te protégeront en retour. Ainsi vous aidant les uns les autres vous atteindrez la félicité. Contents de tes hommages, les dieux t’accorderont tous les plaisirs ». » (Bhagavad-Gitâ) Druides Uindocaruos & Belenigenos : La notion de serviabilité des Dieux est-elle vraiment adaptée ? Quoi qu’il en soit, on peut penser, par exemple aux mères glaniques, aux nombreuses Divinités qui président aux lieux curatifs ; la plupart des noms de Divinités révélés par l’archéologie le sont dans des dédicaces de remerciements, mais chaque Divinité a différentes attributions dont toutes ne sont pas forcément positives, ce sont des puissances redoutables pour les vermisseaux que nous sommes. Une réponse détaillée à cette question équivaudrait à un traité de théologie. Peut-être faut-il se borner à faire mention de travaux incontournables en la matière que ceux de Bernard Sergent et de Philippe Jouet, entre autres… Oui, la notion sommaire et infantilisante de bon ou mauvais permet surement de maîtriser des populations, mais pas de comprendre les puissances qui agissent ce monde. Les Dieux et les Déesses font partie intégralement de notre vie, nous avons des rites quotidiens hors de nos cérémonies, le Druide est un serviteur des Dieux, un officiant, par son engagement, par sa recherche sans cesse de connaissance et d’élévation spirituelle, ce qui ne peut se faire sans un contact permanent avec les Puissances Divines, nous sommes donc Druides par engagement, par connaissance, dans notre attitude, dans nos actes, dans nos pensées, dans nos paroles et tout cela ne peut se faire sans une conscience spirituelle, sans un lien avec nos Dieux et nos Déesses. Bena Druuis Euentia & Druuis Conticannatios : Pour comprendre nos divinités, nous devons d’abord faire un effort pour comprendre le polythéisme et abandonner des millénaires de conceptions et de pensées monothéistes. Le polythéisme est compris comme la doctrine religieuse dont les adeptes croient en l’existence de multiples Dieux ou Déesses organisés en une hiérarchie ou un panthéon. Il ne se réfère pas à une différence de nomenclature – les différents noms d’une divinité – mais à différents Dieux avec des caractéristiques individuelles clairement identifiables. Dans le polythéisme, chaque divinité peut être honorée et invoquée individuellement selon les aspects qui lui sont attribués. Une variante du polythéisme est l’hénothéisme, où une divinité occupe une place de prééminence et de vénération au-dessus des autres, mais ce n’est le cas ni dans notre Tradition ni dans la plupart des Traditions [les Hébreux commencèrent ainsi – ndlr]. Il est indéniable qu’après des millénaires de monothéisme, nous ne comprenons pas ou n’accédons pas toujours correctement aux multiples Déités. Il est courant de penser que la seule différence entre le monothéisme et le polythéisme est le nombre de Déités et que les voies d’accès à celles-ci, leurs prérogatives ou pouvoirs d’intercession sont identiques au comportement du Dieu Unique. Ce n’est pas comme ça. Dans le Monothéisme, Dieu est Omnipotent et Omniscient, rien ne bouge autour de lui sans son consentement, tout arrive parce qu’il le veut. C’est l’origine du fameux paradoxe religieux. Si Dieu est Tout Bon et Tout-Puissant, pourquoi permet-il le mal dans le monde ? Ou, pourquoi permet-il cette injustice ? Ou pourquoi ne m’aide-t-il pas si je vais bien ? Ou pourquoi cet enfant meurt-il ? et ainsi de suite à l’infini… Passer du monothéisme au polythéisme est un signe de maturation en tant qu’être humain. Nous sommes passés d’enfants mineurs d’un Père Tout-Puissant qui fait tout ce qu’il veut pour notre bien mais sans intervention humaine, à être les propriétaires et RESPONSABLES de nos décisions. Dans le Polythéisme, nous prenons les rênes de notre Vie car les Divinités ne sont pas Omnipotentes. Elles nous aident, nous conseillent et on pourrait même dire qu’elles nous conditionnent, puisque leurs différents dons (illumination, protection, etc.) sont destinés à nous renforcer dans le combat de la Vie, mais elles ne luttent pas pour nous-mêmes. C’est pourquoi nous conseillons aux croyants, que lorsqu’ils offrent aux Divinités de les honorer ou de rechercher leur médiation et leur soutien, ils doivent se rappeler que la concession de ce qui est demandé n’est pas dans leur divine main Omnipotente, et que les résultats ne sont pas atteints par leur volonté capricieuse. Il se peut que nous n’ayons pas su tirer profit de leurs dons et que nous ayons « mal combattu » dans notre bataille, ou il se peut que les Déités aient essayé de nous aider et n’aient pas été en mesure de le faire. Cette idée d’impuissance (relative) dans une Divinité est nouvelle pour beaucoup mais surtout, Divinités comprises, il y a les intrigues complexes que le Destin concocte et c’est quelque chose auquel aucune créature ne peut échapper. Alors oublions la tutelle monothéiste étouffante pour entreprendre le difficile chemin du voyage solitaire. C’est dur, mais réconfortant. Le rôle que les Déités « jouent » dans notre vie est celui que nous leur offrons. Si, pour le dire simplement, nous nous passons des Dieux, alors les Dieux se passeront de nous. Mais ce délaissement ne doit pas être compris comme une « punition » ou un oubli souhaité pour ne pas être soigné, non. C’est une vision monothéiste où Dieu existe, que nous croyions en lui ou non, et il nous punit si nous ne l’honorons pas. Les Dieux du Druidisme qui ne reçoivent pas d’offrandes, on pourrait simplement dire qu’ils ne nous voient pas… ils ne nous reconnaissent pas et évidemment n’intercèdent en aucune façon et nous laissent continuer notre vie. C’est précisément ce qui arrive aux millions de personnes qui ne croient ni au Druidisme ni à ses Dieux. Par contre, si nous sommes croyants et que nous les vénérons ou demandons leur aide ou leur intercession dans nos affaires, cela ne sera jamais généreux, comme nous en avons l’habitude dans le monothéisme, où le Père donne (s’il veut) et au-dessus de toute considération, exactement ce qu’on vous demande si vous êtes satisfait. Non. Cette pensée est également monothéiste. Les Dieux ne nous donnent rien. Ils ne peuvent pas. On gagne ou on perd des choses. Les Dieux essaient de nous aider pour que nous sachions apprécier leurs dons face au combat que nous allons mener. N’oublions pas non plus qu’il existe des Dieux plus énergiques que d’autres. Des Dieux qui aiment davantage le combat, l’intégrité, le sang, les difficultés, les coups, les chutes et LA RÉSOLUTION que nous montrons pour en venir à bout. Par conséquent, nous devons savoir qui nous prions et ce que nous demandons et quels résultats nous pouvons attendre de l’intercession divine. Nous sommes vraiment désolés si cela vous décourage, mais l’important dans le Druidisme n’est pas d’avoir sur une liste les meilleurs Dieux qui vous accordent les plus belles choses et vous facilitent la vie. Les Dieux celtiques vous enseignent que la vie est lutte et dureté et aussi beauté et récompense et bien sûr intégrité et gratitude. La chose importante à propos de cette religion n’est pas ce que vous obteniez, ni les facilités dans votre vie, ni vos récompenses dans l’au-delà. L’important est que vous appreniez à vivre pour vous dans le temps qui vous est imparti et que vous appreniez à vous délecter de chaque instant car chaque instant est unique. Bien que nos âmes soient immortelles, nos vies sont uniques. Nous ne devons pas l’oublier. Vous vous demandez s’il s’agit de Déités amicales ou favorables… eh bien oui et non. Cela dépend des jours, comme nous. Cela dépend de la façon dont nous les abordons, cela dépend du moment… mais bien sûr, l’éternuement occasionnel va vous prendre si votre esprit n’est pas centré correctement. Quant aux autres entités bienfaisantes pour l’homme, je suppose que vous voulez dire les dieux mineurs, les esprits de la nature. Eh bien, pour ce cas, vous devez appliquer un peu la même base. Ils sont là et ils peuvent nous être bénéfiques mais aussi nous nuire. Vous devez les connaître et les respecter et comme nous traitons la nature, il n’est pas surprenant qu’actuellement elles ne nous soient pas particulièrement bénéfique. En ce qui concerne le concept du Bien et du Mal que vous pointez et le dualisme strict c’est une naïveté. Eh bien, cela fait beaucoup de questions profondes auxquelles répondre rapidement. En effet, une division bien/mal est naïve, mais cela ne veut pas dire que le mal n’existe pas ou que le bien n’existe pas. Nous comprenons la naïveté en pensant que le mal doit toujours être détruit ou le bien protégé. Il y a des actions de destruction et d’ombres qui portent en même temps le germe nécessaire à l’expansion de la lumière. Nous l’avons déjà vu dans la mythopée [poésie mythique – ndlr] de Magos Turatiom. Mais évidemment, le fait que ce que nous considérons comme destructeur ait des choses constructives ou nécessaires n’implique pas qu’il cesse d’être mauvais, en particulier en comprenant les paramètres du bien/du mal sous notre appréciation humaine personnelle. On voit cette dualité existante très bien reflétée dans le cas des Uomorios (Fomoires). Nous le résumons ainsi dans nos croyances fondamentales : « Les Divinités Anciennes, les Uomorioi ou Enfants de Dumnon, résident dans le Cercle de matérialité d’Andumnon, le Non-Monde. Divinités d’un Univers à ses débuts, un monde chaotique et désordonné avant l’arrivée des Dieux de la Lumière. Ils incarnent les puissants instincts sombres et primitifs présents dans le Cercle d’Abredio depuis leur origine à Andumnon. Ils ont un pouvoir redoutable car ils sont le chaos initial, les forces brutes à la fois terrestres et aquatiques. Les Uomorioi incarnent les manifestations élémentaires des origines de l’Univers. Les forces sauvages et indomptables qui composent la naissance de la nature et l’organisation de la matière. Leur force et leur présence sont antérieures à la possibilité de l’expansion de la Vie de l’Humain et donc antérieures à la génération de son Monde. Par conséquent, les Uomorioi sont plus facilement liés dans l’Ancien Monde et leur présence y est plus vérifiable. Mais bien que les forces néfastes écrasent l’Humain, elles sont essentielles pour atteindre un juste équilibre dans l’Ordre cosmique, étant essentielles pour la vie, ainsi que la nuit pour le jour, le mal pour le bien ou la laideur pour la beauté. C’est pourquoi les Jeunes Dieux dans leurs combats ne peuvent pas les tuer. Soumettez-les ou dominez-les oui, mais ne les détruisez jamais. De plus, ils ne doivent pas être détruits car ils sont le substrat où s’enracine la Vie Consciente. » [sans source, mais probablement tiré du Druuis Auetos – ndlr.] Les Uomoroi sont parfois appelés démons, car ils peuvent intervenir (même à la demande d’un mortel) pour causer des dommages par la maladie, les accidents et toutes sortes de malheurs. Ils peuvent imprégner les lieux et les personnes de leur présence mais ils ne possèdent jamais personne au sens catholique, les forçant à des actions mauvaises ou cruelles, puisque dans leur nature ce n’est pas de faire du mal aux mortels ni de favoriser l’expansion du mal pour offenser aucun Dieu… nature comprise comme antagoniste, cette vision est typique des religions monothéistes et non du druidisme. L’action du Diable consiste simplement à poursuivre sa nature, qui est destructrice, désorganisatrice, chaotique et par nature opposée au bon cours de la vie humaine. C’est pourquoi ces actions sont également combattues par les druides lorsque le cas se présente. Puisqu’on ne veut pas s’alourdir, on n’approfondira pas le sujet puisque, comme je vous l’ai dit, vous soulevez certaines questions métaphysiques à développer largement. Druide Eber : La notion de divinité est complexe. D’abord, il y a la notion de polythéisme qui n’est pas revendiquée comme telle par tous les groupes. Certains voient en les Dieux des émanations d’une divinité unique. D’autres y voient des archétypes, d’autres y voient des entités agissantes, d’autres n’envisagent pas les divinités sous l’angle de la foi mais comme des « unités symboliques » qui soudent la communauté. Certains ont établi des rapports plus intimes avec une ou plusieurs divinités dont ils ont fait leurs divinités tutélaires. Ce qui peut aller jusqu’à l’adombrementqui fait du Druide le vecteur de l’influence d’une divinité [notion issue de la « théosophie » anglosaxonne de Blavatsky, précurseure du new age, et désignant l’insufflation spirituelle d’un supérieur immatériel dans une personne. On peut y voir l’idée assez courue chez les néopaïens d’un « working with the gods », « travailler avec les dieux » – ndlr]… Les divinités sont, existent, agissent. Sans elles rien n’existerait. Sont-elles aimables ? Sans doute peut-il avoir un coté émotionnel dans les rapports que nous pouvons entretenir avec elles. Sont-elles serviables ? Là il y a inversion de statut. On ne se sert pas des divinités, on les sert [cela exclut, pour le Druide Eber, le « working with the gods]. Ce qui n’empêche pas de leur adresser prière et rites pour les honorer et de trouver des « accords » avec elles. Mais ceci est plutôt de l’ordre de l’harmonie, de la néguentropie, de l’ordre que du rapport maître-serviteur. Prenons un exemple. Admettons que la Vie existe. Difficile de le nier. Penser que la Vie existe n’est pas une croyance c’est un constat. Le sophiste arguera peut-être que même la Vie est réfutable. Mais peu importe. Nous constatons que la force vitale existe et nous pensons qu’elle est liée à une divinité particulière, par exemple Belenos. En honorant Belenos nous établissons des accords avec une de ses qualités qui est la Vie. Dés lors, nous pourrons en toute logique renforcer ces accords par la prière et le rite lorsque nous voulons rétablir en nous la force de Vie. Nous n’allons alors pas solliciter Belenos pour qu’il nous serve mais plutôt nous exposer à son pouvoir. Prenons une image somme toute triviale. Le Soleil existe. Nous pouvons nous exposer au Soleil ou nous tenir à l’ombre. Le Soleil quant à lui n’a pas d’attention particulière pour ceux qu’il éclaire. Il est, ce qu’il est tout naturellement. Sur la base de cette comparaison nous pourrions dire que le rituel nous expose aux divinités comme nous nous exposons au Soleil. Nous pouvons varier cette exposition de multiples façon mais le Soleil continue lui à briller. Nous allons garder cette image pour répondre à la suite de vos questions. Les divinités sont. Elles ne deviennent bonnes ou mauvaises que dans le rapport que nous établissons avec elles. Reprenons le Soleil. Si nous habitons un pays tempéré, il est possible que le Soleil soit essentiellement perçu comme bon. Il éclaire, il réchauffe, il fait croître les plantes, etc. En revanche si nous nous tenons en plein midi dans le Sahara, nous percevrons le Soleil comme dangereux, stérilisant, voir mortel. Le faste serait alors un rapport harmonique, le néfaste un dérèglement, une rupture d’harmonie, un excès ou un défaut. Malheureusement nous sommes toujours enclins à une forme d’auto-centrisme qui fait que nous disons que les choses sont mauvaises ou bonnes selon les effets qu’elles ont sur nous. Alors il y a de mauvaises herbes, des animaux méchants, de mauvais climats… Qu’il existe des forces entropiques qui mènent au chaos est un fait. Mais est ce mal ? Kombalkores Fernando : Nous sommes polythéistes et notre concept de Divinité est similaire à celui conçu par d’autres peuples et théologies indo-européens. Cette référence et guide est essentielle pour nos vœux et notre évolution religieuse, spirituelle et théologique. Je ne comprends pas, par exemple, qu’une personne religieuse voie dans les Dieux des Entités « aidantes » ou des « ressources » mentales avec lesquelles « travailler ». À cause de leur générosité, ils prennent soin de moi et me protègent, ce qui ne veut pas dire qu’ils me « servent », je vois ça comme égoïste, irrévérencieux et blasphématoire, peut-être athée. Cette non-croyance est nuisible au développement spirituel et religieux du païen. Nos Dieux sont réels, sensibles et conscients, dont la connaissance et le pouvoir nous enrichissent et nous font évoluer vers cette Eudaimonia[l'eudémonisme et la recherche du bonheur, l'Eudaimonia en est l'aboutissement – ndlr] qui nous permet de les atteindre au terme de notre « voyage »… En plus des Dieux, le Cosmos est suffisamment multiple et étendu pour nous permettre d’interagir avec différentes Entités de différentes manières et sous différentes formes. Le type de relation que nous avons, je comprends que cela dépendra plus de nos connaissances, sentiments et motivations que de leur attitude. Ici, la question est peut-être plus importante que la réponse. Alors enfin, comme cela se produit dans le monde quotidien, beaucoup de choses auront à voir avec le fait de frapper à la bonne porte ou non. Druide Milésio : C’est difficile à expliquer, et parfois difficile à comprendre, car nos Divinités font partie de la Nature et, par conséquent, ne sont pas surnaturelles par définition. Elles font partie intégrante de l’ensemble même si, en tant que Dieux et Déesses qu’ils sont, ils restent hors de notre vue commune. Maintenant, nous les voyons surtout comme des enseignants, tout comme les enfants ont des enseignants à l’école : tutorat, guidage, tentative de donner l’exemple. Ils aident, mais vous devez faire le travail. Et pourtant, après les cours, les enfants ont leur vie privée et les professeurs aussi ; c’est la même chose avec les Déités… Elles enseignent donc différentes choses et interagissent de différentes manières, dans le but général d’être bénéfiques même si parfois nous ne comprenons pas leurs méthodes ou leur but ultime (de la même manière que les écoliers ne comprennent pas toujours de quoi parlent leurs professeurs !)… Les « phénomènes nuisibles », comme vous le dites, sont aussi liés à l’idée qu’il n’y a pas de surnaturel. Ainsi d’autres éléments, êtres, situations, etc. vont se développer et interagir d’eux-mêmes. Et oui en effet, tout comme dans nos propres vies, les termes bon/mauvais sont simplistes dans ce cas. S’il y a même eu des nuances de gris, des comportements nuancés et ainsi de suite, c’est avec les allées et venues des êtres qui ne sont pas des Déités. Je suppose qu’il faut les traiter comme on traite avec d’autres personnes : cas par cas, situation par situation.
Dans quel courant ou organe druidisant ou celtisant, êtes-vous aujourd’hui ? Pouvez-nous le présenter ?… Comment un profane pourrait-il en faire partie ? Des profanes non-affiliés peuvent-ils assister ou participer aux cérémonies, pour les découvrir ? Druuis Auetos : Je suis Druuis de la Celtiacon Certocredaron Credima, créée en 2005 è.v. [è.v. = ère vulgaire/chrétienne, ou vernaculaire/commune – ndlr]. Cette obédience est un surgeon de la Kredenn Geltiek (canal historique de 1936) du Uerdruuis Gobannogenos (à ne pas confondre avec l’autre K.G. fruit d’une usurpation née en 1990 è.v. après le décès du second Ri-Drevon de la K.G. Lugumarcos). Pour en savoir plus sur notre Croyance, je vous propose d’aller jeter un œil sur notre forum. Vous risquez d’être surpris car notre « druidisme » est aux antipodes de celui en vogue dans les autres groupes druidiques. Notre Assemblée est bien plus qu’un simple collège sacerdotal, elle est aussi un lieu d’hospitalité pour nos credimaroi (« croyants ») car tout le monde n’est pas enclin à devenir Druuis ou Bena-druuis. Pour être reconnu credimaros, le profane doit, dans un premier temps, contacter un de nos Druuides et assister à au moins quatre célébrations durant une année. Après quoi, si notre façon de faire correspond à sa façon de voir, il demande à prêter serment envers nos Dieux. Druuides Uindocaruos & Belenigenos : Nous faisons partie de la Cantia Uassoi Deuion (Assemblée des Serviteurs des Dieux) représenter par le Druuis Uindocaruos qui réunit deux Nemeta [Sanctuaires – ndlr] : le Nemeton Nanto Belenos (Sanctuaire Vallée de Belen) et le Nemeton Sentu Uindogenos (Sanctuaire la Voie de Fingen). Le Nemeton Nanto Belenos est un nemeton reservé aux Druides Théologiens et Bardes, et le Nemeton Sentu Uindogenos pour les futurs Druuis Uatis (Vates, Devins). Bien sûr que toutes les personnes curieuses, attirées par les cérémonies ou la spiritualité de nos ancêtres sont les bienvenues ! Généralement nous faisons nos cérémonies et essayons d’organiser des conférences sur différents sujets traitant du Druidisme et du Celtisme. Bena Druuis Euentia & Druuis Conticannatios : Actuellement et comme nous l’avons dit dans nos présentations, nous appartenons au Druuidiaco Rectos Uindonnos (Ordre des Druides Fintan), un Ordre Religieux dont nous sommes les fondateurs. Conticannatios y est également associé fondateur et membre du conseil d’administration en tant que secrétaire de l’association religieuse Druide Fintan et Euentia est sa présidente et représentante légale. Les Druuidiactos Rectos Uindonos (en langue gauloise) également connu sous le nom d’Ordre Druidique Fintan, sont un Ordre Religieux Reconstructionniste de Tradition Gauloise-Continentale et de racines bretonnes, voué à la formation par l’initiation des futurs Prêtres de notre Religion (Druides), au soutien des credimaroi (croyants) et la réalisation des Cérémonies établies dans notre Tradition ainsi que les tâches de Service aux Divinités et à la Communauté (Tribu) qui nous sont demandées et qui rentrent dans notre logique sacerdotale. Nous nous définissons comme profondément spirituels et religieux, avec des convictions polythéistes profondément enracinées et loin des influences chrétiennes voilées ou de l’essence du new age. Nous sommes le premier Ordre Druidique qui a été structuré de telle manière en Espagne, où il est possible pour tous les croyants de vivre leur foi et d’apprendre leur croyance (et leur spiritualité) sans avoir à devenir Prêtre Druide.Presque tous les ordres druidiques existants n’acceptent que des membres avec un seul objectif : l’initiation au sacerdoce druidique. À Fintan, nous considérons qu’à long terme cette pratique ne favorise pas une structuration cohérente de la religion druidique, puisque seuls les prêtres sont formés qui, au contraire, n’ont ni croyants à soutenir ni tribu à servir, pour lesquels lesdits ordres ont pris fin constituant une série de groupes fermés, de nature monastique et centrés sur leurs propres membres dans le seul intérêt de leur propre et particulière initiation spirituelle et évolution personnelle. C’est pourquoi tous ces croyants qui ne se voyaient pas avec la force et l’engagement nécessaires pour être druide ou qui ne voulaient tout simplement pas l’être, ont été relégués sans possibilité de vivre leur sentiment religieux polythéiste celtique de manière authentique. Pour cette raison, nous avons été les pionniers en introduisant dans l’État espagnol la figure du credimaros, un nom en gaulois qui signifie croyant et que certains ordres de la péninsule ibérique ont déjà commencé à adopter. L’Association religieuse Druida Fintan est une association religieuse légalisée par l’État espagnol grâce à sa reconnaissance et son inscription au Registre des entités religieuses du ministère de la Justice sous le numéro 014301 (ancien 2127-SG/A). Près de deux ans après la fondation de l’Ordre des Druides Fintan, nous avons obtenu la légalisation de l’Association Religieuse, ce qui impliquait la reconnaissance tacite du Druidisme dans notre pays puisqu’une entité pratiquante était formellement admise au Registre. Être la première association religieuse druidique légalisée dans l’État espagnol est très important et implique une énorme RESPONSABILITÉ puisque notre performance nous engage : elle contient la viabilité de tout le DRUIDISME présent et futur. Comme nous le faisons, nous serons jugés ainsi que ceux qui viennent. C’est pourquoi notre priorité en tant qu’Association Religieuse est le Druidisme lui-même, considéré comme Religion, l’établissement de collaborations et d’accords (dans le domaine civil) œuvrant pour la visibilité du Druidisme auprès de la société et la défense active de nos valeurs éthiques, de notre Terre, nos ancêtres et l’être humain. Notre objectif est donc très clair : que Notre Religion soit reconnue, connue et respectée. Trois étapes consécutives et fondamentales qui sont inhérentes à la redécouverte de la Spiritualité Ancienne Européenne, un héritage de nos Ancêtres et qui n’aurait jamais dû se perdre. L’Association est donc chargée d’établir autant de dialogues qu’il est jugé nécessaire avec les administrations de l’État afin de parvenir à une normalisation de nos croyances et à l’obtention et à la réalisation de nos droits religieux afin que notre religion, le druidisme, soit contemplée et respectée. au même niveau que toute autre religion existante dans l’État espagnol. En plus de ce travail, nos efforts sont également orientés vers la dénonciation de tous ces aspects de la vie civile que nous considérons comme une attaque contre notre Mère la Terre, contre nos Ancêtres et contre les principes qui constituent notre éthique druidique et les bases de notre Religion. Notre objectif principal est donc de garantir à tous les credimaroi le pouvoir de vivre et de développer leur Religion Druidique en accomplissant leurs engagements (rituels compris) et leurs dévotions. Quant à savoir si un laïc peut participer à l’une de nos organisations, la réponse est NON. Il serait totalement incohérent d’appartenir à une association religieuse ou à un ordre religieux si vous n’êtes pas religieux, vous ne pensez pas ? Dans tous les cas, les laïcs mais ayant des intérêts partagés par l’Association (par exemple dans les questions environnementales) et à travers des accords établis par elle peuvent participer et en fait participer à des projets communs. C’est la seule façon raisonnable dont un laïc peut participer à nos objectifs. C’est-à-dire d’un point de vue civil où personne n’est discriminé et encore moins pour des raisons de conscience religieuse. En effet, les non-croyants peuvent accéder aux cérémonies publiques (Oinaci) comme les croyants, s’ils le souhaitent et en font la demande, mais toujours en dehors de l’espace sacré (Nemeton). Ils pourront contempler le déroulement du Rite dans le silence et le respect mais ils n’interviendront pas pendant la Cérémonie. Druide Eber : Je suis Druide d’Altitona qui est une clairière druidique elle même faisant partie d’une assemblée de clairières qui forment l’Assemblée Druidique du Chêne et du Sanglier. Cette Assemblée Druidique regroupe un certain nombre de clairières réparties ici et là sur les territoires français et limitrophes. Ces clairières s’entendent sur quelques fondamentaux qui leur permettent de pratiquer ensemble mais ont par ailleurs une large autonomie de gestion et d’organisation. Je ne parlerai donc que de notre clairière pour répondre à la suite de vos questions. Nous organisons de temps à autre des rencontres avec des profanes. Rencontres à thème, balades, etc. Si quelqu’un s’intéresse à nos activités, nous l’invitons à nous rencontrer pour faire le point sur sa demande et sur ce que nous faisons. Le cas échéant si les choses sont claires nous allons lui proposer de nous rendre visite lors d’un rituel. Si nos pratiques trouvent un écho chez la personne et si la personne nous semble suffisamment volontaire et respectueuse pour être intégrée au groupe nous le lui proposons. Au bout d’un an (8 célébrations) de présence en tant qu’invitée on proposera à cette personne d’intégrer le groupe en tant que membre. Kombalkores Fernando : Ma religion est la Wicca Celtibère [qui se revendique d'une sorcellerie rituelle, non magicienne, basée sur l'étymologie du mot « wicca » et non son émergence anglosaxonne au siècle dernier, quitte à entretenir les confusions – ndlr] et les piliers de mon Culte sont : la Dévotion, la Tradition et la Transmission. Notre Tradition Celtique est la Celtibère, une religion reconstructionniste, non-prosélyte, avec une tradition animiste, polythéiste et idolâtre, qui rend le Culte aux Morts, et son passé historique part d’un panorama linéaire : Culte Mégalithique (Néolithique) —> Peuples Proto-Indo-Européens (Chalcolithique, où apparaît le terme religieux wiccan, lié à la notion de sacrifice) —> cultures et religions identifiés (ethnies celtiques, celtibères). Commençant à nous persécuter, les chrétiens ont utilisé le terme lat. païen et avec le déclin de Rome en Occident, la voix qui définit l’acte rituel et ceux qui l’accomplissent (Wicca/Wiccan) réapparaît comme archaïsme, que les Chrétiens voyaient comme un sacrifice aux Démons. À partir de là, le terme Witchcraft (art sacrificiel) et witches (sacrificateurs/prêtres) surgissent dans les langues modernes (Moyen-Âge). Aujourd’hui, nous utilisons à nouveau le terme Wicca/Wiccan, pour enraciner notre origine celtibère, fermant la boucle… Nous distinguons le croyant en tant que laïc, partenaire ou jumelé avec notre Tradition, celle-ci à travers la Karaka [hospitalité] (qui a la possibilité de participer plus activement au Culte et à l’initiation). Le laïc peut « être », le partenaire « assister » et le frère « participer » – mais pas officier – « à » des cérémonies publiques et familiales, car notre Culte est hermétique et initiatique. Druide Milésio : Comme mentionné, je suis à l’Irmandade Druídica Galaica. L’IDG est le seul groupe religieux celtique organisé (et officiellement reconnu) dans l’ancienne terre de Gallaecia, Callaecia, Galiza, Galicia, Galice… Différents noms pour le même pays… L’IDG accueille ceux qui souhaitent observer le calendrier celtique en communauté, solliciter et participer à des services religieux, et recevoir des conseils et des informations. De même, en tant que collectif, nous visons à partager un certain nombre de valeurs et d’enseignements intemporels qui, selon nous, peuvent être utiles dans le monde d’aujourd’hui… Cela dit, l’IDG partage les grands principes du druidisme ailleurs, mais se concentre sur le propre héritage celtique galicien, car nous considérons que la Callaecia (la Galice proprement dite plus le nord du Portugal) est la patrie d’origine des Celtes de l’Atlantique… Ainsi, si quelqu’un veut se joindre à nous, il serait logique que la personne ait une sorte de lien – même s’il ne s’agit que d’un lien émotionnel – avec le lieu et la culture. De plus, la langue peut être un problème, puisque la seule langue de travail utilisée en interne est le galicien… Au-delà, tout le monde est le bienvenu. On peut simplement observer au loin (être druide, même anonymement) ou devenir membre régulier (ce qu’on appelle un Caminhante, cheminant). Les amateurs et les cheminants sont des laïcs. Les membres initiés (Ovates et Druides) suivent un chemin différent… Et nous sommes toujours ouverts aux questions et aux conversations ! Nous sommes, après tout, un groupe modeste mais public.
Comment voyez-vous le monde actuel ? Quelles places ont le celtisme et le druidisme dans votre vision des choses ? Druuis Auetos : Le monde actuel est un monde à bout de souffle. Un monde en fin de vie, comme nous le montre le règne du feu et de l’eau. Nous nous situons au crépuscule de l’Aes Miletonos (« l’Âge de la Destruction »), une ère de désolation, de désolation et de dissolution. Dans ce monde en décrépitude, notre Croyance nous donne un message d’espoir car qui dit crépuscule dit aussi aube prochaine. Un monde meurt, un monde prend vie. Une nouvelle ère, celle d’un âge doré, est sur le point d’éclore et, de la même manière que la Touta Deuiōn vainquit les ténèbres, nous sortirons vainqueurs de notre combat. Druuides Uindocaruos & Belenigenos : Nous voyons un monde qui ne nous plaît pas, ainsi rejoignons nous la vision de la Morrigan [évoquée par d'autres plus bas – ndlr], sauf que ce temps est le temps présent, nous retrouvons dans différentes spiritualités indo-européennes, les trois notions de piliers universels, l’équilibre, le mouvement la destruction, si le monde continue ainsi, à s’occuper de la superficialité des choses, sans entrer dans le fond, alors la destruction frappera notre civilisation. Les évènements actuels le montrent déjà. Ce qui nous rassure c’est que nous savons qu’universellement tout est en perpétuel mouvement, à nous, à vous, de faire en sorte que ce cycle ne dure pas trop longtemps. Dans cette situation dramatique, il est vital, que l’arbre dont on a voulu couper les racines, repousse, se renforce, et permette, de trouver des solutions d’avenir. Le celtisme, le Druidisme peuvent apporter une solidité, des clés de compréhension du monde, et amener l’homme vers une véritable évolution, pour lui-même et pour le monde. On ne peut que souhaiter son développement sur des bases très solides. Druuis Conticannatios : Comment je vois le monde… question difficile et je pense que c’est une question avec autant de réponses qu’il y a d’humains à qui on la pose. Personnellement, je vois le monde vide. Avec un grand vide d’esprit. Après les outrages qu’ont causé et que causent certaines visions Religieuses liées principalement au concept monothéiste, chacun fuit le concept de Religion et se réfugie dans la Science comme si l’une était l’opposé de l’autre, et ce n’est pas le cas. Le Druidisme prête attention à la science et essaie de marcher à ses côtés puisque les valeurs qu’elle apporte sont indéniables et piliers de notre évolution. Mais bien que la science ait généré une augmentation notable des connaissances, elle nous dépasse souvent. Il n’y a pas d’accès mûri à la connaissance. Nous sommes entourés de concepts rationnels et scientifiques et l’étincelle de notre esprit s’éteint. Nous nous retrouvons terriblement seuls dans un monde auquel les religions traditionnelles ne nous ont pas préparés. Les gens manquent de but, il n’y a pas de buts qui nous emmènent au-delà de notre existence, nous nous soucions de nos vies et le concept de « tribu » a disparu ou est devenu une relique anthropologique. Je vois le monde comme ça et je crois que c’est le problème qui nous amène à des situations comme la dégradation subie par l’environnement… rien n’a d’importance, rien ne suffit, rien ne nous remplit et cette angoisse qui nous mène à une boulimie de consommation qui tente de combler notre vide, ne nous satisfait pas non plus. Nous n’y trouvons pas les réponses et nous aurions besoin d’un nouveau concept moral et éthique qui était autrefois réglementé par les religions et dont, bien qu’il nous pèse, nous nous sentons orphelins. Je ne parlerai pas du celtisme, comme je l’ai déjà dit car je ne comprends pas ce que nous entendons par celtisme. Mais je parlerai du druidisme, car c’est ma religion et c’est ce dont je peux du moins parler. Et à partir de là nous revenons à la troisième question où l’on demandait ce que le druidisme pouvait apporter aujourd’hui. Le Druidisme peut fournir un cadre religieux de RESPONSABILITÉ et de MATURITÉ à l’Humanité. Le temps est venu de mûrir ou de disparaître. On dit que l’homme ne réagit qu’à la vue du précipice. Eh bien, réagissons, car nous marchons déjà au bord du vide. Par conséquent, la place que le Druidisme occupe dans ma Vie est totale, comme je le suppose dans la vie de tout prêtre de toute croyance religieuse. Le druidisme me donne en tant que croyant une série de valeurs, une éthique à suivre ainsi que quelques engagements à respecter, parmi lesquels se détache la vieille triade gauloise : ne jamais faire le mal, la dévotion aux Dieux et Déesses, et maintenir une attitude de courage devant la Vie. Bena Druuis Euentia : Bon, franchement, je vois très mal le monde en ce moment, comprenant le monde en deux parties, d’un côté notre Terre Mère et de l’autre les êtres humains qui l’habitent. Les progrès tant attendus nous ont conduits à une vie où le respect, les croyances, les valeurs passent au second plan au profit de l’argent, du pouvoir, de la consommation. Les nouvelles générations fuient le terme religion car elles ne peuvent l’assimiler qu’aux religions monothéistes qui, depuis des siècles, ont prouvé qu’elles prêchaient une chose et en faisant une autre. Aujourd’hui, la plupart des gens font plus confiance aux résultats empiriques de la science qu’aux croyances, indépendamment du fait que la confiance en la science est basée sur la croyance. D’autre part, dans la société d’aujourd’hui, les valeurs que nos ancêtres ont transmises de génération en génération ont disparu, la société a oublié de se souvenir de ses ancêtres, de continuer à promouvoir l’union des clans et des tribus et aujourd’hui chacun étant des vies humaines ne pensant qu’à sa vie, son bien-être, remplir son existence d’objets matériels, d’aliments superficiels, vivre la vie à la va-vite pour tenter de combler notre âme vide sans but précis et sans pouvoir combler ce vide existentiel on finit par devenir des automates, déprimés et anxieux qui, pour continuer à vivre à ce rythme, doivent être polymédiqués avec des anxiolytiques, des antidépresseurs, des analgésiques et un long « etc. » Cette façon de vivre et ce manque de valeurs est ce qui nous a conduit à un manque total de respect et de protection pour notre planète. Au nom du progrès, de l’argent, du pouvoir et d’une vie soi-disant meilleure, nous détruisons les ressources naturelles que la Terre nous avait toujours offert. Nous ne prêtons pas attention à leurs plaintes constantes sous forme de phénomènes naturels, nous n’apprécions pas chaque aliment que nous mettons dans notre bouche, nous ne sommes conscients d’aucune de nos actions et si nous continuons ainsi nous nous dirigeons vers l’extinction de l’être humain et du monde tel que nous le connaissons… Pour moi, le celtisme et le druidisme sont deux choses différentes, le celtisme englobant l’étude des peuples celtiques et en tant que mouvement reconstructionniste, nous apporte des connaissances sur ces peuples, mais être celtique ou pratiquer le celtisme n’implique pas de professer la religion druidique ou être un Prêtre druide, donc le celtisme occupe la partie qui m’aide à comprendre comment les peuples celtiques se reliaient et vivaient et la religion druidique est celle qui me donne la vision la plus intérieure de la relation entre les prêtres, les divinités et la tribu et leur manière de comprendre la vie, le monde, la terre. Évidemment du fait de mon statut sacerdotal de Bena Druuis, le druidisme fait partie de ma vie 24h/24, ma religion est totalement impliquée dans ma vision des choses et du monde et c’est par elle que je crois que l’on peut contribuer à la société d’aujourd’hui , le moyen de renouer avec nos ancêtres, avec les valeurs que nous avons perdues en cours de route, de revenir à agir de manière éthique, de savoir apprécier tout ce qui nous entoure et qui passe inaperçu devant nous par le maelström insensé de la vie que l’humanité mène aujourd’hui. Druide Eber : Le monde actuel ressemble fort au Monde décrit dans les prophéties de la Morrigan. Citons en quelques lignes : « Je verrai un monde qui ne me plaira pas : / Été sans fleurs, / Vaches sans lait, / Femmes sans pudeur, / Hommes sans courage, / Capture sans roi, / Arbres sans fruits, / Mer sans frai, / Mauvais avis des vieillards, / Mauvais jugement des juges, / Chaque homme sera un traître. » Bref un Monde qui a oublié ses valeurs pour se livrer à l’égoïsme, la consommation, la jouissance immédiate et la pensée préfabriquée. A contrario, nous ne pensons pas non plus qu’il faille se livrer à une ascèse morbide et la repentance permanente. Tout est question d’équilibre… Le Druidisme dans tout cela ? Nous pensons que le meilleur moyen pour éviter les prophéties de malheur c’est de retrouver une forme d’harmonie, d’ordre naturel, de lucidité sur le Monde. Le Druidisme, pour peu que l’on y travaille avec sérieux, permet de répondre à ces questions. Pour autant le Druidisme n’est pas une religion qui repose sur la grâce. Pour arriver à quelque chose, il faut que chacun travaille et opère dans le cadre qui est le sien, avec les outils qu’il maîtrise. Kombalkores Fernando : Je crois que nous sommes les pionniers d’une résurgence des Cultes préchrétiens, avec un paganisme qui peu à peu va imprégner nos sociétés, les ramenant à un statut plus naturel, harmonieux et respectueux des Traditions Ancestrales, détruisant tout ce qui est une farce (sic) [c'est le Kombalkores Fernando qui a placé « sic » – ndlr] et adhérant à notre conscience religieuse. Le druidisme en particulier et le celtisme en général, je comprends qu’ils vont jouer un rôle très important dans cet éveil … D’autre part, nous risquons d’être trop permissifs avec des « expérimentations » mêlant pratiques, religions et théologies, et finissant par créer quelque chose de nouveau sous un ancien nom. Je ne me sens ni autorisé ni justifié à le faire. Je comprends que le syncrétisme arrive naturellement dans l’Histoire : il n’est pas « conçu »… il arrive après des siècles d’expériences, de connaissances et d’adaptation. Adapter la religion au contexte n’est pas la même chose que l’adapter à chacun de nous… que se passerait-il si quelqu’un décidait ce qu’est le druidisme et être druide, quels Dieux adorer et comment le faire, et que tout était valable ? Serait-ce encore le druidisme ? Si vous voulez créer quelque chose de nouveau, eh bien, allez-y, chacun accède aux Dieux comme il le comprend le mieux, mais soyez courageux et ne vous cachez pas derrière une religion précédente pour peut-être crédibiliser VOTRE idée du transcendant. Druide Milésio : Personnellement, je vois le monde humain principalement tel qu’il a toujours été, à cette différence que maintenant nous connaissons la joie et la misère ou les autres [sic] plus rapidement et plus largement. Cela ajoute une couche supplémentaire de stress et de désenchantement dans la vie des gens. Mais je pense aussi que la sagesse ancienne, correctement revisitée, continue d’être pertinente pour résoudre les vieux problèmes de la condition humaine… C’est là qu’interviennent le celtisme et le druidisme/la druiderie/druidité car, je crois, ils peuvent offrir une approche de la vie souvent oubliée, une vision du monde enfouie dans l’inconscient européen où l’on ne fuit pas la complexité de la réalité, tandis qu’en même temps, nous gardons notre optimisme.
Voulez-vous ajouter quelque chose librement ? Au revoir ! Druuis Auetos : Non pas. Druuides Uindocaruos & Belenigenos : Nous sommes entièrement ouverts aux échanges, aux rencontres, aux débats, vous pouvez donc nous retrouver sur les Facebook Druuis Uindocaruos, Marc Durand et Cantia Uassoi Deuion. Vous êtes les bienvenus pour les cérémonies, se déroulant en Bretagne, nous faisons également des vidéos youtubes, des petites conférences traitant de sujets liés au Druidisme. Nous vous souhaitons, le meilleur, la bénédiction des Puissances Divines. Bien à vous. Bena Druuis Euentia &Druuis Conticannatios : Rappelons à tous ceux qui croient en la religion druidique, quel que soit le pays où ils vivent, qu’avec l’Association religieuse des Druides Fintan, nous avons acquis l’engagement de promouvoir une communauté de croyants druidiques, qui n’aura aucune sorte de relation avec notre Association étant donc totalement indépendante et différenciée. Ladite Communauté fonctionne de manière opérationnelle à travers un groupe Facebook fermé et privé auquel un accès préalable doit être demandé. Les liens vers celui-ci se trouvent dans notre profil Orden Druida Fintan dudit réseau social. Nous essaierons que dans ce groupe, toute personne qui se sent croyant et qui a besoin d’attention, de conseils et d’un minimum de formation puisse recevoir l’aide qui lui permet de vivre sa foi avec des garanties sans avoir besoin d’adhérer à une association. Pour toute question à ce sujet ou sur d’autres sujets, vous pouvez nous trouver dans notre courriel, ou dans l’un de nos profils Facebook, à la fois l’Ordre (Orden Druida Fintan) et le staff (Conticannatios). Nous vous remercions de l’attention que vous avez eue envers nous à travers cette interview, Mervis, et nous vous souhaitons un bon voyage. Embrassades. Kombalkores Fernando : Merci encore une fois pour le merveilleux travail que vous faîtes. Il est important de rendre visible une partie de la société et des croyances trop longtemps marginalisées. Merci. Druide Milésio : Juste un grand merci à vous pour votre intérêt et à ceux qui lisent ces lignes pour leur patience. Vous devez comprendre que tous ces concepts et idées sont assez complexes et je n’ai offert rien de plus qu’une introduction très brève et simplifiée. J’espère que ça aide.
TROIS CELTISANTS
Bonjour ! Pourriez-vous vous présenter ou vous présenter à nouveau pour les lecteurs, tant au plan civil que religieux ? Gérard Poitrenaud : Je m’appelle Gérard Poitrenaud, celtologue. Je suis né à Paris et j’ai suivi des études de littérature allemande que j’ai terminées par un doctorat de 3e sycle sur « la réception des classiques dans la littérature allemande de l’émigration après 1933 ». Après avoir été lecteur de français dans une université allemande et ne voyant pas de possibilité de carrière dans la Recherche, j’ai commencé une carrière de développeur et de programmeur-système à Francfort sur le Main, où j’ai habité avec ma famille franco-allemande. Ayant vécu plus de 35 ans en Allemagne, j’ai pris beaucoup de distance avec tout ce qu’on peut considérer comme franco-français et parisianisme, mais aussi avec l’élitisme et le formalisme qu’on rencontre souvent chez nous… Mon implication dans la celtologie s’est faite par hasard, mais pas tout à fait, puisqu’enfant mon père et mon oncle, tous deux de culture ouvrière et proches du parti communiste, se disputaient fréquemment à propos des Gaulois. Lorsque je me mis à m’intéresser à l’histoire familiale, les Gaulois en faisaient donc naturellement partie. Et quand mon oncle me légua sa bibliothèque celtique pour se débarrasser, celle-ci resta sans grande attention jusqu’à ce qu’un ami allemand, par ailleurs professeur à l’université et mythologue, engage la conversation sur Cernunnos, puis m’invita à présenter mes « lumières » dans son cercle mythologique à Leipzig. Je me mis à me renseigner plus sérieusement sur le sujet, et c’est ainsi que mon étude sur Cernunnos est née avec une itération d’approfondissements, une déambulation circulaire et répétée (trois fois ?) autour de ce sujet… Il est difficile pour un garçon des années cinquante et du début des années soixante de prendre un druide comme modèle : Gandalf n’était pas connu. Mes héros étaient le jeune Bonaparte, Saint-Louis (quand j’avais la foi du catéchisme) ou, si gaulois, Vercingétorix. Bien abreuvé de récits déjà mythiques de la résistance par mon père, je voulais devenir un héros, pilote de chasse ou à la rigueur pompier, et non un savant ou un sage. Prêtre que nenni ! Je chantais « auprès de ma blonde » avec une anticipation de ravissements lointains. [Vraie question : l'ancien druide se privait-il d'une blonde ? – ndlr.] Mais le druide qui sait attendre frappe à la porte des ans. Son mystère, son lien avec la magie et l’origine obscure de tout finissent par m’impressionner, même si je n’ai aucun lien avec le néodruidisme et que je n’ai pas envie de me couvrir d’un drap blanc pour aller en forêt faire mes dévotions. Mais personne ne peut oublier, il me semble, le récit de Pline sur la cueillette du gui ni questionner sa signification profonde. Tasgos : Je me présente sous le nom de Tasgos, mot signifiant Blaireau, car il s’agit de mon animal messager. En effet, autant il est rare de l’apercevoir, autant je le vois précédant des périodes clefs. Vivant, il annonce une épreuve, mort il annonce une fin d’épreuve. Je ne sais point s’il s’agit de concours de circonstances, de superstitions ou de signes. Étant assez rationnel de nature. Et le blaireau est un très bel animal. J’aurai quarante ans l’année prochaine [2023 – ndlr], et jusqu’alors j’ai effectué divers travaux variés. Je respecte la République française et ses valeurs, mais je me sens assez indifférent à son drapeau ou à son patriotisme. J’apporte actuellement ma contribution à Pharia, une association regroupant des netjeristes (tradition égyptienne), des hellénistes (tradition grecque), des romanisants et des celtisants [hélas déchue en 2022, alors qu'était diffusée l'entretien concernant les Gréco-Romanisants]. Mervis Nocteau : Je renvoie aux précédents entretiens : en gros ? Un penseur d’action. J’ai été tenté par la hedge druidry [druiderie buissonnière, druidisme solitaire ou à distance] mais j’ai réalisé que c’était du bullshit, alors je me rapproche des lignées plus assermentées initiatiquement parlant. Je me sens tel un Diuiciacos Iberos Geaton, Divitiac l’Ibère des Goths, une fois syncrétisé tout mon passif lignager pré- et péri-chrétien.
Quelles remarques avez-vous envie de faire, au sujet de la précédente interview concernant les celtisants ? Gérard Poitrenaud : Il y a apparemment une grande diversité chez les druides actuels, on a l’impression que chacun peut définir le druide qu’il veut être. J’ai l’impression que le druide d’aujourd’hui pourrait se faire également shaman ou moine tibétain. Sa foi est celle du pouvoir de l’esprit sur la matière, et du savoir profond hors de toute institution ou du moins autonome par rapport à celles-ci. Tasgos : Je connais Lugvidion que j’eus plaisir à rencontrer un jour, aussi je pense avoir reconnu un Breton alsacien et un érudit reconstructionniste [Yann Mab Beltan/Gottfried Karlsshon – ndlr]. Certaines vues sont intéressantes et prêtent à réfléchir, comme Morgan remettant le terme de païen en question et le voyant comme péjoratif. Les transes de l’ADF évoqués par Odinson [écarté avec bien d'autres douteux, de la version accessible sous mon profil] pour entrer en contact avec les dieux me posent question, car je ne vois guère les divinités comme des personnages mais plutôt comme des forces de la nature, des manifestations de ce monde… Concernant les vingt années d’apprentissage druidique évoquées par Yann, et lesquels bien sûr semblent difficilement applicables à notre époque, surtout si l’on entre dans le druidisme à trente ou quarante ans, je dirais ceci : l’apprentissage des druides antiques devait sûrement commencer très tôt, à partir de l’âge de 15 ans peut être, sachant que l’espérance de vie était moindre. Aussi, l’apprentissage ne devait point se borner à des textes bardiques, fait propre aux bardes et non aux druides par ailleurs. Mais l’apprenti(e) druide devait connaître toute la législation celtique. Il ou elle devait tout savoir sur les astres et les constellations, savoir les identifier et repérer les transits, comme celui de Saturne en Taureau permettant de changer de cycle tous les trente ans. Il ou elle devait savoir interpréter les auspices. Il lui fallait savoir lire et écrire pour les tâches administratives et la magistrature. Il ou elle devait apprendre toute la médecine celtique, chaque plante, mais aussi chaque préparation médicinale comme les onguents. Tout cela nécessitait au moins vingt années, mais à trente-cinq ou quarante ans il ou elle était druide(sse) et pouvait former un(e) nouvel(le) apprenti(e) pendant les vingt ans suivants. Je partage l’avis de Domias, pour lequel, si le druidisme était reconnu, il deviendrait une institution encadré par des réglementations. Aussi la non-reconnaissance nous permet aussi d’avoir une certaine liberté, de pouvoir nous organiser et agir à notre guise [cf. la critique faite au Druide Eber en « ndlr », à la question de la recherche de reconnaissance actuelle]. J’ai eu plaisir à lire l’article traitant de la Wicca Celtibère dans lequel j’appris les termes espagnols de Brujeria [sorcellerie rituelle] et Hechiceria [sorcellerie magicienne], dont la subtilité distingue le sacré du profane. Et par ailleurs, un cercle reconstructionniste puisant dans des mémoires antérieures à l’antiquité, soit le Chalcolithique (âge du bronze) voir le néolithique, lui confère une forme singulière [la Wicca Celtibère du Kombalkores Fernando interrogé parmi les Druides ci-dessus, et qui n'est en fait pas du wiccanisme, donc, quoiqu'entretenant la confusion]. Mervis Nocteau :Adge Teutaten ! Par Teutatès ! en celte restitué. Ni plus ni moins que mon chapô d’article, à cet entretien. Je rappellerai à tous que j’ai entamé mon cheminement traditionnel en faisant confiance au Druuis Auetos, ainsi qu’au Druuis Belenertos qui n’a jamais souhaité répondre. Comment vous dire que je n’ai jamais regretté la confiance que je leur ai accordée ? Et, ce, alors que nous n’avons fait qu’échanger à distance, faute de moyens et d’envies, et que je ne suis pas entré dans la démarche druidiste. Il y eut même des quiproquos entre nous qui faillirent me coûter la participation d’Auetos ici, du fait qu’un imposteur usurpa un temps son nom sacral. Tali Auetui ! Honneur à Auetos !
Qu’est-ce que le celtisme et le druidisme, aujourd’hui ? D’où viennent-ils ? Comment se manifestent-ils ? Quels sont leurs courants et leurs organes ? Combien de personnes mobilisent-ils ? Cherchent-ils une reconnaissance en France ? Gérard Poitrenaud : Je ne sais trop rien du druidisme actuel, je suppose que c’est un produit du romantisme, c’est-à-dire d’un mouvement littéraire et artistique, mais aussi philosophique qui s’oppose au rationalisme des Lumières et de la despotie éclairée [sic] ainsi qu’à l’Histoire biblique et gréco-romaine. Il valorise les émotions et les sentiments, la subjectivité, en même temps que le barbare, le déchaînement des éléments et un lointain passé qui rassemble tout cela. Le druide d’Ossian en est l’incarnation. [Druide poétique dont le nom est bien tiré de légendes celtes, dont les poèmes ont été imaginés par le poète anglais James Macpherson, sur la base d'éléments folkloriques certes, mais surtout homériques et bibliques – ndlr]… Je suppose également que la maçonnerie se trouve dans les mouvements druidiques comme dans d’autres groupes qui rassemblent des personnes éprises de savoir ésotérique et voulant être une élite discrète. Tasgos : Tout d’abord, il faudrait d’une part que les mouvements druidiques sachent s’entendre en bonne intelligence. Car généralement chacun pense avoir raison sur l’autre et chacun forme son clan. Et les rapports humains semblent compliqués. D’autre part, il faudrait reconnaître les différents courants druidiques dans leurs spécificités propres. Comme sont reconnus les branches chrétiennes protestantes, orthodoxes et catholiques par exemple. Car les groupes druidiques sont différents, mais aussi honorables les uns que les autres sauf exceptions idéologiques ou mercantiles [et sans recherche de raccord antique archéo/historique – ndlr]. Si la France devrait reconnaître les ordres druidiques, il lui faudrait reconnaître chaque courants druidiques dans leurs voies distinctes. Soit, le druidisme tricentenaire de John Toland et Iolo Morgwang. comme à la Gorsedd de Bretagne, à L’Ordre des Bardes des Ovates et des Druides, ou l’Ordre Druidique des Enfants de la Terre [tous réputés, mais sans recherche sincère de raccord antique]. Le druidisme reconstructionniste, dont la branche orthodoxe d’inspirant des cultures gauloises, irlandaises et hindoues. Comme l’immense et remarquable travail du Druuis Auetos de la Celto Certocredaron Credima, reprise par la Orden Druida Fintan en Catalogne [interviewés ci-dessus parmi les druidistes]. Mais aussi les clairières comme le Groupe Druidique des Gaules à cheval entre le druidisme tricentenaire et la reconstruction des traditions anciennes des Gaules [ainsi que le travail de René Guénon, quoi que René Guénon ait nié la possibilité d'un héritage druidique]. Et peut-être, de nouveaux groupes emprunteront une voie semblable à celle que j’ai prise, mais ces groupes n’existent pas encore à ma connaissance. Reste les clairières druidiques de type new age, nombreuses, lesquelles auront, je pense, plus de mal à être reconnues en raison de la peur bien française de mouvements perçus, à raison ou à tort, comme des mouvements sectaires. Mais peut-être ne le souhaitent-elles pas non plus. [Or il y a bien des sectarismes çà et là, attention. Sans parler des influenceurs qui gâchent tout, à cause de leurs perversions. Clamant haut et dur leur pseudo-véracité, ils enthousiasment « les pauvres en esprit », sur la base du réflexe monothéiste que « le royaume des dieux leur serait à tous promis ». Ce sont de « nouveaux prédicateurs de mort » qui se dénient et se proclament même d'un sursaut : la perversion est totale. En fait, ils craignent.] Mervis Nocteau : Le celtisme est une culture protéiforme bien sûr enracinée dans les peuples à caractère toujours celtes du littéral atlantique, mais qui doivent eux-mêmes d’être des survivances des peuples antiques venus du Danube répandus dans les Anciennes Gaules pré-romaines du Rhin à la Garonne. Restent donc l’Eire & l’Ulster (Irlande), l’Ecosse, l’Île de Man, le Pays de Galles & la Cornouaille (Grande Bretagne), la Bretagne (France), les Asturies et la Galice (Espagne) mais aussi quelque part tous ceux qui font « la découverte » plutôt que « l’ignorance » selon le mot de Tri Yann (appliqué à toute l’Europe occidentale et non seulement la Bretagne) ou bien encore ceux qui entendent « le chant des druides » dirais-je humoristiquement en citant Manau (car Manau confond toujours mégalithisme et celtisme comme Obélix !). Le druidisme eh bien, sans le celtisme, n’est crissement rien. On connaît ma propension à parler des druidistes et leurs druidismes pour nos jours, et des druides et leurs druidicats dans l’antiquité : pourquoi pas ? La druidité est déchue mais grâce au celtisme franc-maçon des Anglo-Saxons elle est toujours là, alors à nous d’en faire une vraie chance, si le public véridique veut bien la tolérer, car depuis mes tous premiers entretiens il a du mal en France, et le public français est sûrement le plus méchant !… Comme toute culture, la culture celto-druidique n’a pas d’origine ex nihilo, pure ou parfaite. Comme tout mouvement culturel, le celto-druidisme contemporain n’a pas de nature per se, pure et parfaite. Je veux dire : en dehors de la tête de ces sots d’identitaires… A contrario, il serait aussi sot d’en faire quelque chose à caractère humanitaire/éco-salutaire (ce qui revient au même que l’humanitaire, car le cosmos continuera avec ou sans notre suicide). Car dès qu’on convoque les Dieux, même de loin dans le panenthéisme (la Déité profuse tout), le panthéisme (la Déité est le Tout) ou le « psychothéisme »(les Dieux sont des archétypes transpersonnels) on quitte l’anthropocentrisme pour le théocentrisme, serait-ce pour l’altérité de l’inconscient. Or par définition, le théocentrisme convoque le surhumain parmi l’humain, et l’humain ne peut plus être « le tout » (humanitaire/éco-salutaire). Nous parlons bien de polythéismes, même si dans la culture pop’ ça se cantonne à quelques pintes à boire sans modération le jour de la saint Patrick, patron celto-chrétien d’Irlande, pourtant destructeur des Derniers Celtes (non, ni les Irlandais, ni les Ressortissants d’une autre nation dite celtique aujourd’hui, ne sont celtes : ils sont irlandais, ou ressortissants d’une autre nation dite celtique – rien d’autre – ce qui est de survivance, et encore ! la majorité ne parle même plus de langue celtique, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, cela ne fait hélas pas de différence factuelle).
Comment introduiriez-vous au Mythe Celte ? Quelles directions prend-il ? Gérard Poitrenaud : Les mouvements druidiques tout comme les celtologues, participent du mythe celte qui reste quelque peu évanescent. Cependant, je vois ce mythe à l’œuvre dans la chasse sauvage d’un héros solaire à travers les cieux, dans les batailles eschatologiques qui mettent fin à un cycle d’existence avant d’amener le suivant et dans le personnage de Cernunnos qui manifeste par ses bois le renouvellement éternel des êtres et des chose… Je pense que le message druidique se confond avec le message celtique, en ce sens qu’il représente dans notre esprit l’antithèse de la civilisation matérialiste, de l’État omniprésent, du gel du fleuve de la vie. Nous y voyons une furtivité, une volonté d’échapper au système et aux multiples institutionnalisations qui transforment tout en béton sinon en argent « à partir de rien »… Pour ma part, je ne cherche pas les pouvoirs, ni à me distinguer de la foule. Je suis très bien avec les gueux, les fous et les ignorants, mais pas tout le temps – j’aimerais avoir le pouvoir de guérir par la vérité. Malheureusement, je fais souvent l’expérience que cette modeste exigence de vérité blesse, offusque et finalement fait de moi un solitaire parmi les gueux, les fous et les ignorants. Il y a peut-être un mouvement indépendant de notre volonté à la recherche du druide capable de faire la différence, de retourner la situation par ses fulgurances de sagesse et conduire la troupe des héros en vue de la bataille eschatologique… Celui ou celle qui étudie longtemps un sujet quelconque va constituer des liens émotionnels avec son sujet : ce à quoi on passe plus de temps prend forcément de la valeur. Ainsi il ne s’agit plus d’étudier, mais d’admirer et de vénérer. C’est de la psychologie de base, mais ça marche. Les Celtes deviennent pour moi un milieu d’habitation que j’ai du plaisir à reconnaître et qui me sert de refuge lorsque je me sens désorienté. Je vais donc être tenté de découvrir dans mon sujet ce que j’y ai mis peu à peu… La religion druidique serait une sorte de croyance païenne en opposition avec le christianisme et/ou la laïcité dans lequel nous avons grandi. Je pense qu’une telle religion est impossible, car elle ne peut pas faire que ce qui l’a émiettée, effacée peu à peu et dissolu, n’ai pas été. La religion sécularisée des Romains, le christianisme dans ses différentes variantes se succédant les une aux autres, le rationalisme et les étranges nihilismes de notre époque sont là et correspondent à la marchandisation du monde et du vivant. Les druides historiques dont nous savons si peu n’ont pas eu ce monde devant eux et n’ont pas eu ces idées à combattre (ou seulement en germes). Tasgos : Il faut aborder ce phénomène avec prudence. D’aucuns chercheront dans les mythes indiens, partageant avec l’Europe le lien indo-européen. Soit l’Œuf Cosmique à l’origine du monde [le Druuis Auetos ci-dessus – ndlr]… D’autres, plus répandus, se calqueront complètement sur les textes médiévaux irlandais rédigés dans les monastères durant le siècle de l’âge d’or irlandais, celui qui s’étend de la création des monastères en 563, à la peste jaune en 664… Personnellement, j’ai cherché des concordances avec les mythes gréco-romains, voisins directes des celtes. Je trouve qu’il y a beaucoup de points communs entre les civilisations antiques d’Europe, et pourquoi pas les Celtes ?… Il nous fut rapporté deux mythes gaulois, celui mentionné par Diodore de Sicile, narrant l’histoire de Hercules ayant eu un fils avec une Princesse des Gaules, et lequel se nommait Galates, le premier de tous les Gaulois. Hercules ayant par ailleurs bâti la ville d’Alésia, dont on en mesure alors l’ancienneté. Nous savons aussi, par le livre de la Guerre des Gaules, que les Celtes se sentaient issus du Dis Pater, sans que l’on en connaisse réellement le nom celtique. Celui-ci étant Hadès ou Pluton chez les Romains. En effet, le Dis Pater, dieu du monde souterrain et de l’abondance, est aussi le dieu des ancêtres qui séjournent dans le monde des morts. Aussi les Celtes croyaient en une autre vie après la mort, et pouvaient alors se sentir issus du royaume des morts… Personnellement, au vu des nombreux points de similitude que nous avons entre les traditions grecques, romaines et celtes, et que j’attribue au brassage culturel de Hallstatt, je pense que le dieu céleste et le dieu du monde souterrain sont deux frères. Que le dieu céleste se lia avec la déesse terre, et que tous deux eurent une fille. Le frère du dieu céleste convoitait cette fille, l’eut enlevé, et ses parents la cherchèrent. Lorsqu’ils l’eurent trouvé, ils proposèrent au dieu du monde souterrain qu’elle puisse venir auprès de ses parents le ciel et la terre durant les six mois de l’été, et qu’elle séjourne auprès de son époux dans le monde souterrain durant les six mois de l’hiver… Ce mythe, vieux comme les premiers temps du monde indo-européen, se rapporte à l’observation des constellations du Taureau et des Pléiades, marquant la période claire et la période sombre… Pour moi, Taranis est Zeus et Iovis (Jupiter), Rosmerta est Demeter et Ceres. Aeracura est Perséphone et Proserpine… Pour le Dis Pater celtique, je lui verrais bien Cernunnos en raison de son statut chthonien (assis), son expression de richesse (torque) et d’abondance (blé), sans certitudes cependant… Et de fait, les autres dieux et déesses naquirent de ces unions. Par exemple, le soleil et la lune sont les jumeaux du dieu céleste, les dieux et déesses guérisseurs des sources et fontaines. Il y a en effet une relation entre les astres et l’eau, que Pline l’ancien décrit au livre II dans les chapitres CII, CIII et CIV, la lune féminine est le souffle vitale qui attire les eaux dans le vivant, le soleil masculin absorbe les eaux et sèche le vivant… Pour moi, Grannos est Apollon, Sirona est Hygie… Tous les autres dieux et déesses suivent cet ascendance des dieux et déesses primordiaux, le dieu céleste, la déesse terre, le dieu du monde souterrain. Nous remarquerons que cette approche des trois mondes était générale dans les différentes civilisations antiques. Mervis Nocteau : À ne s’en tenir qu’aux faits connus, on observe que le monde pré-existe aux Dieux et à tous les êtres mythologiques et légendaires. En supposant que le Livre des Conquêtes d’Irlande vaut pour toutes les contrées celtiques et plus généralement Litauis (la Terre étendue, déifiée, en celte restitué) – l’Irlande n’étant alors qu’une métaphore pour l’ensemble – le cosmos celte semble tout à fait cohérent avec ce que l’on sait de l’astrophysique. Les Dieux sont les Grands Anciens qui continuent de vivre dans le Seidos (l’Autre-Monde, littéralement « Tertre », « Sidh » en irlandais). Donc je dirais qu’être druidiste et plus généralement celtisant, aujourd’hui, consiste à se sentir partie-prenante de cette grande filiation ancestrale, à faire preuve de piété traditionnelle… Mais la meilleure, vous ne pourrez pas la deviner comme cela : les hommes ont combattu les Dieux, pour négocier leur habitation sur Litauis et le retrait divin dans le Seidos, au même titre que les Dieux avaient combattu leurs prédécesseurs monstrueux. C’est-à-dire que la lutte des générations est éternelle et nécessaire, à condition de se reconnaître bien tous affiliés !… Le Mythe Celte est notre connaissance la plus lointaine, protohistorique, de nos racines européennes occidentales, jusqu’en Anatolie turque par le Danube. Introduire au Mythe Celte est un exercice de remembrance. Mais, avant tout, j’en passerai par un travail de l’Ombre monothéiste et tous ses réflexes conditionnés : dogmes, pensées uniques, communions, charités, empires du prétendu et autoproclamé Bien, amour moralisateur/moralisme amoureux à toutes les sauces, etc. Tout ceci participe de la même bergerie, alors que les Celtes ont un rapport beaucoup plus subtil au loup.
Comment introduiriez-vous à la sagesse qui se dégage des Celtes et leurs druides, à travers le Mythe Celte ou autres ? Gérard Poitrenaud : Les druides sont caractérisés comme les « très savants » ou comme ceux « qui ont la sagesse de l’arbre (du monde) », ce qui ne s’exclue pas, loin de là, car on commence à connaître la tendance celtique aux jeux de mots et jeux d’esprit, à la double ou triple lecture ; ce qui revient à dire que l’univers lui-même recèle différents niveaux de compréhension et même d’être… J’ai écrit un article sur La Voie Druidique publié dans la revue Keltia n°52 qui esquisse mon point de vue, c’est-à-dire résume mes hypothèses sur la vision du monde des druides comme sur l’éthique qui s’en dégage. Le point de départ de ma réflexion est que les trois préceptes « honorer les dieux, ne pas faire le mal, exercer son courage » rapportés par Diogène Laërce sont essentiellement reliés entre eux et qu’il représentent trois aspects d’une même quête. Tasgos : Attention, il convient de dire que le pouvoir druidique n’était pas toujours emprunt de sagesse, il était surtout l’acquisition d’une grande connaissance juridique, théologique et médicinale. Les lois celtes pouvaient être dures, et les druides étaient alors sans pitié en fonction de la gravité des faits. Et je pense qu’il faut regarder la réalité et l’accepter, plutôt que de se complaire dans un fantasme à l’image de ce que l’on aimerait voir. Je pense qu’il ne faut pas forcément voir les druides anciens comme des écologistes et des grands sages pacifistes, l’époque était écologiste par nature et par la force des choses plutôt que par la volonté humaine dirais-je. Les druides avaient des règles, se tenaient à des logiques, faisaient appliquer les lois. Le calendrier de Coligny, et les observations astronomiques, démontrent qu’ils étaient attachés à l’ordre, la rigueur. Leur pouvoir était immense, aussi en abusaient-ils sûrement, et régnaient-ils parfois par la superstition et la crainte. Mais les druides étaient aussi les piliers de la société celtiques, les gardiens de la connaissances des plantes et des étoiles. C’est, je pense, la raison pour laquelle il leur était demandé de ne point aller à la guerre selon Jules César, sauf en cas de péril général de toute la Celtie [notion moderne, prisée dans le panceltisme, rassemblée l'ère de civilisation essentiellement celte, comme une seule contrée malgré ses disparités – ndlr] selon Appien, car ce savoir vivant devait être conservé et transmis oralement. Les druides étaient des magistrats, des médecins, des enseignants, des astronomes et des théologiens, leurs fonctions étaient indispensables dans la société celtique ancienne. Mervis Nocteau : Pour moi, ce qu’il y a de plus fascinant avec les récits celtiques dont nous disposons est le rapport à la Jouvence ou l’éternelle jeunesse, de l’Autre-Monde. Il faut évidemment y voir un symbole : à vous d’y penser un peu on ne va pas tout vous dire au premier rendez-vous !… La sagesse qui s’en dégage, est archaïque. Mais qu’est-ce que l’archaïque ? L’archaïque, c’est ce qui est au principe (du grec arkhè). Le principe (du latin princeps, premier) dirige. C’est directeur, directif, directionnel. On ne fait pas ce que l’on veut, mais ça n’est pas fait pour nous nuire. On le retrouve, peut-être, jusque dans la providence qui s’exprime de manière post-chrétienne et quasiment a-thée (sans-dieu, pour les récits les plus connus) des fantaisies de J.R.R. Tolkien, nourries au petit lait de l’Europe pré-chrétienne. Il nous faut l’archaïque, maintenant et dans le futur. Soyons archéofuturistes, dans une dynamique constructive sur les fondations, et vitale pour l’avenir.
Quels rites existe-t-il, et à quelles dates ? Lesquels sont importants ? Et comment faut-il les célébrer ? Gérard Poitrenaud : N’étant pas druide et n’ayant pas l’intention pour le moment de le devenir, je ne peux que me réjouir de toutes les célébrations qui transfigurent et remplissent de sens « les travaux et les jours ». Noël, Samain/Samonios ou la fête du saint patron de la source sacrée près de chez moi, les fêtes familiales sont selon moi autant d’occasions de s’imbiber de sacré. Tasgos : Il y a au moins deux rites importants, l’entrée dans la période claire et l’entrée dans la période sombre. Bien que les célébrations soient déterminés par les lunes, ce sont les manifestations naturelles des cieux et du vivant, qui annonceront ces périodes. En effet, les Pléiades, astres sacrés des peuples anciens, traversent le ciel nocturne d’Est en Ouest tout au long des six mois de l’hiver. Non seulement chez les Celtes, mais aussi pour d’autres peuples comme les Grecs et les païens anglais [les Scots précèdent les Celtes, qui pourraient bien avoir celtisé les îles tardivement, refusant l'influence romaine, étant donné qu'on retrouve en Britannia des Belgae, des Parisii, des Atrébates, des Pictons, etc. comme ès Gaules – ndlr]. Aussi cette observation astrale est-elle confirmée par l’astronome grec Ératosthène. Les Pléiades disparaissent du ciel nocturne pour traverser le ciel diurne tout au long des six mois de l’été. Accompagné de cela, les grues elles-mêmes nous annoncent les changements de saisons lorsqu’elles migrent vers le Sud-Ouest à l’approche des six mois d’hiver, et vers le Nord-Est vers les six mois de l’été. Je reste persuadé que le Taruos Tri Garanus, « le Taureau aux Trois Grues », représenté sur le pilier des Nautes, est peut-être une représentation des changements de saisons et peut-être des cycles celtiques de trente ans. Il y eut aussi les dix nuits de Grannos, à des dates attestées à la mi-juillet. Il s’agit d’une fête en l’honneur du dieu solaire Grannos durant cette période estivale, tout autant qu’il s’agit d’une fête des source et des fontaines [observons que cette date n'a rien à voir avec le solstice]. Il y a aussi une pratique celtique féminine relevée par Pline l’ancien au livre XXII chapitre II, une danse de filles et de femmes enduites de guède, une plante sacrée qu’ils nommaient glastum, et qui donnait à la peau un teint bleuté. Cette danse se situait sûrement vers mai ou juin, période de floraison de la guède ou pastel des teinturiers, et aussi parce que la température était clémente. Il faut par ailleurs mentionner les Tiocobrextio du calendrier [du clan des] Sequani de Coligny. Il s’agit de jours fixés semble-t-il à certaines pleines lunes, et dont j’interpréterais le nom comme étant « le jour royal », Tio Com Rex, ou en latin Die Cum Rege… Il est encore une autre cérémonie rendue forte célèbre par Pline l’ancien au livre VI chapitre XCV, puis au livre XXIV chapitre VI, à savoir la cueillette du gui, que les Celtes nommaient le remède universel. En effet, les baies toxiques du gui étaient utilisées en onguent sur les plaies et les tumeurs. La cérémonie se déroulait donc à la période où le gui produit ses baies, au début de l’hiver. La circumambulation est généralement la manière dont les Celtes priaient, en suivant la course du soleil. Cela n’est point différent de celle qu’enseignait Numa le premier roi romain. Mervis Nocteau : Sans aucun doute les rites les plus importants sont ceux de Samain et de Beltain, puisqu’ils marquent l’équilibre saisonnier automne-hiver et printemps-été. Je ne saurai pas bien rentrer dans les détails rituels, venez plutôt retrouver les druidistes plutôt que vous auto-confiner chez vous, malgré votre avidité spirituelle insatiable. En tout cas il faut célébrer les rites exactement comme je disais à l’introduction du mythe celtique, c’est-à-dire dans un esprit de piété traditionnelle, parce qu’on se passera bien des ahuris modernes, hagards et hystériques, merci bien… Je ne ferai pas beaucoup mieux que tous mes prédécesseurs, en termes de dates. J’ajouterai toutefois qu’il faut sacrifier. Faire des offrandes, si cette façon de parler vous semble moins dure : c’est pourtant la même chose. Sacrifier, du latin pour faire/rendre sacré du fait, justement, de l’offrande. Pour cela, il vous faut un bon chant en l’honneur de vos Ancêtres, des Génies et des Dieux, une flamme, un récipient sacralisé, un sacrifice/une offrande, et un mental honorifique (je n’ai pas dit une extase enthousiaste et poétique : ceci est mystique peut-être, mais cela dépend, et surtout c’est trop souvent le fait d’ahuris hagards et hystériques). L’idéal est de pouvoir consumer le sacrifice, sinon de l’évacuer ultérieurement et respectueusement, dans un lieu convenable (pas une poubelle, donc)… Plus singulier, j’invite les groupes en formation, par nécessité contemporaine pour être nombreux, à se réunir lors des jours fériés disponibles : évidemment la Toussaint (1er novembre) pour Samain, mais l’Armistice du 11 novembre semble tout aussi cohérent quand on est un peu symboliste. J’ai récemment fêté Imbolc à la saint Valentin (14 février) n’ayant pas pu à la Candeleur (2 février) – mais vous me direz que ce ne sont pas des jours fériés, et les chouineurs évoqueront les Lupercalia romaines pour la saint Valentin. Le jeudi de l’Ascension (40 jours après Pâques) me semble tout indiqué pour Beltain, le Soleil ascendant, et la sainte Marie (15 août) pour Lugnasad, en tant qu’on y célèbre la mère nourricière de Lugos. Après, bien sûr, il reste assez triste de se cantonner au calendrier grégorien devenu civil, quand on a le calendrier celtique du Druuis Auetos, surtout si c’est pour ne faire ça que les 1ers de novembre, février, mai et août ! Quel manque d’inspiration !… Au reste, comme on a vu, ce n’est pas parce que j’invitais à nous débarrasser de nos réflexes conditionnés monothéistes tout à l’heure, et que je critiquerai bientôt notre époque, que je renie les Temps monothéistes et industriels, d’héritages plus ou moins récents (1, 2). Quand on est celtisant, on est d’expression polythéiste, pas d’amalgames spirituels, mais le comparatisme, donc le différentialisme, est sain. Et s’il est possible de resubvertir une fête chrétienne, après la subversion chrétienne de nos fêtes, ce n’est pas mal.
Parlez-nous des Dieux. Quel rôle jouent-ils dans nos vies ? Jusqu’à quel point sont-ils aimables, ou serviables ? Et quelles autres entités sont encore bienfaitrices pour l’homme ? Ce qui amène fatalement la question des phénomènes néfastes. Quels sont-ils ?… Mais y a-t-il de la naïveté, à ne penser qu’en termes de bon/mauvais ? Gérard Poitrenaud : Je préfère l’idée de foi plutôt que celle de croyance. Élevé dans la culture chrétienne, je suis enclin à penser qu’il est impossible de s’en défaire, sinon pour s’élaborer une anti-religion dans laquelle les signes sont seulement inversés. Pour moi, il n’est d’ailleurs tout simplement pas possible de sortir du mythe, de la pensée magique qui sont des constantes anthropologiques. L’athéisme serait donc une religion qui ne dit pas son nom. Et il faudrait distinguer entre la religion affirmée, confessée et professée d’une part, et la religion profonde qui oriente nos idées, nos choix et nos actions sans que nous en ayons conscience ni que nous lui donnions le nom de religion d’autre part. Il y aurait donc des « choses sacrées » que nous tentons tant bien que mal de comprendre et de saisir ou de traduire selon différents registres pour en faire des dieux ou des démons. Pour résumer, je ne suis donc ni croyant, ni incroyant, ni chrétien, ni païen… Mais si la motivation d’un celtologue se développe par toutes sortes de traumata, de complexes et de conditionnements, sans oublier le contexte socioculturel et le hasard, si la condition humaine est de rester sous la cloche à fromage du mythe, comment peut-on dire quelque chose qui soit plus que sa vérité personnelle et limitée par sa personne, donc une « idiotie » ?… Or, il y a des rituels modernes, ce sont des règles du jeu gratifiantes parce qu’elles nous permettent de jongler en pensée avec les simulacres des choses et de tout l’univers. Le scientifique sérieux n’est-il pas un avatar du mythe druidique ? Si je revendique de faire de la science, je dois associer au germe de mégalomanie qui me donne des ailes, la discipline ascétique qui renonce à vouloir partout et toujours prendre ses désirs pour des réalités. Je dois mettre ces deux-là ensemble et faire en sorte qu’ils ne se neutralisent pas, mais se font mutuellement avancer : thèse, antithèse, synthèse… Je dois renoncer à changer le sens des mots suivant mon humeur et mon envie de confort, je dois vérifier les sources, et être vérifiable, je dois chercher à produire un énoncé cohérent et logique, je dois respecter des faits et faire leur prospection minutieuse et respecter leur ordonnance intrinsèque. Je dois, lorsqu’il y a plusieurs hypothèses avec un même degré de certitude, choisir celle qui est la plus économique (le rasoir d’Ockham), etc. Tasgos : Dans les temps anciens, les Dieux répondaient à des besoins concrets. L’on priait les Dieux pour avoir de bonnes récoltes, pour gagner une guerre, pour guérir d’une maladie incurable, pour être féconde. À une époque où la survie tenait à peu de choses, la piété répondait aux catastrophes que nous ne connaissons plus guère de nos jours. La lèpre, les invasions, pillages, les récoltes gâtées par trop de pluie ou par la sécheresse. Les personnes ambitieuses comme il en a toujours été, princes et nobles, pouvaient prier pour la richesse, la victoire et la puissance de leur contrée. Tandis que de nos jours nous concentrons la spiritualité sur des valeurs mystiques, les besoins spirituels anciens se concentraient sur la protection de la tribu par sa Déesse ou son Dieu tutélaire, sur la santé, sur les moissons, sur la richesse et la protection durant les voyages. Les Divinités avaient les mêmes défauts que les humains, mais ils étaient forcément bienveillants, car à quoi bon prier des Dieux malveillants, ou de les créer ?… Néanmoins, il est des Dieux qu’il serait moins avisé de prier frivolement, comme le Dieu de la guerre ou le Dieu du royaume des morts. Cependant, les Dieux pouvaient se courroucer, et c’est la raison pour laquelle le vol d’une offrande était sévèrement puni. Les Dieux sont bienveillants à l’adresse d’une prière ou d’un vœu, et afin de rendre grâce, il leur était répondu par un ex-voto accompagné d’une seconde offrande. Mais la profanation d’un temple et le pillage des offrandes les mets fort en colère, et cette colère devait être apaisée par des moyens discutables. Nous ne pouvons guère apporter de jugements de valeur sur une époque où la maladie, les pillages, les famines, devaient trouver réponse, et où l’on s’en remettait aux Dieux faute de pouvoir s’en remettre à la vie. Car la vie de cette époque était sans cesse sur le fil. Au sujet des sacrifices, l’on sacrifiait ce que l’on pouvait avoir de plus précieux en fonction des circonstances. Et si le sacrifice humain fut rare, il eut existé et l’on doit intégrer cela dans notre Histoire. On notera par ailleurs que le sacrifice humain eut existé chez les Romains, que Pline relève au livre XXX chapitre III et au livre XXVIII chapitre III. Mais cela répondait à des circonstance graves. Le plus souvent, il s’agissait de sacrifice de bétail pour les banquets de cérémonies et les Dieux. Toutefois, l’on sacrifiait aussi le vin, le lait, le miel et le pain. Concernant les Dieux et Déesses des Gaules, je dirais ceci. Taranis était prié pour éviter la sécheresse, ou apporter le soleil sur les moissons s’il pleut trop. Rosmerta était priée pour avoir de bonnes récoltes. Sirona et Grannos étaient priés dans les sources pour guérir d’une maladie incurable par les moyens traditionnels. Teutates était le protecteur des tribus, Smertrios accompagnait les guerriers, il assurait la victoire et le butin de guerre. Aeracura était honorée durant les changements de périodes sombres et claires. Cernunnos était honoré pour les ancêtres, mais aussi pour la richesse et l’abondance. Mervis Nocteau : Les Dieux sont les civilisateurs qui imposèrent un Ordre cosmique et territorial aux Monstres chaotiques et tyranniques, sauf que ces Monstres sont le Biotos (l’Être, l’Existence, la Vie-même, en celte restitué) à l’état brut : il ne faut donc ni les confondre avec des démons face au bon dieu, ni avec des horreurs lovecraftiennes face aux misérables humains. Les Dieux ont su apprivoiser les Monstres, et bien prétentieux ceux qui escomptent s’en remettre directement aux Monstres sans en passer par l’Ordre divin, c’est-à-dire aussi par des formes d’observances respectueuses et retenues à l’écoute des directives, car elles sont bonnes. Inversement, les Dieux peuvent être terribles quand on les bafoue ou qu’ils éprouvent des passions pour nous : il faut vraiment savoir y remédier comme il faut, et ces médiations sont dans notre attitude exemplaire et nos rites. C’est la même chose avec les Genies locaux, entre Dieux et Monstres quant à eux, à ce que j’expérimente… Il n’y a pas de mal à être naïf à condition que ce soit bien de la naïveté, toujours à l’écoute des conseils avisés, et non de la débilité ! Les choses nous semblent bonnes ou mauvaises, mais les sages apprivoisent les mauvaises comme les Dieux les Monstres… Maintenant, pour rentrer dans quelques détails : je disais tout à l’heure, que les Celtes ont un rapport subtil au loup. Ils vivaient en teutai, peuples/nations/clans, civilisés dans leur genre, contre les idées reçues, et pratiquaient l’écriture d’usage commun (même chez les Gréco-Romains, ce types d’écrit se sont infiniment perdus : qui songerait à conserver une liste de courses après ses achats ?). Ainsi, la vie celte se faisait entre meute, risque et prédation : Lugos, Dieu interceltique, est accompagné de deux loups, ce qui s’explique probablement par la ressemblance indo-européenne entre *leuks, lumière qui est peut-être la base de lug, et *lukwos, loup. Les Celtes aimaient les jeux de langage et la concision. Lugos est un Dieu pluri-compétent, à la guerre comme à la forge, en passant par la magie. Ressemblant au Germano-Scandinave Oðinn par ses deux loups, on serait tenté de le placer à la tête du panthéon celte, s’il n’y avait pas d’autres tentations… La première, c’est le Dis Pater évoqué par César, Dieu des Morts et du Monde Souterrain chez les Romains, mais il y a l’Illyrien Dius Phater et évidemment Jupiter, signifiant chacun littéralement Père Diurne : César aura peut-être mal entendu, et c’est soudain Taranis ! Dieu céleste et tempêtueux, qui semble dominer le panthéon celte. Est-il le Dieu Sucellos, Bon Frappeur, devenu le Dagda irlandais par l’attribut de son maillet ? Dagodeuos, en celte restitué, Bon Dieu, à savoir Doué, tout comme Lugos. Taranis est-il le père de Lugos ?… Mais il y a le fameux Cernunnos, le Dieu Cornu, retrouvé dans la même posture indo-européenne que Shiva, et largement interceltique comme Lugos, c’est très curieux, d’autant plus que Shiva est considéré comme le Bon… En dehors des récits insulaires féodaux (à lire impérativement) s’en sortira-t-on un jour ? Certes une reconstruction mythologique semble arbitraire sans support étranger, tel que la démarche védisante du Druuis Auetos, nous plongeant voilà 3000 ans, aux sources alors contemporaines des cultures de Hallstatt et de l’Indus. Le tort d’Auetos serait la distance géographique, si l’on ne savait pas que de grands voyages et échanges avaient déjà lieu partout sur Terre, relativement fréquents, toutes proportions gardées pour l’époque (son sous-peuplement et ses transports artisanaux). Et pourtant, certes, nous voyons bien que la culture de Hallstatt à accouché de mondes aussi différenciés que le slave et le romain, avec entre le germano-scandinave et le celte. Pour ma part, j’estime que les cultures pré- et péri-indoeuropéennes ont joué, et que les Anciens Celtes doivent leurs caractéristiques aux peuples du littoral atlantique, dont les Ibères furent alors les derniers représentants sur le continent. Les Dieux, à condition qu’on les honore conséquemment, édifient notre existence… D’héritage vasconique à caractère celtibère (cf. le roi-guerrier de Vielle-Tursan, aux tumuli Mesplède, conservé au Museum d’histoire naturelle de Mont-de-Marsan) la Déesse Tanit est importante pour moi. La main de Tanit correspond à la main d’Irulegi, proto-basque, récemment trouvée dans ma Contrée historique, de la Garonne à l’Ebro, Contrée de confluences proto-celtes et ibères, donc puniques/phéniciennes. À n’en point douter, la Mari basque est Tanit, importée là par le clan ibère des Barskunes (futurs Vascons, Gascons, Basques différenciés) se réfugiant dans leur arrière-pays le long du fleuve Ebro, lors des guerres qui opposèrent les Puniques aux Romains dans la Péninsule ibérique. Cette main de Tanit/d’Irulegi est hospitalière, mais hostile aux influences néfastes. Tanit protège parce qu’on lui a fait une telle offrande que la main. Sans l’offrande, Tanit ne ferait rien, et pourrait même être mobilisée contre soi par d’autres. Mais, mieux encore, Tanit fait de son officiant un meilleur hôte et un meilleur guerrier. À la manière des regards croisés des samouraïs, quel meilleur conflit que celui qui je règle en abîmant mon adversaire dans mes yeux dominants ? Les Ibères inaugurèrent d’ailleurs la tradition de l’ordalie féodale, par l’affrontement de deux champions pour régler une triste affaire, plutôt que d’engager deux peuples. C’est bon. (Quand les USA et la Russie enverraient-ils un chamption pour régler leurs différents ? Se satisferaient-ils vraiment de la victoire de l’un ou de l’autre ? Hahahaha !) Nous sommes là par-delà bien et mal, par-delà gentil et méchant, nous ne faisons pas de bonnes moeurs ni de morale. Est bon ce qui brave. Est mauvais ce qui craint. (Et les USA autant que la Russie, craignent.) Sans parler de tous ces conflits engagés par les faibles par bravade, pour se donner des airs, ainsi éloignés sans arme ni haine ni violence. La seule solution de ces faibles, est de prétexter le tassement de l’ego et la contrition, mais c’est une autre forme de bravade, lourde de ressentiment cette fois-ci… Il ne faut pas craindre, sinon comment ferez-vous pour vaincre les griffons d’outre-tombe ?
Dans quel courant ou organe druidisant ou celtisant, êtes-vous aujourd’hui ? Pouvez-nous le présenter ?… Comment un profane pourrait-il en faire partie ? Des profanes non-affiliés peuvent-ils assister ou participer aux cérémonies, pour les découvrir ? Gérard Poitrenaud : Là, je dois passer, bien sûr, mais j’ai écrit un gros bouquin sur Cernunnos, et cela laisse des traces. Ce long travail d’écriture a fait que ce personnage divin s’est réveillé en moi et me « parle » comme à Nietzsche son Zarathoustra. Je n’aurais jamais imaginé que ce sujet d’étude puisse prendre tant de place dans mon esprit. Je ne cesse pas de m’interroger à son sujet. Peut-être même suis-je devenu un peu la proie consentante de mon sujet, suivant la dialectique du maître et de l’esclave [le Druide Eber aurait-il parlé d'adombrement ? – ndlr]. Par contre, je ne vois pas du tout en lui un esprit de la forêt et des forces vitales de la nature, comme on le range trop souvent… Ce qui m’intéresse chez les Celtes est avant tout l’art dans sa dimension mythologique, c’est-à-dire, comment les images peuvent se charger d’un sens sacré porté par une tradition qui affleure et qu’on ne peut que deviner. L’interprète est alors aussi un médium par lequel des esprits peuvent nous dire quelque chose qui n’est pas arbitraire et enfermé dans ma subjectivité… Plus grave, j’ai entrepris de restituer le gaulois afin de créer si possible une communauté de locuteurs, mais aussi recréer une sorte de Terre du Milieu virtuelle dans laquelle cette langue est parlée et diffuse toutes ses potentialités, car chaque langue est un univers, chaque langue est une vie. il y a donc un peu de magie à chercher à la faire renaître tout en l’inventant ou la réinventant pour moitié. Bref nos actes nous forment et nous déforment, nos créations nous recréent, et nous serons avisés de nous bien garder de ce que nous faisons… Un peu par hasard, par jeu, par présomption peut-être, par sens de responsabilité, j’en suis venu à m’occuper de l’association Amis des Études Celtiques et tente de la réactiver après le départ de son président emblématique : le professeur Venceslas Kruta. Je suis donc un peu comme le double dans le film de Kurosawa Kagemusha qui en arrive à croire dans son rôle. Il y a beaucoup de choses profanes dans mes activités de président de l’association. Mais au milieu du profane se trouve un sacré ineffable et au milieu du sacré le profane, comme dans le Ying et le Yang que les Celtes connaissaient et reproduisaient dès le début du second Âge du fer. Tasgos : Je me situe sur une ligne indépendante, dans une recherche profonde et sincère de la culture et spiritualité ancienne celtique. Et dans le reconstructionnisme, mais d’une manière épurée. Je tente des théories, à partir de la linguistique, de l’archéologie, des textes grecs et romains, de recoupages, de rapprochements culturels et spirituels comparatifs avec d’autres civilisations antiques. J’évite le mieux possible les inventions, ou bien les interprétations gallo-irlandaises [car tardivement féodales et influencées par les Scots – ndlr] ou gallo-indiennes [car semble-t-il géographiquement distantes, quoi que propres à l'ère indo-européenne] bien qu’il soit intéressant d’appréhender les mondes irlandais et indien. Et lorsque j’ai un doute, je m’en tiens au doute. Je pense que nous n’avons encore pas tout découvert, bien des vestiges sont encore enfouis dans les sols, et autant d’épigraphes sont encore dans les placards des musées. Peut-être nous livreront-ils d’autres secrets de l’histoire. Car chaque petites dédicaces, chaque petits objets, sont un pas de plus vers une meilleure compréhension de l’ère celtique. Les rites de Pharia[hélas déchue, pour rappel] me semblent publiques et ouverts aux profanes. Je pratique aussi des rites en chantant en celtique ancien, souvent en extérieur et de préférence au pied d’un chêne car cet arbre était sacré pour les peuples antiques, pas seulement les Celtes mais aussi les Romains et les Grecs. Les chênes sacrés, temple des Romains, des Celtes et des Germains, ont été détruits par le pouvoir chrétien, en particulier sous l’autorité de saint Martin et de Boniface de Mayence. Bien entendu, de vrais temples ou « nemeton », avec Cella et Pronaos, existaient aussi pour les rites celtiques. Je le pratique seul, mais si quelqu’un veut participer, la personne est bienvenue, cela est déjà arrivé. Mervis Nocteau : Ne restez pas auto-confiné chez vous, malgré votre avidité spirituelle insatiable : sortez découvrir les druidistes, celtisants et autres païens proches de chez vous : il y en a sûrement ! Mais restez avec eux, s’ils sont reconstructionnistes. Comment le druidisme se serait-il perpétué depuis trois siècles, s’il n’avait accueilli personne ? Je fais de mon mieux pour monter une association, en restant au contact du réseau païen. Taniten omenez ! En l’honneur de Tanit !
Comment voyez-vous le monde actuel ? Quelles places ont le celtisme et le druidisme dans votre vision des choses ? Gérard Poitrenaud : Le monde actuel est à l’antipode du mythe celte. Mon article en dit quelque chose. Ce serait être aveugle que de le nier. Donc si le mythe des druides tel que je me le figure représente le noyau essentiel de ce mythe, ceux qui veulent ou doivent ou ne peuvent faire autrement que de vouloir l’incarner ont beaucoup à faire, peut-être d’ailleurs ce qu’aucun humain n’a jamais pu mettre à bien. Il importe selon moi non pas tant de retrouver un passé fantasmé comme une zone de confort perdue, mais d’avancer, de batailler et de s’inscrire dans l’inconnu afin que le ciel (déchiré par les vautours de la corruption) ne nous tombe pas sur la tête. Tasgos : Comme tout ce qui est, il y a autant de positif que de négatif. Je pense que le paganisme moderne nous a aidé à repenser la société, et à nous libérer des barrières induites par une société longtemps dirigée par le pouvoir du clergé catholique. À savoir, la honte de la richesse, le puritanisme, le patriarcat, les jugements de valeur, qui ont formaté la pensé populaire. Dans l’antiquité, la richesse était une fierté, l’abondance une quête, la nudité une grâce, le féminin une valeur sacrée [gare au moderne voire sectaire (source : Miviludes) « féminin sacré » aujourd'hui – ndlr], la luxure un droit ordinaire, et nous retrouvons ces valeurs naturelles étouffées par des siècles de bûcher. Mais le retour au paganisme dans le monde moderne me parait aussi une fuite des réalités, et une création d’un monde idyllique imaginaire répondant à un fantasme populaire voir une détresse sociétale. De fait, l’on s’éloigne alors d’un retour au paganisme ancien, pour se réfugier dans un monde qui est de l’ordre du new age, ce qui n’est point mauvais en soi, mais n’est pas du paganisme. Un retour au paganisme nous ouvre aussi la voie vers des sociétés agraires, ce qui induit une spiritualité concrète portée vers la terre et le monde. Car si le monothéisme s’oriente vers le ciel, par le détachement matériel et la désacralisation de la terre, le paganisme célèbre le ciel, la terre et la vie. Le paganisme nous inclus dans un ensemble, un cosmos qui ne serait point manichéen, mais engloberait toutes les facettes du monde. Mervis Nocteau : Le celtisme et le druidisme doivent être des religions pour enrichir ce monde bien pauvre. Le monde actuel est vide et non-sens. La dématuration est sans nom, qui nous narcissise tous en rebellocrates paranoïdes, contre un nécrorêve de Mal absolu… Dans ces conditions il est naturel, quand on a une once de valeur adulte, de se détourner avec un haussement d’épaule, et de lever le visage vers Morigana en tendant les bras – non pour qu’elle nous prenne dans ses bras comme une nanny, à la manière du Dieu qu’on prétendit unique, mais – en offrande.
Voulez-vous ajouter quelque chose librement ? Au revoir ! Gérard Poitrenaud : Je vous remercie de me donner l’occasion de cette confession et profession de foi tout en vous souhaitant une bonne continuation dans vos travaux… J’ai répondu de Labastide-en-Val, le 29 juin 2022. Qu’on n’hésite pas à me contacter. Tasgos : Je vous remercie pour votre intérêt porté à l’égard de nos points de vue, et vous souhaite une plume journalistique longue et belle. Mervis Nocteau : J’avais intérêt à ne plus faire passer les druidistes pour des ciboires de druides ! Mais c’es-à-dire qu’ils le faisaient tous seuls, du British Druid Order à la Gorsedd de Bretagne, en passant par A Druid Fellowship ou l’Order of Bards, Ovates and Druids. Bref : Tali suiebis uissuatis ! Honneur à vos bontés !
LES DRUUIDES UINDOCARUOS & BELENIGENOS
RÉPONDENT AU TOUT PREMIER ENTRETIEN
Bonjour ! Quel est votre nom ou surnom celtisant ? Druuis Belenigenos : Mon nom est Belenigenos, à comprendre comme fils de ou issu de Belenos [la racine celtique « genos » désignant toujours notre « générer », commune au latin – ndlr], Divinité avec laquelle j’ai un lien particulier – mais non exclusif ! [rires] Druuis Uindocaruos : Bonjour, dans le milieu druidique j’ai d’abord été nommé Karogwen, traduit par le Cerf blanc, nom transmis par le premier Druide que j’ai rencontré, le Druide Myrdhin. Il a choisi ce nom au vu de mon parcours spirituel. Voulant renouer avec la réalité du Druidisme antique, j’ai préféré le transformer en équivalent celtique continental, qui est Uindocaruos (Uindo = blanc / Caruos = le cerf) .
Qui êtes-vous au quotidien ? Druuis Belenigenos : Je suis né dans une famille où la spiritualité, la passion pour les anciennes civilisations et traditions, étaient prégnantes. J’ai donc été familiarisé et passionné, à mon tour, par des notions peu fréquentes chez de jeunes enfants, et quand j’ai eu en mains des ouvrages traitant du druidisme, cela a suscité en moi un intérêt, un écho très puissant. Devançant un peu la question suivante, je peux dire que le druidisme est ma religion depuis presque cinquante ans. Je suis artisan dans le monde de la reconstitution historique, ce qui permet beaucoup d’échanges et d’expérimentations fécondes. J’ai eu aussi de nombreuses responsabilités dans les associations de protection de la nature et dans l’agriculture biologique jusqu’à un niveau national, pendant des années. J’ai toujours essayé au mieux d’être cohérent, et vu mes actions comme une extension de mon engagement dans le druidisme. Même si très peu de gens ont pu le savoir. Druuis Uindocaruos : Je suis homéopathe et thérapeute pluridisciplinaire, ce qui me confronte à des situations de douleurs, de souffrances et de détresses dans tous les domaines possibles tant physiques, qu’émotionnels et mentaux, que je m’emploie à soulager de mon mieux. Je ne cesse d’étudier de très nombreux domaines (sciences, médecine, Droit, Histoire, religion, spiritualité et ésotérisme). Avec ce type d’expérience, en tant que citoyen, on est conduit à prendre beaucoup de recul sur la société actuelle, sur le discours politique ambiant, dont on est bien obligé de constater l’inanité générale. Tout logiquement, j’ai en permanence la tentation de l’érémitisme [vivre en ermite – ndlr].
D’où provient votre sensibilité païenne ? Druuis Belenigenos : Je dois dire que je récuse totalement ce terme de païen, qui est un élément important – et visiblement, trop bien intégré – de la propagande hostile, dévalorisante et malveillante de l’empire romain, et plus encore du christianisme dominant ! Je sais bien que personne n’est à l’abri de contradictions, mais là, je trouve que cet effort de cohérence intellectuelle et historique serait bon pour tous ! Et pas trop difficile à faire. Je ne comprends pas que certains parasitent leurs discours aussi du mot pagus avec le sens d’authenticité, au lieu du celtique brogi ou, au moins (pour ceux qui ne « supportent » pas le celtique ancien) du breton bro. Je fais le parallèle avec le peuple himalayen des Kalashs (indo-européens) qui se voit affublé du terme dévalorisant et stigmatisant de kafir et qui le refuse énergiquement, à juste titre. Il me paraît logique de faire de même !… Dans la vie quotidienne, pour compléter ce que j’en ai dit précédemment, c’est plusieurs rythmes de vie que l’on fait coïncider tant bien que mal, entre l’aspiration mystique poussant à la méditation, à la contemplation de la vie, des rythmes cosmiques, alliés à des recherches et études toujours plus poussées et que l’on sait sans limites, mais aussi les célébrations rituelles, les diverses formes d’investissement dans la société, et l’activité professionnelle incluant aussi beaucoup de recherches qui se croisent avec les précédentes, aboutissant au fait que je me reconnais bien dans les années nombreuses d’études et les domaines variés de compétences, partageant avec d’autres l’envie de retrouver et d’essayer autant que possible, de suivre le modèle des anciens. C’est donc un engagement permanent. Druuis Uindocaruos : À propos du terme païen, je vomis ce terme, qui n’est qu’une insulte méprisante et j’ai énormément de mal à comprendre, que l’on puisse en faire un drapeau (je préfère encore l’érémitisme [rires]), cela me paraît totalement incohérent et contradictoire. Il n’est pas nécessaire de se gargariser avec ce mot pour avoir une sensibilité. Sans rentrer dans les détails de ma vie, cette sensibilité chez moi s’est développée extrêmement précocement, vers l’âge de six ans. Mon besoin de spiritualité, s’est d’abord tourné, vers le christianisme, induit par mon entourage familial, dans un contexte de deuil proche. J’en ai instinctivement ressenti très tôt les limites, et cherché à approfondir mes connaissances, dans des domaines parallèles. À l’âge de huit ans, j’avais déjà lu la Bible, le Coran, la Torah et le Talmud, toujours en étant en recherche de la vérité en rapport avec la conscience, profonde, d’une puissance supérieure, que j’ai invoquée, priée et à laquelle je me suis adressé. J’ai compris très vite que la vérité de l’univers ne pouvait se limiter à un livre, et que le vrai livre était celui de la nature. J’ai étudié à partir de là, des sciences ésotériques, des mythes, de différentes religions anciennes, en suivant des cours très poussés au près d’enseignants très compétents. C’est pendant cette période que vers l’année de mes treize ans j’ai voulu rencontrer des Druides, ayant la conviction profonde, que c’était, par excellence, la voie de mon épanouissement spirituel. Un jeune homme en quête de vérité, en quête de connaissance et en quête de sagesse. Ne pouvant pas partager cette passion, cela m’a amené à avoir une double vie, celle d’un « ado normal » faisant du sport avec ses copains, et celle d’un étudiant acharné dans le domaine spirituel et occulte. Cette voie s’est engagée tout naturellement, sans rupture, mais étant ressentie au fond de moi comme une véritable prédestination. Il va de soi que pour un jeune, cela a représenté une charge et une pression constante que seul une flamme spirituelle très puissante a permis de supporter avec l’aide de mon entourage et de rencontres enrichissantes. Même encore aujourd’hui, je suis extrêmement discret, sur mon mode de vie, ma vision, ou même l’essence de ce que je suis. Un de mes enseignant me disait toujours : « Les vrais sont cachés, c’est le destin qui nous les envoie, si tu deviens l’homme qui se montre, c’est qu’au final, tu n’es rien. » Être Druide est une vie à part entière, malgré la modernité, je n’ai guère le temps de faire partie des Druidisants facebookiens.
Comment êtres-vous entré dans la démarche celtisante et druidisante ? Druuis Belenigenos : Comme expliqué plus haut, je suis « tombé dedans… », etc. La découverte dans la bibliothèque de ma grand-mère de bulletins du Collège Druidique des Gaules et différents ouvrages traitant du druidisme, m’a poussé, avec mon père, à rentrer en contact avec Paul Bouchet, alors grand druide de ce collège. J’avais 13 ans, et je peux affirmer que le druidisme est ma religion depuis ce moment. Je n’ai jamais cessé d’assister puis de participer et ensuite d’officier depuis. Je précise tout de suite que nonobstant tout ce qui a pu se passer dans ce collège et toutes les critiques et contestations qui ont bien agité les esprits à l’époque, je peux témoigner que j’ai trouvé des gens sincères, savants, engagés loyalement et pleinement dans le druidisme, j’ai vu des rites prenants et efficaces, et j’ai constaté des connaissances réelles. Ce n’était, certes, pas le cas de tous, mais il est juste de le dire. Intronisé barde par Bod Koad en 1976, j’ai pu avoir de nombreux entretiens privés avec Bod Koad, ainsi qu’avec mon père. C’est au cours de ces échanges que mon père a été porté au druidicat par Bod Koad, qui l’a désigné comme co-adjuteur. Ceci s’est fait dans un contexte difficile et plein de fureur et de luttes dans le collège de l’époque. Bod Koad était affaibli et souffrant, en butte à l’agressivité de plusieurs, dont son propre fils, celui-ci ne pouvant supporter cette « concurrence ». Nous avons décidé en accord avec Bod Koad de former un groupe totalement « off » dont la mission était de ritualiser et de chercher dans la sérénité, ce que nous avons essayé de faire de notre mieux (ce « nous » ne recouvrant qu’un petit nombre de personnes). J’ai su après que cette démarche nous avait permis d’éviter d’être mêlés à de nombreuses « guéguerres », tellement éloignées de ce qu’on peut attendre de sacerdotes druidiques ! Cette période de « clandestinité » a duré une révolution de Saturne, au cours de laquelle le druidicat m’a été conféré. Ceci jusqu’à ce que je rompe le silence lors d’une conversation avec Myrdhin chez lui. Cela m’a amené à renouer, non sans plaisir puisque sans disputes, avec des groupes druidiques et à participer à des rituels avec, entre autres Myrdhin, Bran Du, Liam an Hengoun Ron Kornog, Odaccos et Divona… Je me suis investi de plus en plus dans la clairière « Kan ar Vuhez » au côté de Bran Du tout en continuant des recherches. Bran Du m’a ensuite chargé de la responsabilité de la clairière. Prenant comme objectif de se rapprocher des modèles que l’on trouve dans les textes irlandais de Cathbad « le fondement de la science, le maître des éléments, l’accès au ciel » et Sencha « en trois paroles, il pacifierait n’importe quelle assemblée » (ces deux phrases constituent à la fois une des plus belles définitions que l’on puisse donner des druides, et partant de là, définissent sans ambiguïté ce que nous devons tenter de redevenir). Bien des changements sont intervenus permis par le travail en commun avec mon Brater le Druuis Uindocaruos et la rencontre fructueuse et fraternelle avec le Druuis Auetos de la CCC [tous deux interviewés plus haut – ndlr] dont nous partageons le suivi du calendrier de Coligny, basé essentiellement sur les très gros travaux d’Auetos, et les rituels majoritairement. Pour cela aussi, les recherches continuent pour tenter d’améliorer ce qui est, quand cela semble nécessaire. La clairière est devenue le Nemeton Nanto Belenos [le Sanctuaire Vallée de Belen] et avec le Nemeton Sentu Uindogenos [le Sanctuaire Voie de Fingen], nous formons la Cantia Uassoi Deuion [le Rassemblement Serviteurs des-Dieux, « uasso » ayant donné le féodal « vassal »]. Entre autres objectifs, nous prévoyons de reconstituer un lieu de culte actif pour maintenant, et pleinement en accord avec ce que l’archéologie nous permet d’en connaître. Druuis Uindocaruos : Je suis Druidisant depuis l’âge de treize ans, avec le Druide Myrdhin et le Druide Dwrdan, ayant, en plus, l’occasion de converser avec quelques autres notamment « Celui du pays de l’ours ». Le fait d’avoir un enseignement solide en ésotérisme par des ésotéristes compétents et d’avoir étudié et expérimenté énormément par moi-même, m’a permis d’avoir des connaissances que de toute évidence, on ne risque pas d’obtenir avec les enseignements du plus grand praticien en développement personnel et buisness man qu’est le harpiste guérisseur de l’OBOD – ou supposé tel [Ordre des Druides, Bardes et Ovates, qui cultive évidemment le "fake druidism" – ndlr]. Fort heureusement, d’autres rencontres, m’ont évité d’être définitivement déçu par le milieu druidique, car j’avais en tête le très haut niveau que l’on voit dans les textes anciens, et j’ai été extrêmement heurté, par la comparaison désastreuse que j’ai été amené à faire au vu de l’ignorance et du mauvais comportement de certaines personnes usurpant de fait, le titre ou la fonction des Druides. Quand vous lisez Strabon parlant des Druides comme « les plus justes des hommes », et que vous vous rendez compte à un jeune âge, que les personnes se disant Druides sont si décevants, voire pires que les autres représentants du domaine religieux, que vous rencontrez, l’orgueil, la volonté de domination, la manipulation et l’incompétence, la discorde, les jeux de pouvoirs (représentants d’assemblée), vous vous dîtes que ces gens-là n’auraient pas déparé dans les querelles d’évêques du début du christianisme. Histoire d’amuser le lecteur, je me suis rendu compte de tout cela, lorsque je fus ordonné moi-même Druide. J’ai eu la grande chance, heureusement, de rencontrer des Druides qui se rapprochaient beaucoup plus de l’idéal que j’avais et avec eux, j’ai pu approfondir les connaissances textuelles, mythologiques, rituéliques et apporter toutes la richesse de l’enseignement que j’avais reçu par ailleurs. Si je n’avais pas eu cette chance, et si je n’avais pas eu tellement profondément enraciné en moi, cette spiritualité et la conviction que c’était ma voie et ma religion (ce qui me reliait aux Dieux, au sens étymologique), je serai parti en courant. Aujourd’hui, je suis représentant de la Cantia Uissoi Deuion (Assemblée des Serviteurs des Dieux) comportant un nemeton [sanctuaire] celtique en cours de construction, et deux nemeta d’enseignement sacerdotal, l’un représenté par moios Brater [mon frère] Druuis Belenigenos se chargeant des futurs Druides Théologiens et Bardes, se nomme le Nemeton Nanto Belenos (Sanctuaire de la Vallée de Belen) et le second dont j’ai la charge, le Nemeton Sentu Uindogenos (Sanctuaire de la Voie de Fingen) s’occupant de l’enseignement des Druuis Uatis, des Druides Vates [Devins].
Qu’est-ce que le druidisme ? Et son image populaire ? Druuis Belenigenos : Question entraînant des discussions à n’en plus finir : le terme de religion a été perverti et trahi par les « grandes religions » – il faut entendre celles qui ont le plus dominé par la force ! Si l’on veut bien prendre le terme dans l’acception antique, le druidisme est pleinement une religion alliant aussi la spiritualité et la philosophie. Tel que je le ressens et comprends, ces choses sont indissociables et sont le fondement de toutes les sociétés traditionnelles, remplissant la mission essentielle de la « première fonction dumézilienne » [la trifonctionnalité indo-européenne, selon Georges Dumézil, distingue 1° l'officiant/connaisseur, 2° le régnant/batailleur et 3° le manant/travailleur – ndlr]. Cela revient à dire que retrouver cette mission dans une société en pleine déliquescence, engagée dans une marche folle vers la dictature et la destruction est une nécessité vitale. Je pense que le renouveau du druidisme (comme mouvement et pas doctrine, le suffixe -isme ne pouvant préjuger du contenu) n’existerait pas s’il n’y avait pas la volonté des Divinités. Il est clair que, vu comme cela, on n’a rien à voir avec toutes les escroqueries de supposés développement personnel et que les querelles d’ego n’y ont aucune place ! Je pense que c’est assez dire qu’on a du pain sur la planche. Druuis Uindocaruos : Je pourrai vous dire comme un confrère éloigné, Monsieur Greffet [Philippe Greffet, également druidiste – ndlr] sur FR3, que c’est une spiritualité, un travail interne à chacun et une reliance avec la nature, mais serait-ce clair pour vous ? Je pourrai vous dire que j’honore les saisons et la nature, et que Druide n’est pas un métier, mais une passion au même titre qu’un passionné de voiture de collection, mais serais-je crédible ? Ensuite, je pourrais vous dire (et là, pour le coup, c’est en partie vrai) que c’est une tradition du latin traditio, lui-même du latin trans, à travers et dare, donner. Nous sommes aujourd’hui héritiers d’une tradition retrouvée au XVIIIème siècle, se basant sur la croyance des Anciens Celtes. Je pourrais vous dire aussi : c’est une philosophie de la nature ; c’est en partie vrai au même sens étymologique, se traduisant par l’amour de la sagesse, donc, oui le druidisme est l’un des vecteurs qui j’espère, un jour, me rendra sage. Mais est-ce suffisant ? J’arrête mon sarcasme pour dire que le Druidisme est ma religion, au même titre qu’elle était la religion des Anciens Celtes. D’après le texte de la Razzia des vaches de Cooley le Druide est : « un fondement de la science, un maître des éléments et un accès au ciel ». Un fondement de la science, parce qu’il était très savant, de médecin à juge, philosophe, diplomate, enseignant et j’en passe, donc pas un homme se qualifiant juste de passionné, comme on serait un passionné de mobylette : il incarnait une fonction. Un maître des éléments donc un homme ayant une maîtrise et une profonde connaissance sur l’univers, les forces qui l’animent, les sciences occultes et ésotériques : pas un homme se basant juste sur de bonne intentions, bien qu’il le faille. Un accès au ciel, donc, un homme intermédiaire entre les Dieux et les hommes : avec une telle définition, il avait une fonction de prêtre. Je ne dis pas avoir ce niveau, loin de là, mais chaque jour, j’essaye de m’en approcher. En prière, en méditation, en pleine cérémonie, ce ne sont pas les saisons que j’honore, les saisons représentent un temps, un temps qui me relie à mes Dieux, mes Déesses ; lorsque je vois le soleil, je vois Belenos ; lorsque j’entends la foudre, je pense et me confie à Taranis ; dans l’eau lustrale, est la présence d’Apa ; lorsque je suis malade, j’appelle Diancecht/Deniacacteto [gaélique/celte restitué], je me sens en symbiose avec toutes les puissances du monde, en leur donnant le nom que mes Ancêtres Celtes leur ont donné. Une religion sans dogme, en pleine reconstruction, et incluant une philosophie de vie et une spiritualité. Aujourd’hui, le Druidisme se doit de partager les mêmes fonctions, les mêmes objectifs de lien entre les Dieux et les hommes, le maintien de l’harmonie, de défense contre toutes les forces qui mettent en danger la vie sur Terre. C’est en étant pleinement fidèle à nos lointains prédécesseurs que nous pouvons trouver les moyens d’être pleinement justifiés et efficaces dans le monde d’aujourd’hui. Vivre une cérémonie dans cet état d’esprit est quelque chose de très intense et de riche sur le plan spirituel, le plan émotionnel et sur le plan de la conscience. De ce qui précède, il n’est pas difficile de comprendre, la différence de niveau entre l’image idéale issue des Anciens qui est encore présente et je dirai même attendue, et ce que peuvent donner de désastreux, les gens que j’ai évoqués plus haut. Il y a donc le pire et le meilleur, et je m’efforce avec mon assemblée de pousser vers le meilleur. Pour finir sur l’image publique, il existe plusieurs catégories de publics et de cérémonies. Le public cherchant la distraction, et la cérémonie faite pour soulager un compte en banque, les deux sont forcément liés, voire des Druides habillés en arbre dans la forêt de Brocéliande, à 50€ par personne, histoire de vivre une aventure épique digne du Seigneur des anneaux… d’autres mélangeant spiritualité et développement personnel, d’autres qui vous offrent l’opportunité de toucher des arbres, leur parler et se faire bénir par un prêtre au Dieu cornu (je fais référence à l’ODD, bien entendu [Ordre Druidique de Dahut]) payant aussi. Ensuite, ceux qui cherchent à s’évader et vivre une passion, menant à des dérives, shamans celtiques, des chants égyptiens au milieu d’un rassemblement, des druides sans cohérence, vivant d’intention et de vide intellectuel, et ceux peu nombreux, malheureusement, et souvent trop cachés, cherchant à retrouver une réelle essence, connaissance et vie. Je regrette que la plupart des archéologues, mythologues, rejettent le néo-druidisme, mais aujourd’hui, on y trouve trop souvent une source de fantasme, une source de curiosité (bonne ou mauvaise) et une source de distraction. Mais les seuls responsables de ce néant sont les Druides actuels. Il existe heureusement, pour ne pas être trop pessimiste, des personnes curieuses, des personnes ayant un appel, des personnes rêvant encore de pratiques sérieuses et abondant de richesses intellectuelles, et hormis ma croyance, je continue aussi pour eux.
Le druidisme contient-il de sombre ou merveilleux secrets ? Est-ce naïf de demander cela ? Druuis Belenigenos : À coup sûr, ce ne peut être l’image publique qui serait cause de quoi que ce soit. Bien des choses surprenantes peuvent arriver si les Divinités le veulent et si on est mûr pour cela, comme dans toutes les religions. On peut toujours se référer aux anciens, il y a beaucoup de leçons encore accessibles. Rien de sombre à part dans certains mouvements de l’appétit de pouvoir, des egos surdimensionnés, de l’orgueil… tout cela est très sombre, incompatible avec la fonction druidique, mais ce n’est pas secret. Druuis Uindocaruos : On peut répondre oui en deux catégories, la première est ce qui découle de ce qu’on peut y trouver de pire, décrit dans la réponse précédente ; on peut aussi y trouver, des personnes magnifiques avec des beaux chemins et une grande richesse de coeur et spirituelle. Certains disent qu’on peut y trouver l’admiration de la beauté de la nature, cela va de soi, mais n’a rien de spécifique. À un autre niveau, ça sera la deuxième catégorie : l’engagement profond, sincère, incluant travail, connaissance, maîtrise de force et mystique impliquent effectivement de lourdes responsabilités et une certaine réalité dans des phénomènes dits occultes (ou cachés). L’épanouissement spirituel, le développement de capacités dites surnaturelles, c’est une réalité que l’on trouve dans toutes les voies spirituelles authentiques (le chemin sacerdotal apprendra aux futurs Druides à les développer et à les maîtriser) : le druidisme en est une et c’est celle du monde celtique. L’image publique découle de ce qui précède, ça peut être calamiteux ou magnifique.
Pourquoi les Français ont-ils du mal à se fédérer ? Druuis Belenigenos : Il est presque amusant de constater que si beaucoup s’accordent à critiquer le rôle du christianisme vis-à-vis des anciennes religions, on ne peut que constater qu’un certain nombre ont dans les années passées, reproduit d’une manière affligeante les querelles féroces et aussi peu spirituelles, des débuts de la chrétienté… Peut-être pourrons-nous en tirer des leçons ? Vouloir à toutes forces s’occuper de structures et de reconnaissances officielles a sûrement été une erreur. Il y avait tellement mieux à faire. Certaines choses très positives sont restées, une charte qui reste un beau résultat de travail en commun et dont le contenu est de qualité. Mais beaucoup souffrent encore des engagements non tenus, des paroles trahies… Là aussi, il y a des leçons à tirer. Mais ce qui est certain, c’est que travailler ensemble, sans se soucier de structure ni de qui sera le chef… si il y a de la sincérité, une vraie démarche religieuse et spirituelle, sans orgueil, avec la conscience de l’énormité du travail à accomplir et du chemin à faire, et la volonté de s’entraider pour assumer le rôle que j’évoquais, pour le service des Divinités et le bien commun, est parfaitement possible ! Quand cela arrive, c’est facteur de progrès, de joie et d’accomplissement, et ce n’est pas difficile. [Cf. le « ndlr » du Druide Eber, concernant la reconnaissance – ndlr.] Druuis Uindocaruos : Imaginons à la place du mot Druide, que l’on mette le mot architecte, imaginons un congrès où, l’un ne veut entendre parler que des fenêtres, l’autre que des portes, l’autre que des chaudières, encore un autre, contestera la pente du toit, et tous ensemble oublieront qu’il faut d’abord des fondations, tandis que d’autres voudront monter des tentes même pas accrochées au sol, en les présentant comme de solides maisons, et naturellement chaque représentant ou presque considérera qu’il doit être le maître incontesté de tous les autres (« je n’accepte de participer que si on me reconnaît comme Archidruide » – citation authentique). Je pense avoir résumé l’ensemble des tentatives d’unification, le problème n’est pas français, le problème est le mélange désastreux, de jeux de pouvoir, d’orgueil, d’autant plus exacerbé qu’il se double d’incompétence, dans ces conditions comment vous qu’on nous reconnaisse ? Dans un deuxième temps, l’hostilité de l’État français vers l’ensemble des formes religieuses surtout les plus authentiques, devrait suffire, à concentrer nos efforts sur d’autres buts. [Cf. le « ndlr » du Druide Eber, concernant la reconnaissance – ndlr.] Pour finir, nous aimons dire que les Druides sont des philosophes, sauf que la philosophie ne se borne pas à des débats d’opinions, un laxisme intellectuel, et à la dénonciation de charlatans. Nous serons reconnus lorsqu’on aura une définition de base commune sur ce qu’est le Druidisme et ce qu’est un Druide. Et surtout, lorsque les valeurs seront mises en pratique, et lorsque la division sera remplacée par l’union. Mes chers confrères et consoeurs, si nous sommes Druides et en l’occurence, des philosophes, il serait temps de le prouver. Encore une fois, je sais que beaucoup comprendront ce qu’ils ont eux-mêmes constaté et ce dont ils ont souffert, après toutes ces critiques pleinement justifiées, il ne faut pas manquer de redire qu’il y a dans les mouvements druidiques de beaux chemins, de belles personnes, de vraies connaissances, et que la renaissance du Druidisme est une clé fondamentale dans le monde actuel : elle nous ramène à des valeurs et des bases solides. Indispensable pour l’avenir de tous.
Comment voyez-vous l’avenir du druidisme, en France et dans le Monde ? Druuis Belenigenos : Je souhaite bien évidemment que les objectifs décrits dans les réponses précédentes se réalisent, je crois que c’est vraiment une nécessité. Je souhaite la même chose pour toutes les anciennes religions qui se retrouvent dans cette même fonction ! Et chacun dans nos pays, nous ne pouvons qu’être solidaires. Il découle de cela que je ne reconnais pas cette notion de « druidisme mondial ». Autant il est logique que des expatriés dont c’est la religion la pratiquent, là où ils sont, autant cela ne doit pas se substituer aux religions de ces pays qui sont toutes aussi légitimes que nous ici ! Et dans toutes, les êtres parvenus à la plénitude se reconnaîtront fraternellement ! Les querelles religieuses ne peuvent survenir que quand une forme est rabaissée au rôle d’instrument de pouvoir – religieux et/ou politique, ou par des séides de bas niveau qui n’ont rien compris à leur propre religion. L’accomplissement et la plénitude sont tout le contraire du repli sur soi. Druuis Uindocaruos : Dans l’état actuel, si nous ne changeons rien, je préfère fermer les yeux sur l’avenir, je vais plutôt vous dire ce dont je rêve en tant que Druide pour le Druidisme : je rêve d’un Druidisme qui ait le sérieux et la rigueur de seinos Brater [notre frère] Druuis Auetos ; je rêve d’un Druidisme emprunt de l’enthousiasme et l’abnégation du Druuis Bran Du ; je rêve d’un Druidisme luttant contre l’injustice et les atteintes à l’environnement comme le fait le Druuis Morgan ; je rêve d’un Druidisme qui ne joue pas sur les mots mais qui parle du fond comme le fait le Druuis Eber ; je rêve d’un Druidisme cherchant une vraie connaissance, une vraie pratique, une vraie mystique comme le fait moios Brater [mon frère] Druuis Belenigenos ; je rêve d’un Druidisme, ayant une profonde envie d’enseigner, d’écrire, et de rechercher au grand public comme l’a fait « Celui du pays de l’ours » ; je rêve d’un Druidisme cherchant réellement la vérité à la face du monde et qui n’utilise pas des mots pour faire simplement de beaux slogans ; je rêve d’un Druidisme uni, combattant le charlatanisme, les escrocs, les abuseurs ; je rêve d’un Druidisme avec une vraie mystique, une profondeur, pas une illusion masquée d’une longue barbe blanche ; je rêve de pouvoir dire de toutes les Druidesses et les Druides qu’ils sont mes soeurs et mes frères, en présence de toutes puissances Divines et sous les trois rayons de l’Incréé. Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive, bien d’autres Soeurs et Frères pourraient y figurer pleinement et grâce à eux tous, je garde l’espoir.
Une anecdote à nous raconter dans le milieu ? Druuis Belenigenos : Il y en a tellement, entre beaucoup d’autres, une immense émotion éprouvée, un soir, au soleil couchant, à sonner de mon carnyx, en hommage aux Divinités, en hommage au Anciens, dans ce lieu puissant, glorieux et tragique, au sommet de Bibracte, dans le temps de Samonios (et rien qu’en l’évoquant, je l’éprouve toujours). Druuis Uindocaruos : De très nombreuses bien sûr, mais parmi elles, une me revient, qui illustre la nécessité de sérieux et de compétence, et que faire un rituel, être en présence de puissances est dangereux, sans maîtrise et n’a rien à voir avec des animations dignes de colonies de vacances. En quelques mots, une personne attaquée par une entité participe à une cérémonie de Samain (cérémonie ou le Druide ouvre toutes les portes de l’autre monde, et se doit de savoir les fermer) dirigé par un Druide dont on attendait une vraie maîtrise, pendant la cérémonie cette entité, ressort de la porte ouverte et se cantonne à l’extérieur du cercle. Malheureusement, le Druide n’avait pas une solide connaissance et pratique du monde occulte et n’a pas terminé convenablement son rite. Favorisant ainsi, une nouvelle attaque de l’entité les jours suivants la cérémonie. Résultat : les deux animaux de compagnie de cette dame sont morts dans les deux jours, le conjoint est tombé malade et la dame retombe sous l’emprise de l’entité. Le Druide n’avait aucune mauvaise intention, étant présent, je peux dire que c’était une belle cérémonie, belle organisation, de belles invocations, de belles offrandes mais sans aucune maîtrise de « magie » (je ne parle pas de magie au sens folklorique, mais de véritable science occulte [cf. la « brujeria » et la « hechiceria » du Kombalkores Fernando, plus haut – ndlr]), certains lecteurs ou confrères préféreront prendre cela pour de la fantaisie, mais ils feraient mieux d’être conscients de leurs rôles et de leurs responsabilités, sachant que ces faits existent dans toutes les religions et spiritualités du monde.
Voulez-vous ajouter quelque chose librement ? Au revoir ! Druuis Belenigenos : Merci pour cette initiative, à parcourir ces pages, on trouve beaucoup de belles choses ! De quoi faire vivre l’espoir. J’ajouterai qu’on ne s’adresse jamais aux Divinités en vain, ni sans qu’elles se manifestent, parfois de manière saisissante. Druuis Uindocaruos : Je tiens à remercier, Mervis Nocteau pour offrir cette remarquable occasion d’échanges, je tiens aussi à dire que les critiques exprimées n’ont pour but que l’amélioration et l’évolution dans un sens positif, personne n’a à se sentir blessé, mais chacun doit être capable de se remettre en cause. Comme dit Jacobus Tollius dans le Chemin du ciel chymique : « Bien des gens m’accuseront de témérité et de présomption, lorsqu’ils verront que j’ose entreprendre d’instruire ici de très savants hommes, en leur enseignant des choses qu’ils ont ignorées jusqu’a présent, ou leur faisant remarquer celles qu’ils ont mal entendues. Mais il m’importe peu quel jugement l’on fasse de moi pourvu que je puisse être utile au public. Si les savants trouvent ici quelque chose qui ne soit pas de leur goût, la sincérité avec laquelle j’écris doit bien moins m’attirer d’indignation, que me servir d’excuse auprès d’eux. » Je suis ouvert aux discussions de fond, j’aimerai que cette occasion soit le début d’un travail sérieux, d’une unification, et prendre conscience de l’essentiel, concernant notre religion (relier à), de notre philosophie, et de par la renaissance du Druidisme du XVIIIème siècles, notre tradition. Que les Puissances Divines nous animent, nous offrent le discernement, et nous donnent la force de continuer. Ces réponses sont faites avec fraternité. Au revoir !
RÉFLEXION : Analogies entre Pérennialisme et Franc- Maçonnerie. Part I-
Je vous propose une réflexion, en plusieurs sur les rapports entre le Pérennialisme et la Franc-Maçonnerie de tradition. Deux voies spirituelles, des itinéraires qui ne sont pas si différents. Dans le but est de se rapprocher de l’Unité, par des exercices de l’esprit, jusqu’à pouvoir le contempler et se revenir dans le monde pour agir, seul et avec le concours des autres.
Un parcours qui met en exergue l’ésotérisme en général, ceux des religions en particulier, ésotérisme réservé aux initiés et qui dépasse les exotérismes des religions souvent réducteurs et dogmatiques. Pérennialisme et Franc-Maçonnerie, permettent aux mystes d’accéder aux mystères, de construire des ponts et abattre les murs de l’incompréhension qui naissent le plus souvent de l’ignorance. Cette réflexion s’inscrit, (sans que cela en soit l’exclusivité) dans la déclaration de principe des constitutions de la Grande Loge de France. Je cite Chapitre I- La Franc-Maçonnerie Universelle et ses Principes alinéa 6 : « Dans la recherche constante de la vérité et de la justice les Francs-Maçons n’acceptent aucune entrave et ne s’assignent aucune limite. » (1)
Alinéa renforcé par l’alinéa 8 je cite à nouveau : « Ils recherchent la conciliation des contraires et veulent unir les hommes dans la pratique d’une morale universelle et dans le respect de la personnalité de chacun. » (2)
Cette réflexion sera largement inspirée de la vie et des écrits de Frithjof Schuon, le choix aurait pu tout aussi bien être celui de René Guénon ; leurs démarches spirituelles sont identiques. D’ailleurs Schuon a été fortement inspiré par Guénon qu’il a fréquenté. J’ai choisi Schuon parce qu’il est moins connu que Guénon, mais bien sûr ce sont deux figures de la pensée et de la démarche traditionnelle, avec le métaphysicien Ananda Coosmaraswany, ils sont les principaux représentants de cette pensée pérennialiste qui critiqua vivement le modernisme et l’abandon du sacré. Ont-ils été à contre-courant de la philosophie des Lumières ? De cette « filosophie universelle » que décrivait le chevalier A. M Ramsay dans son célèbre discours de 1736 et considéré comme l’un des textes fondateurs emblématique de la Franc-Maçonnerie spéculative et des Hauts Grades Maçonniques et en partie leurs références à la Chevalerie de L’Esprit.
(1 et 2) Texte des Constitutions de la Grande Loge de France.
Ce discours fortement inspiré par la Sophia, la sagesse de la philosophie antique grecque, les religions juives et chrétiennes ainsi que les croisades et non par les seules Lumières de la modernité. Je tiens, pour ma part ce discours comme un foisonnement lumineux rassemblant toutes les branches éparses de la spiritualité dans un feu régénérateur intemporel et universel. Un feu constamment entretenu par les meilleures vertus de chaque tradition, qui élèvent l’homme vers les plus hautes sphères de la spiritualité. Un discours qui relie les hommes entre eux au-delà des querelles politiques ou religieuses, un discours adogmatique qui tient sa force de deux mots dans leurs significations étymologiques, ses deux mots sont « Religare » relier, lien et « Katholikás » universel, général. Deux mots qui vont bien avec leur sens premier aux Francs-Maçons de toutes les obédiences. Ces mots sont des bienfaits pour la Franc-Maçonnerie en général, les loges et les Sœurs et les Frères en particulier.
Ainsi, nous sommes dans le cœur du sujet de notre réflexion, le rapport entre Franc-Maçonnerie et la « Tradition Primordiale » selon Guénon ou le Pérennialisme de Schuon. Ces deux penseurs partagent le même désir spirituel la recherche de l’unité, de l’Un. Ils vont agir par leurs écrits, mais aussi par l’exemplarité de leur vie, pour essayer de tendre vers leur projet. Comme la Franc-Maçonnerie se propose de rassembler ce qui est épars, elle nous demande de ne pas exclure les hommes pourvu qu’ils soient libres…. Ainsi Schuon, nous mettras en garde sur le danger du volontarisme religieux, il écrit : « Le danger du volontarisme religieux, c’est qu’il est bien près d’exiger que la foi comporte un maximum de volonté et un minimum d’intelligence ; on reproche en effet à celle-ci, soit d’amoindrir par sa nature même le mérite, soit de s’arroger illusoirement la valeur du mérite en même temps qu’une connaissance en réalité inaccessible. Pour la gnose, l’intelligence n’est qu’une partie, c’est un centre et c’est le point de départ d’une conscience qui englobe tout notre être. » (1)Ce point de réflexion, je pense doit nous amener à comprendre que foi religieuse à caractère dogmatique et foi maçonnique ne sont ni semblables, ni incompatibles.
Par ailleurs vous l’avez compris Guénon et Schuon ne sont pas des ardents défenseurs du modernisme (Voir leurs publications dans Études Traditionnelles).
F. Schuon Comprendre l’Islam Chapitre voie spirituelle Éditions Points Sagesse
Ils reconnaissent l’incontournable valeur et travail de l’intellect, mais aussi ses limites. Foi et Raison sont les deux leviers, les deux ailes qui participent à l’élévation spirituelle. Mais le réel, le beau, le vrai, le juste ne peut pas se voir sans l’œil du cœur. Le Franc-Maçon ardent défenseur de la justice, sait tempérer la Force du glaive avec la vertu d’amour. Schuon, n’est pas pour autant qu’un contemplatif, il écrit : « L’homme est fait d’intelligence et de volonté ; il est donc fait de compréhension, et de vertus, ou de choses qu’il sait et de choses qu’il accomplit, ou en d’autres termes : de ce qu’il sait et de ce qu’il est. » (1). En des termes plus maçonniques je dirais qu’il faut : Savoir (pour combattre l’ignorance), Comprendre (travailler, persévérer à son perfectionnement), Agir (pour transmettre l’essentiel l’amour fraternel qui est vérité). C’est du moins ce que j’entrevois en poussant les portes qui sont en dedans de moi, au fil de la connaissance des degrés qui me sont donnés. Comme des grains de blé mis en terre et qui poussent en épis que je me dois de récolter et de moudre sans cesse en y ajoutant le levain de mon intelligence et l’eau de la rosée d’amour de mélanger cette nourriture spirituelle dans le pétrin de mon âme, pour en faire le pain du compagnon, le pain du partage.
Je vous propose de poursuivre cette réflexion entre le Pérennialisme et la Franc-Maçonnerie parce que selon Schuon : « L’analogie et le symbolisme concerne toute manifestation de qualités ; la Conscience concerne l’homme en tant qu’il peut se dépasser lui-même intellectuellement son esprit débouchant sur l’absolu. » (1)
RÉFLEXION : Analogies entre Pérennialisme et Franc-Maçonnerie Part II.
Comme nous l’avons vu dans l’article précédent Part I. La pensée et le mouvement Pérennialiste, est une voie spirituelle qui tend à la recherche de l’Un, de l’unité, de l’harmonie par un retour au statut originel. Pensée partagée par trois principaux métaphysiciens, ésotéristes que sont René Guénon, Frithjof Schuon et Ananda Coomaraswamy ; deux penseurs occidentaux et un oriental. Un chemin, qui va donc de l’Orient vers l’Occident et inversement. Nos métaphysiciens ont pratiqué des voies spirituelles différentes, pour concevoir leur rassemblement en une seule voie, une seule tradition. Tradition qualifiée de primordiale, première par René Guénon. Ananda Coomaraswamy (Ãnanda Kentish Kumãrasvãmī ) fût avant tout un historien de l’art srilankais, spécialiste du sanskrit la langue brahmanique, avant d’être un métaphysicien. Il a étudié le bouddhisme et l’hindouisme, puis a passé une bonne partie de sa vie en occident pour décéder aux États-Unis, un chemin Orient Occident, à l’inverse de nos deux autres penseurs.
Guénon et Schuon ont étudiés les ésotérismes des religions monothéistes, dont le soufisme de l’islam avant d’aller à la rencontre de l’Orient. Guénon est devenu aussi un spécialiste du symbolisme en général et maçonnique en particulier. Notre triangle de penseurs par des voies spirituelles différentes ils ont convergés vers la connaissance et la contemplation de l’Un, ils ont été aussi inspirés par le néoplatonisme de Plotin et sans doute par la résurgence celui-ci à Florence avec Marsile Ficin, Giordano Bruno et Pic de la Mirandole. Une démarche ascensionnelle de l’esprit, qui caractérise les hypostases de Plotin. Il est probable aussi que Plotin (selon certains auteurs comme Émile Bréhier, il est probable que Plotin accompagna l’empereur Gordien III (en 242) dans une expédition en Inde qui fût brève et désastreuse.) fût influencé par les Upanishad ces textes philosophiques et religieux des Védas objets de méditation. Les analogies ne manquent pas entre l’antiquité grecque et romaine et la Franc-maçonnerie (Voir modestement mon livre Exercices Spirituels antiques et Franc-maçonnerie aux Éditions UBIK Académie Maçonnique de Provence).
L’on peut donc sans prendre le risque d’un syncrétisme, affirmer que l’Inde et ses upanishad, le miracle Grec, l’ésotérisme des trois religions monothéistes ( Kabbale, Évangile de Saint-Jean et Soufisme) en y ajoutant l’alchimie ont servis de ferment pour la Franc-maçonnerie spéculative. Une voie spirituelle unique, spécifique, originale et originelle en définitive une spiritualité qui n’a pas besoin d’adjectif. (C’est-à-dire ni laïque, ni religieuse par exemple, simplement Une.)
Une des caractéristiques du Pérennialisme, pourrait être l’union, la réunion de chemins spirituels qui se retrouve pour l’ascension finale au sommet de la même montagne, là où l’homme pourrait contempler la plénitude de l’Un avant de redescendre vers le monde et ses Frères. Une lente ascension vers la recherche d’une Lumière unique, d’une parole commune, d’un souffle originel qui dépasse, surpasse, surplombe tous les dogmes et leurs particularismes. Cette pensée unifiée ne connaissant ni l’espace et le temps étant consubstantielle au désir de connaissance et de sacré de l’homme. Ce Pérennialisme de nos métaphysiciens est universel et fraternel, il s’accorde bien avec l’initiation maçonnique basée sur la fraternité humaine, qui génère une unité spirituelle entre ses membres inspirée par une trois grandes lumières de la Franc-maçonnerie, je veux parler de l’ouverture du compas de l’esprit. Cette pratique permet à la fin des travaux maçonniques de constater que la joie est dans les cœurs de toutes les Sœurs et de tous les Frères et non pas seulement dans le cœur de certains. Ce Pérennialisme exprime de surcroit pour la Franc-maçonnerie qu’elle est un centre d’union qui permet la rencontre de tous les hommes.
Pour conclure aujourd’hui je soumets à votre réflexion ces quelques lignes de F. Schuon qui permettent de mieux comprendre, je pense, pourquoi la Franc-maçonnerie n’assigne à ses membres aucune limite dans la recherche de la vérité et qu’elle pourrait énoncer : « Nous ne voulons pas attribuer à une foi à une foi religieuse comme telle des thèses sapientielles qu’implicitement. » On entend généralement par sapientielle, la sagesse de ceux qui possèdent le savoir, la science à un degré élevé et aussi les qualités de jugement, d’habileté, de raison, de prudence et j’ajouterais pour ma part l’empathie, l’altruisme. Ceux qui au terme ultime de leur initiation à la porte de l’éternel orient sont capables d’un amour fraternel inconditionnel de l’autre, des autres car sans cela leur initiation ne serait qu’une agitation inutile même si elle est, et surtout si elle n’est qu’intellectuelle, on ne voit bien le réel qu’avec les yeux du cœur. Ce Pérennialisme me fait penser à l’instant au poème du Frère Rudyard Kipling : « Ma Loge mère… »
Une dernière réflexion F. Schuon écrit aussi : Pour « la science des religions », l’ésotérisme vient après le dogme, il en est le développement artificiel, voire emprunté à des sources étrangères ; mais en réalité, l’élément sapientiel vient forcément avant la formulation exotérique, puisque que c’est lui qui, par le fait d’être une perspective métaphysique détermine la forme. Sans fondement métaphysique point de religion ; l’ésotérisme doctrinal n’est que le développement, à partir de la Révélation, de ce qui « était avant. »
C’est bien, à la recherche de ce qui était avant que nous consacrons nos nos efforts, à la recherche de la vérité originelle, du premier souffle, d’un Eden que nous ne pourrons ni retrouver, ni atteindre. C’est donc en pleine conscience que nous sommes quand même sur le chemin qui importe plus le but et que nous devons nous ériger en défenseurs de la justice et de la vérité. En étant des pèlerins de l’amour fraternel, voie unique qui apporte la joie et l’harmonie.
RÉFLEXION : Analogies entre Pérennialisme et Franc- Maçonnerie. Part III-
Comme nous l’avons vu la recherche de la Vérité et de la Lumière, coïncide avec le désir de la recherche du réel, ce que nous ne percevons n’est pas le réel. L’idée même du réel se dissimule derrière les images et les symboles, derrière la matière et les substances. L’élévation de notre niveau de conscience nous prépare à la recherche des idées dissimulées derrière les symboles. Pour comprendre le monde et notre place dans celui-ci, nous cherchons la Substance derrière les substances, l’absolu derrière les symboles ce qui nous oblige à la levée des voiles au-delà des phénomènes. Chercher les mystères, l’invisible derrière le visible.
Frithjof Schuon écrit : « La distinction entre le réel et l’irréel coïncide en un sens avec celle entre la Substance et les accidents ; ce rapport Substance accidents rend facilement intelligible le caractère réel ou irréel du monde, et montre, à qui est capable de le saisir l’inanité de l’erreur attribuant l’absoluité aux phénomènes. »
L’absolu étant lié au principe d’unité. Le reste n’étant que des accidents découlant du principe, issu du principe, si l’on considère une unité entre absolu et principe. Parmi les accidents découlant de la Substance-Principe, le plus élevé de ceux-ci serait l’homme accident intermédiaire entre matière et Principe, un accident soumis à la dualité au regard du Principe, Substance pure et Une.
L’initiation, est mouvement du corps et de l’esprit, un processus de concentration (Voyage de la périphérie, de la circonférence vers le point central, vers le Principe dont tout émane.), de purification de l’accident substance intermédiaire, une recherche ascensionnelle, un retournement vers le Principe.
Est-il raisonnable d’envisager ce retour, ce processus initiatique, cette ascendance des substances intermédiaires, vers la substance pure ? Utopie, sauf si l’on considère que le chemin est le but. L’initié devient en quelque sorte un Chevalier de la Lumière, un Chevalier du Soleil, un combattant sorti des ténèbres de l’erreur et prêt au combat pour faire régner la justice et l’amour. Il fait le chemin ascendant, sa transformation alchimique (Référence au Stibium, l’antimoine mâle et femelle à la fois.) pour tenter d’atteindre une forme de pureté. Le chemin vers la Lumière, commence par la sortie de la matière vers l’éther, puis la substance animique, la substance supraformelle, macrocosmique. Cette voie traditionnelle initiatique est toute entière une tension constante à l’élévation spirituelle, jusqu’à la Substance universelle métacosmique, c’est-à-dire au-delà de tout l’Un partie ou totalité de l’être.
La Substance, le Principe ne devient plus dès lors irréel ou abstrait, mais réel puisque visible dans les substances. C’est à ce stade de la réflexion que l’on peut dire que le Grand Architecte de l’Univers est plus qu’un concept, qu’il est un Principe immuable, une Substance pure, présente aussi dans l’homme, ce que certains qualifie de petite flamme éternelle. Ce principe d’unité est capable de réunir ce qui est épars, tous les hommes étant liés et possesseurs de cette parcelle de la Substance pure, du Principe. Aucun obstacle ne s’oppose dès lors au concept de Tradition primordiale de reliance universelle et fraternelle.
Réflexion personnelle : je discerne le cheminement initiatique du Franc-Maçon après être né de la terre, sorti de l’humus de la materia prima avoir éclos comme la merveilleuse fleur de lotus merveille sur les eaux boueuses des ténèbres, sous la Lune fécondante, parcouru la surface des deux globes terrestre et céleste, parvenu à réaliser le chef d’œuvre de sa vie matérielle. L’initié quitte son horizontalité et redressé réapparait plus radieux que jamais, sorti de l’âge de raison au-delà de ses 7 ans il aspire à faire alliance avec ses Frères, et bientôt il fera alliance avec la Substance pure le Principe.
Pour conclure aujourd’hui cette troisième Partie, je cite F. Schuon :
« Seule la Substance des substances est absolument réelle, quelle est donc seule réelle, à rigoureusement parler, c’est voir la Substance dans tous les accidents (Nous en serions un)et travers eux ; grâce à cette connaissance initiale de la Réalité, le monde devient métaphysiquement « transparent ».
Quand il est dit que le Bodhisattva (1) ne regarde que l’espace, non les contenus, ou qu’il regarde ceux-ci comme étant l’espace, cela signifie qu’il voit la Substance qui par rapport au monde lui apparaît comme un « vide », ou au contraire, que le monde lui apparaît comme un vide en fonction de la plénitude principielle. (…) rapport entre l’eau et ses gouttes. »
Jean-François Guerry.
À SUIVRE …
(1) Réflexion sur le Bodhisattva :
De sattva être et Bodi éveil, initié ou être éveillé. Le Bouddhisme parle d’un être éveillé venant de l’Eden du paradis : « Un être pur », ayant atteint le Nec plus Ultra, un saint ? Mais surtout un être ayant contemplé le Principe et atteint la compassion, capable d’empathie et d’amour pour tous les hommes ses frères et même pour tous les êtres vivants.
L’on peut peut-être parler d’un être humain conscient de ses forces intérieures, qui a franchit les étapes successives et sa réalisation personnelle pour se mettre au service des autres. Pas pour moi mais pour vous dirait-il. Il a lutté contre ses mauvaises passions, c’est perfectionné pour pratiquer la vertu, à force d’efforts, de méditations, de patience, pour atteindre la sagesse.
En tradition bouddhique l’on parle d’états de l’esprit (ou de conscience) au terme de 7 étapes l’on devient plus habile (Hiram était considéré comme un homme habile dans l’art des métaux, connotation alchimique). La 8 et 9ème étape du Bouddhisme peut être mise en analogie avec les 4èmes et 5èmes degrés du R E A A de Maître S et Maître P, qu’il conviendrait à mon sens d’inverser comme il était d’usage dans les anciens rituels. Les deux initiés sont dans un niveau élevé de pratiques spirituelles. Le Bodhisattva parvenu à 10ème étape a atteint la sapience, il devient buddha. C’est le moment où il devra prononcer ses vœux, comme les F M prononcent leurs serments. Il sera honoré par une titulature spécifique à chacune de ses progressions initiatiques par exemple : doux et noble, entièrement excellent, celui qui regarde le bas avec compassion, celui qui a une grande force, celui qui est amour bienveillant.
Il s’agit vous l’aviez compris, (sauf ceux qui raillent ces titulatures sans en connaître le symbolisme, ce sont les mêmes qui lisent la Bible au premier degré sans y voir sa portée symbolique.) d’une hiérarchie spirituelle et non d’une hiérarchie d’honneur. Toute comparaison entre le bodhisattva et le Franc-Maçon n’est pas inopportune.
Marsile Ficin et l’Académie Platonicienne de Florence à la Renaissance
RÉFLEXION : Analogies entre Pérennialisme et Franc-Maçonnerie Part-VI-
Porte d’Orient et Porte d’Occident, deux portes ouvertes vers un même chemin celui de l’élévation de l’esprit. On oppose trop souvent l’Orient et l’Occident, penseurs et initiés du Pérennialisme ont démontré dans leurs recherches, mais aussi et surtout dans leurs parcours de vie que l’on pouvait franchir ces deux portes grâce à la mise en œuvre de leur loi commune celle de l’amour.
Notre esprit occidental, cartésien a tendance à classer, caractériser ; nous voyons dans l’Occident du moins dans l’Occident moderne l’expression du rationalisme, du matérialisme, du sentimentalisme. L’Occident serait dominé par le seul règne de la raison donnant accès à toute connaissance. Pour l’occidental moderne, le spirituel et l’intellectuel se réduiraient à une forme de psychisme ou de psychologisme. Les lumières ont consacré le règne de la raison « le penser par soi-même ». La sacralisation de la raison trouve ses racines dans le Miracle Grec incarné par les philosophes figures de la sagesse, comme Platon et Aristote. Le prolongement, voir le rapt de la philosophie grecque à été réalisé par le christianisme. Cependant, on observe la résurgence à la Renaissance du platonisme ou plus précisément du néoplatonisme dont la figure emblématique est Plotin qui avec Pythagore représente la pointe la plus élevée de la Pyramide de la raison associée à la spiritualité, le monde des idées et la cosmologie et la symbolique des nombres. C’est Marsile Ficin qui fût le principal néoplatonicien de l’École de Florence où l’on trouvait Giordano Bruno ou encore le Phénix de la Renaissance Pic de la Mirandole. Plotin, était un Pérennialiste avant l’heure, il a fréquenté la marmite d’Alexandrie, (comme Pythagore) initié aux mystères de l’Égypte Ancienne, il aurait fait aussi un séjour en Inde comme nous l’avons déjà vu. Marsile Ficin hermétiste, alchimiste, féru d’ésotérisme a été sans aucun doute avec Giordano Bruno un des précoces inspirateur de la Franc-Maçonnerie spéculative (cf la thèse de Charles-Bernard Jameux sur la naissance de la Franc-Maçonnerie spéculative.) La révélation de l’ésotérisme chrétien en particulier de l’Évangile apocryphe de Saint-Jean, la loi d’amour et la compassion bouddhique et son sommet la pure altérité bienveillante concrétisent le principe d’une Tradition Primordiale centre d’union de l’Occident et de l’Orient.
Nous pouvons aussi observer, que la Renaissance et engouement pour les sciences à mis à mal le caractère exclusivement exotérique mais surtout dogmatique de la religion. Il est intéressant de lire Fritjof Schuon : « Les traditionalistes oublient… que l’on ne peut empocher l’homme de faire des découvertes, et que, la découverte une fois faite, l’homme ne peut s’empêcher d’en tirer des conséquences raisonnables. » Plus loin F. Schuon poursuit : « La réalité physique garde forcément ses droits. Ce qui implique qu’elle est symbolique à son tour. Mais c’est le traditionalisme qui garde le dernier mot… Il ne suffit pas de percevoir la réalité objective, il faut aussi pouvoir l’assimiler ; ensuite il y a quelque chose qui manque gravement à la science dite exacte, et c’est la connaissance métaphysique. Certaines réalités non perçues…sont inassimilables, et deviennent pour l’homme des facteurs de déséquilibre et de déchéance, comme le prouve la situation écologique et culturelle du monde actuel. » Cette citation est relevée dans l’œil du cœur dont la première édition date de 1968 dans Éditions Traditionnelles on remarque le caractère prémonitoire de cette pensée quelques 55 ans avant 2023.
Une autre remarque de F.Schuon sur le concept médiéval me paraît aussi intéressante : « Il y avait de la sagesse dans le concept médiéval « de la double vérité », la théologique et la rationnelle. Car il y a le symbole et il y a le fait ; or le symbole compris vaut infiniment mieux que le fait incompris. Est « vrai » sous le regard divin, ce qui ouvre la porte vers la vérité à la fois transcendante et immanente. » Il prolonge sa réflexion entre Orient et Occident ainsi : « L’oscillation entre le symbolisme et la réalité objective fait penser à celle entre l’Orient et l’Occident, ou encore en un certain sens, à celle entre « foi et raison », ou entre tradition et le rationalisme matérialiste. »
Je ne puis m’empêcher après cette lecture de penser à l’encyclique de 1998 de Jean Paul II : Fides et Ratio (Foi et Raison), qui nous fait prendre conscience du chemin parcouru par l’église depuis l’inquisition, Galilée ou Giordano Bruno. En exprimant que la Foi et la Raison sont deux ailes qui permettent à l’esprit de s’élever vers la contemplation de la vérité ou encore sont les deux ailes qui portent l’espérance du retour de l’unité, de l’harmonie dans le cœur de l’homme.
Jean-François Guerry
À SUIVRE : les orientaux ou les occidentaux séduits par la modernité ?
Marsile Ficin la Renaissance École Platonicienne de Florence
RÉFLEXION : Analogies entre Pérennialisme et Franc-Maçonnerie Part -VII-
Et si la Renaissance avait été la période de la fécondation ou pour le moins celle de la germination du Pérennialisme, de la Tradition Primordiale en même temps que la naissance des idées qui allaient structurer la Franc-Maçonnerie spéculative. L’acte de naissance n’aurait pas alors été signé dans les brumes de l’Écosse, mais sur les rives fleuries de l’Arno à Florence en Toscane. Plus précisément par les penseurs de l’Académie Platonicienne Florentine, dont le directeur fût Marsile Ficin (Marsillo Ficino) et le fondateur Cosme de Médicis en 1459. Cette académie consacra la résurgence du platonisme et du néoplatonisme grecs. Alors que le christianisme s’est répandu partout en occident sans partage, à Florence Marsile Ficin entreprend la traduction en latin des œuvres de Platon, Plotin, Porphyre de Tyr, Jamblique, Proclus et Hermès Trismégiste, ce qui va faire la renommée de cette académie, on se rappelle qu’il eut aussi un célèbre élève l’encyclopédiste aussi jeune que talentueux Pic de la Mirandole. Les exégèses de Marsile Ficin sur Platon avaient pour vocation de tenter de réconcilier l’église et Platon, église qui avait reconnu l’évangile ésotérique de Saint-Jean comme texte apocryphe. Marsile Ficin ne fût pas en conflit avec l’église tant qu’il ne s’intéressa pas à l’astrologie, il eut alors des « relations conflictuelles » avec l’inquisition et n’eut la vie sauve que grâce à ses relations et protections, comme d’ailleurs Pic de la Mirandole, d’autres comme Giordano Bruno n’eurent pas cette chance. Parmi les nombreuses œuvres de Marsile Ficin, son exégèse sur le Banquet de Platon et amore, ainsi que son ouvrage de limine sont restés à la postérité, on notera enfin qu’il s’est beaucoup inspiré de Dante et sa Divine Comédie.
Pourquoi faire une relation entre Marsile Ficin, le Pérennialisme, la Tradition Primordiale et la Franc-Maçonnerie. Simplement à cause de son intérêt pour la philosophie grecque de Platon et Pythagore, le néoplatonisme de Plotin, l’hermétisme et l’alchimie. Il dirigea et inspira cette académie de Florence, à un moment où le christianisme était dominant et qu’il s’était accordé avec la philosophie d’Aristote le meilleur élève de l’Académie de Platon. Alors que Platon voyait une certaine unité entre l’esprit et la matière, comme voie d’accès à la Connaissance. Aristote se distingua par sa méthode séparant matière et esprit, pour Aristote l’ordre matériel du monde est mesuré et organisé par la raison. Alors que tout ce qui touche au spirituel est plus intime, plus individuel et donc non mesurable par l’extérieur, grossièrement une voie de la raison associée à la science et une voie de l’esprit associée à la sagesse.
Marsile Ficin était proche dans sa pensée de l’évangile de Saint-Jean, de Plotin, de l’hermétisme et de l’alchimie on pourrait oser de ce qui allait inspirer la Franc-Maçonnerie spéculative, mêlant esprit et matière, vertus, sciences humaines et transcendance spirituelle. Je dirais équerre et compas ou encore les outils symboliques des petits mystères, et les vertus associées aux grands mystères, une forme d’ascension spirituelle, comparable aux hypostases plotiniennes.
Alors que la méthode aristotélicienne faisait peu d’ombre à l’église, séparant mieux matière et esprit, ce n’était pas le cas du platonisme et encore moins du néoplatonisme. Les grands mystères ésotériques étaient réservés aux penseurs et érudits initiés qu’ils soient laïques ou religieux. Ils étaient aussi les ferments de cette Tradition Primordiale, pérenne susceptible de traverser le temps et l’espace. Marsile Ficin peut nous apparaître dès lors en phase avec cette pensée universelle. Ne mettant aucune limite à sa recherche de la Vérité et de la Connaissance, il étudie les textes de la philosophie grecque et les ésotérismes religieux, ainsi que la Bible. Dans cette recherche de la vérité, il n’en reste pas moins comme Pic de la Mirandole un fervent catholique, démontrant que la philosophie universelle, la Tradition Primordiale n’a rien d’incompatible avec la foi religieuse, il en est de même pour les Francs-Maçons qui savent faire la différence entre foi religieuse et foi maçonnique.
C’est l’art de l’architecture et de la construction, qui expriment le mieux l’alliance entre Raison et Spiritualité. Guy Piau, ancien Grand Maître de la Grande Loge de France et 33èmedegré du R E A A dans une conférence consacrée à Marsile Ficin en Février 1992 écrit :
« Depuis l’antiquité, l’architecture est considérée comme le sommet de l’art. C’est le noble art qui permet, celui qui permet d’exprimer et d’exalter la beauté et l’harmonie. »
Cet art de la construction, ce symbolisme de la construction, construction des temples intérieurs, de ce temple qu’est l’homme qui se perfectionne, pour être en capacité de recevoir la lumière de la Connaissance et de la Vérité, élever son temple vers la vertu pour pouvoir contempler un jour l’Un. Le symbolisme de la construction du temple de Salomon Roi de Sagesse et de Justice n’a donc pas été choisi par hasard par les rédacteurs des rituels maçonniques émaillés par les mythes et les légendes qui sont exemplaires pour donner un sens à la vie des hommes de bonne volonté. Construire des temples à l’Universel.
Guy Piau toujours dans la même conférence écrit à propos de Marsile Ficin : « Pour lui l’architecture et la philosophie sont pleinement liées à l’exaltation de l’archétype universel de l’artiste qui est en l’homme dans sa vérité entre « le ciel de l’esprit » et la « terre du manifesté ». La partie la plus haute de l’homme est-elle celle ou se cache sa flamme artistique là ou se développe son intuition et son imagination qui lui fait vivre et créer des choses plus hautes et belles que lui.
Guy Piau nous propose aussi cette citation de Marsile Ficin extraite de son commentaire sur le Banquet de Platon : « Si quelqu’un veut savoir comment la forme corporelle peut ressembler au concept de l’âme et de l’esprit et à la notion de raison, qu’il considère la construction d’un architecte. Celui-ci commence par concevoir une notion de l’édifice, comme une idée dans son âme. Puis il fait bâtir autant que possible l’édifice qu’il a imaginé. Qui peut refuser à l’édifice une certaine existence corporelle et nier qu’il ressemble à l’idée incorporelle de l’architecture à l’initiation de laquelle il a été bâti. » Ce qui constitue et fait vivre l’unité spirituelle, la tradition unique primordiale ne peut être que le lien d’amour commun à toutes les traditions, « l’amour qui meut le soleil et les autres étoiles ». Le lien d’amour est ce qui relie l’homme à son créateur, l’homme à tous les hommes de toutes les traditions et toutes les traditions à la Tradition Primordiale cette terre et ce ciel commun où se dissolvent les différences pour ne faire qu’un centre d’union fraternel.
Disserter, vivre sans cesse l’Amour, c’est reconnaître cette Tradition Primordiale pérenne dans le temps et l’espace être un fidèle d’amour.
On ne parle à mon avis pas assez dans nos Loges de la filiation entre de tels hommes comme Marsile Ficin et la Franc-Maçonnerie.
Je termine cette réflexion d’aujourd’hui avec Guy Piau Frère et poète fin connaisseur du florentin. « Nous pouvons comprendre que Marsile Ficin place l’Amour à l’origine de l’Univers, bien avant la création du monde, car il est de soi parfait. L’Amour est la clé de l’univers. Il accompagne en tout le chaos mais s’enfuit aussi du chaos afin d’illuminer les ténèbres… »
Ainsi, vous ne vous demanderez plus qu’elle est le mystère, la clé de la Franc-Maçonnerie, ni pourquoi autant de femmes et d’hommes y sont fidèles et persévérants, et pourquoi cette belle dame de 300 ans et plus est toujours aussi belle, parce qu’elle est fondée sur l’Amour fraternel, qui l’Amour inconditionnel du monde et de l’autre.
Jean-François Guerry.
À SUIVRE …
Note : Les citations et les textes qui figurent dans cet article sont tirés du livre de Guy Piau Franc-Maçonnerie et Hauts Grades paru en Janvier 2023 aux Éditions Numérilivre…
RÉFLEXION : Analogies entre Pérennialisme et Franc-Maçonnerie- Part VIII- Conclusion temporaire.
Après cette courte réflexion, il y a lieu peut-être de renvoyer dos à dos les mystiques dogmatiques et les modernes existentialistes ? Les partisans de l’Orient qui serait un idéal spirituel et les partisans de l’Occident inconditionnels de la raison.
Souvent certains occidentaux, sont fascinés par l’Orient, sans doute une attirance sans mesure pour un exotisme spirituel idéal, parangon d’une pureté originelle. S’il existe quelques territoires peu peuplés comme le Tibet, le Bhoutan en Asie ou encore en Amazonie d’autres minorités qui même rassembler ne peuvent revendiquer une universalité et encore moins une supériorité spirituelle.
L’occidental qui au milieu de sa vie, au midi de sa vie commence un travail sur lui-même et regarde l’héritage légué par ses ancêtres peut revendiquer une spiritualité élevée. Il lui suffit parfois simplement d’ouvrir la fenêtre de sa maison, pour contempler la pâleur de la lune et les myriades d’étoiles propices à son élévation spirituelle, comme le soleil à son lever au point du jour, annonçant l’apparition de la grande lumière. Orient et Occident forment l’unité de l’univers, pourquoi n’y aurait-il pas une unité spirituelle, une unité primordiale, une religion universelle.
Suivons la pensée de Frithjof Schuon : « Pour en revenir au fond de la question : on peut dire que l’Occident moderne est « dévié » tandis que l’Orient traditionnel est « décadent ».
Il reste donc à l’homme occidental certaines qualités héritées de sa tradition et l’homme oriental résiste en tant que véhicule de sa tradition. L’homme occidental, raisonnable à une tendance à l’oubli de l’essentiel, de son essence, tandis que l’homme oriental vit partiellement sous l’hypnose de l’absolu. Et si le Franc-Maçon homme libre et ouvert à la recherche de la Vérité et la Lumière était une incarnation une conjugaison de ces deux hommes. Ou au moins à la recherche de la construction de cet homme fait de matière et d’esprit et espère se perfectionner.
Ainsi F. Schuon nous interroge : « Si l’homme oriental, du fait de son traditionalisme, était cet homme totalement supérieur que d’aucun ont imaginé, il ne se moderniserait pas avec un zèle si démesuré…inversement, si l’occidental, du fait de sa modernité, était un homme à rééduquer de fond en comble, il ne s’intéresserait pas à l’art et la spiritualité de l’Orient…Le problème, ou la solution, n’est pas une réforme de l’Occident par l’Orient, c’est une réforme du monde entier par la Vérité tout court et ceci n’est possible que part l’intermédiaire du Très haut, à laquelle nous devons participer sur notre plan. Car aide-toi et le ciel t’aidera. »
Cette recherche de la Vérité, de l’harmonie cette quête de la Connaissance est le chemin du Franc-Maçon, perfectionnement de l’homme, élévation de sa spiritualité pour une action « hic et nunc »,maintenant et sans délai, ici et maintenant. Le Franc-Maçon grâce son travail et sa persévérance dans sa construction s’élève. Il devient un humble chevalier d’Orient et d’Occident, un soldat de l’universel, conscient qu’il existe une Tradition primordiale, une forme de religion universelle centre d’union fraternelle sans limite. Dis autrement jadis il y a plusieurs pièces dans la maison de l’éternel. Chacun à sa pièce, il suffit d’avoir la clé pour ouvrir sa porte, le Chevalier du Soleil a la clé. F. Schuon évoque le fait que nous nous trouvons dans l’âge de fer ou sombre qui affecte toute l’humanité sans distinction ténèbres d’où sortira la Lumière par révélation et par apocalypse, il reste toujours après l’espoir l’espérance. Si nous constatons l’absence d’unité, la collision entre des mondes qui ne se comprennent pas, dans ce monde clivé, composé d’archipels qui consacre le règne de l’individualisme. L’Orient est-il sensé venir au secours de l’Occident, mais quel Orient ? Celui des dictateurs, des despotes, qui utilisent les religions de leur pays elles-mêmes complices, comme en Russie, en Inde, en Iran, en Turquie doit nous interroger.
Les extrémismes poussent à l’ombre des arbres des religions qui sont souvent incapables d’éliminer ces nématodes (petits animaux) qui pourrissent les racines et les branches, en détournant le meilleur de leurs vertus, dont celle de la tolérance et de la fraternité.
Inversement, quel Occident ! Cet Occident où l’intelligence est mue par la raison, par la critique poussée parfois jusqu’au déraisonnable. Un Occident qui engendre les confusions et les amalgames allant jusqu’à refuser l’éducation au fait religieux, susceptible d’ouvrir l’esprit aux hommes de bonne volonté et combattre l’ignorance, qui fait le lit aux extrémistes.
F. Schuon écrit : « Comme si la faculté rationnelle était toute l’intelligence, et la seule intelligence. » Faut-il dès lors espérer le retour d’une forme de Théosophie, Théosophie dont il est utile de rappeler la définition : doctrine ésotérique du divin, fondée sur la contemplation de l’univers et l’illumination intérieure. En résumé, une alliance du croire et du savoir, de la foi et de la raison, du combat contre l’ignorance, le fanatisme et l’ambition. C’est, le croire et savoir des grecs antiques comme : Pythagore et ses nombres sacrés, Platon son monde des idées, Aristote le maître du savoir, Plotin et son élévation spirituelle et aussi la loi d’Amour du christianisme. Cette Théosophie, est proche de la philosophie perennis. On retrouve la même démarche en Orient avec le Vedanta en Inde recherche de l’unité. On ne peut ignorer aussi, que l’ésotérisme d’Islam est aussi une voie de la Connaissance et de l’Amour.
Le Pérennialisme, la Tradition Primordiale, la philosophia perennis, la Franc-Maçonnerie présente donc des analogies avec ces pensées, on peut oser parler d’une voie spirituelle universelle permettant à l’homme de se construire, pour aller plus loin, plus haut sur le chemin de la spiritualité.
C’était au lendemain du coup d’état qui venais d’y instituer un énième régime militaire aux commandes.
Ma conclusion de l’époque était : Peut-être est-ce le temps pour les FF du Mali de jouer un rôle significatif et salvateur. Les valeurs fondamentales qui ont permis à un Mali pérenne d’exister, ne recoupent-elle pas celles qui fondent aussi la maçonnerie ? C’est l’un des rares pays d’Afrique où une telle convergence existe de façon générique. … Alors nous FM, serionsfiers d’avoir contribuer à l’instauration d’une vraie révolution africaine porteuse d’avenir stable et pacifique.
Deux années sont passées et ont confirmé que mon ambition relevait effectivement de l’utopie et l’évolution de la situation a pris une tout autre direction.
Paradoxalement, la crise de pouvoir de gouvernance nationale sur fond de rébellion djihadiste, s’est transposée en conflit ouvert avec la France (réduite pour le grand public, au rôle d’ancien colonisateur, manipulant des suppôts africains et pire, soutien masqué de djihadistes assassins).
Version à laquelle adhère globalement, l’ensemble de la jeunesse et les mouvements panafricanistes dont le pouvoir malien apparait désormais, comme le porte flambeau.
Nous vivons des temps ou la désinformation est devenue l’outil principal de manipulation des peuples, et les médias sensés nous aider à apprécier objectivement les contextes, sont (re ?)devenues de simples trompettes des propagandistes des différents camps.
On pouvait présupposer que les peuples peu instruits seraient des cibles malléables. Ils le sont sans doute au Mali et au Sud du Sahara si l’on en croit l’engouement qu’y suscitent les colonels maliens.
Mais les peuples sur-instruits du nord le sont-ils moins, eux qui ne s’interrogent que très peu sur les vérités toutes faites et si peu contestées qui leurs sont servies par une presse qui n’a jamais semblé autant soumise.
Cela m’amène à m’interroger sur qui nous sommes, nous franc-maçon d’Afrique, et spécifiquement, d’Afrique Francophone. Et comment sommes nous perçus dans nos contextes nationaux.
Deux catégories principales sont à distinguer :
Les Loges souchées continentalement
Les loges affiliées aux obédiences françaises
Lespremièressontperçuescommeintimementliéesauxpouvoirs en places. Souvent dirigées depuis le Palais par des Présidents Grands Maîtres ou à tout le moins élevés de leur initiation au 33e dans un très bref laps de temps.
Souvent aussi, hauts lieux de dirigeants indétrônables, de coups bas internes, et coups douteux dans le monde profane.
Bien sûr qu’il s’y trouve des Frères vertueux qui cheminent laborieusement vers la lumière, mais leur image se dilue dans celle négative projetée par les autres, qui sont malheureusement, ceux que l’on voit.
Comment espérer que ces Frères soient audibles ? Et qui les écouteraient ?
Les coups bas internes y prospèrent parfois, sous couvert de démocratie, et si les coups douteux profanes y semblent moins fréquents, ils sont déjà trop nombreux pour ne pas nuire à l’image d’hommes vertueux à laquelle nous prétendons.
Là aussi, comment espérer être audibles ? Et qui les écouteraient ?
À ces images négatives dont nous sommes nous-mêmes responsables, vient se rajouter, pour tous, une forte odeur de soufre, répandue à notre propos par les églises et les confréries religieuses, relayées par les gueux d’une certaine presse pour exciter les sottes foules crédules.
Comment donc espérer être audibles ? Et qui nous écouterait ?
Nous voilà donc bien loin d’être de ceux qui pourraient faire valoir la raison et rappeler l’universalisme dans notre époque et dans nos contextes.
Faut-ilrenonceràtenterd’êtrelesponts (actuellement détruits) au sein de nos pays, entre notre histoire ancienne et celle plus récente, entre nos militaires et nos politiciens, entre nos gouvernants et les djihadistes qui les déstabilisent, entre tous ces acteurs et nos peuples qui les subissent ?
Faut-ilserésoudreàneplusêtredeslumières pour jeunes qui tournent leurs colères et leurs rancœurs contre l’ex colonisateur tout autant que contre toute la génération précédente soupçonnée de complicité voire de collaboration ?
Alors nous Frères d’Afrique, serions plus crédibles et plus audibles dans nos pays. Et surement plus écoutés par nos contemporains, qu’ils fussent populations ou dirigeants.
De notre confrère portugais portaluz.org – Portaluz/ Dr. Emília Vlckova
Le Dr Emilia Vlcková est pédiatre. Elle-même a été pendant des années adepte de l’homéopathie, mais elle en connaissait les conséquences. Dans cet article de sa paternité, elle révèle des détails peu connus du père de l’homéopathie. « Je fais cette contribution parce que je voulais souligner l’essence spirituelle cachée de l’homéopathie. Beaucoup de médecins n’en ont aucune idée. »
Il est essentiel de connaître la personnalité et les principaux travaux du Dr Samuel Hahnemann, qui a été celui qui a découvert les principes de cette méthode. Depuis la mort de ce médecin controversé, personne n’a apporté de changements significatifs à ses méthodes de traitement.
Christian F. Samuel Hahnemann était le fils d’un peintre sur porcelaine à Meissen en 1755. Il était un élève très talentueux et eut bientôt l’opportunité d’étudier à l’école du prince Sankt Afra. En plus du français, il a également étudié l’anglais, le grec et le latin à tel point qu’il a pu plus tard gagner sa vie en traduisant (car il était l’un des étudiants les plus pauvres). À l’âge de 20 ans, il a commencé à étudier la médecine à l’Université de Leizpig. Il poursuit ensuite ses études à Vienne pendant deux ans au même endroit que le célèbre docteur Von Quarin. Il fait la connaissance du baron Samuel Von Brukenthal qui l’engage comme médecin de famille et bibliothécaire. Le franc-maçon Von Brukenthal l’a introduit dans une loge maçonnique où il a commencé à l’âge de 22 ans. Il a appris quelque chose sur le déisme (un enseignement qui dit que Dieu existe, qu’Il est la cause originelle du monde, mais qu’Il n’intervient pas dans le développement ultérieur du monde – le monde se développe selon ses propres lois – ndlr). Il termine ses études en rédigeant une thèse dans laquelle il mentionne pour la première fois le fondateur du soi-disant magnétisme animal, Anton Mesmer, personnage bien connu à cette époque. Après avoir terminé ses études, Hahnemann, déjà médecin, s’installe à Hettstedt, puis à Dassau, où il épouse Henriette Kuchler, la fille du pharmacien local. En raison d’échecs dans l’exercice de sa profession, il s’éloigne de plus en plus de la médecine. Cependant, son activité de traduction était passionnée. Lors de la traduction des articles pour Materia Medici du scientifique anglais Cullen, Hahnemann a critiqué la façon dont Cullen comprenait les effets de l’écorce de quinine. mais qu’Il n’intervient pas dans le développement ultérieur du monde – le monde se développe selon ses propres lois – ndlr). Il termine ses études en rédigeant une thèse dans laquelle il mentionne pour la première fois le fondateur du soi-disant magnétisme animal, Anton Mesmer, personnage bien connu à cette époque. Après avoir terminé ses études, Hahnemann, déjà médecin, s’installe à Hettstedt, puis à Dassau, où il épouse Henriette Kuchler, la fille du pharmacien local. En raison d’échecs dans l’exercice de sa profession, il s’éloigne de plus en plus de la médecine. Cependant, son activité de traduction était passionnée. Lors de la traduction des articles pour Materia Medici du scientifique anglais Cullen, Hahnemann a critiqué la façon dont Cullen comprenait les effets de l’écorce de quinine. mais qu’Il n’intervient pas dans le développement ultérieur du monde – le monde se développe selon ses propres lois – ndlr). Il termine ses études en rédigeant une thèse dans laquelle il mentionne pour la première fois le fondateur du soi-disant magnétisme animal, Anton Mesmer, personnage bien connu à cette époque. Après avoir terminé ses études, Hahnemann, déjà médecin, s’installe à Hettstedt, puis à Dassau, où il épouse Henriette Kuchler, la fille du pharmacien local. En raison d’échecs dans l’exercice de sa profession, il s’éloigne de plus en plus de la médecine. Cependant, son activité de traduction était passionnée. Lors de la traduction des articles pour Materia Medici du scientifique anglais Cullen, Hahnemann a critiqué la façon dont Cullen comprenait les effets de l’écorce de quinine.
Grâce à ses expériences, il est venu avec l’homéopathie. Dès lors, il a travaillé sans relâche sur des tâches de recherche pour définir les résultats du nouveau principe de guérison. En 1796, il publie son célèbre essai sur le nouveau principe de découverte des vertus curatives des substances médicinales et mentionne pour la première fois le principe homéopathique similia similibus curentur (comme guérit comme).
Immédiatement après, il y a eu une dispute entre les spécialistes de la médecine scolastique car ils ont catégoriquement rejeté cette méthode de traitement. Malgré sa grande aversion, Hahnemann fit un doctorat supérieur à l’université de Leipzig où il enseignait l’homéopathie depuis 1811. Parallèlement il était médecin généraliste et réussissait à guérir les gens de manière extraordinaire selon les témoignages de ses disciples. Dans son ouvrage “Organon thérapeutique” publié en 1810, il décrit l’origine et la manière de réaliser les principes de son traitement.
À Leipzig, Hahnemann s’est retrouvé mêlé à une discussion sur les pharmaciens en raison de l’administration indépendante de médicaments à leurs patients. Interdit de fabriquer des médicaments, il se rendit à Kothen où il put exercer ses activités de médecine alternative sous la protection du duc. Ici, il a eu une période tranquille dans sa vie qu’il a consacrée au développement de l’homéopathie. Les articles du bulletin de l’empire allemand furent un grand moyen de diffusion de l’homéopathie. L’éditeur de ce bulletin était Rat Becker, un autre franc-maçon.
Malgré son âge avancé, Hahnemann a perfectionné son art de guérir. Il a également étendu le deuxième principe de l’homéopathie au-delà de la limite du mesurable, c’est-à-dire le principe de dynamisation ou d’autonomisation. A cette époque, il recommandait aux gens de ne pas prendre de médicaments mais de “sniffer juste un peu”. Déjà veuf à 80 ans, il épouse une peintre française de 35 ans, Mélanie d’Herville, et ils s’installent à Paris. Ici, ils ont formé un groupe d’homéopathie dans un centre extra-hospitalier. Il mourut le 2 juillet 1843.
Organon de l’art de guérir
En 1810, Hahnemann publie à Leipzig l’Organon of Rational Therapeutics. Plus tard, il a été traduit sous le titre d’Organon de l’art de guérir ou d’Organon de la médecine. Dans cet ouvrage, il a laissé incarner les fondements de la philosophie et de la méthodologie du traitement homéopathique. Dans le prologue de sa sixième édition, il critique la médecine allopathique de l’époque, et propose un nouvel art de soigner – l’homéopathie – c’est-à-dire la méthode qu’il a inventée. Il l’a défini comme une méthode de traitement complètement différente des méthodes allopathiques. Il a affirmé que les maladies étaient causées simplement par un trouble de l’énergie spirituelle qui réactive le corps humain. L’utilisation du bon remède homéopathique peut provoquer un changement dynamique et spirituel et réajuster l’état du patient. Il a administré de petites doses de ses médicaments à ses patients. Il a affirmé que la vieille école, la médecine classique est à l’opposé de l’homéopathie, de la même manière que la nuit s’oppose au jour.
Hahnemann a critiqué les principes de la médecine allopathique parce qu’elle essaie de trouver les causes de la maladie et donc d’éliminer sa cause. Cependant, il a affirmé que la plupart des maladies avaient une origine spirituelle; par conséquent, sa cause ne pouvait pas être connue par les sens humains. Il a insisté sur le fait que les causes des maladies n’étaient pas de nature matérielle. Il considérait même que les observations faites par les anatomistes, les pathologistes et les psychologues étaient toutes l’œuvre de la simple imagination. Il a insisté à plusieurs reprises sur le fait que les causes des maladies n’étaient pas de nature matérielle. Il ne croyait pas au transfert matériel d’une infection, par exemple à une plaie ou à la peau. Il pensait que les opinions sur l’origine et l’essence des maladies étaient incorrectes. Il croyait que la maladie dans l’organisme humain était causée et entretenue uniquement par l’énergie dynamique spirituelle. Hahnemann faisait référence à la sagesse et au bon Créateur qui lui ont permis de découvrir cet art de soigner l’homéopathie. Il pourrait sembler qu’il était un chrétien croyant. Mais quelles sources théologiques se cachent derrière tout cela ?
Si Hahnemann professait le christianisme, alors nous pourrions chercher une justification pour ses théories spirituelles dans la Parole de Dieu, dans les Écritures. Cependant, la vérité est au contraire. Hahnemann a rejeté les bases de l’Evangile, y compris Jésus-Christ. Dans sa lettre à son disciple Stapf (Brief an Stapf, Kothen 1830), il écrit :
« Je considère le fait que nous lisons Confucius aujourd’hui comme un signe important de notre époque. Bientôt je l’embrasserai dans le royaume des âmes heureuses. J’embrasserai le bienfaiteur de l’humanité qui nous guidait sur le droit chemin vers la sagesse et vers Dieu, six siècles et demi avant le rêveur.
Según esas afirmaciones de mal gusto de Hahnemann, ese soñador fue Jesús de Nazaret quien aparentemente no llevó a Hahnemann por el camino recto de la sabiduría, y fue quién quiso luchar al lado de los pecadores y publicanos por el arduo camino del Reino de Dios en la terre. Cet homme de douleur, qui a parlé au brigand sur la croix, est inacceptable pour Hahnemann. C’est en fait une insulte pour ceux qui aiment la sagesse ésotérique (A. Fritsche, “Hahanemann – Die Idee der Homeopatie”, “VI édition, p. 264).
La passion de Hahnemann pour la franc-maçonnerie
Il y a un fait tragique et inaliénable évident : Hahnemann il a construit sa connaissance selon la religion naturelle qui était répandue à cette époque.De sa jeunesse jusqu’à sa mort, il fut un fidèle adepte du déisme susmentionné. Son travail considérable (articles et manuscrits) ainsi que son affiliation précoce à une loge maçonnique révèlent son attitude spirituelle authentique.
Quelle est l’opinion actuelle sur l’Organon ? Aujourd’hui encore, l’homéopathie est pratiquée sur les mêmes principes qu’au temps d’Hahnemann. Les adeptes de cette méthode pensent que leurs opinions sont toujours vraies. Cependant, presque tous évitent les mots métaphysiques de Hahnemann et oublient que sans les idées spirituelles de son fondateur, le fonctionnement de l’homéopathie est incompréhensible. Ils suppriment les explications originales basées sur le spirituel et les remplacent par de nouveaux termes “scientifiques”. Jusqu’à présent, près de deux cents ans plus tard, aucune preuve naturelle ou scientifique basée sur des résultats de recherche n’a été démontrée pour expliquer les principes de base de l’homéopathie.
Essais cliniques et enregistrement de médicaments homéopathiques
Aucun des essais cliniques soigneusement conçus n’a réussi à tester de manière fiable l’efficacité des médicaments homéopathiques. Dans la prestigieuse revue médicale Lancet (vol 344 – 1994), le Dr Reily, homéopathe, a présenté une étude sur l’efficacité des médicaments homéopathiques dans le traitement des rhumes allergiques. Il a affirmé que les médicaments homéopathiques étaient plus efficaces que le placebo. Cependant, dans le numéro suivant de cette revue (vol. 345 -1995), un article a été publié indiquant que cet essai comportait des erreurs importantes qui pourraient complètement fausser ses résultats.
En 2002, le British Medical Journal (vol. 324) a publié un essai clinique randomisé contrôlé en double aveugle par Lewis et al : L’utilisation des puissances ultramoléculaires des allergènes pour traiter les personnes asthmatiques allergiques aux acariens. Deux cent quarante-deux asthmatiques ayant eu une réaction positive aux acariens ont participé à l’essai. Cependant, aucune différence n’a été établie entre les résultats d’un groupe utilisant des placebos et un autre utilisant des médicaments homéopathiques.
En 2003, le British Journal Clinical Pharmacology a publié une étude de Brien, Lewith et Bryant sous le titre : L’homéopathie ultramoléculaire n’a pas d’effets cliniques observables. Il s’agit d’un essai en double aveugle, randomisé et contrôlé par placebo de Belladonna 30C. L’objectif de l’essai était d’établir si la dilution de Belladonna 30C diffère dans ses effets du placebo. Cependant, les résultats n’ont pas confirmé de différence significative entre les deux groupes examinés. Au cours de l’essai, 37 effets indésirables ont été enregistrés, dont deux graves – un mal d’oreille sévère qui pourrait être lié à l’utilisation du médicament homéopathique Belladonna.
Je tiens à souligner que les expériences ci-dessus ont été publiées dans des revues étrangères qui ne sont pas facilement accessibles aux médecins dans leur pratique habituelle. Je n’ai trouvé aucun essai clinique dans les revues médicales slovaques. Dans les travaux de Lullman Pharmacology and Toxicology (Grada 2002) on peut lire : « Un groupe d’experts de la Commission européenne a décidé en 1996 que les médicaments homéopathiques devaient être soumis aux mêmes conditions de test que celles utilisées en médecine scientifique et que leur efficacité et leur innocuité devaient être testées dans les mêmes conditions (études cliniques contrôlées). Cependant, selon le point de vue actuel de nos autorités, le “succès” de certaines méthodes d’importance périphérique (à laquelle appartient l’homéopathie) ne peut être jugé que par le personnel exécutant la méthode respective. C’est un contre-argument qui contredit toute méthode scientifique critique.”
Par conséquent, les médicaments homéopathiques (en apparence considérés comme des médicaments) échouent dans leur attribut fondamental, c’est-à-dire leur efficacité prouvée. Dans les pays de l’Union européenne, les médicaments homéopathiques sont enregistrés même sans une telle efficacité. A l’inverse, dans les pays où l’efficacité doit être prouvée lors de la procédure d’enregistrement (par exemple la Norvège), il n’y a pas de médicaments homéopathiques enregistrés. En Slovaquie, les médicaments homéopathiques ont été enregistrés de 1991 à 1993 à l’Institut de recherche sur les médicaments et sont généralement disponibles en pharmacie. Son efficacité est jugée par l’homéopathe de service….
Point de vue des sociétés médicales professionnelles
Le conseil médical permanent de la Communauté européenne (qui regroupe les organisations médicales des pays de l’UE) classe l’hémopathie comme une méthode dont les principes ne sont pas scientifiquement justifiés. A Belgirate (Italie) en 1992, des dirigeants de sociétés pharmaceutiques européennes avaient une vision négative de l’homéopathie. Sur la base de l’analyse des principes homéopathiques et des études cliniques, de nombreux professionnels des entreprises médicales n’ont pas accepté l’homéopathie comme une méthode amateur déraisonnable. La Société homéopathique slovaque n’appartient pas aux sociétés médicales expertes. L’homéopathie en Slovaquie ne peut être pratiquée qu’en tant que « pratique de guérison ».
conclusion
Lorsque j’ai participé aux stages de formation en homéopathie, je n’étais pas tenu d’avoir un diplôme ou un diplôme de médecine. L’homéopathie n’est pas une discipline médicale d’étude et n’est donc pas couverte à l’université. Cette cure n’est pas une cure lege artis (selon les recommandations des méthodes scientifiques). Si les médecins ne tiennent pas compte des méthodes de guérison scientifiquement recommandées et prescrivent un traitement homéopathique, ils pourraient être poursuivis pour cela. La Société slovaque d’homéopathie accepte officiellement les médecins et les pharmaciens, mais uniquement pour le fait qu’elle souhaite s’établir dans le secteur médical. Mais jusqu’à présent, il n’a pas atteint son objectif (à cause de sa méthode non scientifique).
Je fais cette contribution parce que je voulais souligner l’essence spirituelle cachée de l’homéopathie. Beaucoup de médecins n’en ont aucune idée. Diverses formulations pseudoscientifiques sont utilisées dans les cours de formation : énergie vitale, information, etc. Les médecins qui étudient en profondeur l’homéopathie commencent par pratiquer la méthode EAV, la médecine chinoise, etc. Ils peuvent tomber dans les pièges de l’occulte. Leurs points de vue commencent peu à peu à changer, et il n’est pas facile de s’en affranchir…
Il est des légendes tenaces qui résistent à la vérité historique. L’une d’entre elles est celle qui voudrait faire croire que la royauté a été mise à bas par la Franc-maçonnerie, qu’elle a préparé et fomenté l’état républicain par l’organisation d’un complot ourdi dans ses Loges et qu’elle a donné à la République la devise « Liberté-Egalité-Fraternité ».
Puisque nous somme à Versailles, commençons par chercher à savoir ce qu’est réellement cette mystérieuse Franc-maçonnerie dont on parle tant autour du roi Louis XV, le Bien-aimé, dont on dit qu’elle fourmille de membres autour de la personne royale et dont le roi, ce qui se dit en le chuchotant de bouche à oreille, en ferait même partie !
Parmi les nouvelles formes de comportement social, dont les célèbres « salons » furent la plus connue, apparaît en France au début du XVIIIe siècle une société de sociabilité étrange, celle des Frey Maçons ou Francs-maçons , comme il se dit le plus souvent. Elle serait venue des terres d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande.
Et l’on dit que là-bas des membres éminents de la famille royale en feraient partie ! On ne sait pas encore grand-chose d’elle quand les premières loges se forment en France vers 1725.
On avait entendu dire, qu’il y a une cinquantaine d’années, des militaires des régiments écossais et irlandais se réunissaient dans des réunions très secrètes, appelées « Loges » ; et qu’ils y pratiquaient des cérémonies très mystérieuses.
Mais on ne savait rien de ces réunions. Ils étaient venus renforcer la garde dite « écossaise » du Roy Soleil, avec le roi d’Angleterre, d’Irlande et d’Ecosse, Jacques II Stuart, déchu de son trône, en 1688, exilé en France à Saint-Germain-en-Laye et désireux de le reconquérir.
Mais le roi déchu Jacques II était mort en 1701 après une nouvelle défaite de ses partisans sur le sol anglais ; son propre fils, le prince Charles-Edouard, dit « Bonnie », allait quitter la France en 1748 avec ses régiments après sa défaite définitive dans les marais de Colluden, en Ecosse, le 16 avril 1746. Ce que l’on commence à savoir de cette société anglaise, c’est qu’elle a pour membres des gens de classe sociales élevées ; pas d’ouvriers, de petits bourgeois ni d’artisans. Bizarre cette société : ritualiste (elle a des cérémonies étranges, on dit que ses membres se revêtent de tabliers baroques et s’appellent entre eux « Frères » et « initiés »), très attachée à la hiérarchie mais pas à celle de l’ordre social ; on dit que ses Loges évoquent et exaltent les vertus et les mérites civiques, l’égalité entre les hommes, ou … du moins, entre ses membres, et exhortent les Frères à s’élever à la morale, à la spiritualité et à la philosophie !
Le bon Roy chrétien ferait-il partie de cette société, certes brillante mais mystérieuse par les secrets qu’elle impose à ses membres ? Eh bien oui, le roi Louis XV est initié en 1745. Peut-être, dit-on, sous l’influence toute récente de la belle Mme de Pompadour dont la curiosité était piquée par cette société de gens bien et peut-être en piquait-elle aussi pour certains de ces beaux gens de bien ! Pour se faire recevoir de Franc-maçon, le bon Roy a attendu la mort du cardinal de Fleury, en 1743, car il tenait cette « cabale » en méfiance du fait de son origine anglaise et de la présence de protestants dans ses Loges qui côtoient les bons sujets catholiques, misère ! Ce que l’on sait, de source sûre, c’est que la Loge de Louis XV, existe bien dans le château de Versailles et qu’elle s’appelle « La Loge des Petits Appartements du Roy » ou, en abrégé « La Loge de la Chambre du Roy ».
Elle a été créée le 20 octobre 1745, peut-être pour la réception du Roy. Ce n’est pas tout, il y aussi dans le palais, une autre Loge « La Loge du Roy » ou « Loge Royale », à ne pas confondre avec « la Loge de la Chambre du Roy ».
Et elle aurait même été créée avant 1739, donc avant celle de la « Chambre du Roy » pour permettre à ses proches de pratiquer ce que l’on appelle aussi « l’Art Royal ».
C’est beau ! C’est dire si la Franc-maçonnerie a droit de présence auprès du Roy et jouit naturellement de ses faveurs ! Et qu’y trouve-t-on dans cette Loge ? Les plus grands noms de cette époque et tous très proches du Roy, les ducs de Richelieu et d’Antin, le comte de Noailles, le maréchal de Saxe, les princes de Tingry et de Soubise, ainsi que, il se dit, les ducs du Croÿ et de Luynes, et tant d’autres célébrités encore. Et ce n’est pas tout ! Trois autres Loges se constituent à la Cour pour des Grands de la Cour ; elles portent les noms de « La Militaire des Trois Frères Unis », le 7 septembre 1775, « Le Patriotisme », 17 février 1780 et « La Concorde », le 17 janvier 1782.
En dehors de ces Loges du Château, Versailles bourgeonne de Loges en ville. On en comptait dix avant la révolution. Citons, dans l’ordre chronologique de leur création, celles qui y furent en activité avant la Révolution et dont les noms évoquent de manière si touchante leurs quartier de réunion, leurs buts ou leurs références historiques ou spirituelle : la Loge « La Parfaite Union », fondée en la bonne ville de Versailles, un 24 juin 1747, jour de la fête de Saint-Jean Baptiste, par maître Collandières, tailleur du Roy ;
Une Loge bien connue de plusieurs de nos Frères, « Saint-Louis des Croisades », constituée le 17 ou le 27 juin 1758, en faveur d’un certain Danthiau probablement Louis Danthiau, horloger, dont une pendule était placée dans les appartements intérieurs du Roy, et dont la particularité était que la différence de dilatation de l’acier et du cuivre dont elle était composée la faisait se hausser et baisser une lentille, le balancier pouvant ainsi être utilisé comme thermomètre naturel ;
la Loge « Saint-Jean et Saint-Philippe », fondée le 1er mai 1759, par un certain Crosnier, marchand de bois ; la Loge « Saint Nicolas », créée le 8 octobre 1759 par Jean-François Etienne Bressier duquel on sait pas grand-chose ; la Loge « Saint-Louis-Saint Jean des Frères Réunis », constituée le 20 janvier 1766 en faveur de Jean-Baptiste Arnaud, peut-être le magistrat à la cour d’Aix, venu à Versailles avant la Révolution ;
la Loge « Militaire Écossaise du Génie », fondé elle aussi un 24 juin, celui de 1766, par un certain Etienne-Nicolas Calon, ingénieur des camps et armées du Roi, dont le nom pourrait indiquer qu’elle avait dans ses rangs des militaires écossais ou irlandais (on les appelait alors aussi « écossais »), venus avec le roi Jacques II Stuart se réfugier dans le bon royaume de France, du temps du roi Louis XIV, pour repartir à la reconquête de son trône perdu ;
la Loge « Saint-Jean de la Concorde », constituée en mars 1768, par Jean Bobigny, architecte au baillage de Versailles ; la Loge « Saint-Jean de la Réunion », constituée le 14 février 1782 pour un certain Leleu ; la Loge « Saint-Jean de Mars et Bellone », constituée le 7 juillet 1783, par Maxime du Perrier, maçon de Versailles, inspecteur des « frotteurs » du Château, de son état ; la Loge « Saint-Jean du Parfait Accord », constituée le 9 février 1784 par Joseph-Charles Martigue, agent des troupes suisses et commis de la Surintendance.
Au citer de ces quinze Loges, dont la plupart disparurent dans la tourmente révolutionnaire … avec leurs membres (il y en aura encore beaucoup d’autres créées à partir du XIXe siècle), il est aisé de constater que Versailles fut, avant la Révolution, un foyer actif de Franc-maçonnerie et que cette société avait plus que simple droit de cité dans la ville royale.
Et après Louis XV ? Eh bien, tous les rois de France, pour ne parler que d’eux, puisque nous sommes à Versailles, jusqu’au dernier, furent membres de l’honorable société des Francs-maçons ! Les Bourbons Louis XVI, Louis XVII, reçu comme « louveteau », c’est-à-dire fils de Franc-maçon, le comte de Provence, futur Louis XVIII, initié en 1784, en même temps que son Frère, le comte d’Artois, futur Charles X, Louis-Philippe d’Orléans.
On pense que la Loge dite « Militaire des Trois Frères », prit le nom de « Loge des Trois Frères Unis », après la Révolution, pour remémorer qu’elle réunissait ces trois frères Bourbons de sang et Frères en Maçonnerie. Et puisqu’on parle de sang et de Révolution, la vérité oblige à dire que les Loges furent interdites et les Maçons cruellement persécutés, bien que les Loges aient eu plus de rapports avec la vie morale, spirituelle, sociale ou intellectuelle qu’avec l’action politique.
Ce fut le cas en particulier sous la sinistre Convention de 1793 et cela même avant son régime de la Terreur.
Les gardes suisses de la Maison Militaire du Roi, dont de très nombreux d’entre eux étaient Francs-maçons et avaient une Loge appelée « Guillaume Tell », furent massacrés le 10 août 1792, aux Tuileries et dans les rues adjacentes où ils furent systématiquement pourchassés et taillés en pièces sur place, les survivants furent tués lors des massacres de septembre et le reste, guillotiné ; leur Loge « Guillaume Tell », réveillée après la Terreur sous le nom de « Centre des Amis », si familière à nos Frères, fut dévastée ; les Loges s’endormirent quand elles ne furent pas détruites physiquement et matériellement.
Le nombre de Frères qui furent décapités, dont le Roy Louis XVI et son cousin Philippe d’Orléans, Grand Maître de la Franc-maçonnerie française, royalistes ou simplement parce qu’ils étaient Francs-maçons, fut très considérable. C’est pourquoi, la légende des Loges organisatrices du complot contre la monarchie, remplies d’idéologues impitoyables et de républicains révolutionnaires assoiffés de sang, ne tient pas.
Quant à la devise de la République, c’est la sienne ! De simple « Liberté-Egalité » en 1789, elle fut complétée par « Fraternité », apparue sur les drapeaux des fédérés lors de la Fête de la Fédération, le 14 juillet 1790. Elle ne doit donc aucunement son origine à la Franc-maçonnerie, comme on le prétend souvent.
Aujourd’hui, les Francs-maçons de Versailles sont fiers de porter en eux ce riche patrimoine historique et maçonnique ; et, si l’on appelle parfois « Art Royal » la Franc-maçonnerie, nous autres comprenons et assumons ce que cela veut dire, quelles que soient nos opinions politiques, mais simplement comme hommes respectueux d’un noble héritage, même s’il fut tragique.
A Versailles, Samedi 10ème du IIIème mois de l’an 6014 (V. L.), 10 mai An de Grâce 2014.
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